Des os muets et des pierres sonores : matérialiser le corpus poétique en Grèce hellénistique
Silent Bones and Singing Stones: Materializing the Poetic Corpus in Hellenistic Greece
p. 15-42
Résumés
L’article explore la manière dont les épigrammes hellénistiques, se faisant passer pour les épitaphes de poètes défunts comme celles d’Érinna ou de Sophocle, posent la question des supports et des procédés de conservation et de transmission de la poésie. Ces textes sophistiqués, pleins d’esprit, estompent la distance entre corpus poétique et corps du poète. Ayant le papyrus comme support, ils pleurent la perte de la performance orale tout en prétendant être des épitaphes inscrites sur pierre. La tombe du poète incarne une tension continue entre les qualités transcendantes attribuées à la poésie du passé et les supports matériels qui transmettent cette transcendance aux générations futures. Fictionnelles ou réellement inscrites sur pierre, ces tombes délimitent un espace privilégié pour le texte écrit en tant que médium qui, puisqu’il préserve et même produit la mémoire poétique, est en mesure de la faire circuler parmi les vivants. Pierre, cire ou papyrus, ces supports se situent sur un spectre d’impermanence qui menace toujours l’immortalité qu’ils tentent de garantir.
This paper explores how media processes of literary storage and transmission are addressed by Hellenistic epigrams posing as epitaphs for dead poets such as Érinna and Sophocles. These sophisticated, playful texts blur the category of the poetic corpus with the literal corpus of the poet’s body. As textual vehicles on papyrus, they mourn the loss of oral performance while purporting to be epitaphs incised into stone. The poet’s tomb embodies an enduring tension between the transcendent qualities attributed to the poetry of the past and the material vehicles that convey this transcendence to future generations. Whether virtual or inscribed, it marks out a privileged space for written text as a medium that, in maintaining and even generating poetic memories, holds the potential to circulate them amongst the living. Whether stone, wax or papyrus, such media nevertheless exist along a spectrum of impermanence, which continually threatens the immortality they attempt to confer.
Entrées d’index
Mots-clés : tombe, poète, mémoire, monument, matérialité
Keywords : tomb, poet, memory, monument, materiality
Texte intégral
Implements from the “Tomb of the Poet”
Piraeus Archeological Museum
On the journey to the mundane afterlife,
You travel equipped to carry on your trade :
A bronze, small-toothed saw to make repairs,
The stylus and the ink pot and the scraper,
Wax tablets bound into a little book.
Here is the tortoise shell for the cithara,
Bored through with holes for strings, natural sound box.
Here is the harp’s wood triangle, all empty —
The sheep-gut having long since decomposed
Into a pure Pythagorean music.
The beeswax, frangible with centuries,
Has puzzled all your lyrics into silence.
I think you were a poet of perfection
Who fled still weighing one word with another,
Since wax forgives and warms beneath revision.
A. E. Stallings, Hapax1
1À l’occasion de fouilles de sauvetage dans le quartier athénien de Daphnê en 1981, on découvrit une tombe à ciste en calcaire, datée de 430-425 avant notre ère, sépulture d’un homme d’une vingtaine d’années2. Ses effets, enterrés soigneusement avec lui (aujourd’hui exposés au Musée du Pirée), nous permettent de savoir que le jeune homme était un poète-musicien. Les fragments d’une harpe, d’une lyre en carapace de tortue et d’un aulos en bois témoignent de sa pratique musicale (peut-être même était-il formé à la fabrication des instruments, comme le suggère la présence d’une scie et d’un burin). Un stylet et un pot à encre, des tablettes de cire et un rouleau de papyrus montrent quant à eux qu’il maîtrisait l’écriture (fig. 1)3. Rassemblé là comme témoin éternel de la profession du poète, cet assemblage d’objets nous rappelle que, loin de ce que nous imaginons souvent, les mots ne volent pas, pas plus qu’ils ne sont immortels. Au contraire, la poésie émerge du corps mortel : c’est lui qui la porte. La poésie vient au monde par l’intermédiaire d’instruments vocaux, musicaux ou scripturaux. Elle est consignée et circule sur des objets inscrits, qu’il s’agisse de compositions temporaires imprimées sur des tablettes de cire ou de textes plus durables, à l’encre sur des papyrus. La sépulture de Daphnê, dont l’occupant était adepte de moyens de transmission oraux comme écrits, montre de manière poignante que la poésie a besoin, pour survivre, de supports matériels, qu’il s’agisse de l’os de la mâchoire du chanteur, des cordes décomposées de sa harpe ou de son papyrus soigneusement conservé, ce papyrus qui porte les traces de vers épiques et d’allusions hésiodiques, œuvres irrémédiablement perdues pour la postérité et dont le ou les auteurs ne sont pas identifiés4. La poétesse Alicia E. Stallings, citée en exergue, exprime sa fascination pour la cire qui demeure sur la tablette du poète d’autrefois, « frangible with centuries »5. Malléable et se laissant transformer sous l’effet du corps chaud, vivant, du poète, elle se durcit dès que le processus actif de composition arrive à son terme, dans le froid de la tombe. Les restes du poète nous parlent donc de possibilités infinies, de compositions sans défauts encore à réaliser par un « poet of perfection » tout en nous rappelant que la poésie est en même temps un art incarné, faillible et périssable.
2La tombe de Daphnê nous présente un poète sans nom, un artisan-musicien avec les instruments de son métier, sans que ne demeure ni stèle ni épitaphe pour informer les vivants de sa présence ou de son identité. On y trouve en revanche tous les « supports » de la poésie ancienne (y compris le corps d’un chanteur), mais aucune œuvre à laquelle les associer. Les instruments du poète sont vides de son. Inversement, la tradition des épigrammes nous fournit des noms et des épitaphes suspendus, sans le corps de leurs poètes. Rattachées à un corpus de textes bien connu, les épitaphes hellénistiques (epitumbia) rassemblées dans le septième libre de l’Anthologie, en particulier, puisent constamment dans le potentiel métapoétique des tombes des poètes qui leur permet de garantir, commenter et façonner les héritages poétiques de leurs occupants6. Mais il ne s’agit pas d’une célébration aveugle de l’immortalité des mots. C’est plutôt, comme cet article tente de le démontrer, qu’émerge entre le troisième et le premier siècle avant notre ère une préoccupation pour les tombes des poètes, liée à une prise de conscience chez les poètes vivants du fait que leur œuvre dépend d’un support matériel. La relation est complexe entre les performances incarnées et les corpus de vers d’une part, et les différents médias qui rendent possibles la transmission, la préservation et la récupération de la poésie. En ce sens, les epitumbia hellénistiques sont plus proches des objets ensevelis dans la tombe de Daphnê qu’on ne pourrait le penser au premier abord. À une période où les textes poétiques étaient fiévreusement collectés, copiés, catalogués, constitués en canon et archivés, où la poésie contemporaine prenait soin de s’inscrire dans une culture de la bibliothèque en pleine émergence, et où l’on donnait aux textes de nouveaux cadres en les faisant circuler dans des anthologies, la tombe comme marqueur inscrit du corps du poète, offrait une riche analogie avec les objets physiques sur lequel s’appuyait le corpus de l’œuvre qui leur survivait7.
3Les tombes sont le signe de la présence d’un corps, mais elles marquent aussi le lieu de l’absence et de la perte. Jean-Pierre Vernant a montré que le concept grec de sêma est profondément ambigu : le sêma localise les restes du défunt et, en même temps, il fait signe vers un au-delà, le royaume intangible et dématérialisé du défunt – il pointe vers les voix qui se sont tues et les mots qu’on ne lit pas8. Ainsi le sêma constitue à la fois un marqueur physique et un seuil – un monument qui doit être vu pour lui-même et un point de médiation entre les vivants et les morts9. C’est également un objet qui expose et appelle des actes d’écriture et de lecture10. Dans le contexte de la tombe, les qualités matérielles et artistiques du monde de l’écrit sont exposées de manière frappante ; dans le même temps, la poésie ne fait pas que perpétuer la mémoire des défunts, mais leur donne aussi la capacité de parler, en utilisant la voix du lecteur.
