Chapitre II. L’eau sur la terre
p. 113-225
Texte intégral
Terre
Ô Déchirée que les fleuves ont reprisée
Guillaume Apollinaire
1« Il est sûr et certain que la nature entière était au commencement eau, et que par l’eau toutes les choses sont nées et également par l’eau toutes les choses doivent être détruites. » Principielle ou des fins dernières, aqua regia des alchimistes, materia prima de la pierre philosophale et notre aqua permanens, l’eau est bien là, toujours, pour s’imposer à nos origines ou à celles, chaotiques, du monde qui nous fit, qui nous porte. Et la plus moderne science, sous d’autres éclairages, lui conserve cette première place1.
2Mais nous sommes en Islam. Du Coran2, j’extrais les textes qui nous intéressent : « C’est Dieu qui a donné leur cours aux deux mers, celle-ci douce et délectable, celle-là saumâtre et amère, et fixé entre elles une ferme barrière, Dieu qui, de l’eau, a créé un homme et tiré de lui une descendance des deux sexes [...] De l’eau, nous avons fait toute chose vivante [...] Eh quoi : Quand on a disposé ce lieu stable, la terre, quand on l’a striée de rivières, quand on l’a soumise à l’ancrage des monts, quand on a fixé, entre les deux mers, une barrière, quand on est Dieu enfin, admet-on avec soi un dieu ? [...] Dieu vous a soumis le vaisseau pour que celui-ci, sur son ordre, vogue sur la mer. Il vous a soumis les rivières [...] Il a jeté sur la terre des montagnes, comme des ancres qui l’empêchent de tanguer avec vous, des rivières, des chemins — à vous, qui sait ? de vous guider — et des repères : c’est à l’étoile qu’on se guide. »
3Le texte coranique éclaire quelques-unes des directions majeures de notre géographie. D’abord, le thème de la barrière, du barzaẖ, multiple au demeurant3, qu’il évoque, à l’échelle du globe, une sorte d’équilibre général entre la masse des mers et celle des cours d’eau, ou bien l’obstacle des terres qui s’interpose entre telle rivière et la mer, ou encore la puissance des grands fleuves qui, ici ou là, poussent leurs eaux intactes bien loin après leur embouchure ; cas privilégié, en l’espèce, que celui du Tigre et de l’Euphrate (al-Furāt), puisque ce dernier « nom » n’est après tout qu’un des deux adjectifs retenus dans le texte coranique pour désigner l’eau douce.
4Mers et rivières, ainsi distinguées, s’intègrent, par les soins du Créateur, au schéma d’organisation d’ensemble de la terre, en même temps que les montagnes qui, on l’a dit, la fixent et les étoiles qui l’orientent. Cette organisation demandera, comme on l’a fait pour les montagnes, à être précisée ; la carte des mers et des principaux cours d’eau sera, chez nos auteurs, bien autre chose que simple nécessité d’information : un acte d’hommage, un réconfort, à retrouver ainsi, sagement distribuée, l’eau divine ; le principe, enfin, d’une direction non plus seulement matérielle, mais spirituelle, l’occasion de passer des signaux d’une route, fūt-elle de terre ou d’eau, aux signes d’une révélation : la marche au fleuve, on nous le laisse entendre, est comme la marche à l’étoile.
5L’eau douce, dont il sera question dans le présent chapitre, nous est présentée sous deux traits : originelle et soumise. Sur la première, associée à la terre4, on n’insistera pas. Quant aux usages que les hommes tirent de l’eau, on peut facilement les imaginer : la référence coranique à la douceur renvoie évidemment à la boisson5 et aux pratiques culinaires ; beaucoup moins, semble-t-il, dans ce contexte, au support de la vie des plantes, que le Coran envisage plutôt, de fait, à travers le phénomène de la pluie6 : une autre eau douce, en somme, celle du ciel, que nous retrouverons plus loin. Pour revenir à l’eau qui court sur la terre ou en sourd, un second usage, la navigation, nous est à demi suggéré par le texte sacré. Je dis bien « à demi », car si la soumission pèse à la fois sur la mer et les rivières, le vaisseau n’est évoqué que pour la première. Tout se passe comme si, par le jeu de l’anaphore, la navigation était commune aux deux éléments, doux et salé, réunis dans le même statut de servitude par rapport à l’homme, tandis qu’elle ne serait pleinement éclairée et précisée, sous la forme concrète du vaisseau, que pour la mer.
6C’est bien ainsi, en tout cas, que les choses se passent dans nos textes : si la mer entraîne, comme allant de soi, la navigation, même périlleuse, celle-ci ne va pas toujours avec la rivière, d’où les notations, de l’intense à l’impossible, qui apparaissent alors. On sent bien, quoi qu’on fasse, que, contrairement à notre Europe des « chemins qui marchent », la batellerie est réservée ici à quelques cas célèbres comme ceux du Nil et de la Mésopotamie, ou fractionnée, cantonnée à certains secteurs privilégiés. Les véritables fonctions de la rivière sont ailleurs : d’abord, dans l’approvisionnement en eau, scrupuleusement noté, nuancé, catalogué, hiérarchisé, bref explicitant tous les degrés du cadeau merveilleux fait aux hommes ; ensuite, dans la vie apportée aux plantes, par l’humidité du sol ou le biais de l’irrigation, de l’eau prise au lit même ou aux canaux dérivés, la rivière devenant ainsi, dans cette fonction, comme le prolongement de la pluie coranique7, et le travail des hommes celui du don de Dieu.
Du cheminement de l’eau sur la terre
7C’est l’évidence, mille fois constatée : à côté de l’eau du ciel, nous connaissons celle qui jaillit du sol, source, puis ruisseau, parfois rivière et même fleuve. J’ai évoqué, en terminant le précédent chapitre, quelques-uns de ces surgissements, les plus massifs. En voici deux autres encore : à Baalbek, « une source merveilleuse donne naissance à une énorme rivière »8 ; à Podandos, près de Tarse, autre « immense source, jaillissant d’une espèce de porche »9. Mais nos auteurs, tout comme nous, veulent percer le mystère de cette eau fille du sol et, au delà, celui de sa permanence ou de sa disparition provisoire, de ses fluctuations. Ibn al-Faqīh résout le problème par la voie la plus simple :
8« Toutes les eaux s’enfoncent dans la terre, puis reviennent à leur place première, à l’exception du Jourdain, du Nil d’Égypte, d’al-ῌuğurāt, de ‛Arafat et de Minā. »10 D’autres sont moins péremptoires, plus modestement accrochés à la réalité des choses ; ainsi de l’auteur anonyme des ῌudūd : « Les rivières naturelles sont les eaux puissantes qui naissent de la fonte des neiges, ou des sources jaillies des montagnes ou de la surface du sol. »11 L’encyclopédie des Iẖwān aṣ-Ṣafā’, soucieuse d’architecture universelle, estime qu’il existe, dans le quart habité de la terre, deux cent quarante cours d’eau, longs de vingt à cent ou mille parasanges (soit de cent quinze à cinq cent quatre-vingts ou cinq mille huit cents kilomètres environ), et coulant dans les quatre sens possibles selon les paires de points cardinaux opposés. Tous commencent à une montagne pour finir à une mer, à un lac, à un marécage, où ils déversent le surplus de leurs eaux qui ont entre-temps arrosé cultures et villages. Cette eau résiduelle, mêlée à celles qui les accueillent, s’évapore, se condense en nuages que les vents poussent sur les montagnes où la nuée se résout en pluie, et le cycle recommence12.
9Cette explication, que nous pourrions reprendre, semble ignorée par Mas‛ūdī13, au profit de quatre autres. L’une, déjà connue de nous14 et que nous dirions organique, fait des sources et rivières les veines du corps terrestre. L’autre, mécanique, se formule ainsi : « Il est de la nature de l’eau d’être toujours horizontale, mais, à cause de l’inégalité de la terre, qui est élevée d’un côté et déprimée de l’autre, l’eau s’est retirée dans les profondeurs. Retenue là, elle tend à se répandre au dehors par suite de la pression que la terre exerce sur elle par-dessous. » La troisième théorie emprunterait plutôt à la chimie élémentaire : « Souvent aussi, l’eau se constitue en partant de l’air renfermé dans les entrailles de la terre ; elle ne doit pas être, en effet, considérée comme un élément, mais seulement comme engendrée par les miasmes et les exhalaisons du sol. »
10La quatrième explication, enfin, relève de la géographie cosmogonique. Les fleuves, dit Mas‛ūdī, pourraient « provenir tous d’un courant commun, la grande mer — d’eau douce — qu’il ne faut pas confondre avec l’Océan (Ūqiyānus) ». Par où sont données, on le voit, une interprétation supplémentaire au thème des deux masses aquatiques originelles dont le Coran révélait l’existence, et la raison du retour des fleuves à leur source, thèse, on l’a vu, d’Ibn al-Faqīh : l’« Océan » d’eau douce jouerait ainsi le rôle d’un gigantesque vase communiquant avec tous les fleuves de la terre. Salé ou pas, en tout cas, cet Océan apparaît au moins pour un fleuve ; le Nil, des origines duquel j’ai dit le mystère, sortirait ainsi de la Mer immense et ténébreuse, par-dessous des dunes de sable15. Même un spécialiste aussi éclairé qu’Uswānī laisse la porte ouverte sur les horizons fabuleux de l’eau sans limites : au confluent des Nils Bleu et Vert, « on connaît la largeur des deux fleuves, puis celle-ci va en augmentant jusqu’à couvrir la distance d’un mois de marche ». Et après, toujours plus en amont ? C’est une question qu’Uswānī laisse sans réponse, mais qu’on imagine assez bien, pour ce fleuve étrange qui s’enfle en approchant de ses sources16.
11D’autres traits associent, pour la naissance des sources et des rivières, la terre à l’eau : vieille croyance qui tient que l’origine des eaux vives est à la matrice même de notre globe, et que les fleuves sacrés de la Mésopotamie, notamment, ont leur principe « dans l’organe générateur de la Grande Déesse »17. D’où le lien, dans les pratiques de fécondité, entre la terre et l’eau jaillissante, tant il est vrai, nous rappelle Platon, que c’est la femme qui imite la terre et non l’inverse18. Ainsi de cette source chaude, en Syrie du Nord, avec deux statues d’homme : l’eau s’écoule de la première, plus précisément de sa verge, tandis qu’au nez de la seconde les femmes frottent leur sexe pour être sūres de concevoir19.
12L’origine paradisiaque de certains fleuves n’est qu’une variante de l’antique croyance orientale, et le thème à son tour recoupe d’autres traditions20. La coupole d’où naissent les quatre grands fleuves du monde, selon Muqaddasī et Ibrāhīm b. Waṣïf Šāh, est bien située au paradis, mais l’Océan, la mer Verte, s’interpose une fois encore dans le paysage, et c’est au beau milieu d’elle que Mas‛ūdī installera ladite coupole, portée par quatre colonnes de rubis vert, rouge, bleu et jaune, correspondant aux quatre pays de fer, de cuivre, d’argent et d’or qui se situent, selon Ibrāhīm b. Waṣïf Šāh, entre la mer Verte et le paradis21. Ailleurs, le même Mas‛ūdī oppose, pour les mérites des fleuves, deux traditions, la mésopotamienne, que nous avons évoquée plus haut, et l’égyptienne : sur ce dernier point, en effet, Ibn ẖurdāḏbeh et Ibn al-Faqīh rappellent que quatre fleuves sortaient de dessous le trône de Pharaon à Memphis22.
13Restent, enfin, les traditions biblique et coranique. Maqdisī rapporte aux gens du Livre la croyance aux fleuves paradisiaques, en distinguant du reste deux édens, l’un terrestre, d’où serait venue la grenade, aussi grosse qu’un chameau, déposée un jour par l’Euphrate en crue, l’autre éternel23. La Genèse, c’est un fait, connaît les quatre sources et, pour les fleuves, il s’agit du Tigre, de l’Euphrate, du Gehon et du Phison24 : ce sont eux que nous retrouvons chez nos auteurs, les deux derniers ayant inspiré le choix du couple Ǧayḥūn-Sayḥūn, les deux fleuves d’Asie Centrale (Oxus et Iaxarte, Amu-Darya et Sir-Darya), ou Ǧayḥān-Sayḥān (Pyramos et Saros, sur les confins syro-anatoliens). L’Islam, lui, se fonde sur le Coran : l’« eau douce » donnée aux croyants vient, nous dit la tradition citée par Ibn al-Faqīh, de l’Euphrate, du Nil, du Ǧayḥān et du Sayḥān, ces deux derniers précisés ici comme étant l’Oxus et l’Iaxarte25.
14Hors concours, finalement, le Nil, presque toujours présent dans ces évocations paradisiaques ou hagiographiques, seul même parfois, mais le plus souvent, il est vrai, associé : à l’Euphrate, pour composer le couple des deux fleuves « croyants » ; puis tous deux avec le Ǧayḥān et le Sayḥān (ou Ǧayḥān- Sayḥān), pour arriver au chiffre quatre. Le Tigre, à l’occasion, vient alors remplacer l’Euphrate ou, exceptionnellement, le Nil. Sur ces schémas, quelques variations ou exégèses : Mas‛ūdī laisse entendre que le paradis est aussi la source de quelques autres fleuves non moins importants et célèbres ; Ibrāhīm b. Waṣīf Šāh en donne un exemple avec le Gange et l’Indus : ce dernier, traditionnellement comparé au Nil, lui renverrait ses eaux, dont personne, du reste, ne saurait boire sans s’être purifié ; confusion, pour le coup, avec l’autre grand fleuve indien. Pur aussi l’Euphrate, au nom, on l’a dit, coranique : par un privilège de ses origines — et n’étaient les contagions terrestres auxquelles on le contraint et qu’un ange limite — il guérirait de toutes maladies26.
15Envers du décor, beaucoup moins appuyé, beaucoup moins sūr aussi : l’Enfer, ou le péché. Muqaddasī27, comme, avant lui, la mythologie grecque avec l’Achéron, le Cocyte, le Styx et le Pyriphlégéthon, oppose, aux quatre fleuves paradisiaques, quatre noms inspirés, pour l’essentiel, par l’eschatologie coranique, mais avec force incertitudes. Le plus clair, le Zabadānī, du nom d’un bourg de l’Anti-Liban, renvoie à la rivière de Damas, le Baradä, en même temps qu’au zabad, l’écume symbolique des vanités : « Dieu a précipité du ciel une eau qui a fait ruisseler les vallées à proportion de sa puissance. Le flot a charrié une écume gonflée, une écume comme il en flotte sur un feu où l’on brūle ce qu’on désire voir devenir bijou ou quelque autre objet. Ainsi Dieu présente-t-il la parabole du vrai et du faux : l’écume s’en va au rebut, tandis que ce qui sert les hommes demeure sur la terre. » Le Kurr, fleuve des marges méridionales du Caucase, est là sans doute parce qu’il rejoint, un peu avant la Caspienne, le Rass, dont le nom fait penser à un peuple, les Aṣḥāb ar-Rass, châtié pour prix de son impiété ; mais on ne voit pas pourquoi on aurait substitué ainsi, à un fleuve nominativement représenté dans le Coran, un autre qui ne le serait pas28. Le troisième nom, Samm29, réfère évidemment au mot de même racine, samūm, qui désigne dans le Coran le souffle ardent de la fournaise ; le malheur est que je ne trouve sur les cartes aucune trace de ce fleuve30. Quant à Sanga, enfin31, c’est une rivière du bassin supérieur de l’Euphrate, célèbre pour le pont qui la franchit32 ; mais ici, à l’inverse du cas précédent, où situer la référence coranique ? Plus sūre, en tout cas, la tradition qui oppose, aux deux « croyants » que sont l’Euphrate et le Nil, l’impiété du Tigre et du Wādī Barhūt, en Arabie du Sud. On voit comment s’organise le mythe : l’Euphrate conjuguant le statut d’ancien fleuve sacré de la Mésopotamie avec le prestige coranique en vertu même de son nom, et le Nil, lui aussi immémorialement saint, venant disputer sa place au Tigre dans l’ancienne dyade irakienne, ce dernier passe dans la paire des fleuves maudits, accompagné, en la circonstance, par la vallée de Barhūt, sinistre en raison de sa grotte « hantée par des âmes d’infidèles », mise en relation avec le feu interne des volcans et déjà connue, dans la tradition gréco-romaine, comme une bouche des Enfers33.
16D’où qu’ils viennent et où qu’ils aillent, les fleuves, au moins, nous sont connus par le chemin qu’ils suivent sous nos yeux. Encore les choses, même ici, ne sont-elles pas toujours simples. Car les fleuves ont leur vie et ils changent : « le lit des fleuves a ses périodes de jeunesse et de déclin, de vie et de mort, de dessèchement et de résurrection », rappelle Mas‛ūdī34. A tout seigneur tout honneur35 : « Le Nil couvrait autrefois le territoire de l’Égypte et s’étendait depuis le Ṣa‛īd jusqu’aux basses terres, vers l’emplacement actuel d’al-Fusṭāṭ. L’inondation commençait à l’endroit connu sous le nom de Cataractes, entre Assouan et l’Abyssinie [...] Mais divers obstacles empêchèrent l’étalement du Nil, notamment les déplacements de son cours et les terres que le courant charriait d’un lieu à l’autre, de sorte que les eaux se retirèrent de quelques parties du sol de l’Égypte. » Voici maintenant pour la Mésopotamie : a Le bras principal de l’Euphrate se dirigeait autrefois sur al-ῌīra, où son ancien lit, encore visible aujourd’hui, est nommé al-‛Atīq36 [...] Le fleuve se jette dans l’océan Indien, qui atteignait à cette époque l’emplacement nommé aujourd’hui Nedjef ; c’était là qu’arrivaient les bātiments venus de la Chine et de l’Inde, à destination des rois d’al-ῌīra [...] Il en est de même du Tigre Borgne (Digla al-‛Awrā’)37, qui a changé de place et se trouve aujourd’hui à une grande distance du Tigre. Cet ancien cours a reçu le nom de Batn Ǧūẖä et s’étend depuis la ville de Bāḏbīn, dans le district d’al-Wāsiṭ, jusqu’au territoire des Dūr ar-Rāsibī, vers Suse dans le ẖūzistān. Un fait analogue s’est produit dans la partie orientale de Bagdad, au quartier appelé la raqqa38 d’aš-Šammāsiyya, qui s’est trouvé augmenté, par suite du déplacement du cours du fleuve, de propriétés primitivement situées du côté de Bagdad-Ouest. » Notations remarquables, on en conviendra, si l’on se souvient qu’en effet les divagations des deux fleuves, l’alluvionnement intense dont ils sont les agents à chaque printemps et peut-être, jadis, un relèvement du socle de la Basse-Mésopotamie ont puissamment contribué à remodeler ces paysages39.
17Autre grand fleuve capricieux : le Ǧayḥūn (Oxus, Amu-Darya, fleuve de Bactres). Sur l’épineuse question de son cours inférieur40, nos auteurs se partagent. Ya‛qūbī est formel : au niveau du ẖuwārizm, le fleuve s’en va déverser ses eaux dans la mer du Daylem, la Caspienne41. Ibn Rusteh et les ῌudūd al-‛ālam tiennent pour la mer d’Aral42. Enfin, les autres, eux-mêmes répartis en deux catégories : ceux dont le texte même traduit les hésitations, Ibn ẖur-dāḏbeh et Mas‛ūdī43, et ceux qui, connaissant bien le débouché du fleuve en mer d’Aral, comme Iṣṭaẖrī, Ibn ῌawqal et Muqaddasī, signalent l’existence de ses variations antérieures, soit vers la mer d’Aral toujours, mais plus à l’est44, soit vers la Caspienne, mais loin en amont du ẖuwārizm, par le désert de Qara-Qum45. Sauf pour les trois derniers auteurs, donc, bien des confusions, hésitations ou lacunes, qu’expliquent, pour l’essentiel, une culture livresque qui a pu recueillir des données remontant jusqu’à Ptolémée46, et, d’autre part, la ressemblance onomastique de certains parages riverains des mers Caspienne et d’Aral : Ǧurğān et al-Ǧurgāniyya, respectivement47.
18Au delà de ces incertitudes, une question, une de celles qui voudraient percer le mystère de la vie des rivières : quel est, au propre, le sens de cette vie ? Si toutes les rivières sont faites pour naître, disparaître et resurgir, il doit bien y avoir une règle cachée, un principe commun qui explique la direction des eaux. Les représentants de la sūrat al-ard et les encyclopédistes échafaudent des théories ; on a dit plus haut ce qu’en pensaient les Iẖwān aṣ-Ṣafā’ : deux cent quarante fleuves pour toute la terre, ce qui donne soixante pour chacun des quatre sens possibles selon les paires de points cardinaux opposés. Ibn ẖurdāḏ-beh compare ainsi, aux fleuves des régions septentrionales de l’Islam, qui coulent d’est en ouest, Ǧayḥūn en tête, ceux d’Iran et d’Irak, qui vont en sens inverse ; Ibn al-Faqīh fait de même pour les vallées de la Tihāma et du Nağd. Ibn Rusteh, à l’occasion, intègre les vents dans le processus ; c’est peu que leur souffle, du sud ou du nord, porte l’eau douce du Nil vers la mer ou le sel de celle-ci dans le fleuve ; la vie du Ǧayḥūn, en son cours supérieur, est tout entière soumise aux forces de l’air : le vent d’est en pousse les premières eaux depuis le Tibet, tandis qu’un peu plus loin celui du midi infléchit leur cours vers le nord48.
19Moins ambitieux, tous ceux qui entendent passer les données des livres au crible de l’observation. Or, la plus immédiate nous dit que, l’eau tendant à s’étaler horizontalement, son écoulement doit se faire du haut vers le bas. « Toutes les montagnes de la terre », écrit Ibn al-Faqīh, « ont leurs eaux dans leurs parties basses et les sources à leur pied, à quelques exceptions près, dont l’Elvend (Arwand), où les eaux sont situées tout en haut et les sources au sommet » : d’où l’origine surnaturelle et paradisiaque donnée à ce phénomène. Ibn Rusteh lui-même, revenu aux choses tangibles, explique fort bien pourquoi les fleuves du bas Irak parviennent à la mer : en vertu, simplement, de la pente, car la « mer, déversoir des eaux, est le point bas de la terre »49.
20Tout serait donc simple si, sur ce point élémentaire, la théorie ne reprenait ses droits. En vertu du principe que, les parties hautes de la terre se situant au nord et à l’est, on descend au fur et à mesure qu’on se rapproche de l’équateur ou de l’occident50, les rivières, au moins celles dont le cours peut être jugé sur une assez longue distance, sont réputées couler du nord vers le sud, ou d’est en ouest. D’où la merveille que constitue le fleuve à l’envers (maqlūb) : vers le nord, le Nil, d’abord51, puis l’Indus, qui paie ainsi, de son retournement, la comparaison qu’on établit traditionnellement entre lui et le seigneur d’Égypte52, l’Halys (Ᾱlis), en Anatolie53, enfin, cas plus compliqué encore, l’Oronte (al-Urunṭ), Axios dont les Arabes ont fait al-‛Ᾱṣī (le Rebelle), qu’on attendait ici sans doute, mais qui entraîne avec lui, dans le grand fossé tectonique dont il relève, le Jourdain, la mer Morte, dite « le lac renversé » (al-buḥayra al-maqlūba) et même, au delà, la rivière de Damas, le Baradä54 ; quant au Barkuwāb, rivière de l’Asie Centrale, il doit son nom, qui signifierait, ici encore, « eau à rebours », à son écoulement du bas vers le haut, soit, dans le cas présent, d’ouest en est55.
De l’aventure souterraine de l’eau
21Le dialogue de l’eau avec la terre ne se réduit pas à ce que nous en voyons. D’abord, toute une histoire, hypogée, des rivières nous demeure cachée, aux origines et au terme. Mais même en ses aspects visibles, l’eau, l’eau que nous voyons là, celle que nous touchons et goûtons, trahit parfois ce cache-cache universel. J’ai dit plus haut la croyance à la circulation de toutes les eaux de la terre par le gigantesque vase communicant qu’est l’Océan. Le Nil, ici encore, joue un rôle de premier plan. « Dieu », écrit Ibn al-Faqīh56, « a soumis au Nil, seigneur des fleuves, tout cours d’eau de l’orient à l’occident. Quand Il veut que le Nil entre en crue, Il ordonne à chaque fleuve de l’aider, et ils l’aident de leurs eaux ; puis, lorsqu’il a fait, grâce à lui, jaillir l’eau de la terre en sources, et que le Nil a fini de s’épancher jusqu’à la limite qui lui était fixée, Dieu enjoint à chaque eau de revenir à son origine. » Et Mas‛ūdī57 de conclure : ainsi s’explique « que, pendant la crue du Nil, l’eau baisse dans les autres fleuves, sources et puits, et inversement, l’accroissement du premier correspondant à la perte subie par les autres, et réciproquement ».
22La même croyance explique sans doute une série de phénomènes étranges : celui des sources immuables, des lacs étales, des rivières rigoureusement en équilibre. Citons le Hīlmand, fleuve du Siğistān, qui reçoit mille affluents sans croītre le moins du monde et donne naissance à mille dérivations sans qu’on puisse le voir moindrement baisser ; ou ce lac d’Iran au niveau strictement inchangé, été comme hiver, alors même que, pour s’en tenir à cette dernière saison, un seul jour y déverse une quantité d’eau qui, répandue n’importe où ailleurs, y deviendrait mer tumultueuse58. En Iran encore, près de Nihāwand, une source véritablement miraculeuse qui sort, bouillonnante et bruissante, d’un rocher, une ou deux fois par jour, arrose les terres et se retire, « eau enchantée qui ne diminue ni n’augmente ; le laboureur y vient quand il a besoin d’eau, avec une bêche, et s’arrête à la pierre ; on entend alors dans celle-ci un battement semblable à celui des portes d’un bain, après quoi l’eau surgit ; lorsqu’on n’en a plus besoin, elle diminue et se retire »59. Et que dire, en Iran toujours, de cette autre source qui libère, à chaque printemps, des poissons et un serpent noir, puis se cache de nouveau jusqu’à l’année suivante60 ?
23Merveille, cette fontaine que nous dirions, banalement, intermittente, merveille aussi que le mythe sous-jacent d’une masse constante d’eau vienne à bout, ici encore, de la plus élémentaire observation. Passe encore que Mas‛ūdī déclare61 : « Arrivé au lac Fétide (la mer Morte), le Jourdain le traverse jusqu’à la moitié, sans mélanger ses eaux avec celles du lac, puis il s’y engouffre. On ne s’explique pas comment un fleuve si considérable peut ainsi pénétrer dans le lac sans en faire varier le niveau. » Simple ignorance, en l’espèce, dira-t-on, du phénomène d’une évaporation intense, contre laquelle, finalement, le peu considérable Jourdain a fort à faire. Mais voici, plus au nord, ce même Jourdain gommé de la carte. Dans le quatrième « climat », Qudāma62 donne, au lac de Tibériade, non pas un émissaire, mais deux : le Jourdain, vers la mer Morte, et, au nord, un fleuve qui, débouchant dans la mer près d’Antioche, ne peut être que l’Oronte. Et après avoir ainsi substitué, au Jourdain en amont du lac, un Oronte imaginaire et de sens contraire, Qudāma n’a plus qu’à faire du lac un mystérieux et inépuisable réservoir, alimenté par une source invisible, une source qui, dit-il, « ne coule pas » ; disons, nous, pour être plus précis : qu’on ne voit point jaillir.
24Les communications souterraines expliquent ainsi les jeux de labyrinthes devinés, sources profondes qui gardent dans leurs replis les corps des noyés sans jamais les rendre, et dont les bassins étagés se mettent successivement en charge au gré de la force envahissante des eaux63. Et puis, il y a ces rivières cachées qui s’absorbent dans la terre et s’en vont resurgir loin, très loin, au terme d’une aventure dont les détails nous resteront à jamais inconnus, mais réelle pourtant, comme en font foi ces bois gravés qu’un fleuve emporte et qu’on retrouve dans un autre64, ou encore ce Turc qui, embarqué sur une outre gonflée, là où une rivière entre par un vaste porche sous une montagne, débouche, deux ou trois jours après, sur une plaine peuplée de géants65. Le phénomène est connu un peu partout66. Le Hirmās, la rivière de Nisibe, restituerait ainsi les eaux engouffrées plus au nord, en pleine Anatolie. En Arabie, dans la région de l’actuelle Ryad, une source est dite de la Chamelle pour rappeler le souvenir d’une femme qui, passant par là, vit sa monture s’emballer et la précipiter dans le gouffre de la fontaine, dont les eaux rendirent, en tout et pour tout, le bracelet de la malheureuse, dans le Muḥallim, « gros fleuve » du Baḥrayn, qui serait aux Arabes ce que le Ǧayḥūn est aux Persans. Pour certains, du reste, ce même Ǧayḥūn réapparaîtrait dans l’océan Indien, du côté du Kirmān. Autre fleuve des ténèbres : le Zarīn-Rūḏ, après avoir arrosé le pays d’Ispahan, se perd dans les sables, ressort à soixante ou quatre-vingt-dix parasanges de là (environ trois cent cinquante à cinq cent vingt kilomètres), irrigue le Kirmān et se jette enfin dans l’océan Indien. Quant au Jourdain, peut-être le cas le plus complexe67, on prête deux sorties possibles à ses eaux inexplicablement disparues dans une mer Morte néanmoins étale, on l’a vu. D’aucuns penchent pour l’Inde, d’autres pour le Nahr Abī Fuṭrus, aujourd’hui le ‛Awğā’ (Borgne), qui jaillit dans la plaine côtière de Palestine, presque aussi puissant que le Jourdain, nous dit-on, et dont les eaux, en vraies filles de la mer Morte, « ont une pesanteur de mercure ».
25Sourirons-nous des exploits de ces courants cachés ? Il y a trop loin, bien sūr, du Ǧayḥūn aux approches de l’Inde, et même un océan entre elle et le Jourdain. Mais tout le reste, distances mises à part, le cas échéant, nous parle de réalités aujourd’hui bien connues : sources ou résurgences des pays calcaires de Haute-Mésopotamie, de Palestine, des rebords septentrionaux des montagnes du Fārs, au sud-est d’Ispahan, ou de la façade orientale d’Arabie68. Ici, le mythe — en l’espèce celui d’une eau souterraine en constant équilibre par toute une série de circulations et d’échanges, comme au corps humain les veines — ne greffe pas son imaginaire sur rien. Peut-être même est-il né de l’observation directe, de la première et timide question adressée à cette eau mystérieusement surgie du sol et qui suscite, avec la vie, l’émouvant balbutiement d’une science qui se cherche.
26A ces jeux dérobés, l’eau quelquefois perd son visage et même sa substance : pierre elle aimait, la voilà pierre. Mais elle doit pour cela revenir au contact de l’air, qui coagule en elle les principes qu’elle a puisés dans le sol, le mercure pouvant donner, artificiellement, le même résultat sur une eau amère, saline et acide69. Ici ou là, donc, dans les canalisations d’une ville ou l’espace d’une grotte, l’eau se transforme en pierre : plus précisément en calcaire, dirions-nous70. Plus souvent, c’est à son débouché à l’air libre, à son premier ruissellement, que le phénomène la saisit, la fige71, parfois en roches plates72, parfois à moitié seulement, pour donner le bitume blanc73, parfois encore en chaux, borax, alun ou sel ammoniac, car il est bien connu que ces substances ne sont qu’ « eaux qui se pétrifient »74.
27Avec ces eaux-là, du reste, nous voici aux frontières de plusieurs mondes : non pas seulement ceux des trois éléments évoqués, mais aussi celui des êtres ; avant d’arroser les champs, quand elles le peuvent, ces eaux sont détournées au profit de l’industrie des hommes : usages de la médecine, du bâtiment ou de l’artisanat, réparation des vases fêlés et même simple ornementation des objets confiés à la fontaine pétrifiante75 ne sont là, dirait-on, que pour nous rappeler, une fois de plus, les transitions indispensables, mieux : la continuité parfaite que Dieu a voulue entre le monde et les hommes qu’il y a placés. Pas plus qu’il n’y a de coupure entre les règnes de la nature, il n’existe de solution de continuité entre cette nature et l’être privilégié qui est là, de décret divin, pour s’appuyer sur elle et en prolonger les œuvres à son propre usage, mais sans jamais oublier que, de par son corps, il lui appartient.
Incertitudes de la géographie de Veau
28Revenons maintenant à la surface du sol, à l’eau vue. La voit-on, justement, partout identique ou, au contraire, différente, selon les formes mêmes que la terre lui impose ? Il existe ici, incontestablement, un vocabulaire spécialisé. J’en relève quelques exemples, particulièrement nets : le ġawr, « dépression où les eaux se déversent », le ġamr, terre gorgée d’eau, le ‛amq, qui associe la plaine et l’eau avec des environs montagneux76, le hawr, vaste étendue stagnante, mais sans roseaux77, le ḥawr ou ẖawr, chemin naturel de l’eau des pluies, qui y est soumise à l’action de la marée, le mot étant spécial à la région d’al-Baṣra78, le ṭirbāl, grande et haute fontaine aménagée79, et tous les mots qu’on ne précise plus, à force de les connaître : le marais, la canalisation, le bassin, la citerne, le jet d’eau ou puits artésien80, sans oublier le lac, la source, froide ou chaude, le puits, le cours d’eau enfin, le nahr.
29Sans doute nous reprochera-t-on de mêler ainsi, à plaisir, les formes et récipients naturels de l’eau avec ceux qu’elle doit à l’activité des hommes. Mais que font d’autre nos auteurs ? Le mot, le grand mot de l’eau courante, du nahr, couvre toutes ses formes vives, depuis le ruisseau jusqu’au fleuve le plus puissant, et aussi jusqu’à ses lits domestiqués. A peine, donc, si l’on peut faire une quelconque distinction entre la rivière et le canal : Ya‛qūbī ne nous y aide guère, qui ne voit de différence que de taille, et non de nature, entre le Baradä et une dérivation dans la Ġūṭa : « Damas n’a pas sa pareille, dans toutes les circonscriptions de la Syrie-Palestine, pour les cultures et le nombre des cours d’eau (anhār), le plus considérable étant le Baradä » et l’un d’eux, dit Ibn ῌawqal, se nommant la rivière du Canal (Nahr al-Qanāt)81. Mêmes confusions en Irak, où les grands canaux le disputent aux deux fleuves, partageant avec eux, toujours, ce même nom de nahr82. A peine, aussi, peut-on distinguer parfois le canal de la canalisation ou de la rigole (qanāt), à peine, encore, le nahr, artificiel ou naturel, de tout le pays auquel il donne vie ; ainsi du Nahr al-Ubulla, canal qui prend son nom à une ville proche d’al-Baṣra, et du Nahr Balẖ, le fleuve voisin de Bactres, le Ǧayḥūn, qui, tous deux, désignent, au delà d’eux-mêmes, ces régions dont ils font des paradis terrestres83.
30Il arrive, bien sûr, qu’en tel ou tel texte affleure une notation qui dise la dépendance du canal vis-à-vis de la rivière84. Mais pour quelques traits clairs, combien d’autres, par dizaines cette fois chez un même auteur, qui confondent, dans le même paysage de terres abreuvées et striées en tous sens, Irak ou Asie Centrale par exemple, le cours d’eau naturel avec tous ceux qui lui empruntent par le génie des hommes85 : On devine, à cette rupture d’équilibre, l’absence d’une théorie, d’une classification. Mas‛ūdī, qui s’y essaie, ne fait en réalité que confirmer l’image née des textes : « Toute eau courante est un nahr ; l’endroit d’où jaillit l’eau est une source (‛ayn) ; celui où se trouve la plus grosse quantité d’eau est une mer (baḥr). » Et de rappeler que ce dernier mot ou son équivalent, yamm, s’appliquent, pour cette raison, non seulement aux mers, mais au Nil, et à lui seul parmi les fleuves86. Par où se profile, une fois de plus, le thème indéracinable et sous-jacent de la communication entre toutes les eaux de l’univers.
31Plus systématique, l’auteur anonyme des ῌudūd al-‛ālam87 : « On distingue deux sortes de rivières, les unes naturelles et les autres artificielles. De celles-ci, on a creusé les lits pour y amener l’eau, à l’usage d’une ville ou des cultures d’une région. La plupart de ces canaux artificiels sont modestes et non navigables. On connaît des villes qui en ont dix, parfois plus ou moins, leur eau étant utilisée comme boisson, ou pour les champs et les prairies. Le nombre de ces canaux ne peut être fixé, car il peut, à tout moment, augmenter ou décroître. Quant aux rivières naturelles, ce sont ces eaux puissantes qui naissent de la fonte des neiges, ou des sources jaillies des montagnes ou de la surface du sol. Elles font leur chemin, leur lit tour à tour large ou étroit, et coulent ainsi sans désemparer jusqu’à ce qu’elles atteignent une mer ou un marécage. Il en est qui ne sont pas très importantes, et qu’on utilise au profit d’une ville ou d’une région : ainsi des rivières de Bactres (Balh) et de Merv (Marw). Parfois, d’une rivière naturelle sont dérivés de nombreux canaux, utilisés comme on vient de dire pendant que le cours d’eau principal descend, lui, vers la mer ou un marécage, comme c’est le cas pour l’Euphrate. »
32Le tableau présenté par les ῌudūd n’établit pas, entre cours d’eau naturels et artificiels, de distinction majeure quant à l’utilisation qu’on en fait. Une différence, assez floue, toucherait l’origine, la rivière naissant des sources ou des neiges, le canal pouvant dériver de la rivière même ou — mais le texte, en l’occurrence, ne le précise pas — d’une eau qui lui est propre : source encore, par exemple, ou puits. Le premier paramètre véritable, de l’ordre, dirait-on, de la statistique, serait cherché dans la taille : si le canal est présenté comme généralement modeste et donc non navigable, la rivière, par contraste, est plutôt vue comme importante, la possibilité de navigation étant ici laissée dans l’ombre, soumise, peut-être, aux aléas d’un excès de puissance ou d’un manque de largeur88. Les traits les plus pertinents relèvent finalement de trois domaines : avant tout, et c’est la distinction de base, le lit, naturel ou non, des cours d’eau ; leur fin ensuite, mer ou marécage étant obligatoirement assignés au terme de la rivière, et le canal étant perçu, par sous-entendu, comme mourant sur les terres qu’il arrose ; enfin, la carte : fixe pour les rivières, et par définition changeante pour les canaux, soumis aux volontés des hommes.
33Vaille que vaille, donc, le tableau paraît acceptable, au prix du coup de pouce nécessaire, de-ci de-là, pour le rendre plus précis et cohérent. Mais il est unique en son genre dans cette littérature. Et surtout, est-il rigoureusement respecté par l’auteur des ῌudūd lui-même ? Pour m’en tenir au panorama des rivières du monde, qui suit l’énoncé du tableau89, je relève : un grand nombre de rivières qui prennent naissance ou finissent dans une autre90 ; huit qui s’épuisent sur les terres irriguées par elles91 ; enfin, le cas, particulièrement intéressant92, de Herāt, « qui possède des rivières considérables, formées par des torrents93, mais parfois à sec, ce qui amène l’auteur à ne pas les mentionner ». Par où l’on voit que le tableau a négligé un des traits essentiels du cours d’eau naturel : la présence en lui, justement, de l’eau, de l’eau pérenne.
34Il en est finalement, sur ce point, de l’eau comme de la terre. D’un côté, appuyé à un fonds lexical traditionnel, un vocabulaire spécialisé, de l’autre, l’absence ou, plus justement, la latence des concepts les plus élémentaires de l’hydrographie, lesquels ne viennent au jour de l’écriture que par places, comme les témoins d’évidences discrètes qui seraient, d’autres fois, récusées par la théologie, le mythe ou, plus encore, par la force évocatrice de l’eau vive et vivifiante, dont le nom de nahr emporte et efface, dans sa magie souveraine, les contingences de toute autre classification.
35Quelques regards portés sur les textes, à partir des catégories de notre géographie fluviale, nous confirmeront cette façon de voir. Soit, pour commencer, la notion de bassin. Dans l’ensemble, et sous réserve des erreurs de détail nées d’une connaissance incomplète du terrain94, la rivière est assez bien suivie, de la source à l’embouchure, du château d’eau de l’amont95 jusqu’à la mer ou au lac. Tels, par exemple96, le Nil, né des montagnes extérieures aux pays d’Islam et qui va, majestueux et simple, droit vers le nord, ce qui le désigne, on l’a dit, à une attention toute particulière ; le Tigre et l’Euphrate, que la description saisit distinctement depuis l’Arménie et la Haute-Mésopotamie jusqu’à l’Irak, puis réunit dans le paysage commun de la plaine mésopo-tamienne et du lacis de canaux qui mêlent parfois les eaux des deux fleuves ; le Sayḥūn et le Ǧayḥūn, en Asie Centrale, les ῌudūd précisant, pour ce dernier97, que, malgré son infériorité en volume par rapport au ẖarnāb, qu’il reçoit, c’est le Ǧayḥūn qui impose son nom en raison de la longueur totale de son cours.
36Pour ceux-là et combien d’autres, le bassin est donc saisi à travers un cours d’eau, que nos textes désignent, au moins pour les grands fleuves, par le mot ‛amūd, littéralement : le fūt, la tige, le pilier, ici : l’artère principale du système hydrographique98. Il s’agit donc, on le voit, d’un statut hiérarchique, fondé sur la puissance ou, comme on vient de le dire, sur la longueur, mais sans qu’il soit précisé, comme nous le ferions aujourd’hui, que ce phénomène est second par rapport aux obligations même du relief, qu’avant d’être un ‛amūd, le fleuve est d’abord celui que le jeu de l’altitude prédispose à ce premier rôle. On devine les conséquences de cette situation sur le concept même de bassin. Nos auteurs, bien sūr, connaissent — l’inverse se pourrait-il ? — l’existence des rivières « qui se jettent » dans une autre99 : les affluents, dirions-nous. Mais s’ensuit-il que le bassin soit, comme dans notre géographie, d’une part, saisi dans sa relation avec les autres — elle-même définie par la distinction que tracent, entre lui et ses voisins, les lignes de partage des eaux — et, d’autre part, organisé autour du vecteur que constitue le cours d’eau principal ? En fait, dans nos textes, l’insistance mise sur le ‛amūd a pour résultat qu’au lieu de reculer, par le jeu des affluents, les limites du bassin vers le dehors, vers l’extrême limite consentie par le relief, la vision ramène ce bassin vers l’intérieur, vers l’axe nerveux du système : l’espace, ici, se réduit tout entier au vecteur, il n’est pas un territoire commun à plusieurs cours d’eau, il est la chose de l’un d’eux, et de lui seul.
37L’image du tronc (‛amūd) est, de ce point de vue, parfaitement claire. De même que l’arbre matérialise sa masse, sa vie, son âge, par son fūt, les branches n’en étant que le développement et les racines le préambule, de même, tout ce qui se greffe ou débouche sur le ‛amūd est ici considéré d’un regard uniforme et parfois, même, désigné d’un mot unique : le dérivé (su‛ba). Ce peut être, bien entendu, un bras du fleuve, de part et d’autre d’une île ou dans un delta, ou n’importe quel canal branché sur son cours : ainsi pour le Nil, le Tigre et l’Euphrate, le Ǧayḥūn, le Hīlmand, le Harī-Rūḏ (fleuve de Herāt), le Zarafšān (fleuve de Sogdiane), le Murġāb (fleuve de Merv), le Baradä, la Mitidja et tant d’autres100. Mais šu‛ba, à l’occasion, peut, tout aussi bien, être résolument l’inverse de la dérivation, naturelle ou artificielle : l’affluent, sans aucun doute101. C’est peu de dire, donc, que toute dérivation au sens où nous l’entendions, bras ou canal, puise au fleuve sa définition et sa vie. Dérivation, l’affluent l’est aussi en ce qu’il ne participe pas moins du fleuve, de cette même vie qu’il s’en va rejoindre, qui l’appelle et le fond dans le grand corps du ‛amūd.
38Si le bassin doit s’entendre comme un espace vu à travers le cours d’eau principal, encore faut-il que cette rivière maîtresse soit perçue dans une unité. Or, c’est un fait que, pour telle ou telle d’entre elles, importante ou non, cette unité éprouve parfois quelque peine à se matérialiser sous la forme d’un nom inchangé. Tout ici procède du fait que nombre de cours d’eau ajoutent ou substituent carrément, au nom qui leur appartient en propre, le mot nahr associé à la ville ou région arrosée, quitte ensuite, on l’a dit, à projeter sur le paysage le nom composé ainsi obtenu102. Ainsi du Sayḥūn (Iaxarte, Sir-Darya) et du Šāš, le pays actuel de Tachkent ; du Ǧayḥūn (Oxus, Amu-Darya) et de Balẖ (Bactres)103 ; du Harī-Rūḏ, du Zarafšān et du Murġāb, cités un peu plus haut ; du Hīlmand et du Siğistān ; du Ṭāb et d’Arraġān, au Fārs ; du Duğayl (Kārūn) et du ẖūzisān (Susiane), ou de sa capitale al-Ahwāz ; de l’Oronte et d’Antioche ; de l’Indus (Mihrān) et d’al-Manṣūra, le chef-lieu du Sind104 ; du Nil même, puisqu’il est dit parfois d’Égypte105. Restons-en là et demandons-nous, d’abord, si l’attribution, à un cours d’eau, d’un autre nom que le sien propre n’est pas la cause ou la conséquence, l’indice en tout cas, de flottements qui viennent, le cas échéant, brouiller la conscience que, par ailleurs, on peut avoir de l’unité dudit cours d’eau. Constatons, de fait, qu’on peut arriver, pour tel ou tel d’entre eux, et les hésitations du nom propre y aidant parfois, jusqu’à trois ou quatre appellations et même davantage. C’est le cas106 pour le Zarīn-Rūḏ, Zende-Rūḏ, Nahr Iṣfahān107 ; pour le Mihrān (Indus), Nahr al-Manṣūra, Nahr as-Sind, Mihrān as-Sind108 ; pour le Ǧayḥūn, Nahr Balẖ, Nahr Kālif, Ǧayḥūn aussi, par confusion avec le quasi-homonyme des confins syro-anatoliens109 ; pour l’Oronte, al-Urunṭ, al-Urund, al-‛Aṣī, al-Maqlūb, Nahr Anṭākiya110 ; pour le Kārūn, en ce temps-là Duğayl, Duğayl al-Ahwāz, Nahr Tustar, Nahr al-Ahwāz, Nahr ẖūzistān111 ; pour le Hīlmand, Hindmand, Hīrmand, Hirmand, Hīḏmand, Hīrmīd, Nahr Siğistān, Nahr Bust112.
39Le concept de cours d’eau, tel que nous l’entendons aujourd’hui, je veux dire rigoureusement saisi dans la continuité, d’un bout à l’autre du cheminement de la rivière, risque ainsi de pâtir d’un excès de noms. A quoi s’ajoute, pour renforcer le phénomène, l’intervention d’autres noms, qui, cette fois, s’appliquent non plus à l’ensemble du cours, mais à telle ou telle partie de celui-ci. Le Ǧayḥūn, par exemple, outre ceux que nous lui connaissons déjà, porte les noms de Waẖẖāb, Ǧaryāb et Nahr Ayġān dans la partie supérieure de son cours113. Le Duğayl, à ses débuts, ou sur tel de ses bras et dérivations, devient Mānān, al-Masruqān, as-Sidra114. Le fleuve de Sogdiane (Nahr aṣ-Ṣuġd), le Zarafšān, est connu comme Nahr Buẖārā en son cours inférieur115. L’Euphrate, en cette même situation, troque son nom contre ceux de Sūrā et d’al-‛Alqamī116, et le Mihrān ne prend le sien qu’une fois faite la jonction des trois rivières qui le composent, chacune d’elles se désignant à part117. Même situation, enfin, pour les canaux, en Irak notamment118.
40Mais passe encore que, naturel ou non, le cours d’eau, peu soucieux de son identité, change de nom ; peu jaloux, même, il l’échange parfois avec d’autres. Le Nahr Balẖ, c’est le Ǧayḥūn, mais, tout aussi bien, le Dahās, descendu des monts de Bāmiyān119 ; le Ǧayḥān, on l’a dit un peu plus haut, le fleuve syro-anatolien de ce nom ou le Ǧayḥūn ; le Kurr, un fleuve des marges méridionales du Caucase ou une rivière du Fārs120. Duğayl (le petit Tigre), déjà connu de nous, désigne ailleurs un canal mésopotamien121, un affluent — ou un canal encore — de la Karẖa, au ẖūzistān122, parfois dénommé aussi Diğla : un autre Tigre123. Nahrawān est, en Irak, un canal qui semble emprunter son nom, en même temps que son lit, à une rivière, le tout réenglobé dans le nom de toute la région124.
