Conserver l’identité nobiliaire dans la France contemporaine
p. 221-243
Texte intégral
1Qu’est-ce qu’être noble ? C’est à cette question qu’historiens et sociologues tentent de répondre depuis plus d’une décennie. Dans le sillage des études menées sur les bourgeoisies, l’historiographie contemporaine a désormais privilégié les recherches sur les élites traditionnelles comme les noblesses. Saisir ce qui fonde le noyau dur de ces milieux nobiliaires dans une société postrévolutionnaire, à l’échelle européenne, constitue l’un des axes problématiques de la recherche sur les noblesses en Europe (Les noblesses européennes au XIXe siècle, 1988). Les historiens de la France moderne ont alors déployé des efforts importants dans ce sens depuis plusieurs années (Descimon 1999). Les contemporanéistes ont eux aussi pris part à ce renouvellement historiographique, en privilégiant néanmoins le XIXe siècle. Les travaux récents de Claude-Isabelle Brelot (1992 : 615 et s.), Jean-Marie Wiscart (1994), Michel Figeac (1996 : 699 et s.), Natalie Petiteau (1997 : 161 et s.) et Suzanne Fiette (1997) ont permis de mieux appréhender la question identitaire des noblesses, assurant la persistance d’une culture d’Ancien Régime au cœur de la modernité postrévolutionnaire. Avec une plus grande acuité encore, la réflexion se posait pour le XXe siècle au cours duquel la fusion des élites semble fragiliser davantage l’identité nobiliaire (Mension-Rigau 1990, 1994 ; Grange 1996). Un colloque a d’ailleurs récemment envisagé cette problématique sur la longue durée (L’identité nobiliaire, 1997).
2Cette recherche identitaire s’appuie alors sur la transmission d’une mémoire, en particulier lignagère, qui s’effectue à partir d’acteurs et d’espaces spécifiques, mobilisant également les sociologues. La chasse à courre, les sports, les arts constituent des lieux d’expression privilégiés d’une identité nobiliaire qu’il s’agit de conserver à tout prix afin qu’elle puisse être transmise (Pinçon et Pinçon-Chariot 1993 ; Saint Martin 1993 : 23 et s.). Le château en est également un symbole essentiel autour duquel se cristallisent des ambitions et une mémoire familiale qui se perd dans la nuit des temps (Brelot 1996a ; Mension-Rigau 1999). L’éducation et la transmission de valeurs attachées à la culture du second ordre assurent aussi les fondements de cette mémoire nobiliaire. Il sera tenté ici d’en cerner les principaux points d’ancrage. D’autres lieux ont participé à la construction de l’identité noble tels que le goût pour l’histoire et la généalogie à travers les recherches héraldiques. Celles-ci forgent un espace d’autodéfinition de la noblesse qui se trouve relayé par des institutions assurant un pouvoir d’agrégation ou d’exclusion (Texier 1988 ; Brelot 1997). Créée en 1932, l’Association d’entraide de la noblesse française (ANF) répond à cette aspiration grandissante d’une définition authentique des milieux nobiliaires après la Grande Guerre. Une attitude semblable traverse la plupart des aristocraties européennes. L’historiographie italienne a d’ailleurs récemment pris en compte ce processus qui vise à définir les contours des noblesses du premier XXe siècle et les fondements de leur identité1. Deux volets sont ici suggérés, l’un abordant les modalités de la transmission de la mémoire nobiliaire en France au cours du XXe siècle, l’autre s’efforçant de saisir le mouvement de défense de l’identité noble au milieu des années trente à partir de l’exemple de la création de l’ANF2.
LA TRANSMISSION DE LA MÉMOIRE NOBILIAIRE AU XXe SIÈCLE
3Cette approche s’appuie sur des travaux de recherche, consacrés à l’étude de la culture et de l’identité nobiliaires et aux modalités de leur transmission familiale depuis la fin du XIXe siècle, qui ont pour source principale une enquête, menée depuis 1987 auprès de trois générations d’aristocrates et de grands bourgeois nés avant 1914, pendant l’entre-deux-guerres et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale3. Le dépouillement de cette enquête, qui a permis de recueillir 464 récits de vie et a été complété par la consultation d’archives privées, en particulier de mémoires et de correspondances, a amené à une réflexion sur les enjeux que représente, pour la noblesse, la transmission d’un patrimoine de valeurs et de traditions, dans un contexte marqué par les mutations et les bouleversements du XXe siècle. À l’évidence, les nobles continuent à confondre leur identité et leur mémoire, avec une fidélité persistante au principe nobiliaire selon lequel l’appartenance au second ordre s’exprime par l’énoncé de la généalogie. Pour eux, la noblesse demeure, comme l’écrit Georges Duby (1986 : 31-56) « une illustration d’origine ancestrale », et « plus loin » est situé l’aïeul qui le premier a « accumulé le capital de gloire », « mieux assurée elle paraît ». Les fondements de la mémoire nobiliaire seront d’abord analysés puis seront ensuite évoquées les conditions de la transmission de la mémoire dans les familles nobles. Enfin, sera examinée la place, dans l’éducation aristocratique, de cette familiarité avec le passé, caution fondamentale, qui inscrit le discours et les comportements dans une longue continuité.
Les fondements de la mémoire
4La mémoire noble s’appuie sur les repères identitaires que sont le nom, le prénom, le titre, sur certains symboles (les armes, les livrées, les fanfares de chasse), sur des lieux et des objets ainsi que sur des archives et une tradition orale : l’ensemble détermine l’appartenance au lignage, c’est-à-dire à un groupe d’individus qui descendent d’un même ancêtre et ont entre eux des liens de parenté4. Les expressions récurrentes dans les témoignages recueillis comme « porter un nom », « être né », « être de bonne naissance », disent l’importance de l’ancienneté du nom5. C’est lui qui détermine la noblesse, et non l’usage de la particule qui, en France, n’a jamais impliqué la noblesse même si la plupart des familles nobles ont un nom comportant une particule. Les titres importent moins que l’ancienneté et l’illustration du nom, qui fondent la hiérarchie de la noblesse, conformément aux règles de l’Ancien Régime selon lesquelles, comme l’écrit Philippe du Puy de Clinchamps (1962 : 60), « en dehors du titre de duc, les titres ne représentent rien qu’un peu de vanité ». Au sommet de la noblesse, se trouve « la noblesse immémoriale », appelée aussi « noblesse d’extraction », qui rassemble les familles dont « on ne voit point la source », ayant toujours été tenues pour nobles sans que l’on puisse trouver trace qu’aucun souverain leur ait jamais accordé la noblesse. Elles-mêmes sont divisées en deux groupes, la « noblesse féodale » qui regroupe les familles connues à partir du XIe siècle et la « noblesse chevaleresque » qui regroupe les familles dont la noblesse est prouvée avant le XIVe siècle6. En 1991 subsistent 1469 familles (Frémy 1992 : 1222-1233). À l’exception de celui de duc, les titres ont une importance très relative, car même dans les familles de vraie et ancienne noblesse, la plupart des titres de baron, de comte et de marquis ne sont que des « titres de courtoisie », c’est-à-dire des titres autrefois portés à la cour lors de la présentation au roi et à la famille royale, « toute personne reçue à la cour » l’étant « sous un titre, généralement celui de comte, même si elle n’en possédait pas de régulier » (Puy de Clinchamps 1962 : 61). Ces titres n’ont été légitimés qu’au XIXe siècle, sous la Restauration et la monarchie de Juillet : chez les Rougé, par exemple, famille d’extraction chevaleresque dont la noblesse est prouvée depuis 1375, le chef de famille n’est devenu marquis qu’en 1825.
5Les familles nobles subsistantes manifestent aujourd’hui leur souci de protéger les noms et les titres en relevant ou en corrigeant avec précision les erreurs entendues ou lues, et en stigmatisant ceux qui essaient de se donner une apparence de noblesse en ajoutant une particule ou en relevant un nom qui s’est éteint. La consultation du Second Ordre (1947) qui dresse la liste des « vrais nobles », ou du Dictionnaire des vanités (1970-1972) qui dresse celle des « faux nobles », leur permet des vérifications dont elles ne se privent pas7. Ce souci de protéger les noms et les titres incite les familles de la « noblesse authentique » à adhérer à l’Association de la noblesse française, fondée en 1932 et reconnue d’utilité publique le 29 juillet 1967 qui, en 1997, regroupait 2176 familles, soit un peu moins des deux tiers des familles nobles françaises, 3 500 familles environ dont un peu plus de 400 ont été anoblies au XIXe siècle (Frémy 1992 : 1222-1233)8. L’Association comporte une « commission des preuves », exerce un contrôle attentif des titres des nouveaux entrants et suit de très près les publications de modifications de noms qui paraissent au Journal officiel.
6Autre repère identitaire : le prénom. Dans les familles aristocratiques, il est de tradition encore aujourd’hui de reprendre les mêmes prénoms, le prénom du grand-père étant souvent donné à l’aîné des petits-fils. Ces prénoms qui renvoient à un passé familial mythifié, servent à rappeler les origines régionales, le berceau originel de la famille, comme le Dauphiné avec Humbert pour les La Tour du Pin ou les Chaponay, la Bretagne avec Josselin pour les Rohan ou avec Tugdual pour les Rougé ou les Quénetain... Les prénoms ont aussi pour fonction de perpétuer le souvenir d’ancêtres glorieux qui ont durablement marqué la mémoire de la famille et ont rendu celle-ci célèbre à l’échelle nationale. Ils soulignent enfin les liens privilégiés qui unissent certaines familles nobles à l’Église, en perpétuant parfois le souvenir d’un ancêtre qui a fondé une abbaye, a été un généreux donateur ou est devenu un saint : les Sabran-Pontevès comptent parmi leurs aïeux saint Elzéar et la bienheureuse Delphine, les Broglie saint Louis de Gonzague, les Villeneuve sainte Roselyne... Mais surtout, comme le laisse déjà entendre l’usage des prénoms, la mémoire noble possède deux caractéristiques majeures : celle d’être enracinée dans un terroir et d’être mêlée à l’histoire collective.
