Balliol College, Oxford (fin du xixe siècle-1914) : une élite de gentlemen
p. 139-154
Texte intégral
« OXFORD, CAMBRIDGE, AND BALLIOL »
«At the end of the nineteenth century Balliol men were everywhere in positions of eminence and authority quite disproportionate to their numbers. It was said that there where three institutions in the country, Oxford, Cambridge, and Balliol. The prestige of the College attracted the ambitious from all quarters of the world. The sons of eminent Victorians came there as young men born to the purple; Public Schools reckoned their status by the number of their Balliol scholars.»
1En ce sens,
«Balliol was the creation of its nineteenth-century tutors. For that one period in English History scholarship was regarded as a necessary qualification for power, and in that period the teaching in Balliol was the finest in the country. The dons believed themselves called, not, as in the eighteenth century, to a life of leisure nor, as in the twentieth, to private research and public performance, but to the domestic task of training their pupils.» (Evelyn Waugh 1959: 81.)
2À leur tête, Benjamin Jowett, fellow de Balliol depuis 1838 et classical tutor depuis 1842, élu master du College en 1870 – il le demeurera jusqu’à sa mort en 1893 –, titulaire de la chaire royale de grec à l’université d’Oxford à partir de 1855, et traducteur de Platon, Aristote (La Politique) et Thucydide.
3Sa vision du College est précisément celle d’un « training ground » pour étudiants de valeur, soucieux d’occuper par la suite des positions d’influence en Grande-Bretagne et dans l’Empire : « a nursery of public men », devait écrire son biographe Sir Geoffrey Faber.
4Il encourage, à l’entrée, la compétition entre les meilleurs pour des scholarships et exhibitions « ouvertes », en plus grand nombre.
5Il impose des exigences de travail et de résultats, s’efforce de connaître intimement ses élèves (alumni), et prend soin dans ses tutorials et dans les « reading parties » qu’il organise pendant les grandes vacances à Tummel Bridge, sa résidence d’été, de mélanger l’aristocratie et la bourgeoisie : tout à fait typique de ces réunions un groupe de quatre undergraduates comprenant un athlète, capitaine pendant trois ans de l’équipe de cricket de l’université d’Oxford, deux fils aînés de pairs, dont le comte de Kerry, bientôt marquis de Lansdowne – tous trois formés à Eton –, et un « clever hard-working Scot, educated in Glasgow » (Faber 1957 : 328-329).
6Le but final des études est un First Class degree, de préférence en Literae Humaniores (Ancient Greats, ou « Greats ») : grec et latin, philosophie grecque et histoire ancienne.
7Bientôt, avec Lord Lansdowne, Lord Curzon, Milner, Asquith, Lord Grey et St John Brodrick, la génération étudiante des années 1870-1880 va briller dans la vie politique, A ce moment précis Balliol surpasse Christ Church College (Oxford) et Trinity College (Cambridge).
8Plus largement, l’ampleur de la transformation réalisée par Jowett, à partir d’un College qui était encore, avant lui, strictement anglican et clérical, est attestée par le nombre de nouvelles carrières embrassées par les étudiants de Balliol : la haute fonction publique (le Home Civil Service et l’Indian Civil Service, qui désormais recrutent par concours, le Colonial Civil Service et la diplomatie) attire 26,7 % des nouveaux étudiants (freshmen) de 1880, 30 % de ceux de 1885, 35,5 % de ceux de 18901, les Indian Civil Service probationers constituant la grande majorité d’entre eux, alors même qu’ils sont massivement attirés par Balliol au détriment de Cambridge et des autres Colleges d’Oxford (sur les 255 candidats sélectionnés par le gouvernement britannique entre 1878 et 1885, 51 rejoignirent Cambridge et 161 Oxford, dont 103 choisirent Balliol). John Prest, comparant cette période aux années 1854-1863, en conclut que
«[...] the presence of so many Indian probationers helped to confirm the impression that the College, which was broad-minded in religion, international in composition, and increasingly open as to social class, was also acquiring a distinctive ethos of public service.» (Prest 2000 : 164.)
9Les années 1900-1914, nous le verrons, présentent de ce point de vue – « social openness », « cosmopolitan feel » – une évolution légèrement régressive. De même, John Prest fait remarquer que le nombre d’entrants au College qui sont eux-mêmes fils d’(anciens) étudiants/membres du College – « sons of Balliol men » – passe de 5 à 9 % du total entre les années 1883-1889 et les années 1894-1903 (Prest 2000 : 167). Mais ces variations ne sont paradoxales qu’en apparence et ne mettent pas enjeu la logique d’un système, et on ne devra pas par exemple se montrer surpris que la différence soit particulièrement cultivée alors que les chiffres tendraient à montrer qu’elle est un peu moins sensible.
LE FAIT DYNASTIQUE
« In Balliol Hall I had joined in the first great hammering on the tables to greet Jowett on that Sunday evening in 1891 when he came for the first time after his dangerous illness ; now, on a Sunday evening in 1943, I watched the same greeting to the present Master, as I sat as an Honorary Fellow at the High Table ; with my son, and his sons, David and Dan, by my side–three generations of one family, all members of the College, dining in hall together. » (Lord Samuel 1945 : 296.)