41Ces hésitations, dont on pourrait allonger la liste, laisseraient croire, à la limite, que les cours d’eau ne sont jamais perçus comme tels, dans l’unité et la continuité. Ce n’est pas, on l’a dit, le cas pour la majorité d’entre eux. Mais il reste que les incertitudes de l’onomastique ou de la carte peuvent avoir des conséquences non négligeables sur tout ou partie de la rivière étudiée et donc, au delà, sur la capacité, le cas échéant, à l’appréhender comme un cours d’eau au plein sens du terme. Nos textes, on vient de le voir, offrent des exemples de fleuves tronçonnés, d’eaux au nom incertain ou vagabond, partant, de rivières évanescentes. Témoin, sur ce dernier point, Muqaddasī, qui, présentant le Sind, le définit, globalement, comme « traversé par le fleuve », le Mihrān (Indus) en l’espèce, et qui, chemin faisant, dans sa description des villes, nous parle ici d’un fleuve puissant, là de rivières nombreuses ou abondantes ; est-ce le Mihrān ainsi dispersé et fuyant à force de vouloir être présent partout, ou l’une des rivières qui le constituent, ou encore tel de ses bras, à commencer par le petit Mihrān125 ? Témoin, aussi, Ya‛qubi126 qui, à quelques lignes d’intervalle, indique la présence, à ῌamāt, de l’Oronte, puis, à ῌimṣ (Homs), d’un grand fleuve, et qui perd ainsi son Oronte en chemin.
42A ces flottements de tous ordres quant au cours d’eau et à son bassin, on peut trouver trois sortes de causes. Les lacunes mêmes de la connaissance, théorique ou de terrain. Mais aussi, les formes naturelles, un relief accusé qui isole, sur le cours de la rivière, autant de pays plus ou moins coupés les uns des autres, pour lesquels le fleuve est d’abord — parfois exclusivement — le leur, baptisé du nom qu’ils lui ont donné : cas exemplaire, et jusqu’à nos jours, que celui des montagnes du Zagros, où de cluse en cluse, les cours d’eau abandonnent leur appellation pour une autre127. Il y a, enfin, toute une série de causes tenant à l’attitude des hommes vis-à-vis de l’eau, qui est d’appropriation, elle-même perceptible à trois niveaux : patriotisme local et droit affirmé sur le fleuve, auquel on impose le nom de la ville ou du pays auquel on appartient128 ; au delà, dans une démarche plus collective encore, possession du fleuve par la communauté tout entière, ce dont témoignent l’arabisation ou l’islamisation de noms préexistants, comme pour l’Oronte et l’Euphrate ; en deçà, enfin, au moins pour le canal, marque de l’individu, le nom du canal, explique Iṣṭaẖri129, pouvant perpétuer le souvenir de celui qui le fit creuser.
43C’est donc peut-être, en définitive, l’union étroite de l’eau avec la terre, et la terre des hommes, qui explique, pour une bonne part, l’incertitude de ses noms. Comme la géologie, l’hydrographie se signale par un certain nombre d’insuffisances, au niveau de la connaissance théorique ou pratique, mais celles-ci — qui sait ? — pourraient bien n’être que la rançon d’une science autrement définie : par sa volonté universalisante, son souci d’embrasser le monde en sa totalité, dans les relations qui le constituent plus que dans les éléments pris un à un, sans oublier que l’homme est partie prenante, décisive, éminente, à cette organisation. Intégrée, fondue dans cet ensemble, l’eau vaudrait moins, alors, par elle-même que par le rôle qu’elle y tient : et ainsi s’expliquerait que, parfois, comme on l’a vu plus haut avec le Hīlmand, le moins certain de ses noms soit le sien propre.
44Un dernier et rapide regard sur un autre concept fondamental de notre géographie fluviale : celui de régime. Abū Dulaf Mis‛ar écrit, par exemple, ces lignes fort pertinentes à propos d’un affluent du Duğayl supérieur, enjambé par le célèbre pont de ẖurrazāḏ : « Celui-ci est bâti sur une vallée ordinairement à sec ; l’eau n’y apparaît qu’au moment des crues produites par les pluies, sous la forme d’une mer impétueuse couvrant la surface du sol sur plus de mille coudées de large et cent cinquante de profondeur, alors même que le fond du lit se réduit à dix. »130 Écart entre hautes eaux et sécheresse, étiage nul, rôle des précipitations, évaluation du débit aussi, puisque, sans parler des chiffres donnés, le mot baḥr, traduit par mer, renvoie littéralement, on l’a vu131, à une énorme quantité d’eau, toutes ces notations sont justes. Elles ne sont pas non plus, en leur genre, isolées, et nous aurons l’occasion d’en trouver d’autres quand nous tracerons la carte des principaux cours d’eau de l’Islam. Mais il s’agit, précisément, d’observations ponctuelles, événementielles même, puisque prises, ici ou là, au hasard des rivières, de l’itinéraire suivi, jamais regroupées en un faisceau cohérent, en une théorie globale du régime des eaux, de ses constituants, de ses variations. Il n’est pas jusqu’aux encyclopédistes, amateurs des données générales de la ṣūrat al-arḍ, qui, tel Mas‛ūdī, ne les ramènent à quelques assertions fragmentaires immédiatement rapportées à des cas d’espèce, diluées dans les particularités de la description des rivières. « Action des fleuves qui tantôt se déversent sur la terre et tantôt s’en retirent », « jeunesse et déclin » de leur lit, érosion dont ils sont les agents, autant de traits que les Prairies d’or évoquent à peine, en exergue, préambule ou commentaire, toujours rapide, du tableau concret, du détail incarné, l’un après l’autre, dans les grands fleuves de la terre132.
45Bassin, cours d’eau et régime ne sont donc, comme on disait plus haut, que des concepts latents. Fuyante par nature, échappant à la prise, mystérieuse, volontiers dérobée, et d’autant plus difficilement saisissable qu’elle doit composer avec d’autres éléments, terre et même air, l’eau vive, celle que l’on s’essaie à connaître, est d’abord celle des hommes : l’eau vitale, qu’ils utilisent, apprécient, recherchent. Il serait, de fait, pour le moins étrange que la géographie arabe, humaine au sens où je l’ai déjà tant de fois définie, ne voie pas, en priorité, dans cette eau essentielle, celle-là même que Dieu a commise au service de ses créatures.
L’eau indispensable
46Dès la première lecture des textes, une évidence : l’eau est partout ou à peu près, et le simple relevé des passages où elle apparaît parle de lui-même133. Souvent, elle donne lieu à une rubrique spéciale de la présentation des pays : chez Muqaddasī, à propos de l’énorme province du Mašriq, dont le destin est si évidemment lié aux grands fleuves d’Asie Centrale et à leurs dérivations, quatre pages complètes134, sans compter, bien entendu, les innombrables notations qui interviennent dans la description détaillée135. Même soin apporté à la carte, sur laquelle les rivières importantes sont scrupuleusement notées, en bleu136.
47Eau nécessaire aux voyageurs, comme le sont nos géographes137, aux croyants, pour leurs ablutions138. Eau nécessaire, d’abord et surtout, à la vie quotidienne. « Le plus grand bonheur », écrit Ibn al-Faqīh, « est un air pur, une eau douce, une herbe verte » ; et d’ajouter : « pour toute chose, l’eau est vie »139. Eau de la boisson et de la cuisine : pour une ville, la porte dite de l’Eau est signe d’un tropisme essentiel140. Eau des bains141. Eau des moulins, support de merveilleux spectacles : moulins flottants du ẖūzistān, et ces dix grandes roues à auges qui tournent sur les rives d’un lac artificiel, au Fārs142. Eau des bateliers enfin : Muqaddasī a « marché le long du Nil, admirant le nombre des embarcations à l’ancre ou naviguant », il a vu, sur le Tigre, comme autant de symboles, dit-il, d’ « une vie facile », « les bateaux qui sans cesse descendent et remontent le fleuve », ou qui, à Bagdad, « vont, viennent, traversent, chargés de peuple, de clameurs et de tumulte, fixant au rivage les deux tiers du charme de la ville »143. Et d’évoquer, pour le ẖūzistān, un pays presque entièrement traversé de rivières navigables, à l’instar de cette Égypte où, nous dit Ibn ῌawqal, « on peut aller en barque où l’on veut, à n’importe quelle ville, car la route, ici, se fait par eau » ; et Muqaddasī d’ajouter : « les jours de la crue transforment le pays en lac, et il est même des endroits où l’on ne peut passer qu’en barque de tel domaine à tel autre »144.
48Cette eau, au moins celle de la vie quotidienne, il faut d’abord la trouver. Heureux les pays où il suffit de la prendre à la rivière, à la rivière coulant toujours claire, et maudits ceux qui n’ont, comme autour d’al-Baṣra, qu’une eau faite pour un tiers de mer, pour un tiers de fleuve et mer mêlés, pour un tiers d’excréments que le flux et le reflux brassent sur les rives145. Dans bien des cas, la vie doit être cherchée au fond des puits, certains démesurés, coûteux, ou amenée par un canal, qu’il faut creuser, à toute force, si l’on veut qu’une ville soit, mais soit vraiment, vivable146, ou encore poursuivie, pourchassée en creusant dans le lit de la rivière à sec147.
49Le transport, ensuite. L’outre et le seau sont la règle, parfois sur de longues distances, plus de dix kilomètres, et jusqu’au champ ainsi arrosé à bras d’homme148. Toute une ville peut rester tributaire, malgré les efforts consentis, comme à al-Baṣra, de l’eau apportée de très loin, à dos de chameau, ou sur l’eau même, par bateau149. Il arrive, heureusement, que l’homme puisse lui tracer son chemin, la répartir, l’emmagasiner : canaux, rigoles, aqueducs, barrages, digues, citernes, réservoirs, châteaux d’eau et même, à l’occasion, glacières s’égrènent dans la description150. Enfin, n’ayons garde d’oublier, dans le paysage, les inventions de l’hydraulique, où l’animal vient relayer l’effort de l’homme : siphons, roues à godets greffées sur les rivières ou les puits, canalisations qui en déversent l’eau dans les champs ou les bains, bœufs ou chameaux spécialement attelés à la tāche, le tableau se retrouve de l’Espagne au Kirmān, en passant par l’Égypte, la Syrie-Palestine, l’Arabie et l’Iran151.
50Reste encore à protéger cette eau, à consolider, par une maçonnerie, les sources ou les canaux152. A s’assurer les bons offices d’un saint personnage, Daniel par exemple, dont le cercueil, source de rivalités locales, fut d’abord transporté aux endroits où manquait l’eau, puis enseveli dans le lit même de la Karẖa153. D’autres fois, c’est à la magie, résolument, qu’on demande la faveur de l’eau. Telles, près de Nihāwand, ces effigies de glace éternelle représentant un taureau et un poisson, évidents symboles des forces chthoniennes et aquatiques, et qui « empêchent l’eau de devenir rare » en la région ; tels, aussi, ce sortilège arrêtant, à l’inverse, l’écoulement d’une mauvaise source, salée, ou un rite d’aspersion mutuelle154.
51N’ayons garde, enfin, de négliger les pratiques du sourcier. Sans parler des indices les plus simples, joncs ou roseaux, on peut, par exemple, se fier aux fourmis : plus elles sont noires, grosses, et marchent pesamment, et plus l’eau est proche, bonne, douce ; si, au contraire, elles courent légèrement, et si vite qu’on a peine à les saisir, alors, l’eau est au moins à quarante coudées, et pesante, salée. Plus élaborées encore, ces techniques que Mas‛ūdī emprunte, avec le reste, au Livre de l’agriculture (Kitāb al-filāḥa), probablement celui de Casthos (ou Costus)155 : « Celui qui veut savoir si l’eau est proche ou lointaine creusera le sol de trois à quatre coudées. Puis, prenant un chaudron de cuivre ou une bassine de terre cuite, de large orifice, il en garnira, de façon égale, les parois intérieures de graisse. Le soleil couché, il prendra de la laine blanche, cardée et lavée, avec laquelle il enveloppera une pierre de la taille d’un œuf. La boule ainsi obtenue sera enduite, sur un côté, de cire fondue, et fixée au fond du vase déjà huilé ou graissé, lequel sera placé au fond de l’excavation, la laine étant bien prise, retenue fermement par la cire et resserrée sur la pierre. Après quoi, on jettera, sur le récipient, de la terre, jusqu’à l’enfermer sur une hauteur d’une ou deux coudées, et on laissera le tout en l’état toute la nuit. Le lendemain, avant le lever du soleil, la terre sera dégagée et le récipient retiré. Si l’on voit, sur ses parois intérieures, adhérer des gouttes d’eau nombreuses et serrées, et la laine imprégnée, c’est que l’endroit renferme de l’eau, et de l’eau proche. Si les gouttelettes sont éparses, dispersées, éparpillées, si la laine n’est que médiocrement imprégnée, c’est que l’eau n’est ni près ni loin. Si les gouttelettes sont épaisses156 et éloignées les unes des autres, la laine peu mouillée, c’est que l’eau est loin. Si l’on ne voit, sur le vase, aucun signe, important ou pas, de goutte, ni d’eau sur la laine, alors, l’endroit est sans eau et ce serait peine perdue que d’y creuser. »
52Que de soins, d’attention, dans le geste, le regard, la recette, à la mesure de cette eau précieuse, qu’il faut trouver, discipliner, garder : Autour d’elle, c’est tout un équilibre, parfois précaire, qui se cherche, s’installe, ou se défait dans les rivalités, se monnaie aussi. Malheur au pauvre qui doit se contenter du tout venant, de l’eau saumâtre, trouble, ou aller quérir au loin l’eau pure, que l’argent seul, alors, permet de se procurer chez soi : dans les hauts immeubles du Caire, qui peuvent, sur cinq, six et même sept étages, regrouper jusqu’à deux cents personnes et consommer journellement quatre cents outres d’eau, celles-ci sont apportées à raison d’une piécette d’argent par étage gravi157.
53Ailleurs, dans les zones résolument arides d’Iran et d’Asie Centrale, pourvues heureusement, par la grâce du ciel, de puissantes rivières, c’est une société entière qui repose, au propre foncièrement, sur la répartition de l’eau, régie selon une tradition multiséculaire. Les barrages, les canaux, les rigoles, les planchettes d’obturation ou de distribution, celles-ci percées de trous soigneusement calibrés, tout est soumis à une administration vigilante, qui décide, contrôle, entretient et répare. A sa tête, un haut personnage, avec rang de gouverneur (amīr), plus puissant, nous dit-on, qu’un préfet de police, et dirigeant jusqu’à dix mille hommes appointés, et même plus. De pages entières consacrées à cette irrigation jalouse, j’extrais ces quelques lignes, prises à Muqaddasī : « Le fleuve des deux Marw (Merv) sort d’en dessous le Ġur, coule vers Marw le Haut (Marw ar-Rūḏ), puis tourne vers Marw le Bas (Marw, Marw aš- Šāhiğān) ; à une étape avant d’y atteindre, il rencontre une grande vallée, qu’on a fermée, sur ses deux côtés, par du bois. Cette merveille emprisonne l’eau jusqu’au niveau d’écoulement [...] Rien n’est plus heureusement fait que sa répartition. Celui qui l’institua affirmait, à ce qu’on raconte, qu’en cette affaire, et sauf impuissance de sa part, il n’avait rien négligé de ce qui avait pu lui paraître juste. On a placé, au barrage, une planche portant des encoches, avec des intervalles d’un grain d’orge. Parfois, l’eau s’élève jusqu’à soixante grains : l’année, dans ce cas, sera favorable, les gens se félicitent de la bonne nouvelle, les quantités d’eau attribuée augmentent. S’il ne s’agit que de six grains, ce sera une année de sécheresse. L’endroit où est installée la mesure, à une parasange de la ville, est comme un bassin rond. Quand le responsable des opérations a ainsi procédé à ses estimations, la poste dépêche un courrier exprès à l’administration du fleuve (dīwān an-nahr), puis des messagers à tous ceux qui ont en charge les dérivations, et ceux-ci de répartir l’eau selon la mesure indiquée. Au lieu dont nous avons déjà parlé, il y a quatre cents plongeurs, qui l’inspectent jour et nuit ; quand ils doivent entrer dans l’eau par temps très froid, ils s’enduisent de cire. Chacun d’eux doit, pour un tarif journalier déterminé, couper le bois, amasser les fascines et préparer le tout en prévision du moment nécessaire. »158
54Voilà donc cette eau, cette eau trop souvent rare ou capricieuse, enfin trouvée, préservée, domestiquée. Mais quelle eau, précisément ? Jusqu’ici, nous ne l’avons connue que par ses origines, son dialogue avec la terre, les formes qu’elle prend naturellement sous nos yeux ou que l’ingéniosité des hommes lui impose. Nous ne l’avons guère appréciée, finalement, que sous son enveloppe extérieure. Et cependant, l’eau n’est pas, en notre corps, un élément allogène, mais, tout au contraire, une des substances, la première peut-être. Nous l’intégrons, ou la réintégrons perpétuellement, en notre chair, notre sang, notre sperme159. Dès lors, sa connaissance ne nous est pas moins vitale que sa capture.
De quelques classements fondamentaux des eaux
55Selon Mas‛ūdī, renvoyant lui-même à Aristote160, l’eau se distinguerait par huit « saveurs » : douce, grasse, sucrée, salée, acide, amère, astringente et âcre. Classement fondé en effet, on le voit, sur le goût, mais faisant intervenir aussi, à l’occasion, d’autres paramètres : la densité, pour le gras, et, de façon plus latente, la nature du terrain, au moins pour le sel. Un autre classement, par référence aux effets sur le corps, distingue : l’eau douce, froide, saumâtre, sulfureuse, boratée, bitumineuse, ferrugineuse, cuprique, gypseuse, vitriolique, marine, argileuse. Ici, la nature du terrain intervient en force, associée à la température, au goût, au milieu : terre ou mer161.
56Ce sont là, pourtant, distinctions secondaires. La principale reste celle qui se fonde sur la barrière (barzaẖ) coranique évoquée au début de ce chapitre. Elle a, disions-nous, des aspects multiples. Sur le terrain, d’abord : grands fleuves dont l’eau douce tarde à se mélanger avec les flots162, source jaillissant en mer et où les plongeurs vont puiser avec des outres163, eaux douces confrontées à celles que la nature du sol rend saumâtres164, villes du Nil inférieur où l’eau hésite entre le fleuve et la mer165, enfin, plus généralement, jeu de la terre et de la mer autour de l’élément qu’elles se disputent : « Tout ce qui est proche du rivage, à de rares exceptions près, est chargé de sel », déclare Ham-dānī à propos de l’Arabie166.
57Tout cela, donc, connu, noté. Plus importants les classements qui s’essaient à définir, au delà du phénomène naturel, son explication première. On constate, d’abord, une différence de densité, à travers le pouvoir de sustentation, ainsi qu’Aristote le démontra par l’expérience de l’œuf, plus ou moins immergé selon la quantité de sel dissous167. Reste encore à savoir d’où vient le sel, dans cette expérience continue à laquelle la nature se livre, elle, depuis toujours. Mas‛ūdī remonte aux origines : « On raconte », dit-il, « que la terre, ici ou là, ne fut rien moins qu’empressée d’absorber les eaux du Déluge, alors que, ailleurs, elle se hâta de le faire aussitôt qu’elle en reçut l’ordre. Là où elle obéit, on a de l’eau douce quand on creuse ; là où elle tarda à accepter, Dieu la punit par l’eau qui vient salée quand on creuse, par les sols salins, les salines ou les sables. Ce qui traîna de l’eau que la terre avait refusé d’absorber descendit au tréfonds et donna les mers, résidu de l’eau des terres rebelles, de l’eau qui fut la perte de nations. »168 On aurait donc ainsi, au propre, deux tempéraments de l’eau : douce ou désagréable parce qu’elle le fut, d’abord, de caractère. Et quant à la seconde, on remarquera, d’une part, que le sel, moyen de la punition, confère une nature unique à l’eau de la terre coupable : qu’elle soit, aujourd’hui, de terre ou de mer, l’eau salée est partout la même ; d’autre part, que l’eau est un élément passif, qui demeure ou ne s’absorbe qu’autant que la terre le veut, qu’elle n’est pour rien, donc, dans l’événement, qu’elle ne saurait, à ce titre, être considérée comme maudite, ou que, plus précisément, si elle participe de la malédiction, elle n’en est cependans pas la cause ; et encore : que le sel, en tant qu’un des constituants de la terre, s’efface ici complètement au profit du sel conçu comme agent d’une métamorphose, devient, dirait-on, le cinquième élément de l’univers ; enfin, que le châtiment remodèle la cosmogonie : eau douce et eau salée ne sont plus, comme aux origines, les deux volets d’une répartition harmonieuse et équilibrée, mais le résultat d’un hasard, les traces, au propre et au figuré, d’un désordre, celui-là même des volontés capricieuses de la terre.
58De l’histoire, Mas‛ūdī, ailleurs, passe à la science, nous expliquant que l’action de l’air contenu dans la terre donne une eau douce et potable, tandis que l’eau salée est celle qui, soustraite à cette action, a pris le goût du sol qui l’enferme169. Aux trois éléments ainsi associés, il ne manquerait que le feu. Le voici avec Ibrāhīm b. Waṣïf Šāh, qui affirme que l’eau se fait plus douce ou plus salée selon que l’on va vers le nord ou vers le soleil170. L’intervention de ce dernier élément parait assez claire : l’évaporation, croissant au fur et à mesure qu’on se rapproche des régions chaudes, renforce la teneur de l’eau en sel. Le texte de Mas‛ūdī est plus complexe, en fonction même de ce qu’il laisse dans l’ombre. Que l’eau devienne salée par osmose avec la terre, ou douce sous l’action de l’air, soit. Mais est-ce toujours, ou dans certains cas seulement ? Si la salinité est une constante de la terre, il faut admettre pour l’eau trois situations possibles : ou bien elle est naturellement douce, et l’action de l’air sur elle est préventive, l’empêchant de se charger en sel au contact de la terre, ce qui arrive en effet lorsque l’air est absent ; ou bien, naturellement douce encore, elle devient salée par le fait de la terre, et l’action éventuelle de l’air, dans ce cas corrective, lui restitue sa douceur ; ou bien enfin elle est, de ces trois éléments, le seul qui, au départ, soit indifférent, et elle prend un des deux goûts possibles selon qu’elle touche la terre seule ou la terre et l’air à la fois, celui-ci se révélant, dans toutes les situations envisagées, le plus fort, le plus marqué des trois éléments, puisqu’il triomphe à tout coup aussitôt que présent. Si la salinité de la terre n’est qu’accidentelle, nous avons à envisager deux cas, outre celui de la salinité, déjà traité ; si, en terrain non salin, l’eau est en même temps au contact de l’air, elle sera, de toute façon, douce, naturellement ou par l’action de ce dernier élément ; si, toujours en terrain non salin, elle est soustraite au contact de l’air, elle peut théoriquement être ou neutre ou douce, mais cette fois par le seul effet de sa nature. D’après ces interrogations et hypothèses multiples, on serait finalement tenté de se demander si l’explication la plus simple, la plus sūre aussi, ne doit pas être cherchée, une fois de plus, dans les intentions du Créateur, qui dispose de l’eau, comme Il le fait de tout, à sa guise : explication ou, plutôt, renoncement à expliquer l’inexplicable, et qui prendrait ici la forme de cette histoire biblique à laquelle on nous renvoie.
59Un autre classement fondamental oppose les eaux froides et chaudes. Ces dernières peuvent être, du reste, froides au départ, mais réchauffées par l’action d’un agent extérieur : le vent, comme autour d’al-Baṣra lorsqu’il souffle du sud171, ou l’homme, dont l’intervention, au vu de certaines applications médicales, semble transformer la nature même de l’eau à partir d’un seuil de température172. Pour l’essentiel toutefois, la différence de base s’institue à l’origine, entre les sources chaudes et le reste des eaux, ordinairement froides, parfois même plus que fraîches, glacées presque, à l’occasion173, certaines eaux offrant la particularité d’être à contre-saison, chaudes l’hiver et gelées en été174. J’ai évoqué plus haut175 quelques-uns de ces phénomènes, en liaison, notamment, avec le volcanisme. Je reprends ici ces notations, avec d’autres, pour esquisser l’image-type de cette eau176. Prise aux forces vives et secrètes de la terre, merveilleuse et miraculeuse, la source chaude se signale, d’abord, par l’ignition même dont elle est issue, et il arrive que la flamme y lutte victorieusement avec l’eau. Mais on peut, plus souvent, utiliser celle-ci à cuire du riz ou un œuf, à dépiler les peaux, à approvisionner les bains, à soigner aussi : disparus les tumeurs, gales, ulcères, fistules et toute une gamme d’infirmités ou de maladies chroniques, guéri le paralytique, sauvé le malade et... désespéré le médecin :
60Rien donc, ici, qui rappelle l’autre eau, celle du champ ou des besoins quotidiens du corps. A peine si, tempérée, la source chaude, la ḥamma, peut y subvenir177. Pour le reste, on dirait volontiers que la nature exceptionnelle de la ḥamma suscite des usages hors du commun, qu’un rien ferait basculer dans le maléfique, comme telle eau chargée de goudron ou de naphte178. Si l’union de la terre et de l’eau, couramment observée, est en effet naturelle, puisqu’elle associe les deux éléments froids, l’un sec et l’autre humide, si l’union de l’air et de l’eau est aussi de l’ordre des choses, puisque, sous le ciel de Dieu, elle apparie les deux éléments humides, l’un chaud et l’autre froid, l’union de l’eau et du feu, en revanche, est contre l’habitude naturelle puisqu’elle fait aller ensemble les deux éléments antagonistes, l’un froid et humide, l’autre chaud et sec. Les mêmes conclusions pourraient être tirées à partir des autres caractéristiques élémentaires : l’eau est lourde comme la terre, lente comme l’air, tandis que le feu est à la fois léger et vif179. La ḥamma est donc, au total, le signe d’une mésaventure, d’une mésalliance dont Dieu seul, là plus qu’ailleurs encore, connaît le secret. Un secret qui permet, certes, au moins de comprendre pourquoi notre corps, bâti selon les associations élémentaires que commande la nature, doit, lorsqu’il se dérègle, être secouru par l’association anti-naturelle de l’eau et du feu ; un secret qui expliquerait, si nous, hommes, le possédions, pourquoi une opération non naturelle, comme celle qui consiste à réchauffer l’eau et que nous accomplissons quotidiennement, pour la cuisine ou pour le bain, trouve parfois, ici ou là, naturellement réunis les deux éléments que seule, d’ordinaire, la « culture » conjoint : ici ou là, justement, en tel ou tel endroit du globe, mais pas ailleurs.
61Appariements, mésalliances, conjonctions ; ces mots sont plus que des images : le reflet diffus de la croyance à une répartition organique des fonctions dans l’univers tout entier. La sexualité est dans la nature des choses aussi bien que dans ce microcosme qui est nous. A l’Orient māle répond l’Occident femelle, chacun avec leurs astres, soleil et lune en tête180. Les pierres suivent cette répartition181. Rien d’étonnant à ce que les eaux fassent de même. Ibn al-Faqīh, déjà, en les classant selon leur exposition aux points cardinaux, les voulait pures vers l’est, troubles, chaudes, épaisses et instables ailleurs182. Un pas de plus avec Ibn ῌawqal183 : « La femme copte peut accoucher de deux, trois, et même quatre enfants à la fois, chose qui ne se voit dans aucune autre contrée, mais qui, ici, est si peu exceptionnelle qu’elle se produit plusieurs fois dans une seule année. La raison en est que l’eau, du Nil en l’espèce, est femelle, comme ils disent, et prédisposerait tout particulièrement à cette fécondité. » Et notre auteur d’enchaîner immédiatement avec les brebis ou chèvres du Turkestan et du ẖuwārizm, aussi prolifiques que des chiennes, pour la raison qu’en ces pays, les bêtes « broutent le jour sans doute, mais restent à pâturer toute la nuit ; leur force s’accroît, car ce qu’elles paissent est sain et leur convient parfaitement. Les ẖurāsāniens diraient, eux, que leur air nourrit les bêtes, augmente la santé des hommes et purifie leur épiderme, tandis que l’excellence de l’eau les protégerait des maladies et autres indispositions ». Fécondité et santé, allant de pair, requièrent ainsi la terre elle-même, bien sūr, mais, avec elle, la lune, celle-ci à travers la nuit, l’air, l’eau enfin, que l’herbe porte en elle et sur elle : devenue neige avec l’hiver, ajoute Ibn Faḍlān184, elle fouette encore davantage la vigueur des espèces.
62L’eau femelle serait donc celle qui naît d’un état associant l’exposition cardinale, le sol, le climat et la lune. Et l’eau mâle ? Muqaddasī, opposant sur ce point les deux fleuves de Mésopotamie, écrit : a L’eau du Tigre est femelle, légère (laṭīf), et convient parfaitement aux juristes : Abū Bakr al-Ǧaṣṣāṣ allait la faire prendre en amont du confluent avec le Nahr aṣ-Ṣarāt, c’est-à-dire avec l’Euphrate [...], lequel est un fleuve mâle, non dépourvu de rudesse. »185 Le thème de l’eau du Tigre est un de ceux que l’adab s’est plu à développer186 : tel haut personnage est tellement entiché d’elle qu’il en emporte une provision jusqu’en Iran et au Siğistān, ne consentant à s’en défaire que pour des eaux jugées, à l’expérience, tout aussi remarquables et même plus, car, dans le parallèle qu’on établit alors, le Tigre se voit finalement dénier la pureté, la saveur, les vertus digestives : situation qui correspondrait, de fait, à celle, évoquée plus haut, des eaux exposées au couchant.
63Il semble bien que le jugement défavorable porté ici sur le Tigre ne soit pas que relatif, dicté, en l’occurrence, par la seconde position où on le fait glisser par rapport à des eaux meilleures. C’est à un véritable renversement de l’appréciation traditionnelle que nous assistons, une eau réputée favorable devenant une mauvaise eau, tandis qu’à l’inverse, l’Euphrate, fleuve mâle et rude, garde pour lui de porter, on l’a vu, le nom de l’eau douce (furāt), dont le Coran fait le signe de la miséricorde divine sur les hommes. Il apparaît ainsi que la sexualité des eaux est mal appréhendée en ses caractères, fuyante, latente, inconnue même, parfois. Ou alors, si l’on veut rendre à l’opposition mâle-femelle, à défaut de notoriété, toute sa pertinence, il faut admettre qu’elle se réduit à elle-même, hors de ces traits secondaires que nous lui attribuions à tort. Par opposition à l’eau mâle, la femelle serait tout simplement, et seulement, celle qui se définit, comme chez Ibn ῌawqal187, par une suractivation de la fécondité des femmes et aussi, sans nul doute, de la terre, une fois de plus associées. Ainsi resurgiraient d’antiques croyances en l’eau primordiale ou inférieure, cachée au creux de la terre et femelle, distinguée de celle qui vient du ciel, supérieure et mâle188. Antiques croyances, disais-je, et qui ont survécu mystérieusement jusqu’à nous, jusqu’à ce masculin ou féminin que nous affectons aux noms des rivières189.
64Faut-il parler, enfin, de classement par le sens ? Si le goût, comme on le verra, est une des bases de l’appréciation des eaux, parfois accompagné de l’odorat ou du toucher, la vue, en revanche, n’étonne guère que par sa rareté. Hormis les cartes, où la mer apparaît en vert et la rivière en bleu190, rien ou presque de la palette où nous avons accoutumé de prendre pour ce genre de tableau. Je relève le contraste, au ẖūzistān, de deux cours d’eau, particulièrement au moment des crues, qui teignent l’un en rouge et rehaussent la couleur blanche de l’autre ; le rouge intense du grand Zāb, près de ses sources ; un lac bleu de Haute-Mésopotamie, aux reflets de verre poli ; le vert, ou vert-de-gris, de certaines sources, si fort qu’il peut teindre parfois les vêtements ; enfin et surtout les deux Nils, au moins chez Uswānī : l’un d’une blancheur intense et laiteuse, prise à un affluent ou aux terrains traversés, l’autre vert foncé, mais si clair, en même temps, qu’on y voit les poissons tout au fond, et tous deux gardant leurs eaux intactes sur un jour de marche en aval de leur confluent191. Notations éparses, donc, et rapides ; on ne saurait, véritablement, bâtir un paysage aux couleurs de l’eau. Le plus souvent, l’eau pittoresque s’efface derrière l’eau utile, l’eau vive est celle qui cache les couleurs de la vie derrière cette vie elle-même. La magie de l’eau, d’abord, c’est d’être là.
Enchantements de l’eau vive
65Rien n’est plus bouleversant, on l’a dit, qu’une eau jaillie au désert192. Son nom, isolé, sans aucune référence aux formes qu’elle emprunte, puits, sources, citernes, ni aux lieux-dits qu’elle occupe, suffit à couper la longue litanie de la désolation, du sable et de la soif, à faire naître la vie devant nos yeux, qui deviennent alors ceux du voyageur lui-même193. Ya‛qūbī, qui évoque les six jours de marche dans les montagnes arides pour atteindre aux Oasis d’Égypte, transcrit telle quelle la surprise émerveillée, le surgissement des cultures, des sources inépuisables, des eaux vives, des champs de riz, des palmiers, arbres, vignes — que sais-je encore ? —, tandis qu’à l’inverse, Ibn ẖurḏādbeẖ, empruntant à un poète, parle ainsi d’un point d’eau très précaire, en Arabie :
Rien qui pousse au départ comme cette demeure,
Entre le loup qui hurle et le corbeau qui pleure194.
66Mais il s’en faut de beaucoup que l’eau vive perde ses prestiges en quittant le désert. Même ailleurs, son apparition tient toujours du sortilège et déclenche, dans la joie des hommes et l’admiration de l’écrivain, tout un ensemble d’activités et de paysages. Fontaines des villes, douves des forteresses, lacis sans fin de régions entières enfouies dans la verdure, quadrillées de rivières et de canaux, moulins, navigations, puits, lacs, citernes, sources, autant de formes de l’irruption de l’eau, autant de raisons de la présence têtue dans nos textes, qu’elle reste anonyme ou se désigne, ici et là, comme un lieu bien défini, nanti d’un nom qui lui appartient en propre195 : je me contente ici de renvoyer à deux de nos géographes, la notation parlant assez d’elle-même196.
67Contre-épreuve : les inconvénients de l’eau. Et d’abord, son incertitude, ses foucades. Ici, la rivière, le puits ou le lac qui tarissent197, là un fleuve qui divague, déborde, et qu’il faut endiguer, l’eau surabondante pressant la ville de toutes parts, menaçant les hommes de noyade198. Par ailleurs, si l’eau, de façon générale, est citée parmi les caractéristiques heureuses des pays199 — ceux, notamment, dont le nom se termine par -ān200 —, sa présence porte volontiers aux excès : révoltes, fornication, sodomie201.
68Tout cela, pourtant, ne pèse pas très lourd en regard de l’eau favorable. A preuve les réserves émises sur une ville qui aurait tout pour être heureuse, n’était la déficience de son eau, en qualité ou quantité : Buẖārā, ar-Ramla, en Palestine, et même la Mekke, malgré ses éminentes perfections202. Et rien n’est plus triste peut-être que le spectacle d’une eau devenue inutile, comme en ce canton de Haute-Mésopotamie : « L’endroit, nommé al-Awsal, était salubre, couvert d’arbres, de fruits de jardins, de vergers et de vignes [...] Aujourd’hui, ce même Awsal, si prestigieux, si florissant quand on le travaille, n’est guère qu’une lande ; reste, tout en haut, pour cultiver un coin de terre, une noria qui déverse un filet d’eau bourbeuse. »203
69On discerne fort clairement, à travers les paysages esquissés ou décrits, combien l’intervention de l’homme sur la nature se révèle décisive pour créer le pays véritablement enchanteur : non pas la nature sauvage, pittoresque dirions-nous, mais ces lieux paradisiaques, ces campagnes de l’Islam déjà évoqués au chapitre précédent. Retournons-y en insistant davantage, cette fois, sur l’eau vive. Domestiquée, elle se multiplie, par les canaux, en autant de nerfs de la terre. Miracle que ces sols largement arrosés, certains même tout entiers couverts par le lacis nourricier, dont les possibilités dépassent les besoins de la population : l’Égypte, la Ġūṭa de Damas, la Sogdiane, le Ferġāna, le ẖūzistān (Susiane), la région du ẖābūr supérieur, avec ses trois cent soixante sources, celle d’al-Baṣra et ses dix mille canaux, et tant d’autres204.
70Sommet de l’édifice social, la ville est tout naturellement au cœur du réseau dompté ou bâti par les hommes. Ici, l’eau est partout, nous dit-on : dans les palais, les maisons, les bains, les caravansérails, les mosquées, sur les marchés et les places publiques, distribuée en fontaines, offerte glacée aux passants205 ; une débauche de vie et de joie de vivre, d’où émergent les images de la mosquée de Damas, lavée à hauteur d’une coudée, le dicton sur Jérusalem, plus heureuse, sur ce point, que la Mekke, puisque « rien n’est plus facile à y trouver que l’eau et l’appel à la prière », les villes du Daylem débarrassées de leur neige par les rivières qu’on y détourne, les marchés de Fès nettoyés et rafraîchis, chaque jour d’été, par l’eau venue du fleuve206.
71Parfois, le regard s’étale davantage, embrasse tout un paysage de terre et d’eau. Ainsi de la ville d’al-Ahwāz, au ẖūzistān : « L’īle », écrit Muqaddasī207, « est rattachée au reste de la ville par le pont de Hinduwān. Il est bâti en brique et supporte une belle mosquée qui surplombe le fleuve. ‛Aḏud ad-Dawla, après l’avoir rasé, le reconstruisit avec la mosquée, pour attacher son nom à cette architecture merveilleuse, mais les habitants refusèrent de l’appeler autrement que pont de Hinduwān. On voit, sur le fleuve, quantité de roues actionnées par l’eau, nommées norias (nā‛ūra, pl. nawā‛īr) et d’où l’eau s’écoule, grâce à des canalisations surélevées, partie vers des bassins, partie vers les jardins. Le bras principal du fleuve, passant derrière l’île, débouche, à peu de distance208, sur un château d’eau (šāḏruwān)209, magnifiquement bâti de blocs de pierre ; là, le fleuve s’étale en un lac, avec des jets d’eau et autres merveilles. Le šāḏruwān restitue l’eau en la divisant en trois canaux qui coulent vers les domaines et arrosent les cultures. Sans lui, dit-on ici, il n’y aurait pas de vie à al-Ahwāz et les rivières ne serviraient de rien. Il a des vanne210 qu’on ouvre lorsqu’il y a trop d’eau, faute de quoi la ville serait inondée. L’eau qui tombe fait un bruit qui empêche de dormir toute l’année ou presque. La crue arrive en hiver, produite qu’elle est par les pluies, non par les neiges. Le Nahr al-Masruqān traverse les basses terres de la région, mais il est à sec la plus grande partie de l’année. Ses eaux forment un lac en un endroit nommé ad-Dawraq. Al-Ahwàz est plaisante avec toutes ces rivières, où les bateaux vont, viennent et traversent comme à Bagdad. Divisées en haut de la ville, elles confluent en aval, au lieu dit Karšinān211, où l’on s’embarque pour al-Baṣra. Le pays a des moulins installés sur l’eau, et qui sont une merveille. »
72Raffinements plus poussés encore à Samarqand, qu’Ibn ῌawqal célèbre dans une prose dont la recherche s’essaie à refléter celle du paysage212 : « Du haut de la citadelle, j’ai vu le plus beau spectacle qui puisse enchanter le regard : le vert des frondaisons, la splendeur des châteaux, le ruban des eaux et le flamboiement des cultures. L’œil ne surprend ici que des espaces où il se rassasie, des jardins213 admirables qui le passionnent214. Ce sont esplanades215 bien délimitées216, merveilleusement agencées, cyprès taillés217 dont on a tiré d’étranges animaux, éléphants, chameaux, bœufs ou bêtes sauvages, se faisant face comme pour converser en secret, ou se provoquant218, prêts à s’affronter et à en découdre. Ah, le joli spectacle : Quelle fortune prodiguée là : Quel pouvoir enchanteur et absolu sur l’âme : Et je ne dis rien des ruisseaux qui courent, des bassins gonflés d’une eau qui frissonne, d’exquises tonnelles219, de pavillons220 et de belvédères221 superbement disposés et bâtis, demeures magnifiques et riches salons222, somptuosités qui parlent de princes illustres. »223
73Cette eau vive, célébrée à l’envi, devient, comme on pouvait s’y attendre, un thème de la culture générale du temps. La géographie de l’adab, avec Ibn al-Faqīh224, lui consacre tout un développement intitulé « Des traditions relatives aux eaux et de l’éloge de l’eau froide »225, qui n’est ni plus ni moins qu’un long chant de grâces à l’eau vive. Rien n’y manque : Coran, autorisé du Prophète, sagesse antique, qualités, principes et vertus des eaux, liste des pays qu’elles embellissent, anecdotes, figures de style qui désignent par l’eau la beauté et l’honneur, enfin et surtout, poésie — quelque soixante-dix vers, dont j’extrais ceux-ci :
Je sais plus doux parfum que le musc de la rose :
Parmi le basilic tout chargé de senteurs,
Sur l’écorce du roc la source fraîche éclose,
Quand le vent souffle d’est aux lavandes en fleurs226.
74Ceux-ci encore :
On dit que voir le Nil, c’est l’aimer aussitôt,
Quand l’écume s’en va jouant avec les flots.
Mais plus belle que Nil d’Egypte, je le sais,
L’eau vive d’une source en son lit de graviers,
Les deux rives parées de jardins qu’agrémentent
Et le soupir des fleurs et les oiseaux qui chantent.
Comme un petit enfant qui son père caresse,
Lavande et marguerite échangent leurs tendresses227.
75Et ceux-ci enfin, comme deux variations sur le même thème :
1. Dépouillant notre Elvend de sa blanche parure,
Le printemps l’a vêtu du manteau le plus vert,
Jetant sur lui le bel habit d’enluminures,
Vergers brillants, aux couleurs franches de l’éclair,
Voile tissé dans la constance de la pluie,
Splendeurs sans nombre, à nulle invention pareilles,
Univers tout de grâce et secrète merveille
Qui passe la raison, hors du Dieu qui la fit.
Le rouge l’y dispute au vert, le vert au jaune ;
L’une à l’autre opposées, toutes couleurs rayonnent.
L’eau bruit et trouve, écho fidèle de son air,
Au jardin une voix ivre chantant des vers.
Comme glaives tirés sur champ de pâquerettes
Vois ces clos scintillants, ces parterres de fleurs ;
Quand vers eux la nuée vient répandre ses pleurs,
L’anémone, riant, leur prend robe de fête.
Voir sur eux le salut du soleil qui se lève,
C’est bien chose inouïe, spectacle insurpassé !
La montagne géante, en son manteau tissé
De vert, et aussi haut qu’elle-même s’enlève,
Evoque, sous le vent du nord qui s’y ébat,
Un marché aux parfums qu’on aurait posé là.
Contemple de l’Elvend le sein éblouissant :
C’est la porte par où le paradis t’appelle.
Écoute roucouler la pauvre tourterelle,
Quand l’ami lui répond et se hâte, au versant.
Des craintifs agnelets s’inquiètent les brebis :
Pour le sommeil du sien, chacune se veut prête.
Aux sommets de l’Elvend qui n’a pas fait retraite
Pour jamais des plaisirs a fui la compagnie228.
2. L’hiver est mort, et tout oiseau s’élance,
Du bon printemps les signes ont paru,
L’Elvend reçoit l’escorte de la nue,
Fardée aux couleurs d’une nuit intense.
Sous ses yeux en pleurs, ses lèvres sourient :
Astres en feu, les éclairs se détendent,
Et, délestée, la nuée tisserande
Revêt le sol d’un nonchalant habit,
Chamarré de soie verte, d’or extrême
Ou de l’éclat du rouge incandescent.
La terre est coiffée de fleurs en diadème,
Colline et pierraille en font leur turban.
La source au sol jaillit, quand de la nue
Pleurent les yeux qui jamais ne se figent :
Source ou bien lune au matin qui érige
Haut le soleil, hors de bijoux diffus.
La terre s’orne aux charmes de la belle :
Du méchant hiver ils chassent l’ennui,
Buvant du printemps les premières pluies
Et l’eau limpide, et fraîche, et qui ruisselle.
Aux tons du safran le pays s’habille,
Son baudrier de la rose a l’éclat,
Et la poussière au vent d’est s’éparpille,
Comme une épée de l’Inde, qui flamboie229.
76La qualité de ces vers — dont certains, passés en français, annonceraient les mignardises de Charles d’Orléans ou certaines églogues guindées de l’abbé Delille — importe moins au fond que leur présence. Moins que de poésie, il s’agit de discours rimé, cette sanction étant la plus haute qu’on puisse décerner au thème choisi, en l’espèce celui de l’eau vive. Allant plus loin que la prose des masālik wa l-mamālik, la géographie de l’adab, avec Ibn al-Faqīh, entend bien, pour célébrer une merveille, épuiser toutes les possibilités du langage.
77Une chose est claire : au milieu de tant de sujets évoqués, il s’agit bien, en effet, de l’eau fraîche ; celle des sources, qui fournit le corps et le titre du développement indiqué plus haut. Et aussi, à l’intérieur de ce développement, le prétexte, sinon le texte, des deux poèmes sur l’Elvend. Elle a beau n’y apparaître, clairement désignée, qu’une seule fois pour chacun d’eux, il reste que c’est autour de cette eau qui bruit, de la source, que le paysage s’organise. Paysage sacré, d’abord : Dieu est seul maître et reste seul connaisseur de cette nature, reflet du paradis, que l’homme se contente d’admirer, de dépeindre et de rapporter, avec gratitude, à leur créateur à tous deux. Paysage montagnard, ensuite : le thème, déjà connu par le précédent chapitre, des hautes terres arrosées et nourricières, se double ici, en filigrane, de celui du pays natal : montagne-mère, l’Elvend l’est aussi parce qu’il relève du pays de Hamaḏān, patrie d’Ibn al-Faqīh et des deux poètes230.
78Les relations entre éléments sont plus subtiles. Le feu, dont l’intervention est surtout de l’ordre de la métaphore, par son irruption dans le domaine des couleurs, s’associe toutefois, comme foudre, à l’air qu’il visite et, d’autre part, libère l’eau contenue dans cet air sous sa forme de nuage. L’air, quant à lui, apparaît comme nuage et comme vent. Le premier, porteur d’eau, est par ailleurs, on vient de le dire, en relation éventuelle avec le feu. Le vent peut être d’est, sec, et dans ce cas s’associer à la terre, qu’il soulève en poussière ; venant du nord, et spécialement attribué à l’Elvend, la montagne humide, il semble bien alors être le vent des nuages, donc de la pluie231. Si le feu, au total, peut se joindre à deux éléments, air et eau, l’air, lui, est riche de plus de relations : avec le feu, l’eau et la terre. Gomme le feu, la terre ne connaît que deux associations : avec l’air, quand elle devient poussière ou que, au sommet de l’Elvend, elle accueille le nuage et le vent ; avec l’eau, surtout. Quant à celle-ci, elle peut se lier, comme l’air, à chacun des trois autres éléments : à l’air, par le nuage, au feu, quand ce nuage est frappé de l’éclair, enfin à la terre, qui la reçoit à sa surface ou dans son sein.
79Ainsi, ce qui voulait n’être, au départ, qu’une évocation de l’eau vive, conduit à évoquer l’univers entier, dans le réseau de ses éléments au complet. L’eau vive des poèmes, c’est celle qui appartient à la terre parce qu’elle vient d’elle, mais, tout aussi bien, celle qui tombe sur elle depuis les hauteurs du ciel, de l’air, avec le concours du feu. La distinction, du reste, est factice : car, finalement, cette eau est toujours la même, née de l’air et du feu, puis s’épanchant sur la terre ou y pénétrant pour rejaillir ensuite en sources et, de nouveau, ruisseler232. La seule opposition valable distinguerait, à la vérité, entre l’eau qui court par l’effet merveilleux du printemps et celle qui ne coule plus ou qui ne coule pas encore, soit qu’elle tarisse à cause de la sécheresse estivale, évidemment sous-entendue, soit qu’elle se paralyse sous les rigueurs de l’hiver qui la transforment en blanc manteau de neige : toutes choses qu’évoquent, a contrario, ces yeux de la nue, qui, eux, ne se figent pas, cette pluie assidue, constante même, du printemps233.