4Le sêma marque la perte de la voix vivante du poète et l’impossibilité d’assister à sa performance « incarnée », mais il offre aussi d’autres possibilités de communion, de ré-activation (re-enactment), et de ré-animation. Dans ces conditions, la tombe du poète crée un lieu où est rendu manifeste un réseau de relations entre le texte et l’objet, l’écriture et la voix, dans le contexte d’une tension continue entre vie et mort, mémoire et perte, dimensions matérielle et métaphysique. Pour les épigrammes littéraires11 – un genre suspendu entre deux supports, « le rouleau et le marbre » (pour reprendre la belle expression de Peter Bing), et extrêmement sensible au substrat matériel de la poésie – le potentiel esthétique des épitaphes fictives des poètes a fourni une tentation irrésistible12.
La tombe et le livre
5Qu’elle soit réelle ou imaginaire, la tombe du poète marque physiquement la présence de ses restes. Elle atteste ainsi l’existence historique, incarnée, de son occupant, et la vitalité passée de sa voix, tout en indiquant de manière indéniable que la mort l’a fait taire. Rappeler le souvenir par l’intermédiaire d’une épitaphe gravée attire l’attention sur le rôle de la parole écrite dans les processus de mémoire – à la fois pour l’inscription funéraire et la conservation des mots du poète sur la cire ou le papyrus. Il existe un lien clair entre la tombe et le livre : soulignant la « mort de l’auteur », la tombe du poète redouble le moment de transition par lequel passe toute œuvre poétique, de l’autorité active du poète qui préside à la composition et à la performance jusqu’à sa réception, dans le « silence solennel » de l’écrit13.
6Marquant le corps matériel du poète et sa limitation dans le temps, la permanence de la tombe indique donc une transition cruciale entre la performance vivante et le script fait texte, ainsi que la survie posthume du poète sous la forme d’un « corps » de vers gravés14. Le sêma funéraire fonctionne comme l’équivalent physique des sêmata écrits sur les rouleaux du livre : tous deux signifient la présence-dans-l’absence du poète à travers le pouvoir commémoratif d’un objet sur lequel on a écrit. Il n’est alors pas surprenant que l’Anthologie grecque inclue dans la section des épitaphes de poètes un poème attribué à Asclépiade qui brouille clairement les catégories entre épitaphe et épigramme, évoquant même les bandeaux de librairie sur les livres d’aujourd’hui (VII 11)15 :
ὁ γλυκὺς Ἠρίννης οὗτος πόνος, οὐχὶ πολὺς μέν,
ὡς ἂν παρθενικᾶς ἐννεακαιδεκέτευς,
ἀλλ ̓ ἑτέρων πολλῶν δυνατώτερος: εἰ δ᾽ Ἀίδας μοι
μὴ ταχὺς ἦλθε, τίς ἂν ταλίκον ἔσχ᾽ ὄνομα;
Ceci est l’œuvre suave d’Érinna, non pas, il est vrai, considérable, étant d’une fille de dix-neuf ans, mais plus forte que bien d’autres ; et si Hadès ne s’était point hâté vers moi, qui se serait fait un aussi grand nom ?
7Se présentant explicitement comme la préface de la Quenouille (Ἠλακάτη) d’Érinna, le texte d’Asclépiade fait entendre la voix de la poétesse disparue dans des termes empruntés à la fois aux épigrammes funéraires, aux formes doriennes et aux thèmes de lamentation qu’on trouve dans les vers d’Érinna elle-même16. Le formulaire de la tombe se combine ainsi avec une intertextualité poétique consciente, de telle sorte que le livre lui-même devient le sêma parlant qui préserve la voix d’Érinna dans la mort, son caractère ténu (οὐχὶ πολύς, v. 1), qui figure les qualités esthétiques de ses vers, la dimension réduite de son corpus poétique et, indirectement, les proportions de son corps de jeune fille17. Le livre comme la tombe qu’il implique sont des objets parlants qui lui permettent d’être toujours présente par l’intermédiaire de la voix que prête le lecteur. Celui-ci est encouragé à faire le ventriloque d’Érinna, à la fois en lisant sa poésie, et en suivant le glissement opéré par Asclépiade vers une première personne, avec l’étonnant μοι à la fin du vers 3 (un tour commun dans les épigrammes funéraires)18. Ces pratiques se retrouvent dans une épigramme plus tardive de la même série (attribuée à Léonidas ou Méléagre) dans laquelle la mort prématurée d’Érinna est comparée à celle de Baucis, c’est-à-dire au sujet même de sa Quenouille (VII, 13) :
παρθενικὴν νεάοιδον ἐν ὑμνοπόλοισι μέλισσαν
Ἤρινναν Μουσέων ἄνθεα δρεπτομένην,
Ἅιδας εἰς ὑμέναιον ἀνάρπασεν. ἦ ῥα τόδ᾽ ἔμφρων
εἶπ᾽ ἐτύμως ἁ παῖς. “Βάσκανος ἔσσ᾽, Ἀΐδα” (éd. Alex Sens).
Vierge abeille au chant neuf parmi les faiseurs d’hymnes, Érinna butinait les fleurs des Muses, quand Hadès la ravit pour l’hymen. Ah ! certes, elle avait dit vrai, la sage enfant : « Tu es un jaloux, Hadès ! »19
8Cette épigramme ronflante dans laquelle Érinna est à la fois le sujet de ses propres vers et la prophétesse de son destin a fait l’objet de nombreux commentaires. Les fleurs qu’elle cueille en écho à Baucis – elle-même rapprochée de Korè – sont comme les anthea de la poésie (et en vertu de cette épigramme, la mort de la jeune fille inspire la « guirlande » de l’anthologie de Méléagre)20. À la lumière de cette matérialisation de l’analogie entre livre et tombe, propre au genre épigrammatique, nous pouvons porter plus d’attention au dispositif de citation employé dans le dernier vers de l’épigramme (Βάσκανος ἔσσ᾽, Ἀΐδα). Comme d’autres épigrammes funéraires, les deux poèmes profitent de la voix du lecteur pour faire parler le mort. Mais Érinna ne s’adresse pas directement à nous depuis sa tombe. En effet, le poète rappelle ses paroles poétiques quand elle était ἔμφρων, « dans son esprit » c’est-à-dire, par conséquent, « en vie »21. Les mots que nous lisons dans le contexte de sa mort passent donc par le medium d’un texte écrit qui réalise un acte de récupération d’archives. En ce sens, l’épigramme-comme-épitaphe ne fonctionne pas comme un moyen d’animation mais comme un écho et son effet spectral permet de souligner la tragédie de la perte prématurée d’Érinna, tout en arguant qu’elle s’est transformée en corpus écrit qui rend possible la métaphore développée dans l’épigramme22. Étonnamment, on retrouve la même phrase dans une épigramme attribuée à Érinna elle-même et placée plus loin dans le livre VII, dans lequel la stêlê de Baucis encourage le passant : « au souterrain Hadès, veuille dire ceci : “Tu es jaloux, ô Hadès” » (τῷ κατὰ γᾱς τοῦτο λέγοις Ἀίδα, | “Βάσκανος ἔσσ ̓, Ἀΐδα”, v. 2-3)23. Puisqu’il est vraisemblable que cette épigramme (dont l’authenticité est douteuse) cite aussi La Quenouille, nous sommes donc en présence d’une série d’échos textuels où les mots de la poétesse défunte – adressés à la Mort elle-même – sont cités de manière posthume par les poètes qui lui succèdent devant sa tombe imaginaire24.
9Se répondant de manière récurrente de tombe en tombe, Érinna, ses « auto-citations » et les thèmes de ses vers sont donc incorporés de manière active dans la Couronne originale de Méléagre et dans ses répétitions.
