L’espace de l’aristocratie en France : désagrégation et recomposition(s)
p. 65-80
Texte intégral
1Longtemps ignorée par les chercheurs, l’ancienne noblesse a depuis quelques années fait en France l’objet de nombreuses recherches historiques, anthropologiques et sociologiques qui s’interrogent sur son état et sur son avenir. De cette ancienne noblesse, Claude-Isabelle Brelot nous dit qu’au XIXe siècle, « dans la société postrévolutionnaire, elle est suspendue dans le vide : noblesse sans privilèges, détruite comme ordre, civilement morte, elle fait figure de groupe sans nom » (Brelot 1995b : 6) ; au XXe siècle, elle ne fait même plus figure de groupe. Comment les chercheurs peuvent-ils alors étudier l’aristocratie ? Comment appréhender sociologiquement un ensemble qui n’a plus d’existence juridique ni officielle, plus de légitimité depuis plus de deux siècles, qui n’existe plus comme groupe mais qui ne s’est pas complètement dissous en une collection hétérogène et atomisée ou un simple agrégat d’individus d’ascendance noble portant un nom à particule ? Les observations et les recherches montrent que les descendants de l’ancienne noblesse ne constituent pas un ensemble complètement dispersé dont les membres seraient absolument indépendants les uns des autres et n’auraient plus rien en commun.
2De quelle façon se regroupent ou se rapprochent les aristocrates ? Quels types de liens ou de solidarités les réunissent aujourd’hui ? Est-ce encore le fait de se reconnaître les uns les autres comme nobles qui constitue la société aristocratique ? Les descendants de l’ancienne noblesse tentent-ils de se rassembler comme dans un corps dont les membres seraient dotés d’un capital symbolique commun et se reconnaîtraient tous comme appartenant à un même ensemble ? En fait, ce sentiment d’appartenance à un corps qu’éprouvent et revendiquent une part des descendants de l’aristocratie ancienne est dénié par la plupart des aristocrates. Il se manifeste parfois sous la forme du rappel au sentiment de solidarité qui doit unir tous ses membres, tout particulièrement lorsque les descendants de la noblesse se croient attaqués de l’extérieur ; partageant au départ une même vision du monde, un même sentiment de la différence et de la supériorité, ils réaffirment alors leur attachement à la noblesse. Cet effet de corps peut même s’exercer au-delà des frontières nationales, notamment dans la grande aristocratie où les alliances avec les membres des aristocraties étrangères ne sont pas rares et où les échanges et le cosmopolitisme sont fréquents. Il pèse le plus directement sur les membres des fractions les plus traditionnelles de l’aristocratie ; cependant, une part croissante des descendants de la noblesse l’ignore aujourd’hui et la plupart de leurs pratiques paraissent y échapper.
3C’est en fait comme un espace qu’il est apparu le plus pertinent d’appréhender les descendants de l’ancienne aristocratie – au terme d’un ensemble de recherches sociologiques, entreprises au début des années 1980 – (Saint Martin 1993)1. Dans cet espace interviennent différents sous-groupes disposant de plus ou moins de capital symbolique, d’un réseau de relations souvent étendu, ancrés dans une histoire plus ou moins longue, dotés d’un patrimoine économique en voie d’appauvrissement ou en expansion. Ces différents sous-groupes ne sont pas clairement constitués et il serait particulièrement vain de prétendre en tracer les limites. Le sociologue ne saurait d’ailleurs se poser en arbitre classant des « vrais » ou des « faux » nobles, délimitant des frontières, qui d’ailleurs ont de tous temps été floues2 ; il ne lui revient pas en effet d’inclure ou d’exclure mais plutôt d’observer et de chercher à comprendre qui se croit, ou se dit noble et aussi qui est considéré noble même s’il ne se pense pas lui-même noble. C’est aussi un espace de discours qui peut être construit : discours d’auto-affirmation du côté des membres de l’Association d’entraide de la noblesse française qui regroupe la fraction la plus conservatrice des anciens aristocrates ou au contraire discours de dénégation du côté des aristocrates entrés sur les marchés professionnels en expansion tels que le marché de la publicité, de la communication ou de l’audiovisuel.
4« L’espace de la noblesse » était beaucoup plus fortement structuré à la Belle Époque que maintenant. La désagrégation est devenue évidente, mais elle ne se poursuit pas de façon linéaire ; des nouveaux groupes ou groupements apparaissent et les tentatives de restauration nobiliaire n’ont pas encore pris fin (Brelot 1995a)3. On analysera d’abord ce processus de désagrégation de l’ancienne aristocratie depuis les années 1950 puis les processus de diversification et de recomposition. Dans les faits, les différents processus s’interpénètrent, même si selon les moments ou les conjonctures, l’un ou l’autre parait l’emporter. L’étude des reconversions, qui est ensuite esquissée, permet d’une certaine façon de voir à l’œuvre les tentatives des descendants des anciennes aristocraties pour échapper au déclassement et au déclin, les essais de reclassement, et d’estimer en quelque sorte les probabilités que soient ou non menés à leur terme les mouvements de désagrégation ou de recomposition.