80Pourtant, dans cette eau vive qui ruisselle, soit directement, aussitôt que tombée du ciel, soit par le relais des sources qui, pour un temps, l’absorbent, la distinction, présentée à l’instant comme factice, doit être maintenue. Car elle ne touche pas que la forme et l’histoire de cette eau, mais sa nature même, qui, pour être unique au départ, c’est vrai, change selon que la source intervient ou non. La pluie, fille de l’air et du feu, peut bien connaître, pour y ruisseler, la terre en surface ; mais l’eau de source est la seule qui réunit vraiment en elle la substance des trois éléments, puisque, à l’air et au feu de ses origines, elle ajoute pleinement la réelle nature de la terre, qu’elle va chercher en ses profondeurs. Enrobée par l’air, pénétrée par le feu et pénétrant la terre, de toutes les eaux elle est celle qui se situe parfaitement au carrefour de l’univers. Elle a beau être discrète dans les deux poèmes — et même ne pas se désigner littéralement comme source dans le premier —, elle est bien, comme le centre infime et cependant essentiel d’un cercle, le point vital à partir duquel toute la construction s’organise. Et c’est pourquoi, encore une fois, Ibn al-Faqīh range les deux textes au nombre de ceux qui la chantent, elle, par-delà ces nuages où elle naît et cette terre qu’elle fait renaître.
81La palette de la vie est prise à quelques couleurs fondamentales : le vert, le rouge, soutenu ou rosé, le jaune, intense234 et parfois emprunté aux fleurs : safran et camomille235. Plus que les couleurs, c’est leur distribution et leur éclat qui importent. Le texte insiste, à travers la soie et les bigarrures, sur un chatoiement fait de l’exaltation de teintes juxtaposées et non confondues236, dont l’ordre s’oppose aux pierreries diffuses de l’horizon voilant le soleil à sa naissance237. Le tout est transfiguré par le thème insistant de la fulguration : au blanc du manteau hivernal et au noir des nuées répondent les splendeurs du soleil et, surtout, de l’eau, dont les reflets créent, à partir de la source, une lune en plein jour et suscitent, comme une réponse au flamboiement de l’éclair, le scintillement des glaives sur la campagne ou la poussière, et ce feu qui vient incendier toutes les couleurs.
82Idyllique et pastoral, le paysage ainsi évoqué est un reflet du paradis : aucune espèce noble, lion ou aigle par exemple, des oiseaux, sans plus, ou des animaux pacifiques, guidés par l’amour : brebis et tourterelles. La sécurité238, la beauté et la liberté sont symbolisées par le thème du vêtement, tel quel239 ou précisé en manteau, voile, robe, turban, écharpe240 ou diadème : vêtement rassurant, en effet, par opposition à l’habit glacial de l’hiver ; agrémenté, d’autre part, aux couleurs printanières, somptueux ; souple enfin241 et ample, à la mesure de l’espace illimité de la montagne. La joie envahit toutes choses : après les ennuis du méchant hiver, voici les charmes du bon printemps, la fête, le plaisir. La vie, fouettée par l’eau, est, tout au sommet, la marque souveraine du pays en éveil : derrière l’effroi inspiré par l’éclair, le rire même de la nue qui se déchire pour le révéler est promesse de renouveau, comme le mouvement, un peu partout, de l’eau, et l’ensemble est saisi dans une lumière de monde naissant, matin du jour, matin de l’an avec le printemps, enfin matin de ce printemps lui-même, qui n’en est qu’à ses premières pluies.
83A ce paysage, il ne manque qu’un être, et c’est l’homme. En fait, dans cette nature qu’on croirait vierge, il est partout présent. Non pas seulement par cette voix qui répond à la chanson du ruisseau, mais par l’activité même de ses mains. C’est peu en effet que la nature lui emprunte, pour sa beauté le fard242, pour son alacrité juvénile et ardente le glaive. Le jardin sauvage est pareil à celui que l’homme compose : les couleurs, on l’a dit, sont tissées, réparties, harmonisées, les odeurs distribuées en un immense marché aux fleurs, et le mot même qui désigne ce jardin où quelqu’un chante, ce jardin où l’homme met sa marque, verger clos (ḥadīqa) ou parterre de fleurs (rawḍa), est indifféremment employé pour l’autre jardin, naturel, qui le reproduit243. Par cette association étroite entre la nature et l’homme — mais une association qui, cette fois, les fait clairement l’un et l’autre tributaires de l’eau vive —, nous voici revenus aux campagnes de l’Islam.
Les eaux vives : un classement à trois paliers
84Nous avons, chemin faisant, à travers quelques classements fondamentaux, effleuré certains repères de l’eau vive : eau douce, par opposition à celle qui se charge plus ou moins de sel, en mer ou sur la terre même, eau mâle et femelle, eau froide ou chaude. Il nous faut maintenant nous attacher plus particulièrement non pas tant à l’eau que l’homme utilise pour ces usages externes qui ont nom navigation, toilette, irrigation ou meunerie, qu’à celle dont il se nourrit, à l’eau vitale au plein sens du terme. Quelques auteurs s’essaient aux répartitions. Ibn Rusteh, par exemple, note, comme en passant, qu’à Ṣan‛ā’, au Yémen, on préfère la pluie aux sources, mais que, par ailleurs, l’eau des puits est supérieure à celle du Tigre, dont, pourtant, tout le monde célèbre les vertus244. Ibn al-Faqīh entend aller plus loin : « L’eau la meilleure, a-t-on dit, est l’eau de pluie recueillie dans un tissu propre ; ensuite l’eau qui tombe sur une montagne et s’amasse sur un rocher ; ensuite l’eau des grands fleuves ; ensuite celle qui s’amasse dans les déserts, pourvu qu’elle ne contienne pas d’herbe ; ensuite celle des canaux souterrains ; ensuite celle des réservoirs profonds ; enfin celle des sources et celle qui coule sur les rochers. »245
85D’où il apparaîtrait, au moins, un principe essentiel : que la qualité de l’eau est en raison inverse de son contact avec la terre, puisque, aux deux bouts de la chaîne, nous aurions l’eau de l’air, avec la pluie, et l’eau qui prend la substance du sol, soit qu’elle y ait pénétré, avec la source, soit qu’elle l’érode en courant sur les rochers. Immédiatement au-dessous de l’eau de pluie, vient l’eau immobile sur la roche, touchant la terre, donc, mais une terre dure et qu’elle n’use pas, lui arrachant, par conséquent, aussi peu que possible de sa substance. L’eau des grands fleuves compenserait sans doute ce phénomène d’emprunt au sol par son volume, qui permet, au moins en surface, de prélever une eau éloignée au maximum du sol ; la même raison jouerait pour les réservoirs, tandis qu’à l’inverse, la canalisation souterraine pallierait le manque de profondeur par l’écran artificiel de la brique, qui empêche le contact avec la terre véritable246. Resteraient enfin, au milieu de la hiérarchie, les étangs du désert, à l’évidence peu profonds, mais dont l’eau tranquille capterait à peine les principes du sol, à condition que ceux-ci ne se transmettent pas par les plantes, fréquentes en effet dans ce genre de paysage.
86Ce classement confirme ce que nous disions plus haut sur l’eau de source, la plus chthonienne de toutes. Il lui fait, c’est vrai, à contre-courant de la tendance générale, payer cette définition par une qualité inférieure, comme si la valeur de l’eau décroissait en descendant les degrés du monde, depuis le ciel jusqu’aux profondeurs du sol. Mais outre qu’Ibn al-Faqīh se retranche, en l’espèce, derrière l’autorité d’un autre247, ce classement n’en est qu’un parmi d’autres, toujours chez Ibn al-Faqīh248. En voici un rapporté à Hippocrate : « Les eaux qui jaillissent d’endroits élevés, de hauteurs et de collines sont les meilleures et les plus salutaires ; naissant dans des pays extrêmement sains, elles sont douces et l’on n’a pas besoin d’y mélanger beaucoup de vin, surtout en Orient et en été, tant elles sont lumineuses et nécessairement de parfum agréable. »
87Plus que la douceur, la pureté et le parfum, c’est le thème de l’Orient et de l’été qui doit nous retenir ici. Il réfère en effet à un classement, immédiatement antérieur dans le texte d’Ibn al-Faqīh, selon les points cardinaux249. L’exposition au levant assure, par les vertus du soleil, la santé du corps et la pureté des eaux, l’ouest entraînant, à l’inverse, les maladies, un air lourd, humide, épaississant les eaux, celles-ci troubles et instables. L’orientation au sud implique des êtres au corps mou, sous l’effet de l’humidité qui descend de la tête, des femmes avortant fréquemment, parce que tirées vers le bas, dirait-on ; des eaux chaudes, troubles, instables et salées, s’échauffant en été et se refroidissant l’hiver. Au nord, enfin, se voient des hommes forts, larges de poitrine et minces de jambes, à la tête solide, vivant longtemps et sauvages, des femmes peu fécondes, accouchant difficilement mais n’avortant pas, tout cela en raison d’une sécheresse qui remonte du bas du corps, et des eaux froides, dures, lourdes à la cuisson250.
88Ce sont là constructions savantes, une fois de plus fondées sur le jeu des quatre éléments, l’eau se pliant aux forces attractives de la terre, vers le bas, ou de l’air, vers le haut, subissant ou non l’action purificatrice du feu et prenant le pas, à l’ouest, sur les autres éléments251. Dans la réalité des choses vues, le tableau est tout différent. Les notations de nos auteurs font intervenir, selon les cas, un ou plusieurs paramètres, neuf au total, pris aux quatre phases successives de la recherche de l’eau, de son appréciation externe, puis interne, enfin du jugement d’ensemble porté sur ses qualités. Pour la première phase intervient d’abord le paramètre de la facilité ou de la difficulté : aux canaux de Sāmarrā, parcimonieux parce que peu profonds, et peu profonds parce que creusés dans un lit trop dur, où le pic est inopérant, à l’eau qu’il faut aller débusquer sous terre, aux puits vertigineux, on aura beau jeu d’opposer l’eau à fleur de sol, sans parler, bien entendu, de celle qui court à vous, spontanément offerte252. La quantité est, comme on le pense, un critère fréquent, donnant lieu parfois à une notation plus précise : ainsi des « rares puits » de telle localité d’Arabie, ou de telle autre, en Afrique du Nord, dépendant de la seule eau du ciel253. Plus originale, peut-être, l’évocation d’une eau sūre, stable même, sur laquelle on peut compter en toutes saisons254.
89L’appréciation externe fait intervenir, à vrai dire de façon très accessoire, l’odorat, opposant telle eau, citée plus haut, qui fleure bon — entendez : sans la moindre odeur suspecte — à telle autre qui peut, elle, puer résolument255. La vue est autrement plus importante : c’est elle qui désigne d’emblée l’eau limpide, laissant peu de dépôt, si exempte, même, de trouble qu’on peut voir jusqu’au fond des sources ; célèbre, la controverse qui opposa sur ce point al-Kūfa, fière de son eau douce (furāt, Euphrate), et al-Baṣra, vouée à une eau où la mer le dispute au Tigre, celui-ci n’étant pas, du reste, cette eau « une » et si fameuse qu’on prétend, mais un étrange composé où l’eau du fleuve se mêle à celle de ses affluents, des canaux et même de l’Euphrate256.
90L’appréciation interne est d’abord affaire de température. La source chaude étant à part, il s’agit de distinguer, en cette matière, l’eau fraîche de celle qui l’est moins. A la première évidemment, tous les éloges et tous les soins : on a parlé plus haut des glacières257 ; la seconde, plus floue en ce qu’elle apparaîtrait comme une catégorie intermédiaire, entre l’eau fraîche et celle, brûlante souvent, de la source thermale, ne se présente guère dans nos textes ; quand elle le fait, c’est, on le devine, avec des connotations éminemment désagréables : on y reviendra plus loin, à propos de Muqaddasī. L’idéal est une eau comme celle dont Abū Dulaf Mis‛ar signale les qualités : froide l’été, mais qui, l’hiver venu, se révèle réchauffante et protectrice258.
91Un pas de plus dans l’appréciation interne et, relayant le toucher, c’est le goût qui intervient. Classement sommaire, au demeurant, comme ce sens dont nous savons qu’il est, par rapport à l’olfaction surtout, l’un des plus frustes. La distribution fondamentale oppose les eaux douces et salées, ou saumâtres, chargées de cristaux, d’un goût si fort, parfois, qu’il faut le combattre par l’ingestion d’oignons259, ou encore ācres260. On n’insisterait pas davantage sur ce point s’il ne fallait tout de même signaler deux faits importants. D’abord, que l’eau, nous dit-on, peut se charger d’autant de goûts, à commencer par le sel, que la terre en porte261 : indice, une fois de plus, du caractère essentiel de l’union de ces deux éléments. Ensuite, il convient d’observer que, pour être rudimentaire, plus que cela : réduit pratiquement à l’opposition doux-salé, le classement admet, à l’intérieur de cette opposition, des nuances ; on nous parle ici d’eau très douce, suprêmement douce, portant goût de miel ou de vin vieux, là d’eau franchement imbuvable à force de salinité262 ; surtout et même abstraction faite des nuances, l’appréciation de l’eau par le goût est un des traits majeurs de sa description263 ; au total, donc, le classement, par la simple fréquence de ses interventions, ferait presque de l’eau un élément à part, isolé sur la palette gustative où nous apprécions nos aliments, tout en dotant cette eau, à l’occasion, de saveurs subtiles, plus différenciées que celles qu’une estimation sommaire lui attribue. Irons-nous jusqu’à dire que, comme certaines espèces, l’homme peut parfois ajouter, aux saveurs fondamentales du goût, douce, salée, acide ou amère, une cinquième saveur qui serait, justement, celle de l’eau elle-même264 ? Bien évidemment non. Mais à tout le moins constaterons-nous que l’importance de l’eau en zone aride et les prestiges dont elle se revêt quand, en certains lieux privilégiés, elle allie l’agrément à l’abondance, entraînent, chez l’homme qui vit d’elle, la passion de la boire et de la juger.
92La dernière phase de l’appréciation interne est celle de l’ingestion. A l’eau légère, facile au corps, s’oppose l’eau indigeste, lourde, des nuances intervenant ici encore, et des précisions aussi, la douceur et la légèreté extrêmes de l’eau du Ǧayḥūn s’expliquant — ou se prouvant ? — par le fait qu’elle se réchauffe ou se refroidit en un laps de temps très court265. Avec cette dernière phase, nous entrons déjà dans le domaine du jugement d’ensemble émis sur l’eau. Rapporté à son goût, il la dira excellente, bonne, agréable, potable, médiocre, désagréable, mauvaise, imbuvable266. Parlant de ses effets sur le corps, on la qualifiera de saine, salubre, ou malsaine, gâtée, dangereuse et pestilentielle267. Au nombre des épithètes employées, relevons au moins celle-ci : marī’ (mariyy), d’une racine évoquant la nourriture salubre parce que légère et facile à digérer, sans qu’on puisse éliminer tout à fait la confusion possible avec une racine homophone, celle de l’homme, qui donne ailleurs, de fait, à l’épithète, son autre sens, de viril cette fois. L’eau en question serait donc celle qui, tout en se prêtant éminemment à la digestion, assure au corps cette santé et cette force que l’homme, le vir, se trouve incarner au mieux : par où l’on retrouverait les vieilles idées, déjà évoquées, de sexualité et de pouvoir générateur des eaux.
93Nous parlions, pour leur appréciation, de quatre phases, et cette distribution peut être conservée telle quelle. On peut, au vrai, lui en préférer une autre, qui la recoupe, du reste, pour l’essentiel, en ramenant à une seule les seconde et troisième phases. Il s’agirait, d’abord, d’un jugement sur l’existence de l’eau. Est-elle présente spontanément ou par l’effort des hommes, ou absente en tout état de cause, ou encore aléatoire, tantôt là et tantôt fuyant ? Si elle est sūre, est-elle stable en quantité ou variable, et dans quelles proportions ? Viendrait ensuite l’appréciation sensorielle, procédant du plus externe, par l’odorat et surtout par la vue, au plus interne, successivement par la température, le goût et les sensations que je dirais péristaltiques, liées à la digestion. Enfin, une fois faite la véritable épreuve de cette eau, nous porterions un jugement sur son essence même, d’après l’accueil, immédiat ou profond, que lui réserve notre corps. Mesurer, tester et juger l’eau seraient ainsi les trois étapes d’une opération essentielle, vitale même : ce que Muqaddasī appelle le wazn al-mā’, littéralement, au propre et au figuré : la pesée de l’eau.
Un homme et l’eau : Muqaddasī
94Peser l’eau, comme goûter l’air268, est une opération dévolue au géographe, qui suit, pour le coup, une voie royale : Qubāḏ, souverain sassanide, procéda ainsi pour distinguer, en son domaine, les régions les plus favorisées269. Plus ambitieux encore, puisqu’il veut peindre le monde musulman tout entier et parvenir à une véritable science de l’eau, le géographe entend se fonder sur des critères sūrs270 : « A ceux qui me demandent comment je peux connaître la légèreté ou la lourdeur d’une eau, je répondrai : de quatre façons. Premièrement, toute eau qui se refroidit vite est légère ; je n’en ai pas, pour ma part, trouvé de plus prompte à cela qu’à Taymā’ et à Jéricho, les eaux de ces deux villes étant les plus légères de l’Islam ; ce point ainsi établi, j’ai pu le vérifier ensuite, à la lumière d’expériences répétées. Secondement, l’eau légère est lente à se diffuser dans le corps271, tandis que, si vous buvez une eau lourde, vous êtes bientôt près d’uriner. Troisièmement, l’eau légère accroît l’appétit et facilite la digestion. Quatrièmement : lorsqu’on veut connaître l’eau d’un pays, il faut aller chez les fripiers et les parfumeurs272 et examiner leurs visages ; si l’on y décèle la présence de l’eau, on sera sūr de sa légèreté, à proportion de l’éclat des figures ; si l’on voit de vraies faces de morts, des têtes penchées, alors il faut fuir le pays au plus tôt. »
95Le texte mêle des critères de simple reconnaissance et d’autres qui prétendent à l’explication, sinon du phénomène de la légèreté de l’eau, du moins de l’appellation choisie en la circonstance. Si la légèreté de l’eau se marque à certains signes, elle explique aussi — elle-même restant inexpliquée — la lenteur à tomber dans les corps, l’alacrité digestive, la vivacité communiquée aux êtres, la ténuité enfin, dirais-je, face au froid qui l’envahit ; et à la chaleur aussi, ajouterait Ibn ῌawqal273.
96Ailleurs nous sont données les raisons, parfaitement claires en l’espèce, d’une eau mauvaise : impureté et température. Il s’agit de l’éternelle controverse sur al-Baṣra : « L’eau du pays attenant », écrit Muqaddasī274, « n’est ni douce ni bonne, faite qu’elle est, dit-on, pour un tiers d’eau de mer, pour un tiers d’eau du reflux275 et pour un tiers d’eau de bas-ventre276 ; car le flux, en se retirant, met à nu les berges des cours d’eau, qui deviennent le réceptacle des immondices qu’on y jette, puis survient la marée, qui se charge ainsi d’ordures. Quand le vent souffle du sud, l’eau devient chaude. »
97Il ne s’agit donc pas de connaître l’eau en son essence même — qui le pourrait, sinon Dieu ? — mais en ses qualités. Peser l’eau, en d’autres termes, c’est juger des caractères et des effets d’une substance. Connaissance tout extérieure, et pour cause : c’est l’eau qui pénètre l’homme, et non l’inverse. Connaissance, pourtant, qui se veut sérieuse et détaillée, parce que portant sur un élément vital. Muqaddasī, en la circonstance, ne fait pas autre chose que ses contemporains : son appréciation de l’eau suit les chemins que nous connaissons déjà. Mais il a, plus que d’autres, le sens de sa responsabilité d’informateur et de savant. Informateur, il n’oublie pas que son livre s’adresse non seulement à des théoriciens ou à des esprits curieux, mais aussi à des voyageurs277 : d’où, pour l’Arabie par exemple, en exergue au développement sur les eaux de cette province, l’adjectif muẖtalifa (diverses, variées), comme pour fixer l’attention aux surprises de la route278 ; d’où la richesse du vocabulaire et la précision, quand il le faut, des notations, qui visent à renseigner, sur le terrain même, tout autant qu’à la peinture la plus scientifique et la plus exacte.
98D’abord, donc, les critères d’abondance, de facilité et de constance. Multiples, les apparitions de l’eau vive (ğārī, yağrī), sous ces simples mots279 ou des variations : on peut nier ou nuancer sa présence280, ou l’exalter, au contraire, sous les expressions de « cours impétueux », « ardent », « qui dévale »281, sous une traduction même : tel, au ẖurāsān, ce canton, dit Tak-āb, en persan : « les eaux y courent »282. Un peu partout, voici les mots de l’abondance, les adjectifs wāsi‛, kaṯīr et ġazīr notamment283. Ici encore peuvent intervenir la négation284, la comparaison285, la nuance enfin, par certains mots ou expressions : une eau dite rare (qalīl)286, étriquée (ḍayyiq)287, chétive (ḍa‛īf)288, des citernes qu’on a dû abandonner, des puits devenus inutiles289, une eau si précieuse qu’on la conserve en des réservoirs cadenassés290, une ville assoiffée291, des fleuves en vérité provisoires, squelettiques, parcimonieux292, ou, au contraire, profonds, immenses, comme les puits ou l’eau elle-même293, et des sources qui, littéralement, éclatent en rivières294.
99Les sensations externes sont presque toutes dévolues, comme chez les autres auteurs, à la vue. L’odorat n’est là que pour signaler au passage une eau nauséabonde295, l’ouïe pour enregistrer non pas le murmure, mais le tumulte du courant, à al-Ahwāz ou à Ǧīruft, dans la province du Kirmān, dont le fleuve impétueux, indomptable, emporte les rochers dans un immense fracas296. La vue note la pureté, la propreté, associées à la légèreté et à la douceur, tantôt nuancées, niées, tantôt exaltées par l’image de la pièce de monnaie aperçue au fond de la source, tantôt laissant place à la saleté, au trouble, aux matières en suspension, le tout purifié, le cas échéant, par des noyaux d’abricot grossièrement brisés297. L’exotisme linguistique, parfois, s’en mêle298 : ainsi pour une source appelée, en persan, surūš-šīr : lait des anges, ou pour Buẖārā : « L’eau y est troublée par les nombreuses immondices qu’on y déverse : l’origine du nom de Buẖārā serait Kūh-ẖōrān299 ; le ‘h’ et le ‘ō’ s’étant amuis, la leçon, allégée, est devenue Kuhārā300. Ensuite, on a fait du ‘k’ un ‘b’ pour égarer les gens301. J’ai entendu un lettré déclamer :
100Le ‘b’ de Bubārā est un ‘b’ accessoire
101Et l’‘ā’ intermédiaire est superfétatoire :
102Ainsi, de harā seul il faut garder mémoire. »
103ẖarā où, sans trop de peine, le rimailleur cité nous invite à découvrir le nom, persan ou arabe, des excréments et de la vase302.
104En matière de température, l’eau idéale, ici comme ailleurs, est l’eau fraîche, voire froide, naturellement glacée même, encore que point trop n’en faille : le Jourdain à sa naissance, par exemple, est qualifié, à deux lignes d’intervalle, d’excessivement froid et mauvais ; la mesure, comme en toute chose, est souveraine : heureux les pays où l’eau reste toujours fraîche, telle la Palestine, au contraire de l’Égypte, où elle ne l’est que pendant les deux mois d’hiver, et de telle région où, nous dit-on, « c’est de la glace que l’on boit »303. Dieu nous préserve, en tout cas, de l’eau chaude, bouillante l’été au ẖūzistān, donnant aux êtres un teint jaune, ailleurs s’enfiévrant sous l’effet du vent du sud ou des champs de riz qu’elle arrose304. Eau brûlante, eau porteuse de fièvre : toutes ces notions se regroupent dans des mots de la racine ḥmm, qui est aussi celle de l’autre eau chaude, de la source thermale (ḥamma) et qui s’allie, ici, à des évocations d’enfer305.Point de surprise non plus du côté du goût, qui distingue, dirait-on, autant de crus. Au sommet, la véritable eau douce (ḥulw), chaque fois saluée, cotée, mais qui peut se voir refuser cette appellation contrôlée, lorsque sa saveur ne la lui mérite pas306. Au-dessous, l’eau potable (‘aḍb), sans plus, nous dirions : l’eau de tous les jours, si tous les jours au moins assuraient celle-là307. Au-dessous encore, comme une réserve, une espèce de demi-grimace, que traduirait le diminutif ‛uḏaybī : une eau presque ou à peine convenable, selon les cas308. Dégoût franc, enfin, et de toute façon, pour l’eau salée ; sans commentaire ou presque, dira-t-on même, au vu des textes309.
105Pour l’effet de l’eau sur le corps, tout un lot d’adjectifs : nous la connaissions déjà pour légère ou lourde, et telle elle réapparaît ici310. Voici maintenant l’eau grossière, renforcée en ce caractère par le sel ou l’amertume, ou encore dure, et subtile à l’inverse311. Même richesse, et plus grande encore, pour le jugement de valeur final : bonne sans doute, dit-on de l’eau, mais aussi agréable, saine, salubre, excellente, belle ou merveilleuse312 ; ailleurs, moyenne, plus ou moins mauvaise, déplorable, croupie, détestable, meurtrière313. Quelques traits, enfin, particulièrement remarquables : au titre des curiosités d’une province, une source dont l’eau vous fait mourir trois jours après que vous en avez bu ; une eau dont il vaut mieux demander à Dieu de se passer ; une autre fort bien nommée, Muẖrī, c’est-à-dire la Laxative, qu’on la boive ou qu’on l’emploie à pétrir et à cuisiner ; une autre, enfin, que seuls peuvent consommer les gens du pays, mais qui tue les étrangers314. N’ayons garde d’oublier, ici encore, le persan, à travers un mot composé cette fois par Muqaddasī lui-même : ākrān, de āk, calamité, mort, et rān, adjectif verbal du verbe rānden, pousser, projeter, déchaîner315.
106La connaissance de l’eau apparaîtra sans doute, au bout du compte, subjective autant que suggestive. Et c’est vrai. Cette connaissance, le voyageur la puise à son expérience, au souvenir de ses enchantements, de ses craintes, de ses indispositions même, mais il sait bien, par ailleurs, que la révélation de l’eau essentielle lui restera pour jamais refusée. La précision de l’évocation, l’abondance du lexique, le recours à la philologie, fūt-elle étrangère ou de pacotille, ne, sont pas autre chose que la contrepartie de l’aveu d’une impuissance de principe à pénétrer les choses en leur réalité. Mais précisément, dans les limites qui lui sont imparties, l’homme, un homme tel que Muqaddasī, entend bien explorer tout le champ qui lui est laissé. Au delà de l’expérience sensible, celle du voyageur qu’il fut, celle du voyageur son frère à qui il s’adresse, il songe aussi à un autre public, cultivé et même savant, et ce qu’il propose prétend bien au statut de science : par la connaissance, progressive, et la définition, hiérarchisée, de l’eau, de ses propriétés quantitatives ou qualitatives, de ses effets, la « pesée » de cet élément ne se veut pas que simple appréciation des sens ; elle est, tout autant, mesure316, qui a ses règles, ses barêmes, son vocabulaire. Et c’est bien pourquoi Muqaddasī, au début de son ouvrage317, la range au nombre des « piliers » soutenant l’édifice de cette science nouvelle qu’il aspire à fonder et que nous appelons géographie. Ajoutons : comme toujours, mais plus particulièrement ici, où la connaissance de l’eau, de l’eau vitale, éclaire à plein cette intention : une géographie de l’homme.
De quelques propriétés annexes de l’eau
107Qu’elle soit plus ou moins agréable au goût, plus ou moins pesante au corps, l’eau est d’abord un aliment. Le reste, qui donne lieu à des notations épisodiques, est accessoire. Mal délimité aussi : entre l’eau douce, fraîche ou non, et la source thermale, qui se désigne éminemment à l’attention par ses propriétés médicales, la frontière est souvent imprécise. Nous ne nous occuperons ici que des eaux non expressément désignées comme venant de sources chaudes, en renvoyant celles-ci et leurs applications à un autre volume qui traitera des activités des hommes.
108Je parlais à l’instant d’aliment, mais l’eau froide, telle quelle, est plus que cela : un régulateur de l’organisme. « Elle tonifie l’âme », écrit Ibn al-Faqīh318, « fortifie le corps des hommes et des animaux, parce qu’elle leur est semblable et conforme. Une de ses vertus est qu’aucune autre boisson, qu’elle soit délicate, pure, savoureuse, douce, ne la remplace ni n’en dispense ; au contraire, elle s’améliore si on la mouille d’eau froide et s’adoucit par son mélange avec elle, si bien qu’elle se répand dans les veines grâce à la subtilité de l’eau froide et se glisse dans les articulations grâce à sa délicatesse, en y ajoutant sa propriété d’étancher la soif et d’éteindre l’ardeur du feu des viscères. »
109L’eau pure est donc, par elle-même, porteuse de principes qu’elle peut, une fois mêlée à certaines boissons, leur communiquer. Mais, d’autres fois, le mélange, à son tour, peut lui donner un supplément de vertu, la rendre, de régulatrice, curative, comme il advient par l’adjonction de miel319. Mas‛ūdī entre davantage dans les détails320 : « Les anciens considéraient l’eau douce comme nutritive et favorable à l’expulsion des mucosités, quand elle est chauffée ; ils reconnaissent que l’usage interne et externe de l’eau chaude, dans des proportions modérées, nettoie le corps, mais que l’abus énerve et affaiblit les organes ; que l’eau froide donne de la vigueur et désaltère, mais que, prise à trop fortes doses, elle engourdit et rend apathique. Toujours d’après l’opinion des anciens, l’eau saumâtre doit être employée dans les obstructions du foie et de la rate ; l’eau sulfureuse dans les blessures, les plaies anciennes et les démangeaisons, l’eau boratée dans les démangeaisons et la gale, l’eau bitumineuse pour les douleurs de reins et les maladies de nerfs ; l’eau ferrugineuse adoucit les entrailles et l’intérieur des viscères ; l’eau cuprique corrige l’humidité et les pesanteurs du corps et de la tête ; l’eau gypseuse crispe l’estomac, le resserre et le contracte ; l’eau vitriolique est hémostatique ; l’eau marine sert dans le traitement de la lèpre tuberculeuse ; selon quelques-uns, prise en petites doses avec de l’huile d’amandes, elle corrige les tumeurs malignes ; on dit aussi qu’elle affaiblit considérablement la vue ; on ajoute que l’eau la plus salutaire est celle, blanchâtre et brillante, qui sort des montagnes argileuses et se dirige de l’est vers l’ouest, parce qu’elle est plus promptement impressionnée par la chaleur et le refroidissement de l’atmosphère. »
110Mas‛ūdī conclut toutefois par ces mots : « La nomenclature des eaux et l’analyse de leur propriétés utiles ou nuisibles ont donné lieu à de longues discussions qui ne peuvent trouver place dans mon livre, et ce n’est qu’incidemment que je me suis laissé aller à parler d’une semblable question. » Revenons donc à nos géographes voyageurs et, loin des préoccupations encyclopédistes — et même savantes puisque l’encyclopédie de Mas‛ūdī se refuse presque à elles —, testons, avec Muqaddasī, l’eau trouvée sur notre chemin. Elle est curative, nous dit-on ici, sans plus de précision321, là, elle vous débarrasse des sangsues que vous pouvez avoir dans la gorge322. Ailleurs, au contraire, boire, c’est la mort, on l’a vu, ou, à tout le moins, force désagréments, parfois graves, principalement pour les étrangers dont l’organisme, au vrai, n’est pas mithridatisé ; je relève la dysenterie, la constipation, les lourdeurs de ventre, les tumeurs, la perte des doigts de pied323. Ailleurs encore, comme il est bien connu que l’eau influe sur le caractère, la moralité et l’intelligence des hommes, elle peut susciter les luttes partisanes, la fornication, la sodomie324 ou, au contraire, l’habileté manuelle, l’intelligence et, pour tout dire, le bien en général, à tel point qu’une source intermittente refuse de couler si vient y boire un assassin325.
111Rien de tout cela, il faut y insister, n’est systématique. L’eau potable a une autre fonction : d’être, justement, potable et, par là, régulatrice ordinaire du corps. Quand elle quitte ce domaine du quotidien, soit pour déséquilibrer l’organisme, soit pour rétablir son équilibre compromis, quand donc elle devient néfaste, ou, à l’inverse, résolument curative, elle se rapproche de l’autre eau, naturellement ou artificiellement chaude, dont on a évoqué plus haut le caractère étrange326. La mer Morte, par exemple, est dite préserver, par lavement, de bien des maladies. Mais s’agit-il d’une eau ordinaire ? Elle est, au contraire, très salée, fétide, si lourde qu’on a peine à s’y enfoncer, et ces infirmes et malades qui viennent à elle rappellent tout à fait ceux qui, plus au nord, hantent les sources thermales de Tibériade327. Autre trait à souligner : les rares exemples, cités plus haut, des effets inattendus de certaines eaux sont toujours présentés, de fait, comme des curiosités et rangés à ce titre, dans la description, au nombre des singularités d’un pays, des mirabilia d’une province328. Tout converge finalement, depuis la digression de l’encyclopédiste jusqu’à l’étonnement marqué par le voyageur devant une eau aberrante, pour faire, d’une eau potable qui ne se confine pas à son rôle quotidien, une exception.
Principes d’une carte
112Il faudrait maintenant, en bonne science, établir la carte de toutes ces eaux. Mais quelle carte ? Tantôt nous retrouvons celle qui n’a jamais changé — ou très peu — depuis que l’homme est apparu sur la terre, quitte à remplacer, de-ci de-là, quelques noms, celui d’Oxus ou d’AmuDarya, par exemple, en Ǧayḥūn ; tantôt le canevas disparaît derrière celui qui nous est proposé par nos géographes. Qu’en est-il de la réalité, de l’ampleur et de la fréquence de ces oscillations ? Le moment est venu, pour le savoir, d’une promenade le long des rivières de l’Islam.
113Mais d’abord, nous dresserions la carte des vides. Car ce qui s’impose en premier, ce sont les pays sans eau, ou du moins, dirais-je, sans un certain volume d’eau. Il n’y a, en Arabie, ni rivière ni lac, le nord-est de l’Islam ne connaît, en fait de fleuves navigables, que l’Amu-Darya et le Sir-Darya, le Kirmān n’a pas de grosse rivière... On peut, à travers ce genre de phrase, isoler sur la carte ces taches claires où l’eau, au mieux, serait celle qui dort, enfouie, dans la terre : déserts et steppes d’Arabie et du Croissant Fertile, de l’Iran et de ses marges, d’Asie Centrale329.
114La notation, prise au carnet ou au souvenir de voyage, est, on le voit, fort pertinente ; infiniment plus, en tout cas, que la théorie pure, celle des Iẖwān aṣ-Ṣafā’, déjà évoquée, laquelle, après nous avoir annoncé deux cent quarante cours d’eau pour l’ensemble des terres habitées, donne ensuite leur nombre climat pour climat, selon la tradition ptoléméenne, pour arriver à un total de cent soixante-dix-huit seulement330. Mais passe encore. Où seraient donc les rivières les plus nombreuses ? Au nord, répondent les Iẖwān : le septième climat, le plus septentrional et donc le plus humide, compterait quarante cours d’eau, chiffre que le sixième, immédiatement inférieur en latitude, abaisse à trente-deux, ce qui traduit peut-être sa participation aux grandes zones steppiques d’Asie Centrale. Soit. Mais à l’autre bout, le premier climat, sub-équatorial, avec ses trente cours d’eau, n’apparaît guère comme étant celui des déserts d’Arabie du Sud, et le troisième, qui recouvre toute l’Arabie du Nord et les immenses solitudes de Perse, aligne encore vingt-deux fleuves ou rivières. Arrêtons là cet examen de statistiques rudimentaires : le tableau présenté par les Iẖwān vise moins à livrer, telles quelles, des données chiffrées, qu’à montrer, au delà du nombre des cours d’eau, mais aussi des montagnes et des villes, l’excellence des pays centraux de l’œcoumène, et d’abord de celui de Babylone, dont l’Irak est l’héritier : je m’en suis expliqué ailleurs331, et n’y reviens pas.
115Mais revenons, pour le coup, à nos géographes de terrain, Ibn ῌawqal et Muqaddasī en tête. Où se situent, pour eux, les grandes eaux, les eaux vives et pérennes, de l’Islam ? Sans doute en trouvent-ils de part en part de ce vaste monde, et ce jusqu’à l’Occident le plus lointain, celui de l’Espagne. Pourtant, ici comme sur tant d’autres points, la géographie arabe est, pour l’époque qui nous intéresse, une géographie d’Orientaux. C’est à partir de l’Égypte, et en allant vers l’est, que commencent la véritable investigation des fleuves, leur description, leur comparaison. Sans parler des témoignages accumulés dans les textes, une preuve : dans le tableau des vingt-sept grands cours d’eau de l’Islam que Muqaddasī dresse en tête de son ouvrage332, je n’en relève pas un seul qui soit tributaire de l’Occident. Celui-ci n’interviendra donc, comme on nous le dit, avec ses rivières réputées « modestes », « provinciales », qu’à l’occasion de la description particulière des pays d’Islam, non pas au niveau de la présentation globale de ce monde333. Même attitude chez un encyclopédiste comme Mas‛ūdī334, un représentant de la géographie de l’adab, tel Ibn al-Faqīh335, ou de la peinture d’ensemble du globe terrestre, de la ṣūrat al-arḍ : les ῌudūd al-‛ālam, pour ne parler que d’eux336, ne connaissent, en tout et pour tout, qu’un seul fleuve de l’Islam d’Occident, le Tage, sur les dizaines de rivières recensées et nommées, et l’Afrique du Nord est, elle, expédiée en quelques lignes, comme un pays aux cours d’eau médiocres, à peine suffisants pour abreuver les hommes et irriguer les champs.
116Quels sont donc ces cours d’eau « renommés », seuls représentés, en bleu, sur la carte de Muqaddasī337 ? Des rivières importantes, c’est clair, et notre homme de fustiger l’un de ses prédécesseurs, Ǧayḥānī, qui, pour avoir voulu, là comme ailleurs, tout noter, a démesurément allongé son livre et manqué l’essentiel. Au-dessus de tous les autres, donc, douze fleuves célèbres, tous navigables : Nil, Euphrate, Tigre, Ǧayḥūn (Oxus, Amu-Darya), fleuve d’aš-Šāš (Iaxarte, Sayḥūn, Sir-Darya), Mihrān (Indus), fleuves d’al-Ahwāz (Duğayl, Kārūn), d’ar-Rass (Araxes, Aras, en Arménie et Ᾱḏarbayğān), d’al-Malik (Samūr, tributaire de la Caspienne entre Derbend et Bakou), enfin les trois fleuves de la région de Tarse, en allant d’ouest en est : Baradān (Cydnos), Sayḥān (Saros) et Ǧayḥān (Pyramos).
117« Au-dessous », quinze autres rivières, évidemment de moindre importance, mais citées tout de même ici, dans ce panorama général de l’hydrographie des pays musulmans : celles de Merv (Murġāb), de Herāt (Harī-Rūd), du Siğistān (Hīlmand), de Balẖ (Dahās), de Sog-diane (Zarafšān), d’al-‛Abbās (qui semble bien n’être qu’un bras du Tigre à son embouchure)338, d’Arragān (Tāb) et de Samandar (probablement l’actuel Sulak)339, le Šīrīn (dans la partie nord-ouest du Fārs), le Ṭayfūrī (ou Ǧurğān, aujourd’hui Rūḏ-e Gorgān, à l’angle sud-est de la Caspienne)340, le Zende-Rūḏ, le Baradä, le Jourdain, le Maqlūb (Oronte supérieur) et le fleuve d’Antioche (Oronte inférieur)341.
118On aura beau jeu, certes, de souligner les insuffisances ou les arrière-pensées du tableau. Le Tigre intervient deux fois, sous la forme de son cours principal et d’un bras, l’Oronte également, selon qu’on le considère comme coulant « à l’envers » ou dans le bon sens, après le coude qu’il fait un peu en amont d’Antioche342. Le couple Sayḥān-Ǧayḥān, plutôt torrents à la vérité343, n’est là, à la place d’honneur, qu’en vertu de son rapprochement avec l’autre, Sayḥūn-Ǧayḥūn : souvenir de la tradition paradisiaque évoquée plus haut. A leur tour, Sayḥān et Ǧayḥān semblent former dans les esprits, comme fleuves de la région de Tarse344, une triade très homogène avec leur voisin, le Baradān, dès lors hissé dans la même catégorie, à moins qu’il ne soit là que pour répondre à son quasi-homonyme, le Baradā, rivière de Damas, célèbre, mais dont la modestie, justement, est trop connue pour qu’on l’élève au niveau des plus grands. Autres incertitudes : dans la description, très générale, que Muqaddasī fait ensuite345 de tous ces cours d’eau, celui d’al-Ahwāz est remplacé par « les rivières » de la même ville, expression qui renvoie à l’ensemble du réseau hydrographique, très complexe, du ẖūzistān (Susiane) ; au Šīrīn, de même, sont substituées « les rivières du Fārs » ; à côté de l’Araxes et du Malik, voici le Kurr, comme eux tributaire de la Caspienne occidentale ; la rivière d’Arrağān se dédouble et fait apparaître le Ṭāb, qui ne serait pas autre chose que son cours inférieur346 ; les rivières de Samandar, d’al-‛Abbās et de Sogdiane, enfin, s’évanouissent, cependant que surgit celle d’ar-Rayy347.
119Pourtant, au delà de ces flottements, des précisions importantes se dégagent : d’abord, comme on l’a dit, le caractère résolument oriental du tableau. Sur les vingt-sept cours d’eau, un revient à l’Égypte, trois à l’Irak, trois aux régions septentrionales du monde musulman (Arménie, Caucase, rivages occidentaux de la Caspienne), huit à la Syrie-Palestine348, et le reste, treize, à l’Iran et aux pays de l’extrême-orient de l’Islam ; au delà de l’Égypte, vers l’ouest, c’est le silence. Autre indication : les critères servant à désigner les douze plus grands fleuves sont la célébrité et un débit suffisant pour porter les embarcations. Sur ce dernier point, on relèvera que, dans cet ensemble territorial imposant que constitue le monde musulman, il y a finalement peu de cours d’eau navigables : indice, comme on le disait en commençant ce chapitre, d’une batellerie très localisée, et ce, même si l’on suit Muqaddasī jusqu’au bout, si l’on ne tient pas compte, par exemple, de ce que le Baradān, le Sayḥān, le Ǧayḥān, le Samūr et l’Araxes ne peuvent être utilisés, au mieux, que sur des parties, parfois infimes, de leur cours349. Quant aux quinze autres rivières, présentées, sans plus, comme « au-dessous » des précédentes, on peut s’interroger à bon droit sur leurs possibilités en ce domaine350 ; il ne leur reste que leur renommée, sans doute inférieure à celle des autres, assez forte cependant pour les faire considérer comme cours d’eau à l’échelle du monde musulman, et non à celui, infiniment plus humble, de telle ou telle de ses provinces.
La carte : un Occident précaire
120Le monde, globalement conçu, ne connaît pas ou guère, on l’a dit, de rivières à l’occident de l’Islam. A considérer la ṣūrat al-arḍ, représentée par les ῌudūd al-‛ālam ou les pages d’introduction générale d’un Muqaddasī, on imaginerait l’Espagne et le Maġrib comme des pays peu pourvus ou dépourvus d’eau. Celle-ci ne réapparaît qu’à l’occasion de la description ponctuelle, par places. Une exception toutefois : Rāzī, oriental d’origine, mais installé en Espagne351, et dont la géographie ne pouvait faire moins que s’intéresser de plus près, ici comme pour les montagnes, à son pays d’adoption.
121Sans lui, que saurions-nous des cours d’eau espagnols ? Le Tage, « grand fleuve » qui arrose Tolède et Talavera, mais un Tage parfois à l’envers du nôtre, puisque, venu du nord-ouest, il se jette, pour Mas‛ūdī, dans la Méditerranée, Ibn ῌawqal lui rend son bon sens, mais en fait le tributaire du fleuve qui se jette dans l’Océan à Cintra : confusion avec un de ses affluents en cette région, Zezere ou Sorraia352. D’autres fois, la rivière n’apparaît que de façon anonyme, fondue dans le paysage353, ou encore par le biais d’une ville, laquelle, au mieux, lui donne son nom à elle : Cordoue pour le Guadalquivir, Merida pour le Guadiana354. Ya‛qūbī précise, à l’occasion, mais pas toujours à bon escient : si Saragosse et Tortose sont correctement placées sur l’Èbre (Abruh), Tolède se déplace ici du Tage au Duero (Duwayr)355.
122Rāzī, seul, se propose d’aller plus loin356. Il cite, du côté de la Méditerranée, l’Èbre, avec son affluent, le Gallego (Ǧillīq) et le Segura (Šaqūra) ou fleuve de Tudmīr, c’est-à-dire de la région de Murcie357. Pour l’Océan apparaissent le Miño (Mīniyuh), le Duero (Duwayruh), le Tage (Tāğuh) et son profond estuaire entre Lisbonne et Almada, le Guadiana (Wādī Ᾱna), souterrain sur une partie de son cours, enfin le « fleuve de Cordoue » et ses affluents : Genil (Sinğīl), Guadajoz (Wādī Šuš), Guadalimar (al-Wādī al-Aḥmar), Guadalbullon (Bullūn)358. Au total, donc, un tableau convenable des principaux cours d’eau espagnols, mais un tableau, redisons-le, isolé au milieu de tant d’autres textes où ce seraient, pour le coup, les fleuves et rivières qui figureraient les épaves sur le champ uniforme d’un grand pays sommairement connu.
123Pire encore pour la Sicile, qu’Ibn ῌawqal, au moins lui, semble bien connaître. De toute l’īle, pratiquement résumée en sa capitale, deux cours d’eau seulement sont cités, le Wādī ‛Abbās, assez large et rapide pour animer des moulins, et le Rūṭa. En vérité, il paraît bien s’agir là de simples ruisseaux, pris parmi tous les autres qui composent le paysage palermitain, tous anonymes ou connus seulement par leur source359. Quant au reste, la Sicile est une sous-Espagne : deux villes seulement, chez Muqaddasī, accèdent à l’honneur de disposer d’une rivière, l’une à l’ouest et l’autre à l’est : Trapani et Lentini360.
124Le Maġrib, grâce à Ibn ῌawqal, est mieux partagé. Certes, ici encore, la rivière est souvent anonyme, pièce, sans plus, d’un paysage fertile, autour d’une ville notamment361. Mais avec cette ville, parfois, elle partage un nom, et parfois même a le sien propre. Du Maroc à la Tunisie, voici donc, dans l’ordre : le Zīz, fleuve de Siğilmāsa, sur les confins nord-sahariens de l’Atlas et qui aurait des crues comme le Nil362, puis la rivière de Salé, notre Bou-Regreg, dont l’embouchure n’est pas toujours distinguée de celle du Sebou, lequel, riche de maints affluents, l’Īnāwan (Inaouene) notamment, pourrait être à son tour confondu avec l’un d’entre eux, la célèbre « rivière de Fès », « l’une des plus grandes du monde », au niveau toujours constant, support de trois mille moulins, de cultures, de domaines et de villages363. Plus au nord, le Wādī Safdad (ou Tušummus), le Loukkos, formé par la réunion de deux rivières et d’un débit suffisant pour porter des bateaux qui, l’Océan une fois atteint, poursuivent leur route vers le détroit de Gibraltar et la Méditerranée364. Vient ensuite la Moulouya (Malwiyya), qui reçoit le Wādī Masūn et conflue elle-même avec le Wādī Ṣā‛ (Za), avant de se jeter dans la mer près de Melilla365. Simple mention de la Tafna366, du Wādī ṣ-Ṣafāṣif, la « rivière des Saules », aujourd’hui l’oued Aïn Fekane, à l’ouest-sud-ouest de Mascara367, et voici le Chélif (Šalif), singulièrement plus important, car son eau nourrit de vastes surfaces de jardins, vergers et vignobles : n’a-t-il pas lui aussi des crues comme le Nil368 ? Plus à l’est, une rivière « qui roule une eau salée », d’où son nom d’al-Wādī al-Māliḥ : probablement un des tributaires du Chott el-Hodna369 ; le Wādī Sahar (Ksob), à Msila, peu profond, mais abondant, large et support de nombreuses cultures, vignes notamment370 ; le Wādī Qarna, qui donne son nom à une ville, nous dit Muqaddasī, dans la partie nord-ouest de la Tunisie : peut-être le Mellegue, la Medjerda ou l’un de leurs affluents371 ; enfin, au sud de Cairouan, le Wādī Sarāwīl, dont l’eau prend au sol son goût de sel : le Zeroud372 ? Au delà, vers l’Égypte, c’est le silence ; les wādī qui apparaissent ne sont plus que des lieux-dits ; sait-on même si l’eau y coula jamais ? Dans nos textes, en tout cas, ces vallées sont une forme de la terre, du relief, et rien d’autre : un lit de rivière peut-être, mais d’une rivière absente, où l’eau, parfois, a laissé place au sable, réel ou mythique373.
