Chapitre III. Effectifs et organisation
p. 65-85
Texte intégral
A. LES EFFECTIFS
1Pour évaluer le montant des forces dont les rois de France disposèrent entre 1337 et 1369, il n’y a pas lieu de s’arrêter aux estimations des chroniqueurs contemporains : bien que moins fantaisistes qu’on s’est trop souvent plu à le répéter — Froissart, à cet égard, avec ses exagérations manifestes, ses variations intempestives de l’une à l’autre rédaction de ses Chroniques, tranche sur les autres sources narratives, généralement plus modérées et plus sûres —, elles doivent être négligées au profit des documents officiels de caractère financier : comptes ou fragments de comptes, montres, retenues, mais aussi projets élaborés par les gens des Comptes en vue d’évaluer les dépenses et les recettes à prévoir. C’est dire qu’on ne saurait y relever que les effectifs soldés, à l’exclusion d’abord de cette marge, d’ailleurs faible, de combattants servant à leurs dépens, ensuite et surtout des gens de guerre servant le roi mais soldés par d’autres que lui. De plus, ces documents comptables ne permettent pas de déceler l’importance des fraudes imputables aux trésoriers, au personnel chargé de recevoir les montres, ou aux soudoyers eux-mêmes. On ne saurait donc proposer que de simples estimations, comportant toutes une dose inégale, mais inévitable, d’incertitude.
2On examinera d’abord les projets et les prévisions.
1. Guerre de Gascogne de 1326-13271

2. Guerre de Gascogne de 13292

3. Guerre de Gascogne de 13303

4. Guerre de 1339 (armée de la mer exclue)4
a) mars avril mai 1339

b) juin, juillet, août et septembre 1339
Effectif total : 10 000 hommes d’armes
40 000 hommes de pied
Les gens des hôtels du roi et du duc de Normandie.
35. Forces tenant garnison sur les frontières du Nord en 13415
Hypothèse I : guerre avec l’Angleterre et trêves avec les Flamands.
471 hommes d’armes
572 sergents de pied
(plus 3 garnisons dont les effectifs ne sont pas indiqués).
Hypothèse II : guerre avec les Flamands et avec les Anglais.
De 1794 à 1994 hommes d’armes, selon l’importance du capitaine souverain désigné par le roi.
1 020 sergents de pied.
Hypothèse III : trêves longues avec les Flamands et avec les Anglais.
Effectifs non précisés.
6. Propositions présentées par les Normands, « nobles et autres », à Philippe VI en 1339, en vue d’un débarquement outre-Manche et d’une éventuelle conquête de l’Angleterre6

7. Propositions présentées par les états de Languedoïl en 1355, 1356, 13577

8. Projet des états du pays d’Auvergne pour 13578

9. Propositions présentées par les états de Languedoc en septembre et octobre 13569

410. En 1361, Jean le Bon approuva la levée de 1 500 lances et 3 000 hommes de pied décidée par les communes de Languedoc pour chasser les « malvaises compagnies »10.
511. En 1363, les états de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes décident d’entretenir en permanence 200 hommes d’armes et 200 arbalétriers, pavesiers ou archers à cheval11.
612. Le 22 octobre 1367, Charles V avertit ses communes de Languedoc que, « pour contrester au mauvais propos d’aucunes gens de compaigne », il a résolu d’entretenir « continuellement » un certain nombre de gens d’armes dans le royaume, la Languedoc pour sa part étant taxée à 600 hommes d’armes, dont il demande le financement12.
7Les différentes données théoriques énumérées précédemment doivent être mises en parallèle avec les indications fournies par l’examen d’un certain nombre de comptes ayant subsisté.
81. On possède en original le compte des recettes et des dépenses effectuées par Barthélmey du Drach, trésorier des guerres de Philippe VI, et François de l’Hôpital, clerc des arbalétriers, du 1er janvier 1339 au 1er octobre 1341, pour les guerres de Gascogne13. Leur analyse a permis d’établir le graphique I.
Graphique 1

92. Pour l’année 1342, on a conservé une copie soignée des comptes du même trésorier des guerres, concernant le même théâtre d’opérations14. Mais cette copie ne contient pas les payements destinés aux troupes de garnison et ne permet donc l’évaluation que des seuls éléments ayant fait campagne de juin 1342 à janvier 1343 (graphique II).
103. On possède en original les comptes des recettes et des dépenses effectuées par Barthélemy du Drach et Jean du Cange, autre trésorier des guerres de Philippe VI, pour les opérations militaires qui se déroulèrent dans le nord du royaume de novembre 1339 à octobre 134015. Ces documents permettent en particulier d’évaluer les effectifs réunis au cours de l’« ost de Bouvines », durant l’été 1340, jusqu’aux trêves conclues à Esplechin entre la France et l’Angleterre le 25 septembre de la même année (graphique III).
Graphique II

Graphique III

11Telles sont les sources les plus complètes et les plus abondantes qu’on ait conservées pour les trente premières années de la guerre de Cent ans. Elles suffisent à elles seules pour témoigner des dimensions atteintes alors par l’effort militaire français. En septembre 1340, mois où cet effort connut son apogée, Philippe VI avait à ses gages les forces suivantes :
frontières de la mer, en Normandie :
Languedoc :
5 325 hommes d’armes
13 770 gens de pied, dont 150 gentilshommes à pied, 1 600 arbalétriers et environ 12 000 sergents.
« ost de Bouvines » et troupes tenant garnison aux frontières de Flandre et de Thiérache :
22 500 hommes d’armes
2 500 sergents de pied
200 arbalétriers
environ 30 gentilshommes de pied.
12En d’autres termes, sur terre, les effectifs soldés à cette date par le roi s’élevaient à un total de 28 000 hommes d’armes et 16 700 gens de pied, dont un bon quart d’arbalétriers.
13Encore est-il sûr que d’assez nombreux éléments échappent à cette investigation. En effet, les comptes dont on dispose ne parlent pas des forces placées sous le commandement du roi de Bohême, Jean de Luxembourg, dont la présence à l’ost de Bouvines est cependant attestée par l’ensemble des chroniques18. Pareillement, il n’y est pas fait mention de la « retenue » du maître des arbalétriers, le Galois de la Baume, qui, en 1340, disposa à coup sûr de combattants, hommes d’armes et gens de pied, tout comme il en avait eu — le fait est prouvé — en 1338 et 133919. On sait par ailleurs que le duc Jean de Bretagne servit à ses dépens avec des forces importantes pendant l’ost de Bouvines20. Enfin, certaines villes envoyèrent des contingents de gens de pied soldés par leurs soins : tel est le cas de la ville d’Arras21.
14Pour les années postérieures, les documents comptables sont malheureusement moins nombreux et surtout très fragmentaires :
154. Après la défaite de Crécy, Philippe VI, en octobre 1346, convoqua des gens d’armes à Compiègne dans un dessein militaire qui nous échappe. Les effectifs réunis alors et soldés par le trésorier des guerres Barthélémy du Drach s’élevèrent à 3 105 hommes d’armes22.
165. En août 1352, Jean le Bon décida de réunir une armée ; pour cela il fit appel, en particulier, à des « barons » et autres grands seigneurs originaires de l’Empire — la duchesse de Lorraine et la comtesse de Bar, les comtes de Namur, Savoie, Genève et Montbéliard, les évêques de Liège et de Metz, etc. — et des marches orientales du royaume, chacun d’eux étant retenu par une lettre avec un effectif déterminé. Quatre lieux de rassemblement furent prévus : Troyes, Saint-Quentin, Mâcon et Dijon, où les trésoriers du roi devaient distribuer leurs prêts aux gens de guerre ; 2 853 hommes d’armes et 1 700 sergents de pied reçurent ainsi une avance23.