7Le château familial joue un rôle essentiel dans la persistance de la mémoire car il souligne l’inscription de la descendance dans un lignage. Même s’il n’est ni immense ni luxueux, il témoigne d’une implantation familiale ancienne dans une région que marque, pour certaines familles, l’identité du nom du village et du patronyme, celui-ci pouvant se distinguer légèrement par une prononciation ou une orthographe nobiliaires. Il signifie l’ancrage dans le terroir, la fidélité à un passé et à des traditions.
8La seconde caractéristique de la mémoire noble est d’être arrimée à la grande Histoire. Dans la noblesse, les souvenirs familiaux ont la caractéristique frappante de fondre en une seule l’histoire privée et l’histoire collective. Consultée comme un répertoire familial, l’histoire de France est l’objet d’une véritable appropriation, favorisée par une éducation qui a inculqué très jeune son apprentissage empirique sur les lieux où elle s’est accomplie. Des personnages connus, princes, hommes politiques, hauts dignitaires de l’Église, ont parfois habité le château familial. La beauté naturelle du site ou la réussite architecturale de la demeure ont pu inspirer des artistes. En outre, certaines familles possèdent des collections exceptionnelles de miniatures, d’autographes, de livres aux armes, de portraits réalisés par de grands maîtres ou d’archives qui peuvent constituer une source irremplaçable pour connaître un événement politique ou diplomatique, ou l’histoire d’une région.
9Ces collections familiales de même que le nom d’une rue, un vitrail ou un retable offert à une église par un ancêtre, la tombe d’un évêque de la famille dans une cathédrale, une statue, une plaque commémorative, un bâtiment ayant appartenu à la famille et devenu le siège d’une ambassade, d’un ministère ou d’un musée, ou encore l’utilisation par un écrivain célèbre d’un ancêtre comme source d’inspiration, favorisent l’aisance remarquable avec laquelle les nobles passent, dans leur conversation, du cercle fermé de la famille à celui élargi de la nation, et décrivent l’histoire de France comme une affaire de famille.
10Mais c’est l’évocation de la geste familiale elle-même qui manifeste le mieux le phénomène d’appropriation de l’histoire collective. Si les faits de chevalerie ou la participation aux croisades, qui inscrivent la famille dans la noblesse immémoriale, soulignent l’ancienneté et la gloire du nom, les allusions à un ancêtre ministre, intendant, évêque ou officier rappellent la participation des ancêtres à la conduite des affaires de l’État. Certaines fonctions sont particulièrement valorisées : gouverneur ou gouvernante des princes de la famille royale et, plus fréquemment, page des écuries du roi, preuve forte de l’ancienneté de la noblesse9. Pour marquer l’importance des faits et des personnalités, la mémoire familiale s’attarde sur ce qu’un des enquêtés appelle « les vicissitudes historiques » : les croisades, les guerres de religion, les guerres de Louis XIV, les révolutions de 1789, 1830, 1848, les guerres napoléoniennes, la défense des États de l’Église sous le second Empire, la Commune, les guerres coloniales, la Grande Guerre... L’évocation de ces événements qui voient se succéder l’Ancien Régime, l’Empire, les restaurations du XIXe siècle, la troisième République, souligne la continuité du service de la France quel que soit le régime politique. La mémoire des familles nobles a ainsi deux caractéristiques majeures. Elle établit un constant phénomène de capillarité entre les époques et les générations ; elle définit l’identité par le lignage en enserrant l’individu dans un temps familial qui dépasse toujours le cadre d’une seule génération et donne au passé valeur de référence.
Les conditions de transmission de la mémoire
11Vitale pour assurer la continuité de la famille, la transmission de la mémoire bénéficie, dans les familles nobles, de deux atouts majeurs. Mémoire fixée, ordonnée, analysée, elle est recueillie par les descendants en même temps que des biens matériels dont la transmission, loin d’être reléguée dans le non-dit – comme c’est souvent le cas dans d’autres milieux10 –, est décrite explicitement, au moins sous la forme de la retransmission, comme un devoir imposant à chacun de ne pas laisser à ses enfants moins qu’il a reçu. Par ailleurs, la mémoire est entretenue par des rites, des symboles et des pratiques auxquels l’éducation a la charge d’initier. C’est, en effet, dans le creuset familial, au fil de la vie quotidienne, que s’effectue l’« osmose » qui imprègne l’enfant de l’histoire de ses ancêtres et lui apprend à saisir la portée des détails qui, dans les gestes, le langage, les comportements, les sentiments et les aspirations, signalent l’appartenance au groupe.
12La mémoire s’appuie sur la possession de vieux objets qui vitalisent les souvenirs. Leur fonction symbolique est d’autant plus efficace qu’ils sont demeurés dans le cadre où ils ont vieilli. Les propriétés à la campagne constituent le réservoir de ceux qui sont les plus spectaculaires : portraits monumentaux des ancêtres, trophées de chasse, meubles meublants. Si les appartements en ville, en particulier à Paris, n’ont plus les dimensions suffisantes pour abriter des objets encombrants, on y trouve cependant une même conception du lieu d’habitation qui est celle, selon la notion établie par Pierre Nora, d’un « lieu de mémoire ». C’est dans le salon, conçu pour recevoir et offrir l’image que l’on veut donner de soi-même, de la famille et du groupe, que sont rassemblés les objets les plus beaux et les plus symboliques. Trésors héréditaires, ces objets sont d’autant plus dépositaires de la mémoire familiale qu’ils ont parfois été réalisés par des ancêtres qui s’adonnaient à la sculpture, la reliure, la tapisserie, l’ébénisterie ou la peinture. Les portraits, abondants par tradition dans les intérieurs aristocratiques, rafraîchissent la mémoire généalogique en rendant familiers les visages des aïeux.
13Par ailleurs, la mémoire noble a l’immense privilège de posséder d’importantes archives « pieusement » conservées : chartes, actes de ventes, testaments, textes autobiographiques, lettres... En général, dans ces familles, il s’est trouvé quelqu’un qui a eu le goût, le temps et les compétences nécessaires pour dresser un inventaire des archives, coller au dos des portraits des étiquettes indiquant le nom de la personne représentée, rassembler en un livre, plus ou moins érudit, les éléments historiques importants qui définissent la famille : origines, ancrage géographique, armes et blasons, illustration, alliances. De tels ouvrages constituent, avec les généalogies, les recueils indispensables dans lesquels chaque membre de la famille trouve les repères qui l’aident à se situer dans le maquis des cousinages et des alliances, et à s’orienter dans les réseaux de sociabilité. La fureur de transmettre, d’assurer la continuité, incite à écrire : aménager et publier des textes rédigés par des ancêtres, raconter sous la forme d’une biographie la vie d’un parent au destin édifiant, coucher sur le papier la mémoire orale de la famille, rédiger ses propres souvenirs...
14Les mémoires jouissent dans ces familles d’une faveur exceptionnelle, pour au moins deux raisons11. Ce genre littéraire qui met en scène le groupe et pas seulement l’individu, répond au souci d’illustration du lignage. Alors que l’autobiographie dont le modèle est les Confessions, s’affirme comme un récit intime et justificatif, les mémoires, immortalisées par Saint-Simon et Chateaubriand, font au contraire principalement intervenir le pouvoir social et familial aux dépens du « je » personnel et de l’affirmation individuelle. Descriptifs, évoquant surtout des actes publics, les mémoires parlent autant, sinon plus, des autres que de soi. À la fois « spectacles et commentaires » selon la formule de Pierre Nora (1986 : 372), ils sont, pour l’écrivant, l’occasion de portraiturer le groupe et d’en flatter le narcissisme. Deuxième motif de cette faveur : en rédigeant ses mémoires, l’écrivant donne acte qu’il a fréquenté des gens qui comptent, qu’il a été témoin, de près ou de loin, d’événements destinés à passer à la postérité, et éventuellement qu’il a accompli des actions qui méritent de continuer à vivre dans la mémoire des hommes. Pour l’écrivant, l’enjeu est triple. Il marche dans le sillage de ses ancêtres qui ont pu écrire parce qu’ils étaient proches du trône quand la noblesse fut « curialisée » à Versailles. Il contribue aussi, par son travail d’écriture, à perpétuer la geste familiale qui reste toujours au centre de la culture noble. Enfin, en laissant un exemple, si modeste soit-il, de gloire, véritable ressort de la société aristocratique, il fortifie « le renom » de la famille, terme toujours préféré dans la noblesse à « notoriété », censé désigner « quelque chose de plus temporaire ».