10On doit donc prendre au sérieux une telle manifestation du fait dynastique, même si celui-ci demeure, globalement, minoritaire dans le recrutement des undergraduates du College. Elle témoigne du maintien pour une part d’un mode familial de reproduction, fondé sur la transmission héréditaire de la qualité de membre du College et encouragé par l’institution, personnifiée par le master du College qui, on le sait, décide très librement du choix de ses commoners, souvent après négociation avec les familles et sans s’en référer aux fellows, avec pour seule contrainte un examen d’entrée en lui-même peu discriminant2, et s’assure que les meilleurs scholars, issus des meilleures familles, la choisisse, en concourant pour l’obtention des scholarships et exhibitions fondées par le College. Le College ressemble alors un peu lui-même à une grande famille. L’enseignement, comme l’écrit Evelyn Waugh, devient une « tâche domestique ». L’appartenance au College transcende les divisions partisanes. Lord Curzon, prononçant en 1912 le discours de présentation au College des portraits de ses opposants libéraux Herbert Asquith, alors Premier ministre, et Lord Loreburn, commente ;
«Gentlemen, the first thing that strikes me about this function is its purely domestic character... We do not carry our political differences to the point of obliterating personal friendship or public esteem... We remember only, on such occasions that we are Balliol men, proud of our College and of the men whom it has produced, and who have added honour to the College and lustre to the name of England.3»
11« Life » ajoute Lord Samuel – c’est-à-dire la carrière, professionnelle ou publique – « is one Balliol man after another ». Bien entendu ce dernier aphorisme ne signifie pas, à la lettre, que les réseaux de Balliol suffisent à assurer une carrière, et il est bien difficile d’en étudier le fonctionnement, et donc d’en vérifier l’importance, de manière empirique. Mais l’admission à Balliol est en elle-même une assurance de profits matériels effectifs, et pas seulement de profits symboliques, relativement autonome par rapport aux résultats à l’examen final, qui atteste que le College fonctionne pour une part comme le lieu d’un investissement collectif qui n’est sans doute pas celui de tous ses membres mais certainement celui de ceux qui lui sont associés de manière durable à travers le phénomène dynastique.
12Les Asquith, à partir de Herbert Henry Asquith (Balliol 1870), Premier ministre libéral de 1908 à 1916, forment une véritable dynastie de « Balliol men » : quatre de ses fils (Raymond, tué au front en 1916, Herbert, Cyril et Anthony) et deux de ses petits-fils, dont le fils unique de Raymond, héritier du titre de comte d’Oxford and Asquith – cr. 1925 –, lui succèdent au College ; de même les Grenfell (jusqu’à la mort au combat, en 1915, de Julian l’aîné et Gerald le cadet), les Charteris (Earls of Wemyss), les Brodrick (Earls of Midleton), les Lister (jusqu’à la mort, en août 191.5 à Gallipoli, de Charles Lister, fils unique du 4e Baron Ribblesdale), les Stanley (Barons Stanley of Alderley et Barons Sheffield), les Horner (jusqu’à la mort au front, en 1917, d’Edward Horner, fils aîné de Sir John Horner). D’autres sont des aînés de familles aristocratiques bientôt fauchés par la guerre, comme Auberon Herbert, Baron Lucas, et John Manners, fils de Lord Manners. Quant à Aubrey Herbert, fils cadet du comte de Carnarvon et cousin germain d’Auberon, il choisira Balliol pour son fils unique.
13Ces grandes familles forment un groupe que lient et étendent les relations d’intermariage (au niveau de notre génération, Aubrey Herbert et Mary de Vesci, une Charteris, Raymond Asquith et Katharine Horner, Herbert Asquith et Cynthia Charteris, Arthur Asquith et Betty Manners, Violet Asquith et Maurice Bonham-Carter, un autre « Balliol man »), de fréquentation réciproque et d’amitié, et pour une part seulement, car il y a des exceptions, d’affinité politique. L’aristocratie foncière ancienne y côtoie une aristocratie bien plus récente (William Henry Grenfell, Balliol 1874, 1er Lord Desborough – cr. 1908 –, propriétaire de Taplow Court, Bucks, est issu de la haute banque ; mais son épouse, Ethel, est la fille de Julian Fane, fils cadet du 11e comte de Westmorland) ou en voie de formation (les Asquith, les Tennant), mais la communauté du style de vie et la place éminente occupée par le groupe dans la haute société édouardienne effacent ces différences (Asquith, C. 1968 ; Bonham-Carter 1996).
14Tout naturellement, à Balliol, la seconde génération affirme des dispositions qui pourraient bien constituer le nouveau paradigme aristocratique de l’époque :
«The Balliol generation of my time (Auberon Herbert, Aubrey Herbert, Raymond Asquith) was, I think, the most remarkable in Oxford, only to be paralleled by the brilliant group, containing Charles Lister and the Grenfells, which flourished on the eve of the War. It was distinguished both for its scholars and its athletes, but it made no parade of its distinction, carrying its honours lightly as if they fell to it in the ordinary process of nature. It delighted unpedantically in things of the mind, but it had an engaging youthfulness, too, and was not above high-jinks and escapades.» (Buchan 1940: 52.)
15Raymond Asquith (Balliol 1897-1902), fils aîné de H. H. Asquith, en est la figure éponyme. Un des classical scholars les plus éminents de toute l’université, il réussit aussi un First Class degree en droit, puis est élu fellow de All Souls ; il est capitaine du XI de Balliol, et il rame pour le College ; il préside ses deux clubs les plus sélects, l’Annandale Society et la Dervorguilla Society, auxquel appartiennent les membres des principales dynasties du College4 ; enfin il brille dans les débats de l’Oxford Union Society et en est élu président au troisième trimestre de l’année universitaire 1899-1900 (Hollis 1965 :257).