10En tant qu’artefacts qui ont le pouvoir de cristalliser le passé, de créer des foyers pour les souvenirs et de les transporter dans le présent, les livres et les tombes fonctionnent comme des lieux de mémoire (dans le sens de Pierre Nora)25. L’un comme l’autre sont des objets dynamiques qui ont pour raison d’être « d’arrêter le temps, de bloquer le travail de l’oubli, de fixer un état des choses, d’immortaliser la mort, de matérialiser l’immatériel26 ». Mais c’est seulement parce que les milieux de mémoire – les contextes de composition et de performances dont ils sont originaires – n’existent plus27. Cette préoccupation pour les tombes des poètes disparus comme celle d’Asclépiade et de ses successeurs pour Érinna résulte du sentiment qu’avaient les poètes hellénistiques eux-mêmes d’arriver trop tard. Elle exprime la relation équivoque et complexe entre l’identification et la distance provoquées par leur intimité avec la poésie archaïque et classique, qui s’accompagnait elle-même d’actions d’archivages par le biais d’une réorganisation matérielle. Tandis que les tombes fixent les corps des poètes dans des limites spatiales et géographiques, en créant un lieu physique à partir duquel on peut se confronter à leur héritage poétique et culturel, les livres fixent leur production sous la forme de textes stables qui invitent à la formation d’éditions faisant autorité, de canons littéraires et de manifestations de savoir. La voix autrefois vivante d’Érinna peut désormais être entendue sous la forme d’un écho épigrammatique produit par Méléagre/Léonidas – citation qui n’est rendue possible que par la conservation textuelle de La Quenouille et sa récupération par le poète-savant, au service d’une anthologisation, où la fleur vierge cueillie, résumée et transformée en métaphore filée, est tressée dans la couronne de l’épigramme littéraire.
11Le livre comme la tombe facilitent ce que Aleida Assmann qualifie de « mémoire de stockage » (Speichergedächtnis) – qui réifie l’autorité culturelle sous la forme de bibliothèques, de musées et d’archives, autant d’institutions dédiées à la conservation de la mémoire et la médiation du savoir, dans lesquelles la connaissance factuelle du passé peut être archivée, conservée et récupérée, d’abord sous la forme de textes matériels externalisés28. En tant que réceptacle du corps du poète (ainsi que de ses textes et de ses instruments, si l’on en croit la tombe de Daphnê), la tombe est aussi un « dépôt » et son épitaphe permet d’enregistrer et de préserver des informations au sujet du défunt29. Livre et tombe constituent donc les supports externes de la « mémoire culturelle » (das kulturelle Gedächtnis), contrairement à la « mémoire communicationnelle », vivante, incarnée, qui caractérise le souvenir du passé récent30. Toutefois, les inscriptions funéraires de l’Anthologie grecque, qui utilisent le support dormant qu’est la « mémoire de stockage », impliquent un mode de commémoration différent, en réponse à l’engagement dynamique requis par le livre comme par la tombe. Leur contenu est ainsi réactivé par les pratiques de lecture ou, dans le cas des tombes, par les rituels funéraires destinés à communiquer avec le défunt31. Pour A. Assmann, les processus de sélection, de connexion, d’internalisation et de formation de l’identité générés par ces gestes en font des formes de la « mémoire fonctionnelle » (Funktionsgedächtnis), qui restaure dans l’espace public le savoir stocké dans les institutions de mémoire, par l’intermédiaire de performances, de commémorations et de reprises. En ce sens, la « mémoire de stockage » joue le rôle de réservoir pour la « mémoire fonctionnelle »32. Les deux catégories s’entrecroisent et acquièrent de nouvelles dimensions et une signification différente d’un point de vue social. En tant que genre qui classe, commente et joue avec le statut des textes écrits - monuments ou livres, qu’ils relèvent de la performance rituelle ou de la culture poétique -, les épigrammes hellénistiques sont étroitement liées au rapport qu’entretiennent les modes de souvenir « fonctionnels », qui attestent la continuité d’une culture poétique vivante, et les moyens textuels de l’« archivage », qui préservent les mots du défunt, en accord avec le concept émergent de « littérature »33. Dans ce contexte, les épitaphes fictives constituent une forme dynamique de réception – un moyen pour la poésie du défunt de se faire de nouveau entendre par le truchement de la mémoire fonctionnelle qui néanmoins reconnaît, et même amplifie, le silence inévitable du passé.
De la « poussière » à la poussière
12Engageant un jeu métatextuel avec les supports matériels de l’héritage poétique, les séries d’epitumbia d’Érinna créent leur propre corpus textuel. Chaque épigrammatiste ne se contente pas de se référer aux œuvres du poète en question et aux autres épitaphes, réelles ou fictionnelles, de la tradition, mais il s’insère aussi dans le stephanos, la couronne funéraire qui inclut ce mode de réception particulier. En ce sens, alors que la mise en texte du corpus du poète défunt comprend une forme d’archivage, les productions qui s’ensuivent et reposent sur l’intertextualité, l’émulation et la variation, ont leur propre forme de Funktionsgedächtnis. Les poètes présents dans la Couronne de Méléagre (et sans doute, ses successeurs, jusqu’au cycle d’Agathias du sixième siècle de notre ère), font ainsi partie d’une « communauté de commémoration » active qui génère de nouveaux supports pour les poèmes (et de nouveaux médias textuels), de par leur engagement dynamique non seulement avec les textes conservés et stabilisés du passé, mais surtout entre eux. En effet, l’épigramme se présente comme un « milieu de mémoire » vivant où l’on peut entrer de nouveau en contact avec le défunt34.
13En tant que genre composé sur papyrus mais se faisant passer pour un texte gravé dans la pierre, l’épigramme littéraire se présente comme un poème en mouvement, qui a déjà quitté son support matériel d’origine, pour s’imposer dans de nouveaux contextes de lecture et de réception. Si la tombe du poète offre un moyen d’évaluer les qualités et la stabilité des éditions définitives des textes, l’epitumbion littéraire – du fait qu’il se présente comme celui qui passe, de manière fictive, « du marbre au rouleau » – invite aussi à considérer le fait que le texte semble capable de transcender les limites de son support physique35. Dans le contexte de la tombe, les propriétés métaphysiques du texte se trouvent inévitablement liées à une idée d’ordre eschatologique de « l’au-delà » du poète associé à l’immortalité de l’âme. Ainsi une épitaphe de Sappho attribuée à Pinytus (VII 16) :
ὀστέα μὲν καὶ κωφὸν ἔχει τάφος οὔνομα Σαπφοῦς:
αἱ δὲ σοφαὶ κείνης ῥήσιες ἀθάνατοι.
Des os, un nom muet, c’est ce que contient la sépulture de Sappho ; mais les doctes paroles de la poétesse ne meurent pas36.
14Ici les os (ὀστέα) muets de Sappho s’opposent explicitement à ses paroles (ῥήσιες) pleines de sagesse, de sorte que la mortalité de son corps physique est contrebalancée par l’immortalité (ἀθάνατοι) de ses mots qui survivent. Dématérialisés et distincts des restes qui reposent dans la tombe, les « paroles » de Sappho sont implicitement rapprochées de son âme, car elles sont capables d’exister indépendamment de tout cadre mortel. Son nom, au contraire, est lié au silence de la tombe elle-même. Sa mutité (κωφόν) suggère l’impassible froideur de la pierre sur laquelle il est (implicitement) inscrit.