DÉSAGRÉGATION ET DÉCLASSEMENT
5Les observations, les témoignages, les analyses de l’espace aristocratique contemporain font apparaître que la grande majorité des descendants de la noblesse ne vivent plus selon l’ancien modèle aristocratique, encore en vigueur avant la guerre de 1939-1945 qui a porté un coup définitif aux certitudes de nombre d’aristocrates. Les modes de vie des aristocrates sont de fait, surtout à Paris et dans les grandes villes, très proches des modes de vie des bourgeois. Depuis de nombreuses années, une élite mondaine composée de bourgeois et d’aristocrates se constitue et se reproduit dans laquelle l’observateur le plus attentif a souvent du mal à distinguer à partir de leurs pratiques, de leur langage, de leur style de vie, les bourgeois des descendants de l’ancienne noblesse. Ainsi, les femmes de la bourgeoisie ayant épousé un homme dont le nom compte une particule adoptent souvent des comportements d’allure plus aristocratique que leur conjoint, qui peuvent conduire à des erreurs d’appréciation celui qui voudrait les classer dans un groupe. Dans les rallyes pour les jeunes, les équipages de chasse à courre, les clubs et les cercles, qu’ont observés et analysés Michel Pinçon et Monique Pinçon-Chariot, la fusion entre ancienne aristocratie et bourgeoisie s’opère progressivement (Pinçon et Pinçon-Charlot 1993)4. À partir d’une enquête sur un échantillon de 3 914 familles nobles et bourgeoises mentionnées dans le Bottin mondain entre 1903 et 1987, Cyril Grange conclut à « l’accélération très nette de la fusion de la noblesse et de la bourgeoisie au XXe siècle » (Grange 1996).
6Le processus de désagrégation de l’espace de la noblesse ne se traduit pas seulement par cette fusion ou ce brassage ; les cas de déclassement, d’aristocrates ruinés ou sur le déclin sont de plus en plus fréquents et visibles.
7Selon les ressources ou les atouts dont disposent les descendants de la noblesse, les réactions face au déclassement sont très variables ; elles n’ont guère donné lieu à des études. Les déclassés et les marginaux sont de fait les moins connus et les moins étudiés dans les différentes recherches.
8Un film de Jean-Pierre Vergne, Priez pour nous (1994) adapté d’un roman de Lionel Duroy, retrace avec humour l’histoire d’une famille de l’aristocratie, ruinée et contrainte de quitter son bel appartement de Neuilly-sur-Seine pour venir résider dans un appartement d’une Habitation à loyer modéré (HLM) d’une banlieue communiste et permet d’observer les réactions différentielles au déclassement : raideur et crispation chez la mère, issue d’une famille de la bourgeoisie qui aspirait au titre de baronne, à la respectabilité, adaptation plus ou moins rapide des huit enfants et du père qui se laisse entraîner dans le marché noir, les cavales, et qui a l’art de transformer les malheurs quotidiens en aventures extravagantes ; de telles observations devraient être approfondies et étendues.
9De façon générale, le sentiment d’appartenance à la noblesse se dilue, tandis que le sentiment d’être partagé entre deux univers ou deux mondes se développe et que les manifestations de tension se laissent deviner. Les signes de désagrégation des anciennes aristocraties sont nombreux et on en retiendra seulement quelques-uns.
10Ainsi, les mariages sont de moins en moins contrôlés directement par le groupe, se contractent de plus en plus souvent à l’extérieur de l’aristocratie, en particulier dans la fraction de la bourgeoisie la plus mondaine. Cyril Grange a bien analysé la « chute des mariages internes à la noblesse au XXe siècle » et la multiplication des liens avec la bourgeoisie, même si certains parents persistent à mettre des freins au mariage avec des jeunes de la bourgeoisie (Grange 1996). Les unions libres et les divorces ne sont plus exceptionnels mais ne sont cependant pas devenus des actes sociaux « banalisés ».
11L’insertion professionnelle est devenue une nécessité pour la très grande majorité ; les professions exercées sont de plus en plus variées. Si on compte encore des militaires et des exploitants agricoles parmi les aristocrates, ces derniers sont de plus en plus nombreux à occuper des fonctions de cadre moyen (représentant, technicien) ou cadre supérieur et ingénieur, parfois d’employé dans le secteur privé plus souvent que dans le secteur public. On assiste à une forte croissance de la catégorie « monde des affaires » pour la population noble du Bottin mondain. De nouveaux débouchés se sont ouverts ces dernières années pour les jeunes aristocrates qui sont de fait beaucoup plus nombreux dans les différentes fonctions d’administration, de représentation et de gestion aux différents niveaux que dans les entreprises de production et le secteur secondaire où ils se retrouvent cependant dans les entreprises les plus anciennes. « Les jeunes générations affirment la fin des interdits professionnels autant que des chasses gardées alors que leurs aînés affirment toujours les spécificités aristocratiques en matière de choix professionnel» (Grange 1996 : 378). Les annuaires, Bottin mondain et Annuaire de l’Association d’entraide de la noblesse française (ANF), ne permettent pas de saisir la réalité sociale de la noblesse et sous-estiment de fait la part des employés ou cadres moyens (agents commerciaux, agents immobiliers, comptables, dessinateurs-métreurs, agents d’assurances) ; une étude de sources complémentaires : généalogies imprimées, observations, entretiens, permet de les connaître. On est alors frappé par le fait que certains descendants de la noblesse exercent des professions impensables ou inconcevables, il y a quelques années encore, telles qu’entrepreneur, exploitant de camping, représentant d’assurances, employé dans un office d’Habitation à loyer modéré (HLM) ; cependant, une analyse plus fine montre que les professions exercées sont souvent moins éloignées de l’univers traditionnel qu’il n’y paraît au premier abord : il arrive que l’entrepreneur se spécialise dans la restauration des toits des anciennes demeures, des châteaux et des églises, que l’exploitant de camping installe le camping cinq étoiles avec piscine non loin de la grande demeure ou du château de la lignée, que l’agent d’assurances compte dans sa clientèle nombre d’anciens aristocrates (tandis que l’employé d’office HLM essaie d’oublier le déclassement en conservant des passe-temps « aristocratiques » et en restant indifférent aux luttes et aux conflits qui l’entourent, etc.).