176. Le compte de Barthélemy du Drach, l’un des trois trésoriers des guerres à côté de Jacques Lempereur, qui s’était vu attribuer la Languedoc, et de son collègue de Languedoïl Jean Chauvel, indique, pour la campagne de Picardie d’octobre et novembre 1355, un effectif d’environ 3 500 hommes d’armes24.
18Prévisions et réalités, dans la mesure où l’on peut saisir et confronter les unes et les autres, s’accordent pour mettre en évidence un fait naturel : la variation considérable des effectifs, d’abord entre les périodes d’activité militaire intense, en général les quatre à six mois de la belle saison, de mai à octobre, et les périodes où, les opérations étant réduites au minimum, le problème essentiel était de tenir garnison dans une place forte ; ensuite, entre les moments de guerre ouverte et ceux où des trêves plus ou moins complètes, solides et respectées étaient en vigueur entre les adversaires. Les projets pour la guerre de Gascogne de 1326 — 1327, ceux pour l’année 1339, montrent des variations annuelles de l’ordre de 1 à 3, 4 ou 5. En 1339—1340, les comptes indiquent un minimum de 10 000 combattants durant les mois de février et mars 1340 et un maximum de 44 700 en septembre suivant. Cependant, durant cette même période d’un an, les différences apparaissent beaucoup plus marquées dans le nord du royaume, où les garnisons maintenues en permanence étaient peu nombreuses et où l’effort principal se produisit durant l’été 1340 en vue d’une bataille rangée contre Edouard III, qu’en Languedoc où la tâche était surtout de défendre sans relâche un réseau dense et profond de places fortes encerclant la Guienne anglaise et de conquérir progressivement cette dernière en enlevant une à une les forteresses adverses. Il s’agit bien ici de deux types de guerre, auxquels correspondaient des exigences militaires distinctes. Il reste qu’à partir de 1337, même lorsque des trêves étaient conclues, la monarchie ne put se dispenser d’entretenir sur les « frontières » des ennemis des forces en nombre plus ou moins considérable. Le temps d’une France pratiquement désarmée était dès lors définitivement révolu.
19Prévisions et documents comptables indiquent également l’ampleur des effectifs que les premiers Valois voulurent et purent réunir entre 1337 et 1360. On doit cependant distinguer durant ces 24 années deux périodes. La première, s’étendant jusqu’en 1348, voit l’effort énorme d’une royauté en pleine possession de ses moyens financiers, politiques, militaires, disposant d’un vaste réseau d’alliances et d’amitiés, placée à la tête d’un pays consentant qui n’a pas encore subi la saignée des épidémies et dont l’économie a en apparence assez bien surmonté la crise de 1315—1320. Alors sans doute se trouvèrent rassemblées de part et d’autre les plus grandes armées de la guerre de Cent ans : celle de Bouvines, en 1340, du côté français, celle de Crécy et Calais, en 1346 et 1347, du côté anglais. Du moins pour la France, des effectifs de cette dimension ne furent de nouveau atteints qu’à la fin du règne de Louis XI, exceptionnellement, durant une brève phase critique où l’État imposa à ses sujets une pression fiscale extrême, presque intolérable, et, plus couramment, au 16e siècle, à une époque d’euphorie économique et d’expansion démographique25. Après 1348, dans la seconde période, les résultats auxquels parvint la monarchie, furent d’envergure plus modeste : en particulier, les propositions avancées en 1356 conjointement par les états de Languedoc et de Languedoïl, qui prévoyaient l’entretien annuel de 35 000 hommes d’armes et 5000 gens de cheval étaient de purs rêves que les gens des comptes écartèrent au profit de chiffres trois à quatre fois inférieurs26.
20L’examen des projets et des comptes permet encore de souligner les changements qui s’opérèrent dans la composition des effectifs : jusqu’au milieu du siècle, à côté des hommes d’armes, les gens de pied jouèrent un rôle considérable ; sergents ou arbalétriers, ils étaient souvent même les plus nombreux. Après les premiers échecs, face à la redoutable efficacité des archers anglais, compte tenu aussi de la faiblesse militaire des communes, les gens d’armes demeurèrent l’élément fondamental, mais les gens de pied reculèrent par rapport aux gens de cheval, où l’on retrouve la distinction entre arbalétriers, sergents et pavesiers.
21Il est possible de comparer les prévisions et la réalité dans un cas : celui de la guerre de Languedoc pour les mois de mars, avril et mai 1339. Les gens du roi comptaient sur 2 000 hommes d’armes et 10 000 hommes de pied ; il y en eut en moyenne respectivement un peu plus de 3 000 et un peu moins de 7 000. Par ailleurs, pour la campagne de l’été 1339, les projets faisaient état de 10 000 hommes d’armes et 40 000 hommes de pied ; durant l’été 1340, les comptes qui subsistent indiquent une moyenne de 20 000 hommes d’armes et seulement 11 000 hommes de pied. Bien que ce dernier chiffre soit inférieur à la réalité, il est permis cependant d’estimer que, dans l’ensemble, les effectifs comprirent, par rapport aux hypothèses, nettement plus d’hommes d’armes et nettement moins de gens de pied. Faut-il penser à une révision dans la politique du recrutement face aux exigences et aux possibilités ? Ou bien à une pression de la noblesse en vue de se faire retenir aux gages du roi ? Les deux explications ne paraissent pas incompatibles. Tout se passe en tout cas comme si le roi et ses lieutenants, spécialement lors de la réunion des grands osts, avaient été surpris, voire déroutés par le nombre de gens d’armes répondant à leurs mandements. Peut-être doit-on partiellement expliquer les hésitations que manifesta Philippe VI au cours des opérations militaires par la perplexité, sinon le désarroi, de son entourage, en présence du flot incessant de foules inorganisées venant rejoindre sa personne ?
22Enfin, il convient de souligner qu’à partir de 1355 un souci nouveau apparaît : celui d’entretenir régulièrement, tout au long de l’année, des effectifs comparables. Manifestement on ne songe plus à mener une courte campagne offensive, au terme de laquelle la paix et la tranquillité seront rétablies, mais à soutenir un effort de longue haleine contre un adversaire tenace, multiple. Bon gré mal gré, il a bien fallu à la monarchie comme aux populations s’installer dans la guerre.
23Au témoignage des contemporains, les effectifs des armées continentales d’Édouard III furent régulièrement fort inférieurs à ceux des armées levées contre lui par Philippe VI et Jean le Bon. L’examen des archives anglaises vérifie-t-il cette impression ?