15Le fait même d’attirer l’attention sur le statut écrit de « Sappho » alerte néanmoins le lecteur : la survie posthume de ses paroles est elle-même une figure de style, puisqu’elle passe par la médiation du mot écrit. Selon Gow et Page, l’épithète kôphos (sourd) est ici purement conventionnelle, mais on peut penser que Pinytus comble le silence de la tombe avec une vie nouvelle en évoquant précisément les paroles de Sappho elle-même, et en faisant allusion à sa propre mise en voix de la mort de sa voix poétique dans le fragment 2 : « Car, dès que je t’aperçois un instant, il ne m’est plus possible d’articuler une parole, mais ma langue se brise […] et, peu s’en faut, je me sens mourir37. » Le commentaire de Sappho sur son propre silence dans la mort – qui est une de ses « paroles immortelles », mais relayé par la conservation du texte et la préservation de son corpus poétique – est employé pour commenter le silence de sa tombe. Le jeu entre discours et silence que l’on peut considérer comme un leitmotiv de la voix poétique de Sappho elle-même s’applique donc aussi à la tension qui existe entre son corps physique et son corpus textuel : tout comme la production poétique de Sappho témoigne de manière paradoxale, dans le fragment 2, de sa capacité à surmonter le silence imposé par son propre désir, de même la présence constante de ses paroles sous forme écrite dépasse, « peu s’en faut », le silence imposé par la mort. De plus, cette mise en voix muette a lieu dans le contexte d’une épitaphe littéraire qui invite le lecteur à la vocaliser. Élément décisif, le οὔνομα Σαπφοῦς, comme l’a écrit Pinytus, n’est en réalité pas du tout lié à la tombe de Sappho mais au papyrus qui contient son epitumbion fictif. C’est là qu’il résonne, en compagnie d’autres textes du même genre (qu’il s’agisse d’une collection de poèmes de Pinytus lui-même ou d’anthologies comme la Couronne de Philippe au sein duquel il a ensuite circulé), prenant part à une communauté active de remémoration, qui s’appuie précisément sur les pratiques textuelles que le texte de Pinytus élude volontairement38.
16Ce paradoxe est caractéristique de plusieurs exemples d’epitumbia littéraires, où le support textuel qui rend possible la survie de la poésie est métaphoriquement dématérialisé au service de son « immortalité » transcendante, et attire en même temps l’attention sur son caractère potentiellement périssable. Nous pourrions songer à une épitaphe de Sophocle attribuée à Simias, dans laquelle le « sépulcre et quelque peu de terre » (τύμβος... καὶ γῆς ὀλίγον μέρος) où repose le tragédien s’opposent à « la vie extraordinaire qui brille dans les colonnes immortelles des papyrus » (ὁ περισσὸς αἰὼν ἀθανάτοις δέρκεται ἐν σελίσιν), vers dans lequel le terme aiôn fait référence à la fois à ce qu’il a réalisé pendant sa vie et au caractère éternel de son héritage poétique39. Néanmoins, la trouvaille poétique de Simias tient dans le fait que son insistance sur la matérialité de la tombe de Sophocle (exprimée par « quelque peu de terre ») est en fait mise en parallèle avec les brillantes colonnes de ses archives poétiques, à savoir le texte d’Antigone où « la légère couche de poussière » (λεπτὴ... κόνις) que la protagoniste répand sur le corps de son frère fonctionne comme le catalyseur du déploiement de l’intrigue tragique40. Sophocle nous rappelle que la question de l’enterrement n’a rien de trivial. En effet, le dramaturge traite ce sujet de manière complexe et on peut avancer que c’est pour cette raison que son monument textuel est intemporel. C’est là que réside une autre trouvaille : les « selides immortels » de Sophocle constituent un oxymore qui attire explicitement l’attention sur le support textuel qui assure la durabilité de l’œuvre. Le selis est la colonne de texte qui forme la structure de la « page » du rouleau de papyrus. Toutefois, comme le suggère l’expression « colonnes brillantes » utilisée par Simias, le premier sens de selis est architectural et désigne une poutre transversale utilisée pour la construction du plafond, ou, par extension, une « rangée » de sièges dans un théâtre41. Les papyrus qui assurent à Sophocle l’immortalité impliquent donc une construction monumentale qui pourrait aussi s’appliquer au tumbos sur lequel l’épigramme de Simias prétend être inscrite, ou encore à la structure architecturale du théâtre où ses tragédies étaient originellement représentées. Horace peut bien avoir affirmé plus tard que le pouvoir de la poésie demeure et transcende les monuments matériels périssables (« un monument plus durable que le bronze »), l’epitumbion de Sophocle par Simias insiste sur le fait que, quoique les textes représentent leur propre transcendance, ils le font souvent par des métaphores matérielles issues des cadres structurels dans lesquels ils sont lus et entendus42.
17Cette dépendance de l’immortalité poétique vis-à-vis de son support textuel nous ramène à Sappho et à une confrontation particulièrement sophistiquée avec le paradoxe du texte (im) périssable, sous la forme d’un epitumbion de Posidippe qui a fait l’objet de nombreux commentaires :
Δωρίχα, ὀστέα μὲν σὰ πάλαι κόνις ἦν ὅ τε δέσμος
χαίτης ἥ τε μύρων ἔκπνοος ἀμπεχόνη,
ἧι ποτε τὸν χαρίεντα περιστέλλουσα Χάραξον
σύ́γχρους ὀρθρινῶν ἥψαο κισσυβίων.
Σαπφῶιαι δὲ μένουσι φίλης ἔτι καὶ μενέουσιν
ὠιδῆς αἱ λευκαὶ φθεγγόμεναι σελίδες
οὔνομα σὸν μακαριστόν, ὃ Ναύκρατις ὧδε φυλάξει
ἔστ᾽ ἂν ἴηι Νείλου ναῦς ἐφ ̓ ἁλὸς πελάγη.
Doricha, tes os depuis longtemps ne sont plus que poussière, ainsi que les bandelettes de tes cheveux et ta tunique imprégnée de parfums, toi qui naguère, serrant dans tes bras le beau Charaxos et, peau contre peau, vidais avec lui la coupe du matin. Mais les colonnes blanches des aimables vers de Sappho demeurent encore et demeureront, résonnant de ton nom bienheureux, que Naucratis conservera tant que les vaisseaux venant du Nil navigueront vers la mer43.
18Ironie du sort, l’épitaphe composée par Posidippe pour Doricha (la courtisane égyptienne dont certains disent qu’elle faisait l’objet des foudres de Sappho pour avoir séduit son frère Charaxos) a récemment fait couler beaucoup d’encre précisément parce que le poème soulève des questions de préservation matérielle44. Je ne discuterai pas ici du statut du texte, de ses qualités littéraires ou de la signification poétique du « tout nouveau Sappho » (publié en 2014 par Dirk Obbink), mais il faut observer que sa référence aux frères de Sappho et à leurs voyages en mer évoque exactement les mêmes thèmes que ceux auxquels fait allusion Posidippe plus tard. Ici, il célèbre le pouvoir toujours vivant des « colonnes blanches résonnant » (λευκαὶ φθεγγόμεναι σελίδες) de la poésie de Sappho, mise en ordre, canonisée, reproduite et mise en circulation dans son édition alexandrine définitive. Il le fait de manière indirecte, ce qui est caractéristique de la période hellénistique, puisqu’il compose un epitumbion non pour Sappho elle-même mais pour un personnage célèbre parce que problématique au sein de son corpus poétique45. La présence séductrice attribuée à Doricha dans les vers 1 à 4 de l’épigramme (qui se caractérise par un jeu intertextuel sophistiqué avec la tradition de la poésie saphique), peut bien être dissoute dans la poussière (κόνις) égyptienne, mais Posidippe suggère qu’elle est passée dans la mémoire culturelle, grâce à la Speichergedächtnis, la mémoire de stockage de la poésie de Sappho46. C’est cet archivage monumental assurant la réception (et la réputation douteuse) de Doricha, qui a été entièrement modelé, et même construit, par Sappho elle-même.