125Rien que de naturel, à vrai dire, dans ce silence. Après Gabès, dernière ville où le wādī est aussi rivière374, la seule eau connue, en cette vaste zone aride qui va de Tripolitaine à l’Égypte, semble être celle de la pluie, aussitôt captée dans des citernes, ou retrouvée dans les puits375. Mais pour le reste du Maġrib, infiniment plus béni du ciel, peut-on, sans exagération, parler d’un tableau véritable des eaux vives ? Ibn ῌawqal et Ya‛qūbī, les moins mal informés de ce réseau hydrographique, ne sont pourtant ni prolixes, ni même complets, tant s’en faut ; Muqaddasī livre un nom, un seul : encore est-il bien énigmatique ; et quant aux autres auteurs, le silence où ils enferment le Maġrib des rivières vaut celui qui s’abat sur les aridités libyennes.
126Nous ne sommes plus surpris de cette mal-connaissance de l’Occident musulman par une géographie d’Orientaux. Ce dont il faudrait finalement s’étonner, à la vérité, ce serait que ce bloc de silence ou, au mieux, d’incertitudes, soit entamé par deux écrivains, Ya‛qūbī et surtout Ibn ῌawqal, celui-là même qui affirme que le Maġrib, par rapport au reste du monde de l’Islam, est comme « la manche du vêtement »376. Pour Ya‛qūbī, il s’agirait presque d’une affaire de famille : ce pays auquel il s’intéresse est celui, notamment, de la dynastie idrï-side de Fès, dont le fondateur dut son salut au propre trisaïeul de l’auteur377. Quant à Ibn ῌawqal, on notera que les rivières dont il nous parle n’apparaissent guère que dans le cadre d’itinéraires378, comme points de repère ou haltes sur des routes détaillées avec soin. Mais des routes pour qui ? Pour des commerçants, certes, et l’on connaît ce genre de préoccupations qui font regarder, après Siğilmāsa, sur Awdaġost et l’Afrique de l’or. Mais le Maġrib, c’est aussi — à cause de cet or, notamment — le champ clos de la rivalité entre Umayyades d’Espagne et Fātimides du Caire. Ces itinéraires, ces indications des points d’eau, tout autant que les richesses des pays visités ou l’organisation des tribus berbères, appartiennent à une géographie pro-Fāṭimide dont Ibn ῌawqal est un des meilleurs représentants379. Est-ce un hasard si les cours d’eau, en tant que marques d’itinéraires, sont mieux notés en Algérie et surtout au Maroc, le pays qui fait face à l’Espagne umayyade et tient quelques-unes des principales clés des routes transsahariennes de l’or ? Bien mieux notés, à coup sûr, qu’en cette Tunisie qui relève déjà, sous les Zīrides, de la mouvance fāṭimide. Le Maġrib, disions-nous, est mal connu. Aux deux sens du terme : résolument méconnu de certains et, chez les autres, connu à travers le prisme souvent déformant d’une géographie pour laquelle les rivières, comme le reste, risquent fort de n’être que les pièces d’une stratégie de pouvoir.
L’Égypte et son Nil
127Finies les incertitudes maghrébines. Avec l’Égypte, c’est un vieux pays connu qui entre en scène. Et comme il est bien connu, justement, trop connu même, nos géographes380 vont mettre leur point d’honneur à compléter, à corriger par leur témoignage personnel les données qui, par ailleurs, forment la trame classique de toute description de l’Égypte381.
128Et d’abord, on l’a dit plus haut, l’équation entre pays et fleuve, l’imbrication de la terre et de l’eau, la présence du Nil dans tous les signes de richesse ; son statut particulier, dont témoignent son nom, le même que celui de la mer (baḥr), son cours, qui prend à contresens, du sud vers le nord, la pente naturelle du globe, ses origines enfin, puisqu’il coule de miel en Paradis. Seigneur de l’Égypte, le fleuve fait de ce vieux sol « une terre d’or ». Il en est, pour tout dire, une des merveilles.
129Merveille à plusieurs facettes, du reste. Son histoire d’abord, qui se lit en clair par une coutume et des vestiges. La coutume, supprimée par l’Islam, est celle de la fiancée du Nil, de la vierge jetée au fleuve pour appeler la bénédiction d’une crue abondante382. Quant aux vestiges, ils sont ceux d’un double rempart courant de part et d’autre du Nil et appelé mur de la Vieille (ḥā’iṭ al-‛Ağūz) : petits postes d’observation des vallées affluentes, dont la tradition a fait les ruines d’une défense ouvragée et continue, contre les peuples du midi ou contre les monstres venus du Nil et autres fauves383.
130Autres merveilles : les animaux. Passe encore que le Nil apparaisse comme un des fleuves les plus poissonneux de la terre. Mais il abrite certaines bêtes qui ne vivent que là, dans son eau ou sur ses rives. Signalons-les, avant d’y revenir plus loin, à propos du bestiaire : le silure électrique, l’hippopotame et surtout le crocodile, qui semble décidément nilotique par excellence. Non qu’on en ignore l’existence ailleurs, sur les côtes de l’Inde ou de l’Afrique orientale par exemple. Mais c’est surtout ici, en Égypte, qu’il semble vraiment se plaire et pulluler, ici, surtout, qu’il cohabite avec l’oiseau qui lui nettoie les dents et l’avertit du danger proche. Enfin, le crocodile serait, s’il en était besoin, une preuve supplémentaire de la communication, déjà signalée, entre le Nil et l’Indus, puisque aussi bien tous ceux qu’on voit dans le premier viendraient en réalité de son homologue d’Orient384.
131La crue, enfin. Nul doute qu’il s’agit là d’un phénomène extraordinaire, salué et noté comme tel, mieux : servant de référence à d’autres fleuves, Indus, Zīz, Chélif, on l’a dit, ou encore Sir-Darya385. Là encore, l’équation entre Égypte et Nil est quasi parfaite, puisque, nous dit-on, le Fayyūm est le seul pays où l’eau coule sans qu’on ait besoin de la crue386. L’époque des hautes eaux est évidemment bien connue : « depuis le moment où la chaleur devient envahissante jusqu’à l’automne », dit Ibn ῌawqal, qui précise ailleurs, comme Mas‛ūdī ou Muqaddasī, avec l’aide du vieux calendrier copte387 : l’eau commence à monter en juin (ba’ūneh), quand le soleil se trouve dans les constellations des Gémeaux et du Cancer, puis elle s’enfle aux deux mois suivants (abīb et surtout misrä), parfois même jusqu’à la fin de septembre (tūt). Pour la fête de la Croix, au quatorzième de ce mois, « quand le raisin a fini de s’adoucir », on ouvre de toutes parts les écluses à l’eau bienfaisante, après avoir fermé les bouches de certains canaux pour éviter qu’elle ne s’enfuie par là. Le huit bābeh (octobre), l’étoile du matin se levant dans la constellation des Poissons, on peut considérer que l’irrigation est achevée : les eaux, bientôt, vont se retirer.
132L’Islam recueille ici un des plus vieux héritages du monde. Son attention au fleuve, coulée dans les langages immémoriaux du terroir, lui fait évaluer la quantité de la crue et, par elle, la qualité des lendemains promis : vieille crainte égyptienne des foucades du Nil, voire de son tarissement388. Points fixes du panorama de la crue : les nilomètres, et d’abord celui du Caire, « un bassin avec, au milieu, une haute colonne graduée en coudées et en doigts »389. Que nous disent ces mesures ? Elles corrigent, d’abord, les estimations grossières dont nos auteurs se font l’écho : ici, on nous dit que la crue s’étale, de part et d’autre du fleuve, sur deux parasanges, soit un peu moins de douze kilomètres, mais où, à quel niveau390 ? Ailleurs, le Nil en crue, assure-t-on, roulerait plus d’eau que le Tigre et l’Euphrate réunis, mais moins que le Sir-Darya391. Aucun doute : il faut préciser ces approximations. Les nilomètres sont là pour ça, et toutes les estimations, en l’occurrence, concordent : l’étiage se situant à trois coudées, le bon chiffre est celui de seize ou dix-sept, qui fait pousser le cri de « bonne année ». Au-dessus, prospérité et aisance, mais point trop n’en faut : à dix-huit coudées, l’inondation devient à peine supportable, des villages sont détruits et l’épidémie frappe toujours au moment de la décrue. On devine qu’au delà, cas heureusement fort rare, c’est la catastrophe. Mais moins, toutefois, à tout prendre, que lorsque le Nil se fait avare : les rogations commencent aux treizième ou quatorzième coudées, dites les Néfastes, Munkar et Nakīr, du nom des deux anges qui tourmentent les réprouvés après la mort ; le minimum, en tout état de cause, est fixé à douze coudées, en dessous de quoi le préposé au nilomètre du Caire ne fait aucune annonce publique, réservant ses informations au gouvernement392.
133Au reste le paysan n’est-il pas seul à attendre les nouvelles du Nil. Le fisc, comme son double, est aux aguets, ses barêmes suivant fidèlement la mesure de la crue. En aucun pays du monde, nous dit-on, l’impôt n’est fixé et perçu de la sorte, puisque aussi bien la fertilité, ici, est directement fonction non de la pluie, inexistante ou presque, mais de l’eau du Nil393. Ibn ῌawqal, le plus complet de nos auteurs sur ce point394, égrène le calendrier fiscal, qui s’enchevêtre, de mois en mois, avec celui des travaux de la terre, faisant aller ensemble le temps, l’eau, les plantes et la sueur des hommes. De cet écheveau toujours recommencé, de cet inventaire patient, minutieux, qui intéresse au plus haut point l’histoire agraire de l’Égypte et du Proche-Orient médiévaux395, retenons le fait majeur : la crue, toujours elle, promesse, indifférence ou refus au fellah, mais toujours, pour le fisc qui surveille l’extension et la hauteur des eaux, indice et mesure irrécusables de la richesse de la terre noyée.
134L’écrivain, à l’affût du sol et du fleuve d’Égypte, est plus à l’aise, plus sūr de lui pour décrire leur dialogue que pour l’expliquer au moment de la crue. Celle-ci est d’autant plus étrange que son phénomène s’accompagne du contraste frappant entre un Nil gonflé, souverain, et une Égypte où la pluie, on l’a dit, est rarissime. Il faut donc que l’eau du ciel tombe en amont, loin, très loin, dans ces régions méridionales du globe où notre été fait place à l’hiver : ainsi pense Mas‛ūdī. D’autres parlent, plus correctement, pour l’amont du Nil, de pluies estivales, ou s’en tiennent aux sources situées sur les rives mêmes du fleuve en son cours supérieur, ou encore invoquent le principe d’équilibre général entre le Nil et les autres eaux douces de la terre, ou l’influence de la lune sur cette mer (baḥr) : une marée annuelle, en somme. Uswānī ne sait plus très bien si la crue, produite « par des pluies auxquelles s’ajoute le grossissement des fleuves eux-mêmes », varie, ici et là, d’époque et d’intensité, ou si elle a lieu également et en même temps dans toutes les régions396.
135Parfois, le vent s’en mêle. Rien d’étonnant sans doute à ce que, soufflant de l’est, il soulève les eaux en grosses vagues pendant la crue ; que, du nord, il les fasse refluer devant la mer ou, du sud, les porte dans leur course même, à moins que, dans ce dernier cas, ce ne soit le Nil, à l’inverse, qui, par sa direction et les vapeurs qu’il suscite, aide à la création des vents venus du midi. Mais l’air, soufflant du nord en l’espèce, peut aussi à lui seul expliquer la crue, par l’obstacle qu’il oppose à l’écoulement du fleuve, lequel se gonflerait devant ce barrage invisible et pourtant réel397. A la limite, il se peut que ces jeux de l’air, de la terre et de l’eau soient dus à des « causes dont Dieu s’est réservé le secret et qu’il n’a révélées à aucune de ses créatures, sachant ce qui convient à la prospérité des peuples et au bonheur des hommes »398. Pareillement pour le temps, dont nous avons perdu le souvenir et que Dieu seul connaît en sa plénitude : les Égyptiens d’aujourd’hui, nous dit Mas‛ūdī, sont privés de cette mémoire collective qui leur dirait la conquête du fleuve et du sol par leurs ancêtres, depuis ces temps reculés où l’inondation commençait à la première cataracte ; alors, le travail des générations successives, les ponts, les barrages et des canaux bien entretenus avaient créé l’équilibre parfait entre la terre et le Nil : à neuf coudées, déjà, la crue emplissait certains canaux, à seize, tout le pays regorgeait d’eau399.
136Le présent, le présent seul connu, c’est le paysage, que la crue, régulièrement, reconduit pour un an tout en le transformant pendant quelques semaines. Entre les monuments de la vieille Égypte, temples, obélisques et pyramides, de ville en ville, le Nil nourrit sa campagne paisible : canaux, roues à auges, écluses, hameaux, domaines, plantes et bêtes enfin. Je retiens, entre autres, les palmeraies, à profusion, les vergers et potagers, les champs de céréales, de riz, de lin, de canne à sucre, les vignes, les roseaux, les bananiers, oliviers et poivriers, les acacias, les sycomores et les balsamiers400 ; les chevaux, les troupeaux, ânes, bœufs, mulets, chameaux et moutons, les canards, les porcs même401. Tout cela noyé au moment de la crue, quand les chaussées disparaissent sous l’eau, que la barque devient le moyen de locomotion obligé, que les villages se transforment en autant d’« étoiles sur les collines » devenues îles402.
137Alors, c’est l’enchantement des couleurs et des parfums. Premier signe : le Nil se fait vert, rouge, puis se trouble et s’enfle. Grâce à lui, les quatre saisons vont devenir quatre couleurs, l’argent de la nappe étale, éblouissante de soleil, puis le noir du musc, lorsque les eaux se retirent, laissant la terre à nu, l’aigue-marine des semences qui lèvent, enfin l’or des moissons403. Mais cette brève évocation, prise au Tanbīh, ne suffit pas, et les Prairies renchérissent, retrouvent les mois coptes et les transfigurent, les font sonner, à l’image de notre vieux calendrier révolutionnaire, comme autant de parures du monde404 : « Un sage, décrivant l’Égypte, a dit qu’elle était, de trois mois en trois mois, une perle blanche, du musc noir, une émeraude verte et un lingot d’or rouge. La perle blanche, c’est le pays aux mois d’abīb, misrä et tūt, à savoir juillet, août et septembre405. Alors, enfouie sous l’eau, la nature apparaît toute blanche, les fermes, sur les tertres et les collines, sont comme des étoiles, pressées de tous côtés par l’eau, et, d’un canton à l’autre, il n’est de chemin qu’en barque. Le musc noir est l’époque des mois de bābeh, hātūr et kayhak, soit octobre, novembre et décembre406 : délivrée de l’eau qui s’en est allée, la terre, prête aux semences, est devenue un sol noir, fleurant des senteurs agréables qui rappellent le musc. L’émeraude verte, c’est ṭūbeh, imšīr et barmahāt, janvier, février et mars407 : l’Égypte flamboie sous la profusion des herbes et des plantes, la nature prend la teinte de l’émeraude. Le lingot rouge, c’est barmūdeh, bašans, et ba’ūneh, avril, mai et juin408 : les moissons blanchissent et les herbes deviennent roses, d’où naissent cet aspect, et le profit aussi, du lingot d’or. »
138Ici culmine la vision des épousailles du fleuve et de la terre. Le Nil, cependant, ne s’y épuise pas ; seigneur et maître de l’Égypte, il y passe, la fertilise, mais se suffit à lui-même : c’est elle qui se modèle à son contact, et non l’inverse. La description du Nil, en tout état de cause, fait aussi une large part au fleuve seul. Sur ses origines, dont on a traité ailleurs409, on ne reviendra pas : seul le Nil musulman nous intéresse à présent. Il commence, très précisément, à Assouan, la frontière des deux mondes égyptien et nubien, matérialisée par le site. Là, dans la région de l’île de Philae (Bilāq)410, finit la batellerie égyptienne, qui bute sur les premières cataractes (ğanādil), formidable brèche découpée dans la montagne, mais une brèche grossière, où l’eau n’aurait pas achevé son travail, laissant en place, au milieu du fleuve, ces énormes rochers qui obligent aux ruptures de charge411. Deux autres défilés, en deçà, créent moins de difficultés ; le premier, appelé al-ῌanas, se situe entre Assouan et Edfou : vraisemblablement le passage du Ǧabal Silsila412 ; le second, en aval, entre Isnä (Esna) et Armant, peut-être au niveau de Guebelein (al-Ǧabalayn) d’aujourd’hui413. Après quoi, une très vague indication de la grande boucle décrite par le fleuve entre Louxor et Nagi Hammadi414, et c’est tout jusqu’au niveau du Fayyūm.
139Là se situent l’écluse et le canal d’al-Lāhūn (Illahūn), qui remonteraient à Joseph415. Soit dit en passant, nos auteurs entretiennent la confusion : à les lire, nul ne se douterait que le canal en question, al-Manhä, de nos jours Bahr Yūsuf, se greffe sur le Nil non pas à ce niveau, mais à quelque deux cents kilomètres en amont, près de Dayrūṭ 416. L’histoire de l’irrigation du Fayyūm paraît, en tout cas, se jouer en deux temps. Au départ, les habitants se plaignent à Joseph d’être coupés du fleuve. Alors, pour permettre la dérivation du Manhä, il relève le niveau du Nil par un barrage assorti, à sa base, d’un système de vannes évidemment destiné à régler l’écoulement du fleuve en fonction, tout à la fois, de son propre volume et de la nécessité d’un approvisionnement constant et égal du Manhä. Accessoirement, Joseph fournit aux riverains une occasion de réjouissance : quand, au moment de la crue, le débit est si fort que les eaux passent tout de même au-dessus du barrage, ils jouent, parfois dangereusement, à dévaler la cascade en barque417. Il semble pourtant que ces premiers travaux n’aient pas suffi. Car, au dire de Mas‛ūdī418, le Manhä ne poussant ses eaux jusqu’au Fayyūm que lorsque le Nil en crue le nourrit suffisamment, Joseph décide alors419 d’édifier, à al-Lāhūn, l’ensemble de vannes et d’écluses en gradins dont l’auteur des Prairies, après Strabon, évoque les merveilles, et aussi la pérennité.
140Ainsi les hommes ont-ils retourné contre la nature sa parcimonie première : grâce au contrôle de la distribution des eaux par l’écluse, le Fayyūm est devenu le seul pays d’Égypte, on l’a dit, assuré de recevoir, jour après jour, la manne du Nil. Passé al-Lāhūn, le canal s’en va donc, dans son lit aux belles pierres appareillées, irriguer la ville d’al-Fayyūm et le pays de même nom, jadis tout entier enclos par le « mur de la Vieille », dont on peut voir encore, dit Ibn ῌawqal, les tours du côté du désert. La richesse de la région est proverbiale, fondée sur les céréales, riz en tête, les fruits et une série d’ateliers d’État spécialisés dans le tissage des grosses pièces, voiles de navires, tentes, tapis, panneaux de soie brochée. Plus loin enfin, le résidu des eaux s’en va mourir à un grand lac cerné de dunes, célèbre par les milliers d’oiseaux qui viennent hanter ces parages l’hiver ; Ibn ῌawqal l’appelle lac d’Aqnä et Tanhamat : c’est l’ancien Moeris, aujourd’hui Birkat Qārūn420.
141Vient le Caire. Le Nil, ici, dans cette métropole déjà formidable, c’est le dernier dialogue avec la montagne, le Muqaṭṭam en l’occurrence ; les nilomètres, surtout celui de l’île de Roda (Rawḍa, Ǧazīrat as-Ṣinā‛a : l’île de l’Arsenal), reliée aux deux rives de Guizeh et d’al-Fusṭāṭ par des ponts de bateaux ; l’activité incessante des navires et des barques ; la perspective des hautes maisons de la ville, à l’est, et aussi, ici ou là, des jardins, des palmiers, des palais421. Mais le Caire, c’est aussi le début du delta : jusqu’à la mer, la vallée va se diviser en ῌawf, du côté oriental, et Rīf, au centre422.
142Le delta tient en quelques mots : bras du Nil, canaux, écluses. Sans doute ce paysage s’esquisse-t-il déjà en amont : on vient de le voir à propos du Fayyūm. Mais c’est ici que le quadrillage de la terre par l’eau s’exacerbe. Dès le Caire. Le bras secondaire du Nil, qui isole Roda de la rive orientale, est distingué, du courant principal (‛amūd)423 qui baigne Guizeh, par le terme de ẖalīğ : un canal. Mais ẖalīğ est aussi l’ancien bras du Nil en direction de la mer Rouge, remis épisodique-ment en état par les maîtres de l’Égypte, sous le nom de canal du Commandeur des Croyants (ẖalīğ Amīr al-Mu’minīn), et dont l’écluse continue de jouer un rôle fondamental lors de la crue424.
143On voit déjà poindre les confusions, favorisées par l’indifférence fondamentale, déjà notée, à la distinction entre cours d’eau naturels et artificiels425. De fait, dans le lacis créé par les bras du Nil et les canaux en aval du Caire, il n’est pas toujours facile de voir clair, d’autant que les noms, et la topographie même du réseau, ont souvent changé426. Pour ce qui est des écluses, Mas‛ūdī en retient quatre, essentielles, qui donnent naissance aux plus grands canaux427 : Bulqīna, ḏāt as-Sāḥil, puis celle dont on a parlé plus haut et qui se place à ‘Ayn Šams (Héliopolis) ; ici s’ouvre le canal du Commandeur des Croyants, dont l’eau va se perdre dans les parages septentrionaux de l’actuelle Suez428 ; enfin, plus en aval, et plus importante, est l’écluse de Saradūs429, malheureusement infestée de crocodiles, d’où le dicton : « De Saradūs dois te garder, l’eau serait-elle en ton godet » ; et Muqaddasī de raconter que, passant par là en bateau, celui-ci rācla quelque chose : « Est-ce le fond ? demande notre homme. — Mais non : Le dos d’un crocodile. »430 Quant aux bras ou grand canaux, confondus dans la description431, on en dénombre, selon la plus vieille tradition, sept : chiffre éminent qui s’ajoute à la liste, déjà longue, des merveilles et mérites du Nil432. Mais la réalité, à son tour, impose de choisir encore, cette fois au profit des deux bras du fleuve qui, divergeant un peu en aval du Caire, gagnent, l’un Damiette (Dimyāṭ), l’autre Rosette (ar-Rašīd), où les navires venant du large peuvent remonter à partir de l’embouchure, dite, ici comme ailleurs, al-Uštūm, où se lit sans aucun doute le grec stoma433 : la Bouche (du fleuve).
144Dans la description de ce delta434, quelques temps forts : les villes, bien sûr, avec, en tête, Alexandrie et les canaux qui relient son pays au Nil, mais aussi les grands lacs qui s’interposent entre la dernière campagne et la mer. A l’ouest, le Maryūt (Mareotis)435, puis le lac d’al-Burullus ou d’al-Basmūr, très poissonneux436, enfin, à l’est et entre tous célèbre, celui de Tinnïs437, dont les Hudūd font l’exutoire d’un Nil simplifié à l’extrême438. Plus sérieux, d’autres expliquent le double écoulement de la branche orientale, partie vers Damiette et partie vers le lac, lui-même communiquant avec la mer439. Et tandis que Mas‛ūdī évoque le passé lointain où, la mer étant plus contrainte, moins agressive, le pays de Tinnīs était encore une vaste plaine extraordinairement fertile, Ibn ῌawqal et Muqaddasī se contentent de ce qu’ils voient : villes et îles synonymes, et l’une d’elles, qui donne son nom au lac, pressée de tous côtés par l’eau, celle-ci peu profonde, peuplée de dauphins amis des hommes, alternativement douce et salée selon les jeux du vent et le triomphe du Nil ou de la mer : au reste, une ville mondialement connue, une des capitales du textile de luxe, un carrefour du commerce international, « la montagne d’or », « la petite Bagdad », malgré le manque d’eau et la saleté de ses rues.
145Jusqu’au bout, donc, jusqu’à cette mer qu’il défie, le Nil aura porté l’Égypte, et l’évocation de cette eau puissante accompagné, jusqu’au bout, celle de la terre. Eau de l’irrigation sans doute. Mais d’abord, eau que l’on boit, prise aux sources, qui paraissent rares dans ce pays sans pluie ou presque440, aux puits, de plus en plus salés à mesure qu’on s’éloigne du Nil441, enfin, surtout et partout, au fleuve ou à ses dérivations. Résumant l’Égypte et les notations qu’on peut, de fait, grappiller ici et là, Ya‛qūbī442 déclare que « la population de toutes les localités boit de l’eau du Nil, été comme hiver ». Eau douce, plus ou moins, on l’a dit, selon le sol ou, à l’aval du fleuve, le rapport des forces entre lui et la mer ; eau fraîche ici, en hiver surtout443, ou chaude, comme au Fayyūm, où elle court sur les champs de riz444 ; claire ou trouble au contraire, surtout pendant la crue, lorsque, pour l’éclaircir, on doit y jeter des noyaux d’abricot grossièrement brisés445 ; fécondante, en tout cas, pour le sol, mais aussi pour les femmes446 ; consommée telle quelle, enfin, ou servant de support à des boissons alcoolisées, vin et surtout hydromel, ce dernier, contrairement à l’autre, exigeant une eau trouble, prise en pleine crue, faute de quoi il ne sera ni excellent ni pur447.
146Eau captée, répartie, bue, eau goûtée, étudiée, appréciée. Exaltée. Et donc fêtée. Pour la célébration de la Croix, le quatorze septembre (aylūl), soit un jour après la date véritable et quatre avant l’équinoxe d’automne, alors qu’est venu le temps des vendanges, on ouvre les écluses et d’abord, officiellement et en présence des plus hautes autorités, celle du Commandeur des Croyants, à ‛Ayn Šams448. L’antique adoration du fleuve et de son eau envahit même la commémoration du baptême du Christ, dans la nuit dite du Bain, dont les musulmans, du reste, partagent la joie et les festivités avec les Coptes.
147Écoutons Mas‛ūdī449 : « Fameuse est, chez les Égyptiens, la nuit du Bain, pendant laquelle on ne dort pas. Elle se place du dix au onze tūbeh, soit du cinq au six janvier450. J’y ai assisté en l’année 300451, au Caire, où al-Lhsīd Muhammad b. Ṭuğğ452 habitait son palais connu sous le nom d’al-Muẖtāra, dans l’île qui est à cheval sur le Nil et entourée par lui. Sur son ordre, les rives d’al-Fusṭāṭ et de l’île, en face, étaient éclairées de deux mille torches, sans compter toutes les autres et les cierges, allumés par la population. Des centaines de milliers de gens, musulmans ou chrétiens, étaient sur le Nil cette nuit-là, certains dans des barques, d’autres dans les maisons proches du fleuve, d’autres enfin sur les berges. Personne n’était au regret d’être là et chacun, tout au contraire, faisait parade de victuailles et de boissons, d’habits, de vaisselle d’or ou d’argent, de bijoux, de jeux, de musique et de danse453. Jamais la joie ne règne autant que cette nuit-là, la plus belle que connaisse l’Égypte. Les différents quartiers gardent leurs portes ouvertes et la plupart des gens se baignent dans le Nil, assurant qu’ils se préservent ainsi de toute affection et conjurent la maladie. »
Intermèdes araho-syriens
148Après ces fastes égyptiens, le désert, immédiatement à l’orient du Nil, reprend ses droits, rayant rivières et lacs de la carte454. Ici commence un autre pays de wādī, l’Arabie des vallées sèches, aux cours d’eau exceptionnels, parfois à jamais disparus, au mieux enfouis et retrouvés, de place en place, par des puits : non pas des rivières, donc, mais des formes du relief, anonymes, ou simples lieux-dits, ou stations sur des itinéraires455. Même lorsqu’elle s’élève à la dignité d’une vraie région, comme au Wādī l-Qurä, vaste dépression qui court entre le golfe d’Akaba et Médine, la « vallée » ne porte pas en soi, dans l’énoncé de son nom, l’évocation de la rivière aux eaux pérennes et vives456.
149Cette rivière vivante, ne serait-ce qu’à certains jours de l’année, où la repère-t-on finalement ? Dans des paysages sacrés, révolus ou faussés. Aux lieux saints, Médine et la Mekke, ces torrents épisodiques et furieux — car il ne s’agit que de cela — servent avant tout à préciser la topographie457. En Arabie du Sud, c’est d’histoire que l’on parle, une histoire dont la terre et les hommes, aujourd’hui, ne conservent plus que les vestiges. Iṣṭahrī et Ibn ῌawqal résument assez bien la situation : jadis, au pays de Saba’, les eaux qui ruisselaient sur le sol étaient contenues par un barrage alimentant la population et les cultures, un terroir continu qui s’étendait d’un seul tenant jusqu’à la Syrie. Puis l’impiété générale amena la colère de Dieu, la ruine. De l’ancien espace amoureusement aménagé, il ne reste qu’une infrastructure rudimentaire, rien que des puits, tranchant à peine sur la nature retrouvée, qui est celle des sources et de simples ruisseaux458 : de la rivière contenue, du lac né de l’industrie des hommes, l’Arabie, aux mains de Dieu, a fait justice. Ailleurs, enfin, c’est le paysage actuel qu’on prétend, sous nos yeux, transformer. J’ai parlé plus haut, à propos de la source dite de la Chamelle, de ce « fleuve » du Baḥrayn, le Muḥallim, qui serait aux Arabes ce que le Ǧayḥūn est aux Iraniens. Exaltation, sans doute, des grosses sources qui jaillissent là, si pleines, si belles qu’on a longtemps voulu y voir des résurgences de l’Euphrate. Mais un fleuve, vraiment459 ? Même vision ample chez l’auteur des ῌudūd al-‛ālam, qui, pour ne citer qu’un fleuve en Arabie, le font fastueux puisque, dévalant des montagnes du Yémen, il traverserait le ῌaḍrāmawt et les « sables » d’al-Aḥqāf avant de se jeter dans l’océan Indien. Le malheur est que ce Wādī Bayḥān, qui partage son nom avec une région et une ville, est surtout riche, en réalité, par ses puits, grâce auxquels se conserve l’eau de pluies parfois abondantes, mais fort aléatoires, pouvant se refuser des années durant. Et du reste, si fleuve il y a, et sous ce nom, il coule dans le sens opposé, depuis les montagnes du Yémen sans doute, mais vers le nord, vers le grand désert de sable où, pour le coup, il se perd460. Enfin, ces torrents de Ṣan‛ā’, au Yémen, forment-ils vraiment un fleuve, le Sirār, aussi large que le Tigre ou presque461 ?
150Malgré tous leurs efforts, donc, les rares auteurs qui essaient de nous faire croire à l’existence, en Arabie, d’au moins un fleuve qui pourrait soutenir la comparaison avec ceux que le monde nous offre ici ou là, ne réussissent pas à effacer l’autre image, la vraie, celle qui se dégage de la lecture, pas à pas, des itinéraires ou de l’évocation du pays : l’Arabie est la terre de l’eau cachée, enfuie ou enfouie, naturellement présente, au mieux, sous la forme de la source ou du torrent éphémère, plus souvent traquée par l’homme. Ce n’est pas la rivière qui est le signe aquatique du paysage d’Arabie, c’est le puits462.
151Reste à expliquer l’entêtement de certains à doter ce pays de cours d’eau. Un souci de systématiser, de ne pas laisser un pays sans nom, sur la carte générale des fleuves de la terre, comme pour les ῌudūd ? Mais c’est le cas, dans le même livre, pour tout l’Occident musulman463. Ou le désir de ne pas priver un pays noble entre tous de ce signe éminent de la bénédiction divine ? Peut-être, mais il faudrait alors réintégrer cette pensée dans le panorama général de nos textes et, ce faisant, puisqu’ils l’invoquent, dans le cycle total de l’histoire universelle. De ce point de vue, ce à quoi l’on conclurait, c’est que certains géographes méconnaissent les leçons du passé et se trompent d’époque, confondant le temps de l’Antiquité et celui où ils vivent. Ils ne voient pas qu’entre les deux, la bénédiction divine, indéniable, a cependant changé de signe. De physique qu’elle était, par l’eau, quand l’Arabie maîtrisait ses rivières, elle est devenue, après l’intermède du cataclysme vengeur et ses suites, spirituelle, elle a resurgi, mais non plus dans l’eau vive : dans la révélation de la vraie foi. Vu sous cet angle, le puits, lieu d’une eau jalouse et circonscrite, est le rappel et le symbole déchu de l’ancienne histoire des bénédictions premières, à jamais close comme lui. A l’inverse, l’histoire nouvelle du salut lāche sur le monde, depuis l’Arabie qui en est la source vive et à jamais, le fleuve immense et sūr de la confiance retrouvée. Un symbole encore, celui de Zamzam ; encore un puits, oui, mais à la Mekke, et cette fois intarissable, jusqu’au jour du Jugement où, seule avec le Jourdain, son eau ne disparaîtra pas dans les entrailles du sol : eau qui garde le corps et l’âme, chasse l’hypocrisie comme la maladie464, et devant laquelle l’ordinaire chant de louange se fait prière : « Ô Dieu, fais que cette eau me soit un savoir utile, une subsistance abondante, qui nous préserve de la soif et de la faim, et nous guérisse de tout mal. Lave mon cœur avec cette eau, emplis-le de Ta crainte et inspire-lui Ta sagesse. »465
152Pour retrouver l’eau vive, gagnons le nord. Dans la grande province de Syrie-Palestine (Šām), une surprise, d’abord : l’absence des fleuves côtiers du Liban. Des vallées creusées en courts et profonds canons, des résurgences puissantes, pas de traces : la montagne, mal connue ici de nos géographes, garde ses mystères466. Ailleurs, quelques notations éparpillées, et qu’on dirait parfois indécises, sinon incertaines : je relève ainsi un Wādī ‛Ᾱrā, aujourd’hui d’as-Sa‛īr, dans les parages nord-est d’ar-Ramla467 ; une rivière, anonyme, qui coule dans l’étroite vallée où se niche Nābulus468 ; un Nahr Bīn qui semble relever du bassin du Jourdain en rive gauche, au nord-est d’Amman469 ; le fleuve d’aš-Šarāt, probablement le Wādī l-Hasā, qui débouche sur la mer Morte depuis les régions situées au sud-est470 ; un Wādī Butnān, hésitant entre la mouvance d’Alep et celle de Homs (ῌimṣ) : à nous de deviner, sous ce nom flottant, qu’il s’agit des sources du Nahr aḏ-ḏahab (la rivière de l’Or), qui va se perdre dans la lagune salée de Ǧabbūl, entre Alep et l’Euphrate471 ; enfin, deux vallées qui relèvent de l’histoire biblique ou de l’eschatologie : celles de Chanaan (Kan‛ān) et surtout de Josaphat ou du Cédron, dite de la Géhenne (Wādī Ǧahannam), où se tiendra le Jugement Dernier472. Mieux dessiné, tout de même, le Quwayq, qui, après avoir fourni à Alep, par une conduite de fer, une eau, nous dit-on, assez pure, va se perdre dans le Marğ al-Aḥmar, aujourd’hui marais d’al-Maṭẖ473.
153L’essentiel, de toute façon, n’est pas là. Il est, d’abord, dans cette région sensible des marches anatoliennes, liées au souvenir, jadis grandiose et puis amer, des guerres avec Byzance. Nous connaissons déjà le trio Baradān-Sayḥān-Ǧayḥān474 et les origines paradisiaques des deux derniers, qui comptent parmi les fleuves renommés de la terre, le Baradān, associé à eux, recevant ainsi sa part de notoriété. Chacun des trois est lié à une ville, dans l’ordre : Tarse, Adana et Mopsueste (al-Miṣṣīṣa). Ce sont là fleuves à demi mystérieux : ils viennent de chez l’ennemi, par la région difficile des défilés475, et la terre d’Islam où ils débouchent est devenue la proie des luttes, et même conquête byzantine avec le ive/xe siècle finissant. Est-ce à une situation aussi troublée que l’on doit les incertitudes de l’évocation, les trois villes parfois mal distribuées, les fleuves confondus, les distances faussées ? Et que dire de cet étrange Baradān qui apparaît chez Mas‛ūdī, à cheval sur le Taurus, un bras coulant vers Héraclée (Eregli) et l’intérieur du plateau anatolien, l’autre, en sens inverse, allant se jeter dans la Méditerranée après avoir conflué avec une puissante rivière, al-Fātir (la Tiède), ainsi nommée par antiphrase, tant ses eaux sont froides ? C’est bien, quoi qu’il en soit, le tableau de la guerre récente qu’Ibn ῌawqal évoque, par le contraste entre les fastes d’antan, superbes ponts de pierre ou campagnes luxuriantes enserrant l’eau, et la dévastation de son temps, « sans âme qui vive ». Ici, le fleuve, dont on s’était plu à exalter l’origine sacrée et la place éminente, aux avant-postes d’une frontière largement ouverte sur un ennemi aux abois, est devenu, avec le retour du balancier de l’histoire, une eau indifférente au regard malheureux qui la contemple.
154Reste un autre système hydrographique, le premier, par son importance, de la Syrie-Palestine. En raison même des incertitudes de sa connaissance, nous ne pouvons que réunir, dans une perspective unique, l’Oronte, le grand fossé de la Béka (Biqā‛), du Jourdain et de la mer Morte, le Baradä de Damas, enfin476. En vérité, ce qui est étrange ici, c’est moins l’extravagance de certaines données que leur coexistence tranquille avec des faits réels, et ce, parfois, chez un même auteur, et un auteur originaire de Syrie-Palestine, comme Muqaddasī. Reconnaissons l’Oronte, tout d’abord : sous la poussée de l’air du sud, il gagne, depuis les montagnes de la région de Damas, le pays de Homs, de Hama et de Šayzar, puis Antioche et la Méditerranée, coulant ainsi, comme on l’a dit, la plupart du temps à contre-courant des fleuves de la terre, d’où son nom de Rebelle, d’Inversé (‛āṣī, maqlūb). C’est un fleuve important, dont l’eau est bue un peu partout. Mas‛ūdī est encore plus précis : l’Oronte, dit-il, naît dans la région comprise entre Homs et Damas, à al-Labwa, ce qui renvoie en effet, dans la Béka, à quelques-unes des grosses sources qui composent le fleuve477. Après quoi, il traverse les lacs de Qadas (aujourd’hui de Homs) et d’Apamée (Fāmiya), ce dernier étant la plaine marécageuse du Ghâb (Ġāb)478. Près d’Antioche, il reçoit le Nahr ar-Raqyā (ou : al-Yagrā), sorti du lac de Ǧindāris (Gindarus) : c’est le ‛Afrīn, qui communique avec l’Oronte, en même temps que le Kara-su, par la vaste dépression (al-‛Amq) située au nord-est de la ville479. Un autre affluent, signalé par Ibn Serapion, est parfaitement localisable en amont : le Nahr ar-Rastan, au-dessous de Homs.
155Passons au Baradä. Né lui aussi des montagnes surplombant Damas, il arrose, par un certain nombre de dérivations, l’oasis de la Ġūṭa, avant de déverser le surplus de ses eaux dans un lac portant le nom de la ville. Ibn ῌawqal précise un peu les choses : le Baradä reçoit au passage, dans ses gorges, plusieurs sources, dont celle d’al-Fīğa (Fijé), puis donne naissance à de grands canaux, celui, notamment, qui va arroser al-Mizza (Mezzé), à l’ouest, le bras principal poursuivant son chemin et entrant à Damas, où il passe sous un pont de pierre. Rivière abondante, qu’un homme monté ne saurait traverser, tant le courant est fort, qui s’en va ensuite arroser les maisons, les rues, les bains de la ville et de toute la Ġūta.
156Quant au Ġawr (Ghor), la grande dépression encaissée entre les deux chaînes de montagnes, le grand collecteur des eaux de toute la région, il est très bien perçu et défini ainsi, soit comme le seul fossé central, soit comme ensemble joignant à celui-ci les profondes vallées affluentes (pl. aġwār). L’axe hydrographique du système est parfaitement résumé par Muqaddasī : « Le Jourdain descend d’au delà de Bāniyās, s’élargit en lac au niveau de Qadas, descend ensuite vers Tibériade dont il traverse le lac, puis, par les dépressions, vers la mer Morte. » Reprenons ces données : dans le voisinage de Bāniyās, le fleuve, aux eaux extraordinairement froides, sort tout formé du pied de l’Hermon (la montagne de la Neige : ğabal aṯ-ṯalğ). Le lac qui se situe près de Qadas (Kedes, Kedesh), et qu’on ne confondra pas avec celui du bassin de l’Oronte, est notre Houlé (al-ῌūla), aux bords disparaissant sous l’alfa, et riche des poissons qu’on y a apportés depuis l’Irak480. Puis, c’est l’enchantement du lac de Tibériade, la nappe toute ronde et cernée de montagnes, très poissonneuse elle aussi, et dont l’eau est si douce ; pays riche, avec de nombreuses bourgades et la ville, surtout, aux bains célèbres alimentés par des sources chaudes. Après quoi s’ouvre la véritable vallée du Jourdain, fameuse par ses palmeraies. D’affluents, pas trace : le fleuve accapare la vision, tire à lui, même, les villes qui en sont éloignées, dans les vallées adjacentes, comme Baysān, sur un Nahr Ǧālūt (rivière de Goliath) à peine entrevu481. Enfin, c’est la mer Morte, dite aussi Puante (muntina), Inversée (maqlūba), ou encore lac de Jéricho (Arīḥā) ou de Ṣugar482, à l’eau figée comme le mercure, sans vagues, où l’on a peine à s’enfoncer et qui refuse toute vie. En ces lieux de désolation qui rappellent le châtiment du peuple de Loth, les seules concessions de la nature sont le sel, le bitume extrait du lac, la pierre de Judée, souveraine contre les calculs rénaux, et l’eau elle-même enfin, dont les lavements apparaissent presque comme une panacée ; au reste la fin du mois d’août amène-t-elle, sur les rivages, des rassemblements d’infirmes et de malades483.
157Ouvrons maintenant le catalogue des incertitudes. Le Jourdain, qui refuse, nous dit-on, de mélanger ses eaux à celles de la mer Morte, ne pénétrerait celle-ci que jusqu’à sa moitié, après quoi, disparu dans l’intérieur de la terre, il resurgirait sous la forme d’un petit fleuve côtier de Palestine ou — pourquoi pas ? — dans l’Inde484. D’ailleurs, il n’épuise pas tout le système hydrographique de la région. ẖuwārizmī, qui est ici le maître d’œuvre, donne deux émissaires, anonymes, au lac de Tibériade, l’un vers la mer Morte, l’autre vers l’Hermon et, au delà, vers la Méditerranée. Reconnaîtrons-nous, respectivement, le Jourdain, ainsi réduit à son cours en aval du lac485, et l’Oronte, en fermant les yeux sur l’étrange origine de celui-ci ? Tel semble être l’avis de Qudāma et de Ibn Serapion, lequel précise l’embouchure du second fleuve, près d’Antioche, mais en l’appelant Jourdain, ce même Jourdain qui, chez ẖuwārizmī, arrose Homs, Hama et Antioche, mais sous la forme d’un troisième fleuve né, lui, des montagnes du Liban486. Quant au Baradā, il viendrait, pour certains, du même Hermon, auquel est associé le Sanīr487, la montagne et la rivière courant toutes deux de conserve jusqu’à Damas. C’est Muqaddasī, toutefois, qui détient ici le record de la complexité, avec un Baradä à deux et même trois branches, naturelles ou artificielles, dont l’une arrose la ville et la Ġūṭa, l’autre descend vers le Jourdain et la dernière, enfin, rejoint (ou serait ?) l’Oronte.
158D’où viennent ces confusions, en plein pays connu, connu de géographes de terrain, orientaux d’origine, et même d’un Palestinien comme Muqaddasī ? Invoquons, d’abord, les pièges de l’onomastique : les noms de l’Oronte et du Jourdain (Urund et Urdunn) sont quasi réductibles l’un à l’autre par une anagramme488 ; Qadas est le nom unique de deux lacs, un pour chaque fleuve ; le terme maqlūb (inversé), qui désigne lui aussi l’Oronte, s’applique parfois, sous la forme féminine (maqlūba), à la mer Morte, pour rappeler qu’elle relève du pays des « invertis » : les gens de Loth489 ; dès lors, le fleuve n’a-t-il pas tiré à lui, dans son système, le lac et son fleuve, le Jourdain, avec d’autant plus de facilité que le grand sillon de la Béka et du Ghor pouvait être ressenti comme un pays unique, malgré le seuil qui sépare les deux régions ? A ces incertitudes, ajoutons celles du relief : j’ai dit plus haut de quelles brumes peut s’envelopper ici la montagne, notamment dans la région de l’Hermon, et combien le Liban et l’Anti-Liban sont souvent mal distingués l’un de l’autre490. Mal vus aussi, la ligne de partage des eaux qui s’établit dans les parages de Balbec, et le seuil dont je parlais à l’instant, en bref la double articulation qui sépare, d’abord, les bassins de l’Oronte et du Litani491, et le Litani, à son tour, d’avec le Jourdain : est-ce cette perception, mais confuse, des trois fleuves, que reflétait le texte de ẖuwārizmī ? Au reste l’Oronte supérieur est-il, comme à plaisir, reconnaissons-le, fort complexe, né de nombreuses sources, velléitaire puisque, à peine formé, il joue à cache-cache, s’enfouissant puis réapparaissant en aval, avec d’autres sources encore492. Enfin, n’ayons garde d’oublier, pour le Jourdain et la mer Morte au moins, les souvenirs bibliques et les assertions eschatologiques493 qui peuvent susciter, sur le comportement de ces eaux, bien des fabulations494.
159Tout cela compose un paysage mystérieux et embrouillé, fait de lacs étagés495 ; de fleuves qui, au propre, se tournent le dos, le Jourdain boudant l’Oronte et le Baradä, à son tour, les fuyant tous deux pour courir, non à cette Méditerranée qui l’appelle, mais au désert496 ; d’eaux refusant de se mêler les unes aux autres ; de rivières qui disparaissent pour aller resurgir à l’autre bout du monde ou qui naissent toutes faites, ici ou là, des entrailles du sol, puisées à des réserves dont on verra bien, au jour de l’apocalypse, qu’elles étaient intarissables497 ; bref, un pays où l’aventure de l’eau498 reste fuyante à l’espace et au temps des hommes.
Mésopotamie et Susiane : des paysages de terre et d’eau
160De Syrie, passons aux pays de l’Euphrate (al-Furāt) et du Tigre (Diğla). Deux pays, à la vérité : à quelque cent cinquante ou deux cents kilomètres en amont de Bagdad commence la Ǧazīra (Djezireh) ou Aqūr, tandis que Bagdad et tout ce qui se trouve en dessous constituent l’Irak. Deux paysages aussi, même s’ils partagent, à travers leurs deux fleuves, des traits communs : l’Irak, c’est le dialogue du Tigre et de l’Euphrate jusque-là séparés499, désormais unis par tout un lacis de canaux, de marécages, et dont l’extrême aval ne peut être dissocié, sur le terrain ni sur la carte, du système hydrographique de Susiane (ẖūzistān), lequel gravite autour d’un autre Tigre, un « petit » : le Duğayl.
161Une fois n’est pas coutume : nous commencerons par la fin, par le paysage amphibie créé autour des deux fleuves et de leurs multiples imbrications500. Ibn Serapion, à force, dirions-nous, de technicité, de patience dans la description du réseau hydrographique, naturel ou aménagé, réussit à nous donner un étrange et vrai panorama : le Tigre et l’Euphrate n’y sont plus que les artères d’un système extraordinairement ramifié, où le mot de l’eau vive (nahr) ne renvoie plus aux deux fleuves, qui se contentent de leur nom propre, mais au canal, grand ou petit, parfois navigable, omniprésent en tout cas. Paysage tissé d’eau multiple, captée, dirigée, divisée, d’une poussière de villages et de domaines, de roues à auges, de ponts de pierre ou de bateaux, d’histoire, enfin, car les appellations, ici, remontent souvent aux temps préislamiques.