24Pour la période allant du 23 octobre au 16 novembre 1339, les forces proprement anglaises opposées aux troupes de Philippe VI durant l’ost de Buironfosse s’élevèrent à 1 600 hommes d’armes, 1 500 archers à cheval, 1 650 archers à pied et piquiers. A ces 4 750 combattants, s’ajoutèrent 800 hommes d’armes venus des Pays-Bas et d’Allemagne et surtout les contingents fournis par les alliés continentaux : duc de Gueldre, margrave de Juliers, duc de Brabant, comte de Hainaut27. Un document de chancellerie envisage pour 1342 la mobilisation de 2 595 hommes d’armes, 1 012 hommes armés, 7 952 archers et 2 000 lanciers gallois à pied : soit plus de 13 500 combattants28. Durant les six premières années de la guerre de Cent ans, une moyenne de 4 820 Gascons, dont 86,5 % à pied et 59 % appartenant aux forces de garnison permanentes, fut à la solde d’Édouard III pour défendre la Guienne29. Au plus fort du siège de Calais, le roi d’Angleterre disposa de 5 000 hommes d’armes, 5 000 archers à cheval, 15 000 archers à pied, 600 hobelars, de mercenaires étrangers et de gens de pied gallois : 32 000 hommes en tout30. En 1355, pour son expédition à travers la Languedoc, le prince de Galles amena avec lui d’Angleterre environ 1 000 hommes d’armes, 1 000 archers à cheval, 300 à 400 archers à pied et 170 Gallois31. L’année suivante, à Poitiers, son armée aurait compté 3 000 à 4 000 hommes d’armes, 2 500 à 3 000 archers et 1 000 sergents32. Bien que les comparaisons avec la France soient difficiles — les périodes pour lesquelles on dispose de données utilisables ne coïncidant guère—,1a supériorité numérique des Valois apparaît néanmoins indéniable, de l’ordre du triple ou du double. C’est dire qu’elle est à peine inférieure à la différence existant entre les populations respectives de la France et de l’Angleterre à l’époque33. Les possibilités de recrutement des premiers Valois, elles-mêmes fonction de leurs moyens financiers et de l’étendue de leur autorité, furent au total satisfaisantes.
B. CHEFS ET GROUPES DE COMBATTANTS
25Le commandement suprême des troupes revenait de droit au roi de France. Pour Philippe VI comme pour Jean le Bon, leur souveraineté dans ce domaine ne fut nullement théorique ni virtuelle : l’un et l’autre firent effectivement campagne à plusieurs reprises34. De plus, même quand ils étaient éloignés de théâtre d’opérations, leur action s’exerçait par un contrôle incessant et par l’envoi d’une multiplicité d’ordres et de mandements35.
26Le roi était assisté dans sa tâche par les membres de son conseil où, jusqu’en 1356, le rôle déterminant revenait à une poignée de « grans seigneurs et gouverneurs » ayant en fait le « gouvernement » de la France. Chargés de trouver des solutions aux différents problèmes qui se posaient, notamment de nature militaire, ils étaient trop peu nombreux, ou trop hésitants et indifférents, pour accomplir leur mission de façon satisfaisante. D’où des lenteurs fatales, des incertitudes désastreuses, le mécontentement de ceux qui leur exposaient en vain leurs doléances. C’est pour remédier à cette semi-paralysie du pouvoir central que les états de Languedoïl, réunis à Paris en octobre 1356, proposèrent la création d’un organisme réunissant « certaines personnes des troys estas, saiges et suffisans en faiz d’armes » qui accompagneraient continuellement le dauphin Charles, à Paris ou ailleurs, et répondraient sans délai « a ceulx qui vendroient pour le fait de guerre » : « chastelains, connestables, mareschaulx, maitres des arbalestriers, admirault de la mer, lieuxtenans et cappitaines »36. Les événements empêchèrent ce conseil spécialisé de voir le jour, et le triomphe du régent assura le retour aux anciennes pratiques : avant comme après, à travers les 14e et 15e siècles, le roi prit ses décisions militaires et promulgua ses ordonnances sur le fait de la guerre « par grant advis et meure délibération de Conseil eu sur ce avec les chez d’office de » sa « guerre et plusieurs autres saiges et vailans »37.
Lieutenants du roi et capitaines généraux
27Tel était le niveau de décision le plus élevé. A l’échelon immédiatement inférieur, les lieutenants et capitaines généraux désignés par le roi exerçaient leur commandement et leurs pouvoirs dans des régions déterminées. En 1339— 1340, par exemple, dans le midi de la France, l’évêque de Beauvais, Jean de Marigny, lieutenant du roi pour la Gascogne, la Saintonge et toute la Languedoc, comptait sous lui plusieurs capitaines généraux responsables d’une circonscription moins étendue, tels Pierre de la Palu, sire de Varambon, sénéchal de Toulouse, ou Payen de Mailly, sénéchal, capitaine et gouverneur du Périgord38. En 1351, on relève entre autres Robert d’Houdetot, sénéchal d’Agenais, capitaine pour le roi entre les rivières de Garonne et de Dordogne, Charles d’Espagne, comte d’Angoulême et connétable de France, lieutenant du roi en Picardie et sur les frontières d’Artois, de Boulonnais et de la mer, Guy de Nesle, sire de Mello, maréchal de France, lieutenant du roi en Saintonge, Poitou, Limousin, Angoumois et Périgord39. Le ressort de ces circonscriptions militaires était souvent instable, mal défini. Lieutenants et capitaines exerçaient leur commandement sans continuité. Les mutations, les remaniements étaient incessants. Bref, la monarchie menait ici une politique à courte vue, largement improvisée, qui contraste avec les pouvoirs très étendus qu’elle reconnaissait à ses lieutenants comme à ses généraux et souverains capitaines. A l’intérieur de leur lieutenance ou capitainerie, les uns et les autres avaient en effet « autorité », « pouvoir » et « mandement » de désigner les capitaines, châtelains, gardes de châteaux, forteresses, villes et autres lieux, d’y établir des gens d’armes et de pied à leur guise, d’inspecter leur circonscription, d’y faire raser et démanteler les places qu’ils estimaient impossibles à défendre, de « faire assemblées » de « gens d’armes, nobles et non nobles, de cheval et de pié », de les retenir aux gages du roi pour « resister et contrester » à ses « ennemis et malvueillans », bref d’agir en toute liberté pour « gouverner ses guerres » et assurer au mieux la « deffense et seurté » du pays qu’il leur avait confié40.
28Les combattants sur lesquels s’exerçait leur autorité servaient, selon le terme du temps, sous leur « gouvernement »41. Les lieutenants et capitaines désignés par Philippe VI dans la Languedoc entre 1339 et 1341 disposèrent ainsi de forces tenant campagne, participant à des coups de main, à des rencontres, à des sièges. Les comptes du trésorier des guerres, Barthélémy du Drach, répartissent ces gens d’armes et de pied en plusieurs groupes, en fonction de leur origine géographique ; on distingue, à cette date, ceux de Savoie et de Viennois, ceux de France, Picardie et autres provinces de Languedoïl, ceux enfin des diverses sénéchaussées du Midi : Auvergne, Beaucaire, Rouergue, Carcassonne, Toulouse, Bigorre, Agenais, Périgord42. Ce classement ne répondait pas seulement à des raisons de commodité financière et administrative ; les combattants d’une même province, bailliage ou sénéchaussée, purent former un groupement relativement bien défini, placé sous le commandement du bailli ou du sénéchal, dont on relève le plus souvent la présence dans les comptes, en tête du contingent de sa circonscription43. Évoquant le siège d’Aiguillon, en 1346, Jean le Bel montre à l’œuvre de semblables unités : « Les seigneurs de l’ost firent commandement que ceulx de Thoulouse et de Carcassonne et de leurs chastelleries s’armassent et assaillissent le chastel jusques a midi, et ceulx de Caours et d’Aghines en aprez aussy »44.