19L’épitaphe par procuration que compose Posidippe pour Sappho par l’intermédiaire de Doricha se révèle particulièrement visionnaire en faisant signe vers la contingence de la survie du papyrus. Comme l’ont montré Rosenmeyer et Bing, quand le poète affirme que Naucratis fera trésor du nom de Doricha « tant que les vaisseaux venant du Nil navigueront », il fait peut-être référence à la tombe (sans doute fictive) de la courtisane en Égypte, mais il évoque aussi le commerce de papyrus et, par extension, le rôle de la culture ptolémaïque du livre dans la préservation et la dissémination des œuvres poétiques grecques du passé47. Alors que la tombe assigne un lieu au corps, le rouleau peut voyager, transformer les « paroles ailées » de la performance poétique en un objet qui stabilise le texte et en même temps facilite sa circulation et sa reproduction (sans parler de sa « mise en tombe » ultérieure, dans le cadre des pratiques funéraires égyptiennes). L’édition alexandrine définitive de Sappho est présentée comme un moyen pour ses vers de dépasser toute limitation dans l’espace et dans le temps, même quand elle permet à Posidippe de lier Sappho à l’Égypte par l’intermédiaire d’un autre corps que le sien qui y serait enterré. Bien plus, cette mobilité textuelle est précisément ce qui permet à l’épigramme de Posidippe de mettre en scène sa propre fictionnalisation épigraphique, dans laquelle le lecteur est appelé à entretenir la fantaisie d’une transcription depuis la tombe jusque dans un livre. De cette manière, l’épigrammatiste joue sur les deux tableaux, en évoquant la solidité et la fixité de la tombe et du texte, tout en célébrant la fluidité de sa propre entreprise poétique.
20Il est alors tout à fait approprié que cela soit précisément de la poussière égyptienne qu’aient été ressuscitées tant de « colonnes » de papyrus attribués à la fois à Sappho et à Posidippe, et données à lire à des lecteurs avides du xxe siècle (quoique dans une forme moins « blanche » ou moins complète qu’au iiie siècle avant notre ère). Comme dans le cas de la tombe du poète de Daphnê, la papyrologie moderne dépend des traces matérielles des vers antiques (même quand elle tente de libérer le mot de son support), ce qui nous rappelle que, en ce qui concerne les héritages poétiques, les textes et les tombes – ou la « poussière » littéraire et la poussière littérale – sont imbriqués à la fois matériellement et métaphoriquement48. En effet, leur imbrication mutuelle s’exprime de manière presque littérale sur la prétendue tombe d’Archiloque à Paros. On y trouve une inscription complète d’un dénommé Mnesiepès qui commémore la fondation de l’Archilocheion. Elle se présente sous la forme de colonnes (ou selides) parallèles, imitant ainsi l’apparence d’un « rouleau de papyrus qu’on aurait déroulé sur un mur en marbre49 ». Elle emploie de plus des dispositifs visant à structurer le document, comme les retraits (ekthesis), utilisés pour indiquer des citations, incluant des oracles et des vers d’Archiloque50. Alors que les epitumbia littéraires évoquent l’épigraphie funéraire pour attirer l’attention sur la relation complexe qu’entretient la poésie avec son support matériel, l’inscription de l’Archilocheion mobilise des stratégies de structuration du texte pour affirmer son autorité en tant que bios définitif du poète défunt, incorporant une large variété de sources pour accompagner une lecture particulière d’aspects plus ambigus de la poésie d’Archiloque (comme l’aspect grossier de ses iambes)51. Les efforts fournis par l’inscription pour structurer la rencontre entre le visiteur et le corps réel d’Archiloque font donc écho aux tentatives d’encadrer la lecture de ce qui reste de son corpus. La formation active d’une « communauté de mémoire » autour des restes littéraires et littéraux d’Archiloque est soulignée par le nom de l’auteur de l’inscription, puisque Mnesiepès signifie celui qui remémore les epê (« paroles »)52. Mnesiepès se présente donc comme un intermédiaire entre le poète et le lecteur : il rassemble les restes fragiles de l’héritage d’Archiloque en un texte stable qui affirme à la fois la publicité, la monumentalité et l’autorité cultuelle de l’inscription, et le cachet littéraire et le potentiel de transmission du rouleau de papyrus, en faisant des « paroles » fuyantes de la tradition orale un mnêma textuel qui fonctionne aussi bien comme une archive que comme une tombe. Cette mémoire « collective » incarnée est transformée en une mémoire « culturelle » mise en texte par l’intermédiaire d’un dispositif monumental d’archivage qui, situé à l’endroit où repose le corps du poète, lie les pratiques de lecture aux pratiques cultuelles afin d’assurer une forme de Funktionsgedächtnis persistante qui est à la fois lapidaire et littéraire : l’épitaphe et l’épigramme.
La tombe vivante
21Pour Mnesiepès, la capacité qu’a l’Archilocheion de tenir lieu de site pour une commémoration active dépend de la performance rituelle : qu’il s’agisse des sacrifices à Apollon qui font de la tombe un autel, comme des sacrifices à Archiloque toujours en cours53. En établissant une communication entre les visiteurs vivants et le héros-poète défunt, le sacrifice joue à un niveau rituel le même rôle que le texte inscrit de Mnesiepès, à savoir la réactivation répétée du corps et du corpus d’Archiloque à travers des actes de remémoration. Mnesiepès lui-même permet de faire le lien entre le matériel et le métaphysique, en assurant une médiation entre les vivants et les morts, dans la mesure où son texte se situe dans un interstice entre tradition orale et tradition textuelle d’une part, et d’autre part, entre la pierre et le papyrus. Les qualités transcendantes de la poésie sont ainsi attachées à un lieu spécifique, un monument et un corps de textes, c’est-à-dire au lieu même, d’après l’inscription, où Archiloque a été initié à la poésie par les Muses54. L’Archilocheion de Paros lie le corps d’Archiloque et sa commémoration rituelle avec le lieu de sa production poétique et de sa mise en texte ; il articule ainsi la métaphysique de l’inspiration divine (comme lors de sa rencontre avec les Muses) à la théologie du culte héroïque (inspiré par la communication entre Mnesiepès et Apollon par l’intermédiaire d’oracles). De manière significative, c’est à travers la préservation matérielle et la commémoration de telles rencontres – via le stockage d’archives et leur réactivation rituelle – que ce modèle transcendant de production poétique peut survivre.
22Puisqu’elle date du milieu du iiie siècle avant notre ère, l’inscription de Mnesiepès à l’Archilocheion est contemporaine de nombreux epitymbia de l’Anthologie grecque, et reflète les épitaphes littéraires et la manière dont elles négocient la relation complexe entre des vers insaisissables et un monument matériel. En créant des rencontres virtuelles avec les tombes des poètes, les epitumbia abordent de la même manière l’insaisissable ontologie de la poésie en faisant appel au langage et à l’attirail matériel du culte. En particulier, ils reviennent avec insistance sur l’acte de la libation comme quand, dans une épigramme anonyme, la tombe parlante du « divin Homère » demande au voyageur : « Ne passe pas devant moi, mais verse une libation pour m’honorer à l’égal des dieux55. » Tout comme les navires sur le Nil de l’épitaphe de Posidippe pour Doricha, où les départs répétés pour Naukratis font penser à une transmission répétée des vers de Sappho, la performance rituelle devant la tombe suggère une communication continue avec le défunt et un souvenir ininterrompu. Comme l’a observé Jan Assman, « la mémoire culturelle est pénétrée d’un élément de sacré » : la capacité qu’a la tombe d’unir la métaphysique transcendante de la poésie « immortelle » avec les fonctions commémoratives du rite funéraire est la clé de la réalisation par l’epitumbion d’une remémoration active (Funktionsgedächtnis), entraînant ses lecteurs dans une communauté vivante de visiteurs potentiels qui grandit au fil du temps, faisant le lien entre le passé poétique et le présent textuel56.