15La mémoire écrite s’enrichit aussi d’une tradition orale qui féconde la culture livresque et dans laquelle intervient un autre facteur de la transmission de la mémoire nobiliaire : l’importance de la sociabilité familiale et des cousinages. Si l’histoire tient la première place dans les bibliothèques, elle demeure un motif dominant des conversations. Les récits familialistes jouent un rôle déterminant dans l’entretien et la transmission de la mémoire. Riches de petits détails, ils donnent plus de consistance aux ombres des ancêtres, les font revivre et créent une « ambiance » qui rend plus facile la remontée dans le passé. Cette ambiance est fortement liée à la qualité de la sociabilité familiale, favorisée par les séjours estivaux qui réunissent toute la famille dans la propriété. L’importance de la tradition orale et du rôle qui lui est dévolu apparaît aussi dans l’organisation, à intervalles réguliers, de grands rassemblements familiaux – phénomène aujourd’hui en pleine expansion – qui regroupent tous les descendants d’un même aïeul. Animés par la volonté de défendre l’identité historique du groupe, mettant en scène la hiérarchie interne des familles, ces événements sont l’occasion de discours, prononcés par le chef de famille, son doyen ou un membre de la famille à la personnalité affirmée, qui célèbrent le désir d’unité et de continuité. Ces manifestations ont pour fonction d’aider à perpétuer les traditions, à familiariser les plus jeunes avec le passé familial et ainsi à effectuer, dès le plus jeune âge, la « transfusion » qui assure la prise de conscience de l’identité et de l’appartenance sociale. Cette prise de conscience progressive, décrite comme étant sans début ni fin, sans effort ni labeur apparents, « vécue, acquise par osmose, graduellement avec le lait de notre mère, tout naturellement », a vocation à développer chez l’enfant l’attachement à sa famille au sens large du terme, c’est-à-dire à des individus, à des lieux, à une vision du monde et à un système de valeurs fondés sur le souvenir. Peu importe, en définitive, que les longs récits des ancêtres soient condensés en quelques phrases à la génération des arrière-petits-enfants, dès lors qu’ils sont synthétisés par la répétition, et qu’ils conservent intacte leur charge affective et symbolique. L’essentiel est que demeure l’envie de se souvenir et la volonté de continuer la transmission séculaire des traditions familiales, indispensables au maintien de l’identité.
La mémoire et l’éducation
16Maîtriser la généalogie familiale, bien connaître les ancêtres, vivre au milieu de leurs souvenirs, constituent ainsi pour la noblesse la donnée initiale sans laquelle l’identité, les façons de vivre et de réagir ne peuvent se comprendre. Le but ultime de l’éducation aristocratique semble ainsi se résumer en un mot clé, récurrent dans tous les témoignages, « le maintien », sciemment utilisé dans son double sens de « maintien de soi-même », c’est-à-dire de son propre corps et de son langage, et de « maintien de la tradition », c’est-à-dire des usages qui relèvent du passé, assurent sa continuité et ainsi montrent la distinction de la naissance.
17Deux éléments caractérisent cette éducation. Elle est d’abord fondée sur une vision du monde qui fait référence à une maîtrise lignagère du temps et qui impose une responsabilité envers les ancêtres et un devoir de transmission envers les descendants. Constitué des apports et des efforts de chaque génération, le patrimoine matériel et mémoriel implique, pour celui qui en est le détenteur, un devoir de conservation et de transmission. L’individu ne se considère que comme « provisoirement dernier » d’une lignée, tissée par ses prédécesseurs pour durer. Les principes d’éducation qui en découlent reposent sur l’idée que l’enfant est un descendant qui, à son tour, devra former d’autres descendants.
18Les échos assourdis du passé se font entendre dans les modes de vie, le choix des références, les idéaux. Sur eux plane le modèle de la société de cour dont les implications apparaissent par exemple dans le goût du pouvoir, de la centralité, de l’ubiquité (l’enracinement local à la campagne est indispensable au prestige d’un nom mais des attaches urbaines, à Paris notamment, sont considérées comme nécessaires), dans un certain type de relations avec le « peuple » restreint au monde rural, exaltant la notion de service, gommant la notion de rapports de classe et renvoyant à la société des trois ordres d’Ancien Régime, dans certaines formes de célébration de la France et de la culture française. L’identité lignagère entraîne aussi des comportements marqués par la fidélité au passé et la frilosité parfois devant l’avenir. Elle inscrit, sinon enferme, l’individu dans une lignée, le rend indépendant de sa fonction et de sa profession, lui impose des modèles familiaux ; elle enjoint d’éduquer l’enfant dans le sens d’une conformité. En théorie, l’éducation aristocratique a pour fonction de développer principalement les potentialités conformes au milieu : élevé à « être pareil que », l’enfant doit s’assujettir à un modèle tout en étant lui-même. Le risque est un certain innéisme et une inaptitude à s’ouvrir à l’altérité, qui s’expliquent par l’absence d’aspiration à la mobilité sociale, toujours liée au désir de promotion sociale, ici inexistant puisque la reproduction à l’identique représente ce qu’il y a de mieux et d’indépassable. Dans cette perspective, la famille aristocratique, habitée par le rêve d’une vie selon la tradition et la continuité, où tout serait programmé, peut apparaître comme le lieu par excellence de la répétition.
19La volonté de maintenir le souvenir d’un ancrage séculaire n’implique pas cependant l’immobilisme. La transmission de la mémoire porte aussi en elle un fort désir d’actualisation susceptible de souligner les capacités de résistance et d’adaptation du groupe. En même temps qu’ils valorisent l’attachement profond aux traditions et la fidélité absolue au passé, les nobles savent qu’il leur est impossible de se contenter de vivre sur un acquis en train de fondre et refusent de rester crispés sur des valeurs anciennes, qui imposent des contraintes et des règles de conduite hors du temps et des réalités économiques et sociales. Aussi mettent-ils en avant les efforts de leur groupe pour ajuster les « normes » héritées du passé aux changements économiques et sociaux. Nombre d’entre eux, par exemple, considèrent que leur milieu a gagné en liberté et en ouverture d’esprit en acceptant de se mêler, d’une manière certes relative, aux autres « élites ». Ils apprécient que leurs petits-enfants ou arrière-petits-enfants aillent à l’école dès leur plus jeune âge, rencontrent des petits camarades venant de tous les milieux et se forment très tôt à une vie dans une société « mêlée ». Ils présentent les alliances avec la bourgeoisie, aujourd’hui plus nombreuses, comme nécessaires au renouvellement de l’aristocratie, impossible désormais par l’anoblissement. Dans le domaine des choix professionnels, l’obligation de reproduire l’identique, qui fait vite surgir le spectre de la dégénérescence, est aujourd’hui largement dépassée. Les jeunes générations abandonnent les exploitations agricoles, se détournent des carrières traditionnelles dans l’armée et, garçons et filles, partent à l’assaut des examens de haut niveau et recherchent les diplômes et les emplois débouchant sur des carrières professionnelles très rémunératrices.
20Face à leurs traditions, les descendants du second ordre apparaissent dépourvus de nostalgie aussi longtemps que les pratiques quotidiennes, le choix d’un métier, les alliances, l’éducation donnée aux enfants s’efforcent de concilier l’inévitable adaptation au présent avec une relative fidélité au passé. Pour continuer à marquer leur spécificité, ils demeurent très attachés à tous les facteurs de stratification qui rendent relative l’homogénéisation apparente des modes de vie. Ils s’efforcent de maintenir leurs modèles, leurs modes de consommation culturelle, leur langage, leurs manières d’être en société et de marquer leurs distances.
FONDER UN « LIEU DE MÉMOIRE » NOBILIAIRE : L’ANF DES ANNÉES193012
21Crainte d’une fusion des élites, conservation d’une mémoire nobiliaire, production d’une culture du second ordre, tous ces éléments ont concouru à la création d’une organisation faisant office de « gardien du temple » et s’érigeant comme un lieu où est préservée la tradition de l’authentique noblesse.
22Cette institution, reconnue d’utilité publique en 1967, rassemble en 1990 plus de deux mille familles, soit environ deux familles nobles sur trois13. L’Association d’entraide de la noblesse française que l’on surnomme ANF depuis ses débuts, se présente aujourd’hui, de manière incontestable, comme le seul moyen permettant de faire reconnaître publiquement ses qualités de noblesse. Elle a désormais autorité en la matière puisque l’adhésion est soumise à une rigoureuse commission des preuves. Par conséquent, appartenir à l’ANF constitue un gage de véritable noblesse qui se veut souvent une démarche fortement symbolique soulignant l’attachement à une culture nobiliaire spécifique au sein de l’univers des élites françaises du premier XXe siècle (Saint Martin 1993 ; Mension-Rigau 1994)14
23Il y a là une profonde volonté de préserver l’identité nobiliaire. Celle-ci est aussi ancienne que la noblesse elle-même. Cependant, l’avènement au XIXe siècle d’une culture bourgeoise empruntant aux pratiques nobiliaires et la fin de la « République des ducs » rendent de plus en plus nécessaire la recherche d’une spécificité de la noblesse (Halévy 1937 ; Michaud 1993). Des travaux récents menés sur les nobles comtois au siècle dernier soulignent cette quête tenace de la mémoire nobiliaire (Brelot 1992 : 797 et s.). Rapidement, le premier conflit mondial marque la fin d’une époque et le regain d’une certaine nostalgie d’« un monde que nous avons perdu ». La noblesse française n’échappe pas à ce sentiment et le cultive dans une certaine mesure. S’amorce alors une longue prise de conscience au sein des milieux aristocratiques afin d’élaborer un processus de « distinction ». L’idée de créer une institution assurant le rôle de « gardien de la mémoire » se manifeste avant 1914 mais se révèle sans succès. Il faut attendre les années trente pour que le projet se réalise.