12Les lieux de résidence et de villégiature des aristocrates se diversifient et surtout deviennent moins exclusifs. Avec l’adhésion croissante des descendants de la noblesse au principe du partage égalitaire, l’émiettement des patrimoines traditionnels, la dispersion progressive des terres, l’accroissement des tensions familiales lors des successions, assurer la transmission du château familial est, comme le remarque Eric Mension-Rigau, de moins en moins souvent vécu comme un devoir, une destinée à laquelle on ne peut se dérober et de plus en plus comme une charge. De nombreux descendants de l’aristocratie renoncent à entretenir le château familial, et préfèrent le vendre, à moins qu’ils ne le laissent plus ou moins à l’abandon ; quant aux jeunes, ils séjournent plus rarement et plus épisodiquement dans les châteaux. Les uns habitent les anciennes dépendances ou les communs du château familial, d’autres refusent de lier le sort de leur famille au sort de leur château et préfèrent acheter une demeure ancienne aux dimensions plus modestes (Mension-Rigau 1999).
13Pour préserver l’intégrité de ses valeurs, la noblesse « qui reste en marge de la dynamique économique », mais qui est encore reconnue et parfois admirée, a opéré un repli sur soi, sur l’espace privé, sur l’espace intime. C’est, selon Cyril Grange, « sa dernière défense vis-à-vis d’une société dans laquelle les constituants de son identité passée ne peuvent s’exprimer pleinement» (Grange 1996 : 386).
14Quant aux enfants, ils fréquentent de moins en moins souvent les collèges religieux, catholiques notamment, et se dirigent plus souvent vers les établissements d’enseignement public où ils ont peu de chances de développer la conscience de faire partie d’un univers à part. Le scepticisme et le doute se développent dans les jeunes générations et l’éventail des convictions, des déclarations et des positions est devenu très large ; la diversification des positions n’est sans doute pas moins marquée actuellement que la désagrégation qui parait très avancée et quasiment irréversible. Il n’existe pourtant pas une tendance linéaire et homogène à la déstructuration des anciennes aristocraties, la désagrégation ou le déclassement s’accompagnent souvent de tentatives de maintien de l’identité nobiliaire et les cas de tension ou de jeu entre deux mondes, nobiliaire et extranobiliaire sont fréquents.
LA RECOMPOSITION DE L’ESPACE ET LA DIVERSIFICATION
15Les signes d’affirmation et de manifestation de l’identité noble sont plus fréquents et plus visibles à la fin des années 1990 qu’on ne pouvait s’y attendre ; châteaux, monuments, blasons, armoiries, dictionnaires de « vrais » ou de « faux » nobles, cercles, rallyes, associations, cérémonies, fêtes, revues, magazines, émissions de télévision, etc., rappellent à tous moments que les descendants des noblesses ne se sont pas fondus dans l’anonymat ni même dans la société bourgeoise. Nombreux sont encore actuellement les descendants de familles de l’ancienne noblesse qui se considèrent et se disent nobles et, parmi leurs proches, nombreux sont ceux qui leur reconnaissent la qualité de nobles et les croient nobles.
16Les associations de descendants de la noblesse, ANF en particulier, regroupent un nombre croissant de familles parmi les plus attachées à leur statut ancien et à leur passé : un peu plus de 2000 en 1990 à l’AN F qui a été fondée en 1932, et reconnue d’utilité publique par un décret du 29 juillet 1967. Les admissions y sont en expansion depuis la création :
- 258 membres ont été admis en 1937-1938 ;
- 256 en 1947-1948 ;
- 175 en 1957-1958 ;
- 264 en 1967-1968 ;
- 399 en 1977-1978 ;
- 597en 1987-19885.
17Le Jockey Club qui accueille de façon privilégiée les descendants des grandes familles de la noblesse, constitue le dernier cercle quasi exclusivement aristocratique. Relativement figé et immobile, il n’est cependant pas passé complètement de mode ; il comptait 1111 membres ayant réglé leur cotisation pour l’année en 1989 et continue de recruter de nouveaux adhérents, 30 à 40 chaque année ces dernières années, tout en maintenant la rareté de cette élite aristocratique.