29A côté des forces tenant campagne, il existait aussi en 1339—1340, toujours sous le gouvernement des lieutenants et capitaines généraux en Languedoc, plusieurs centaines d’« establies » ou de « garnisons »45 de part et d’autre de la Garonne, à la tête desquelles se trouvait un capitaine ou un châtelain royal46. A la même époque, une organisation analogue prévalait dans le nord du royaume : un rapport de 1341, mis au point en prévision d’une reprise de la guerre avec le roi d’Angleterre, proposait un « capitaine souverain », « grant » ou « moyen », ayant à sa disposition un corps de 500 ou 300 hommes d’armes et commandant à un certain nombre de « chefs » ou « gouverneurs » qui seraient les baillis des différents bailliages où ils exerçaient leur office : Vitry, Vermandois, Amiens. Chacun de ces baillis devait avoir avec lui une petite troupe de gens de guerre ; mais la sécurité des frontières serait avant tout assurée par une trentaine de garnisons établies dans des villes ou des châteaux, à la tête desquelles seraient placés soit des capitaines ou gouverneurs désignés par le roi pour la circonstance, soit les châtelains, officiers du roi ou du comte d’Artois, soit enfin les seigneurs particuliers, défendant leurs « maisons » à leurs dépens, sans que leurs gens ni eux-mêmes fussent retenus aux gages du roi47.
30Les mesures prises sous la pression des états généraux et provinciaux à partir de 1356 eurent pour but principal de renforcer les cadres de la défense régionale et de les étendre non plus aux zones frontières mais à l’ensemble du royaume, afin de parer en tous lieux à une insécurité devenue générale. Les gens d’Église, nobles et communes rassemblés à Clermont en vue de pourvoir à la « tuición et deffence » de l’Auvergne, dans les derniers jours de l’année 1356, s’entendirent pour désigner un « bon capitaine », qui fût « puissans, prisés et amés au dit pais » mais également apprécié du roi et qui aurait des combattants sous son « gouvernement et en sa compania » ; en conséquence, ils s’adressèrent à Jean de Boulogne, comte de Montfort, « comme cellui qui est puissans, honorables, prouffitables et agreables audit pais », lui demandant d’être « capitaines et gouverneur dudit pais et du nombre de gens d’armes » prévu48. L’ordonnance du régent promulguée à Compiègne le 14 mai 1358 prévoyait que la protection des « pays » serait assurée par des capitaines régionaux choisis par lui après « meure et bonne deliberacion de Conseil », « bons et souffisans », « agreables aus pays » où ils seraient envoyés, ne devant pas y « meffaire ». Chaque région devait conserver ses ressources pour assurer sa propre sécurité sous la direction de son capitaine ; cependant les pays de frontière pourraient recevoir l’aide des zones les moins menacées. Des sommes ainsi levées, le roi — ou le pouvoir central — ne pourrait obtenir que le dixième, sauf s’il était nécessaire d’aller contre les ennemis « a grosse bataille » ; dans ce cas, les capitaines des pays rejoindraient le roi avec le plus grand nombre de gens possible49. L’instruction du 5 décembre 1363 concernant certaines parties de Languedoïl organisait cette défense régionale dans le vieux et solide cadre des diocèses50. A la même époque, la sénéchaussée de Beaucaire et de Nîmes avait aussi un capitaine, qui se trouvait être son sénéchal51. Le rôle militaire des diocèses subsistait encore en 1367, au moment où Charles V, par son ordonnance du 19 juillet, promulguée après la réunion des états de Languedoïl à Chartres, prit diverses mesures en vue de limiter les ravages des Compagnies menaçant de rentrer dans le royaume. Les capitaines des « pays » devaient s’enquérir du nombre de combattants de leur « capitainerie » qu’ils pourraient, le cas échéant, envoyer aux mandements du roi ou de ses lieutenants, une fois les forteresses de leur circonscription suffisamment garnies. Le même document fait également allusion au rôle militaire des capitaines des forteresses, des gouverneurs des villes, enfin des baillis, qui devaient, accompagnés de deux chevaliers, inspecter les places de leur bailliage52.
31Ainsi, les lieutenants et capitaines régionaux étaient responsables d’un territoire avant de l’être d’un groupe de combattants ; cependant, progressivement, le second aspect de leur pouvoir l’emporta sur le premier, en même temps que les effectifs à la tête desquels ils se trouvaient placés se stabilisaient durablement à un certain niveau ; ce changement apparaît bien dans les titulatures mêmes, où l’autorité sur les hommes est toujours plus nettement et plus fréquemment soulignée : en 1356, Robert de Clermont, chevalier, est dit capitaine en Normandie de 300 hommes d’armes qui sont « en sa compagnie et sous son gouvernement »53 ; l’année suivante, on le retrouve, devenu maréchal de Normandie — c’est lui qui devait périr à Paris en même temps que le maréchal de Champagne le 22 février 1358 — capitaine « es parties » de Dreux et du Perche avec 400 hommes d’armes de sa compagnie54. En 1359, Aimery, sire de la Rochefoucauld, est « établi » et « ordonné » par le fils de Jean le Bon, Jean, comte de Poitiers, « capitain general de gens d’armes et de pié es parties de langue d’oc » ; il doit avoir « continuellement en sa compaignie » cent hommes d’armes afin de « chevauchier et visiter les dictes parties » ; ses prérogatives sont celles qui appartiennent à tout « capitaine general », « ou fait de capitenerie de gens d’armes »55. En 1364, « noble homme monseigneur d’Aubergni », chevalier, est capitaine des gens d’armes ordonnés au diocèse d’Amiens pour le fait de la guerre56 ; Charles, seigneur de Bouville, est capitaine des gens d’armes des cité et diocèse de Sens57. Trois ans plus tard en 1367, Louis de Sancerre, chevalier, est capitaine de 300 hommes d’armes en Auvergne et Berri58.
Batailles et chefs de batailles
32A côté de cette organisation régionale du commandement, donnant naissance à des groupes de combattants affectés à un territoire donné, il existait d’autres structures pour le rassemblement et l’articulation des gens de guerre au sein des « armées » ou des « osts »59 proprement dits, destinés à entreprendre de vastes opérations militaires au cours de campagnes durant de quelques semaines à quelques mois au maximum. Sources narratives et documents comptables s’accordent pour indiquer que ces armées étaient presque toujours composées d’un nombre relativement restreint de grandes unités appelées « batailles », ou, dans les textes latins, acies60. Ces batailles comptaient généralement des hommes d’armes, mais le même mot était employé pour désigner des réalités toutes différentes : en 1338, l’ordonnance réglant la discipline dans la flotte de guerre de Philippe VI prévoyait que les bateaux seraient répartis en un certain nombre de « batailles » dont la première reviendrait à l’amiral de la mer61. Les comptes des trésoriers des guerres de l’ost de Bouvines, en 1340, montrent l’existence de douze « batailles » dont les effectifs allaient de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’hommes d’armes. A leur tête se trouvaient de grands seigneurs qui en avaient le « gouvernement »62.
33A ces douze « batailles », il faut vraisemblablement ajouter celles du maître des arbalétriers de France, le Galois de la Baume, du duc de Bretagne et du roi de Bohême. Parmi les « gouverneurs » des batailles, il convient d’opposer ceux désignés par le roi, qui rassemblaient pour cette occasion sous leur autorité des gens d’armes de toute provenance géographique à ceux qui, obéissant aux mandements royaux, faisaient leurs « batailles de leurs gens par eux »63, autrement dit arrivaient sur les lieux de la convocation à la tête d’une unité déjà constituée, dont les éléments étaient recrutés de façon prépondérante, sinon exclusive, à l’intérieur de leur principauté territoriale ou des grands fiefs dont ils étaient investis. Ainsi, le classement en batailles ne répondait pas seulement à des nécessités d’ordre tactique, mais parfois à une unité de recrutement assurant une relative homogénéité, une certaine cohésion, que le commandement suprême avait tout intérêt à respecter. D’où la grande variété de leur importance numérique, variété qu’on s’efforçait de supprimer, juste avant la rencontre avec l’adversaire, en regroupant plusieurs batailles entre elles, afin d’obtenir des corps de cavalerie en nombre plus restreint mais de dimensions à peu près comparables64.