16Dans les années 1890-1900, l’espace des positions qu’il occupe devient coextensif de la qualité de membre du Balliol College. On hérite de celui-là quand on hérite de celle-ci, même si rares sont ceux qui parviennent à l’investir complètement. Aussi, dans les milieux de la haute société qui affirment des dispositions sociales, politiques et intellectuelles comparables, l’importance du phénomène dynastique ne se limite pas au cercle des Asquith. D’autres dynasties aristocratiques de « Balliol men » se forment ou se perpétuent, mais la continuité, au-delà de la Première Guerre mondiale, n’est pas la caractéristique de toutes. C’est ainsi que cesse la fréquentation du College par les ducs de Bedford après les 10e (1870), 11e (1879) et 12e (1906) ducs ; il faut dire que ce dernier, déjà marqué par son séjour à Eton, ne devait retenir de ses quatre années à Balliol qu’une « experience of devastating home-sickness and boredom » (Bedford 1949 : 72).
17Du côté des plus stables dans l’aristocrahe foncière, les marquis d’Aberdeen, de Lansdowne, les comtes d’Elgin et Kincardine, de Portsmouth, les comtes Peel, les vicomtes Ridley, les barons Henley, Somerleyton, Shuttleworth (mais les 2e et 3e Barons Shuttleworth mourront au combat pendant la Seconde Guerre mondiale sans laisser d’héritiers) et, parmi les baronnets, les Steel-Maitland (Cons.), les Acland et les Verney (Lib.), les Baker Wilbraham, les Hunter Blair, branche cadette des barons Farrer, les Levinge ; du côté des pairs et des baronnets récents, ou encore à venir, les Lubbock, barons Avebury, famille de banquiers, Lord Charnwood (MP et pair libéral), Lord Burnham (propriétaire du Daily Telegraph), Lord Rennell of Rodd (ambassadeur à Rome), Lord Kilbracken (Permanent Under-Secretary at the India Office), Lord Kinross (Lord Justice General of Scotland) et leur descendance, et des familles de politiciens libéraux, les Isaacs (marquis de Reading) et les Samuel (vicomtes Samuel), et les baronnets Jessel.
18Mais plus nombreux peut-être, dans la nobility, sont les pairs qui réservent leur College à leurs branches cadettes ou à leurs cadets pour leur assurer une carrière, et parce que la tentation de Christ Church ou de Magdalen College est plus forte pour les aînés. C’est le cas des barons Ponsonby de Schulbrede, une des branches cadettes des Ponsonby, comtes de Bessborough, et de cadets des Farrer (barons Farrer), Fraser (barons Lovat), Fremantle (barons Cottesloe), Gore (comtes d’Arran), Leslie Melville (comtes de Leven et Melville), Northcote (comtes d’Iddlesleigh), et, chez les nouveaux venus, des Younger (barons Blanesburgh).
19D’autres grandes familles, définies à la fois par leur éminence dans leur sphère d’activité – richement dotées à la fois en capital économique et en capital culturel – et par l’importance de leur capital social, se succèdent à Balliol sur deux ou trois générations. C’est le cas des Benson (banquiers), Milne-Watson (industriels), Wedderburn (avocats), Hobhouse, Amery, BoydCarpenter, Macmillan, Nicolson (hommes politiques), Barrington-Ward (directeur du Times), Knatchbull-Hugessen (ambassadeur), Leith-Ross (Treasury), Niemeyer (directeur de la Banque d’Angleterre), Huxley (biologiste et écrivain), Temple (archevêque de Canterbury), Warre [provost de Eton), Bowlby (premier headmaster de Lancing).
20Il y a enfin les familles de dons de Balliol, les Smith, Hodgkin, Hartley, Cairns, fortement reliées entre elles par de nombreux mariages, qui sont au cœur du mode familial de reproduction.
21On ne peut même pas dire des étudiants de la génération d’avant 1914 issus de ces familles qu’ils forment le deuxième cercle de Balliol, tant les dispositions des uns et des autres semblent en presque tous points comparables (seulement certains d’entre eux, toutefois, ont en commun l’Annandale). L’évocation d’Aldous Huxley (Balliol 1913) leur convient en tout cas parfaitement, si l’on veut bien admettre en même temps qu’il s’agit de la vision familiale du College, vision bien née et bien élevée, harmonieuse et unifiée, qui exorcise par là-même les oppositions que pourrait inspirer la prise en compte des hiérarchies scolaire et sociale existantes :
«Prospects in Canteloup may not please; but man, on the other hand, tends to be less vile there than in many other places. There is an equal profusion at Canteloup of Firsts and Blues; there are Union orators of every shade of opinion and young men so languidly well bred as to take no interest in politics of any kind; there are drinkers of cocoa and drinkers of champagne. Canteloup is a microcosm, a whole world in miniature; and whatever your temperament and habits may be, whether you wish to drink, or row, or work, or hunt, Canteloup will provide you with congenial companions and a spiritual home.» (Huxley 1920: 28.)