162À l’ouest, l’Euphrate est surtout célèbre par sa grande bifurcation en amont d’al-Kūfa : un bras vers cette ville et sa campagne, un autre vers le pays intermédiaire entre les deux fleuves, bientôt retrouvés dans l’immense marécage du bas Irak, la Baṭīḥa. A l’est, le Tigre joue avec ses canaux qui, nés de lui, y reviennent après avoir eux-mêmes lancé leurs propres dérivations, irrigué les terroirs, voire reçu l’eau des rivières du rebord montagneux de l’Iran. Ibn Serapion isole ici trois systèmes principaux : le Nahr al-Isḥāqī ; le Nahr al-Qātūl al-Kisrawī (c’est-à-dire de Chosroès), qui change ensuite de nom, devient le Tāmarrā, sur lequel se greffe le ẖāliṣ, puis le Nahrawān, avec sa dérivation du Nahr Bīn, et captant lui-même la rivière de la Diyālä501 ; enfin, le trident, greffé en un seul endroit du Tigre, de trois autres Qāṭūl (pl. : Qawāṭīl) : le Yahūdī, le Ma’mūnī et l’Abū l-Ǧund, qui tous se déversent dans le Qāṭūl de Chosroès502. En aval, dans la région de Wāsiṭ, quatre autres canaux amènent les eaux du Tigre dans la Baṭīḥa : ce sont ceux de Bān, de Qurayš, d’as-Sīb et de Burdūdä.
163Enfin, la toile serrée des dérivations qui joignent les eaux de l’Euphrate à celles du Tigre. Six grands noms : le Duğayl (encore un « petit Tigre »), le Nahr ‛Īsa, le Nahr Sarsar, le Nahr al-Malik, le Nahr Kūtä et le Nahr aṣ-Ṣarāt, qui devient ensuite Nahr an-Nīl et Sābus503. Symbole de cette imbrication de la terre et de l’eau : Bagdad, aux canaux de laquelle Ibn Serapion consacre des pages entières.
164Redescendons vers l’aval : ici, les canaux et les deux fleuves s’effacent, se fondent dans la Baṭīḥa qui envahit le paysage, alternant les grandes étendues de roseaux et l’eau libre (hawr)504. Ibn Serapion dénombre et nomme, égrenés, quatre de ces lacs, le dernier se déversant dans le canal d’Abū l-Asad, qui collecte et draine ces eaux. Alors commence la dernière partie du bassin, dont l’axe, désormais unique, prend le nom de Tigre Borgne (Diğla al-‛Awrā’)505 : notre Šaṭṭ al-‛Arab. Tout à fait en aval, dans ce bas pays ouvert à la marée, les canaux reviennent en force : trois en rive gauche, mais beaucoup plus sur l’autre, pour approvisionner la grosse ville d’al-Baṣra et sa région : neuf exactement, dont je retiens, comme les plus célèbres, ceux de Ma‛qil, d’al-Ubulla506 et d’al-Amīr.
165Telle est, réduite au schéma le plus simple, la carte de l’hydrographie irakienne. Il s’en faut de beaucoup qu’elle soit présentée partout avec le même soin, ou qu’elle ne comporte, à commencer par Ibn Serapion, aucune incertitude. Sans parler ici de l’humeur capricieuse des deux grands fleuves ni des mystères de l’énorme lagune de la Baṭīḥa, toutes choses sur quoi on reviendra plus loin, les auteurs ne perçoivent pas toujours avec une même lucidité le système en son entier, faute d’une connaissance suffisante, ou d’une volonté qui ne reculerait pas devant les difficultés proposées, ou encore par l’effet d’un intérêt trop particulier porté à telle ou telle pièce du réseau, et qui fait manquer le reste.
166Au moins demeure le paysage. Par-dessus tout, l’eau, et partout présente, on l’a dit, celle du canal. L’Irak est sans doute la région du monde où s’efface le mieux la distinction entre rivière naturelle et cours d’eau aménagé : le canal est dérivation, affluent, parfois tour à tour l’une et l’autre, et la rivière captée devient canal elle-même507. Dans ce pays chargé de verdure, la campagne est la tache sombre et même noire (sawād), qui tranche sur la couleur claire des steppes qu’elle nargue de ses vignes, vergers, céréales, champs de sésame, de trèfle ou de luzerne, bref de toute une gamme de cultures extraordinairement diversifiée, mais à laquelle, pourtant, le palmier impose une unité sans faille, omniprésent, superbe, dans la nappe étale de ses frondaisons508. Paysage éternel, dirait-on : les ruines de Ctésiphon ou de Babylone, qui rappellent l’homme éphémère, dominent à perte de vue la terre plate509 où rôdent les grandes ombres d’Abraham, de Nemrod, des rois sassanides et des califes de l’Islam510. Temps enfuis qu’on opposera facilement à celui, immobile, qui s’incarne dans le Tigre et l’Euphrate : sources de la vie jusqu’à l’extrémité de la plus infime rigole, depuis l’aube des siècles et pour leur consommation, les deux fleuves, l’un délicieux à boire et l’autre paradisiaque, clament sur le monde la gloire de l’Irak. « Comment les gens d’ici », s’écrie Mas‛ūdī, « ne seraient-ils pas parfaits, eux qui sont servis par ces deux ambassadeurs, ces deux auxiliaires, ces deux éclaireurs511 qui ne trompent point ? »
167Ce pourrait être la devise irakienne : le fleuve au service de l’homme. Et il est vrai que, de toutes les puissances qui ont pu leur contester le pouvoir, jamais le Tigre et l’Euphrate n’en ont rencontré de plus résolue, de plus patiente, que celle qui a fait creuser ces canaux, élevé ces digues, bâti ces écluses. Parfois, la soumission de la nature a été totale. Bagdad peut en offrir le symbole. J’ai dit plus haut le soin qu’Ibn Serapion apportait à évoquer une ville quadrillée par les dérivations du Tigre. Encore n’est-il pas le seul : Ya‛qūbī, dans son évocation de la capitale abbasside, fait courir côte à côte les quartiers, les rues et l’eau512, mais surtout, il superpose, à la vision de ce réseau, une autre infiniment plus vaste, Bagdad et ses multiples canaux devenant le nœud d’un système qui, par le Tigre et l’Euphrate, met le pays en communication avec l’univers entier. La position cardinale de la Bagdad d’al-Manṣūr est, au propre, celle d’une ville fondée sur l’eau. Évoquant la ville qui naîtra sous ses yeux, le calife s’écrie : « D’une île513 prise entre le Tigre à l’est et l’Euphrate à l’ouest, je m’en vais faire le carrefour du monde. Tout ce qui viendra par le Tigre, depuis Wāsiṭ, al-Baṣra, al-Ubulla, al-Ahwāz514, le Fārs, l’Oman, la Yamāma515, le Baḥrayn et les régions voisines, remontera jusqu’ici, jettera l’ancre ici. Et de même, tout ce que les bateaux apporteront par le Tigre, depuis Mossoul, le Diyār Rabī’a516, l’Ᾱdarbayğān et l’Arménie, ou, par l’Euphrate, depuis le Diyār Muḍar517, ar-Raqqa518, la Syrie-Palestine, les marches byzantines519, l’Égypte et le Maġrib, descendra et sera déchargé ici. » Texte exemplaire, qui nous fait passer, comme dirait un géographe d’aujourd’hui, du site à la situation de la ville, et le tout à travers l’eau, relayée au besoin par la terre520.
168Partout, la navigation est, avec les travaux de l’hydraulique, le signe tangible de la victoire de l’homme. Vaisseaux de haute mer que l’on croise sur les eaux larges du fleuve, du côté d’al-Baṣra, ailleurs batellerie classique sur le Tigre, l’Euphrate et les grands canaux comme le Nahr ‛Īsä, ou barques sur le réseau campagnard, ports de transit à l’articulation du fleuve et d’une dérivation, rupture de charge aux barrages, convoiement du navire par des embarcations plus petites qui l’allègent d’une partie de sa cargaison pour le passage de la Baṭīḥa, interruption du trafic fluvial pendant la nuit, au moyen de câbles tendus entre deux bateaux amarrés sur l’une et l’autre rive521, autant de tableaux, pris sur le vif, qui composent, avec le spectacle des champs, le paysage irakien.
169D’autres fois, la lutte a mal tourné pour l’homme. Au moins dans une région, celle du grand marécage (Baṭīḥa). L’existence de cette immense étendue d’eau n’est qu’un résultat parmi d’autres de l’exubérance des deux fleuves entre Bagdad et la mer. Les anciens lits de l’Euphrate et du Tigre, visibles respectivement dans la région d’al-ῌīra et à l’est de Wāsiṭ, la légende (ou le souvenir de temps très anciens perpétué dans la mémoire collective ?) d’un Golfe qui remontait jusqu’à la même al-Hīra522, attestent ici de la mobilité du paysage fluvial. La Baṭīḥa est née de là. Seuls, Iṣṭaẖrī et Ibn ῌawqal semblent y voir la conséquence du creusement des multiples canaux autour d’al-Baṣra, qui aurait, en télescopant les eaux les unes par les autres, perturbé leur écoulement523. Plus près de la vérité, on retiendra l’explication suivante : jadis, très exactement sous le règne du Sassanide Chosroès II Parvīz (590-628)524, l’Euphrate et le Tigre, lors d’une crue exceptionnelle, forcèrent leurs digues, le second en profitant pour se frayer son nouveau lit, vers le sud et non plus vers le sud-est, et tous deux constituant, de leurs eaux folles, le grand marécage. Les derniers Sassanides tentèrent en vain de réduire le dommage ; seul l’Islam put obtenir quelques résultats, sans rayer toutefois la Baṭīḥa de la carte : ses dimensions varient, selon les auteurs, de 900 à 2 500 parasanges carrées (d’environ 32 000 à 90 000 km2)525.
170La Baṭīḥa, c’est tout un pays dans le pays d’Irak, quelque chose d’à part, installé entre ciel et terre, entre les vastes étendues d’eau libre, les îles et les roseaux en masses serrées, à peine trouées de quelques cheminements possibles pour les embarcations, les fondrières et les sols asséchés, sans parler des canaux et des digues, des villages aussi, regroupés sur des lambeaux de terre à peine exhaussés sur cette masse ambiguë, et qui ont pris le relais des vieilles installations humaines aujourd’hui noyées, dont on peut voir les vestiges, au fond du lac, quand l’eau est claire. Sur ces hauts-fonds, la barque et la perche sont la règle. Par certains côtés, vivre ici, c’est l’enfer. Le vent d’été souffle torride et violent, la chaleur et l’humidité sont atroces, et le moustique règne implacablement, forçant les gardes chargés de surveiller les mouvements de la batellerie à se claquemurer dans des cabanes sans fenêtres : Mais le pays est riche, les terres regagnées sur l’eau fertiles, les roseaux eux-mêmes, coupés et travaillés, alimentent un florissant artisanat de sparterie et de cordage, le poisson, enfin, pullule, consommé frais ou salé, tant et si bien que toute une population a pu vivre là, fruste, grossière, parlant un langage épouvantable, mais remarquablement adaptée aux conditions naturelles, et d’une indépendance chatouilleuse : les Zoṭṭ, ou plutôt ce qui reste de ces anciens immigrés de l’Inde, mêlé évidemment à d’autres populations, plèbe mi-paysanne mi-batelière, accrochée à ce site difficile, mais sûr526.
171Tout à fait en aval, ce sont d’autres adversaires, naturels ceux-là, que rencontrent les deux fleuves réunis sous le nom de Tigre Borgne527. Moins le vent qui, à la vérité, ne semble pas avoir sur ces eaux sa puissance ordinaire528, que la mer. Symbole de ce dialogue tumultueux, facilité par l’absence d’altitude qui fait de cette région les Pays-Bas de l’Islam : la marée. Jusqu’aux approches de la Baṭīḥa, elle submerge les canaux et le sol des palmeraies, irriguant sans doute, ou animant les moulins, mais empoisonnant l’eau de sa saumure529. Et puis, à l’embouchure, l’affrontement du fleuve et de la mer crée, sur des hauts-fonds, un tourbillon extrêmement dangereux, balisé par trois estacades éclairées de nuit530, tandis qu’un autre, où les navires tournoient plusieurs jours avant d’être aspirés dans le gouffre, fut heureusement réduit par les bateaux, dūment lestés, qu’on y coula pour le combler531.
172Avec l’« île » de ‛Abbādān532, prise entre les deux Tigres, le grand et le petit (Duğayl), un pont est jeté entre la Basse-Mésopotamie et le ẖūzistān (Susiane). Voisins, les deux systèmes hydrographiques le sont à plus d’un titre533. Par l’onomastique, d’abord : Tigre (Diğla) et Duğayl, et Tigre encore pour désigner la Karẖa ou une de ses dérivations534. Mais il y a plus que cela : on passe réellement d’un système à l’autre par tout un jeu de canaux qui relève, nous est-il dit, du pays d’al-Baṣra535. Ici, entre Irak et Perse, débouchent un certain nombre de cours d’eau assez puissants et assez connus pour ne pas être rayés de la carte, au propre et au figuré, par leurs puissants voisins536. D’abord, le Duğayl, dit aussi Duğayl d’al-Ahwāz, ou Nahr al-Ahwāz, ou Nahr ẖūzistān : notre Kārūn537. Né dans les montagnes du pays d’Ispahan, où il porte le nom de Mānān, il arrose les villes de Tustar, ‛Askar Mukram et al-Ahwāz, la capitale du pays, avant de poursuivre vers la mer. Entre les deux premières villes, il est doublé, à l’est, par une grosse dérivation appelée Masruqān538. Relevons, dans le paysage, ici un grand pont de bois sur un canal dérivé du fleuve, où passent les navires, ailleurs d’autres ponts, de brique ou de bateaux cette fois, puis la merveille, le grand barrage établi par le Sassanide Sābūr (Sapor) à Tustar, enfin les fastes du lac d’al-Ahwāz, déjà évoqués539. Le Duğayl ne reçoit d’affluents qu’en rive droite : d’abord, la rivière de Ǧunday-Sābūr, le Dizfūl, passant sous le célèbre pont d’ar-Rūm (ou d’ar-Rūd, ou d’az-Zāb)540 ; plus loin, la rivière de Suse (as-Sūs), la Karẖa, originaire des régions au sud de Hamaḏān, et que Ya‛qūbī appelle le Hinduwān ; la célébrité, ici, c’est le tombeau du prophète Daniel, enterré, après force tribulations dont on a parlé, dans le lit même du cours d’eau541. Passé al-Ahwāz, le Duğayl, énorme, enflé de toutes ses rivières, dépêche des canaux à la campagne environnante, notamment celui du Lotus (Nahr as-Sidra), qui rejoint ensuite le fleuve à ῌiṣn Mahdī542, tandis que, par d’autres encore, on peut gagner soit le Tigre, soit le bassin du Ṭāb, le fleuve qui marque la frontière entre le ẖūzistān et le Fārs543.
173La Susiane, par ses eaux mêmes, est ainsi un pays intermédiaire. Pourtant, ne nous y trompons pas : de ses deux voisins, c’est l’Irak qui s’assure la prééminence. On pourrait interroger, sur ces échanges, la société des hommes544, mais ce n’est pas ici notre propos, qui veut en rester à la terre et à l’eau. Or, que voyons-nous ? En venant de la mer, à l’embouchure du Duğayl, le conflit d’un fleuve énorme et de la marée, les mêmes tourbillons qui nous étaient offerts, à deux pas de là, avec le Tigre545, tandis qu’ailleurs, le flux, remontant les vallées, facilite la navigation et les cultures, noie les canaux et les champs, porte les plus gros navires à l’intérieur des terres et donne à la batellerie de Susiane la même activité et le même charme qu’à celle de Bagdad546. Le rivage, échancré par les eaux qui s’y déversent sur un front de plusieurs kilomètres, apparaît comme réduit à une bande très mince, à un coin de sol enfoncé dans la masse fluviale. Même configuration, on en conviendra, que pour l’Irak : ici et là, tout un pays débouche sur la mer par un goulot où les fleuves tendraient à accaparer l’espace disponible547.
174De la Susiane, nous connaissons déjà le paysage : c’est celui qui s’étend sans interruption, par-dessus les eaux, depuis le pays voisin. Partout le canal et l’effort des hommes, les barrages, les écluses, les moulins, partout le navire ou la barque, moyen de communication privilégié, partout la rivière vive, naturelle ou aménagée, les cultures intensives et variées, mais le palmier omniprésent, parfois aussi, hélas : le sel qui imprègne la terre548. La vision est si uniforme, du Tigre au Duğayl, qu’elle exhausse les rivières du ẖūzistān, pourtant « encaissées de plusieurs mètres dans leurs alluvions », et surtout, à l’inverse, arase ces montagnes qui, au nord, annoncent le Zagros tout proche. Quand Iṣṭaẖrī écrit que la Susiane est faite « d’une plaine unie, avec des eaux vives », il ne laisse pas deviner un relief plus tourmenté que celui de la plaine mésopotamienne, ni les difficultés que l’irrigation trouva ici, depuis les temps sassanides, à commencer par le barrage de Tustar549. Par son emprise sur le paysage, l’eau, dans la vision des géographes, a non seulement unifié le pays, mais elle l’a réuni à ce voisin irakien dont le rapprochent, cette fois au niveau des hommes, tant de traits.
Le château d’eau arménien
175L’amont de l’Irak, c’est la Haute-Mésopotamie, le pays d’Assur (Aqūr)550, la grande « île » (Ǧazīra) enserrée entre les deux fleuves551. Ici s’effacent les traits du paysage de l’aval. Seules, quelques dérivations, greffées sur l’Euphrate ou ses affluents, annoncent le bas pays : le Nahr Sa‛īd, en rive droite, et surtout, de l’autre côté, le Tartār, qui, prenant une partie de ses eaux au Hirmās avant qu’il se joigne au Hābūr, descend ensuite, par les ruines de Hatra, jusqu’à la ville de Takrīt, laquelle, sur le Tigre, marque la frontière entre l’Irak et la Ǧazīra552. Pour le reste, les deux fleuves553 délimitent chacun leur zone, distinguée sur la carte comme dans l’administration554. Le ṯarṯār excepté, pas d’échanges entre eux : chacun a son cours bien à lui, ses affluents propres. Et s’ils partagent évidemment quelques traits communs, leur puissance ou leur pays d’origine par exemple, ce n’est pas leur réunion qui compose le pays, comme ils le faisaient pour l’Irak, mais bien, au contraire, leur divergence, de part et d’autre de cette Ǧazīra qu’ils définissent.
176Tous deux naissent de l’immense complexe montagneux qui s’étend de l’Anatolie orientale aux rebords nord-ouest de l’Iran et que nous désignerons par commodité, avec nos géographes, sous le nom d’Arménie555. Un véritable château d’eau, en tout cas, si l’on en juge par le nombre des rivières qui en dévalent pour grossir le Tigre ou l’Euphrate. Mais un château d’eau qui, au ive/xe siècle, échappe largement à l’Islam. Sur ces hautes terres, frontière mouvante entre Byzance et lui, il a subi la forte poussée de l’adversaire : le texte d’Ibn ῌawqal est jalonné de la complainte funèbre des malheurs de ce temps556. L’Euphrate prend sa source près de Qālīqalā, dans le pays de l’actuelle Erzeroum. La partie supérieure de son cours est plus ou moins bien saisie par nos auteurs : on connaît toutefois, quitte à se tromper de temps à autre sur les directions, ses nombreux changements de sens jusqu’à Samosate, puis la grande boucle décrite entre la Haute-Mésopotamie et la steppe syrienne557. Le fleuve passe, nous dit-on, près de Mélitène, puis à Samosate, qui marque le point extrême de la batellerie vers l’amont, Ǧisr Manbiğ, Bālis, près du champ de bataille de Ṣiffīn, avec les tumulus incertains de quelques-uns des guerriers morts ce jour-là558, ar-Raqqa enfin, où l’Euphrate anime quelques moulins avant de poursuivre vers l’Irak.
177Le Tigre, lui, ajoute la légende et l’effroi à l’histoire des hommes. Il sort, puissante rivière toute verte, de la grotte dite des Ténèbres, qui fut visitée, croit-on, du seul Alexandre, et repoussa la curiosité des premiers conquérants musulmans559. L’endroit est situé dans les parages septentrionaux de la ville d’Ᾱmid, chef-lieu du Diyār Bakr, Mas‛ūdī, cependant, faisant venir le fleuve de sources situées plus à l’est, dans la région du lac de Van. Après Ᾱmid, qui le domine de ses murailles et de sa mosquée noires, le Tigre arrose, entre autres, Ǧazīrat Ibn ‛Umar, qui doit son nom d’« île » au méandre qui la borde, et connaît un commerce fort actif : Ibn ῌawqal évoque les navires chargés de fromages, miel, figues, noix, amandes, noisettes ou raisins secs, et descendant vers Mossoul. Ici, dans la capitale de la Haute-Mésopotamie, c’est un autre spectacle qui retient l’attention : les moulins, de bois ou de fer, à quatre meules chacun, d’un type spécial à toute cette région du Tigre, installés en plein milieu du courant et assujettis par des chaînes de fer. En aval, enfin, aux portes de l’Irak, nous voici à Takrīt, en majorité chrétienne, avec ses églises et ses couvents dont certains remonteraient au temps des Apôtres, et regroupant, sur sa montagne, toutes les confessions qui se réclament de Jésus560.
178Un des traits forts de la description du Tigre et de l’Euphrate est le nombre de leurs affluents. A chacun des deux les siens, on l’a dit : le château d’eau de l’amont est radicalement différent du pays d’aval, où les deux fleuves, réduits ou presque à eux-mêmes, fraternisent, naturellement ou par la volonté des hommes. Mais différence, aussi, entre la Mésopotamie, haute ou basse, et l’Égypte, le pays du fleuve unique qui, à défaut de partenaires, joue tout seul, au moins dans ce delta où ses multiples bras et dérivations le font si complexe. On dira que la différence s’estompe si on revient à l’amont, là où, on le sait, il n’y a pas un Nil, mais plusieurs. Sans doute, à cette réserve que les pays de la Nubie et au delà sont mal connus, ayant toujours, jusqu’alors, échappé à l’Islam, tandis que ces hautes terres de la Ǧazīra et de l’Arménie, même perdues, continuent de faire partie de l’horizon musulman, ne serait-ce que par le souvenir des conquêtes passées et des alternatives de la guerre byzantine : les itinéraires ou le tableau des zones-frontières (ṯuġūr) suffiraient à nous le rappeler561.
179Pour le Tigre, donc562, tout près de ses sources, en rive gauche, voici le premier affluent, le Nahr aḏ-ḏi’b, la rivière du Loup (ou des Chiens : al-Kilāb), aujourd’hui le Zulcar563. En aval, et toujours sur la même rive, successivement, le Nahr ar-Rams ou Nahr Salb, une fois passé Ᾱmid : l’Anbar564 ; le Sātīdamā (Batman)565 ; le Nahr Sarbaṭ (Garzan) ; puis, lorsque le Tigre s’infléchit vers le sud-est, le Razm (ou Zarm, Razb, Zarb), notre Buhtan, qui apporte les eaux des parages méridionaux du lac de Van et dont le confluent marque le début de la batellerie sur le fleuve566. Descendons encore, toujours en rive gauche, pour trouver le Bāsānfā, en amont de Ǧazīrat Ibn ‛Umar567, puis, en aval de cette même ville, le Dūšā568. Vient ensuite un des affluents les plus célèbres, le ẖābūr, plus précisément le petit, à ne pas confondre avec son homonyme tributaire de l’Euphrate569. Passons sur l’autre rive : de la région comprise entre Mossoul et Nisibe vient le Saffān (Abu Maryā, Wādī l-Murr)570. A Mossoul même, voici le Nahr Zubayda et en face, sur la rive gauche où nous revenons, le Nahr al-ẖūsar, qui traverse les ruines de l’ancienne Ninive571. En aval, deux affluents célèbres, Zāb supérieur (ou grand) et Zāb inférieur (ou petit), le premier jailli rouge d’une source haut perchée, puis se clarifiant au passage des montagnes et des pierrailles, le second arrosant une région peuplée de schismatiques et de brigands, et tous deux si puissants que, réunis, ils seraient plus larges que la moitié du Tigre572. Un dernier regard sur la rive droite, enfin, pour accueillir le ṯarṯār, dont on a déjà parlé, et vient le pays irakien.
180Quant à l’Euphrate573, nous connaissons aujourd’hui, pour ses origines, non pas un fleuve, mais deux. Celui du nord a conservé son nom, côte à côte avec celui de Kara-su, réservé à sa plus haute vallée. Nos géographes, eux aussi, y voient l’Euphrate véritable, né dans la région de Qāliqalā, correspondant à la moderne Erzeroum. Il accueille d’abord, en rive droite, le Nahr Lūqiyya, notre Armudan, puis le Nahr Abrīq (le Çalti, venant du pays de Divriği), avec son affluent, le Zamra. Après quoi, le fleuve tourne vers le sud-est, à la rencontre du Nahr Anğā (l’Angu, dans les parages d’Arapkir) et surtout, en rive gauche cette fois, de l’Arsanās (Arsanias, Murad-su) : le second Euphrate. Celui-là naît dans les hauteurs au nord du lac de Van574, pour arroser, entre autres villes, Šinišāṭ, l’ancienne Arsamosata575, dans les parages de laquelle il reçoit lui-même deux affluents : le Nahr aḏ-ḏīb (Peri)576 et le Nahr Salqiṭ (Sungut).
181Voilà notre Euphrate désormais constitué. Il descend alors vers la région de Mélitène, oū l’attendent, en rive droite, le Nahr Ǧargā-riyya (Kuru ou Hekimhan), grossi du Ġawṭ, et le Qubāqib (Tohma), connu par le grand pont du même nom, et par ses nombreux affluents, dont deux retiennent plus particulièrement l’attention : le Qurāqīs (Sultan-su), la rivière de la puissante forteresse de Sozopetra (Zibaṭra), et le Zarnūq, sur lequel est greffé le canal alimentant Mélitène577. Plus loin, en rive gauche, le fleuve va recevoir le Nahr Hinzīṭ (Büyük), qui porte le nom du vieux pays de l’Anzitène578, puis, sur l’autre rive, dans les environs de Samosate, un affluent infiniment plus célèbre, le Sanğa (Gök-su) : ici s’élève un autre pont, chef-d’œuvre et même l’une des quatre merveilles du monde, avec le phare d’Alexandrie, l’église d’Edesse et la grande mosquée de Damas579. Un peu en aval et sur la même rive, vient le Nahr Kaysūm, du nom d’une citadelle qui domine le pays : sans doute le Nahr ‛Arabān580. Plus loin, beaucoup plus loin, dans les parages d’ar-Raqqa, voici, sur la gauche, deux rivières, très importantes : le Balīẖ, né dans la région de ῌarrān581, puis le grand ẖābūr, grossi du Hirmās, qui descendent de Ra’s al-‛Ayn et de Nisibe, surgis de centaines de sources, au milieu d’un pays comptant parmi les plus prospères de l’Islam et les plus vieux du monde, aussi, puisque le Hirmās est franchi par des ponts de pierre dont les Grecs auraient été les architectes582. Au delà, comme pour le Tigre à l’est, c’est l’Irak qui s’annonce : le fleuve donne, avec le Nahr Sa‛īd, une première image de ses grandes dérivations de l’aval, et il ne reçoit plus d’affluents583.
182L’aventure du Tigre et de l’Euphrate peut finalement se résumer au dialogue qu’ils engagent avec les terres où ils passent. Tout à fait en amont, ils traversent leur pays, le découpent, eux et leurs affluents, en autant de vallées ; sur leur cours moyen, ils l’enserrent, faisant de la Haute-Mésopotamie cette « île » (gažīra) qui lui a donné son nom ; à l’aval enfin, ils s’y fondent. Quant aux services offerts par les deux fleuves ou aux liens qui les unissent, c’est à une répartition binaire qu’il faudrait cette fois songer, avec des limites différentes : tandis que l’apparition de la batellerie marquerait, ici et là, le passage entre les cours supérieur et moyen, la transition de celui-ci au cours inférieur changerait le signe des rapports entre le Tigre et l’Euphrate, jusque-là séparés et qui ne s’unissent que sur la fin seulement, à travers le lacis des canaux irakiens et le grand marécage. Cela posé, si le bas pays exaspère, jusqu’à leur fusion définitive en un seul cours d’eau, les traits communs aux deux fleuves, il ne les monopolise pas. Joints ou séparés, le Tigre et l’Euphrate sont jumeaux dès leur naissance : par l’eau potable qu’ils distribuent partout, par la quantité de leurs affluents, par le nom même de certains d’entre eux, enfin et surtout, peut-être, par le fait que leurs cours et la majorité de ceux qui les rejoignent — sur la rive gauche pour l’un et pour l’autre — proviennent d’un même pays, je veux dire cette masse montagneuse regroupée sous le nom d’Arménie. Le pays d’Irak n’est ainsi que la griffe définitive imposée, par la nature et le travail des hommes, à une fraternité qui était décidée dès l’amont.
183Au reste le château d’eau arménien n’épuise-t-il pas ses ressources avec le Tigre et l’Euphrate. De l’autre côté du toit de ces hautes terres, d’autres fleuves s’écoulent, vers la mer Noire, c’est-à-dire en dehors des limites de l’Islam, mais aussi vers la Caspienne584. L’Araxes (Aras, ar-Rass) est le grand cours d’eau de l’Arménie. Il naît tout près de l’Euphrate, dans les mêmes montagnes de Qālīqalā, mais lui tourne le dos, choisissant l’est, le pays de Dabīl, puis l’Arrān, où il reçoit un affluent585. Un peu avant de se jeter dans la Caspienne, en face d’une île, il se divise en deux bras, dont l’un gagne directement la mer et l’autre s’en va, d’abord, s’unir à un grand fleuve voisin, le Kurr (Kour, Kura). Celui-ci, issu des massifs au nord-est de Qālīqalā, descend dans le long sillon qui sépare les montagnes arméniennes du Caucase, auquel, du reste, nos auteurs le rattachent parfois586. Il arrose Tiflīs, la grande ville-frontière aux bains alimentés naturellement en eau chaude, comme à Tibériade, puis le pays de Barda’a, la capitale de l’Arrān. En aval, son cours, en se rapprochant de celui de l’Araxes, délimite un pays intermédiaire, pris entre les deux fleuves, autour de la ville de Baylaqān.
184Outre le Kurr et l’Araxes, Muqaddasī évoque un troisième grand fleuve, celui-ci résolument caucasien, le Nahr al-Malik (Samūr), qui se jette dans la Caspienne au sud de Derbend (Bāb al-Abwāb)587. Ne nous y trompons pas toutefois : ce sont les deux autres cours d’eau, plus étroitement associés encore l’un à l’autre, qui résument sur ce versant l’hydrographie arménienne et symbolisent tout le pays. Sans doute coulent-ils aux marges de l’Islam, ou sur des terres contestées par Byzance, les populations chrétiennes, ailleurs, faisant souvent la loi. Mais ces régions escarpées, difficiles d’accès, sont riches : on en a évoqué plus haut les splendeurs588. Partout, ici, l’eau, claire et douce, foisonne et chemine, l’Araxes et le Kurr, imposants et tranquilles, portent les bateaux, font tourner les moulins, coulent parmi la garance, dont il se fait un énorme profit. Dernière merveille : les eaux des deux fleuves abritent, en quantité, des poissons succulents, au premier rang desquels l’esturgeon, qui remonte depuis la mer à dates fixes, et dont la chair est si grasse, si tendre qu’on l’offre en cadeau ou qu’on l’exporte, jusqu’en Irak. A ce tableau de choix, il manquait la sanction de l’histoire, je veux dire de l’histoire sainte. La voici. Le confluent (muğtama‛, inğtimā‛) de l’Araxes et du Kurr, c’est aussi celui des deux mers (mağma‛ al-baḥrayn), que Moïse aurait atteint, selon la tradition, en ces parages précisément589. Et puis, il y a, sous le nom même de Rass, le souvenir des gens du « Puits », de l’impiété desquels le Coran évoque le châtiment : les rives du fleuve sont pleines en effet, nous dit Ibn ῌawqal, d’immenses vestiges, ceux de mille villes, avance Muqaddasī, mais englouties aujourd’hui sous la masse de l’Ararat590.
Les pays d’Iran : le fleuve tiraillé entre le désert et la mer
185Si, des hautes terres d’Arménie et d’Ᾱḏarbaygān, nous glissons maintenant vers le sud-est, nous verrons se dessiner d’autres châteaux d’eau, trois exactement : les barrières montagneuses de la Caspienne méridionale, du Zagros et de l’ensemble formé par le ẖurāsān et l’Afghanistan. Mais la mer, Caspienne, de Perse ou de l’Inde, n’est pas le seul débouché de leurs eaux. De l’autre côté de ces trois chaînes, un immense pays, plateau iranien ou grand Désert, fonctionne cette fois comme un château d’eau à l’envers, appelant à lui, pour les engloutir, les eaux venues des hautes terres qui le dominent.
186Commençons par le nord591, sur les rivages méridionaux de la Caspienne, riches d’eaux vives. D’ouest en est, voici d’abord le Safïd-Rūḏ (Sabīd-Rūd, Isbīd-Rūḏ) : le « fleuve blanc »592, grossi de son affluent « royal », le Šāh-Rūḏ, ainsi nommé pour la pureté de ses eaux. Viennent ensuite le Harhaz (Harāzpey), le Bāvul (Bābol), le Tīzhin-Rūḏ (Ṭabarī-Rūḏ, Tījīn), et surtout le Ṭayfūrī ou Ǧurğān, ce dernier nom étant partagé avec tout le pays situé à l’angle sud-est de la Caspienne et avec sa capitale. Ce fleuve-ci, dont on confond parfois le cours supérieur avec celui de l’Atrek593, vient de l’extrémité orientale de la chaîne, là où elle s’articule sur les monts du ẖurāsān, et se jette dans la mer de part et d’autre du port d’Abaskūn. Aucun de ces cours d’eau n’est assez puissant pour porter les navires594, mais tous, en revanche, fertilisent la campagne par leurs eaux dérivées. C’est le cas aussi de l’autre côté de la barrière, aux oasis de Qazwīn et d’ar-Rayy : autour de la Grande Rivière (al-Wādī al-Kabīr) et du Sīram pour la première, du Sūrinī (ou Sūrqanā)595 et du Ǧīlānī pour l’autre, gravite tout un système de canalisations et de puits artésiens596. Mais ici, les influences continentales se font sentir, les rivières, parfois, s’assèchent.
187Même partage des eaux vers le sud, le long du Zagros597. De Hamaḏān à al-Karağ, Qumm et Ispahan, le piémont iranien aligne un chapelet de villes-oasis qui disent assez les formidables réserves de la montagne. Ispahan, surtout, apparaît comme une merveille de verdure et de richesse posée sur l’aridité du haut plateau, grâce au Zende-Rūḏ (Zarīn-Rūḏ), qui est, de ce côté, l’exacte réplique du Duğayl, né dans la même zone que lui, mais dévalant vers le ẖūzistān. Le « fleuve d’Ispahan » arrose le pays et la ville selon tout un système d’irrigation et de répartition du débit hérité de la Perse antique ; prodigue de ses dons, il reste néanmoins si fort qu’on lui prête, au delà du marais qui marque le terme de son cours, une résurgence en plein Kirmān598. Vers l’extrémité orientale de la chaîne, les eaux tournent résolument le dos à l’Iran des plateaux, lui préférant, en ce pays du Fārs, soit les lacs, soit le versant qui regarde le Golfe. Avec les lacs, justement, elles complètent l’image d’un pays largement arrosé : de la quinzaine de noms relevés chez Ibn ῌawqal et Muqaddasī, de l’évocation d’un réseau hydrographique serré, confus parfois599, je retiens l’eau presque partout présente et délicieuse, et ces fleuves : le Ṭāb, qui forme la frontière avec le ẖūzistān voisin et qu’enjambent quantité de ponts, dont un particulièrement superbe ; le Sakkān (Mand) à la vallée fertile entre toutes ; le Kurr, homonyme du grand fleuve sub-caucasien et qui devient, au barrage construit par ‛Aḍud ad-Dawla, « l’une des merveilles du Fārs » : contenue par un mur aux assises plombées, l’eau devenue lac anime dix grandes roues avec meules et irrigue trois cents villages. Tout à fait à l’est, enfin, la tendance s’inverse à nouveau, l’eau de la montagne dévale vers l’intérieur des terres ; trouant les âpres solitudes du Kirmān, le Dīw-Rūz ou fleuve de Ǧīruft, dont la puissance est chiffrée de dix à cinquante moulins, coule impétueux sur un lit de rochers qui permettent, avec peine et prudence, de le traverser ; puis il s’épuise sur la chaleur des sols auxquels il réussit à insuffler la vie600.
188Poursuivons vers l’orient : ici, ce sont les massifs montagneux du ẖurasān, de l’Afghanistan et, au delà, du Pamir qui forment l’axe du système de répartition des eaux. D’abord, entre le bassin de l’Oxus (AmuDarya), que nous retrouverons plus loin, et l’Indus (Mihrān)601. Nous connaissons déjà celui-ci, fleuve noble aux eaux très douces, communiquant, pour certains, avec le Nil, qu’il rappelle, de toute façon, par ses crocodiles, sa crue, son origine paradisiaque. Autre association : avec le Gange, venu de l’Éden lui aussi, mais dont la sainteté se transfère, dirait-on, à l’Indus, où l’on ne saurait boire sans s’être purifié. A côté de la légende, la réalité, ou du moins ce que l’on en connaît. Comme l’Oxus, donc, le Mihrān vient des hautes terres du nord, qui dépêchent vers l’aval trois rivières dont la réunion, nous disent les ῌudūd, forme l’Indus : l’une qui draine les régions de Kaboul et de Banğhīr (Panğhīr)602, l’autre nommée Sind-Rūḏ, correspondant à notre Indus supérieur et moyen, enfin le Hïvān, où l’on peut reconnaître le Sutlej. Ainsi formé, le Mihrān devient « le fleuve d’or »603, plus grand que le Tigre. Traversant parfois des solitudes, il est, plus souvent, le support de tout un pays, nourrissant une multitude de villes et villages, lançant sur leurs campagnes un lacis de canaux qui, croisés avec d’autres rivières, font perdre la trace du fleuve : Petit ou Grand, Premier ou Second, le Mihrān est partout, et même là où on ne l’attend pas, jusqu’à la vallée du Narbadā (Narmadā), au delà de la presqu’île du Goudjerat604. A l’extrême aval, avant d’atteindre la mer, le fleuve fait la pause dans d’immenses lagunes qui rappellent la Baṭīḥa irakienne : là vivent, nourris de poissons et d’oiseaux, abrités dans des huttes, les Zoṭṭ et d’autres populations isolées, qui ne sortent de leur repaire que pour s’enrôler dans les armées d’al-Manṣūra, la grande ville de ce pays du Sind inférieur, ou pour se faire pirates sur la mer proche.
189Vers les mêmes latitudes, d’autres fleuves choisissent l’autre côté de la montagne, dévalant vers le Siğistān et le grand lac de Zarah qui, tout près de la capitale, Zaranğ, reçoit leurs eaux : ce sont le Nahr Farah, le ẖuwas (Nahr Nīšak), et surtout le Hīlmand avec son affluent, le Hardarūy605 ; une fois de plus, tableau classique que celui de l’eau créatrice d’oasis, mais ici avec une singulière puissance : le fleuve exige des ponts, de bateaux ou maçonnés, porte les navires, au moins en période de hautes eaux, divague parfois, mais donne vie à ce pays qui, sans lui, serait voué à périr sous les vents chargés de sable. Sa force tranquille est telle que certains, contre toute réalité, le disent de niveau constant, ses mille affluents équilibrant très exactement les mille dérivations auxquelles il donne naissance.
190Le Siğistān n’épuise pas toutes les ressources du château d’eau afghan. Nos auteurs606 lui rattachent, fort justement, trois autres systèmes hydrographiques. Au nord, celui qui donne la rivière de Balh (Bactres), le Nahr Balh ou Dahās, ce qui signifie « dix moulins »607. Nous sommes là, en fait, déjà dans le bassin de l’Oxus, lui-même désigné parfois sous le nom de Nahr Balh, bien que la ville soit à quelque distance du fleuve. Si le Dahās est considéré comme un cours d’eau à part, c’est qu’il n’atteint pas l’Oxus, dont il n’est qu’un affluent théorique : car il s’épuise entièrement dans la ville, où ses eaux courent par les rues, et dans la campagne, où de merveilleuses cultures, des vergers, des vignobles lui doivent la vie. C’est bien cela, au fond, qui importe, cet accord, toujours, de la terre et de l’eau ; la vision du géographe gomme, de la carte et de la description, l’aval, tout à fait aléatoire, de la rivière ; et quant à l’amont, on le confond avec le bassin d’un autre affluent de l’Oxus, tout aussi impuissant à tenir jusqu’au fleuve : le Qunduz608.
191Plus célèbre, le Murġāb, dit plutôt fleuve de Merv (Marw), ou des deux Merv, d’après les deux villes qu’il baigne : Merv ar-Rūḏ et Merv aš-Šāhigān609. Celui-là s’épuise aussi sur la campagne, mais après s’être tant dépensé en dérivations que Muqaddasī, qui en cite quatre, renonce à poursuivre, de peur de fatiguer son lecteur : on a évoqué plus haut610, de cette irrigation, les fastes et les règlements. Aussi bien, par sa générosité, le Murgāb est-il un fleuve béni, sauf lorsqu’il s’emballe et rompt ses digues, trahissant par là une humeur vagabonde qui, à la vérité et selon le même Muqaddasī, ne le quitterait jamais.
192Au sud, le dernier des grands fleuves de ces steppes du ẖurāsān est le Nahr Herāt, ou Harī-Rūḏ611. De toute cette région, il serait le seul à ne pas tarir l’été venu, sauf à s’épuiser dans la partie extrême de son cours, vers le pays de Saraẖs, qui ne recueille ainsi, au mieux, que le surplus des eaux du fleuve, après qu’il a fertilisé l’oasis de Herāt. Ici encore, le tableau offert est celui des dérivations, nommément désignées par nos auteurs, avec les cantons qu’elles desservent. Complétons-le, vers le nord-ouest, avec les monts du ẖurāsān : d’un côté, c’est le pays de Nasā, où l’eau des sources coule jusque dans les maisons, et d’Abīward, avec une petite rivière, le Quwayq, qui porte le même nom que celle d’Alep612 ; de l’autre, l’oasis de Nīsābūr613 et le Saġāruḏ (ou Saġāwar), animant soixante-dix moulins et surveillé, comme il se doit, par les préposés à l’irrigation. Pourtant, il s’agit là, avant tout, de la réunion de plusieurs canalisations, et l’eau, même abondante614, n’est plus, pour l’essentiel, que celle que l’on s’en va chercher dans le sol. En toute cette région du ẖurāsān, les indices se font plus insistants, d’une disparition de la vraie rivière ; bientôt, le puits deviendra roi, comme au Qūhistān615, tout proche, déjà, des solitudes implacables du grand désert de Perse.
Les trois seigneurs de l’Asie Centrale
193A l’extrême nord-est du monde musulman, l’hydrographie redevient reine. La steppe trouve ici des cours d’eau à sa mesure, qui la narguent en repoussant loin au delà de leurs rives la solitude qu’elle prétendrait imposer. Dans le tableau offert par les textes, l’eau, sous la forme des fleuves, affluents, canaux et dérivations multiples, le dispute largement aux pays, terroirs, villes ou bourgades. La toponymie historique s’est depuis longtemps emparée de ces descriptions616, et notre propos n’est pas d’y revenir, ici pas plus que pour l’Irak ou le delta du Nil ; saluons pourtant, au passage, l’ampleur du travail accompli malgré les difficultés : abondance des notations, vicissitudes du système d’irrigation, changements des noms et, parfois, divagations des fleuves. Mais interrogeons-nous, aussi, sur les raisons de ces débauches descriptives et toponymiques. La stupéfaction peut les expliquer à elle seule, devant le spectacle d’une nature domptée, d’une terre quadrillée infiniment par l’effort des hommes, d’une eau multipliée aussitôt que présente. Tableau d’autant plus merveilleux que, sans l’eau, on l’a dit, la steppe régnerait sans partage. D’où, peut-être, un phénomène de surnotation : plus l’eau est précieuse, et plus on la voit, plus on la note. Mais l’histoire, autant que la géographie, a ses raisons : pour les auteurs de la seconde moitié du ive/xe siècle, qui fournissent l’essentiel de la description, ces pays, cœur des possessions sāmānides, constituent comme le modèle d’une civilisation réussie et éclairée617. Déjà orientale d’inspiration et, largement, de sujet, la littérature des masālik wa l-mamālik finit par privilégier l’orient de l’Orient. Les chiffres parlent : à eux seuls, les cours d’eau et canaux du nord-est de l’Islam alignent presque le tiers des noms cités par Ibn ῌawqal et Muqaddasi618.
194Sur la steppe, donc, voici posé le triple galon des fleuves. D’abord, les deux géants, qui coulent vers la mer d’Aral : au nord, le Sayẖūn ou Nahr aš-Šāš (Iaxarte, Sir-Darya), au sud, le Ǧayḥūn (Oxus, Amu-Darya)619 ; entre eux, moins puissant et capitulant dans un marécage, le fleuve de Sogdiane, le Nahr aṣ-Ṣuġd (Zarafšān)620. Le bassin du Sayḥūn621 est déjà un pays-frontière, dont la connaissance ne s’est affermie que peu à peu. Les premiers géographes l’ignorent parfois, ou le distinguent mal de son voisin du sud, le Ǧayḥūn, et Mas‛ūdī évoque même une théorie qui en fait une dérivation du Danube. Au ive/xe siècle, les choses sont heureusement plus claires : des montagnes qarluq aux steppes ġuzz, c’est tout un monde turc, islamisé ou non, paisible ou agité, que traverse le fleuve. En amont, dans le Ferġāna, il porte le nom de la ville d’Ūzgand. De tous ses affluents, nombreux en ces régions de montagnes, retenons l’actuel Narin (ẖatlām, ẖay-lam, ou Ǧidġil). Puis, c’est la grande oasis du Šāš, l’actuelle région de Tachkent, avec deux rivières en rive droite : le Nahr Īlāq, d’après le pays de même nom, contigu au précédent, et le Parak622. En aval, enfin, après la ville et la rivière de Fārāb, règne la steppe implacable, jusqu’à la mer d’Aral.
195La puissance du fleuve est un des traits majeurs de la description : la crue recouvre les rives à l’infini, quinze fois plus loin que celle du Nil, nous dit Mas‛ūdī, et, entre les villages isolés sur leurs buttes, la navigation devient la règle, comme en Égypte. Le débit est estimé aux deux tiers de celui du Ǧayḥūn : aussi les grosses embarcations peuvent-elles descendre jusqu’à la mer d’Aral, d’où elles remontent dans ce dernier fleuve. Cette puissance, pourtant, ne revêt pas les mêmes formes d’un bout à l’autre du bassin. La moitié amont, où le Nahr Ūzgand n’est après tout qu’une rivière parmi d’autres, s’oppose au cours inférieur, qui rassemble définitivement les forces de la montagne en un fleuve unique, celui qui désormais, nous disent les ῌudūd, porte le nom de Nahr aš-Šāš ou de Sayḥūn. En amont, vers le Fergāna surtout, la terre désolée ne peut faire autre chose qu’apparaître dans les lointains, lorsque les pâturages, eux-mêmes rejetés au delà des cultures, lui cèdent peu à peu la place ; sur les sols qui longent immédiatement les rivières, en revanche, nous retrouvons le spectacle enchanteur des pays irrigués disparaissant sous les frondaisons, des maisons et des villes aux eaux vives. En aval, la force du Sayḥūn ne lui sert guère qu’à tenir la steppe en respect : « on le dirait sans vie », écrit Muqaddasī pour évoquer ce dialogue muet de la terre et du fleuve, celui-ci magnifique et pourtant, réserve faite des bateaux qu’il porte, inutile.