Chefs de montre
34Lieutenants du roi, capitaines souverains pour le roi, chefs de bataille : tous ont en commun d’avoir le « gouvernement » des gens de guerre qui combattent sous leurs ordres. Mais à un échelon inférieur, d’autres groupements apparaissent. Le plus élémentaire, le plus constant, sans doute aussi le plus solide, est celui qui correspond à une montre, énumérant un « chef de montre » suivi d’une liste variable de noms, qui sont dits servir « sous » lui, « dessous » lui, faire partie de sa « compagnie », de son « ménage », de son « hôtel », de sa « route », de sa « suite », de sa « séquelle », parfois de sa « retenue » ou même de son « gouvernement »65. C’est ce « chef de montre » qui recevait des trésoriers des guerres les prêts et les payements pour lui et ses compagnons et qui en délivrait seul quittance. Il est le seul aussi dont le nom apparaisse en propre dans les comptes qui, après l’avoir désigné, se contentent d’indiquer anonymement le nombre et la qualité des combattants dont il dispose66.
35Le groupe des gens de guerre énuméré dans une montre ne correspondait pas seulement à un procédé administratif destiné à faciliter la tâche du personnel de contrôle et de financement ; il était d’abord un noyau humain, une réalité sociale, en fonction de laquelle précisément les agents du roi devaient organiser leur action. Au témoignage des comptes des trésoriers des guerres, les hommes réunis dans une même montre avaient fréquemment une origine géographique ou féodale commune67. Il n’est pas rare que les mêmes surnoms, avec des noms différents, s’y rencontrent68. Ce n’est pas un hasard si, sur un total de 300 montres examinées pour la période 1351 — 1368, 8 seulement comportent un « chef de montre » monté sur un cheval estimé moins cher que celui de l’un quelconque de ses compagnons ; ce n’est pas non plus un hasard si dans deux cas seulement un chef de montre qualifié d’écuyer compte un chevalier parmi les hommes d’armes servant sous lui. En règle générale, le chef de montre était bien, au sein du groupe dont il faisait partie, celui qui possédait le plus de prestige social, disposait du meilleur équipement, avait pris l’initiative de réunir les hommes servant sous lui.
36Toutefois, de nombreux bannerets n’étaient pas chefs de montre et se contentaient de servir dans la compagnie de quelque autre de leurs pairs, alors que l’étaient assez fréquemment de modestes écuyers. Simplement, les montres de ces derniers comportaient peu de combattants, alors que celles des chevaliers bacheliers et surtout des bannerets étaient plus étoffées : un sondage portant sur l’année 1355 indique qu’en moyenne les montres ayant à leur tête un écuyer avaient 3 combattants, celles ayant à leur tête un chevalier bachelier 15, celles ayant à leur tête un chevalier banneret 35. La dépendance acceptée par beaucoup de chevaliers bannerets ou bacheliers n’a rien qui doive étonner ; d’une part en effet un grand seigneur se devait d’avoir sous lui le plus grand nombre possible de gentilshommes « de nom et d’armes » ; d’autre part, ces derniers avaient tout intérêt à se soumettre à un chef prestigieux leur assurant tout à la fois une protection morale et une sécurité matérielle. En sorte que l’indépendance des écuyers chefs de montre était plutôt une source de faiblesse qu’un état recherché : ces petits nobles qui se présentaient au lieu du rassemblement avec leur maigre suite auraient sans doute préféré rejoindre la bannière d’un puissant baron ; « chefs de montre » malgré eux, ils n’avaient su ou pu se faire retenir par un « maître » de rang plus élevé. Parfois même certains de ces écuyers sont reçus seuls aux gages du roi : c’est le cas de 17 des 300 montres évoquées précédemment ; en revanche, on ne relève aucun chevalier dans cette situation : le plus modeste d’entre eux, s’il est chef de montre, compte au moins un écuyer à sa suite69.
37Une bataille, tout comme les effectifs placés sous le gouvernement d’un lieutenant du roi ou d’un capitaine souverain, se décomposait ainsi en une masse de petites unités ayant à leur tête un « chef de montre » de qualité et de prestige fort variables. En 1340, pendant l’ost de Bouvines, la bataille du comte d’Alençon s’élevait à 1 268 hommes d’armes répartis en 134 de ces unités. La plus importante, avec ses 73 hommes d’armes, était formée par l’« hostel et menage » du comte lui-même. Puis venaient 23 unités, dont les chefs étaient des bannerets, allant de 60 à 14 hommes d’armes (moyenne 28) ; 100 unités, s’étageant de 19 à 2 hommes d’armes, avaient pour chefs des chevaliers bacheliers (moyenne 5) ; enfin 20 écuyers étaient à la tête des unités restantes, variant d’un seul à 5 hommes d’armes (moyenne 2)70.
38On conçoit les inconvénients militaires présentés par ces groupements à la fois trop petits, trop nombreux et trop inégaux. Sans doute les chefs s’efforçaient-ils, avant de livrer bataille, d’en supprimer une partie, d’agglomérer momentanément des éléments éparpillés, au risque de froisser l’amour-propre de certains « chefs de montre », mais ces unités improvisées manquaient nécessairement de cohésion tactique et d’esprit de corps. Aussi l’un des premiers essais de réforme militaire entrepris par la monarchie française après ses échecs initiaux fut-il d’inciter les chefs de montre à se présenter à son service avec un nombre plus élevé de combattants : tel est, parmi d’autres, le but poursuivi par l’ordonnance du 30 avril 1351. Jean le Bon y ordonnait que les gens d’armes formassent de « grosses routes », chacune d’elles comprenant de 25 à 80 hommes d’armes, selon la condition des « chevetaines » et des « seigneurs d’icelles routes ». Chaque route serait passée à montre en présence de son « chevetainne » qui devait appeler un à un « ses compaignons dessous lui », dont les noms et surnoms seraient écrits dans le rôle de la montre. Quant aux gens d’armes arrivant par « menues parties », ils devaient être regroupés sous le commandement d’un chevalier désigné par le connétable, les maréchaux de France, le maître des arbalétriers ou tout autre chef d’armée. Ainsi de nouvelles routes seraient créées, obéissant à un chevalier bachelier qui, eu égard à ses responsabilités, recevrait les gages d’un chevalier banneret. Pareillement, les gens de pied devaient être organisés en « connestablies » ou « compagnies » de 25 à 30 combattants ayant à leur tête un « connétable » recevant double solde. En même temps que le roi cherchait à obtenir des groupes de combattants moins nombreux mais plus étoffés, il entendait renforcer leur cohésion en interdisant aux hommes d’armes de quitter leur capitaine et de passer sous un autre sans la permission du connétable, des maréchaux ou du maître des arbalétriers, et en faisant marquer d’un signe commun tous les chevaux d’une même route71. Vains efforts : il ne paraît pas qu’en ce qui concerne ces différents points l’ordonnance de Jean le Bon ait été ni durablement ni largement appliquée72.