RÉINTRODUIRE LA DIFFÉRENCE : SCHOLARS CONTRE ATHLÈTES
22Justement, la relation entre le milieu familial et social d’une part, les études supérieures et l’institution universitaire d’autre part, peut produire une tension qu’exprime bien Raymond Asquith dans les lettres qu’il adresse depuis Balliol à sa mère et à son père :
«You see 1 am a scholar, and the conventional standards of conduct for scholars and commoners are very different–especially at Balliol, which is more or less a forcing ground for scholarship: there is a clique here composed of 3 of the younger dons-bloodless prigs all of them–who want us to live like Turkish women in a harem-brooding over books and entirely segregated from the rest of the world with its taint of convivial frivolity. They were quite scandalised when I began speaking at the Union: public appearances of any sort they consider immodest. Most of the scholars here submit to these unwritten restrictions-a good deal because they can’t help it: they are not only intensely stupid but very dirty, ugly, illiterate and unsociable. Arnold Ward is almost the only exception. Nearly all my friends in Balliol are athletes: they are usually the best fellows, as well as being far more interesting to talk to and live with [...] a naturally clever mind which has had no training is always a much pleasanter thing to meet than the sterile overloaded machine which serves most of these scholars for an intelligence. The result of all this is that I live a bright amusing healthy life which by comparison with the average scholar’s existence might well be described as “fast” if not flagrantly lawless. The Dons are furious at first, and actually had the insolence on one occasion to tell me that I ought to associate more with my fellow scholars; but having found that I always beat the stupid creatures in their own line, they are very friendly to me now.»
23et il ajoute à propos du College :
«[It] is for the most part composed of niggers and Scotchmen: and the prevailing dialect is a compound of Gaelic and Hindustani, which is not easily acquired by the average Londoner...» (Asquith, R. 1987: 33 et 35-36.)
24À lire Asquith, on doit constater que la vision enchantée, où nous voulions voir un réarrangement des valeurs aristocratiques ajusté à l’héritage de Jowett, ne suffit plus car elle laisse certaines questions en suspens. Mais plus importante, en l’occurence, que la revalorisation du pur athlète, être largement fictif à Balliol mais référence commode pour multiplier les effets de désinvolture à l’égard des études et de l’institution, est la dévalorisation complète du scholar (à l’exception de lui-même et d’Arnold Ward, petit neveu de Matthew Arnold et cousin germain des Huxley, également brillant, depuis Eton, comme classical scholar et comme joueur de cricket, futur avocat comme lui, et député conservateur à la Chambre des Communes de 1910 à 1918).
25Elle suppose en effet l’existence, au-dessous de ceux qui partagent la position, et prise de position, de Raymond Asquith, d’un nombre significatif d’étudiants issus des « professional classes » vues comme « professional middle classes », c’est-à-dire comme bourgeoisie plutôt moyenne, avec un fort contingent d’Ecossais (mais très peu d’Indiens, « niggers », en fait), qui intègrent Balliol College, principalement comme scholars et exhibitioners, pour ensuite embrasser les mêmes professions, celles qui offrent sans risque un revenu assuré : les différentes fonctions publiques, en Grande-Bretagne et dans l’Empire, l’enseignement supérieur et l’enseignement secondaire. Ce qui exclut les affaires et les vraies professions libérales comme le barreau, et la politique.
26Elle rejoint alors à peu près les positions de la nobility. Comme le faisait remarquer T. H. S. Escott dès les années 1880 :
«Among the eligible occupations for younger sons of great noblemen are now recognized not only commissions in the army and the navy, Government appointments, stipendiary magistracies and the like, but positions in mercantile and trading houses, sheepfarming, ordinary farming, plantations in the colonies, India, and America. When Dukes are willing to apprentice the cadets of their houses to merchants and stockbrokers, an exemple has been set which it is well should be widely followed.» (Cité dans Cannadine 1992: 392.)
27Respectable est aussi, et sans doute bien au-delà de la Première Guerre mondiale, le Home Civil Service ; sans attrait, par contre, l’Indian Civil Service, avec quelques exceptions liées à une tradition familiale, ou le Colonial Civil Service (Cannadine 1992 : 239-243 et 420-5). Ce propos est d’ailleurs confirmé par l’examen de la situation de carrière des cadets de grandes familles aristocratiques, entre 1890 et 1920 :
« La carrière militaire est toujours la première par ordre d’importance, avec le même souci chez ceux qui l’embrassent d’en gérer la durée, mais sans éviter d’en payer le prix, très lourd pendant la Première Guerre mondiale ; puis viennent le barreau, l’Église d’Angleterre et la diplomatie. Mais une place importante doit aussi être faite aux affaires, par l’intermédiaire des positions occupées dans les conseils d’administration des sociétés anonymes. De plus, certains cadets de l’aristocratie entament une carrière politique. » (Lancien 1994 : 252.)
28Nul doute que l’aristocratie ne puisse ainsi constituer un cas particulier. Mais de toute façon, en ce qui concerne Balliol College, l’opinion d’Asquith demande à être vérifiée.
