1 Ils sont pourtant, si l’on s’en tient aux statistiques policières, légèrement moins nombreux que l’année précédente (treize contre dix-sept).
2 Un comptage réalisé par nos soins fait apparaître que Libération, Le Monde et Le Figaro ont publié trente-trois articles sur le sujet autour du nouvel an 1998 et vingt-quatre autour du nouvel an 1999.
3 Voir par exemple Lemieux (2008a): des journalistes locaux relaient une alerte nucléaire concernant leur zone, alerte qu’ils n’estiment pas fondée mais dont les médias nationaux se sont bruyamment emparés.
4 Ces effets pervers tiennent aux effets de stigmatisation des popu lations habitant les quartiers victimes des incendies de voitures mais aussi au fait que les incendiaires sont encouragés par la médiatisation de leurs actes (Peralva et Macé, 2002).
5 Il resterait à expliquer pourquoi, à la fin des années 1990, les médias nationaux ont centré subitement leur attention sur le phénomène. Une série de facteurs ont été avancés : facteurs politiques (ville gouvernée par la ministre socialiste Catherine Trautmann), thématiques (montée de l’enjeu sécuritaire au plan national), médiatiques (concentration de correspondants et de dispositifs médiatiques à Strasbourg, période creuse en termes d’actualités), techniques (possibilité de filmer les feux de voitures en direct). Mais il conviendrait surtout de prendre en compte les stratégies des sources (Schlesinger, 1992), notamment au sein du milieu politique alsacien et national, ce qui excède le cadre de la présente étude.
6 La statistique policière de la délinquance a, on le sait, une histoire des plus controversées. Voir par exemple, Dominique Monjardet, « Comment apprécier une politique policière ? », Sociologie du travail, vol. 48, n o 2, 2006, p. 188-208.
7 Comme nous l’expliquait un magistrat : « Le procureur [de Strasbourg] disait qu’il y avait trois types de mensonges : le mensonge simple, le mensonge aggravé et la statistique. »
8 Outre les DNA, notre étude a porté sur le quotidien L’Alsace et en Bretagne, sur Le Télégramme de Brest et Ouest-France.
9 Autre élément décisif : la place accordée à la rubrique faits-divers dans la ligne éditoriale et la politique de marketing du journal concerné. Il est connu en effet que certains journaux de la presse quotidienne régionale considèrent cette rubrique comme hautement stratégique (Le Télégramme de Brest, par exemple), tandis que d’autres (Ouest France et, dans une moindre mesure, L’Alsace), adoptent un traitement plus sobre et discret. La rédaction en chef des premiers se montre généralement plus vigilante et interventionniste dans le travail des faits- diversiers. Les DNA, quant à elles, n’affichent pas de politique éditoriale particulière en la matière ; et n’entrent donc, ni dans le premier cas ni dans le second, à cette réserve près qu’elles consacrent tout de même, chaque jour, un nombre de pages relativement important aux faits-divers.
10 Durant l’année 1999, alors même que les responsables des DNA avaient décidé de ne plus publier d’information concernant les feux de véhicules, leur nombre s’est accru, atteignant, selon la préfecture du Bas-Rhin, les 756 cas dans l’agglomération strasbourgeoise contre 712 l’année précédente. Cette persistance du phénomène ne semble pas étrangère au changement de stratégie éditoriale de la rédaction en chef. Comme nous l’explique un journaliste de ce quotidien cherchant à justifier le revirement opéré : «C’est comme une rivière. Si on met un barrage, à un moment, le barrage va craquer. » Il faudrait cependant pouvoir analyser en détail l’ensemble des interactions-avec les responsables politiques et institutionnels locaux, les journalistes de la rédaction, les responsables des ventes et du marketing, et les lecteurs-qui ont amené concrètement la rédaction en chef à prendre cette décision.
11 Les faits-diversiers appellent ainsi les prises de contact quotidiennes, à heure fixe, avec les policiers, les gendarmes et les pompiers.
12 L’opposition entre expertise contextualiste et expertise naturaliste est inspirée par celle que campe Cyril Lemieux (2003) entre des points de vue journalistiques constructiviste et naturaliste.
13 Cet affranchissement a bien entendu ses limites : se sachant tributaires, sur plus d’un dossier, des sources institutionnelles, les faitsdiversiers comprennent qu’ils ne peuvent pas s’engager dans une « guerre des chiffres » avec elles. La rupture de coopération se doit d’être circonscrite, et la logique des « arrangements », si essentielle, on l’a vu, dans l’expertise contextualiste, nécessite d’être régulièrement rappelée, pour éviter-ce qu’aucune des parties ne souhaite-que les relations ne se dégradent complètement.
14 Ainsi entendue, la notion d’expertise institutionnaliste est à rapprocher de l’idée de « définiseurs primaires » (primary definers) dévelop- pépée par Stuart Hall (1978). Les journalistes, soutient Hall, ne font en général que reprendre à leur compte les définitions premières des phénomènes sociaux que leur fournissent les sources officielles et les pouvoirs publics. Nos observations nous mènent à compliquer le tableau : dans le cas examiné ici, l’expertise institutionnaliste n’est privilégiée que par un certain type de journalistes. Les faits-diversiers des médias locaux semblent y opposer une certaine résistance. Ce refus peut d’ailleurs être partagé, comme on l’a vu au sujet des chiffres de la délinquance, au sein même des institutions. On rejoint, de ce point de vue, les nuances qu’apportent à la thèse de Hall les travaux mettant en lumière l’aspect concurrentiel-ce qui ne veut pas dire égal-des définitions premières de l’événement. Voir notamment, Miller (1993) et Schlesinger et Tumber (1994).
15 La notion de « violences urbaines », mise au point en 1990 par la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG), a donné lieu à une échelle de classification des crimes et délits censés se diffuser dans les zones dites « sensibles ». Abandonné un temps, cet indicateur est réapparu en subissant quelques modifications, avant de prendre la forme actuelle d’un « Indicateur national des violences urbaines » (Ivun) qui inclut, tout comme les précédents, l’incendie de véhicules.
16 Ainsi, par exemple, lorsqu’un fils conduit sans permis la voiture de son père et la casse : « Il brûle sa propre voiture ! »
17 Ce changement de ligne éditoriale peut être imputé d’une part, à l’arrivée en 2004 d’un nouveau rédacteur en chef à la tête du journal ; d’autre part, à la numérisation de la radio de la police dans le Bas-Rhin en 2005, opération qui rendit définitivement inopérant l’usage du scanner par les journalistes.