La persistance de l’Ancien Régime ou la République « anoblissante »
24Malgré les nombreux bouleversements que connaissent les nations européennes au début du XXe siècle, il persisterait selon Arno Mayer encore beaucoup d’éléments traditionnels issus de l’Ancien Régime dans le fonctionnement de la société (Mayer 1983). Devant l’effacement de l’influence politique de la noblesse, il devient urgent de protéger la « surface sociale » de celle-ci à l’heure où la culture bourgeoise tente de s’approprier la distinction nobiliaire. Il faut alors ressusciter une culture d’ordre. C’est précisément le but de la fondation de l’ANF. Le comte Jean de Bodinat qui fut longtemps secrétaire général, le rappelle avec force :
« Quand l’ANF a été créée, il y a plus de cinquante ans, c’était l’idée de quelques amis. En 1932, ou même en 1950, on ne savait pas qui était quoi. La noblesse était devenue une aristocratie, c’est-à-dire une apparence. En 1932, donc, on a pensé qu’il fallait y voir un peu plus clair. On craignait la disparition de la noblesse, sa dilution dans une bourgeoisie titrée, bien-pensante et tout ce qui s’en suit, si on ne lui donnait pas un regroupement, une doctrine. On a essayé, cela a marché. C’est que cela répondait à un besoin, à un intérêt. » (Coustin 1989 : 19.)
25En effet, avec l’installation de la troisième République, la noblesse n’est plus reconnue. En 1872, le Conseil du sceau des titres est supprimé puis, en 1877, le gouvernement cesse de confirmer des titres français et d’autoriser le port en France des titres d’origine étrangère. Depuis la suppression du processus d’anoblissement et des institutions gouvernementales qui assuraient la protection des noms et des titres, l’ancien second ordre a dû établir lui-même sa propre police face aux tentatives de plus en plus nombreuses d’usurpation. Ces dernières, soulignant l’attrait de la particule pour un certain nombre de bourgeois en quête de reconnaissance sociale, se pratiquent en général selon deux méthodes : la rectification d’état civil ou la modification de nom par voie gracieuse sur recours du président de la République ou du Conseil d’État (Puy de Clinchamps 1962 : 109-110). En 1937, deux publications viennent dénoncer ces types d’anoblissements. La première est l’œuvre de Louis Jacob, un avocat parisien, ancien chartiste, qui a recensé au Journal officiel entre 1901 et 1930, toutes les modifications ou adjonctions donnant au nom une allure nobiliaire (Jacob 1937)15. Sur les cent trente-trois personnes identifiées durant l’ensemble de la période, quinze modifications ont eu lieu entre 1901 et 1909, vingt-sept entre 1910 et 1919, soixante-sept entre 1920 et 1929, enfin vingt-quatre pour la seule année 1930. Le mouvement d’accroissement est donc continu et s’accélère même au cours de la décennie 1920 avec deux pointes en 1922 (15) et 1923 (12). La seconde publication dénonçant ces pratiques est à l’initiative de la revue anticonformiste de gauche, Le Crapouillot, qui édite en mars 1937 un numéro spécial sur « vraie et fausse noblesse » sous la direction du journaliste Henri Bellamy 16.
26L’ensemble des articles fustige ces anoblissements de complaisance et cite nombre de cas modifiant les patronymes. Évoquons seulement l’exemple de Franz Wiener, connu comme écrivain sous le nom de Francis de Croisset, autorisé le 31 décembre 1910 à s’appeler légalement Wiener de Croisset. On remarque alors que ce « petit jeu d’anoblissement par voie administrative dure depuis cent trente ans. Il aboutit à ce résultat pittoresque, plus on va, et plus le nombre des “nobles” augmente17. »
27C’est donc bien cette multiplication des usurpations patronymiques qui sera le catalyseur de la fondation de l’ANF. Dès le premier numéro du bulletin de l’Association en janvier 1933, une rubrique spéciale est consacrée au changement de noms à consonance nobiliaire puis, régulièrement, on s’efforce d’avertir les adhérents sur les innombrables tentatives d’escroquerie à ce sujet comme cette annonce parue dans le journal L’Eclaireur de Nice (4 mai 1938) : « Riche étranger demande acheter titre de noblesse, conditions à traiter. Ecrire Ο. Α., 71, avas, Nice »18. Préserver l’identité et la mémoire nobiliaire entre donc dans l’urgence d’une œuvre à réaliser d’autant plus que la crise économique s’abat sur la France en 1931, multipliant les revers et les ruines de nombreuses familles nobles. C’est ce contexte précis qui détermine la création de l’ANF en 1932. Il est explicitement énoncé dans le texte inaugural qu’a élaboré le comité provisoire de l’ANF définissant l’Association comme un « œuvre de justice » et une « œuvre sociale » :
« Œuvre de justice, car nous désirons que le vrai et le faux cessent d’être confondus. Sans nulle vanité, nous estimons injuste que des familles qui, pendant plusieurs siècles, ont consacré leur activité, leur fortune et souvent leur sang, à la plus grande gloire de la France, soient supplantées aujourd’hui par de nouveaux venus qui ne doivent parfois qu’à l’intrigue la situation qu’ils occupent dans la société [...], plus que jamais les noms et les titres sont mis au pillage, [...] jamais les officines généalogiques n’ont été plus nombreuses ni plus achalandées ; [...] les escrocs s’affublent de noms d’apparence nobiliaire pour capter la confiance et se donner des airs de probité. Avec les transformations sociales auxquelles nous assistons, la confusion ne fait que s’accroître et, dans cinquante ans, il sera peut-être bien difficile de distinguer une famille de vieille souche française [...] d’une famille douteuse, qui aura pu s’approprier impunément une fausse généalogie et un faux état civil [...] Efforçons-nous de sauver ce qui reste de ce patrimoine ancestral pour le plus grand bien de la France et de la civilisation tout entière. » (Bulletin de l’ANF 1933, 1 : 2.)
28Le second objectif de l’ANF réside dans l’œuvre de charité qui doit venir en aide aux familles nobles en proie aux difficultés financières. Pour cela, on souhaite constituer un vestiaire, des prêts d’honneur et une société mutualiste. Tels sont donc les buts précis que s’assigne le comité provisoire lors de l’assemblée générale constitutive de l’ANF du 13 mars 1932 à Paris.
Une institution issue des noblesses provinciales du Sud-Est
29Les objectifs de l’ANF, présentés en 1932, sont rapidement partagés par les représentants des familles nobles de la plupart des provinces françaises. La composition du comité provisoire en témoigne. On y remarque la présence des grandes maisons provinciales19. Cependant, l’idée originelle de l’ANF a émergé en région lyonnaise et plus précisément en Forez. En effet, l’ébauche d’un projet d’association rassemblant les véritables familles nobles de France reste l’œuvre de quatre personnes : le comte Olivier Costa de Beauregard, le marquis Henri Dugon, le vicomte Olivier de Sugny et le comte Guy de Neufbourg.
30Le premier (1872-1958) est un ingénieur agronome, passionné d’archéologie, installé en Normandie près de Dieppe à Sainte-Foy, maire et conseiller général, mais surtout originaire de Chambéry, issu de cette grande famille savoyarde, les Costa, d’esprit conservateur et contre-révolutionnaire (Palluel-Guillard 1992 : 35 ; « Noblesses en Savoie », 1998-199920). Son attachement à sa terre natale a toujours été vivace puisque, dès le début du siècle, il devient membre des deux plus importantes sociétés savantes savoyardes, l’Académie de Savoie et la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie. Le deuxième (1893-1975) est un ancien élève de l’École des chartes (1917), devenu responsable administratif au sein des sociétés industrielles Alsthom (Paris) puis Sigma (Lyon). Ses origines familiales se trouvent en Bas-Dauphiné au château de Moidière près de la Verpillière ; il épouse Alix Costa de Beauregard, la fille du précédent, et réside alternativement entre Paris et Lyon21. Le troisième, né en 1904, est un juriste, docteur en droit, conseiller à la Cour des comptes, issu d’une vieille famille forézienne installée à Souternon près de Saint-Germain-Laval. Enfin, le quatrième est un propriétaire foncier, installé non loin de la famille de Sugny, au château de Beauvoir, à Arthun près de Boën en plein Forez (Sugny 19 9 2 : 1122). Ce dernier est incontestablement la cheville ouvrière dans la fondation de l’ANF puisque c’est chez lui, le long du canal bordant sa propriété familiale, que les statuts de la future association ont été ébauchés23. Il convient de s’attarder quelque peu sur ce personnage.