196Au sud du Sayḥūn, faisons un sort à un système hydrographique de moindre importance : celui qui arrose les pays situés entre la Sog-diane et l’Oxus623. Dévalant des montagnes proches, plusieurs rivières, dont le Nahr al-Qaṣṣārīn624 et l’Asrūḏ, arrosent la région de Kišš, puis se réunissent pour irriguer, toujours vers l’ouest, le canton et la ville de Nasaf, avant de finir, s’il en reste, dans un marécage. La fertilité de ces contrées, réelle, n’a pourtant rien à voir avec celle de la Sogdiane, immédiatement au nord, en revenant vers le Sayḥūn. Ce pays-là, Ušrūsana et Sogdiane proprement dite, aligne des villes imposantes d’où émergent les deux métropoles de Samarqand et de Buẖārā, appuyées à des terroirs prodigieusement riches et, comme eux, aux eaux du « dispensateur d’or » : le Zarafsān, connu, dans nos textes, sous le nom de fleuve de Sogdiane (Nahr aṣ-Ṣuġd) ou de Buẖārā625. Les ῌudūd résument le système : quatre rivières issues des monts du moyen Buttam forment un lac, dont l’émissaire est notre fleuve ; après avoir arrosé l’Ušrūsana et la Sogdiane, ses eaux, ou du moins celles qui n’ont pas servi à l’irrigation, se déversent dans un marais proche de Paykand : aujourd’hui le Qara-kul. Iṣṭaẖrī, Muqaddasī et surtout Ibn ῌawqal apportent à cette vue d’ensemble les précisions et parfois les fastes des merveilles nées de l’eau. En amont, c’est la nature qui domine, avec les ruisseaux et les rivières de la montagne, qui donneront, à la fonte des neiges, le fleuve profond « de trois tailles d’homme », si puissant qu’il portera les bois flottés jusqu’à Samarqand et menacera parfois les ponts ou les barrages. A partir de l’Ušrūsana, au contraire, l’homme impose sa marque, la première digue signe son intervention sur les eaux. Autour des deux énormes villes de Samarqand et de Buẖārā gravite un système, extraordinairement perfectionné, de canaux, dont la fonction est quadruple : pour les plus gros, la navigation, parfois de fort tonnage ; l’irrigation, par tout un lacis ramifié à l’extrême jusqu’au fin fond des campagnes ; l’eau potable, la ville constituant ici le centre et le symbole parfait du système ; çà et là, enfin, les moulins. Le tout contrôlé, réparti, réparé par tout un corps de fonctionnaires et par les paysans, dispensés d’impôt foncier en contrepartie des travaux d’entretien. Au delà des descriptions minutieuses d’Ibn ῌawqal, de tous ces noms de canaux, scrupuleusement notés, autour de Samarqand et de Buẖārā, émerge le paysage que nous connaissons bien et dont l’Islam recueille, en l’amplifiant, l’héritage : l’eau multipliée, à l’air libre ou souterraine, amassée ici derrière un barrage, là courant dans un aqueduc, un fossé, une canalisation plombée parfois, merveilleuse et claire, et même rehaussée de pépites d’or, ou souillée, au contraire, par les immondices de la ville énorme, et la terre, grâce à cette bénédiction liquide, disparaissant sous la verdure, la nappe des cultures interrompue seulement par les villages et les citadelles d’où l’on peut embrasser « le plus magnifique des pays de Dieu »626.
197Montagnes, oasis, steppes : le tableau se répète pour le dernier de ces fleuves, le plus grand, le Ǧayḥūn627. Célèbre et parfois mal connu, tel est l’Oxus, avec ses origines paradisiaques, ses caprices, ses mystères : pour les uns, il coule vers la Chine, pour d’autres reparaît au Kirmān, pour d’autres encore est relié à l’Indus ou, comme le Sayḥūn et peut-être sous l’effet du vent d’est, au Danube628. Sa puissance, surtout, étonne et frappe depuis toujours : il est, par la force de ses eaux, le fleuve-frontière par excellence, une limite essentielle de la géographie, au sens le plus général du terme. Les pays de la rive droite, de la Transoxiane, portent le nom de Mā Warā’ an-Nahr (l’Au-delà du Fleuve) : une Exopotamie, eūt dit Boris Vian629, un autre monde, en tout cas, dont les conquêtes musulmanes, après celles d’Alexandre630, n’ont pas rayé, tant s’en faut, toute trace dans les mémoires. Monde de la steppe immense et des montagnes inaccessibles, monde du froid, où rôdent des humanités différentes, Turcs et Huns, en bref, comme le dit la toponymie : l’Au-delà, le terme du territoire protégé par les talismans du sage Apollonius de Tyane631. Frontière mentale, frontière magique et aussi, pour revenir à la vie quotidienne, frontière économique : pour le trafic marchand, celui des esclaves surtout, qui dit franchissement du Ǧayḥūn dit nécessité de sauf-conduits et paiement de taxes particulières632.
198Plus vite que pour le Sayḥūn, cependant, la connaissance du terrain marque ici ses progrès. Dans l’ensemble, les sources de l’Oxus sont bien situées : dans les mêmes montagnes, nous dit-on, d’où naît l’Indus, soit les régions où l’Hindou-Kouch oriental s’articule sur le Pamir. Les grands affluents sont eux aussi les fils des hautes terres, pour l’essentiel en rive droite. Le haut Ǧayḥūn, ou Ǧaryāb, Waẖẖāb, aujourd’hui le Panj (Pyandzh), reçoit ainsi, dans l’ordre, les rivières d’Andīğārāġ, de Fārġar, de Hulbuk (Aẖšawā) et de Balbān, puis un très fort cours d’eau que l’on tient généralement pour le second constituant de l’Oxus : le Waẖšāb (Vakhsh), venu des confins nord du Pamir ; enfin, nées dans les monts du Buttam, comme le Zarafšān, voici les rivières du Quwādiyān et du Ṣaġāniyān633. En rive gauche, nous ne relèverons guère que le Ḍirġām (Nahr Badaẖšān) et le ẖuttalāb ; encore s’agit-il là, sur ces revers septentrionaux de l’Hindou-Kouch, d’affluents parfois théoriques, épuisés qu’ils sont par l’irrigation avant même que d’atteindre l’Oxus634. Le pays de Bactres (Balẖ), qui donne parfois son nom au Ǧayḥūn (Nahr Balẖ), bien que la ville, on l’a dit, ne soit pas sur le fleuve même, marque la fin de la montagne et, avec elle, des affluents. Désormais, et surtout à partir de Kālif635, règne la steppe, coupée seulement, de loin en loin, par des oasis vivant sur les canaux dérivés du fleuve, et surtout la plus grande, immense à la vérité : tout le pays du ẖuwārizm, qui est comme un dernier et imposant sursaut de la vie avant que les solitudes reprennent leurs droits jusqu’à la mer d’Aral.
199Ce tableau du fleuve enfin constitué, mais qui se retrouve seul à seul avec la steppe, forme un contraste total avec le paysage du bassin supérieur, de la montagne avec ses obstacles parfois formidables, ses rivières encaissées et tumultueuses, sa richesse aussi, qui surgit, dirait-on, spontanément : les arbres, les cultures, les céréales ou la vigne, sans parler des paillettes d’or que charrie le Waẖšāb636. Pourtant, au delà des deux Oxus, d’altitude et de plaine, reste l’Oxus, un des plus grands fleuves de la terre, perçu d’un seul tenant d’un bout à l’autre de son cours. Ce paradis d’où il vient, il le recrée sur terre637, les pays qu’il traverse comptant au nombre des enchantements de notre monde. Son eau est une des plus douces qui soient, ses poissons abondent638, la navigation s’étend parfois jusqu’aux canaux. Enfin et surtout, sa majesté et sa puissance éclatent, que diraient, à elles seules, les listes des points de franchissement obligés. Assez riche pour se multiplier en dérivations, au ẖuwārizm mais aussi un peu partout en amont, le Ǧayḥūn n’en mesurerait pas moins, vers les approches de la mer d’Aral, près de deux parasanges de large, soit environ onze kilomètres. En période de hautes eaux, il a pu rayer de la carte toute une ville, Kāṯ, et le spectacle fascine, en hiver, de sa masse gelée qui, gagnant peu à peu vers l’amont, supporte les caravanes les plus lourdement chargées639. Concluons : c’est sa puissance qui a valu à l’Oxus sa place singulière sur la carte du globe. Fleuve des marges irano-turques640, il est devenu fleuve de l’Islam sans que la frontière qu’il trace soit tout à fait oubliée : à ce monde nouveau qui s’annonce sur sa rive nord, il fournit toujours un signe à sa mesure. Musulman, il reste universel. Il est, avec les autres très grands fleuves de la terre, Nil, Tigre et Euphrate, le signe de l’avènement de l’Islam à une histoire et à une géographie totales.
Notes de bas de page
1 Cf. Eliade, Forgerons et alchimistes, op. cit., 130 et 139. Les lignes citées sont de Kirchweger, auteur présumé de l’Aurea catena Homeri (1723). La liaison eau-pierre philosophale est clairement perceptible dans FAQ, 205.
2 Les références des textes cités sont les suivantes : XXV, 55/53-56/54, XXI, 31/30, XXVII, 62/61 (cf. supra, chap. I p. 26 i.f.-27), XIV, 37/32 (partiellement), XVI, 15. Ma traduction emprunte à celles de R. Blachère et M. Hamidullah.
3 Sans parler des interprétations relevant de l’eschatologie, à partir d’un autre passage du Coran, XXIII, 100/102 : cf. B. Carra de Vaux, dans EI (2), I, 1103-1104. Pour les interprétations signalées ici, cf. même article et Blachère, Coran, II, annotation p. 310-311.
4 Coran, VI, 2, XX, 57/55, XXII, 5, XXXII, 6/7-7/8, LV, 13/14.
5 R. Blachère : « potable » ; M. Hamidullah : « rafraîchissante ».
6 La relation pluie-végétation est directe dans la quasi-totalité des trente six cas relevés par Blachère (Coran, index, s.v. « pluie ») ; dans trois cas seulement, l’eau de source ou de rivière s’intercale entre les deux termes : XIII (Bl. n° 92), 18/17, XXIII (66), 18-19, XXXIX (82), 22/21.
7 Déjà esquissé, on l’a dit, dans trois passages coraniques : cf. note précédente.
8 YA‛Q, 325 ; certainement la grosse source de Ra’s al-‛Ayn, qui irrigue Baalbek et ses environs.
9 HUR, 172 ; le site est lié à la mort du calife al-Ma’mūn ; il relève du système hydrographique du Baradā(n), le Cydnos des anciens.
10 FAQ, 64 (cf. ibid., 116). On reviendra sur le Jourdain et le Nil. La mention des autres lieux s’explique peut-être par leur caractère sacré, qui interdit la réutilisation des eaux qui les ont touchés (al-ῌuğurāt, pl. de ḥuğra, semble renvoyer aux « chambres » où sont enterrés le Prophète, son épouse ‘Ᾱ’iša, ses deux successeurs Abū Bakr et ‘Umar, ses ancêtres, ou tel personnage célèbre : cf. EI (2), III, 564; Harawī, Kitāb az-ziyārāt, éd. citée, p. 63 et 90-91, trad., p. 141 et 206-207).
11 ῌud, 70 ; par rivières naturelles, le texte reprend la différence faite un peu plus haut (ibid., 69) entre cours d’eau naturels et artificiels (canaux).
12 IHW, I, 164-165.
13 Sauf la réserve de ses autres œuvres, perdues, auxquelles il renvoie, dans le passage évoqué ici (Prairies, § 214), pour d’autres opinions relatives à l’origine des cours d’eau. L’hypothèse émise par les Iẖīwān ne semble pas non plus retenue dans le Tanbīh (p. 45-46).
14 Supra, chap. I, p. 108.
15 FAQ, 64, 78. Le sable réapparaît, en place des monts de la Lune (cf. Géographie II, 136-138), sous la forme de la montagne (ou des montagnes) du Sable, chez USW, 259. Cf. J. H. Kramers, « Nil », dans EI, III, 981.
16 USW, 260. Il est évident que le « puis » doit s’entendre en remontant le fleuve. Le confluent se situe près de Sūba, la capitale du pays nubien de ‘Alwa, fort bien connu d’Uswānī ; a fortiori, ce n’est pas non plus en aval qu’on trouvera un Nil large d’un mois de marche. Je renvoie globalement, pour les pays des sources du Nil et du Nil supérieur, qui ne relèvent pas de la mamlaka, à Géographie II, 135 i.f.-138 et 153 sq.
17 Eliade, Forgerons et alchimistes, op. cit., 33.
18 Ibid., p. 16.
19 FAQ, 117.
20 Cf. MUQ, trad., p. 65, n. 114.
21 MAS (p), § 288-289 ; MUQ, 21-22 ; WAS, 344 sq.
22 HUR, 161, FAQ, 73 ; allusion dans Coran, XLIII, 50.
23 MAQ, II, 42, IV, 56.
24 Genèse, II, 10-14 ; Vigouroux, Dictionnaire, s.v. c fleuves », II, 2290 ; Kramers, « Nil », dans EI, III, 979 ; MAS (t), 97, n. 2 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 434, n. 1.
25 Coran, LXXVII, 27 ; FAQ, 95. Sur la tradition, mulsumane, cf. A. J. Wensinck, Handbook of early Muhammadan tradition, Leyde, 1960, p. 183. Autre cas d’islamisation d’un thème : le rocher sacré au-dessus d’une source devient un masgid Ibrāhīm : FAQ, 117. Pour un autre domaine, pehlevi en l’espèce, de « spirituali-sation de la géographie fluviale », cf. J. de Menasce, « Exégèse spirituelle d’un mythe géographique mazdéen », Journal asiatique, CCLIX, 1971, p. 21-24.
26 Sur ces thèmes, cf. FAQ, 64, 95, 174-175, 220 (une source, en Iran, sur l’Elvend, compterait parmi celles du paradis) ; MAS (p), § 288-289, 775; MAS (t), 35 (lait et miel pour la région d’Alexandrie) ; MAQ, II, 42, IV, 56 ; MUQ, 21-22, 23 (corriger Rass en Šāš (Nahr aš-Šāš, autre nom du Sayḥūn) : cf. trad., p. 65, n. 114), 113 (Euphrate, sous le nom de « fleuve »), 136-137, 145, 193, 200, 203 i.f., 298 (rivière de la région de Merv, bénie en raison du souvenir d’Alexandre, réputé fondateur de la ville : cf. FAQ, 316), 474 (Indus, non nommé, qualifié de noble) ; WAṢ, 43-44, 344-350. On devra peut-être aussi rapprocher de ces données le chiffre sept (pour les fleuves constituant le Nil en amont du pays de ‛Alwa, USW, 259 ; pour les rivières arrosant la ville d’aš-Šīz, au Ǧibāl, et dont chacune fait tourner un moulin, MIS (b), 8). Pour la tradition musulmane, cf. Ibn ῌanbal, Musnad, Le Caire, 1311/1893, II, p. 289, 335, 446 ; III, p. 164 ; IV, p. 14, 208 sq.
27 MUQ, 23 (trad., p. 65, n. 115-116) ; les références au Coran sont respectivement : XIII, 18/17 ; XXV, 40/38, L, 12 ; XV, 27, LII, 27, LVI, 41/42.
28 Le cas est d’autant plus complexe que Kurr, dont le nom signifie « puits », tout comme rass, est aussi une rivière du Fārs, tout comme le Rass (cf. ῌAW, 263, 275-276 ; MUQ, 446). Il semble bien pourtant, vu l’importance des cours d’eau de la région Arménie-Ᾱḏarbayğān-Caucase, qu’il s’agisse de ceux-ci. Autre difficulté : dans la tradition rapportée par Muqaddasī, au Kurr de l’enfer est opposé le Rass du paradis. J’ai corrigé plus haut (cf. ci-dessus, n. 1) Rass en Šāš, pour retrou ver le Sayḥūn ; peut-être ai-je eu tort, mais si on conserve telle quelle la classification rapportée par Muqaddasī, on ne voit pas bien ce que viendrait faire, dans un contexte paradisiaque, un fleuve dont le nom renvoie si évidemment à des notations péjoratives. Cf. infra, p. 215.
29 Au demeurant incertain : cf. l’hésitation de l’éditeur, s.v. ; BGA, IV, 140, et MUQ, 23, n. i.
30 On ne peut tout à fait exclure le sens même de samm (trou de l’aiguille) dans l’image du chameau passant par ce trou avant que les impies puissent entrer au ciel (Coran, VII, 38/40). Yāqūt, Buldān, III, 245, parle d’un Wādī Summä, au ῌiğāz.
31 Var. : Sabẖa (terrain salin).
32 Cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 124, n. 1, et R. Hartmann, « Furāt », dans EI (2), II, 968 (1).
33 La tradition est déjà rapportée par Ibn Qutayba, chez lequel la paire impie est constituée par le Tigre et l’Oxus (Nahr Balẖ), la raison de l’impiété étant dans une irrigation parcimonieuse, qui trancherait avec celle, généreuse, du Nil et de l’Euphrate : cf. Maqīzī, éd. Wiet, Mémoires de l’Institut français d’Archéologie orientale du Caire, XXX, p. 218. Cf. FAQ, 174 ; MUQ, 145. Sur le Barhūt (ou Barahūt, ou Bal(a)hūt), cf. HAM, 128, 201, 203 ; supra, chap. I, p. 108, n. 9 ; Harawī, Kitāb az-ziyārāt, trad. citée, p. 38 et 221 ; Yāqūt, Buldān, I, 405-406.
34 MAS (p), § 213.
35 Les passages cités sont extraits de MAS (p), § 785, 229-235 ; cf. aussi MAS (t), 80; RST, 94 i.f.-95 ; MUQ, 18, 20 (n. k), parle, à propos du Nil, d’un bras qui se déversait dans la mer Rouge : sans doute confusion avec le canal, alors désaffecté qui joignait le Nil à la mer : cf. Kramers, « Nil », dans EI, III, 980 (1).
36 « L’ancien », de fait.
37 Appellation habituelle du Šaṭṭ al-‛Arab, mais Mas‛ūdī parle ici de l’ancien cours du Tigre (note du traducteur, Ch. Pellat) : cf. infra, p. 204, n. 2.
38 C’est-à-dire : la partie basse et inondable (note du traducteur).
39 Cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 221-225 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 25 i.f.-29 ; M. Streck et J. Lassner, « Kārūn », dans EI (2), IV, 702 (2).
40 Résumée par B. Spuler, « Amū-Daryā », dans EI (2), I, 468-470 (avec bibl.) ; cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 455 sq. ; Barthold, Turkestan, 146, 150 et passim ; Camena d’AImeida, dans Géogr. univ., V, op. cit., 303.
41 YA‛Q, 278 ; rectifier la trad. Wiet, p. 83 (« le Huwārizm se trouve à l’embouchure de l’Oxus »), qui fait confusion, et lire : « à l’extrémité de l’Oxus, en sa dernière partie (‛alä āẖiri nahr Balẖ) ».
42 RST, 91-92 (cf. Barthold, Turkestan, 146) ; ῌud, 71.
43 HUR, 173 (et n. g); particulièrement intéressant : l’auteur fait déboucher le fleuve dans la mer d’Aral (Buḥayrat Kardar — ou Kurdur, ou Kurdar), mais lui-même, ou un copiste, ou un glossateur, a rajouté : dans la mer du Ǧurğān, c’est-à-dire : dans la Caspienne. En MAS (t), 96, la description du lac, un des plus vastes de la terre (cf. Prairies, § 223) renverrait à la mer d’Aral, mais Barthold (loc. cit.) voit plutôt, dans « ce lac appelé al-Ǧurğāniyya », le Sari-Qamish, sur l’ancien lit de l’Oxus vers la Caspienne, à 250 km environ au sud-ouest des rivages de la mer d’Aral ; de fait, il est dit que « ce lac donne naissance à d’énormes canaux qui se déversent dans la mer des Khazars (la Caspienne) » ; cf. aussi ibid., 97 i.f. Ibid., 97 (premier paragraphe) et 245 (corriger, dans la traduction de Carra de Vaux, « lac de Ǧurğān », qui renverrait à la Caspienne, en « lac d’al-Ǧurğāniyya » : al-buḥayra al-ğurğāniyya, dit le texte arabe) accroissent la confusion puisque ce lac, le Sari-Qamish donc, recevrait, en même temps que l’Oxus, l’Iaxarte (Sayḥūn, Sir-Darya) : on pense d’autant plus à la mer d’Aral que ses bords verraient les affrontements des Ġuzz avec les Kīmāk.
44 IṢṬ, 166 i.f.-167, 169 ; ῌAW, 451 i.f. (mer d’Aral appelée aussi lac de l’Oxus), 477, 480.
45 MUQ, 22, 285 ; cf. Spuler, « Āmū-Daryā », dans EI (2), I, 468 (2), et Le Strange, Eastern Caliphate, 455.
46 Cf. Spuler, loc. cit.
47 Sans parler du Sari-Qamish (ci-dessus, n. 1). Cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 458, n. 1.
48 HUR, 178 ; FAQ, 27 ; RST, 90-91.
49 MAS, cité supra, p. 116 ; FAQ, 220, 225 ; RST, 94.
50 Cf. Géographie II, 18, et MAS (t), 69 i.f.
51 FAQ, 63, 66-67 ; MAS (t), 242 ; ῌAW, 153.
52 MAS (p), § 424 ; MAS (t), 242.
53 MAS (t), 242.
54 SER, 44 (a-b) ; MAS (t), 242 ; ῌAW, 153 ; MUQ, 22, 23 (n. q de 22) ; cf. R. Hartmann, dans EI (2), I, 727, et YA‛Q, trad., p. 169, n. 6. On reviendra plus loin, à propos de la carte, sur les incertitudes du système hydrographique Oronte-Jour-dain-Baradä (cf. aussi infra, p. 125, n. 2, p. 126, n. 1, et p. 196-198.).
55 HUR, 28 ; QUD, 205 ; FAQ, 327 i.f. Le nom est obscur (sauf dans sa der nière partie, pers. āb : eau, fleuve) ; cf. les hésitations de l’éditeur (HUR, loc. cit., n. g ; FAQ, loc. cit., n. s).
56 FAQ, 64.
57 MAS (p), § 776.
58 FAQ, 208 (Hindmīḏ) ; MIS (b), 33.
59 FAQ, 259-260.
60 MUQ, 397.
61 MAS (p), § 89 ; MAS (t), 107 ; voir infra, à propos de sa résurgence.
62 QUD, M 65. Sur les incertitudes du système hydrographique de la région, cf. supra, p. 123, n. 7, infra, p. 126, n. 1, et p. 196-198, où l’on verra que Qudāma n’est pas le seul à partager ces erreurs.
63 MIS (b), 28-29.
64 HUR, 176; FAQ, 266; MAS (t), 108.
65 MAQ, IV, 90, qui ajoute que les géants rirent de la petite taille de leur visiteur, mais pose sagement la question : comment le Turc est-il retourné pour pouvoir faire ce récit ?
66 Les références sont, respectivement : MIS (b), 16 ; HAM, 160 ; MAS (t), 97 ; HUR, 20 i.f., 176 ; FAQ, 266 ; RST, 155 ; MAS (t), 107-108 ; ῌAW, 366 (variante : le Zarīn-Rūḏ se perdrait dans un lac du Kirmān, le Ṭahfīrūz) ; HUR, 79 i.f. ; MAS (t), 107-108 ; MUH (y), V, 315-316 (et Yāqūt, Buldān, IV, 167 ; Baedeker, Palesline et Syrie, op. cit., 12, 241 ; Carra de Vaux voit dans Abī Fuṭrus le décalque d’Antipatris, Kafar Sābā (cf. Besnier, Lexique de géographie ancienne, op. cit., 54) citée comme étant dans le voisinage du fleuve).
67 Puisque, d’un côté, il est réputé inépuisable (cf. supra, p. 116), et ce même aux jours futurs de la catastrophe précédant le Jugement Dernier (cf. FAQ, 116 ; ibid., 104, pour le Nahr Abī Fuṭrus), et que, d’autre part, l’apport de ses eaux ne modifie en rien le niveau de la mer Morte, comme on l’a vu un peu plus haut. Tout cela s’ajoute aux incertitudes signalées supra, p. 123, n. 7, p. 125, n. 2, et infra, p. 196-198.
68 Cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 151, 152, 177, 188, 216.
69 MIS (b), 8, 11, 14, 37.
70 MAS (p), § 705 ; MUQ, 397 (1. 9-10 ; cité supra, chap. I, p. 108).
71 MIS (b), 8, 11, 14 ; FAQ, 247 ; RST, 158, 159 ; ISῌ, 436 ; RᾹZ, 67 ; MUQ, 397 (1. 8 ; cité supra, chap. I, p. 108).
72 HUR, 172.
73 FAQ, 199-200.
74 HUR, 172 ; FAQ, 247 ; ῌAW, 346 ; MUQ, 146. La formule est d’Ibn al-Faqīh (pour l’alun et le sel ammoniac) et d’Ibn ῌawqal (pour le borax).
75 Cf. MIS (b), 11 ; RST, ῌAW et MUQ, loc. cit.
76 Cf. supra, chap. I, p. 99 et 101.
77 SER, 40 (a) ; RST, 185 (hawl).
78 FAQ, 189. En fait, il y a confusion entre toutes ces graphies : cf. BGA, IV, 230 et 370 (avec d’autres références) ; l’usage de ces mots semble s’étendre du bas Irak au Fārs occidental ; cf. MUQ, 426, 1. 7 et 10.
79 ῌAW, 278-279.
80 Fawwāra ; sur le dernier sens, cf. par exemple FAQ, 205 (H. Massé traduit simplement par « firent jaillir »).
81 YA‛Q, 325 ; ῌAW, 174.
82 Cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 30-74, passim.
83 FAQ, 104-105. Autres exemples de nahr donnant leur nom à une ville ou une région : ῌAW, 243, 245, 252 ; MUQ, 114-115.
84 Ex. ῌAW, 174 (canal dérivé du Baradä par ordre de Yazïd b. Mu‛āwiya), 243 (nhār prenant leur eau au Tigre).
85 Ex. ῌAW, 236-237, 243, 479-480, 484-486, 496-497, 501 et passim.
86 MAS (p), § 304, 777 ; FAQ, 58 ; Maqrīzī, éd. citée (Mém. de l’Inst. fr. d’Archéol. or. du Caire), 218, n. 5.
87 ῌud, 69-70, partiellement cité supra, p. 116.
88 Plus loin, l’auteur précise (ῌud, 79) que seules sont navigables les rivières qu’il vient de mentionner dans son panorama général (ῌud, 69-79).
89 1. ῌud, 70-79.
90 2. Avec, pour le premier cas, un exemple particulièrement net (loc. cit., § 46) : « une autre rivière se sépare du Tigre au-dessus de Bula et est appelée Nahr Bula » : il s’agit évidemment d’un canal (cf. la trad. de Minorsky, loc. cit.) ; l’autre catégorie recouvre ce que nous appelons les affluents.
91 3. Loc. cit., § 24, 26, 40, 48 (2 ex.) ; 27, 39 et 45 (moins nets).
92 4. Loc. cit., § 27.
93 5. Sayl, litt. : le ruissellement.
94 6. Pour les sources du Nil, par exemple (cf. Géographie II, 135 i.f.-138), ou, de façon moins explicable, pour le système Jourdain-Oronte-Baradä : cf. supra, p. 123, n. 7, p. 125, n. 2, p. 126, n. 1, et infra, p. 196-198.
95 7. Cf. supra, chap. I, p. 51 ; notion perceptible même en des régions sans grandes rivières pérennes ; cf., pour le Yémen, HAM, 109.
96 On reprendra cette évocation plus loin, à propos de la carte. Pour une vue générale, on pourra faire appel à la géographie de la ṣūrat al-arḍ, universelle (ῌud, 70-79) ou réduite aux pays d’Islam (MUQ, 20-24).
97 ῌud, 71, 208.
98 Pour le Nil, le Tigre, l’Euphrate, le Baradä, le Ǧayḥūn, le Sayḥūn, le Duğayl (Kārūn, fleuve d’al-Ahwāz), le Murġāb (fleuve de Merv) : IṢṬ, 57, 59, 166 ; ῌAW, 174, 238, 475, 511 i.f. ; MUQ, 189, 198, 200, 201, 285, 293, 312, 411 ; ῌud, 77.
99 Cf. le tableau des ῌudūd, 70-79, passim.
100 Sur su‛ba et les mots de cette racine, cf. chap. I, p. 32-34. Cf. aussi, par ex., ῌAW, 236 i.f., 243 ; MUQ, 20 (n. k).
101 Cf., sur ce sens de šu‛ba et de la racine, ῌAW, 79 i.f. (pour un fleuve côtier du Maroc) ; MUQ, 20 (pour le Hābūr par rapport à l’Euphrate), 117 (pour le Tigre : confluence de canaux et des rivières venues du Hūzistān ; cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 28, 42-43 et passim), 290 (peut-être des canaux déjà dérivés et se reversant dans le Ǧayẖūn), 482 i.f. (rivières composant le Ǧayẖūn à ses origines). Cf. BGA, IV, 274.
102 Cf. supra, p. 128 (et n. 5). A noter que les deux exemples cités, pour ne parler que de ceux-là, offrent le double mouvement : de la ville au cours d’eau et de celui-ci à la région, et que c’est la ville qui est l’initiatrice.
103 Celle-ci non pas sur le fleuve même, mais à quelque distance en rive gauche.
104 Cf. BGA, IV, index, s.v.
105 Ex. RST, 90 ; FAQ, 63, 64, 95 ; YA‛Q, 358 ; MAS (t), 242. La précision peut être due au désir de distinguer le fleuve de certains autres cours qu’on lui prête, en Afrique occidentale notamment (cf. Kramers, « Nil », dans EI, III, 981 (2), et Géographie II, 136, 140), moins probablement d’une localité irakienne (MAS (t), 78 ; MUQ, 27, 53, 114, 121), avec canal de même nom : cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 72-73.
106 On renvoie globalement ici aux index de la BGA, IV, s.v., en se contentant, à l’occasion, de quelques précisions supplémentaires.
107 Cf. ῌAW, 361, 365 ; MUQ, 396.
108 Pour les deux derniers noms, cf. RST, 89 ; MAS (t), 81 (le nom composé de Mihrān as-Sind répondant peut-être à celui de Nīl Miṣr, compte tenu du parallèle traditionnellement établi entre les deux fleuves).
109 Sur cette confusion, cf. FAQ, qui parfois distingue (63-64, 116) et parfois confond (95). Sur l’appellation de Nahr Kālif, d’après une ville de la rive droite, cf. MAS (t), 95, qui précise ensuite qu’il s’agit du Ǧayḥūn, fleuve de Balh, d’atTirmiḏ et du Huwārizm : autres appellations possibles, le cas échéant.
110 Pour les deux premiers noms, cf. MAS (t), 88, 211, 242 ; YA‛Q, 324 ; RST, 91. Sur l’Oronte, cf. également infra, p. 174.
111 Pour le nom de Duğayl (al-Ahwāz), cf. HUR, 176 ; YA‛Q, 272 ; RST, 90, 91.
112 Cf., outre BGA, IV, index, s.v. ; Hud, 73 ; MAS (p), § 510 ; MAS (t), 83 i.f.
113 Cf. RST, 91 ; MAS (t), 95. Le dernier nom est pris à une peuplade (cf. Géographie II, 224) ; les deux premiers sont, de fait, ceux d’une des rivières qui forment le haut Oxus : panorama dans ῌAW, 475, et Le Strange, Eastern Caliphate, 435.
114 IṢṬ, 62 ; ῌAW, 252, 365 ; ῌud, 74-75, et Le Strange, Eastern Caliphate, 48, 237. Un dernier nom, Bahmanšīr, dans MAS (t), 78, atteste de la confusion, en aval, des bassins du Duğayl et du Tigre, à travers, notamment, les noms de Diğla al-‛Awrā’ et d’al-A‛mä : cf. Streck et Lassner, « Kārūn », dans EI (2), IV, 702.
115 ῌAW, 486.
116 ǦᾹῌ (a), 198 ; QUD, 233 ; MAS (t), 78, et S. H. Longrigg, dans EI (2), I, 417.
117 ῌud, 72.
118 Voir des exemples dans Le Strange, Eastern Caliphate, 57, 59, 60, 73.
119 IṢṬ, 155, i.f. ; ῌAW, 448; ῌud, 73, 211.
120 Cf. BGA, IV, index, s.v. Pour l’Araxes (ar-Rass), fleuve d’Arménie qui rejoint le Kurr, voir aussi un homonyme, dans le Fārs encore, chez ῌAW, 275 (trad., p. 271, n. 197).
121 Le Strange, Eastern Caliphate, 51 et passim.
122 Ibid., p. 240.
123 MUQ, 408.
124 HUR, 175 ; YA‛Q, 269 ; RST, 90 ; ῌud, 76 ; BGA, IV, index, s.v., et Le Strange, Eastern Caliphate, 60-61 et passim.
125 MUQ, 474, 479-481 ; MAS (t), 83 ; comparer avec ῌud, 72.
126 YA‛Q, 324. Hims n’est pas tout à fait sur le fleuve, mais le texte ne laisse aucun doute.
127 Cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 130-131 ; P. Schwarz et A. Miquel, « Karkha », dans EI (2), IV, 680.
128 De la tribu parfois, pour un canal : cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 41.
129 IṢṬ, 57 (le nom du canal pouvant aussi renvoyer à la région qu’il irrigue) ; ῌAW, 236.
130 MIS (b), 45-46 (repris dans Yāqūt, Buldān, IV, 406) ; cf. C. E. Bosworth, « Īdhadj », dans EI (2), III,. 1041 ; Schwarz, Iran, IV, 338. L’expression de « mer tumultueuse » (baḥr ‛ağğāğ) semble avoir la faveur de l’auteur : cf. supra, p. 124.
131 Supra, p. 128 i.f.-129.
132 MAS (p), § 213, 236. Une indication d’étiage (du Nil), ibid., § 778.
133 On trouvera ces références infra, p. 148, n. 4, et p. 149, n. 1.
134 MUQ, 329-332.
135 Ni, en tête du volume, le tableau général des cours d’eau de l’Islam (p. 19-24).
136 MUQ, 9.
137 MUQ, 362 (az-zād wa l-mā’ : provisions et eau) ; ῌAW, 155.
138 Intervention à travers un point de rituel : MUQ, 387.
139 FAQ, 223. Suit, quelques lignes après, le thème inverse et attendu : l’eau source de mort, par son manque ou son excès.
140 A Ᾱmid, en Haute-Mésopotamie : MUQ, 140. Comparer avec une autre direction majeure, citée supra, chap. I, p. 87, n. 3.
141 MUQ, 164, 462 et passim.
142 MUQ, 402, 408, 444, 462 (différence avec moulins actionnés par chameaux) et passim. MIS (b), 26, parle d’une rivière capable de faire tourner cent moulins.
143 MUQ, 124, 198 ; cf. aussi, pour la navigation, ibid., 135, 196 i.f., 197, 200 i.f., 291-293, 323, 409, 411-412, 414, 419 (et n. c). Sur le sens de rifq (vie facile, ressources naturelles, richesses), cf. ex. dans MUQ, 119, 1. 8.
144 ῌAW, 137, 145 ; MUQ, 206 i.f., 414.
145 Pour ce dernier cas, cf. MUQ, 129 (où je vocalise la leçon ḥğr avec seconde consonne quiescente ; sur la racine blḏ, cf. BGA, IV, 192-193 ; sur la IIe (ou Ve) forme de la racine šmr, ibid., 277). Sur l’approvisionnement en eau à la rivière, au fleuve, au canal, cf. MUQ, 121, 138, 140, 161, 196, 197, 198, 206, 207 i.f., 208, 283, 288, 291, 304, 305, 306, 312, 319 (n. o de 318), 321, 331, 408, 412, 413, 425, 429, 432, 435, 437, 462-467, 479, 480.
146 MUQ, 447 (n. 6) ; FAQ, 189.
147 ǦᾹῌ (a), 198.
148 FAQ, 189 ; MUQ, 429.
149 Sur al-Barṣa, malgré le canal (FAQ, loc. cit.), cf. MUQ, 129. Autres cas, avec la fréquente mention « de loin » : MUQ, 79, 83, 85, 86 (2 ex.), 87, 129, 196, 326 (n. e), 416, 427, 428.
150 Page exemplaire : MUQ, 168 ; sur l’aqueduc aérien (qanāt mu‛allaqa : canal suspendu), cf. MUQ, 164 ; pour les glacières, naturelles ou artificielles (maṯāliğ), cf. RST, 167, 198 ; pour le château d’eau (šaḏruwān), cf. BGA, IV, 268-269.
151 C’est Muqaddasī qui donne la nomenclature la plus riche (compte non tenu de mots plus usuels) pour toute cette hydraulique : dawlāb ou dūlāb (pl. dawālīb), ḥannāna, zarnūq, qādūs, fawwāra, sāniya (pl. sawānī), hayzūr (pl. hayāzīr), anṭūniya, muzammala, nā‛ūra (pl. namā‛īr : notre « noria »), šubbāk : cf. MUQ, 31, 93 (et n. o), 155, 164 (trad., p. 184, n. 161), 208, 231, 233, 252, 394, 402, et BGA, IV, 182, 220, 225, 253, 265, 270, 321. Sur musannāt (digue pour élever l’eau en vue de l’irrigation), cf. ǦᾹῌ (a), 197. Chez SER, 33 (b) et 34 (b), on trouve aussi dawālī (sg. dāliya) et šawādīf (sg. šādūf). Sur sāqiya avec le sens de sāniya, cf. BGA, IV, 262. Sur ces techniques, cf. L. Ménassa et P. Laferrière, La Sâqiya, Le Caire, 1974.
152 Ex. MUQ, 234, 253, 271.
153 IṢṬ, 64 ; ῌAW, 255 ; MUQ, 417.
154 FAQ, 259, 265.
155 MAS (p), § 308-309. Sur Casthos, cf. ibid., trad., p. 116, n. 4 ; Géographie II, 17, n. 6 ; L. Bolens, Les méthodes culturales au Moyen Age d’après les traités d’agronomie andalous : traditions et techniques, Genève, 1974, p. 37 ; M. Hamidullah, Le Dictionnaire botanique d’Abu ῌanīfa ad-Dīnawarī, Le Caire, 1973, p. 15.
156 Multaziq : le traducteur comprend : « qui adhèrent à la paroi », ce qui est le cas, de toute façon, pour toutes les gouttes. Il me paraît préférable de donner à la VIIIe forme son sens réfléchi moyen, d’où : consistant, épais, gros.
157 Sur ces thèmes, cf. FAQ, 189 ; ῌAW, 146 ; MUQ, 129 (et n. z), 198, 207. Sur la pièce d’argent dite muzabbaqa (dānaq), cf. BGA, IV, 252.
158 RST, 155 ; HUW (m), 69 sq. ; ῌAW, 366, 433, 436, 497 ; MUQ, 330 sq. Cf. aussi Buhārī, Al-ğāmi‛ aṣ-ṣaḥïḥ, trad. dans O. Houdas et W. Marçais, Les traditions islamiques, Paris, 1903-1914, 4 vol. : t. III, p. 102-112. Quelques précisions sur divers points du texte traduit : sur le « préfet de police » (wālī l-ma‛ūna, amīr al- ḥimāya), cf. Dozy, Supplément, II, 192 ; C. Cahen, dans EI (2), III, 406-407. Sur šaqq pris en un sens collectif (étalonnage, graduation), cf. BGA, IV, 275. La ša‛īra, grain d’orge, est une unité de poids (cf. E. de Zambaur, « Habba », dans EI (2), III, 11) ou, comme ici, de mesure (cf. Géographie II, 17-18 et fig. 6) ; selon les indications de MUQ, 65-66, elle équivaudrait à un peu moins de 4 mm. J’ai traduit par « fascines » le mot šawk, litt. : épines (sur quelques incertitudes du texte, cf. MUQ, 331, n. e et d). Bi-šay’in ma‛lūmin fī kulli yawmin : on peut comprendre, au lieu de « pour un tarif journalier déterminé » : « selon une quantité fixée pour chaque jour » ; il me semble préférable de se référer à ce qui a été dit plus haut, de façon générale, sur les appointements de ce personnel.
159 FAQ, 221 i.f.-222.
160 MAS (p), § 896-897.
161 L’eau froide n’est pas opposée à l’eau naturellement chaude, mais à l’eau douce chauffée. Le milieu apparaît aussi à travers l’eau argileuse, plus précisément définie comme celle, « blanchâtre et brillante, qui sort des montagnes argileuses et se dirige de l’est vers l’ouest, parce qu’elle est plus promptement impressionnée par la chaleur et le refroidissement de l’atmosphère » ; par où, on le voit, le milieu doit s’entendre au sens large : terre des montagnes, mais aussi air.
162 Cf. références supra, p. 114, n. 1 ; ῌAW, 481, signale que, malgré la puissance des fleuves (Amu-Darya et Sir-Darya) et l’exiguïté de la mer d’Aral, celle-ci reste uniformément salée : d’où l’hypothèse de sa communication avec la Caspienne.
163 MUQ, 445.
164 MAQ, II, 42 ; cf. supra, chap. I, p. 108, et infra, p. 160 i.f.-161.
165 IṢṬ, 41 ; ῌAW, 156 ; MUQ, 208 ; ISῌ, 447.
166 HAM, 155.
167 MAS (t), 106-107 ; pris à Météorologiques, II, 3, 38.
168 MAS (p), § 65.
169 MAS (t), 45, cité supra, chap. I, p. 108.
170 WAṢ, 116.
171 MUQ, 129.
172 MAS (p), § 897.
173 ῌAW, 464, 467 (à la réserve, ici, que c’est une eau offerte glacée dans les rues de Samarqand).
174 ῌAW, 488, évoqué supra, chap. I, p. 50 (et n. 6).
175 Supra, chap. I, p. 109 (et n. 2 et 4).
176 MAS (p), § 913 ; FAQ, 214 ; HAM, 105 ; IṢṬ, 44 i.f.-45 ; ῌAW, 173, 366 ; MUQ, 161, 185-186, 334.
177 IṢṬ, loc. cit. ; ῌAW, 173.
178 FAQ, loc. cit.
179 Cf. Géographie II, 11.
180 Cf. MAS (t), 38, 70. A noter que cette répartition ne tient pas compte du genre des deux noms en arabe, pas plu que ne semble le faire le folklore : cf. M. Rodin-son, « Ḳamar », dans EI (2), IV, 541 (avec bibl.).
181 MAS (p), § 90.
182 FAQ, 151.
183 ῌAW, 161-162.
184 FAḌ, 106-107, pour le pays petchénègue (cité dans Géographie II, 228).
185 MUQ, 124. L’épithète laṭīf doit s’entendre au sens de « subtilisant le sang » (opposé à ġalīẓ. (cf. Dozy, Supplément, II, 532, et infra, p. 167, n. 4) ou, comme ici, au nom ṣalāba : force, rudesse, employé pour l’Euphrate) et favorisant l’alacrité intellectuelle : j’aurais traduit al-mutafaqqiha au sens général de « ceux qui s’adonnent aux activités de l’esprit », sans la référence explicite à un spécialiste du fiqh (sur al-Ǧaṣṣās, juriste hanafite, 305/917-370/981, cf. O. Spies, dans EI (2), II, 498). A propos du Nahr aṣ-Ṣarāt, la traduction littérale serait : « en dessus du Nahr aṣ-Ṣarāt, avant que l’Euphrate touche cette eau » ; le Ṣarāt est en effet un canal dérivé du Nahr ‛Isä (lui-même coulant de l’Euphrate au Tigre), qui se jetait dans le Tigre à Bagdad : cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 66.
186 RST, 155 ; FAQ, 221 ; ṯA‛A, 124.
187 L’application, chez cet auteur, de l’adjectif « femelle » à l’eau du Nil, fleuve du genre masculin, fait justice d’une interprétation à laquelle on pourrait penser pour la Mésopotamie : eau femelle pour le Tigre parce que le nom du fleuve est féminin (Diğla) et l’inverse pour l’Euphrate.
188 Cf. Eliade, Forgerons et alchimistes, op. cit., 31, et Karağī, Kitāb inbāṭ al-miyāh al-hafiyya, trad. A. Mazahéri : La civilisation des eaux cachées, Nice, 1973, p. 67.
189 Sur une autre résurgence, peut-être, de l’opposition mâle-femelle, cf. infra, p. 162.
190 MUQ, 9.
191 Cf. respectivement, Yāqūt, Buldān, I, 285, citant Abū Dulaf Mis‛ar (il s’agit du Duğayl et de sa dérivation, le Masruqān) ; MAS (t), 79 ; ῌAW, 210, 298 ; MUQ, 144, 483 ; USW, 259-260 (autre notation : en laboratoire, dirais-je, de l’eau du Nil Blanc versée dans celle du Nil Vert reste laiteuse pendant une heure).
192 Cf. supra, chap. I, p. 79 et 83.
193 MUQ, 250 (et n. o) (mā’ ; manhal(a), pour évoquer l’étape entre deux aiguades, au désert d’Arabie : cf. BGA, IV, 368), 253. Une bonne opposition de l’eau et du sable dans MUQ, 111 (1. 1), à propos d’un itinéraire en Arabie. Exemple de points d’eau sur un itinéraire, toujours en Arabie, dans HUR, 126-127 ; je renvoie, une fois encore, à la référence donnée dans la note précédente.
194 YA‛Q, 332 ; HUR, 131 (mètre rağaz).
195 Parfois, on l’a dit, il y a interférence de nom, dans un sens ou dans l’autre, entre l’eau et le pays qu’elle arrose : cf. supra, p. 128 (et n. 5), et p. 132, n. 3, et ῌAW, 37, 74, 78, 80, 81, 84, 86, 87, 89, 90, 91, 93, 112-113, 115, 116, 176, 217, 252, 255, 382, 422, 435, 448, 486, 506, 509, 518. Pour des noms parfois répétés, appartenant en propre à des points d’eau, cf. ῌAW, 87, 89, 122-123, 141, 365 ; MUQ, 45, 67, 72, 82, 103, 106, 110, 112, 117, 146, 151, 165, 167, 171, 174, 175, 191, 218, 220, 231, 232, 246, 247, 344 (n. o), 345 (n. b), 347, 350, 406, 414, 416, 417, 419 (et n. a), 445, 486, 492 (n. i de 490), 494, 495.
196 Présence, abondance, absence ou rareté signalées dans ῌAW, 19, 28, 29-30, 31-34, 36, 37, 41, 47, 67, 68, 70-73, 76-81, 83-90, 93, 94, 103, 108, 116, 117, 119, 122, 123, 153, 155, 158, 171, 173, 174, 176-179, 181, 211, 214, 217, 220-224, 226-229, 237, 239, 240, 242, 243, 252, 253, 256, 258, 269, 273, 274, 277-283, 298, 302, 311, 312, 320, 322, 335-337, 340, 347, 349, 352, 358, 359, 362, 364-366, 369, 370, 378-382, 388, 389, 402-409, 414, 415, 417, 418, 420, 421, 433, 435-452, 464, 467, 473, 475-480, 483-487, 489, 492-505, 507, 509, 510, 512, 513 ; MUQ, 65, 74, 76-80, 82-86, 92, 93, 95, 107, 108, 110-112, 117, 119, 120, 122, 137, 140, 141, 146, 151, 155, 157, 160-162, 172, 174, 175, 179, 186, 188, 191, 195, 206, 208, 209, 216, 224-235, 246, 248, 250 (et n. n), 252-255, 257, 259, 260, 270-272, 274, 275, 277-279, 281-285, 288-291, 299, 301, 302 (et n. d)-309, 311-313 (et. n. d), 314, 316-319 (dont n. o de 318), 320 (et n. s), 321 (et n. b et g), 326 (n. e), 329, 331 (n. l), 333, 349, 353, 354, 356-359 (et n. k), 360, 367, 373, 375-378, 385, 386, 389 (et n. 6)-392 (et n.a), 393, 394 (et note), 396, 398, 402, 404, 405, 407-409 (et n. i), 410-414, 416, 417, 421, 424, 426-438, 443-445 (et n. e et r), 447 (et n. 6)-450 (et n. b), 461-467, 470, 474, 478-481, 483, 487, 490 (et n. 6), 491 (n. i de 490), 492 (n. i de 490), 493, 494 (et n. i et s de 493), 495 (et n. p de 494).
197 MUQ, 283, 331 (n. l), 445 (n. e), 446, 466.
198 MUQ, 44, 201, 287 i.f.-288, 291, 299, 331-332, 393.
199 MUQ, 33, 113 et passim.
200 MUQ, 35 (n. c).
201 MUQ, 36, les deux derniers traits allant indifféremment avec les mers et les rivières.
202 ῌAW, 29-30 ; MUQ, 34, 36, 164.
203 ῌAW, 220. Sur le lieu et les poèmes qu’il a inspirés, cf. Yāqūt, Buldān, II, 518, s.v. « Dayr aš- Šayāṭīn ».
204 ῌAW, 137 i.f., 174, 221-222, 235-236, 242-244, 279, 280, 282, 335-338, 347, 363, 439, 443, 464, 473, 484-487, 492-500, 509, 513 ; MUQ, 140, 157, 277, 279, 282, 301-302, 312, 331, 414, 464, 466.