23Les epitumbia évoquent donc des gestes rituels répétés sur le lieu où se trouve le corps du poète comme un parallèle à la réactivation régulière de son corpus textuel. C’est le cas des libations de vin ou de miel traditionnellement offertes aux morts qui, selon Alcée de Mytilène (ou de Messène), étaient versées par des chevriers sur la tombe d’Hésiode : « image, en effet, des accents sortis de cette bouche, parce que le vieillard avait goûté aux pures ondes des neuf Muses » (AG VIII 55, 5-6)57. Comme dans de nombreuses épigrammes qui jouent sur le fait de verser du vin sur la tombe d’Anacréon, lui-même porté sur la boisson, le liquide frais versé en l’honneur des morts évoque les soins du rituel funéraire, tout en réifiant et en réactivant le flot du chant associé au corps vivant du poète (et à son inspiration divine)58. La libation est la représentation rituelle du procédé de passage d’un support poétique à un autre, comme le flot des vers passe des Muses au poète puis au lecteur ou au célébrant, s’écoulant entre le métaphysique et le corporel, entre les vivants et les morts59. De plus, la libation matérialise le contenu des vers du poète sous la forme d’une substance qui s’écoule évoquant certains genres ou qualités esthétiques, qu’il s’agisse des vers avinés d’Anacréon destinés au banquet ou de vers au miel d’Hésiode, poésie didactique consacrée à l’agriculture et pleine de miel60. Dans le même temps, l’épigramme se présente comme un texte inscrit qui, puisqu’il nous invite à réactiver la fonction de la tombe comme mnêma par l’intermédiaire d’un rituel, efface la distinction entre des modes de lecture lapidaire et littéraire et nous fait entrer dans son espace virtuel61. De cette manière, la présence matérielle, la spécificité géographique et les modes de remémoration socialement déterminés associés à des sites comme l’Archilocheion sont requis pour que se construise la communauté textuelle de l’épigramme littéraire, dans laquelle le topos de la libation crée un flot répété de vers tandis que les poètes adoptent et étendent la métaphore, revenant encore et toujours aux tombes de leurs prédécesseurs comme faisant partie intégrante de leur pratique et de leur sociabilité.
24Le fait de réifier et de ritualiser simultanément la poésie sous la forme d’un liquide qui s’écoule nous amène à notre dernier exemple, d’une complexité stimulante, de tombe de poète mise en texte : un epitumbion de Sophocle issu de la Couronne de Philippe et attribué à Érycias, et qui rassemble de nombreux thèmes cités dans cet article (AG VII 36) :
αἰεί τοι λιπαρῷ ἐπὶ σήματι, δῖε Σοφόκλεις,
σκηνίτης μαλακοὺς κισσὸς ἁπλοῖτο πόδας,
αἰεί τοι βούπαισι περιστάζοιτο μελίσσαις
τύμβος, Ὑμηττείῳ λειβόμενος μέλιτι,
ὡς ἄν τοι ῥείῃ μὲν ἀεὶ γάνος Ἀτθίδι δέλτῳ
κηρός, ὑπὸ στεφάνοις δ ̓ αἰὲν ἔχῃς πλοκάμους.
Qu’éternellement sur ton monument radieux, ô divin Sophocle, le lierre de la scène étende ses pieds flexibles ; qu’éternellement les grappes d’abeilles, filles du taureau, affluent autour de ta tombe, arrosée du miel de l’Hymette, afin que pour toi coule éternellement l’éclatante cire qu’il faut à la tablette attique, et qu’éternellement tu aies la chevelure sous les couronnes62.
25Comme beaucoup d’épitaphes fictives, celle d’Érycias fait du sêma du poète la manifestation physique de son œuvre, dans laquelle les fleurs qui ornent le monument incarnent le genre dans lequel il excellait63. Ici les ornements habituels de la tombe sont considérés comme les sêmata de la forme, du contenu et de la poétique, si bien que les connotations bacchiques du lierre rappellent le lien de Dionysos avec le théâtre (et les malakous podas des plantes évoquent les cothurnes de l’acteur), tandis que le miel de l’Hymette rappelle la « douceur » des vers de Sophocle, les qualités attiques de sa langue et le contexte athénien de ses œuvres64.
26Érycias pousse plus loin la métaphore : en étendant celle du miel de son rôle dans les libations faites aux morts jusque dans l’usage de la cire d’abeille comme surface d’écriture, il va jusqu’à prier dans les vers 4-5 « que pour toi coule éternellement l’éclatante cire qu’il faut à la tablette (deltos) athénienne ». Ici la distinction entre texte et tombe est complètement éludée, dans la mesure où les arrangements rituels du sêma fournissent eux-mêmes la surface physique nécessaire à la composition d’un texte sur la tombe. Érycias sous-entend que la technologie de l’écriture non seulement conserve les œuvres de Sophocle pour la postérité, mais qu’elle offre même les conditions matérielles adéquates à la production d’une nouvelle œuvre liée à la mort. Dans le cadre du support virtuel de l’épigramme, la tombe fait déjà office de surface (de pierre) pour l’inscription. Néanmoins, l’image d’un sêma enduit de cire, véritable ruche de l’activité poétique, crée un palimpseste de surfaces textuelles, par lequel l’inscription sur pierre n’est qu’une couche recouverte d’une tablette de cire et, implicitement, d’un rouleau de papyrus sur lequel se trouve le texte d’Érycias. De cette manière, le caractère éphémère du deltos qui est une surface plus adaptée à une composition initiale qu’à une conservation durable des textes poétiques, est rattrapé grâce à une inscription sur pierre qui est malgré tout préservée et mise en circulation sous la forme d’un rouleau.
27Cette matérialisation de la mémoire sur la surface du sêma de Sophocle fait écho à la préservation de ses tragédies sous forme de livre (rappelant sa mise en texte à Athènes par Lycurgue). Cela souligne encore une fois la relation entre la tombe et l’archive comme formes parallèles de mnêmata. En même temps, l’espoir d’Érycias que la cire « coule éternellement » (ῥείῃ μὲν ἀεί) et que Sophocle « soit éternellement couronné » (ὑπὸ στεφάνοις δ᾽ αἰὲν ἔχῃς πλοκάμους) exprime le désir d’une proximité impossible avec la composition poétique et la performance dramatique qu’un livre, en tant que document d’archive, ne peut jamais vraiment procurer. On se souvient que ces deltoi de cire découverts dans la tombe du Poète à Daphnê avaient tant ému A.E. Stallings, qui souligne le contraste entre la cire friable « frangible with centuries » désormais visible au Musée du Pirée et la matière souple qu’avait connue le poète, « still weighing one word with another »65. En tant que support organique créé par les abeilles et employé pour les « work-in-progress », le texte imprimé dans la cire (plutôt qu’écrit à l’encre sur un papyrus) préserve le statut d’un non finito éternel, suspendu pour toujours dans un état de devenir66. Il constitue de plus l’archétype du support pour la mémoire, depuis le Théétète de Platon, qui décrit comment les souvenirs se forment une fois qu’ils sont imprimés dans la cire ekmageion de l’esprit, jusqu’au modèle de la mnémotechnique dans l’espace que Cicéron reprend à Simonide, où les souvenirs sont stockés comme des images liées à des lieux, « semblables à une tablette en cire et aux lettres qui y sont écrites67 ». Contrairement à la dureté impassible de la pierre ou à la surface cassante du papyrus, la cire est liée au corps, à une mémoire active renfermée par des personnes et non des objets. Ce médium pour conserver la pensée assure un lien entre le matériel et le métaphysique, tout comme les libations de miel versées sur la tombe de Sophocle sont une médiation entre vivants et morts, et de même que les abeilles grouillantes qui s’y agglutinent sont elles-mêmes décrites comme émergeant du cadavre d’un bœuf (en allusion aux Bougonia, ce fameux exemple de « génération spontanée » aux connotations de résurrection)68. Ainsi, en marquant la matérialisation textuelle du corpus de Sophocle, Érycias réifie son œuvre dans des supports qui sont traditionnellement investis d’un pouvoir à la fois organique et transcendant.