18Plus significatif, les mariages continuent de se pratiquer, dans un très grand nombre de cas, notamment en province, entre descendants des anciennes noblesses. Les garçons comme les filles nobles de province se marient plus dans l’aristocratie que les Parisiens et ce tout au long du XXe siècle. Beaucoup d’indices donnent à penser que les derniers descendants des anciennes noblesses croient en l’existence de la noblesse ou plutôt de nobles plus souvent qu’ils ne l’avouent au premier abord et surtout qu’ils se considèrent eux-mêmes d’une façon ou d’une autre différents des non-nobles, voire supérieurs à eux. Ils ont en outre des pratiques sensiblement différentes d’eux aussi bien au niveau des modes et des formes d’éducation que des lieux et des modes d’habitat ou des activités professionnelles et des distractions, tout en aimant à jouer avec un statut ou une position relativement indéterminés.
19Les fractions de l’aristocratie les plus traditionnelles, en particulier celles qui adhèrent à l’Association d’entraide de la noblesse française, manifestent ouvertement leur attachement, leurs croyances, et revendiquent leur identité nobiliaire. Parmi les plus jeunes, dont on pourrait attendre qu’ils soient les plus éloignés de l’ancien système, plusieurs sont de fait tentés par le style de vie noble. En témoigne notamment le succès des rallyes. La participation des jeunes aux rallyes pourrait en certains cas, comme le montrent Edith Kovatz-Beaudoux et Éric Smadja, constituer un rituel de réinsertion dans un tissu social distendu, après un éloignement et dans d’autres cas une stratégie préservant d’un éventuel risque de marginalisation (Kovatz-Beaudoux, Smadja 1994).
20Le souci de défendre la spécificité de la noblesse est vif chez certains descendants de la noblesse ; les uns, les plus nombreux, il y a quelques années encore, fondent cette spécificité sur des valeurs morales de générosité, de désintéressement, d’autres sur l’ancienneté et le temps. « La noblesse est le seul groupe d’études qui se définit par le temps et je dirais presque essentiellement par le temps », expliquait l’un d’entre eux qui n’hésitait pas à déclarer que dans les autres groupes « le temps n’intervient pas ». D’autres préfèrent défendre cette spécificité de façon discrète ; pour eux, « la noblesse ne se dit pas » parce qu’« elle se sent ; elle est un ressort intérieur ». Peu de descendants de la noblesse, y compris parmi les plus diplômés, sont prêts en dernière analyse à renoncer à cette spécificité et à l’existence de différences avec les autres groupes ; de nouvelles différences, parfois indéfinissables, sont évoquées ou mises en avant lorsqu’il leur apparaît que telle différence, par exemple la générosité ou le désintéressement ne peut plus être proclamée comme propre à la noblesse sans indigner ou faire sourire. Des tentatives de recomposition autour de nouvelles valeurs et de nouvelles croyances se font jour, y compris dans les jeunes générations.
LES TENTATIVES DE RECONVERSION
21Le rejet complet de l’identité nobiliaire est en effet rare et les reconversions entreprises par les descendants de la noblesse favorisent de fait les recompositions à condition toutefois qu’elles ne soient pas menées à leur terme.
22En s’attachant plus particulièrement à l’étude des stratégies, largement ouvertes, qui permettent aux descendants des anciennes noblesses de reconvertir sur des marchés professionnels très différents les ressources sociales et symboliques dont ils disposent, il est possible de faire apparaître les tensions, les contradictions, les dénégations dans lesquelles ils se trouvent souvent pris, les compromis qu’ils acceptent ou qu’ils refusent, les probabilités qu’ils ont de reproduire, avec plus ou moins de transformations, la position qu’ils occupent ou au contraire de se déclasser. C’est en étudiant les reconversions qu’il est possible de saisir l’ampleur des mouvements de désagrégation ou de restructuration de l’espace de l’aristocratie, les ruptures de carrières ou des itinéraires les plus classiques, les processus de dévaluation et de réévaluation des différentes espèces de ressources. Les aristocrates parviennent-ils en mettant en œuvre des stratégies de reconversion à maintenir le capital symbolique qui est au fondement de leur pouvoir ou ce capital se trouve-t-il en quelque sorte dilué au cours de ces mouvements ?
23Il serait particulièrement risqué de vouloir retracer l’évolution des reconversions puisque celles-ci n’ont ni le même sens, ni la même ampleur au XIXe siècle et au XXe siècle ; surtout les expressions « la noblesse », « les nobles », « les aristocraties » ne désignent pas les mêmes groupes ou les mêmes acteurs aux différentes époques et le marché des possibles et des postes qui leur sont ouverts ne cesse de se transformer. C’est pourquoi, il s’agit plutôt ici de poser quelques jalons et, en s’appuyant sur quelques études récentes, de proposer des hypothèses à vérifier et des directions de recherche à explorer.