39En dépit ou à cause de ces résultats décevants, le même roi, quelques années plus tard, renouvela sa tentative : par un mandement adressé à Jean Chauvel, en date du 4 juillet 1355, il prescrivit d’accorder 100 l.t. par mois à chaque « chef de montre » pour son « état », s’il fournissait, « par une monstre ou par plusieurs », 25 hommes d’armes « de son hostel ou compaignie ». S’il en présentait 50, son état mensuel serait porté à 200 l.t., et ainsi de suite, proportionnellement à l’importance de son contingent. Cette mesure porta ses fruits : lors de la semonce de Picardie d’octobre et novembre 1355, d’assez nombreux bannerets présentèrent des compagnies de 25, 50, 60 ou même 100 hommes d’armes73. Mais, dans l’ensemble, les vieilles habitudes reprirent vite le dessus, comme l’indique l’examen de 163 montres datant de la période 1355—1368 : les montres supérieures à 24 noms ne groupent que 47 % des effectifs totaux, contre 57 % durant la période 1351—1354 ; en revanche, on note une légère diminution des montres inférieures à 10 noms et surtout une notable croissance des montres de dimension moyenne, entre 10 et 24 noms, qui rassemblent non plus 19 % mais 32 % des effectifs74.
Capitaines de gens de guerre
40La monarchie avait échoué dans sa tentative pour grossir et égaliser les unités correspondant aux différentes montres ; elle n’était pas parvenue à les transformer en groupements tactiques constituant un tout sous la direction des chefs de montre ; cependant les montres de très petite dimension, comptant d’un à quatre combattants, deviennent plus rares après 1356. Mais surtout, entre la formation de base, représentée par une montre, et la grande unité formée par une bataille ou par les troupes régionales soumises au gouvernement d’un seigneur d’importance, elle s’efforça, sinon de créer, du moins de répandre un échelon intermédiaire placé sous la responsabilité d’un « chef » ou d’un « capitaine ». En 1347, Amaury de Meulan, chevalier, est capitaine à Saint-Omer de 60 hommes d’armes : or sa montre ne compte que 21 hommes d’armes ; le reste de son effectif se trouve donc réparti entre plusieurs autres montres et plusieurs chefs de montre75 ; pareillement, l’année suivante, la montre de Jean de Meudon, chevalier banneret, capitaine de 70 hommes d’armes, ne compte que 52 noms76. Certaines des montres examinées précédemment, les plus importantes, se subdivisent en plusieurs « sous-montres », à la tête de chacune desquelles on trouve un chevalier, ayant sous lui un petit nombre d’écuyers77. Voici, en 1355, la montre de Pierre Rebuffel, écuyer, et de 4 écuyers de sa compagnie, « souz » Guillaume de la Baume, reçus à Mâcon « sous le gouvernement » du comte de Savoie, ou encore celle de Regnaut de Brouein, écuyer, et de 4 écuyers « avec li », « en la compaignie » de Hugues de Vienne, chevalier banneret, sous le même comte de Savoie78. En 1368, la montre de Jean du Verger, écuyer, de 3 écuyers de sa compagnie, est reçue « en croissance » des gens de la compagnie de Lancelot de Bières, chevalier, sous Guillaume des Bordes, chevalier, chef de cent payes, « au gouvernement » de Mouton de Blainville, maréchal de France79. Le rôle croissant de cet échelon intermédiaire entre la montre et le gouvernement est évidemment à mettre en rapport avec le développement de l’usage des lettres de retenue : tel personnage retenu à 50 hommes d’armes, pouvait les faire tous recevoir en une seule montre sous sa seule direction, mais également en plusieurs, l’une comportant les gens de son hôtel, de sa suite, ou de sa compagnie, les autres ayant chacune à leur tête un chef de montre demeurant soumis à son autorité.
41Le vocabulaire de l’époque n’était guère préparé à désigner ces niveaux superposés : d’où l’usage général et intempestif du terme de « compagnie » — en latin, compagnia, societas mais surtout comitiva80 — pour désignera la fois, au sens relatif, les combattants qui accompagnaient tel personnage et, au sens absolu, un groupement militaire autonome, une entité sociale indépendante, dont le chef lui-même faisait partie. Aussi, pour qualifier l’échelon intermédiaire, eut-on fréquemment recours à d’autres mots, tels que « route » ou « retenue »81, tandis que l’unité de base commence à se voir appelée — les premiers documents qui l’employent datent, à ma connaissance, de 1368 — du terme de « chambre »82. En dépit de cet effort pour clarifier un vocabulaire qui n’est pas encore fixé les ambiguïtés et les hésitations demeurent fréquentes : en 1367, Jacques de Chenay, chevalier, a 3 écuyers en sa compagnie ; tous quatre font partie de la compagnie de Louis de Sancerre et relèvent, à l’échelon supérieur, du « gouvernement » de Jean le Meingre, dit Boucicaut, maréchal de France83. La hiérarchie semble nette : un chef de montre, un chef de compagnie, un gouverneur. Mais un autre document de la même année, faisant allusion au même Louis de Sancerre, lui accorde cette fois le « gouvernement » des 300 hommes d’armes servant sous ses ordres84. Aussi, vouloir à tout prix retrouver une hiérarchie rigide dans le commandement, une articulation uniforme des gens de guerre, serait fausser et durcir une réalité encore mouvante. Le souci de l’organisation est certes manifeste, mais les résultats demeurent encore incertains.
42Il reste qu’au cours des premières décennies de la guerre de Cent ans les structures de l’encadrement se sont dégagées et précisées dans deux directions principales. D’une part, l’organisation territoriale de la défense s’est étendue, sous la pression des circonstances, depuis les régions de frontière jusqu’à l’ensemble du royaume restant soumis à l’autorité du roi. Au cours de la crise des années 1355—1358, cette organisation faillit échapper à l’initiative et au contrôle de la monarchie, mais le relatif échec des états tout comme le retour à la paix lui permirent de reprendre solidement en mains la plupart des responsabilités militaires, tant locales que générales. D’autre part, le rôle ou la place des chefs, « chevetaines », capitaines, connétables ou dizainiers85 d’un contingent déterminé de gens de guerre se développa et s’imposa peu à peu, avec l’aide ou le consentement du pouvoir royal ; celui-ci les désignait, les retenait à ses gages et à son service, les investissait d’une certaine autorité, leur reconnaissait des responsabilités. Ce mouvement se fit au détriment de l’encadrement traditionnel, spontané, qui, simple émanation de la société nobiliaire, échappait dans une large mesure au choix de la monarchie.
Notes de bas de page
1 Jusselin, « Comment la France se préparait à la guerre », p. 220—222, d’après A.D. Côte-d’Or, B 11875. Rapprocher ces prévisions du projet d’expédition en erre sainte présenté au pape en 1323 par les envoyés du roi de France : 5 000 hommes d’armes et 15 000 hommes de pied, coûtant 1 200 000 l. t. par an, plus 400 000 l. t. pour frais divers. Cette croisade devait durer cinq ans (Petit, Charles de Valois, p. j. XX, p. 395—400).