28Pierre Nora observe que « la mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel69 ». Quand il prie pour une cire coulant toujours à flots, Érycias trouve un moyen particulièrement pertinent de matérialiser la nature fuyante de la poésie au moment même de son émergence, en établissant un parallèle entre le présent du rituel continué de la tombe enduite de miel et le présent du poète en train de composer. Il unit la conservation corporelle de la mémoire (au sens de Platon) avec la fluidité du vers et la matérialité de l’inscription du texte même. Toutefois, comme les restes de la tombe de Daphnê nous le rappellent, la cire a besoin de la chaleur du corps vivant pour rester souple, apte à l’impression et, dans un dernier temps, lisible. Pour rester fonctionnels et éviter l’obsolescence, les supports textuels doivent demeurer actifs, œuvrant dans des réseaux qui peuvent préserver leur fluidité par une réactivation répétée. Finalement, la tombe du poète incarne et rend problématique une tension persistante entre les qualités transcendantes attribuées à la poésie du passé et les supports matériels qui transmettent cette transcendance aux générations futures. Qu’il soit virtuel ou inscrit, l’epitumbion se veut un espace privilégié pour un texte écrit en tant que support qui préserve et même crée de la mémoire poétique. Il a le pouvoir de la faire circuler parmi les vivants. Pourtant, qu’il s’agisse de pierre, de cire ou de papyrus, ces supports se situent tous sur un spectre d’impermanence qui menace toujours l’immortalité qu’ils cherchent à garantir. Les dons des Muses peuvent bien être « immortels » comme le proclame l’épitaphe d’Antipater pour Sappho (AG VII 14), ils dépendent néanmoins, pour survivre, d’une série de corps mortels, où celui du poète n’est que le premier d’une série de supports périssables pour les poèmes.
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10.1093/acprof:osobl/9780199608652.001.0001 :Notes de bas de page
1 Stallings 2006, p. 19.
2 Cet article a été traduit par Manon Brouillet. Il est la version française abrégée d’un chapitre à paraître dans le volume édité par Barbara Graziosi et Nora Goldschmidt (Tombs of the Ancient Poets: Between Literary Reception and Material Culture, Oxford University Press). Sauf mention contraire, les textes anciens cités correspondent à ceux de la CUF, tout comme les traductions, parfois légèrement modifiées.
3 Voir Pöhlmann 2013 et Lygouri-Tolia 2014.
4 Sur les instruments, voir Terzis 2013 (pour la harpe) ; Psaroudakis 2013 (pour l’aulos). Sur les fragments issus des tablettes et des papyrus (les plus anciens découverts en grec à ce jour), voir Pöhlmann, West 2012 ; West 2013 ; Alexopoulou, Karamanou 2014 (avec bibliographie).
5 West 2013 ; Alexopoulou, Karamanou 2014. Pour une enquête pertinente sur la matérialité de l’écriture (et les métaphores qu'elle suscite) dans l’Antiquité, voir Butler 2011.
6 Sur les épigrammes funéraires des poètes, voir en particulier Gabathuler 1937 ; Bing 1988 ; Bolmarcich 2002 ; Sens 2003 ; Klooster 2009, p. 15-42 ; Kimmel-Clauzet 2013, p. 163-184 ; Montiglio à paraître. Sur le rôle programmatique des épitaphes de poètes dans les anthologies de Méléagre et de Philippe, voir Höschele à paraître. Sur le procédé de l’épitaphe appliqué par les poètes à leur propre œuvre, voir Peirano 2014. Plus généralement sur les épigrammes funéraires voir Bruss 2005 ; Tsagalis 2008 ; Tueller 2008, p. 65-94 ; Christian 2015, p. 162-228.
7 Sur la mise en texte à l’époque alexandrine de la poésie du passé et l’intertextualité poétique, voir en particulier Bing 1988 ; Hunter 1996 (sur Théocrite) ; Fantuzzi, Hunter 2004 ; Acosta-Hughes 2007a (sur la poésie iambique) et 2010 (sur la réception de la lyrique grecque à l’époque hellénistique) ; Klooster 2009.
8 Vernant [1983] 1996.
9 Sur le statut liminal de la tombe, voir Haarløv 1977 ; Platt 2012.
10 Voir Svenbro 1988.
11 NdT : dans tout l'article les expressions « épigrammes », « épitaphes » ou « epitumbia littéraires » désignent des épigrammes fictives, par opposition aux épitaphes réellement inscrites sur les tombeaux des défunts.
12 Bing 2009. Sur le rôle de la voix dans les épigrammes hellénistiques, voir en particulier les analyses subtiles de Männlein-Robert 2007a et 2007b.
13 Barthes 1968. Sur le « silence solennel » (σεμνῶς … σιγᾷ) du texte, voir Platon, Phèdre 275d. Sur la voix et le silence dans la poésie ekphrastique, voir Squire 2010a.
14 Sur la mise en texte ou « entextualization » comme « procédé par lequel des textes pouvant circuler sont produits à partir d’un discours extrait de son contexte d’origine » (Sung-Yul Park, Bucholtz 2009, p. 486), voir Bauman, Briggs 1990 et 1992 ; Silverstein, Urban 1996 ; Barber 2007.
15 Asclepiade, AG VII, 11 = 28 (Gow, Page 1965). Voir Sens 2011, p. 185. Pour les épigrammes d’Érinna, voir aussi VII, 12 (anonyme), VII, 13 (attribué à Léonidas ou Méléagre), VII, 713 (Antipater) et IX, 190 (anonyme), et Montiglio à paraître. Sur ces épigrammes et la série attribuée de manière peut-être éronnée à Érinna pleurant son ami d'enfance Baucis (sujet de la Quenouille) en VII, 710 et 712, voir Höschele à paraître. Sur Érinna et les autres poétesses comme auteurs et sujets des épigrammes littéraires, voir Murray, Rowland 2007.
16 Voir Knauer [1935] 1987 ; Neri 1996 ; Gutzwiller 1997a ; Stehle 2001 ; Sens 2003 et 2011, p. 185-193. Sur la lamentation dans la Quenouille d’Érinna, voir Levaniouk 2008.
17 Sens 2011, p. 190, remarque que les témoignages anciens (AG IX, 190, 3) fixent la longueur de la Quenouille à 300 vers.
18 Sur l’usage de la première personne chez Érinna et son influence sur la poésie hellénistique, voir Gutzwiller 1997a. Sur la notion d’« objets parlants » (« oggetti parlanti » : Burzachechi 1962), voir Svenbro 1988 et Steiner 1993 ; sur les objets qui parlent en particulier dans les épigrammes littéraires, voir Petrovic 2005 ; Männlein-Robert 2007b, p. 157-167 ; Tueller 2008, p. 141-65 ; Squire 2010b, p. 608-616.
19 Voir Sens 2003, p. 82. Sur la question de l’auteur du poème, voir Neri 1996, p. 213-216.
20 Voir Höschele à paraître. Sur la Couronne de Méléagre (en particulier AG IV, 1) et l’usage métaphorique des fleurs pour désigner les vers poétiques (et donc, à partir du deuxième siècle de notre ère, les anthologies), voir Cameron 1993, p. 19-33 ; Gutzwiller 1997b et 1998, p. 78-79 ; Höschele 2010, p. 171-229. Sur le motif de l’enlèvement de jeunes filles par Hadès dans les épigrammes, voir Cairns 1996.
21 Le LSJ donne comme sens pour ἔμφρων, « in one’s mind » ou « sensible », établissant ainsi un contraste explicite avec le domaine de la folie, de la mort, et du sommeil, et cite Sophocle, Antigone 1237.
22 J’emprunte à Hayden Pelliccia la notion d’écho épigrammatique. Il montre que Callimaque (Épigramme 28 Pf.) utilise un tel procédé (Pelliccia 2017). Sur l’usage de l'allusion intertextuelle (voire d'une possible citation) dans la référence faite par Asclépiade au γλυκὺς … πόνος en AG VII, 11,1, voir Sens 2003, p. 79 et 2011, p. 190.