31Né à Beauvoir, Guy de Neufbourg (1888-1986) développe le domaine agricole paternel en s’orientant vers l’élevage de bovins charolais et en restaurant celui des carpes royales dans les étangs foréziens. Monarchiste légitimiste, proche du syndicalisme agricole de l’Union du Sud-Est, il prend en charge les intérêts de l’Écho du Forez, un hebdomadaire conservateur de Montbrison24. En 1913, sa passion pour l’histoire le fait entrer à la Diana, vieille société savante historique et archéologique, la plus importante de la région. La même année, il épouse à Riga Thérèse Zamoyski, une descendante des plus grandes familles de Pologne (Paris 1978 : 102-103 et 150-154 ; Brelot, dans ce volume). Au lendemain de la guerre où il a été gravement blessé, il devient un médiéviste de renom et un érudit local en dépouillant les cartulaires du Forez. Ses travaux sur le monde paysan et le régime féodal lui vaudront d’être nommé membre correspondant de l’Institut en 1952 (Neufbourg 1923, 1929, 1939, 1945 ; Mélanges offerts au comte de Neufbourg 1942)25. Il réussit notamment à publier les Chartes du Forez réunies en une vingtaine de volumes avec le concours de Georges Guichard, adjoint au maire de Feurs, apparenté aux fondateurs des magasins Casino à Saint-Etienne, et d’Édouard Perroy, médiéviste et professeur en Sorbonne (Perroy 1976-1977). Guy de Neufbourg est alors devenu dans les années trente un spécialiste du droit féodal et nobiliaire. C’est à lui et à Édouard Perroy que revient la rédaction d’une chronique régulière consacrée dans le Bulletin de l’ANF l’héraldique et à la généalogie. De telles connaissances l’amènent également à rédiger le chapitre relatif aux origines de la noblesse dans l’ouvrage dirigé par le vicomte de Marsay, lui aussi propriétaire foncier en Touraine et érudit local, qui détermine certaines règles du droit nobiliaire dont l’usage sera en vigueur au sein de la commission des preuves de l’ANF (Marsay 1932).
32Esprit sourcilleux, il a en lui le vif désir de fixer de manière rigoureuse les principes de définition de la noblesse en ces temps où fleurissent de partout les noms à particule. D’autre part, il souhaite mettre les châteaux de Saint-Marcel d’Urfé et de la Bâtie d’Urfé, dans la plaine du Forez, à la disposition des nobles âgés, peu fortunés ou malchanceux. Ce projet reste lettre morte mais les idées sont là : défendre l’identité nobiliaire et assurer une entraide. Les contacts s’établissent avec le vicomte Henri de Marsay et le comte Olivier Costa de Beauregard qui donnent leur assentiment. Ce dernier demande à son gendre, le marquis Henri Dugon installé à Lyon, de venir au château de Beauvoir en Forez échanger sur ce projet. La discussion est riche puisqu’elle aboutit à la conception de la plus grande partie des statuts de la future association dont la rédaction est confiée à des personnes voisines, compétentes en matière juridique et historique, en l’occurrence le forézien Olivier de Sugny (juriste), le dauphinois Henri Dugon (ancien chartiste) et le lyonnais Guy de Valous (bibliothécaire à la faculté de droit de Paris puis conservateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève) (Valous 1973 ; Sugny 1992 : 84)26. En outre, il reste à contacter toutes les personnes susceptibles « d’être intéressés par les idées de tradition, de service du pays, d’entraide, de conservation des archives familiales, sans négliger les mises en garde contre les escrocs » (Sugny 1992 : 12). Pour cela, il est rédigé puis envoyé un texte à caractère général développant ces principaux aspects et les conditions d’accession27. Les réseaux relationnels sont alors largement utilisés28. L’écho reçu semble favorable et les adhésions de principe arrivent en nombre. Une réunion préparatoire est instituée le 12 mars 1931 au cours de laquelle est constitué un comité d’organisation pour la première assemblée générale prévue l’année suivante à l’hôtel du Palais à Paris. L’ANF est alors lancée. Elle apparaît donc comme l’œuvre d’une nouvelle génération de nobles provinciaux, la trentaine pour la plupart, exerçant des professions de tradition nobiliaire mais parfois aussi novatrices, possédant une résidence parisienne dans les beaux quartiers29. Ainsi, l’enracinement local, notamment en Forez, qui a permis la gestation d’une œuvre de mémoire collective, contribuera également à son expansion nationale.
Rayonnement national et enracinement provincial
33L’assemblée générale du 13 mars 1932 réunit une centaine de personnes. Le comte Olivier Costa de Beauregard fait office de président même s’il n’en possède pas le titre. Le marquis Dugon accepte les fonctions de secrétaire général, le vicomte de Sugny devient trésorier et le comte Robert de Roton, ancien officier, originaire de l’Aquitaine, fait office d’archiviste. Reste à choisir un nom. Après plusieurs hésitations, le comité provisoire décide en juin 1932 d’établir la déclaration d’association sous le qualificatif « Association d’entraide de la noblesse française ». Le siège est alors installé au domicile du marquis Dugon dans le 16e arrondissement. Rapidement, ce lieu s’avère insuffisant. La multiplication des dossiers d’adhésion et l’installation d’un vestiaire pour les personnes dans la gêne nécessitent de l’espace. La comtesse de Sugny prête son appartement du boulevard Haussmann durant trois ans jusqu’à la veille de la guerre. Enfin, un local est loué en avril 1939 au 6, avenue du Coq, près de la gare Saint-Lazare. Il faut encore nommer un président puisque le comte de Neufbourg ne souhaite pas exercer cette fonction, se trouvant le plus souvent retenu dans le Forez par son domaine agricole et ses étangs. Ce dernier réussit à convaincre son ami le duc Antoine de Lévis-Mirepoix, homme de lettres et originaire de Gascogne, qui est élu en 193430.
34Un an après sa fondation, l’ANF s’est donc dotée d’une structure solide, organisée autour de personnes compétentes en droit nobiliaire et entièrement dévouées à la cause de la noblesse. En 1933, les adhérents seraient près de trois cents31. Les effectifs qui ont pu être reconstitués, enregistrent en mai 1939 plus de sept cents adhérents et environ quatre cent cinquante familles agrégées.
35La progression s’avère donc particulièrement rapide puisque le nombre de membres a quadruplé entre le moment de la fondation et la déclaration de la Seconde Guerre mondiale avec un rythme continu d’un doublement tous les trois ans. Quant au nombre annuel de familles agrégées, celui-ci s’accélère à partir de 1935 avec une pointe en 1938. Par ailleurs, près du quart des familles adhérentes à l’ANF en 1990 le sont déjà en 1939, c’est dire le succès rapide que rencontre cette organisation au sein de la noblesse française. Dès 1935, il est par conséquent devenu nécessaire d’établir un annuaire afin de favoriser l’interconnaissance entre les nouveaux membres32.
NOMBRE D’ADHÉRENTS ET DE FAMILEES AGRÉGÉES À L’ANF (1933-1939)
Années | Nombre d’adhérents | Nombre de familles |
1933 | 164 | 44 |
1934 | 267 | 51 |
1935 | – | 69 |
1936 | 366 | 71 |
1937 | 411 | 52 |
1938 | 624 | 111 |
1939 | 719 | 46 |
Total | – | 444 |
Sources : Recueil des personnes ayant fait leurs preuves devant les assemblées générales (1933-1954), Paris, ANF, 1954 ; Annuaire ANF, 1991
36Si l’entraide apparaît officiellement comme la principale raison d’être de l’ANF, il lui faut un budget en conséquence. En 1938, les recettes se montent à 78 491 francs dont 23 403 proviennent des cotisations (vingt-cinq francs en moyenne) et les dépenses sont de 50 942 francs sur lesquelles 27 298 sont consacrées à l’entraide ; cette part était de 1 400 francs en 1934, 2 700 en 1935 et 8 700 en 1936 (Sugny 1992 : 39)33. Au fur et à mesure que l’Association devient connue, les demandes d’aide se multiplient (Sugny 1992 : 34-36)34. Le comité met alors sur pied plusieurs ventes de charité comme en 1936 à la salle d’Iéna ou en 1938 dans les salons du palais d’Orsay. L’année suivante, ce sont soixante-dix familles qui sont secourues35. Cette augmentation des dépenses d’entraide appelle à une plus grande vérification des qualités de noblesse des personnes aidées. Ainsi, l’adhésion à l’ANF devient l’objet de la toute puissante « commission des preuves » qui se prononce sur les dossiers d’admission suivant les règles édictées par l’article 3 des statuts. L’appréciation sur les qualités nobiliaires des requérants est parfois difficile, voire contradictoire chez certains membres de la commission comme pour le comte Henri de Jouvencel et le baron Pierre Durye (Sugny 1992 : 86)36.
37Le succès que rencontre l’ANF, nécessitant une solide structure, s’appuie essentiellement sur le dynamisme de ses assises locales. En effet, la diffusion des idées de l’Association s’effectue grâce à des personnes fortement insérées dans les réseaux nobiliaires provinciaux. Certaines d’entre elles profitent de la fin de l’été pour réunir dans leur domaine leur relations familiales et amicales. L’initiative est prise par le marquis Antoine d’Albon, délégué régional du comité pour le Lyonnais, Forez et Beaujolais, qui invite le 25 août 1934, le jour de la Saint-Louis, dans sa propriété d’Avauges, tous les membres de l’ANF de la région37. Cette manifestation est renouvelée, l’année suivante, le 26 septembre 1935, à Chevenoux dans la plaine du Forez chez le comte Desvernay. Elle rassemble plusieurs familles de la noblesse locale38. Deux ans plus tard, le 1er septembre 1937, une nouvelle réunion se tient dans les monts du Lyonnais, à Chambost-Longessaigne, chez le comte Vivien de Lescure, propriétaire foncier et conseiller général. Pour la première fois, les enfants sont admis et à cette occasion, le marquis d’Albon prononce une causerie sur le rôle de la jeunesse dans la perpétuation de l’idéal nobiliaire39.