2 Jusselin, « Comment la France se préparait à la guerre », p. 222—226, d’après A.D. Côte-d’Or, B 11733.
3 Ibid., p. 226—228, d’après A.D. Côte-d’Or, B 11715.
4 Ibid., p. 228-230, d’après A.D. Côte-d’Or, B 11715.
5 Jassemin, « Les papiers de Mile de Noyers », p. 193—197.
6 Froissart, Chron., éd. Kervyn, t. XVIII, p. j. 24, p. 67—73.
7 Ord. Roys, t. III, p. 24 et t. IV, p. 171—175 ; Delachenal, Hist. Ch. V, t. I, p. 215, n. 5 ; Chron. Jean II Ch. V, t. I, p. 105.
8 B. N., fr. 24031, f° 1 sq.
9 Ord. Roys, t. III, p. 99-110.
10 Hist. Languedoc, t. X, col. 1263, n° 482.
11 Ord. Roys, t. III, p. 618-627.
12 Hist. Languedoc, t. X, col. 1378-1379.
13 B. N., n. a. fr. 9236 et 9237.
14 B. N., fr. 7877, f° 217 sq.
15 B. N., n.a. fr. 9238, 9239 et 9240.
16 Ibid., 7604, f° 114 sq.
17 Ibid., 9240, f° 185r°.
18 Cf. par exemple Gr. chron. France, t. IX, p. 204.
19 B. N., Clair. 229, p. 1261 sq. et 1321 sq. Cf. aussi La Teyssonnière (A. de), Recherches historiques sur le département de l’Ain, t. III, Bourg, 1844, p. 289 sq. et A. D. Ain, E 142.
Il est possible que dès cette époque Philippe VI ait dédoublé l’office de clerc des arbalétriers au profit de Jean de l’Hôpital, neveu de l’autre clerc des arbalétriers, François de l’Hôpital (B. N., n. a. fr. 7413, f° 240).
20 La Borderie et Pocquet, Hist. Bretagne, t. III, p. 408.
21 Guesnon, « Documents inédits sur l’invasion anglaise », p. 18—26.
22 B. N., n. a. fr. 9241, f° 102 sq. Cf. Lot, L’art militaire et les armées, t. II, p. 485—487.
23 B. N., fr. 32510, f° 205 et Clair. 1021, n° 73 et 74.
24 B.N.,n. a. fr. 9241, f° 162 sq. Cf. Lot, L’art militaire et les armées, t. II, p. 480—485.
25 Lot, Recherches sur les effectifs des armées.
26 Chron. Jean II Ch. V, t. I, p. 83.
27 Prince, « The Strength of Engl. Armies », p. 360—362.
28 Ibid. La date de 1342 est plus vraisemblable que celle de 1340, avancée par Prince.
29 Fowler, « Les Finances et la discipline des armées anglaises », p. 59.
30 Prince, « The Strength of Engl. Armies », p. 364.
31 Hewitt, The Black Prince, p. 22.
32 Ibid., p. 114.
33 D’autant que le roi d’Angleterre tenait une partie du royaume de France.
34 Philippe VI, en particulier, participa aux osts de Cassel en 1328, de Buiron-fosse en 1339, de Bouvines en 1340, de Ploërmel en 1342, de Crécy en 1346, de Calais ou de Sangatte en 1347 (Viard, « Itinéraire de Philippe de Valois »).
On doit néanmoins souligner, à la suite de Cazelles, La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, que la guerre ne fut nullement le domaine de prédilection de ces rois, réputés chevaliers : ils ne la firent que sous la contrainte, et jamais les trêves ne furent rompues de leur fait contrairement à ce que fit Charles V : « Ils aiment négocier, discuter, acheter, conclure des alliances, réunir leur conseil et consulter les notables » (p. 436).
35 B. N., n. a. fr. 9239, f° 272r°.
36 Delachenal, « Journal des Etats généraux », p. 434—435 et 442.
37 Ord. Roys, t. V, p. 658 — 661 (1374). Ou encore : « Par l’advis et deliberación de plusieurs seigneurs de nostre sang, de nos chefs de guerre, des gens de nostre royaume de nostre grand conseil, de nos finances » (ibid., t. XVIII, p. 72 : 1475).
38 B. N., n. a. fr. 9236, passim.
39 B. N., Clair. 11, n° 100 ; 10, n° 116 ; 8, n° 79 et 24, n° 195.
40 Arch. hist. Poitou, t. XVII, p. 108—110, d’après A. N., JJ 81, n° 607 (1352) ; Lehoux, Duc de Berri, t. I, p. 58, n. 1, d’après A. N., J 188 B, n° 1 (1356) ; B. N., Clair. 194, n° 31 (1359) ; Molinier, Arnoul d’Audrehem, p. 28—30.
41 B. N., Clair. 10, n° 44 et 17, n° 109 ; équivalent latin : regimen (Viard, Journ. Trés. Ph. VI, n° 1141).
42 B. N., n. a. fr. 9°236, passim.
43 Guillaume Roullant, sénéchal de Rouergue ; Jean de la Roche, sénéchal de Carcassonne ; Agout des Baux, sénéchal de Toulouse (B. N., n. a. fr. 9236, p. 197, 205 et 286).
44 Jean le Bel, Chron., t. II, p. 61.
45 Bien que le terme d’« establie » — en latin stabilita — reste d’usage le plus fréquent, « garnison » — en latin garnisio — est employé dès le 14e siècle dans un sens très proche du sens actuel : « Des gens d’armes estans en garnison en Gascogne du jour de la saint Jean Baptiste 1298 jusqu’au 3 novembre 1299,qu’elles en furent ostées du commandement du roy » (B. N., fr. 32510, f° 38 : copie 17e siècle) ; quittance de Pierre de Villiers, chevalier le roi et souverain maître de l’hôtel du régent, capitaine de Melun et de certaines parties du Gâtinais, à Jean Luyssier, receveur du travers du pont de Melun, pour 30 écus d’or, 10 destinés aux « ouvriers qui font le pont levais pour la porte de Byère », 10 pour le chariot amenant le « merian » pour le dit pont, 10 enfin « baillez aux brigans de la garnison de la dicte ville » (B. N., p. o. 3021, dossier Villiers de l’Isle-Adam, n° 4 : 27 novembre 1359). Cf. aussi B. N., fr. 25764, n° 184 ; Arch. hist. Poitou, t. XVII, p. 164, d’après A. N., JJ 82, n° 372 (in garnisione et stabilita : 1354) et p. 304, d’après A. N., JJ 89, n° 595 (« en la garnison et establie du chastel du Codray en Poitou » : 1361).
46 B. N., n. a. fr. 9236 et 9237, passim.
47 Jassemin, « Les papiers de Mile de Noyers », p. 193—197.
48 B. N., fr. 24031, f° 1—14.
49 Ord. Roys, t. III, p. 219—232.
50 Varin, Arch. adm. Reims, t. III, p. 273—276.
51 Ord. Roys, t. III, p. 618—627.
52 Ibid., t. V, p. 14—18.
53 B. N., Clair. 24, n° 127.
54 Ibid., 103, n° 65.
55 Ibid., 194, n° 31.
56 Ibid., 24, n° 189.
57 Delisle, Mand. Ch. V, p. 8, n° 13.
58 B. N., Clair. 31, n° 62.
59 « Ost » ou « armée » s’emploient indifféremment à cette époque (Chron. Jean II Ch. V, 1.1, p. 72 et Jean le Bel, Chron., t. I, p. 152 et 176). Toutefois, pour désigner telle expédition, on se sert de préférence du terme d’ « ost » : ainsi l’ost de Buironlosse en 1339, l’ost de Bouvines en 1340, l’ost de Calais en 1347. La traduction fatine courante, tant pour armée que pour ost, est exercitus.