UN ESPACE SOCIAL HOMOGÈNE : THE HIGHEST CLASSES OF ENGLAND, THE RANK IMMEDIATELY BELOW
29Globalement, les undergraduates de Balliol issus de la nobility (fils de pairs pour la plus grande part et fils de cadets) représentent 3,8 % du total des étudiants membres du College entre 1900 et 1913-19145, les fils de baronnets 1,3 %, les fils de gentlemen 11,4 %, et ceux qui sont issus de la noblesse étrangère 2,3 %, donc un total de 18,8 % pour les « leisured classes », et un peu moins pour la noblesse foncière proprement dite. La noblesse titrée en particulier (pairs et baronnets) est une seconde fois à son zénith après les années 1870-1879 déjà pour la pairie, les héritiers de titres héréditaires étant presque aussi nombreux qu’à Christ Church, le plus aristocratique de tous les Colleges d’Oxford6 Les fils d’officiers de l’armée et de la marine de Sa Majesté sont 3,7 % du total. Les « old professions », l’Église (Church of England et Church of Scotland : 9,6 %, dont une petite minorité seulement, moins d’un dixième, pour l’Église presbytérienne d’Écosse) et le barreau (the Bar : barristers, King’s counsels et juges : 5,3 %) totalisent 14,9 % (pour 1 % de fils de ministres du culte des sectes non-conformistes et un fils de rabbin, et 3,7 % de fils de solicitors).
30La haute fonction publique et la diplomatie représentent 3 % du total (et l’Indian Civil Service et le Colonial Civil Service 4,3 % seulement) ; la critique d’art et les artistes 1,9 % ; la politique (ministres et députés à la Chambre des Communes) 1,5 %.
31Mais c’est le monde des affaires qui fournit à Balliol, pour la première fois, son plus fort pourcentage d’étudiants : 20,1 %, la banque et le négoce dominant – comme on pouvait s’y attendre7 – très largement l’industrie.
32Dans le même temps, les fils d’enseignants, dont une grande majorité appartient au monde universitaire, ne représentent que 8 % du total, et les fils de médecins, ingénieurs, architectes, journalistes, comptables, et cadres administratifs (les « new professions ») 11,2 %. Enfin, les fils de propriétaires-exploitants et de fermiers sont en proportion négligeable (0,9 %), de même que les fils de petits commerçants (0,8 %). Quant aux fils d’ouvriers, ils sont 2,7 %.
33Les scholars et exhibitioners ne présentent pas un profil social très sensiblement différent. Au nombre de 16 en 1900 (30 % des entrants), 12 en 1901 (26,6 %), 23 en 1911 (37 %), ils sont issus dans des proportions comparables – forte – des milieux d’affaires, ou – relativement faible – des « new professions ». Par contre, s’il existe un effet méritocratique, il réside dans la sur-représentation des professions enseignantes, en particulier de l’enseignement secondaire, et il se combine avec l’effet de tradition qui explique la sous-représentation de la noblesse foncière (le fils aîné de Lord Monteagle, pair anglo-irlandais pauvre, et deux fils de gentlemen, dont un seul, un cadet, appartient vraiment à la landed gentry, l’autre venant d’une famille de gentlemen du West End de Londres) et la plus grande place prise par l’Église établie – en fait, à 100 %, par l’Église d’Angleterre.
34Ainsi, l’origine sociale des étudiants de Balliol, et des scholars en particulier, est-elle plus élevée que ne le laissait supposer l’opinion de Raymond Asquith.
35En même temps, si le modèle des carrières ultérieures de ces derniers est plus difficile à saisir, il s’agit pour le moins d’une reproduction élargie, avec de multiples reconversions8 (quand la mort ne vient pas faire son office entre 1914 et 1918). Le futur Lord Monteagle entre dans la diplomatie, à l’exemple de son grand-oncle, ambassadeur à Washington de 1913 à 1918. Mais sa carrière sera moins brillante. Des deux fils de gentlemen, celui qui appartient à la landed gentry (Chute, of the Vyne, Basingstoke, co.Southampton), un cadet, entre dans les ordres et est nommé aumônier-adjoint de Eton College. Il sera ensuite recteur d’une paroisse puis archidiacre. L’autre est reçu au barreau à Londres, puis il exerce la profession d’avocat à Johannesbourg. Il sera nommé King’s counsel en 1927.
36La relation entre le milieu militaire, le Civil Service, l’Indian Civil Service (I.C.S.) et les carrières ultérieures révèle d’étroites imbrications qui pour une part atténuent la netteté de la distinction que nous soulignions auparavant9 Ainsi Sir Hugh Bomford, fils aîné du lieutenant-colonel Sir Gerald Bomford, directeur général de l’Indian Medical Service (I.M.S.), intègre lui-même l’I.C.S. pour faire une carrière qui le conduit aux fonctions de gouverneur des Provinces centrales. Par contre le fils du colonel Reynolds, de l’armée indienne, fait carrière dans la haute fonction publique en Grande-Bretagne. Intéressant aussi est le chemin inverse : Sir Ivo D’Oyly Elliott, fils unique de Sir T. H. Elliott, 1er baronnet, Secretary of the Board of Agriculture, devient haut fonctionnaire du gouvernement de l’Inde avant de prendre une retraite avant terme pour occuper ensuite des positions liées à la politique de réformes institutionnelles menée par le gouvernement britannique dans l’Empire. Il éditera les seconde et troisième éditions du Balliol College Register. Autre cas qui aurait pu, comme le premier, conduire à une complète reproduction, celui du fils aîné de Sir John Lewis Jenkins, membre du Conseil exécutif du vice-roi des Indes, qui avait choisi de préparer le concours de l’I.C.S. mais qui devait trouver la mort en 1917. Enfin, des deux fils d’officiers sans lien avec l’I.C.S., l’un fait une courte carrière dans le Civil Service, l’autre parcourt jusqu’au sommet les douanes indiennes. Au bout du compte les positions dans les différentes hiérarchies sont au moins maintenues, quand elles ne sont pas améliorées.