38Ainsi, le berceau de la fondation de l’ANF est également à l’origine de la création des assemblées provinciales. Néanmoins, celles-ci s’organisent à Tours, au Mans et à Versailles sous la houlette respective du vicomte de Marsay et de la marquise de Guercheville40. La croissance de l’ANF passe donc avant tout par cet enracinement local. La vicomtesse de Marsay le rappelle lors de l’assemblée générale de 1938 :
« L’ANF est une grande famille, c’est une élite. La France a besoin d’élites, c’est pour cela qu’a été fondée cette association ; c’est pour cela que nous, les femmes, nous avons fondé l’entraide. Il faut que, dans chaque province, il y ait des délégués et qu’ils créent des groupements. » (Bulletin de l’ANF, 1938, 83 : 92.)
39L’appel est alors entendu puisque de nouvelles assemblées se créent en 1938, notamment en Avignon pour le comtat Venaissin et la principauté d’Orange, grâce aux efforts du comte Charles de Saint-Priest d’Urgel (Vinsobres) et du baron Sébastien du Laurens d’Oiselay (Sarrians)41. Enfin, des délégués sont nommés pour une vingtaine de provinces françaises42. Cependant, l’organisation d’assemblées provinciales n’a pas pris toute sa mesure à la fin des années trente. Le président de l’ANF devra renouveler l’appel lancé en 1938 ; il le fera avec détermination au cours de l’après-guerre :
« Ces assemblées nous seraient précieuses. Elles créeraient une solidarité étroite entre les adhérents, en leur permettant de se réunir plus souvent et de plus près, et rendraient aux provinces leur physionomie et leurs moyens d’expression particuliers, les unirait enfin, en tant que personnalités collectives, au travail général [...]. La tâche des délégués apparaît toute différente. C’est dans leurs chefs-lieux que sera leur action [...], quand il s’agira d’affirmer la personnalité d’une province pour en faire une articulation bien nette de l’ensemble [...]. Pour le moment, et tout en le déplorant, il faut bien constater l’absence d’assemblées locales. En attendant, n’oubliez pas que les provinces remplissent l’assemblée générale où elles ont, quand elles le jugent à propos, toute possibilité de s’exprimer. La plupart d’entre elles ont des représentants au Comité et seul un sixième environ de celui-ci réside exclusivement à Paris. » (Sugny 1992 : 54-55)43.
40La conservation de la mémoire nobiliaire passe donc également par l’affirmation de l’identité provinciale. Ici, la conception de la nation française se démarque nettement du processus révolutionnaire de départementalisation du territoire. La province et la région restent des entités spatiales privilégiées dans la culture nobiliaire auxquelles s’ajoute la primauté de l’attraction parisienne pour les noblesses d’extraction rurale. Le clivage Paris-province qui constitue un élément culturel déterminant dans l’univers de la noblesse française de l’entre-deux-guerres, apparaît au cœur de la structure organisationnelle de l’AN F (Corbin 1992 : 803 ; Saint Martin 1993 : 92 et s., 120).
41Parallèlement, s’affirme la dimension européenne de la noblesse. Elle débute en 1937 avec la création d’une association de la noblesse belge qui rassemble en quelques mois plus d’un millier de membres. À l’occasion de la première assemblée générale (27 avril 1937), sont invités des représentants de l’ANF dont le duc de Lévis-Mirepoix (président) et le comte René de Chérisey (vice-président et ministre plénipotentiaire)44. Des liens privilégiés sont alors tissés avec cette nouvelle association nobiliaire même s’il en existe de plus anciennes comme celle de L’Union de la noblesse russe créée à Paris en décembre 1925 par un groupe de nobles émigrés de Russie45 Il s’agit là davantage d’une société d’originaires contraints à l’immigration. Les relations franco-belges s’éteindront momentanément avec le conflit mondial. Sans véritable engouement, les contacts entre noblesses européennes reprendront à l’heure de la construction de l’Europe grâce à l’impulsion des nouvelles générations qui se réuniront pour la première fois à Paris pendant deux jours en 195746. Cette rencontre entre jeunes nobles d’associations européennes donnera lieu à la tenue d’autres congrès internationaux et à la naissance d’une Commission d’information et de liaison des associations de noblesse d’Europe (CILANE)47. Cette conscience européenne nobiliaire, fondée sur l’Europe des princes et les ramifications des grandes familles aristocratiques, ne rencontera finalement qu’un écho limité parmi les membres de l’ANF dont l’attachement s’enracine beaucoup plus dans la province et la région.
42Enfin, l’adhésion à la foi chrétienne, avant tout catholique, constitue un pilier essentiel de l’identité nobiliaire. De ce fait, l’ANF instaure à partir de 1936 une messe annuelle au mois de mai. À cette occasion, elle fait appel à des prédicateurs nobles de renom comme les jésuites Guy de Broglie (1936), Joseph de Tonquédec (1939) et le bénédictin Paul Grammont (1938) qui prononce une homélie d’essence thomiste sur « le rôle de l’aristocratie dans la société en vue du bien commun ». À l’heure où s’accélère la sécularisation de la France, la religion catholique reste donc un ciment identitaire solide au sein des familles nobles du premier XXe siècle. Celles-ci la considèrent encore comme partie intégrante du patrimoine nobiliaire suscitant toujours vocations religieuses et engagements charitables48.
43En devenant un « haut lieu » de la mémoire nobiliaire, l’ANF a donc réussi à préserver les noblesses provinciales de leur enfouissement dans la France bourgeoise mais aussi à participer au mouvement de nationalisation des élites. Cette crainte de la fusion des élites, très présente sous la IIIe République, a permis au second ordre de se redéfinir dans une société aux principes égalitaires et d’exercer à nouveau une certaine influence au sein des élites françaises (Chaussinand-Nogaret 1991 : 412 et s.). Par conséquent, en s’érigeant comme « lieu de mémoire », l’ANF a contribué à faire de la noblesse un « objet d’histoire ». C’est déjà ce qu’avaient pressenti en 1936 les fondateurs des Annales, Marc Bloch et Lucien Febvre, lorsqu’ils firent appel au comte de Neufbourg, à ses amis (le marquis Dugon) et à la structure de l’ANF pour établir une vaste enquête sur les noblesses (Bloch et Febvre 1936 ; Neufbourg 1936)49. Finalement, dès la fin des années trente, le pari que s’étaient fixés quelques descendants de vieilles familles nobles du Forez, a été gagné.
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
Bloch, Marc ; Febvre, Lucien, 1936, « Les noblesses. Reconnaissance générale du terrain », Annales d’histoire économique et sociale, 8 : 238-242.
Brelot, Claude-Isabelle, 1992, La noblesse réinventée. Nobles de Franche-Comté de 1814 à 1870, Paris, Annales littéraires de l’université de Besançon.
– 1996a, « Le château au XIXe siècle : les reconversions symboliques d’un château sans pouvoir », in Château et pouvoir, Xe-XIXe siècles, Bordeaux, CROCEMC-LHAMANS : 193-201.
– 1996b, « Le syndicalisme agricole et la noblesse en France de 1884 à 1914 », Cahiers d’histoire, 2 : 199-218.
– 1997, « La mémoire héraldique de la ville : armoiries urbaines du XIXe siècle », in La mémoire de la cité. Modèles antiques et réalisations renaissantes, Perugia, Edizioni Scientifiche Italiane : 291-304.
Cardoza, Anthony L., 1999, Patrizi in un mondoplebeo. La nobiltà piemontese nell’Italia libérale, Roma, Donzelli.
Chaussinand Nogaret, Guy (dir.), 1991, Histoire des élites en France du XVIe au XXe siècle, Paris, Tallandier.
Corbin, Alain, 1992, « Paris-province », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, vol. 3.1, Les France, Paris, Gallimard : 776-823.
Coustin, François de, 1989, Gens de noblesse, Paris, Flammarion.
Denis, Michel, 1977, Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècles), Paris, Klincksieck.
Descimon, Robert, 1999, « Chercher de nouvelles voies pour interpréter les phénomènes nobiliaires dans la France moderne. La noblesse, “essence” ou rapport social ? » Revue d’histoire moderne et contemporaine, 46, 1 : 5-21.
Dictionnaire des vanités, 1970, 1972, 1 : DSC, 2 : SEC.
Duby, Georges, 1986, « Le lignage Xe-XIIIe siècle », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, vol. 2.1, La Nation, Paris, Gallimard : 31-56.
Dumons, Bruno (à paraître), « Réseaux identitaires et élites agrariennes. Les administrateurs de l’Union du Sud-Est des syndicats agricoles (1888-1940) », 23e colloque de l’ARF, « Agrariens et agrarismes, hier et aujourd’hui, en France et en Europe », Lyon, 27 au 29 octobre 1999.
Fiette, Suzanne, 1997, La noblesse française des Lumières à la Belle Époque, Paris, Perrin.
Figeac, Michel, 1996, Destins de la noblesse bordelaise (1770-1830), Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest.
Frémy, Dominique et Michèle, 1992, Quid 1992, Paris, Laffont : 1222-1233.
Gotman, Anne, 1989, Hériter, Paris, Presses universitaires de France.
Grange, Cyril, 1996, Les gens du Bottin mondain (1903-1987). Y être, c’est en être, Paris, Fayard.
Halévy, Daniel, 1937, La République des ducs, Paris, Grasset.
Hilaire, Yves-Marie ; Mayeur, Jean-Marie (éds), 1990, Dictionnaire du monde religieux de la France contemporaine, vol. 3, La Bretagne, Lagrée Michel (dir. du vol.), Paris, Beauchesne.