24Après la guerre de 1939-1945, les tentatives de reconversion des descendants de la noblesse sur le marché scolaire et sur les nouveaux marchés professionnels se développent et se diversifient. Les descendants de la noblesse sont en effet de moins en moins assurés de leur position, de leur statut ; d’ailleurs, beaucoup ne se disent plus nobles, sauf en des circonstances exceptionnelles. Les jeux avec l’identité noble sont de plus en plus fréquents. En outre, le patrimoine économique des descendants de la noblesse, composé pour une part importante de propriétés terriennes, a décliné et leur capital symbolique a souvent perdu de sa valeur et de sa rentabilité. Il devient impératif pour eux de s’insérer sur le marché professionnel. Du côté du secteur privé, l’expansion a été plus marquée que dans le secteur public et a touché les différentes fractions de l’aristocratie. Le champ des possibles s’est ouvert pour les jeunes aristocrates, ces dernières années, avec notamment le développement du secteur bancaire, des assurances, des écoles et des entreprises de publicité, de marketing, de communication, de conseil, de gestion, d’audit, d’expertise, des cabinets de chasseurs de tête et aussi de l’audiovisuel et des organismes de presse : hebdomadaires ou magazines, de l’édition, du marché de l’art, des services d’aménagement de jardins ou paysages, etc. Ce sont pour une large part des secteurs et des professions relativement indéterminés, peu bureaucratisés, où les qualités de présentation et de représentation, l’art de gérer les relations, le maintien, le nom, comptent et où les échecs scolaires ne constituent le plus souvent pas un handicap.
25Si l’éventail des possibles s’est élargi ces dernières années et ne cesse de se diversifier, il n’en reste pas moins que les descendants de la noblesse n’ont pas tous profité et ne profitent pas tous des possibilités de reconversion et que les tentatives de reclassement se soldent parfois par des insuccès ou des demi-succès. Ces échecs, comme d’ailleurs les réussites, dépendent en fait pour une large part des caractéristiques de la famille et des acteurs qui prétendent se reconvertir et de l’état du marché sur lequel ils essaient de s’insérer.
26La comparaison d’un ensemble de récits de descendants de la noblesse, issus des différentes fractions ou groupes composant l’espace de la noblesse, appartenant à des générations différentes, occupant des positions diverses et exerçant des professions exigeant d’avoir beaucoup de relations ou au contraire surtout des compétences techniques, serait nécessaire pour préciser le poids et l’importance des différents facteurs permettant d’expliquer les probabilités d’entreprendre une reconversion, de la mener à son terme ou de l’arrêter en cours. Il est cependant possible d’esquisser le système explicatif qui se dégage à partir de l’analyse de l’ensemble des entretiens qui ont été menés auprès de descendants de la noblesse entrés dans la publicité, les relations publiques, l’édition, la radio ou la télévision, de l’analyse des notices biographiques de 323 porteurs de noms à particule inscrits dans le Who’s Who (édition 1989), des observations réalisées et d’ouvrages relatant l’histoire de descendants de la noblesse.
27Cherchant à comprendre ce qui peut inciter ou encourager les aristocrates à se reconvertir, à entrer dans différentes professions, il est nécessaire de prendre en compte un large faisceau d’éléments explicatifs qu’il est difficile de hiérarchiser. On peut cependant tenter de distinguer les différents facteurs qui incitent les aristocrates à s’insérer durablement sur le marché professionnel et, plus précisément, à investir dans les secteurs où leurs ressources sociales et symboliques, en particulier le nom, les savoir-faire, peuvent être facilement mobilisés.
LES MULTIPLES INCITATIONS AUX RECONVERSIONS ET LES DISPOSITIONS AUX NOVATIONS
28C’est d’abord l’état du marché de l’emploi et des postes disponibles et l’effet d’attraction exercé par ce marché qu’il faut analyser. Claude-Isabelle Brelot a, par exemple, bien mis en évidence que la création de postes de fonctionnaires dans les années 1814-1870 avait permis à nombre d’aristocrates de tenter une reconversion (Brelot 1992). Pour la période contemporaine, c’est le développement du secteur privé, en particulier de la publicité, des relations publiques, des professions de la communication, de la banque, des assurances, des différentes fonctions de gestion et de conseil qui constitue sans doute le phénomène le plus important ; il a exercé un effet d’attraction important sur les jeunes descendants des anciennes aristocraties qui sont nombreux à se diriger vers ces activités.
29Mais le marché des postes est très inégalement développé à Paris et en province. Il est sans doute plus facile et plus probable pour un aristocrate d’entreprendre une reconversion à Paris qu’en province ; les maisons d’édition, les galeries d’art, les agences de publicité, pour ne prendre que ces quelques exemples, sont par exemple fortement concentrées à Paris et les postes d’administration et de gestion sont également nombreux à Paris.
30Les probabilités de tenter de reconvertir les ressources sociales et symboliques sur un nouveau marché varient pour les familles de l’aristocratie provinciale selon les caractéristiques de la région et selon l’importance reconnue à la famille sur le marché local ; la position de ces familles est souvent plus assurée dans l’ouest de la France, en Bretagne notamment, où l’enracinement noble est plus fort et où le poids des familles de la noblesse est reconnu que dans le Nord ou en Franche-Comté par exemple et leurs chances d’engager une reconversion y sont sans doute plus faibles. Des familles résidant dans des régions assez fortement et anciennement industrialisées, où les anciennes valeurs de l’aristocratie suscitent sourires, défiance, moqueries ou ressentiment plutôt que fascination, révérence ou admiration et ne sont pas reconnues par la société locale, ont plus de chances de chercher de nouvelles solutions pour se maintenir que des familles implantées depuis longtemps dans des régions plus rurales où une fraction au moins de la population accorde considération et crédit aux aristocrates.