205 ῌAW, 174, 179, 211, 368-369, 415, 445, 467, 492-494 ; MUQ, 157, 167 i.f.-168, 272-273, 283, 302 (n. d), 312, 331, 394, 449, 450 (n. b).
206 Cf. respectivement MUQ, 159 (n. d), 167 i.f., 370 ; ῌAW, 90. Je m’en tiens ici, comme dans les notes précédentes, aux deux auteurs les plus représentatifs de la géographie du monde musulman, sous peine de multiplier démesurément les références. On trouverait facilement, chez nombre d’auteurs, d’autres notations intéressantes : cf. par ex. YA‛Q, 243 (les cent meules du moulin du Patrice à Bagdad), 250-251 (toute la population de Bagdad fournie en eau douce ; richesse en eau permettant l’acclimatation du palmier basrien dans la région de Bagdad), 264 (richesse en eau de la rive occidentale de Sāmarrā), 266 (frais somptuaires du creusement du grand canal nécessaire à la fondation de Sāmarrā).
207 MUQ, 411-412.
208 Litt. : à portée de cri (ṣayḥa : cf. BGA, IV, 283).
209 Cf. BGA, IV, 268-269 et J. J. P. Desmaisons, Dictionnaire persan-français, Rome, 4 vol., 1908-1914 : t. II, p. 332.
210 Litt. : des portes (abwāb).
211 Vocalisation d’après Schwarz, Iran, IV, 303.
212 ῌAW, 492. Cf. aussi le paysage de la campagne verdoyante, supra, chap. I, p. 88-89. Traduction reprise dans le texte cité chap. I, p. 88, n. 9.
213 Le mot employé est le persan bāġ.
214 Xe forme istaṣbä : cf. BGA, IV, 279.
215 Maydān, pl. mayādīn : cf. ibid., 358.
216 IIe forme fassala ; peut-être : encloses d’un mur ou d’un portique (faṣīl) : cf. ibid., 317 ; Dozy, Supplément, II, 272.
217 IIe forme faṣṣasa : cf. Dozy, ibid., 270.
218 IIIe forme ṭālaba, littéralement, au sens du français populaire : l’un cherchant l’autre.
219 Maġānī, litt. : demeures ou richesses ; Wiet, trad., p. 422 : lieux de repos.
220 Litt. : des châteaux (quṣūr).
221 Muštaraf ou mustašraf : cf. BGA, IV, 274.
222 Litt. : lieux de réunion, d’entretien (mağālis).
223 Évidemment les Sāmānides.
224 FAQ, 220-227.
225 Par opposition, sous-entendue, à celle des sources chaudes.
226 Mètre sarī‛.
227 Mètre basīṭ.
228 Mètre basīṭ ; le nom du poète est donné : Wahb al-Hamaḏānï.
229 Mètre kāmil.
230 Hamaḏānī est la nisba d’Ibn al-Faqīh et de l’auteur du premier poème sur l’Elvend (cf. supra, p. 153, n. 1) ; le nom du second poète n’est pas précisé, mais on peut penser qu’il s’agit aussi d’un Iranien originaire de cette même région ; rien n’interdirait même de penser, compte tenu du thème et de certaines images communes (printemps, couleurs, éclair, vêtement, glaive, etc.), qu’il s’agit du même poète, bien qu’Ibn al-Faqīh attribue la seconde pièce à « un autre auteur », sans plus de précision.
231 Cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 128.
232 Cf. MAQ, II, 42 : « toute eau douce provenant d’un puits, d’une rivière ou de toute autre origine, c’est toujours cette même eau du ciel. Lorsque l’heure du Jugement Dernier s’approchera, Dieu enverra un ange muni d’un bassin, qui réunira toutes ces eaux et les restituera au paradis ».
233 Massé traduit par « yeux qui ne sèchent pas » la locution verbale lam tağmud, qu’on peut prendre, en réalité, dans les deux sens indiqués ici.
234 J’ai traduit par « or extrême » fāqi‛ naḏir, litt. : « jaune soutenu et brillant ».
235 J’ai traduit le mot (uqḥuwān, pl. aqāḥī), trop chargé en français de connotations médicales, par « pâquerettes » (« marguerite » dans l’extrait donné plus haut), qui appartiennent à la même famille des composacées. La couleur de l’anémone, variable d’une espèce à l’autre, n’est pas précisée.
236 « L’une à l’autre opposées », litt. : « celle-ci ne ressemblant pas à celle-là, ni telle à telle autre ».
237 Min ğawharin mutabaddidin ; Massé traduit par : « d’une substance qui s’éparpille ». J’ai préféré prendre le mot en son sens collectif et concret de : « pierres précieuses ».
238 Excepté la crainte des agneaux, qui paraît n’être qu’un trait de caractère (le mot qui la désigne est plus qu’une épithète de nature : un nom de la racine hl‛, exprimant l’inquiétude).
239 Kasā, ṯawb, albasat, ḥulal, labisa.
240 Litt. : « sa poitrine porte écharpe de rose » ; j’ai traduit par « baudrier », qui me paraît mieux s’accorder à l’image militaire qui suit.
241 J’ai traduit par « nonchalant habit » ḥulalan lam tu‛qid ; Massé : « (en lui tissant), même sans les nouer, des manteaux ».
242 Litt. : l’antimoine (iṯmid), dont on fait le kohl.
243 FAQ, 226, v. 3-4 : pl. ḥadā’iq, rawḍ, riyāḍ.
244 RST, 221 ; cf. supra, p. 146, n. 3.
245 FAQ, 223.
246 Il est vrai que, pour que l’opposition soit valable, il faut supposer que le bassin est naturel : sur ce sens, cf. Dozy, Supplément, I, 336, et Lisān, s.v., qui glose, sans plus d’explication, ḥawḍ par mugtama al-mā’.
247 Ou, plutôt, d’autres, anonymes (qālū) ; plus loin est cité Tayādūs (Théodoret ?).
248 FAQ, 151-152 ; une brève évocation, 159-160, des conditions propices à l’établissement d’un puits.
249 Évoqué brièvement supra, p. 145.
250 S’y ajoutent deux épithètes : raṭba (humides), qui semble aller de soi pour l’eau, et yābisa (sèches), qui peut renvoyer à la sécheresse générale dont il est question, mais est alors contradictoire avec ratba. L’éditeur (trad., p. 181, n. 2) corrige, sur la foi du manuscrit de Meched, en fāsida : corrompues.
251 Le feu étant prépondérant à l’est, l’ouest doit être affecté prioritairement à son principe contraire, l’eau (cf. Géographie II, 11) ; les forces descendantes et ascendantes permettent d’affecter, par ailleurs, le sud à la terre et le nord à l’air. Chez Hamdānī, la répartition est la suivante, dans l’ordre : nord-ouest, sud-ouest, sud-est et nord-est (ibid., 49).
252 La plupart de ces paramètres interviennent si fréquemment qu’ils font de l’annotation un problème insoluble, par son ampleur même. Je renvoie à l’annotation du développement consacré plus loin à Muqaddasī, où ils réapparaissent, en me contentant ici de renvoyer à Ibn ῌawqal, compte tenu de son importance dans la géographie des masālik wa l-mamālik (seul ou développant Iṣṭahrī), ou en donnant quelques références relatives aux traits plus précisément évoqués. Voir, dans cet esprit, à propos de la facilité ou de la difficulté : YA‛Q, 235, 267 ; MUQ, 78, 93, 119, 123, 138, 164, 253, 292, 315, 319, 429 (thème, notamment, de l’eau « proche », sur lequel je ne reviendrai pas plus loin).
253 MUQ, 77 ; HUR, 84.
254 YA‛Q, 272 ; MUQ, 445, et supra, p. 124-125.
255 MUQ, 184, 253.
256 ǦᾹῌ (a), 194-197 ; MAS (p), VI, 277 ; ῌAW, 77, 78, 148/13, 79, 87, 177 (sur le mot ṭafas, cf. BGA, IV, 290), 185, 222.
257 Ex. ῌAW, 464 : douce, fraîche, légère. Sur les glacières, cf. supra, p. 138 (et n. 6).
258 MIS (b), 17 ; sur le sens de l’adj. ḥāmiya, cf. Dozy, Supplément, I, 330 ; cette épithète et celle de māni‛a (préservatrice, immunisante) sont toutes deux rapportées à des sources.
259 ῌAW, 87, 88, 90, 124, 148/13, 210, 237, 239, 253, 277, 328, 345, 363, 403-406, 417, 452, 464, 481.
260 Litt. : le goût astringent (‛ufūṣa), pris à la noix de galle (‛afṣ) : IBR, trad., p. 1062 (à propos de la région de Paderborn). C’est dire l’imprécision, en la matière, de l’appréciation des deux autres saveurs, acidité et amertume ; cf. MAS (p), § 896, cité supra, p. 141, qui distingue sur ce point entre amère, acide, ācre et astringente, en précisant du reste que le classement donné n’en est qu’un parmi d’autres.
261 MAS (p), § 897, cité supra, p. 141 ; MAQ, II, 42 ; ῌAW, 13, 277, 407.
262 IBR, trad., p. 1061 i.f.-1062 ; ῌAW, 254, 298, 403 i.f., 452.
263 Je renvoie, une fois de plus, à l’annotation faite plus loin à partir du texte de Muqaddasī.
264 Cf. J. Le Magnen, « Gustation », dans Encyclopaedia universalis, VIII, 170.
265 ῌAW, 94, 123, 345, 452 (j’aurais tendance à penser que l’échauffement et le refroidissement sont liés à des causes naturelles : les écarts extrêmes de température en Asie Centrale ; la trad. Wiet, p. 437, sur la foi de la vocalisation yusra‛ (al-bard), au lieu de yasru‛, semble pencher pour un phénomène artificiel, suscité par l’homme), 464 ; sur la rapidité de refroidissement, cf. infra, le texte traduit de Muqaddasī.
266 ῌAW, 79, 94, 123, 124, 253, 269, 289, 345, 363, 403, 486-487, 504 (à l’occasion, le nom même de l’eau s’efface derrière celui de širb : boisson, eau potable).
267 ǦᾹῌ (a). 197 (élatif amra’) ; ῌAW, 13, 73, 94, 122, 123, 269, 345, 369 (avec, à plusieurs reprises, l’épithète marī’, dont il va être question).
268 ḏawq al-hawā’ wa wazn al-mā’ : MUQ, 2 i.f.
269 Wazn al-miyāh wa t-turab : MUQ, 257-258.
270 MUQ, 101.
271 J’ajoute, pour la clarté et compte tenu de ce qui suit, la précision relative au corps : cf. BGA, IV, 218 (Ve forme tahallaba).
272 Ces deux professions sont évidemment choisies pour leur rapport avec l’eau, support des parfums ou eau dans laquelle on lave les vêtements à revendre (le sens de « fripier » me paraît préférable ici à celui de « marchand d’étoffes »).
273 Cf. supra, p. 161 i.f., à propos des eaux du Ǧayḥūn.
274 MUQ, 129, déjà évoqué supra, p. 138 (sur certains points de lecture, cf. ibid., n.1).
275 Entendez : de mer et de fleuve (ou de canaux) mêlés.
276 Litt. : de parties génitales (ḥiğr, ḥuğr, ḥağr).
277 MUQ, 2, 8.
278 MUQ, 101.
279 MUQ, 162, 226, 227-229, 232, 260, 272, 273, 277, 278, 281, 283, 307, 308, 312, 320, 329, 356, 373, 376, 378, 389, 392 (n. a), 393, 398, 407-409, 411, 424, 429-431, 435, 436, 459, 462, 464-466, 493.
280 MUQ, 164, 308, 313, 322 (n. g de 321).
281 Ǧaryan ḥāddan, šadīd al-ğirya, munḥadir, miḥdār (cf. BGA, IV, 213) ; MUQ, 357, 411, 450 (n. b), 466, 470.
282 MUQ, 316 (cf. n. l) : persan tèg (cours, rapidité) et āb (eau).
283 MUQ, 33, 83, 84, 107, 108, 119, 144, 162, 167, 179, 228, 230, 252, 253, 271 i.f., 272, 277, 278, 283, 286, 291, 305, 307, 308, 320, 329, 331 (et n. l), 353, 354, 365, 373, 377, 385, 386, 390-392, 402, 425, 433, 445 i.f., 461, 479, 480, 481, 493.
284 MUQ, 95, 108, 253, 311 (n. l), 436.
285 MUQ, 202 (awsa‛), 208 (aktar), 391 (agzar).
286 MUQ, 307, 319.
287 MUQ, 118, 129, 283, 299, 321 (n. g), 357.
288 L’adjectif peut s’appliquer, le cas échéant, à des puits ou à des sources : MUQ, 108, 172, 225, 254 (n. i), 308, 322 (n. g de 321), 426, 427, 432, 487, 492 (n. i de 490), 493, 494 (et n. s de 493).
289 MUQ, 254.
290 MUQ, 164, 201, 225.
291 MUQ, 321.
292 MUQ, 283, 331 (n. l), 434 ; sur maddād, nié en l’occurrence, cf. BGA, IV, 352.
293 MUQ, 278, 435, 436, 445, 461.
294 MUQ, 359, 392, 394.
295 MUQ, 184, 253.
296 MUQ, 470, et supra, p. 150 i.f.-151.
297 MUQ, 140, 200, 207, 302 (et n. d), 315 (pour des bains), 358, 389 (n. 6), 394, 430, 432. Sur āğin, cf. infra, p. 167, n. 6.
298 MUQ, 332, 445 (et n. d).
299 « La montagne dévoreuse ».
300 Muqaddasī, on le voit, laisse de côté d’autres phénomènes de l’évolution phonétique.
301 L’ensemble en effet peut se comprendre comme : montagne de boue, de vase (persan har) ou d’excréments (arabe hur’ ou, préférable ici pour le son : hirā’). Cf. les vers qui suivent.
302 Je conserve, par fidélité à la vocalisation du nom de la ville, la leçon harā, que l’éditeur corrige en hirā (pour la rapprocher de l’arabe hirā’ : cf. p. 165, n. 13), mais qui peut faire penser aussi, telle quelle, au persan hir : brouillard, brume. Mètre inexistant (cf. MUQ, 332, n. c : metrum nullum est) ; Yāqūt (Buldān, I, 354) donne une version remaniée et régularisée, sur le mètre sarī‛.
303 MUQ, 79, 160, 207 i.f., 260, 329, 392, 394, 409 (et n. i), 483.
304 MUQ, 129, 208 i.f. (sur l’effet désastreux des champs de riz, cf. ibid., n. q, et 436 ; cf. également infra, chap. vi, à propos du riz), 404 (n. a), 491 (n. i de 490).
305 ῌamīm : MUQ, 119, 178 (couplé avec ğaḥīm désignant le pays), 410, 467 (avec brève dissertation sur le passage de ḥamīm à l’augmentatif ḥamīmān : brûlant comme l’enfer; cf. BGA, IV, 219). En ce dernier exemple, ḥamīm nous est donné bizarrement comme caractéristique de toute eau courante (sans doute parce que exposée à l’échauffement de l’air, contrairement à la source). A noter que le mot peut être employé, par antiphrase, au sens d’ « eau froide » ; mais pas ici, en tout cas : les références données renvoient à des contextes péjoratifs (description des inconvénients (maṯālib) des pays décrits).
306 ῌulw, ḥalāwa, parfois, par métonymie, pour le contenant (puits, canalisations...) : MUQ, 84, 85, 92, 103, 123, 129, 199 i.f., 201 i.f., 206, 208, 227, 250 (n. n), 253, 254, 312 (n. p), 313 (n. d), 329, 331, 334, 358, 388, 389 (n. b), 425, 427, 429, 445 (n. r), 465, 466, 482, 494.
307 ‛Aḏb, ‛uḏūba : MUQ, 82, 86, 118, 140, 321 (n. 6), 323, 329, 358 (en rapport avec limpidité), 379 (en rapport avec légèreté), 386, 445, 446, 483. Sur le sens de ‛aḏb, cf. BGA, IV, 297, avec exemples, particulièrement éclairants, pris à Yāqūt (dont un cité dans MUQ, 161, n. i) : « une eau convenable, potable, mais qu’on ne peut dire franchement douce » (mā’uhà ‘aḏbun šarūbun laysa bi-ṣādiqi l-ḥalāwa) ; « une eau convenable, mais pas douce » (mā’uhā’aḏbun laysa bi-ḥulw) ; cf., en revanche, moins net, ῌAW, 298 : mā’in ḥulwin ‛aḏbin.
308 L’épithète est fréquemment employée, par métonymie, pour le contenant : MUQ, 74, 80, 92, 101, 107, 108 (et n. b, avec qualification de « mauvaise »), 117, 140, 141, 171, 174 (contexte franchement péjoratif), 209, 254, 291, 427, 493. Cf. BGA, loc. cit.
309 Ici encore, l’épithète (māliḥ) est volontiers employée pour le contenant : MUQ, 85, 138 (Mossoul, n’ayant que des puits d’eau salée, prend son eau potable au Tigre et au Nahr Zubayda : sur ce cours d’eau, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 88), 164 (l’épithète se rapporte à la ville, de façon générale, mais elle est encadrée entre l’évocation de puits profonds et de l’eau de pluie tenue en réserve dans des citernes cadenassées, le tout dans le contexte des désagréments de la ville), 184, 195, 226, 253 (eau salée associée à la malédiction divine), 281 (dans le contexte des désagréments d’une ville), 322, 425 (fleuve se chargeant de sel à une saison déterminée), 426, 446 (quatre lacs salés et un lac d’eau douce dans la province du Fārs), 493. Ne pas confondre avec l’adjectif malīḥ (beau, bon, le cas échéant) : cf., pour une source, avec les épithètes ‛ağība (merveilleuse) et hafīfa (légère), MUQ, 252 (et n. h).
310 MUQ, 84, 101, 161, 162, 164, 184, 197, 258, 281, 302 (n. d), 308, 379, 429, 430 (légèreté niée), 433, 436, 448 (pour des puits) ; avec comparatif : ibid., 175, 184.
311 Hašin, zu‛āq (notamment pour les bains), ṣalāba, laṭīf : respectivement, MUQ, 184, 414 (où la rudesse va avec la salubrité), 108, 196, 124, 113. Sur laṭīf avec le sens de « qui subtilise le corps », cf. Dozy, Supplément, II, 532 ; sur zu‛āq, voir la définition du Lisān, s.v. : « eau amère, épaisse [ou rude : ġalīẓ, opposé à laṭīf : cf. Dozy, loc. cit.], et imbuvable à force de salure (uğūğa) ».
312 MUQ, pour les mots des racines suivantes : ḥsn, 359 (n. k) ; ṭyb, 101, 208 (à propos de bains), 294 (qualité niée en 129, 253) ; mr’ (sur cette racine, cf. supra, p. 162), 184, 480 i.f. (qualité niée en 304) ; ṣḥḥ, 138, 314, 358, 396, 414 (qualité pouvant aller avec la rudesse), 459, 464, 480 (qualité niée en 436, à cause des champs de riz : cf. supra, p. 166, n. 3) ; ğwd, 124, 184, 236 ; mlḥ (adj. malīḥ : cf ci-dessus, n. 2 i.f.), 252 (et n. h) ; ‛ğb, 108, 252 (n. h), 254, 303, 333 (et n. g), 402, 461.
313 Mu‛tadila : MUQ, 414 ; radiyy, 101, 142, 160, 178, 184, 196, 208 (n. q), 248, 332, 396, 448, 478 ; ašarr, 365 ; maḏmūma, 281 (pour des canaux : région de Buhārā) ; āğin, 196 (altération générale, y compris la saleté) ; karīh, 101, 208, 253 ; qātil ou yaqtulu, 101, 370. A noter qu’un mot précédemment étudié, zu‛āq (cf. ci-dessus, n. 4), pourrait se lire zu‛āf (« qui tue dans l’instant », notamment pour un poison), qu’il faudrait prendre du reste, au moins dans le cas de l’eau des bains (196), au sens figuré. La mer Morte est dite (MUQ, 184) sauvage (waḥša), mais peut-être en un sens général.
314 MUQ, 146, 184, 253, 370 (formule analogue en 178 : « un pays mortel pour les étrangers, à l’eau mauvaise »).
315 MUQ, 358 ; cf. BGA, IV, 175, et Desmaisons, Dictionnaire, I, 139, II, 9 (cf. notamment les exemples avec -rān en composition).
316 Autre verbe de mesure (qāsa) employé pour évaluer, sans doute dans leur volume, les eaux du Tigre par rapport à celles de Nīsābūr : MUQ, 299 i.f.
317 MUQ, 2 i.f.-3.
318 FAQ, 220-221.
319 FAQ, 222.
320 MAS (p), § 897, déjà évoqué supra, p. 144 (et n. 2).
321 MUQ, 448 (cf. également ῌAW, cité supra, p. 146).
322 MUQ, 397.
323 MUQ, 184, 253, 391, 396, 444, 478. Sur la IVe forme aṭlaqa, cf. BGA, IV, 291 ; sur la IIe ‛annä, ibid., 306.
324 MUQ, 36 (cf. supra, p. 149), 336 (et n. p).
325 ǦᾹῌ (a), 197 ; MUQ, 241.
326 Supra, p. 145.
327 MUQ, 184-185 ; je corrige, dans la leçon fournie par l’édition de Goeje (al-aḥdāṯ wa aṣḥāb al-‛ilal), al-aḥdāṯ (« la jeunesse », ou : « les gens du bas peuple » : cf. Dozy, Supplément, I, 258) en aḥdāb, pl. de ḥadib (« les bossus » : cf. Blachère et Darmaun, dans EGA, 181), ou en ağrāb, pl. de ğarib (« les galeux ») ; sur le pl. en af‛āl pour un thème fa‛il, cf. de Sacy, Grammaire arabe, I, 386 ; Blachère et Gaudefroy-Demombynes, Grammaire de l’arabe classique, 179.
328 Particulièrement net le classement, de ce point de vue, de MUQ, 184, 396, 397, 444, 448. Même attitude chez ῌAW, 298, qui signale une source d’eau douce et en même temps purgative comme l’une des caractéristiques (ḥāṣṣiyyāt) du Fārs.
329 ῌAW, 27 (reprenant IṢṬ, 21 : le mot baḥr, « grande quantité d’eau », d’où « mer », renvoie ici au lac comme en fait foi la discussion, qui suit, sur la position de la mer Morte), 29, 309, 380-382, 447, 505 ; MUQ, 95, 142 (pas de lac en Haute-Mésopotamie, quoiqu’un petit lac soit cité p. 140), 179, 222 i.f.-223, 248, 323, 365, 459, 470 (avec l’exception du fleuve de Ǧīruft), 481, 487 (différence entre rivières pérennes et marécages). Cf. aussi ῌud, 73 i.f., 78.
330 Cf. supra, p. 116, et Géographie I, 68-70, et fig. 14 (A) et 15. QUD, M 71, donne un total de 258.
331 Cf. Géographie I, loc. cit.
332 MUQ, 19 sq.
333 Autre preuve : dans la même présentation d’ensemble, Muqaddasī, après les vingt-sept cours d’eau nommés, donne trois exemples de ces cours d’eau provinciaux : pas un, ici encore, n’est d’Occident.
334 MAS ((p), § 215-242, (t), 84-89) ne cite aucun nom appartenant à l’Islam d’Occident dans la présentation des fleuves de la terre ou de ceux qui se jettent dans la Méditerranée. Le Tage, MAS (p), § 399, par exemple, n’apparaît, quoique nommé « un des fleuves les plus célèbres du monde », qu’à l’occasion des récits relatifs à l’histoire de l’Espagne. En MAS (t), 100-101, le Guadalquivir apparaît sous le nom de « fleuve de Cordoue ».
335 Pas un seul nom de cours d’eau évoqué dans le passage relatif au Maġrib, FAQ, 97-112.
336 ῌud, 69-79. Même impression d’ensemble à la lecture de HUW (s), passim, QUD (M 71) et surtout de SER, lequel consacre en revanche de forts longs développements aux cours d’eau et canaux de Mésopotamie (p. 119-137 ; pas un seul fleuve de l’Occident musulman dans le panorama général des cours d’eau de la terre, p. 119-155). Le cas de Fazārī est plus complexe : son Kitāb al-ğa’rāfiyya contient des noms de cours d’eau maghrébins et espagnols (cf. éd. Hadj-Sadok, dans BEO, XXI, 1968, p. 142, index, s.v. « wādī », passim), mais il a été revu, au vie-xiie siècle, par un Andalou, Zuhrī, qui l’a sans doute modifié pour y accroître l’importance de son pays d’origine (cf. des exemples d’intervention, ibid., p. 24) ; sur les raisons qui nous empêchent de prendre en compte cet ouvrage dans notre corpus, cf. Géographie I, 2e éd., xiv.
337 Sur les données livrées ici, cf. MUQ, 4, 9, 12, 19-20.
338 Cf. Schwarz, Iran, IV, 309-310 ; à ne pas confondre avec une rivière de Sicile, dont il sera question plus loin.
339 Tributaire de la Caspienne, à l’ouest, au nord de la ville actuelle de Makhachkala : le fleuve, en réalité, se situe en dehors des limites de la mamlaka : cf. Géo graphie II, 264, 538 et passim. Il ne figure dans ce tableau que parce que Muqaddasī englobe, dans la description de la mamlaka, tout le pays allant jusqu’à la Volga : MUQ, 353, 355, 360-361.
340 Cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 376.
341 Cf. MUQ, 19, n. g.
342 Autre exemple : dans les trois noms de rivières données ensuite, par Muqaddasī (p. 20) comme exemples de cours d’eau mineurs, apparaît le Ṭāb, qui n’est autre que la rivière d’Arrağān, déjà citée, dans son cours inférieur : cf. MUQ, 19, n. g (voir toutefois trad., p. 330-331).
343 « Cours d’eau violents », aux vallées taillées en « cluses effroyables » ; celle du Cydnos, notamment, est large à peine d’une dizaine de mètres au défilé des Portes Ciliciennes : cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 74-75.
344 Célèbre dans l’histoire, épique, des rapports entre l’Islam et Byzance : cf. Géographie II, 424, 476, 534 et passim. Les trois fleuves sont en effet groupés, dans la description générale qui suit, par Muqaddasī (MUQ, 22).
345 MUQ, 20-24.
346 Cf. ci-dessus, n. 3.
347 Il s’agit sans doute d’une petite rivière canalisée à partir d’une source de fort débit : cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 215 ; Schwarz, Iran, VI, 764-765. Pour le problème posé par une éventuelle disparition, également, de l’Oronte, cf. MUQ, trad., p. 64, n. 111.
348 Indice des origines de l’auteur et de son attachement bien connu au pays natal.
349 Cf. supra, p. 174, n. 4, et Blanchard, dans Géogr. Univ., VIII, op. cit., 48, 53-54, 78, 115-116, 124, où pas une fois l’évocation de ces cours d’eau n’entraîne celle d’une batellerie. Les mêmes réserves pourraient être faites pour les grands cours d’eau du monde, donnés par les ῌudūd comme navigables : il semble bien décidément que ce trait soit avancé automatiquement comme signe du grand cours d’eau (cf. aussi supra, p. 129).
350 Elles sont connues surtout comme support de l’irrigation des terres (type : le Zende-Rūḏ), ou très modestes comme le Jourdain ; seul ferait exception, peut-être, le Nahr al-‛Abbās, mais c’est en réalité, on l’a dit, un bras du Tigre.
351 Cf. supra, chap. I, p. 25, n. 1.
352 MAS (p), § 399 ; ῌAW, 116 i.f. ; ῌud, 79, 221.
353 Ex. YA‛Q, 354, 355 ; ῌAW, 115, 116 ; MUQ, 233-235.
354 YA‛Q, 354; MAS (p), § 403 ; MAS (t), 100-101 ; ῌAW, 112-113, 115. Pour Malagon, il s’agit du Guadiana supérieur ou d’un de ses affluents (ῌAW, 116).
355 YA‛Q, 355.
356 RᾹZ, 62, 90, 101-104.
357 Cf. E. Lévi-Provençal, « Todmīr », dans EI, IV, 848, et « Andalus », dans EI (2), I, 503 et 512 (carte). A ne pas confondre avec le Šuqr (Jucar), qui coule plus au nord et se jette en mer aux environs de Valence : c’est à ce dernier que réfère, sous le nom du pays, YA‛Q, 355 i.f.
358 Sur le -h final (-uh) transcrivant le son -o, cf. ex. dans MAS (p), § 916 ; IBR e), trad., p. 1055, n. 3 i.f.
359 ῌAW, 118 (Palerme est la « seule ville célèbre de l’Ile »), 119-120, 122-123 (avec noms de sources et, pour le Rūṭa, l’expression de nahr kabīr, « grand cours d’eau », alors qu’il naît sous une porte de la ville, elle-même située sur la mer) ; MUQ, 231. Ne pas confondre ce Wādī ‘Abbās avec le Nahr al-‛Abbās (cf. supra, p. 173, n. 4).
360 MUQ, 232.
361 Cf. par ex. YA‛Q, 357; ῌAW, 89. Pour des villes (d’Algérie), YA‛Q, 358; ῌAW, 78, 84, 86, 89, 90 ; MUQ, 229. Pour une région (Tunisie septentrionale), ῌAW, 74.
362 YA‛Q, 359 ; ῌAW, 91.
363 Sur ces cours d’eau, cf. YA‛Q, 357-358 ; ῌAW, 81, 88, 90. A noter que les affluents (Inaouene et Wādī Namālata, ce dernier du nom d’une ville) ne sont pas signalés comme tels ; apparaissent, d’autre part, comme affluents du Sebou, une rivière au nom incertain (YA‛Q, 357 i.f. ; sur la localisation de la région, cf. G. Yver, « Ghumāra », dans EI (2), II, 1121) et une autre, anonyme, dans la région d’al-Baṣra (ῌAW, 81 ; sur la localisation de cette ville, cf. G. Yver, dans EI (2), I, 1120).
364 ῌAW, 79-80 ; à noter que l’une des rivières constituant le fleuve est dite venir du pays d’al-Baṣra [cf. note précédente).
365 ῌAW, 88-89, qui ne signale pas que Masūn est aussi le nom d’une ville (aujourd’hui Msoun) ; sur Sā’ (ville et rivière) cf. al-Bakrī, Description de l’Afrique septentrionale, trad. M. Guckin de Slane, Paris, 1965, p. 177, 181, 273.
366 ῌAW, 78.
367 ῌAW, 89 ; sur la localisation de cette contrée, cf. Idrīsī, Description de l’Afrique et de l’Espagne, éd. Dozy et de Goeje, Leyde, 1968 (reprod. anastatique), trad., p. 95.
368 YA‛Q, 358 ; ῌAW, 90 (Šalif étant aussi le nom d’une ville).
369 ῌAW, 88, 90 ; c’est la région comprise entre Msila et Ksar al-Boukhari ; on peut penser aussi à Tisser supérieur (comparer le texte d’Ibn ῌawqal avec celui de Bakri, op. cit., 126, n. 1 ; sur la situation de la ville d’Ašīr, cf. G. Marçais, dans EI (2), I, 720), mais la mention du sel me parait renvoyer plutôt au Chott el-Hodna.
370 ῌAW, 85 i.f.
371 Sur la ville et le cours d’eau, cf. MUQ, 55, 216 (n. t), 227, 246, le tout renvoyant, semble-t-il, à la région de Béja.
372 YA‛Q, 348.
373 Voir les noms chez HUR, 82, 88 ; YA‛Q, 342 ; FAQ, 79-80 ; QUD, 221, 223 ; ῌAW, 62-63 (carte). Le nom même de wādī disparaît parfois au profit du seul deuxième terme de l’annexion : cf. MUQ, 244 (n. f). Sur le Wādī r-Raml, cf. par ex. FAQ, 80, 84 sq., 242, et Géographie II, 491-492, 539.
374 ῌAW, 70 ; MUQ, 224 : wādin ğarrār, sans précision de nom ; il s’agit évidemment de l’oued Gabès, cours d’eau abondant, nourri par de belles sources.
375 ῌAW, 67-68 ; MUQ, 224.
376 La formule est d’IṢṬ, 19, mais reprise à son propre compte par ῌAW, 17 : cf. Géographie II, 529.
377 Cf. YA‛Q, trad. Wiet, p. vii, n. 1-3.
378 Cf. ῌAW, 90 où, en revenant sur un itinéraire précédemment décrit (ibid., 88), l’auteur prend soin de préciser : « j’ai déjà indiqué ce parcours, mais en sens inverse ».
379 Sur les préoccupations commerciales et politiques d’Ibn ῌawqal, cf. Géographie 1, 299-302 et 306-309.
380 Du moins ceux des masālik wa l-mamālik : Ibn ῌawqal, qui développe ici considérablement Iṣṭahrī, et Muqaddasī.
381 La description du Nil et du pays qu’il arrose est prise à : HUW (s), 108 ; SER, 43, a-b; HUR, 176; YA‛Q, 330-334, 337-340, 342; FAQ, 51, 58, 60, 61, 63-68, 74, 78 ; RST, 80-82, 90, 115-117 ; QUD, M 64 ; MAS (p), § 215-221, 487, 774-785, 788, 790, 804-805,1286 ; MAS (t), 23, 28, 34-35, 65, 82, 85, 97, 242, 297, 300 ; ῌAW (développant IṢṬ, 39-42, passim), 51, 135-143, 145-147, 148/13, 149-153, 156, 158-161, 170, 328 ; MUQ, 18-23, 193, 196, 197 (n. f), 198-202, 203 i.f., 206-208, 211-213, 482 ; ISH, 447-448 ; ῌud, 78 ; USW, 261. Je reprendrai, sur des points plus particuliers, certaines des références ci-dessus.
382 FAQ, 65 ; MUQ, 207.
383 FAQ, 60 ; MAS (p), § 809 ; ῌAW, 160, et Ch. Pellat, s.v., dans EI (2), III, 73-74.
384 FAQ, 63, qui contredit ibid., 61, où il est traité de l’accouplement des crocodiles dans le pays du Nil, et où l’on décrit l’oeuf et son éclosion.
385 Pour ce dernier (fleuve d’aš-Šāš), cf. MAS (t), 97.
386 ῌAW, 147.
387 MAS (p), § 778-779 ; ῌAW, 136-137, 147 ; MUQ, 206.
388 MUQ, 65 (n. k de 64), 200 (trad. partielle dans Annales islamologiques (Le Caire, Institut français d’Archéologie orientale), XI, 1972, p. 119, n. 73).
389 RST, 116; MAS (p), § 781 ; MUQ, 206. Sur ces mesures, cf. Géographie II, 17 (et fig. 6)-18.
390 MAS (t), 97.
391 MAS (t), 97 ; ῌAW, 148/13.
392 MAS (p), § 778, 782 ; MUQ, 206.
393 ῌAW, 137 ; MUQ, 65 (n. k de 64), 212-213. On notera, une fois de plus, que le fameux limon du Nil n’apparaît pas dans cette évocation de fertilité.
394 RST, 116 ; MAS (p), § 778 ; ῌAW, 136-137 ; MUQ, loc. cit.
395 Cf. ῌAW, trad., p. 135, n. 631-635.
396 YA‛Q, 339-340 ; MAS (p), § 776-777, 786 ; MAS (t), 297 ; USW, 261, et supra, p. 124.
397 MAS (p), § 776-777, 781 i.f. ; MAS (t), 28, 300 ; MUQ, 208.
398 MAS (t), 301.
399 MAS (p), § 782, 785 ; ῌAW, 136, 153, et supra, chap. I, p. 93, et II, p. 120 i.f.-121.
400 Balsam, bal(a)sān (ῌAW, 161) : cf. BGA, IV, 193 ; ǦᾹῌ (t), index, s.v., p. 162, et E. Ghaleb, Dictionnaire des sciences de la nature (al-Mawsu‛a fī ‛ulūm a(-fabī’a), Beyrouth, 3 v., 1965-1966 : t. I, p. 162.
401 ῌAW, 142 i.f.
402 MAS (p), § 774 ; MAS (t), 34 ; ῌAW, 137, 139 ; MUQ, 206 i.f., et supra, p. 137 i.f.
403 MAS (t), 34.
404 MAS (p), § 774.
405 Les mois donnés comme équivalents ne sont pas ceux du calendrier hégirien, mais les mois dits syro-arabes, ici : tammūz, āb, aylūl. Pour les mois coptes, j’ai suivi, ici comme plus haut, la vocalisation (parfois différente du texte arabe) adoptée par Ch. Pellat dans sa traduction.
406 Tišrīn I, tisrīn II, kānūn I.
407 Kānūn II, šubāṭ, ādār.
408 Nīsān (naysān), ayyār, hazīrān.
409 Cf. Géographie II, 135 i.f.-140.
410 Ibid., p. 156.
411 FAQ, 78 ; MAS (p), § 219 ; ῌAW, 145, 170 (et supra, chap. I, p. 34, n. 2).
412 Cf. les indications de distance données par ῌAW, 145 (au tiers du chemin en remontant d’Edfou à Assouan) et les indications de K. Baedeker, Égypte et Soudan, Leipzig-Paris, 1914, p. 341 i.f.-342. Kramers (« Nil », dans EI, III, 979 i.f.) inverse les deux sites.
413 A noter que les deux défilés (maḍīqān) sont précisés par ῌAW, 145, comme étant « entre deux montagnes » : bayna ğabalayn.
414 QUD, M 64 ; MUQ, 20 (n. k) : supra, chap. I, p. 22, n. 4.
415 Sur les thèmes développés ici, cf. FAQ, 67-68, 74 ; MAS (p), § 220, 783-784, 797-798 ; ῌAW, 6, 133 (carte), 147, 157, 159-160, 170 (avec correction signalée supra, chap. I, p. 34, n. 2) ; MUQ, 208. Pour l’Antiquité, cf. Strabon (ville et nome d’Arsinoé), XVII, 1, 35-38, et Besnier, Lexique, op. cit., 85. Cf. également Kramers, art. cit., 979 (citant le Halīğ (canal) al-Manhī, d’après Idrīsī : c’est le canal d’al-Manhä (trad.) ou d’al-Munhä (texte) de Mas‘ūdī), et P. M. Holt, « Fayyūm », dans EI (2), II, 893.
416 Cf. MAS (p), § 220, où l’on peut à volonté traduire, avec Ch. Pellat : « le Nil franchit les écluses d’al-Lāhùn », ou : « le Nil passe près des écluses d’al-Lāhūn » ; ibid., § 782-783, parle de deux canaux distincts (du Fayyūm et d’al-Manhä), tandis qu’au § 797, seul le dernier intervient, à côté du Fayyūm en tant que pays.
417 Ici encore, rien dans le texte (MUQ, 208) ne permet de deviner que ce barrage, décrit à l’occasion de l’évocation du Fayyūm, se situe ailleurs qu’au niveau de celui-ci (à moins que nahr ne renvoie au canal et le « barrage » à l’écluse ?)
418 MAS (p), § 797.
419 Rien ne semblant indiquer ici qu’il est l’auteur du canal déjà existant, contrairement à ibid., § 783.
420 Voir son histoire résumée dans Baedeker, Égypte et Soudan, op. cit., 187-188.
421 RST, 116 ; MAS (p),§ 781 ; ῌAW, 146 ; MUQ, 197, 198, 200 (signale la destruction du pont occidental par les Fāṭimides).
422 ῌAW, 161, démarquant (et obscurcissant) IṢṬ, 42 : « tout ce qui, en aval du Caire, se trouve au nord du Nil, est appelé al-ῌawf ; au sud, ar-Rīf ». Sur l’interprétation de ces directions, cf. Kramers, art. cit., 980 (col. 2).
423 Sur ce mot, cf. supra, p. 131.
424 Sur ces deux halīğ, le souvenir de l’ancien bras du Nil et les tentatives de jonction Nil-mer Rouge, cf. MAS (p), § 1426-1428 ; MUQ, 18, 20 (n. k), 197 (n. f), 200 206 ; Kramers, toc. cit. (p. 980) et C. H. Becker, « Caire », dans EI, I, 840, 842. Sur les confusions entre les deux halīğ, chez Muqaddasī, cf. référ. à la note suivante.
425 Pour Muqaddasī, la confusion ne semble pas faire de doute à propos du bras de Roda et du canal du Commandeur des Croyants : cf. ma traduction (citée supra, p. 181, n. 4), n. 53, 54 et 78.
426 Cf. Kramers, loc. cit. (p. 980, col. 2) ; et ῌAW, 143, qui déclare, malgré les détails qu’il donne, s’en tenir à l’essentiel.
427 MAS (p), § 779 ; MUQ, 200, 206.
428 C’est elle sans doute que MAS (p), ibid., appelle écluse (tur‛a) de ḏunb (ou ḏanab : cf. Kramers, loc. cit. (980, col. 1)) at-Timsāḥ (cf. le lac, aujourd’hui encore de ce nom, traversé par le canal de Suez) : cf. également MAS (p), § 1426-1428.
429 A mi-chemin entre le Caire et Damiette : MUQ, 214. Sur Saradūs, cf. Kramers, loc. cit. (980, col. 2).
430 MUQ, 208, qui précise que ce godet est l’auge de la roue hydraulique.
431 Les auteurs ne semblent décidément pas faire de distinction entre šu‛ba (dérivation), halīğ (bras ou canal), et, plus simplement, mā’ (eau) : cf. par ex. ῌAW, 139-143, où, entre autres incertitudes, je relève celle-ci : la « branche » allant vers Tinnīs et Damiette, appelée successivement mā’ (139) et šu‛ba (143).
432 MAS (p), § 782, arrive au chiffre de sept halīğ (canaux et bras, puisqu’il y est question des halīğ de Damiette et d’Alexandrie) en y incluant les canaux du Fayyūm et d’al-Manhä (supra, p. 185, n. 7). Ailleurs (ibid., § 220), le même Mas‛ūdī parle, simplement, de « plusieurs » halīğ. MUQ, 20 (et n. k), a rectifié, passant de sept à deux.
433 Pour la navigation sur le Nil (branche de Rosette), cf. YA‛Q, 338. ῌAW, 140 i.f., parle de navigation depuis la région d’Alexandrie jusqu’au Caire, mais pendant la crue, et visiblement avec une batellerie appropriée : permanente chez MAS (p), § 221. Pour l’embouchure, uštūm semble être un nom commun, puisque MUH (y), I, 196, donne le même, mais pour deux autres embouchures (région Tinnïs-Damiette) : cf. aussi l’expression Uštūm Tinnïs, de Maqrīzī, cité dans Maspéro et Wiet, « Matériaux », art. cit. (supra, chap. I, p. 22, n. 4), 17.
434 La plus détaillée étant donnée par ῌAW, 138-148, 152, 156, 161 et passim.
435 MAS (p), § 220-221.
436 ῌAW, 138 i.f.-139.
437 Sur le lac et la ville, cf. YA‛Q, 338 ; RST, 90 ; FAQ, 252 ; MAS (p), § 788-790 ; MAS (t), 35 ; ῌAW, 152, 156 ; MUQ, 201-202, 203, 208 ; ῌud, 56, 78.
438 L’autre branche, qui paraît être un canal, étant dite atteindre Alexandrie après avoir arrosé la campagne.
439 L’expression « au delà de Damiette » doit s’entendre comme « en amont » de la ville (cf. le sens de l’itinéraire, d’al-Faramā (Péluse) à Damiette en passant par Tinnīs). Ya‛qūbī fait du lac le terminus du Nil de ce côté-là. Mais la communication est soulignée par Muhallabī (cité ci-dessus, n. 2), Ibn ῌawqal et Muqaddasī (infra, à propos des jeux de l’eau, douce et salée ; la communication est du reste expressément indiquée par ῌAW, 156).
440 ῌAW, 141 i.f., en cite une, dite de Moïse, dans le Delta.
441 MUQ, 208.
442 YA‛Q, 339 i.f.
443 MUQ, 207 i.f. (cité supra, p. 166).
444 MUQ, 208 i.f. (cité ibid.).
445 MAS (p), § 779 ; et MUQ, 207 i.f. (cité supra, p. 165).
446 Cf. supra, p. 145 i.f.-146.
447 Compte tenu des hésitations de lecture entre Šubra, Šubrä et Šubrū (d’un vieux mot copte évoquant un « pays » : cf. BGA, IV, 269), le « vin » (nabīḏ) appelé šubrāwī par MAS (p), § 779, a de fortes chances d’être, en réalité, l’hydromel fabriqué à Šubrū (FAQ, 66, sans indication de lieu ; ῌAW, 161) ; auquel cas Mas‛ūdī, tenant d’une eau pure pour ce nabīḏ, ne partagerait pas l’avis des deux autres auteurs quant aux qualités de l’eau à employer pour la fabrication de l’hydromel.
448 Cf. MAS (p), § 734, 779, 1286 ; MUQ, 206 (pour la fête de la Croix en Syrie-Palestine, ibid., 183), et supra, p. 181.
449 MAS (p), § 779-780 ; cf. Dozy, Supplément, s.v. « ġiṭāṣ » (pour ġuṭāṣ), II, 216.
450 Kānūn II.
451 Soit 941 ap. J.-C.
452 Le fondateur de la dynastie locale des Ihšīdides ; il exerça le pouvoir de 323/ 935 à 335/946.
453 Malāhī (également : instruments de musique) est peut-être redondant avec ‛azf ; qaṣf peut avoir aussi le sens de ripaille, bombance : cf. trad. Pellat.
454 Cf. supra, p. 171 (et n. 3) : il n’y a, en Arabie, ni rivière ni lac.
455 Sur ces thèmes, cf. par ex. HUR, 126, 129, 138 ; RST, 175 (Wādī s-Sibā‛ et Zubāla : corriger trad., p. 203 : il s’agit d’une eau stagnante, et non pas vive) ; ῌAW, 29, 30 i.f., 31, 33 i.f. (corriger ibid., trad., p. 37 et 38 / texte, p. 38 et 39 : « steppes » (bawādin) et non « vallée(s) ») ; MUQ, 80, 252. Listes de wādī dans HAM, 71-78, 89-90.
456 Cf., pour le Wādī l-Qurä (sur lequel cf. A. Grohmann, dans El, IV, 1135-1136), son apparition, la plupart du temps, dans des listes de pays ou des itinéraires ; HUR, 129, 150; QUD, 191, 248; RST, 177, 183; FAQ, 7, 26; MAS (t), 335 et passim (simple cadre d’événements historiques) ; ῌAW, 21, 31, 32, 34, 158 ; MUQ, 30, 53, 83-84, 97, 107, 110, 249, 250, 252. A noter que le terme wādī est parfois relayé par celui de baṭn (creux, dépression) : cf. ῌAW, 29 (IṢṬ, 22 : baṭn et wādī) ; MUQ, 77, 105-107, 249, 250 (cf. supra, chap. I, p. 102). Sur l’Azraq, cf. infra, p. 196, n. 2.
457 YA‛Q, 312-313 ; RST, 25-26, 44-52 ; ῌAW, 29-31 ; MUQ, 77.
458 IṢṬ, 21 ; ῌAW, 27 i.f.-28 (sur le remplacement de sawānī par sawāqī, cf. BGA, IV, 265). Sur le thème du terroir continu, cf. Géographie II, 15.
459 Cf. HAM, 160, évoqué supra, p. 126 (et Yāqūt, Bulddn, IV, 179-180, V, 63). Sur les sources (aujourd’hui compromises par l’extension des cultures et de toute façon insuffisantes eu égard aux énormes besoins du développement), cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 177 i.f.-178.
460 Cf. Hud, 77 ; O. Löfgren, « Bayḥān », et M. A. Ghul, « Bayḥān al-Kaṣāb », dans EI (2), I, 1166-1167 ; The Times Atlas of the World, 33, 9/F-G. Même amplification chez FAQ, 28 (pour la Yamāma).
461 Limité, il est vrai, à la saison des pluies : HUR, 136 ; SER, 49 (a) ; RST, 110.
462 Cf., à titre d’exemple, MUQ, 84-86, 92-93, 107, 108, 110.
463 ῌud, 78 i.f.-79.
464 Des nombreuses évocations ou descriptions de Zamzam, je retiens, pour les thèmes qui nous occupent ici : RST, 40-44, 58 ; FAQ, 19, 116, 222 ; MAS (p), § 938-940. A noter que, dans l’histoire d’Agar et d’Ismaël, qui préfigure l’Islam, mais ne l’est pas encore, c’est l’image du puits qui l’emporte sur celle de la source (Zamzam eût été source vive sans la précaution — ou l’avarice — d’Agar qui la mure, et il y aurait trois sources au fond du puits) : sacralisé par l’Islam, le puits, préféré à la source, s’inscrit pourtant dans l’histoire et le paysage de l’Arabie traditionnelle. Cf. également MUQ, 171, trad., p. 198, n. 210.