Identité nobiliaire (L’). Dix siècles de métamorphoses (IXe-XIXe siècles), 1997, Le Mans, LHAM.
Imbert, Nath (dir.), 1939, Dictionnaire national des contemporains, 3 vol., Paris, Éditions Lajeunesse.
Jacob, Louis, 1937, État des personnes qui ont fait modifier leurs noms patronymiques (1901-1930), Paris, Saffroy.
Jocteau, Gian Carlo, 1997, Nobili e nobiltà nell’Italia unita, Roma, Laterza.
Lagrée, Michel, 1992, Religion et cultures en Bretagne (1850-1950), Paris, Fayard.
Luirard, Monique, 1972, Le Forez et la révolution nationale, Saint-Étienne, Centre d’études foréziennes.
– 1980, La région stéphanoise dans la guerre et dans la paix (1936-1957), Saint-Etienne, Centre d’études foréziennes.
Marsay, vicomte de, 1932, De l’âge des privilèges au temps des vanités, Paris, Champion.
Mayer, Arno, 1983, La persistance de l’Ancien Régime. L’Europe de 1848 à la Grande Guerre, Paris, Flammarion.
Mélanges offerts au comte de Neufbourg, 1942, Feurs, Fondation Georges Guichard.
Mension-Rigau, Eric, 1990, L’enfance au château. L’éducation des élites françaises au XXe siècle, Paris, Rivages.
– 1994, Aristocrates et grands bourgeois. Éducation, traditions, valeurs, Paris, Plon.
– 1999, La vie des châteaux, Paris, Perrin.
Michaud, Stéphane (dir.), 1993, L’édification. Morale et culture au XIXe siècle, Paris, Créaphis.
Neufbourg, Guy de, 1923, Le régime féodal et la propriété paysanne, Paris, Champion.
– 1929, Le chartier forézien, Montbrison, Brassart.
– 1936, « Les noblesses. Projet d’une enquête sur la noblesse française », Annales d’histoire économique et sociale, 8 : 243-255.
– 1939, Jas Mâcon, Protat.
– 1945, Paysans. Chronique d’un village du Xe au XXe siècle, Paris, Bloud et Gay.
« Noblesses en Savoie » 1998-1999, in L’histoire en Savoie : 132-133.
Noblesses européennes au XIXe siècle (Les), 1988, Rome, École française de Rome.
Nora, Pierre, 1986, « Les mémoires d’État, de Commynes à De Gaulle », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire vol. 2.1, La Nation, Paris, Gallimard : 355-400.
Palluel-Guillard, André, 1992, « Une grande famille de Savoie : les Costa », L’histoire en Savoie, 107.
Paris, comtesse de, 1978, Tout m’est bonheur, Paris, Laffont.
Perroy, Edouard, 1976-1977, Les familles nobles du Forez au XIIIe siècle. Essais de filiation, Saint-Etienne-Montbrison, Centre d’études foréziennes-La Diana.
Petiteau, Natalie, 1997, Elites et mobilités : la noblesse d’Empire au XIXe siècle, Paris, La Boutique de l’histoire.
Pinçon, Michel ; Pinçon-Chariot, Monique, 1993, La chasse à courre. Ses rites et ses enjeux, Paris, Payot.
Puy de Clinchamps, Philippe du, 1962, La noblesse, Paris, Presses universitaires de France.
Rossi, Luigi, 1998a, « La “Rivista Araldica” e la corporazione nobiliare nella prima metà del xx secolo », Nuova rivista storica, 2 : 309-338.
– 1998b, I ceti nobiliari europei nell’Ottocento, Napoli, ESI.
Saint Martin, Monique de, 1993, L’espace de la noblesse, Paris, Métailié.
Second Ordre, 1947, Paris, SGAF.
Sugny, Olivier de, 1992, Histoire de l’ANF, Paris [s.e.].
Texier, Alain, 1988, Qu’est-ce que la noblesse ? Histoire et droit, Paris, Tallandier.
Valette, Régis, 1989, Catalogue de la noblesse française, Paris, Laffont.
Valous, Guy de, 1973, Le patriciat lyonnais aux XIIIe et XIVe siècles, Paris, Picard.
Wiscart, Jean-Marie, 1994, La noblesse de la Somme au XIXe siècle, Amiens, Encrage.
Notes de bas de page
1 Sur la constitution d’espaces nobiliaires italiens autonomes à partir de l’héraldique et de l’Union de la noblesse italienne, voir jocteau (1997), Rossi (1998a, 1998b), Cardoza (1999).
2 Si l’introduction est commune aux deux auteurs, la première partie de ce chapitre est l’œuvre d’Eric Mension-Rigau tandis que la seconde revient à Bruno Dumons.
3 Cette recherche a été menée dans le cadre d’une thèse pour le doctorat d’histoire à l’EHESS, soutenue le 13 février 1993 : La naissance et les valeurs. L’éducation et la transmission des valeurs familiales dans l’aristocratie et dans la grande bourgeoisie de la Belle Epoque à nos jours, publiée dans une version remaniée et allégée (Mension-Rigau 1994).
4 Les fanfares de chasse sont les hymnes des familles qui possédaient un équipage de chasse à courre. Elles étaient sonnées pour annoncer le lancer du cerf ou la curée.
5 Tous les passages entre guillemets sans référence sont extraits des témoignages recueillis au cours de l’enquête.
6 Georges Duby situe « entre le dernier tiers du IXe siècle et le début du XIe » l’apparition en France d’une aristocratie « constituée de lignées, de lignages » qui institue « la mémoire généalogique » comme « armature de sa cohésion » et « soutien de sa prééminence » (1986 : 31).
7 Publié anonymement et diffusé confidentiellement (625 exemplaires), cet ouvrage est en réalité l’œuvre de Henri-Jouglas de Morenas. Philippe du Puy de Clinchamps signale que « les 90 pages de noms » qu’il contient « s’efforcent de donner l’état présent de la noblesse française », mais « contiennent de 15 à 18 % d’erreurs » (1962 : 105).
8 Annuaire ANF, 1997.
9 Car, pour occuper cette fonction, « une noblesse remontée à l’année 1.550 était exigée » (Puy de Clinchamps 1962 : 45).
10 Où « un héritage s’ébruite peu, se raconte encore moins. Avant d’être tabou, il est devenu taisible », écrit Anne Gotman (1989 : 1) étudiant la transmission des biens dans les classes moyennes.
11 Cette réflexion se nourrit de la lecture de la remarquable synthèse de Pierre Nora (1986 : 355-400).
12 Nous voudrions exprimer ici notre vive reconnaissance aux responsables actuels de l’ANF sans qui cette recherche aurait été impossible. Notre gratitude s’adresse en particulier au comte Olivier de Sugny qui nous a fait partager ses réseaux de connaissance et ses précieux souvenirs, à Monsieur Frédéric d’Agay, bibliothécaire à l’ANF, pour son intérêt et son soutien ainsi qu’au comte Jean de Bodinat pour son accueil chaleureux au siège de la rue Richepanse.
13 Annuaire ANF, 1991. Selon les estimations les plus fiables, il existerait en France 3 600 familles nobles en 1959 et 3 500 en 1977 (Valette 1989 : 9).
14 Dans leurs enquêtes respectives, Monique de Saint Martin et Eric Mension-Rigau ont privilégié plusieurs de leurs entretiens avec des personnes membres de l’ANF.
15 Bulletin de l’ANF, 1938, 22 : 47-50 ; 1938, 23 : 107-108.
16 Fondée en 1915, cette revue prend une tournure littéraire et d’avant-garde, groupant des écrivains non conformistes (Mac Orlan, Henri Béraud) et des dessinateurs (Dunoyer de Ségonzac, Rouveyre). Ce numéro spécial s’attache essentiellement à souligner les pratiques d’usurpation de particules et de titres nobiliaires au sein de la bourgeoisie française. Les intitulés des articles sont évocateurs : « Qu’est-ce qu’un noble ? » ; « Les origines de notre noblesse » ; « La particule et les armoiries » ; « Voulez-vous vous faire anoblir régulièrement ? » ; « Les anoblissements par voie administrative » ; « Excursion nobiliaire chez les puissants chefs » ; « La noblesse et la finance » ; « Les mariages de noblesse et d’argent » ; « Les anoblissements du pape » ; « L’Action Française et la noblesse » ; « De quelques truquages nobiliaires » ; « La foire aux titres » ; « Noblesse d’escroquerie » ; « Les titres de noblesse et le visa républicain ». La réaction de l’ANF semblerait plutôt positive lors de la publication de ce numéro puisque ce travail légitime en quelque sorte la raison d’être de l’association (Bulletin de l’ANF, 1937, 19 : 85-96).
17 Bulletin de l’ANF, 1937.
18 Bulletin de l’ANF, 1933, 1 : 10 ; 1938, 24,
19 Bulletin de l’ANF, 1933, 1 : 2. Le comité provisoire élu en 1932 se compose des personnes suivantes : comte Olivier Costa de Beauregard (Savoie) et marquis Pierre-Louis de Luppé (Périgord), vice-présidents ; marquise Yolande d’Albon (Lyonnais) ; vicomtesse de Noailles (Limousin) ; duc d’Auerstaëdt (Bourgogne) ; comte de Gontaut-Biron (Périgord) ; comte Jehan de Hennezel d’Ormois (Picardie) ; marquis Helen des Isnards (comtat Venaissin) ; marquis Alain de Kernier (Bretagne) ; marquis Humbert de la Tour du Pin la Charce (Dauphiné) ; vicomte Henri de Marsay (Touraine) ; comte Pierre de Nétumières (Bretagne) ; comte Guy de Neufbourg (Forez) ; comte Maxime de Sars (Hainaut) ; marquis Bruno de Vaulserre (Savoie) ; comte Henri Dugon (Bourgogne), secrétaire ; vicomte Olivier Ramey de Sugny (Forez), trésorier.