37L’Église d’Angleterre offre à ses fils d’autres possibilités. Certaines révèlent l’attraction maintenue des champs religieux et intellectuel, d’autres aboutissent au contraire à des professions plus lointaines. William Temple, fils de Frederick Temple (Balliol 1838), archevêque de Canterbury, deviendra lui-même archevêque de Canterbury ; le fils de l’évêque d’Exeter sera grand chirurgien, membre du Royal College of Physicians et du Royal College of Surgeons. Les autres, fils de révérends ordinaires, seront respectivement évêque de Ripon, headmaster de Harrow (A. P. Boissier, de 1939 à 1942), professeur de public school, chercheur en nutrition, lieutenant-colonel puis directeur de département à la chambre de commerce de Londres, et armateur (associé de la firme A. Holt & Co.).
38L’espace des positions occupées à partir du champ des professions intellectuelles (enseignement supérieur et secondaire) présente une grande homologie avec l’espace précédent, sinon que l’on n’observe aucun retour vers l’Église. Fils d’un professeur de mathématiques à l’université d’Edimbourg, Sir George Chrystal sera Permanent Secretary du ministère des Pensions de 1919 à 1941. Quant au fils d’Arthur Sidgwick, fellow de Corpus Christi, Oxford, il rejoint également le Civil Service, mais il meurt au front en 1917. Des deux autres fils de professeurs d’université, un Américain et un Écossais, l’un devient chef du département d’études classiques à l’université de Harvard, l’autre professeur de lettres classiques à Mirin’s Academy, Paisley. Un des fils de professeurs du secondaire continue la tradition paternelle ; le second, Lord Elton, fils d’un professeur de Wellington, la magnifie, comme fellow de Queen’s College et surtout comme secrétaire du Rhodes Trust ; mais le troisième entre dans l’industrie comme directeur de sociétés.
39Les fils d’industriels et de négociants ne continuent pas dans les affaires. La qualité de leurs études à Balliol détermine étroitement leur carrière future. Deux First Class degrees en Literae Iiumaniores, un First en histoire moderne et un First en sciences naturelles conduisent à un fellowship à University College, à deux chaires de professeur à l’université de Toronto et à la fonction de Vice-Chancellor de l’université de Leeds ; un First aux Classical Moderations, avant une interruption d’études due à la guerre, au journalisme. Un Second Class degree en histoire moderne au Civil Service, un Second en sciences naturelles (physiologie) à la chirurgie. Une carrière atypique enfin, celle d’un Rhodes scholar américain, Carl Haessler, élève de A. D. Lindsay, qui réussit son B. A. (Literae Humaniores) avec un Third Class degree seulement : revenu aux États-Unis à la veille de la Seconde Guerre mondiale, comme assistant de philosophie à l’université d’Blinois, il s’oppose à l’entrée de son pays dans le conflit, fait de la prison, travaille pour la presse socialiste et syndicale, collabore avec Sinclair Lewis, et dirige le Councilor, journal du Congress of Industrial Organizations (C.I.Ο.).
40Enfin, les deux fils d’ouvriers (3,5 % des scholars et exhibitioners) embrassent des carrières de professeurs du secondaire, l’un à l’Academy de Glasgow, l’autre à Abingdon School, une minor public school.
41Le modèle global des carrières est infiniment plus clair. À l’évidence, la classe foncière et les milieux d’affaires se professionnalisent en partie. À l’inverse les « new professions », ingénieurs, architectes, experts-comptables, et même la médecine, disparaissent presque complètement, de même que l’armée (mais Balliol n’a pas de vocation militaire). Quatre grands blocs dominent (sans toutefois empêcher de brillantes reconversions dans les affaires) : l’Église anglicane (à l’exclusion des autres), le barreau (on compte à l’inverse un très petit nombre de solicitors), les différentes catégories de la haute fonction publique (si ceux qui servent en Inde sont toujours plus nombreux que les autres en 1900 et 1901, ils sont devenus minoritaires en 1906, 1907, 1910 et 1911) et les professions de l’enseignement. Ce sont aussi ces professions qui attirent les étudiants venus de l’Empire et des États-Unis et qui y retournent après avoir obtenu leur B. A. à Balliol. Quant aux Écossais, ils rejoignent les universités et le barreau d’Écosse, ou intègrent l’Indian Civil Service.
42Encore ce modèle doit-il intégrer une forte mobilité intragénérationnelle, concernant la majorité des meilleurs étudiants (first and second class honours graduates) en histoire – c’est-à-dire la discipline la plus importante, avec les études classiques – du College, révélatrice en particulier des liens et amitiés établis à Oxford et perpétués en réseaux permettant de nombreux passages de la haute administration intérieure, diplomatique et impériale au monde des affaires, au barreau (the Bar), à la justice et à l’administration coloniales, et de l’église (paroissiale) à l’enseignement en Grande-Bretagne ou à l’étranger (Soffer 1994 : 185-192).