31Il est aussi des marchés professionnels plus ou moins protégés, plus ou moins ouverts et risqués : les services de gestion de l’agriculture, de l’agronomie, des eaux et forêts ont par exemple longtemps constitué un marché relativement sûr pour les nobles qui pouvaient facilement y tirer parti de leur nom, de leurs relations et d’autant mieux qu’ils avaient fait des investissements scolaires en présentant le concours de l’Institut national agronomique ou d’une autre école d’agronomie. Les nouveaux marchés des entreprises de publicité, de communication, de relations publiques, de conseil, sont sans doute plus ouverts que des marchés plus anciens comme la banque ou le négoce du champagne ; la rentabilité du réseau de relations, du nom, de l’appartenance à une grande famille – autant d’atouts qui peuvent être valorisés sur le marché du travail – y est peut-être plus immédiate, les profits économiques notamment peuvent y être plus grands mais les risques encourus sont aussi plus élevés. Ainsi, le marché des entreprises de publicité ou de communication est-il relativement facile d’accès pour les aristocrates qui sont nombreux dans certaines grandes agences – Publicis par exemple – ou qui fondent souvent leur propre société ou entreprise, mais il n’en est pas moins incertain, non pas que les postes qu’ils y occupent soient instables - les agences de publicité ont intérêt à compter dans leur personnel des porteurs de noms illustres-, mais plutôt parce que l’univers de la publicité ou des relations publiques fonctionne d’une certaine façon selon des lois aux antipodes de celles qui régissaient l’univers aristocratique. Cela dit, il se pourrait que la reconversion par le secteur privé, apparemment assez risquée, permette de concilier ou plutôt de faire coexister plus facilement le style de vie aristocratique et l’exercice d’une activité professionnelle que l’entrée dans la fonction publique ou les organismes semi-publics où les descendants de la noblesse se sentent plus souvent mis en question et sont conduits à prendre plus de distances avec leurs origines (c’est le cas bien souvent de ceux qui sont entrés dans les chaînes de radio ou de télévision publique)6.
32On ne peut évaluer les probabilités que les aristocrates ont d’entre-prendre et de mener à terme une reconversion sans analyser les réactions des autres groupes, en particulier les petits bourgeois et les bourgeois. Ainsi la transformation de la vision du monde aristocratique que l’on voit se fissurer dans les romans de Proust n’aurait sans doute pas été aussi rapide si la bourgeoisie nouvelle, « loin d’avoir mimé l’aristocratie comme une lecture trop rapide peut le faire croire », ne l’avait, « au contraire, minée de loin, avant de s’allier à elle » (Bidou-Zachariasen 1997 : 19). L’aristocratie, explique Catherine Bidou-Zachariasen, alors « remise en cause de l’extérieur par l’irruption de vérités concurrentes » réagit en quittant « le registre de la tradition et du fonctionnement holiste pour négocier son ouverture à la modernité ».
33C’est un peu selon la même logique qu’avec l’entrée de nouveaux acteurs et le développement de la professionnalisation dans les secteurs où les aristocrates s’étaient insérés depuis quelques années (par exemple la télévision, la publicité, les relations publiques, les métiers du conseil), ces derniers ont pu être conduits à négocier des compromis, à intégrer des valeurs nouvelles et à abandonner leurs anciennes valeurs. Selon que les réactions à leur égard sont de défiance, d’indifférence ou au contraire sont de respect et de relative fascination pour leurs « bonnes manières », leurs savoir-faire, et leur carnet d’adresses, les aristocrates peuvent suivre des voies différentes, se détacher progressivement et définitivement de leur univers de départ ou se recomposer une identité.
34Des études monographiques sont alors nécessaires pour analyser dans des secteurs précis, par exemple la publicité ou les galeries d’art ou l’édition pour la période contemporaine, les effets de l’entrée et de la concurrence des agents issus de la bourgeoisie ou de la petite bourgeoisie, et pour comprendre ce qui de fait conduit les aristocrates à se diriger vers certaines professions. Alors que les uns entrent dans la logique de la carrière et font des investissements professionnels importants, d’autres deviennent marginaux et parfois quittent des activités ou des professions qui ne leur conviennent plus et où ils se sentent déplacés ou inutiles. L’observation de certains secteurs ou domaines de la fonction publique – les douanes, les postes, les écoles d’application de la fonction publique, par exemple – où les aristocrates sont rares peut aussi nous informer sur les logiques qui limitent ou interdisent certaines reconversions.
35Plus que le volume des ressources détenues ou la quantité des atouts disponibles, c’est souvent la structure ou la composition de ces ressources qui permet de comprendre les conduites des aristocrates et leurs dispositions plus ou moins grandes à l’innovation. Le poids du capital symbolique et du capital social est souvent prépondérant dans la structure du capital détenu par les descendants des anciennes aristocraties qui tendent à accorder la primauté au capital symbolique sur le capital économique et sur le capital culturel7. Ceux qui n’ont guère plus de patrimoine économique, qui n’ont que peu de diplômes ou de titres scolaires et qui valorisent encore fortement leur capital symbolique ont des chances très faibles d’entreprendre une reconversion8.