20 Il a donné plusieurs communications à caractère archéologique, notamment lors du congrès de la Société préhistorique de France à Autun en 1907 et du congrès archéologique de France à Caen en 1908.
21 Archives privées Olivier de Sugny.
22 Cet ouvrage, rassemblant les souvenirs du dernier survivant des fondateurs, est particulièrement précieux pour la connaissance de certains enjeux et débats internes à l’ANF.
23 Il est à remarquer la modernité du choix de la structure organisationnelle à partir de la notion d’association telle que le définit la loi républicaine de 1901 alors qu’il aurait été possible de ressusciter un ordre de chevalerie.
24 Imbert 1939, 3 : 403 ; Luirard 1972 : 103 et 100-107 ; Luirard 1980 : 52 et 108 ; Brelot 1996b ; Dumons à paraître.
25 Malgré ses origines et ses convictions, Guy de Neufbourg n’éprouve aucune sympathie pour le régime de Vichy. Comme tous les membres qui ont participé à la publication des Chartes du Forez, il entre dans la Résistance dès novembre 1940 encouragé par ses cousins polonais. 11 abrite dans sa ferme un gros stock de munitions. Arrêté en 1943 par la Gestapo, il est relâché sans avoir fourni de renseignements. Le général de Gaulle ira lui rendre visite en 1948àArthun (Luirard 1972 : 109-113 ; 1980 : 407-479 ; Bulletin de la Diana, 1987,2 : 68-71).
26 Olivier de Sugny présenta en 1934 sa thèse de doctorat en droit sur : Le rôle des clercs en Forez aux abords du XIIIe siècle. Guy de Valous, médiéviste lui aussi, auteur d’une thèse sur le monachisme clunisien en 1935, appartient à une famille consulaire de Lyon. En outre, il publie un ouvrage sur les élites lyonnaises.
27 L’adhésion à l’association nécessite selon ce texte l’obtention de preuves qui consistent en titres prouvant la filiation et la noblesse ainsi qu’une cotisation annuelle réduite à trente francs.
28 Lettre d’Olivier de Sugny, 2b juillet 1994 ; le Bottin mondain et les annuaires locaux ont été utilisés comme complément à l’interconnaissance des personnes.
29 Le marquis Dugon (1893) et le comte de Neufbourg (1888) résident dans le 16e arrondissement ; le vicomte de Sugny (1904) et le marquis de Valous (1891) habitent le 7e arrondissement tandis que le vicomte de Marsay (1892) demeure dans le 8 e arrondissement. Seul, le comte Costa de Beauregard, plus âgé, est né en 1872.
30 Né en 1884 à Léran dans l’Ariège, le duc de Lévis-Mirepoix se consacre très tôt à la littérature. Il publie plusieurs ouvrages historiques et un petit livre en collaboration avec le comte Félix de Vogué sur La politesse, son rôle, ses usages qui sera très remarqué à sa sortie en 1938 dans les milieux aristocratiques parisiens. Il collabore ensuite à des journaux à grand tirage (Paris Soir, Excelsior) et entretient de nombreuses relations avec le Nouveau Monde, notamment le Canada francophone, et la Société des Cincinnati, ordre héréditaire américain créé en 1783 dont les membres sont des officiers descendant de Washington et de Lafayette, sur laquelle Ludovic de Contenson, membre de l’ANF, a consacré un ouvrage important en 1934. Le duc de Lévis-Mirepoix sera reçu à l’Académie française en 1933. Sur la Société des Cincinnati voir Monique de Saint Martin (1993, 124-123).
31 Bulletin de l’ANF, 1933, 2 : 9 ; 1934, 3. Une sociologie des membres de l’ANF peut être effectuée à partir des 4 957 dossiers d’admissions constitués entre 1933 et 1978 dont le dépôt a été effectué aux Archives nationales sous la cote : 13 AS 1 à 136.
32 Annuaire ANF, 1933. Ce document rassemble 264 notices individuelles donnant des renseignements d’ordre professionnel, familial, symbolique et résidentiel sur le modèle des annuaires de la bonne société comme Le Bottin mondain, Qui êles-vous ? Tout-Lyon Annuaire...
33 Bulletin de l’ANF, 1939, 27 : 101.
34 Archives privées Olivier de Sugny.
35 Bulletin de l’ANF, 1940, 8.
36 Henri de Jouvencel, conseiller à la Cour des comptes, issu d’une vieille famille forézienne publia en 1911 L’assemblée de la noblesse du baillage de Forez en 1789. Quant à Pierre Durye, d’une famille bourbonnaise, chartiste (1943), il fut conservateur aux Archives nationales puis archiviste à l’ANF dans les années soixante.
37 Bulletin de l’ANF, 1934, 8 : 98.
38 Bulletin de l’ANF, 1936, 13. Autour du marquis d’Albon, on retrouve les familles foréziennes de Sugny, Piston (Saint-Marcel de Félines), Palluat de Besset (Nervieux), Neufbourg (Arthun), Desvernay (Régny) et celles du Lyonnais des Carets et Jerphanion.
39 Bulletin de l’ANF, 1937, 20 : 109-115.
40 Bulletin de l’ANF, 1937, 19 : 72 ; 1939, 26 : 72.
41 Bulletin de l’ANF, 1938, 23 : 118
42 Ibid : 98. La liste des délégués provinciaux en 1938 est la suivante : comte Maxime de Sars (Picardie) ; marquis Louis de Saint-Pierre (Eure) ; marquis Alain de Sédouy (Manche) ; Madame Xavier de Fontaines (Orne) ; vicomte jacques de Marsay (Maine) ; vicomte Henri de Marsay (Touraine) ; comte de Bar (Berry) ; comte Edouard-Pierre de Waldner (Bourbonnais) ; vicomte Henri de Grimouard (Poitou) ; comte Aymar de Saint-Saud (Périgord) ; contre-amiral Guillaume d’Adhémar (Toulouse) ; marquis Joseph de Thézan Saint-Géniez (Bas-Languedoc) ; marquis Helen des Isnards, comte Charles de Saint-Priest d’Urgel et marquis Géraud de Boysseuilh (Provence, Drôme, Ardèche) ; marquis Antoine d’Albon (Lyonnais) ; comte Amédée de Lur-Saluces (Charolais) ; comte Eugène de Beaurepaire (Bresse) ; comte Alexandre de SaintPhalle (Champagne) ; comte Roland de Montrichard (Franche-Comté) ; Edmond des Robert (Lorraine), comtesse Eusèbe de Brémond d’Ars (Versailles) ; général comte Paul de Montbarby (Oise).
43 Bulletin de l’ANF, 1948, 29.
44 Bulletin de l’ANF, 1937, 19 : 67. Initialement, des associations nobiliaires étrangères avaient pressenti l’ANF pour l’établissement d’une fédération internationale mais l’offre a été déclinée. Sur le rapide développement de l’Association de la noblesse du royaume de Belgique, voir Bulletin de l’ANF (1938, 23 : 81-82).
45 Bulletin de l’ANF, 1935, 9 : 37.
46 Sur les journées de rencontre des jeunes des associations de noblesse à Paris, les.5 et ft octobre 19.57, rassemblant cinq mouvements de nationalité allemande (Vereinigung der Deutschen Aldersverbande), autrichienne (Club Saint-Jean), belge (ANRB), française (ANF) et italienne (Unione della Nobilita Italiana), voir Bulletin de l’ANF (1958, 7.5).
47 Bulletin de l’ANF, 1958 : 7.5. Deuxième congrès international des associations de noblesse d’Europe, Munich, 1958 ; troisième congrès..., Bruxelles, 1959 ; quatrième congrès..., Vienne, 1960. Sur la CILANE, voir Saint Martin (1993 : 30), Mension-Rigau (1994 : 3.5ft).
48 Terre de chrétienté, la Bretagne s’avère un lieu où la foi et la noblesse possèdent des histoires convergentes (Denis 1977 ; Lagrée 1992). Sur l’ensemble des notices consacrées à des personnalités ayant exercé un rôle religieux important en Bretagne entre 1800 et 1962, 12 % d’entre elles concernent des individus nobles (Hilaire, Mayeur 1990).
49 Bulletin de l’ANF, 1936, 13 : 23.
Auteurs
Université de Paris-IV
Centre Pierre-Léon, Centre national de la recherche scientifique, Lyon
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'Europe qui se fait
Regards croisés sur un parcours inachevé
Gérard Boismenu et Isabelle Petit (dir.)
2008
Diffusion des sports et impérialisme anglo-saxon
De l'histoire événementielle à l'anthropologie
Sébastien Darbon
2008
De l'un au multiple
Traduction du chinois vers les langues européennes. Translation from Chinese into European Languages
Viviane Alleton et Michael Lackner (dir.)
1999
Adam et l'Astragale
Essais d'anthropologie et d'histoire sur les limites de l'humain
Gil Bartholeyns, Pierre-Olivier Dittmar, Thomas Golsenne et al. (dir.)
2009