43Il convient sans doute de citer un peu longuement Matthew Arnold. Ce sont Charles Sumner et lui-même qui donnent de la hiérarchie sociale la vision la plus à même de faire comprendre le rôle que Balliol College joue dans la reproduction de celle-ci, en épousant d’autant plus des valeurs qui lui sont propres, celles d’une éducation accomplie, où la bienséance, le raffinement des manières et le goût cultivé le disputent au seul savoir, que l’idéal du gentleman reste plus proche de l’idéal aristocratique :
«Only I give to the term aristocratic a rather wide extension. An accomplished American, much known and much esteemed in this country, the late Mr. Charles Sumner, says that what particularly struck him in England was the large class of gentlemen as distinct from the nobility, and the abundance among them of serious knowledge, high accomplishment, and refined taste–taste fastidious perhaps, says Mr. Sumner, to excess, but erring on virtue’s side. And he goes on: “I do not know that there is much difference between the manners and social observances of the highest classes of England and those of the corresponding classes of France or Germany; but in the rank immediately below the highest–as among the professions, or military men, or literary men–, there you will find that the Englishmen have the advantage. They are better educated and better bred, more careful in their personal habits and in social conventions, more refined.” Mr. Sumner’s remark is just and important; this large class of gentlemen in the professions, the services, literature, politics-and a good contingent is now added from business also–, this large class, not of the nobility, but with the accomplishments and taste of an upper class, is something peculiar to England... It is aristocratic in this sense, that it has the tastes of a cultivated class, a certain high standard of civilisation.» (Arnold 1878: 218-219.)
LES PUBLIC SCHOOLS, BALLIOL COELEGE ET L’IDÉAL DU GENTLEMAN ANGLAIS
«All College institutions are elaborate schemes to make the Hon. So-and-So, Eton and Balliol, get into the same set as John Smith, Peckham Board School (A. D. Lindsay, fellow, 1906 – et master de Balliol College, 1924-1949).
My ideal is that we should get the best men (in several ways) from the Public Schools and let them mix up with the intelligent men from Birmingham, etc. That would be the best thing for both sets (F. F. Urquhart, fellow de Balliol College, 1896-1896-1934).» (Scott 1971: 46-47.)
44Il ne nous semble pas que l’on ait jusqu’ici fait remarquer, à l’exception, en termes plus généraux, de G. Kitson Clark, dans un chapitre de son livre sur l’Angleterre victorienne très justement intitulé « The New Politics and the New Gentry », à quel point les objectifs ainsi poursuivis par un grand College d’Oxford comme Balliol au début de ce siècle étaient la répétition du programme éducatif porté en 1864 au crédit des neuf grandes public schools de l’époque et des « schools modelled after them » par le rapport de la Clarendon Commission. En premier lieu, sans aucun doute, en assurant « the maintenance of classical literature as the staple of English education ». Mais surtout en faisant rejouer à l’institution universitaire le même jeu social déjà assigné aux public schools anglaises, qui gardent la maîtrise du jeu dans et par le maintien des hiérarchies existantes (17,9 % des étudiants de Balliol entre 1900 et 1913-1914 sont originaires de Eton, 16,6 % des autres « Clarendon schools » qui comptent, c’est-à-dire Rugby (6,4 %), Harrow (4,3 %), Winchester (4,1 %) et Charterhouse (1,8 %), et 23 % des « schools modelled after them », avec, dans l’ordre, Marlborough (3 %), Clifton (2,6 %), Wellington (2 %), Dulwich (1,8 %), Repton (1,8 %), Bradfield (1 %), puis, à raison d’entre 4 et 5 anciens élèves chacune, Uppingham, Haileybury, Cheltenham, Malvern, Radley, et les public schools catholiques de Stonyhurst et Downside ; avec 1,7 % du total, St. Paul’s reste un peu à part, car bien que faisant partie du groupe des neuf « Clarendon », c’est une day school de Londres, dont les frais de scolarité sont relativement peu élevés), tout en y intégrant pour une part de nouveaux acteurs (« the intelligent men from Birmingham, etc. »). D’ailleurs ces derniers sont en définitive peu nombreux (entre 10 et 20 %), y compris parmi les scholars, si l’on tient compte de la présence à Balliol d’un nombre important d’Écossais venus directement d’Écosse et de Rhodes scholars américains et des Dominions10
«It is not easy to estimate the degree in which the English people are indebted to these schools for the qualities on which they pique themselves most-for their capacity to govern others and control themselves, their attitude for combining freedom with order, their public spirit, their vigour and manliness of character, their strong but not slavish respect for public opinion, their love of healthy sports and exercise. These schools have been the chief nurseries of our statesmen; in them and in schools modelled after them, men of all the various classes that make up English society, destined for every profession and career, have been brought up on a footing of social equality, and have contracted the most enduring friendships, and some of the ruling habits of their lives; and they have had perhaps the largest share in moulding the character of an English gentleman11»
45À plus forte raison Balliol College est-il, comme l’écrivait Sir Geoffrey Faber, « a nursery of public men ». Sa vertu intégratrice assure qu’une toute petite élite sociale, virtuellement élargie, à travers le recrutement de quelques-uns de ses meilleurs éléments sur le plan scolaire, issus d’une poignée de day schools urbaines et, pour les Écossais, des universités écossaises, à l’ensemble des élites locales de quelques grandes villes comme Birmingham, Manchester et Liverpool, et surtout Edimbourg et Glasgow (mais pas Leeds, Sheffield ou Newcastle), revienne sur le devant de la scène transformée en élite naturelle par une série d’opérations symboliques qui la représentent de manière très caractéristique comme un microcosme de la société et comme l’expression accomplie du génie du peuple anglais (pour les Écossais cela suppose une anglicisation par le College qui est du domaine de l’implicite dans les propos de Urquhart et de Lindsay, eux-mêmes Écossais, mais est-elle toujours désirée, ou au moins acceptée12 ?).