36Le capital social (réseau de relations familiales, scolaires, professionnelles, soigneusement entretenu par un travail régulier) est important pour tous les cas de reconversion et paraît presque une condition de la réussite. Ce sont les détenteurs de toutes les espèces de ressources (sociales, économiques, culturelles, symboliques) qui ont sans doute les probabilités les plus élevées d’entreprendre une reconversion. Lorsque le capital symbolique et le capital social sont associés au capital culturel et au capital économique comme dans les plus grandes familles de l’aristocratie, les profits et les gains des reconversions sont particulièrement élevés à condition toutefois que le processus de reconversion ne soit pas mené à son terme, ce qui est en fait tout à fait exceptionnel. Le pouvoir des plus grandes familles de l’aristocratie repose souvent sur une habile combinaison et une excellente maîtrise des différentes formes de capital ou de ressources.
37Cherchant à comprendre les processus de reconversion des aristocrates, il est également nécessaire de prendre en compte l’histoire de la famille, l’ancienneté de la noblesse, la position de la famille dans l’aristocratie, le degré d’endogamie, l’importance accordée à l’éthique religieuse, ainsi que la trajectoire ou l’histoire de chacun des membres de la famille.
38L’histoire de chaque famille, du nom, du capital symbolique détenu par la famille, le type de noblesse (les descendants de l’ancienne noblesse d’épée ou d’extraction étant plus souvent enfermés dans leur histoire et leur milieu que les descendants de l’ancienne noblesse de robe), l’ancienneté de la famille (les familles de la noblesse la plus ancienne adoptant souvent un comportement plus traditionnel que les familles de la noblesse récente), le degré d’endogamie (les familles les plus endogames étant les moins portées à faire des changements) permettent aussi d’expliquer les dispositions à l’innovation. Plus la famille a tardé pour entreprendre des reconversions, plus ces reconversions deviennent difficiles et souvent condamnées à l’échec. On doit aussi prendre en compte l’importance accordée à l’éthique religieuse ; les familles marquées par la religion catholique comptant des religieux ou des religieuses et des prêtres innovent souvent plus difficilement que des familles religieuses aussi mais dont les investissements symboliques étaient plus diversifiés.
39La position de cadet dans la famille – par opposition à celle d’aîné –, les déplacements en dehors de ce qu’on pourrait appeler le « fief » d’origine de la famille, les maladies longues et graves rendent souvent plus sensibles aux changements environnants, et incitent à la recherche d’issues différentes des issues traditionnelles. Il semble bien que les aristocrates aient plus de chances de percevoir la nécessité d’une reconversion lorsqu’ils occupent à l’intérieur de l’aristocratie des positions relativement moins assurées, plus marginales, parfois menacées que lorsqu’ils occupent les positions centrales, les plus reconnues et les plus stables. Ainsi, ceux qui ont dû s’installer comme des « étrangers » sur des terres qui n’appartenaient pas à leur lignage ou à leur famille ont toutes chances d’avoir des dispositions plus favorables à l’utilisation du système scolaire comme instrument de reconversion que ceux qui n’ont pas quitté la terre de leurs ancêtres. Mais il peut être plus aisé de s’aventurer dans les voies les moins traditionnelles pour ceux qui sont issus d’une famille de la grande noblesse que pour ceux qui sont originaires d’une famille d’aristocrates de province9. Les changements fréquents d’établissements scolaires incitent aussi, indirectement au moins, à la recherche de voies différentes des voies suivies jusque-là par la famille. Il se pourrait même que les insuccès ou les ruptures scolaires favorisent l’apprentissage de nouvelles dispositions, constituant, indirectement au moins, une incitation à la recherche de professions nouvelles.
CONCLUSION
40Il est difficile, en l’état actuel des recherches, de proposer des conclusions sur l’état de l’espace des anciennes aristocraties en France et plus précisément sur les processus de désagrégation, de diversification et de recomposition de cet espace. En effet, en même temps que paraît s’accélérer le déclin, que s’observent de très nombreux cas de déclassement et de marginalisation, voire de rupture, se font jour des processus de recomposition avec à la fois la persistance de plusieurs des plus grandes familles, le développement de groupes intégristes fortement attachés à la noblesse, l’entrée de nouveaux porteurs de noms à particule, notamment des femmes par le mariage, mais aussi des hommes à la recherche d’un nom prestigieux ainsi qu’un certain engouement dans une fraction importante de la société française pour les châteaux, les aristocrates, ou les noms illustres. Ces recompositions ne se font pas sans déclassement et sans conflits et les liens ou les solidarités deviennent plus distendus entre les descendants des anciennes noblesses. Elles atteignent la plupart des familles de l’aristocratie et les descendants actuels des anciennes aristocraties sont nombreux à tenter des reconversions qu’ils se gardent le plus souvent de mener à leur terme.