465 Prière extraite du Précis de droit d’Ibn Qudāma, trad. citée (légèrement modifiée), p. 86.
466 FAQ, 112, parle de nombreuses sources, tandis que MUQ, 188, les fait modestes de débit.
467 QUD, 219 (et n. f).
468 MUQ, 174 i.f. Il s’agit sans doute, en fait, d’un ou plusieurs ruisseaux provenant des sources, en effet nombreuses et canalisées ; cf. ῌAW, 171, et Baedeker, Palestine et Syrie, op. cit., 221.
469 ῌAW, 185 (IṢṬ, 48). Ne pas confondre avec un canal d’Irak (infra, p. 199).
470 MUQ, 185 (trad., p. 231, n. 89) ; sur la région d’aš- Šarāt, ibid., index, s.v., et supra, chap. I, p. 20 (et n. 2).
471 MUQ, 54, 154 (et n. d), et N. Elisseeff, Nūr ad-Dīn, Damas, I, 1967, p. 171 (w. Baṭnān).
472 MUQ, 151, 161 (trad., p. 177, n. 134), 171 (trad., p. 273, s.v.).
473 HUR, 177 ; SER, 44 (b) ; RST, 91 ; ῌAW, 178 (sous le nom de rivière d’Abū l-ῌasan Quwayq) ; MUQ, 155, et Baedeker, Palestine et Syrie, op. cit., 404. Ne pas confondre ce cours d’eau avec son homonyme, au Hurāsān : MUQ, 336 (et 331, n. l).
474 Cf. supra, p. 118 et 173. Sur les trois fleuves et les thèmes développés ici, cf. YA‛Q, 362 ; HUR, 99, 176-177 (et n. a-b) ; SER, 44 (a) ; RST, 91 ; FAQ, 63, 64, 95, 116 (autre nom du Baradān : le Ġaḍbān, litt. : le Coléreux) ; MAS (p), § 775 ; MAS (t), 87-88 ; ῌAW, 183 (le Ǧayḥān est plus important que le Sayḥān) ; MUQ, 19, 22 (et n. q), et trad., p. 63, n. 107 et 110.
475 MAS (t), loc. cit. : cf. supra, chap. I, p. 37.
476 Sur ce complexe hydrographique, cf. HUW (s), 125 ; HUR, 79 i.f., 177 ; SER, 44 (a-b) ; QUD, M 65 ; YA‛Q, 324, 325, 327 ; RST, 91 (et n. e) ; FAQ, 64, 116, 118, 122; MAS (t), 88, 107-108, 242; ῌAW, 27-28, 153, 170, 173-174, 184; MUQ, 19, 22 (et n. q), 23 (Zabadānī : cf. supra, p. 119), 156, 160, 161, 162 (et n. f ; trad., p. 180, n. 153), 173, 184, 185, 187, 192, 269.
477 Cf. Baedeker, Palestine et Syrie, op. cit., 380 ; Elisseeff, op. cit., 242.
478 Cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 208 et 209 (carte), et R. Dussaud, Topographie historique de la Syrie antique et médiévale, Paris, 1927, p. 195 (et n. 5)-198.
479 Cf. Blanchard, loc. cit. ; MAS (t), 88, n. 2; Dussaud, op. cit., 2 (n. 4), 195, 229, 438-439 et carte XIV; Elisseeff, op. cit., 192 et carte (C/2).
480 Cf. MAS (t), 107, n. 2 et 3 ; MUQ, trad., p. 179, n. 145.
481 Cf. MUQ, 162 (et n. f), trad., p. 180, n. 153 ; on a déjà évoqué supra, p. 193, l’incertitude qui s’étend sur le bassin du Jourdain dès qu’on quitte le fleuve. Le Nahr al-Azraq (arrière-pays steppique de la vallée du Zarqā’ : cf. Times Atlas, 34, C/6-D/6-D/7) n’est pas cité par MUQ, 248, 251, comme relevant du système du Jourdain, mais comme cours d’eau (le seul au demeurant) de la Steppe (Bādiya) arabo-syrienne.
482 Sur cette ville (également Zuġar) des parages méridionaux de la mer Morte, cf. MUQ, trad., p. 328-329.
483 MUQ, 185 i.f., avec la correction proposée dans trad., p. 231, n. 91 (supra, p. 171, n. 1).
484 Cf. supra, p. 126 (YA‛Q, 328, ne signale pas la relation Nahr Abī Fuṭrus-Jourdain).
485 Cf. YA‛Q, 327, parlant du lac de Tibériade, « d’où sort le célèbre fleuve du Jourdain », et MAS (t), 107, qui, tout en donnant une image correcte de la réalité, réserve le nom du Jourdain à l’émissaire du lac, le tributaire restant anonyme.
486 Cf. aussi, peut-être, ῌAW, 153, qui fait couler le Jourdain, comme le Nil, vers le nord.
487 Cf. supra, chap. I, p. 19, n. 2.
488 Pour le Baradä et divers lieux portant un nom pouvant prêter à la confusion, cf. MUQ, trad., p. 64, n. 111.
489 Cf. R. Hartmann, « Baḥr Lūṭ », dans EI (2), I, 961.
490 Supra, chap. I, p. 19.
491 C’est à une des sources du bassin supérieur du Litani que renvoie YA‛Q, 325, mentionnant, à propos de Balbec, « une source extraordinaire donnant naissance à un gros cours d’eau ».
492 Cf. Blanchard, op. cit., 201 ; Baedeker, Palestine et Syrie, op. cit., 380.
493 FAQ, 104 (pour le Nahr Abī Fuṭrus, présumé résurgence du Jourdain : cf. supra, p. 126), 116 (cf. supra, p. 193).
494 Cf. supra, p. 116 et 125.
495 C’est le lieu de se rappeler l’appellation de « degrés » par laquelle on évoque cette région : cf. supra, chap. I, p. 19.
496 Situation particulière soulignée par MUQ, 22 (et n. q.
497 Cf. supra, p. 192 i.f. (et n. 5)193, à propos de Zamzam.
498 La montagne, elle aussi, se charge de valeurs sacrées : cf. supra, chap. I, p. 21.
499 A une exception près, dont on parlera plus loin.
500 Pour une vue d’ensemble du système hydrographique, naturel et aménagé, de l’Irak et du Hūzistān, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 24-85 et 232-247, passim. Pour les auteurs arabes, nous donnons ci-après les références d’ensemble, quitte à en reprendre certaines à propos de points particuliers (les données relatives au Tigre et à l’Euphrate supérieurs seront fournies plus loin, à l’occasion de leur description) : HUW (s), 129-130, 140 ; SER, 30 (b)-31 (b), 32 (b)-41 (a), 47 (a) ; HUR, 6-14, 74, 154, 172, 174, 176, 178 ; QUD, 232 i.f.-235, 238, 240-241 ; YA‛Q, 234, 237-238, 242-246, 249-257, 260, 263-264, 269, 272, 274 i.f., 309, 320-323 ; RST, 87, 90-91, 93 i.f.-96, 104, 108, 111, 155, 185-187 ; FAQ, 63, 64, 93, 95, 119, 128, 146, 163-164, 166, 168, 174-175, 176, 182, 185, 187, 197, 198, 210, 212, 213, 221, 222, 226, 227, 229-231, 236, 242, 253, 296 ; MAS (p), § 229-235, 240, 242 ; MAS (t), 28, 57, 61, 63-65, 78-81, 83, 92, 94, 115 ; ῌAW (développant IṢṬ), 7, 18, 35, 42, 46-47, 49, 231, 234-247, 249, 253, 258 ; MUQ, 13, 19, 20 (et n. i), 23, 53, 113-125, 129, 134, 258, 329 (n. f) ; ῌud, 74-77.
501 Sur cet affluent du Tigre et le système de captation des eaux de cette région, cf. S. H. Longrigg, dans EI (2), II, 352-353. Ne pas confondre le Nahr Bīn avec son homonyme, déjà cité (supra, p. 193).
502 Excepté pour certaines dérivations du troisième qui se déversent directement dans le Tigre, sans le relais du Qātūl de Chosroès : cf. SER, 36 (a).
503 Ṣarṣar, Kūṯä et an-Nïl sont aussi des noms de villes ; les canaux de Bān et de Qurays donnent, eux, leur nom à des bourgades : Nahr Bān, Nahr Qurayš. Sur le Duğayl (ancien et nouveau), cf. ῌAW, 228 i.f. ; Le Strange, Eastern Caliphate, 51, 65, 80, et 85 ; R. Hartmann et S. H. Longrigg, « Didjla », dans EI (2), II, 257 ; R. Hartmann, « Furāt », dans EI (2), II, 968, col. 2.
504 Cf. supra, p. 127.
505 Sur la signification de cet adjectif, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 44, n. 1, et infra, p. 204, n. 2.
506 Sur cette ville, cf. Le Strange, ibid., 47 et passim, et Kramers, dans EI, III, 1036.
507 Exemple de la Diyālä, déjà citée ; même incertitude pour un « affluent » du Tigre, le Nahr az-Zīb, cité par QUD, 232 i.f.-233 ; cf. aussi MAS (t), 79 i.f.
508 ῌAW, 236 i.f. : « on croirait les palmiers plantés du même jour » (IṢṬ, 57 : sur un même alignement).
509 Ce trait du paysage irakien est précisé par IṢṬ, et ῌAW, loc. cit., à propos d’al-Baṣra.
510 Cf. par ex. MAS (t), 115 ; ῌAW, 244-245. Pour l’histoire musulmane : MAS (t), 403, 423, 467, 471, 472, 477, 487, 488, 490, 497.
511 Wāfidān, rāfidān (nom sous lequel sont parfois désignés les deux fleuves), rā’idān (litt. : qui vont en avant préparer le gîte, recherche de l’eau comprise, pour la caravane) : MAS (t), 65 (avec citation d’al-Farazdaq et de Baššār).
512 YA‛Q, 239-254. Malgré les travaux accomplis ici aussi, Sāmarrā ne donne pas le même sentiment d’une ramification intense : ibid., 263-264.
513 Sur le sens du mot ğazīra, cf. supra, chap. I, p. 100.
514 Capitale de la Susiane (Hūzistān).
515 Région d’Arabie, hinterland du Baḥrayn : cf. A. Grohmann, dans EI, IV, 1218.
516 Région de Haute-Mésopotamie, autour de Mossoul : cf. M. Canard, dans EI (2), II, 357-358.
517 Région de Haute-Mésopotamie, sur l’Euphrate, de Samosate à l’Irak : cf. Canard, ibid., 357.
518 Chef-lieu du Diyār Mudar, sur l’Euphrate, à 180 km environ à l’est-sud-est d’Alep : cf. E. Honigmann, dans EI, III, 1185-1187.
519 La région des places-frontières (aṯ-ṯugūr) : cf. E. Honigmann, dans EI, IV, 777.
520 Suite et fin (pour les routes terrestres) : « La ville sera aussi sur le chemin des gens du Ǧabal (Ǧibāl : le plateau iranien), d’Ispahan et des circonscriptions du Hurāsān » : ibid., 237 i.f.-238. J’ai traduit, dans le texte de Ya‛qūbī, par « remontera » et « descendra » les verbes turqä et yuḥtaṭṭu qu’on peut traduire aussi par : « abordera » (cf. Dozy, Supplément, I, 550) et « sera déposé ». J’ai préféré garder le sens propre, le texte semblant bien distinguer les navires qui remontent de ceux qui descendent vers Bagdad.
521 YA‛Q, 322 ; RST, 94-95, 185 ; ῌAW, 235-236 (cf. BGA, IV, 263, s.v. « sumayriyya »), 242 ; ῌud, 76.
522 YA‛Q, 309 ; RST, 94 i.f.-95 ; MAS (p), § 229, 234, 235 (et n. 1 de la trad. ; signalé, aussi, un changement du Tigre à Bagdad) ; MAS (t), 63-64, 80 ; cf. supra, p. 121, et Le Strange, Easlern Caliphate, 25 i.f.-28.
523 IṢṬ, 57 i.f. ; ῌAW, 238.
524 Plus tôt encore selon Balāḏurī : cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 27.
525 QUD, 240-141 ; RST, 94 ; MAS (p), § 237-238 ; MAS (t), loc. cit. ; M. Streck et Saleh el-Ali, dans EI (2), I, 1126-1130.
526 Cf., pour la description de la Baṭīḥa, YA‛Q, 323 ; RST, 94-95, 185 ; MAS (p), § 238 ; MAQ, IV, 70 ; ῌAW, 238 (IṢṬ. 57) ; MUQ, 34, 47, 119, 125, 128, 133. Les Zoṭṭ sont mentionnés par RST, 95 (trad., 106), alors qu’ils ont été déportés par al-Mu‛taṣim de la Baṭīḥa en Syrie du Nord, notamment dans les plaines marécageuses de l’Oronte inférieur : cf. M. Lombard, L’Islam dans sa première grandeur, Paris, 1971, p. 154 i.f.-155 ; A. Popovic, La révolte des esclaves en Iraq au iiie/ixe siècle, Paris, 1976, p. 53-54. IṢṬ, 65, et ῌAW, 257, parlent des Zoṭṭ du Hūzistān.
527 Ce nom est dū au barrage qui, installé sur le Tigre, le rendit « borgne » (i‛warra) : RST, 95. Je ne suis pas sūr, à ce propos, que Le Strange (Eastern Caliphate, 27 i.f.-28) ait bien lu le texte d’Ibn Rusteh. Le barrage en question se situe non pas à al-Maḏār, sur le Tigre inférieur, mais beaucoup plus en amont, à al-Hayzurāniyya, près de Fam aṣ-Ṣilḥ (RST, 94 i.f.). L’« interruption » du Tigre Borgne près d’al-Maḏār (« Madhar, where the channel was stopped by a dam ») paraît bien signifier, chez Ibn Rusteh (94 i.f. : hiya (ḏiğla) l-yawma munqati‛atun min ṯamma), compte tenu de ce qu’il décrit le cours du Tigre en le remontant, le point extrême où, dans l’ancien lit du Tigre (redevenu celui du fleuve d’aujourd’hui), l’eau peut remonter à partir du confluent, en aval (à al-Qurna), de cet ancien lit avec le lit utilisé au temps d’Ibn Rusteh. Cette « interruption » n’est pas celle d’une digue, mais, tout simplement, de la navigation dans un lit qui, en amont, est abandonné. Dès lors, l’expression de Tigre Borgne doit s’entendre comme renvoyant au Tigre inférieur dans son ensemble, à partir de l’endroit où l’a « éborgné » le barrage de Fam aṣ-Ṣilḥ : d’où le maintien de ce nom tout au long de ce cours inférieur, d’abord abandonné, dans la région à l’est de Wāsiṭ (ce que démontre bien MAS (p), § 235, et n. 1 de la traduction), puis, en aval (Šaṭṭ al-‛Arab), à partir du moment où ce même lit est emprunté par le Tigre retrouvé, celui qui, en détruisant le barrage de Fam aṣ-Ṣilḥ, s’est répandu vers le sud et la Baṭīḥa.
528 MAS (t), 28, signale que le vent du Sud, soufflant sur la vallée du Tigre inférieur, agite le fleuve : comparer avec ce qui a été dit pour d’autres cours d’eau, supra, p. 122, 183, 195.
529 RST, 94 (avec l’expression : tud‛ä bilādu l-baḥri bilāda s-sufāliyya) ; ῌAW, 237 (IṢṬ, 57) ; MUQ, 13, 124 i.f.-125, 129, et supra, p. 138. On reprendra l’étude de la marée à propos des mers.
530 MAS (p), § 242 ; ῌAW, 46-47 (qui semble confondre deux tourbillons, celui-ci et un autre, situé plus à l’est : cf. IṢṬ, 30) ; MUQ, 12
531 ῌAW, 237 (IṢṬ, 57) : le tourbillon se situe, il est vrai, à l’intersection du Tigre et du canal venu d’al-Ubulla, mais il est, comme tel, compris dans la zone des marées.
532 Cf. MUQ, 23 (et n. h), 118 ; sur le sens de ğazīra, cf. supra, p. 100 ; sur ‛Abbādān, cf. L. Lockhart, dans EI (2), I, 5.
533 Sur les cours d’eau du Hūzistān, cf. SER, 40 (b)-41 (a), 47 (a) ; HUR, 172, 176 ; YA‛Q, 272 (trad., p. 73, n. 1), 274 i.f., 361 (corriger trad., p. 228 : ce n’est pas le pont de bateaux, mais le fleuve, qui se nomme Masruqān) ; QUD, 194 ; FAQ, 227 ; RST, 90-91 ; MAS (p), § 242 ; MAS (t), 83 ; ῌAW (développant IṢṬ), 49, 252-253, 255, 257-259, 365 ; MUQ, 12 (et n. m), 19, 23, 118, 402, 405-412, 419 ; ῌud, 74-75. Sur les traits communs à l’hydrographie de toute cette région, cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 224.
534 Ou un de ses canaux, mais peut-être aussi la rivière elle-même : MUQ, 408, et Le Strange, Eastern Caliphate, 240 (Duğayl pour Diğla).
535 SER, 40 (b) i.f.-41 (a) ; MUQ, 406, 412 ; autres références dans Le Strange, Eastern Caliphate, 48.
536 Ce sont, en réalité, les cours d’eau descendus du Zagros qui commandent le système hydrographique de la Basse-Mésopotamie : cf. Blanchard, dans Gèogr. univ. VIII, op. cit., 222-224.
537 Sur lui, cf. M. Strcck et J. Lassner, dans EI (2), IV, 701-704.
538 Pour HUR, 176, RST, 91, et SER, 47 (a), le Masruqān ne rejoint pas le Duğayl, après l’avoir quitté, mais se jette dans la mer : sur ces variations possibles, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 237 i.f. ; Streck et Lassner, art. cit., 701 i.f.
539 Cf. respectivement, pour les ponts, MUQ, 410, 412 (et plus loin, ici même) ; IṢṬ, 62 (ῌAW, 253) ; sur le barrage de Tustar, cf. l’évocation d’IṢṬ, loc. cit., et 64 (ῌAW, 252 et 255) ; sur le pont et le lac d’al-Ahwāz, cf. supra, p. 150-151.
540 Les auteurs font venir la rivière, elle aussi, des monts d’Ispahan, alors qu’elle naît dans le Zagros, au sud de Hamaḏān, tout en recevant, il est vrai, en rive gauche, des affluents qui lui apportent les eaux de ce même Zagros à l’ouest d’Ispahan. YA‛Q, 361, mêle en une seule rivière le Duğayl, le Masruqān et cette rivière-ci : cf. la succession des villes indiquées et la précision d’un pont de bateaux de 563 pas à Ǧunday-Sābūr. Sur Dizfūl (ville, rivière et pont), cf. L. Lockhart, dans EI (2), II, 359-360.
541 A propos du nom de Hinduwān, on se rappellera qu’il est aussi celui d’une ville et d’une rivière du Fārs occidental (cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 270, 271 et n. 1, 272), et, surtout, du célèbre pont d’al-Ahwāz (cf. supra, p. 150) : confusion, ici encore, de la part de Ya‛qūbī ? ῌud, 75, évoque une rivière de Suse épuisée par l’irrigation loin en amont de son confluent avec le Duğayl. Sur le tombeau de Daniel, cf. supra, p. 139. Sur la Karha, cf. Schwarz et Miquel, dans EI (2), IV, 680.
542 Cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 237 i.f. (précisant IṢṬ, 62 ; ῌAW, 252). Un autre canal (ou affluent), entre Hisn Mahdī et l’embouchure, est indiqué dans MUQ, 12 (n. m) : cf. également ῌud, 74 i.f.
543 Cf. ῌud, 75 (comparer avec Streck et Lassner, dans EI (2), IV, 703, col. 1). HUR, 172, dit que Tustar est placée entre quatre cours d’eau : Duğayl, Masruqān, Mahrūbān et Bāsiyān. Le dernier nom renverrait à un complexe de canaux drainant les eaux à l’est du Duğayl inférieur : cf. MUQ, 412 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 242-243, 247. Mahrūbān, quant à lui, témoignerait d’une confusion entre les bassins du Duğayl et du Tàb (cf., pour les bassins inférieur et supérieur de ces deux fleuves, ibid., 270, n. 1) : Mahrūbān est en effet le nom d’un port situé dans la région du Tāb inférieur (cf. ibid., 270-273, 294, 297). Ibn al-Faqīh, reprenant Ibn Hurdāḏbeh (avec une hésitation sur la ou les villes ainsi placées entre ces quatre cours d’eau : cf. FAQ, trad., p. 275, n. 6), a, pour Mahrūbān et Bāsiyān, deux mots mal lisibles (cf. HUR, 172, n. f) : Māhīnān (Mahīmān), Narūbān (Narūyān) : FAQ, 227 (et n. k), trad., p. 275.
544 Cf. MUQ, 403, disant que la majorité de la population d’al-Ahwāz est immigrée d’al-Baṣra et du Fārs, et, plus loin, la réflexion d’un habitant de cette ville : « Le Hūz(istān), c’est le pays en amont d’al-Ahwāz, comme ‘Askar Mukram, Ǧunday-Sābūr et as-Sūs, mais nous, nous sommes irakiens. » Pour la présence de l’Irak dans la toponymie, cf. ibid., 411-412 (rives irakienne et persane du Duğayl ou de ses dérivations) ; dans l’autre sens, p. 413 : « toute la campagne d’al-Baṣra est peuplée d’Iraniens », mais, à l’inverse, modèle basrien pour la ville hūzistānienne de Bayrūt, appelée « la petite Basra » (ibid., 408, encore que cette expression puisse se retrouver fort loin d’ici : cf., pour la Syrie-Palestine, ibid., 151, 178).
545 MAS (p), § 270 ; ῌAW, 46 i.f., 257.
546 IṢṬ, 62 i.f., 65 ; ῌAW, 253, 257 ; MUQ, 412.
547 IṢṬ, 63, 65 ; ῌAW, 253, 257. Sur les incertitudes, au cours de l’histoire, de ce paysage fluvial, cf. Streck et Lassner, dans EI (2), IV, 702, col. 2.
548 IṢṬ, 31, 63, 65 ; ῌAW, 49, 253, 258 ; MUQ, 408 (avec indication de moulins flottants), 414 i.f.
549 IṢṬ, 62 (ῌAW, 252) ; les montagnes sont signalées en passant, à propos de villes qualifiées de ğabaliyya, par MUQ, 414 (l’une d’elles est dite toutefois « au milieu des montagnes », et connaître de fortes chutes de neige). Sur la configuration physique du pays et sur ses cours d’eau, cf. Blanchard, dans Géogr. univ., VIII, op. cit., 146.
550 Cette appellation (cf. Yāqūt, Buldān, I, 92 : Aqūr et Atūr) est celle qu’emploie systématiquement Muqaddasī : Atūr apparaît p. 20 (n. d), 27, 28 (n. m). A de rares exceptions près, justifiées par le souci d’une présentation historique (ex. RST, 104, repris par MAS (t), 61), Atūr disparaît derrière l’appellation générale de Ǧazīra.
551 Explicitement énoncé comme tel par FAQ, 26 i.f.-27.
552 Sur ces dérivations, cf. SER, 31 (a), 32 (b), 33 (a), 35 (b) ; HUR, 175 ; RST, 90. FAQ, 129 i.f., confond visiblement le Tartār avec le Hirmās ou le Hābūr (erreur réparée ibid., 135) ; ῌAW, 220 i.f., parle pour la même région, près de Singār, du Wādī l-ῌiyāl, qui peut relever du système du Tartār. QUD, 217, parle d’une dérivation, le Halīğ Ibn Garnī‛, dans la même région que le Nahr Sa‛īd. Pour d’autres canaux de moindre importance (région de Mossoul), cf. ῌAW, 214 i.f., 218-219 (IṢṬ, 53). Cf. également, pour Mossoul, infra, p. 211, n. 4.
553 Sur le Tigre et l’Euphrate supérieurs, avec leurs affluents, cf. HUW (s), 129-130, 139 i.f.-140 ; SER, 30 (a)-33 (a), 35 (a)-35 (b), 41 (a)-41 (b) ; HUR, 74, 96, 174, 175 ; QUD, 217, 232-233, M 66-68 ; YA‛Q, 362, 363 ; RST, 90, 93 i.f.-94, 104, 108 ; MAS (p), § 228, 239-240 ; MAS (p), 61, 78-81, 95 ; FAQ, 26 i.f.-27, 111, 114, 128-129, 133, 134 i.f.-135, 175 ; ῌAW (développant IṢṬ), 18, 165, 169, 180, 181, 187, 196, 208-211, 214 i.f.-215, 216 i.f.-217, 219, 220, 221 i.f.-223, 224 i.f. - 229, 340, 344, 345, 370 ; MUQ, 20 (et n. d), 123, 136-138, 139, 141 (et n. a), 144 (et n.r, s et t), 145 (et n. c) ; ῌud, 76, 141.
554 Voir la tradition administrative conservée par HUR, 74 (circonscription de l’Euphrate, avec subdivisions du Hābūr), 94-95 (circonscription de Mossoul, avec subdivisions du Diyār Rabī‛a).
555 Sur les limites de l’Arménie, cf. M. Canard, dans EI (2), I, 655. Références à l’Arménie, pour le Tigre et le Hābūr, dans MAS (p), § 239, et ῌAW, 344 ; pour les deux Zāb, plus précisément issus du Kurdistan iranien, dans ῌAW, 228 (Adar-baygàn et Arménie), 370, et ῌud, 76. Muqaddasī, quant à lui, englobe toutes ces hautes terres, Ᾱḏarbayğān compris, dans l’appellation générale d’ar-Riḥāb. RST, 90, parle d’Arménie pour les sources des deux Zāb et même du Nahrawān (supra, p. 199).
556 Les seuls auteurs à situer ainsi expressément les sources des deux fleuves en territoire byzantin sont ῌAW, 208, 209, et MUQ, 20.
557 Comparer RST, 93 i.f., QUD, 233, et MUQ, 20.
558 ῌAW, 226 (développant IṢṬ, 54) ; comparer avec Harawī, Guide des lieux de pèlerinage, trad. citée, p. 138-140.
559 MUQ, 20, 144, 146 ; cf. supra, chap. I, p. 111.
560 Sur ces villes, cf. ῌAW, 219-220, 222 i.f., 225, 228.
561 Cf. par exemple HUR, 97, 99-103 ; QUD, 216, 252-255.
562 Pour une vue d’ensemble, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 110-114 (rectifier p. 113, 1. 5 : lire « Tigris » et non « Euphrates ») et passim ; R. Hartmann et S. H. Longrigg, dans EI (2), II, 256-257.
563 ḏi’b ou ḏīb ; cf. MUQ, 144 (n. r) ; Yāqūt, Buldān, V, 323. Ne pas confondre avec l’affluent de l’Euphrate portant le même nom, ni avec un canal de nom voisin (Nahr az-Zīb), dans la région de Sāmarrā : cf. supra, p. 200, n. 5.
564 MUQ, 144 i.f. (et n. s).
565 Ou Sātīdamād ; appelé Nahr al-Masūliyāt par MUQ, 144 i.f. (et n. t). Sur une confusion avec le Bāsānfā, cf. plus loin, à propos de ce cours d’eau.
566 Sur cette rivière, au nom incertain, cf. MAS (t), 80 ; MUQ, 141 (et n. a, indiquée d par erreur), 145 (et n. c) ; Yāqūt, Buldān, III, 42, 138. Je suppose que c’est à cette rivière qu’il faut penser pour la lecture de SER, 35 (a) (et n. b, qui renvoie, sans précision, à un passage de Le Strange que je n’ai pu retrouver) : Fāfas (que l’éditeur, H. von Mźik, avait précédemment lu Fāqs dans HUW (s), 130, avec les mêmes coordonnées), sans doute Fāfan (pour Fāfān), du nom de la ville de Tall Fāfān, située près du confluent du Buhtan avec le Tigre.
567 De Goeje (MUQ, 144, n. t) identifie cette rivière au Sātīdamā. Mais les deux noms sont bien distincts chez SER, 35 (a-b), et surtout, la localisation du Bāsānfā ne peut pas répondre à celle du Sātīdamā, puisque le premier est dit confluer avec le Tigre, en rive gauche, à cinq parasanges (un peu moins de trente kilomètres) en amont de Ǧazīrat Ibn ‛Umar (SER, loc. cit.). Encore qu’on doive prendre les données d’Ibn Serapion avec quelque réserve (puisque le Bāsānfā est dit naître au nord-est d’ Ᾱmid, dans la région de Mayyāfāriqīn, ville relevant, en fait, du bassin du Sātidamā, ce qui pourrait expliquer l’erreur de De Goeje), il apparaît, si l’on s’en tient aux renseignements relatifs au confluent seul, que le Bāsānfā est la rivière dite ailleurs de Bā‛aynāṯā : cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 94 ; Hartmann et Longrigg, loc. cit. (qui identifient aussi, mais à tort, le Bāsānfā au Saffān : voir plus loin, à propos de cette rivière).
568 MAS (p), § 239 ; MAS (t), 80 ; sur la montagne de Bāsūrīn indiquée à ce propos, cf. supra, chap. I, p. 17, n. 4. Cette rivière et la précédente sont bien marquées sur le Times Atlas, 37, G/8, comme naissant de part et d’autre de la ville de Sir-nak.
569 MAS (p), § 239 ; MAS (t), 80-81, qui l’associe étroitement au précédent, ce qui semble permettre de serrer de près l’identification du Dūsā telle que nous la proposons.
570 Les indications données par MAS (t), 81, et MUQ, 20 (n. d) (cf. également Yāqūt, Buldān, III, 224), renvoient très clairement à cette région ; sur la montagne de Satan et sa région, indiquées par Mas‛ūdī, cf. supra, chap. I, p. 17, n. 2, et Yāqūt op. cit., II, 518, V, 344-345. C’est Hartmann et Longrigg, EI (2), II, 256, qui me fournissent l’identification avec le Wādī 1-Murr (bien que, par ailleurs, ils confondent le Saffān avec le Bāsānfā).
571 MUQ, 138-139 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 88 ; E. Honigmann, « Mōsul », dans EI III, 651 (le Nahr Zubayda serait, en fait, un canal) ; Elisseeff, Nūr ad-Dīn, op. cit., I, 104.
572 MAS (t), 79 ; ῌAW, 225, 228.
573 Pour une vue d’ensemble, cf. Géographie II, 409-410 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 115 sq., et R. Hartmann, dans EI, II, 125-126 (repris dans EI (2), II, 967-968).
574 MAS (p), § 228, l’en fait même sortir, semble-t-il ; SER, 31 (b), situe le confluent des deux Euphrates en amont du confluent avec l’Anğā : c’est le contraire qui est vrai.
575 Parfois confondue avec Samosate, Yāqūt rectifiant l’erreur (Le Strange, Eastern Caliphate, 116 i.f.-117). Sur la ville, cf. Vasiliev et Canard, Byzance et les Arabes, II : La dynastie macédonienne, op. cit., 46 (n. 1) et passim.
576 A ne pas confondre avec son homonyme, affluent du Tigre (cf. supra).
577 Sur le système Qubāqib-Qurāqīs-Zarnūq-canal de Mélitène, cf. les précisions apportées par SER, 33 (a) et 41 (b) ; SER, 33 (a), signale un troisième affluent important du Qubāqib, le Hūrīṭ (ou Ǧūrīṭ) : c’est, en fait, un affluent du Ǧayḥān [cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 122).
578 Ce cours d’eau est mal placé par SER, 31 (b), qui semble en faire le premier affluent reçu par l’Euphrate à partir de sa source.
579 Cf. MAS (t), 95 ; FAQ, 50 i.f., 106, 255 ; ῌAW, 181 -, MUQ, 147 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 123-124 (et n. 1).
580 FAQ, 175 ; |Yāqūt, IV, 497 ; Elisseeff, Nūr ad-Dīn, op. cit. (Kaysūm ou Kaysūn), I, 162, 164, et carte, 1/D.
581 Il faut rattacher au bassin du Balīh le Nahr Dayṣān, signalé par FAQ, 175, et qui est une des rivières constituant cet affluent de l’Euphrate : cf. Elisseeff, op. cit., 143-144.
582 Cf. YA‛Q, 362 ; ῌAW, 211 et 222 (avec déploration sur les malheurs du temps). Ne pas confondre ce Hābūr avec son homonyme, affluent du Tigre, dont il a déjà été parlé ; pour le ṯarṯār, qui relève du même système, cf. supra. Le pays des sources du Hābūr et du Hirmās a déjà été évoqué supra, chap. I, p. 111, et, au présent chapitre, p. 125 i.f.-126.
583 SER, 32 (b), signale un cours d’eau qui apporterait à l’Euphrate, en aval de Hīt (à 140 km environ à l’ouest-nord-ouest de Bagdad), à travers la steppe syro-irakienne, les eaux de la région de ‛Ayn at-Tamr (cette dernière à 130 km environ à l’ouest de Karbalā’ : cf. Saleh A. el-Ali, dans EI (2), I, 812) : en réalité, il n’y a guère ici que des wādī, dont les lits ont sans doute été utilisés lors de percements de canaux : cf. R. Hartmann, « Furāt », dans EI (2), II, 968, col. 2.
584 Pour les cours d’eau dont il va être question, cf. HUW (s), 141 ; SER, 46 (b)-47 (a) ; HUR, 174, 175 ; YA‛Q, 363-364 ; RST, 89 ; FAQ, 293, 296-297 ; MAS (p), § 506 ; MAS (t), 93-95 ; IṢṬ, 111 ; ῌAW, 7, 13, 220, 338, 340, 345, 347, 349, 350, 388 ; MUQ, 19, 23, 362, 373, 374, 375, 379 (et n. q), 380, 381 ; ῌud, 77, 144 ; Le Strange, Eastern Caliphate, 166-168, 176-181 et passim.
585 Peut-être le Vorotan ou l’Akera, en rive gauche, compte tenu de la situation du pays d’Arrān, du nom de l’affluent (Nahr Arrān) et des indications données par HUR, 174 (repris par RST, 89, qui signale d’autres affluents, anonymes ceux-là).
586 Cette restriction, erronée, de la mouvance arménienne (cf. supra, p. 208, n. 6) est compensée à l’est, où les montagnes de l’Ᾱḏarbaygān sont, à l’occasion, considérées comme relevant de l’Arménie : cf., à propos des sources du Safīd-Rūḏ, dont on reparlera plus loin, ῌud, 77.
587 Sur le pays de Derbend, cf. Géographie II, 262-264. C’est, semble-t-il, au Samūr qu’il faut identifier le Kurk-Rūḏ de MAS (t), 94 i.f.-95, qui signale que l’embouchure se situe près de Derbend et fait du pont (sur lui, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 180 i.f.) un pont de pierre (qantara ; pont de bateaux (ğisr) chez ῌAW et MUQ), comparable à celui du Sanga.
588 Supra, chap. I, p. 54.
589 Coran, XVIII, 59/60-60/61 ; HUR, 174 i.f.-175 ; FAQ, 287 ; MUQ, 46 (autre tradition, préférant la Syrie-Palestine, ibid., 19) ; Le Strange, Eastern Caliphate, 179.
590 Coran, XXV, 40/38, L, 12 ; ῌAW, 345; MUQ, 380. Comparer ces données avec le thème infernal, bizarrement reporté sur le Kurr (supra, p. 119 et n. 3). YA‛Q, 364, parle de trois cents villes.
591 Sur ces cours d’eau, cf. HUR, 175 ; SER, 46 (b) ; YA‛Q, 271, 276, 277 ; RST, 89-90 ; MAS (p), § 507 ; MAS (t), 93 ; IṢṬ, 111, 122 ; ῌAW, 345, 351, 378 i.f.-379, 382 ; MUQ, 19, 23, 358, 367 ; ῌud, 77 (et 218).
592 Persan sepīd.
593 Sur ce fleuve, cf. Géographie II, 219.
594 Explicitement dit par IṢṬ, 111 (ῌAW, 345) pour le Safīd-Rūḏ, le plus célèbre avec le Ṭayfūrī ; quant à ce dernier, le seul du pays à apparaître dans la présentation générale des grands fleuves du monde par MUQ, 19, il n’est pas classé dans la catégorie des douze plus grands, navigables.
595 Sur ces variations, cf. IṢṬ, 122 ; ῌAW, 378 i.f. (et première édition : cf. BGA, IV, index, s.v., et Le Strange, Eastern Caliphate, 215). YA‛Q, 276, donne le nom de Nahr Mūsä à la « grande rivière » (wādin ‛aẓīm) d’ar-Rayy.
596 MUQ, 23 : la rivière d’ar-Rayy jaillit « d’une sorte de fawwāra », litt. : jet d’eau.
597 Sur le système hydrographique du Zagros en ses deux versants, cf. HUR, 20 i.f., 176 ; YA‛Q, 272-274 ; SER, 47 (a) ; RST, 91 ; QUD, M 65 ; IṢṬ, 62, 68 ; ῌAW, 249, 262 (carte), 265, 275-276 (tableau détaillé des cours d’eau du Fārs), 361, 365-366, 370 ; MUQ, 19, 20, 23, 24, 390, 396, 425, 444-446, 453, 455, 456, 495 i.f. ; ῌud, 74 (et 212-214) ; V. Minorsky, « Mand », dans EI, III, 252-254 ; Schwarz, Iran, I, 4 i.f.-9 et passim ; Le Strange, Eastern Caliphate, 252-253, 255, 259, 263, 267-271, 276-279 et passim.
598 Trait évoqué supra, p. 126.
599 Cf. la remarque d’ensemble, pour ces cours d’eau du Fārs, de Minorsky, dans ῌud, 212.
600 Sur le Kirmān et son fleuve, qui prolongent vers l’est, sans en relever vraiment, le système hydrographique du Zagros, cf. IṢṬ, 98-99 ; ῌAW, 311 (et trad., p. 306, n. 447, avec les deux noms de Dīw-Rūḏ et Harī-Rūḏ, ce dernier à ne pas confondre avec la rivière de Herāt) ; MUQ, 470 ; ῌud, 73-74 (pour qui le fleuve, ou plutôt ce qui en reste, se jette dans la mer près d’Hormuz : confusion avec le bassin du Dozdān).
601 Sur l’Indus et ses affluents, cf. HUW (s), 131-133 ; SER, 47 (a)-48 (b) ; QUD, M 66-67 ; YA‛Q, 336 ; FAQ, 61, 63 ; RST, 89, 135 ; MAS (p), § 215, 217, 218, 225, 487 ; MAS (t), 81-83 ; IṢṬ, 104-105, 107 ; ῌAW, 319, 320, 322-324, 327, 328, 449 ; MUQ, 19, 22-23, 206, 474, 479, 480, 482-484 ; ῌud, 72 (et 209-210) ; WAṢ, 43-44.
602 Cette dernière chez ῌAW, 449.
603 Par association avec la maison d’Or, nom donné au pays de Multān : MAS (p), § 217 ; IṢṬ, 104 ; ῌAW, 322.
604 Ajouter, à ces incertitudes, ῌAW, 328, qui parle d’une rivière d’al- Ǧandrawar (ville proche de Multān : ibid., 322) se jetant dans l’Indus « dans la région tirant vers al-Mansūra », soit sur le cours inférieur du fleuve, où il n’existe pas, à la vérité, d’affluent. Au reste le Sind-Rūḏ d’Ibn ῌawqal semble-t-il correspondre non pas au Sind-Rūḏ des ῌudūd, mais à l’ensemble hydrographique Chenab-Sutlej.
605 Sur les variations orthographiques du nom de Hīlmand, cf. supra, p. 133. Sur ces fleuves et leurs dérivations, cf. YA‛Q, 281 (rectifier la trad. Wiet, p. 90 : ce n’est pas le Hīlmand qui fait la frontière avec le Makrān, mais le Siğistān. Il n’est pas dit non plus que le Hīlmand ne traverse que des déserts ; il le fait sans doute, mais avant d’atteindre au Siğistān ou à la région dont il est question, celle de Sanārūd et Zāliq : sur la localisation de celle-ci, cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 335, 344), 289 (avec indication d’une rivière relevant du même système, celle de Qandahār, le Tarnak : trad., p. 103, n. 5) ; RST, 174 ; FAQ, 208 ; MAS (p), § 510-511 ; MAS (t), 83 ; IṢṬ, 140-141 ; ῌAW, 417-418, 420, 422 ; MUQ, 19, 23, 304, 329-330 ; ῌud, 73, et Le Strange, op. cit., 338 sq. (qui signale, à juste titre, p. 340 i.f.-341, qu’un autre fleuve, le Hārūd, lui aussi tributaire du lac de Zarah, n’est pas mentionné par nos auteurs).
606 Le plus net étant MUQ, 23. Cf. aussi RST, 173.
607 Iranien dèh (dix) et ās (meule). Sur le système hydrographique du rebord septentrional du massif afghan, cf. IṢṬ, 105-106, 156 ; ῌAW, 448, 450 ; MUQ, 19, 23, 301, 302 (et n. d) ; ῌud, 73.
608 Le Qunduz (anc. Huttalāb) apparaît sous la forme de deux rivières de son bassin supérieur, le Kāsān et l’Andarāb (IṢṬ, 156 ; ῌAW, 448). La confusion entre les deux systèmes apparaît par le fait que la région de Bāmiyān, qui relève du bassin du Qunduz (cf. W. Barthold et F. R. Allchin, dans EI (2), I, 1040), est parfois rattachée par nos auteurs à celui du Dahās (cf. IṢṬ, 156, et ῌAW, 450, qui disent que la rivière passant à Bāmiyān coule vers le Ġarğistān, c’est-à-dire vers l’ouest). Mieux perçue, la séparation entre ces versants nord et le bassin de l’Oxus supérieur (cf. supra, à propos des rivières de Kaboul et de Banğhīr). Sur ces régions, cf. Times Atlas, 31.
609 Sur lui, cf. YA‛Q, 289 ; RST, 173 ; IṢṬ, 148-149 (avec, en amont, référence à la région de Bāmiyān : cf. note précédente : repris dans ῌAW, 435) ; ῌAW, 435-436, 441 i.f., 444, 456 ; MUQ, 19, 23, 298, 309, 311, 312, 314, 330-331 ; ῌud, 73, et Le Strange, Eastern Caliphate, 397 sq. ; IṢṬ, 148 (ῌAW, 435) indique que le nom de Murġāb est peut-être une dérivation de Merv-Ᾱb : eau de Merv.
610 Cf. supra, p. 140-141.
611 Sur les eaux de la région de Herāt-Sarabs, cf. RST, 173 ; IṢṬ, 150-151 ; ῌAW, 438-439, 440, 445 ; MUQ, 19, 23, 329-330, 331 (n. l) ; ῌud, 73.
612 Cf. IṢṬ, 154 ; ῌAW, 445 ; MUQ, 331 (n. l), 336.
613 Cf. IṢṬ, 146 ; ῌAW, 433 ; MUQ, 329 (et n. f), et Le Strange, Eastern Caliphate, 384.
614 Le volume total des eaux de la région nous est dit, selon une autorité citée par Muqaddasī, et avec une exagération manifeste, supérieur à celui du Tigre.
615 Cf. IṢṬ, 154-155 ; ῌAW, 446-447.
616 Voir, par ex., les recherches de Barthold, Turkestan, 64 sq., 82 sq., 155 sq. ; Le Strange, Eastern Caliphate, 435 sq., 466-470, 476 sq. ; Minorsky, dans ῌud, 208-209 (6-12), 210-211 (17-23) ; Spuler, « Ᾱmū-Daryā », dans EI (2), I, 467-470.
617 Même aux yeux de sympathisants šī‛ites comme Ibn ῌawqal ou Muqaddasī : cf. Géographie 1, 302 (n. 1), 317-319.
618 A la rubrique nahr du glossaire (BGA, IV, 137-143), sur un total de quelque 230 noms (dont certains relèvent de pays étrangers à l’Islam), j’en relève 70 environ pour les pays qui nous occupent ici.
619 Parfois aussi fleuve de Balh, bien que cette ville ne soit pas située sur le fleuve même : cf. supra, p. 133 (et n. 4) et 219.
620 Iranien zerfišān : dispensateur d’or ; Polytimetus dans l’Antiquité : cf. Besnier, Lexique, op. cit., 616.
621 Sur le fleuve et ses affluents, cf. HUW (s), 146 ; SER, 44 (b)-45 (a) ; HUR, 27 ; QUD, 204, 207, 208 (et M 69) ; MAS (p), § 223 ; MAS (t), 97, 99, 245 ; MAQ, IV, 56; IṢṬ, 185-187 (et notes); ῌAW, 481, 507, 509, 511-513, 516, 522-524; MUQ, 19, 22, 323, 332, 342 ; ῌud, 72-73 (et 210-211).
622 Appelé Turk par MAS (t), IṢṬ et ῌAW (1re éd.).
623 Cf. IṢṬ, 182 ; ῌAW, 501-502 ; MUQ, 282, et Le Strange, Eastern Caliphate, 460, 469.
624 La rivière des Foulons.
625 Sur ce nom, cf. supra, p. 221, n. 4. Sur le Zarafsān et son bassin, cf. YA‛Q, 293 (qui appelle le fleuve Nāmiq et le fait couler à contre-sens)-294 ; IṢṬ, 178-181 ; ῌAW, 473, 483-487, 491-493, 495-501, 504-506 ; MUQ, 19, 266, 269 (et n. f), 278-279, 281, 331-332 (et n. g) ; ῌud, 73 (et 211), et Le Strange, Eastern Caliphate, 460, 466-468.
626 Sur ces évocations de la Sogdiane, cf. supra, chap. I, p. 55-56 et 88-91 ; sur l’eau salie, cf. chap. II, p. 165.
627 Sur lui et ses affluents, cf. HUW (s), 145-146 ; SER, 44 (b)-45 (a) ; HUR, 25, 33, 169, 173, 174, 178, 179 ; QUD, 202, 211, 212, M 69-70 ; YA‛Q, 278, 280, 289-292; RST, 91-93, 142, 193 ; FAQ, 63, 95, 104, 116, 197, 211, 274, 314, 321, 324, 325 ; MAQ, IV, 56 ; MAS (p), § 223, 225, 226 ; MAS (t), 52, 56, 95-98, 245, 249 ; IṢṬ, 166-167 ; ῌAW, 7, 35, 169, 328, 426, 448-449, 451-455, 459, 474-482, 489 i.f., 490, 502, 506, 511, 512, 515-520; MUQ, 19, 22, 23, 63-64, 258, 260, 281, 283-285, 287-293, 295, 303, 323, 340, 343, 344, 345 (n. 6), 348, 482 ; ῌud, 71-72 (et 208-209) ; Spuler, dans EI (2), I, 467-470 ; Barthold, Turkestan, 64 sq. ; Le Strange, Eastern Caliphate, 427-428, 433 sq., 446 sq.
628 Cf. HUR, 174 ; FAQ, 324 ; MAS (p), § 225 ; MAS (t), 249, et supra, p. 118, 121 i.d.-122, 123, 126.
629 Dans L’Automne à Pékin.
630 Évoquées par MAS (t), 96.
631 FAQ, 274, 314.
632 MUQ, 340.
633 Cette dernière Zāmil ou Rāmid chez RST, 93 (trad., p. 103, n. 10), avec trois affluents nommés ; cf. Le Strange, Eastern Caliphate, 436, 440.
634 Le cas est net pour le Dahās ou rivière de Balh (Nahr Balh, à ne pas confondre avec l’Oxus, parfois, on l’a dit, appelé de ce nom) : cf. supra, p. 219. Pour le système du Huttalāb (Qunduz), avec ses affluents (Andarāb, Kāsān et Watrāb), on notera que, si Ibn Rusteh parle d’affluent de l’Oxus, Ibn ῌawqal, lui, ne mentionne pas le Huttalāb et traite de ses deux affluents, l’Andarāb et le Kāsān, comme de deux rivières autonomes, sans rapport noté avec l’Oxus : cf. RST, 93 ; ῌAW, 448 ; Le Strange, op. cit., 427 i.f., 428, 436 ; Times Atlas, 31, E/2-3, et supra, loc. cit. et p. 219, n. 1.
635 Autre nom possible de l’Oxus : Nahr Kālif, chez MAS (t), 95 (cf. supra, p. 133).
636 Auquel répond l’argent des mines de toute cette région montagneuse (le trait relatif au Wahšāb est signalé par RST, 93).
637 On se souviendra que l’image du paradis terrestre est classique pour les terroirs de ces régions (cf., pour la Sogdiane, supra, chap. I, p. 88).
638 Signalé, au moins pour l’embouchure, par ῌAW, 480.
639 Sur ces derniers détails, cf. ῌAW, 478-481.
640 Sur le statut du fleuve dans la tradition iranienne, cf. la formule de HAM, 160, citée supra, p. 126 et 191.
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