46Cette élite de rang supérieur est une quasi-noblesse, car ses nombreux titres à gouverner – à commencer par l’aptitude à diriger les autres, le contrôle de soi, le sens du bien public (« great and permanent good »), le souci de concilier l’ordre et la liberté, le respect, qualifié, de l’opinion publique, et ces qualités – la force de caractère, la virilité, l’amour du sport – qui confèrent au gentleman anglais sa visibilité et sa valeur d’exemple, sont entièrement fondés sur la reconnaissance.
47Nous ne contestons pas, comme nous le disions plus haut, que selon certains critères de définition, l’aristocratie de naissance (les « gentlemen by birth »), puisse constituer un cas particulier. Mais nous pensons avoir montré dans cette étude que la distinction, la différence qui makes sense, pour reprendre les analyses de Pierre Bourdieu dans ce volume, est celle que notait T. H. Green en 1877, quand il comparait l’Allemagne et l’Angleterre :
«Other nations may have hard and fast social demarcations, such as the German one between those who may write “Von” before their names and those who may not; but the subtle distinction between those who claim to be gentlemen and whose claim is conceded, those who claim to be so but whose claim is not yet conceded, and those who do not claim to be gentlemen at all, is England’s own13»
48C’est cette logique qui permet à Stephan Collini, par exemple, d’écrire, à propos de Richard Tawney :
«For all his hostility to the historical privileges of the English upper class, Tawney was, by upbringing and connection, emphatically a “gentleman”. His Balliol contemporaries included several of the future Great and Good, including William Beveridge, whose sister he married... For all his personal sincerity and lack of affectation, there was an ineliminable element of noblesse oblige in the class relations which structured Tawney’s career and which, arguably, informed his social thinking.» (Collini 1999: 192.)
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Notes de bas de page
1 Pourcentages calculés à partir des informations figurant dans Sir Ivo Elliott (1934).
2 Balliol College Archives. Matriculation Papers 1906,8,9 (in Balliol College Scholarship Examination Papers, 1898-1911). Il s’agit essentiellement de vérifier un niveau élémentaire de compétence en grec et en latin.
3 Balliol College Archives, Balliol College Record, 1912, p. 13.
4 L’Annandale Society, en fait un dining club, réunissait ses membres (une vingtaine environ) une fois par trimestre pour un dîner commandé et servi au College. Dans le compte rendu du repas qui eut lieu le 8 décembre 1905, on lit : « After the dinner, the usual concert in the quad » (avec des chansons immuablement dirigées contre les voisins de Trinity College) ; « also the traditional (College crockery) water-fall on the premises of n° XIII staircase » (une des formes de transgression de l’autorité, tolérée, comme les autres - les bris de vitres en particulier - par celle-ci ; le lendemain les membres de l’Annandale payaient les dégâts). On rendait également visite à un membre du College au comportement jugé trop studieux et effacé pour lui faire subir des vexations plus ou moins ritualisées. (Balliol College Archives. Annandale Society Minute Book 1898-1905.) Les archives de la Dervorguilla Society, une véritable debating society, n’ont pas été conservées pour notre période. Mais ses responsables, invités par les deux plus grandes debating societies du College (Arnold et Brackenbury) à la représenter lors de certaines de leurs réunions et lors de leurs dîners, étaient les mêmes que ceux de l’Annandale. (Balliol College Archives. Brackenbury Society Minutes 1902-1912 ; Arnold Society Minutes 1897-1901.)
5 Ce pourcentage et tous ceux qui suivent concernent la totalité des 761 undergraduates de Balliol College pour la période considérée. Ils prennent en compte la profession du père, telle qu’elle est indiquée par l’étudiant sur son formulaire d’inscription à l’Université. (Bodleian Library, Oxford. Oxford University Archives. University of Oxford Register of Matriculations UR 1/2/... 1900-1913-1914.)
6 Nous remercions tout particulièrement Mark Curthoys, Research Editor du New Dictionary of National Biography, d’avoir bien voulu nous communiquer les résultats de la comparaison qu’il a réalisée de ce point de vue entre les deux Colleges.
7 Cf. les travaux de William. D. Rubinstein (en particulier Rubinstein 1987).
8 Les informations qui suivent concernant les carrières figurent dans Sir Ivo Elliott (éd., The Balliol College Register, Third Edition, 1900-1950, Oxford University Press, Printed for Private Circulation, 1953). Nous avons retenu les nouveaux scholars et exhibitioners de 1900 et 1901 et de 1911.
9 Cf. supra.
10 L’origine scolaire des étudiants de Balliol figure également dans Sir Ivo Elliott (éd., The Balliol College Register, Third Edition, 1900-1950, Oxford University Press, Printed for Private Circulation, 1953).
11 Report of Her Majesty’s Commissioners appointed to inquire into the Revenues and Management of certain Colleges and Schools, and the studies pursued and instruction given therein (The Clarendon Report, HMSO, 1804, in Maclure 1968 : 87-88).
12 Cette question est à la frontière de notre étude et des travaux de Robert D. Anderson (en particulier Anderson 1985, 1989).
13 Thomas Hill Green, Lecture on « The Grading of Secondary Schools » delivered to the Birmingham Teachers’ Association, and published in The Journal of Education, May 1877 (in Green 1888, III : 403).
Auteur
Université de Toulouse-le-Mirail
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