60 Chron. reg. Franc., t. II, p. 67 ; Knighton, Chron., t. II, p. 111 ; Walsingham, Historia Anglicana, t. I, p. 288. Cf. Contamine, « Batailles, bannières, compagnies », p. 20—21.
61 Avesbury, De gestis mirabilibus, p. 259—261. De même, on pouvait faire des batailles de communes ou de gens de pied (Luce, Jacquerie, p. 344).
62 Verbruggen, « La tactique de la chevalerie française de 1340 à 1415 », p. 41. La première bataille en dignité, mais non en importance numérique, était celle du roi ; puis venaient celles de Jean, duc de Normandie, son fils aîné, du connétable de France, Raoul, comte d’Eu, du prince-évêque de Liège, des comtes de Savoie, Flandre, Armagnac, Foix et Alençon, du duc de Bourgogne et du roi de Navarre ; enfin, les deux maréchaux de France, Robert Bertran, sire de Bricquebec, et Mahieu de Trie, sire d’Araines, avaient conjointement la responsabilité d’une bataille ; de plus, un groupe important d’hommes d’armes se trouvait sous leur « gouvernement », sans pour autant constituer une véritable bataille : force de réserve ou plutôt éléments venus en surplus qu’on n’eut pas le temps d’organiser ?
63 B. N., n. a. fr. 9241, f° 162 sq.
64 Contamine, « Batailles, bannières, compagnies », p. 20—21.
65 C’est l’expression « de sa compagnie » ou « en sa compagnie » qui est de loin la plus fréquente entre 1340 et 1370. « Ménage » et « hôtel » sont réservés aux combattants servant sous des seigneurs d’importance.
66 Ce sont eux, en conséquence, qui se trouvent désignés dans les documents financiers par l’expression « gens d’armes qui ont compté en chief » (B. N., n. a. fr. 9236, p. 1). L’expression « chef de montre », utilisée ici faute de mieux, n’est pas très courante dans les sources du temps : cf. pourtant ibid., 9241, f° 162 sq. et fr. 4493 f° 3v°.
67 B. N., n. a. fr. 9240, f° 155r°.
68 Signe d’une solidarité familiale.
69 Jusqu’au milieu du 15e siècle, dans certaines montres, le nom du chevalier est suivi de celui d’un autre personnage qui se trouve signalé comme « son escuier ». Parfois même, des nobles non chevaliers ont leur écuyer attitré (B. N., n. a. fr. 20521, n° 141 : 1408).
70 Ibid., 9239, f° 218V, 226r°.
71 Ord. Roys, t. IV, p. 67 sq. En 1285, lors du voyage d’Aragon, mention de « gens a cheval en disaine » (Hist. France, t. XXI, p. 516). De même en 1314 il y eut un effort de la part de la monarchie pour regrouper en « dizaines » les écuyers d’une même bataille (B. N., fr. 32510, f° 99). Le plus souvent, les connétables sont à la tête d’un groupe de gens de cheval ou de pied ; ce n’est qu’exceptionnellement que le mot est employé pour désigner le chef d’un contingent d’hommes d’armes : en 1358, Guillaume de Beaujeu, chevalier, capitaine de Berri, a choisi Pierre Pillonay comme connétable de 25 hommes d’armes (B. N., fr. 21539, p. 288 ; même chose pour Perrin de Molins : ibid., p. 289). Ceci bien sûr indépendamment du titre de connétable de France.
72 Un examen de 115 montres datant de la période 1351—1354 fournit les indications suivantes : Montres comportant de 1 à 24 noms : 85 % Montres comportant plus de 24 noms (jusqu’à 90) : 15 % Effectifs compris dans les montres de moins de 24 noms : 43 % Effectifs compris dans les montres de plus de 24 noms : 57 %.
73 B. N., n. a. fr. 9241, f° 162 sq.
74 Période 1355—1368.
Montres comportant de 1 à 9 noms : 60 %
Montres comportant de 10 à 24 noms : 29 %
Montres comportant plus de 24 noms : 11 %
Effectifs compris dans les montres de 1 à 9 noms : 21 %
Effectifs compris dans les montres de 10 à 24 noms : 32 %
Effectifs compris dans les montres de plus de 24 noms : 47 %.
75 B. N., Clair. 74, n° 112.
76 Ibid., n° 97.
77 Ibid., 5, n° 123 (1351) et 6, n° 46 (1355).
78 Ibid., 94, n° 37 et 22, n° 168.
79 Ibid., 17, n° 174.
80 Comitiva est le terme qui revient le plus souvent dans les Journaux du Trésor de Philippe VI de Valois (Viard, cf. n° 1036), mais on y trouve aussi societas (in societate domini Gaufridi de Charneyo : n° 1048). En revanche, societas l’emporte pour désigner les Compagnies (magna societas, dit Venette, Chron., p. 316 ; Eodem tempore [1361] crevit quaedam societas virorum fortium vocata Societas Fortunae et per quosdam vocata est la Grant Companye dit Knighton, Chron., p. 114), mais comitiva se rencontre aussi : Eodem tempore [1361] surrexit et alia societas quae Alba Comitiva vocabatur (Walsingham, Historia Anglicana, t. I, p. 295—296).
81 « Route » : Chron. norm., p. 94 et 97 ; Chron. Jean II Ch. V, t. II, p. 148 et 174 ; « En la route de monseigneur de Pesmes, a banniere » (Beauséjour, « Pesmes et ses seigneurs », 2e partie ; maison de Grandson, n° 286, p. 116 : 1338) ; le seigneur de Garencières se voit accorder par le futur Charles V « vint hommes d’armes pour sa suite, compaignie et route » (B. N., p. o. 1280, dossier Garencières, n° 18 : 1357). Les mots « route », « routier », appliqués aux gens de guerre sont fort anciens, dérivant du bas latin rupia, bande, troupe (cf. par exemple l’ordonnance de saint Louis d’avril 1228 : Ruptarii soient devastare terram predictam, Ord. Roys, t. I, p. 51). A la différence du mot « pillard », aucune nuance péjorative n’est attachée à route, routier, par Froissart (Chron., éd. Kervyn, t. XIII, p. 195, t. XV, p. 61, 47 et 36 ; éd. S. H. F., t. XIV, p. 127, 128, 130- 131, 139) : ils s’appliquent aussi bien à des « gens de compagnie », combattant pour leur compte, qu’à des troupes régulièrement levées par une autorité reconnue.
« Retenue » : B. N., Clair. 197, n° 66 (1355 : « soubz le gouvernement de mons. le Dalphin de Viennois, de la compaignie et retenue de messire de Preaulx ») et fr. 25764, n° 53 (1355).
On trouve aussi le terme de « charge » (Froissart, Chron., t. XIV, p. 22 et 192).
82 A.D. Côte-d’Or, B 11747 : « autre chambre soux ledit messire Jehan d’ Armignac en croissance faicte le dit jour ». Cf. aussi B. N., fr. 21539, p. 158.
83 B. N., Clair. 31, n° 62.
84 Ibid., n° 115. Cf. également, en 1348, la montre de Thibaud de Moreuil, chevalier, et 4 écuyers « de son mainnage et en son gouvernement, soubz mons. Raoul de Moreuil, chevalier, son frere » qu’un autre document donne comme ayant le gouvernement de 200 hommes d’armes que le Vermandois fait au roi (B. N., Clair. 78, n » 120 et 121).
85 Mention de « disiniers » d’arbalétriers, ibid., 11, n° 5 (milieu 14e siècle).
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