41Si les familles cherchaient toutes à se reproduire à l’identique, la désagrégation de l’espace de la noblesse serait accélérée puisque la base ancienne de leur patrimoine tend à décliner et ne permettrait pas le maintien de leurs positions. Sans reconversion, les descendants des anciennes noblesses ne peuvent qu’assister au déclin de leurs ressources et de leur valeur. Si à l’inverse, les familles investissaient à fond dans la logique des reconversions, il s’ensuivrait aussi une désagrégation accélérée, puisqu’il leur faudrait renoncer de fait au capital symbolique de départ, entraînant ainsi la déstructuration de l’identité nobiliaire et de l’espace de la noblesse. Or, il semble bien qu’en l’état actuel, nombre de reconversions du capital social et du capital symbolique en capital économique ou en capital scolaire ou culturel demeurent inachevées, permettant en fait à une fraction relativement importante d’aristocrates de cumuler différents types de ressources, symboliques, économiques et culturelles et à l’espace de la noblesse de perdurer.
42L’étude comparative de l’espace des anciennes aristocraties et de la survivance des identités nobiliaires, dans différents pays, ayant une histoire et des caractéristiques différentes, dotés ou non d’une monarchie, dans lesquels la noblesse est plus ou moins reconnue par l’État, où l’accès à la noblesse est devenu impossible ou au contraire est encore ouvert, etc., est indispensable pour progresser dans la compréhension des phénomènes de désagrégation ou de recomposition. Mais cette étude ne pourra porter tous ses fruits que si elle s’accompagne d’une étude simultanée de la représentation des différents groupes dominants et des différentes formes de légitimation du pouvoir que proposent les institutions d’État, la presse, la télévision, le cinéma, ou la publicité. Ce sont en effet les processus de production et de destruction de la reconnaissance de l’existence de nobles par différents groupes ou institutions qu’il faut comprendre10. Si, par exemple, la croyance en l’existence d’un groupe ou d’individus qui seraient à part continue de se développer en France, c’est sans doute en partie parce qu’il y a un minimum de reconnaissance de la part de ceux qui entourent les descendants des anciennes aristocraties et qui est entretenue en particulier par les média mais aussi par des associations, des cercles ou des institutions. Ce sont en définitive moins les différentes aristocraties des différents pays qu’il faut tenter de comparer que les systèmes de relations entre l’espace de l’aristocratie, inégalement structuré selon les pays, et les différents acteurs ou groupes publics et privés qui lui accordent plus ou moins d’importance et de reconnaissance.
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Notes de bas de page
1 Les recherches s’appuient principalement sur l’analyse d’un échantillon de 818 membres de l’Association d’entraide de la noblesse française, et d’un échantillon de 323 porteurs de noms à particule inscrits dans le Who’s Who ainsi que sur des entretiens, des observations, des monographies de familles et l’analyse de nombreux ouvrages : romans, mémoires, écrits par les descendants de la noblesse.
2 Il existe plusieurs annuaires, catalogues et dictionnaires qui recensent les nobles et les familles de la noblesse et établissent des listes, mais les listes qu’ils constituent, les estimations du nombre de nobles qu’ils font sont très variables ; ces dictionnaires et annuaires utilisent des critères de sélection différents les uns des autres et proposent de fait des visions ou des représentations très différentes de la noblesse. Ainsi, pour ne prendre que deux exemples, Régis Valette, auteur du dictionnaire qui fait souvent référence, donne le chiffre de 3.500 familles nobles en 1977 et estime que plus de 10 000 familles présentent « les signes extérieurs de la noblesse » (Valette 1989 : 9). Selon François de Negroni qui a écrit un essai d’inspiration sociologique, 50 000 familles nobles forment un groupe statutaire se réclamant de l’ancienne aristocratie et on compte environ 400000 nobles ou mondains (Negroni 1974 : 17-19).
3 Ces mouvements de désagrégation et de recomposition des anciennes aristocraties ont été analysés pour la période 1780-1950 dans différents contextes urbains, plus ou moins marqués par l’industrialisation, l’expansion économique et l’essor de la bourgeoisie.
4 Mais il est des rallyes, des équipages et des clubs à dominante aristocratique marquée.
5 « Assemblée générale du jeudi 17 novembre 1988 », Bulletin de l’ANF, 198, janvier 1989 : 19.
6 C’est aussi la politique de création de postes et de recrutement ou de cooptation qu’il faut prendre en compte pour expliquer les reconversions (avec le gouvernement d’Edouard Balladur, entre 1993 et 1995, on a par exemple assisté à une relative montée des noms à particule dans les cabinets ministériels).
7 Sur le concept de capital symbolique voir Bourdieu (1980 : 200-204).
8 Selon la même logique, les professeurs qui ne détiendraient que du capital scolaire à l’exclusion du capital économique et du capital culturel auront beaucoup de difficultés s’ils souhaitent se reconvertir, pour entreprendre par exemple une reconversion de leurs titres scolaires dans le secteur privé et non dans l’enseignement.
9 Sous l’Ancien Régime, ce fut la haute noblesse, la plus riche, souvent aussi la plus glorieuse la première manifesta de l’intérêt pour les grandes entreprises commerciales ou maritimes.
10 Sur l’importance de la reconnaissance et de la croyance dans la société aristocratique, voir Norbert Elias (198.5).
Auteur
Centre d’étude des mouvements sociaux, École des hautes études en sciences sociales, Paris
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