23 Érinna, AG VII, 712 = 2 (Gow, Page 1965).
24 Sur l'attribution sans doute infondée de cette épigramme à Érinna elle-même, voir Neri 1996, p. 194-201. Sur la question de la citation de VII, 712, voir Sens 2003, p. 83, avec les indications bibliographiques.
25 Nora 1984.
26 Nora 1984 p. XXXV.
27 Nora 1984, p. XVII : « il y a des lieux de mémoire parce qu’il n’y a plus de milieux de mémoire. »
28 Assmann 1999, p. 189. A. Assmann propose la notion de « mémoire de stockage», opposée à la « mémoire fonctionnelle » (discutée plus bas). Sur la notion de « mémoire culturelle » ancrée dans des cadres sociaux et culturels spécifiques et supportée par des institutions mnémoniques, voir aussi Assmann, Assmann 1988. Pour une application de ces idées à un certain nombre de cultures prémodernes (dont la Grèce ancienne), voir Assmann 1992.
29 Sur la tombe comme forme de Speichergedächtnis, voir Hendon 2000.
30 Sur cette distinction, voir Assmann 1992 et Assmann 1999.
31 Sur les allusions au rituel dans le contexte des épigrammes littéraires, voir plus bas.
32 Assmann 1999. Voir aussi Assmann, Assmann 1988, et une discussion utile dans Erll 2011, p. 34-37.
33 Sur les concepts de « littérature » et de critique littéraire qui naissent à la période hellénistique, voir Gutzwiller 2010.
34 Voir supra, n. 25.
35 Sur cette notion, voir aussi Klooster 2009, p. 26-35.
36 AG VII, 16 = Gow, Page 1968, « Pinytus » 1 (vol. 2, p. 464-465). Ce distique, qui date du première siècle avant ou après notre ère faisait probablement partie de la Couronne de Philippe.
37 Fr. 2 Reinach = 31 Lobel-Page, 7-9 et 15-16: ὡς γὰρ εὔιδον βροχέως σε, φώνας | οὐδὲν ἔτ᾽ εἴκει· | ἀλλὰ κὰμ μὲν γλῶσσα ἔαγε… | τεθνάκην δ’ ὀλίγω ᾿πιδεύης |φαίνομ’ ἔμ’ αὔτᾳ. Sur κωφόν, Gow, Page 1968, vol. 2, p. 465 (qui citent AG VII 48, 3 et Peek 1955, 1263, 1265). Sur le jeu sur le silence et la parole dans le fragment 2, voir O’Higgins 1990 ; Stehle 1997, p. 288-294 ; Montiglio 2000, p. 103-104 (qui discute aussi AG VII, 16-17 rapidement p. 101). Sur la réception de Sappho dans la poésie hellénistique (et en particulier dans les épigrammes), voir Acosta-Hughes 2010, p. 82-92.
38 On remarque que Pinytos peut aussi faire allusion ici à un jeu sur la tension entre la voix et le silence dans une épigramme dédicatoire « dans le style de Sappho » en AG VI, 269, dans lequel l’objet (sans doute une statue) dédié à Apollon affirme : « Enfants, même sans voix je réponds à qui m’interroge » (Παῖδες, ἄφωνος ἐοῖσα ποτεννέπω αἴ τις ἔρηται), voir Acosta-Hughes 2010, p. 83, n. 78, qui se demande également si « the partly conventional opening of this poem […] is not also meant to recall the broken voice of Sappho fr. 31 [=2 Reinach] ».
39 AG VII, 21. Voir Edmonds 1931 ; Gow, Page 1965, vol. II, ad loc. ; Klooster 2009, p. 27-28. Simias est surtout connu comme l’auteur de calligrammes à l’époque hellénistique, notamment l’« Œuf ». Voir à ce sujet Méndez Dosuna 2008 ; Luz 2010 ; Kwapisz 2013, p. 107-137.
40 Sophocle, Antigone 256.
41 LSJ s.v. σελίς, A1 : « cross-beam », cf. IG I2 376, l. 58 ; IV2 (1), 103, l. 163 (une inscription d’Épidaure du ive siècle avant notre ère) ; A3 : « block or sector of seats in a theatre », BMus.Inscr. 481, 157, 440 (inscription d'Éphèse du premier siècle de notre ère).
42 Horace, Odes III, 30, 1-2 : sur la fonction de ce texte comme sphragis poétique en lien avec les inscriptions funéraires, voir Peirano 2014, p. 231-234. Sur le monumentum horatien comme équivalent de sa tombe, voir Woodman 1974. Sur le caractère périssable des tombes de poètes, voir Rawles à paraître, sur le traitement fait par Callimaque de la tombe de Simonide.
43 Posidippe fr. XVII, Gow, Page 1965 = 122, Austin, Bastianini 2002, apud. Ath. XIII, 596cd. Voir Bing 2005, p. 131-132, dont l'interprétation de l’épigramme est cruciale pour mon argumentation.
44 Pour le « tout nouveau Sappho », voir Obbink 2014. Le ressentiment éprouvé par Sappho envers la maîtresse de son frère est mentionné par Hérodote (II, 35) qui la nomme Rhodopis, et Athénée XIII, 596c. Voir Lidov 2002, qui affirme que les deux noms étaient liés dans la tradition biographique hellénistique. Sur le lien de Sappho avec ses frères, voir Ferrari 2014 ; Lardinois 2014.
45 Voir Lidov 2002 ; Doricha apparaît chez Sappho (fr. 7 et fr. 15 Lobel-Page), mais sans lien avec son frère Charaxos. Le thème de l’édition alexandrine de Sappho émerge dans une série d’épitaphes de l’Anthologie grecque qui la désignent comme la dixième Muse, avec un jeu sur ses neufs livres de poésie (chiffre alors canonique) ou, comme le formule Tullius Laureas les « Neuf fleurs de ses chants » (AG VII, 17), voir Acosta-Hughes 2010.
46 Sur le thème de κόνις (la poussière) dans les inscriptions funéraires, voir aussi AG VII, 34, 2 (Antipater sur la « poussière qui retient Pindare ») et VII, 708, 1 (Dioscoride sur la « poussière légère » qui recouvre le dramaturge Machon), inscriptions discutées par Montiglio à paraître.
47 Voir Rosenmeyer 1997, p. 132 ; Bing 2005, p. 132.
48 Obbink 2011 commente de manière fascinante la relation entre papyrologie et archéologie. Sur la notion de « entanglement » ou « imbrication », qui fait que des groupes sociaux s’investissent pour maintenir des mondes matériels complexes, voir Hodder 2012.
49 Clay 2004, p. 11, qui cite Kontoleon 1952, p. 36. L’étude de Clay de 2004 sur l'Archilocheion et les inscriptions qui y sont déposées fait autorité. Sur l’inscription de Mnesiepès (SEG 15 [1958], 517 ; Clay 2004, cat. 2) en particulier, voir Kontoleon 1952 et 1956, Clay 2004, p. 10-24, 104-110 (avec la bibliographie) et Ornaghi 2009. Sur les inscriptions en vers de l’époque hellénistique qui imitent la présentation des textes sur papyrus, voir Del Corso 2010 ; Garulli 2014. On trouve des usages parallèles de selides dans l’inscription philosophique de Diogène d’Œnoanda (SEG 52 [2002],1445), datée d’environ 200 avant notre ère et dans l’inscription souvent désignée par l'expression « Pride of Halikarnassos » (SGO 01, 12, 01), du iie siècle avant notre ère, voir Isager, Pederson 2004 ; Garulli 2014, p. 146-150.
50 Sur le terme ekthesis dans l'inscription de Mnesiepès, voir Clay 2004, p. 156, n. 16 et Nagy 2008, p. 261-262.
51 Voir Clay 2004, en particulier p. 10-24 ; Ornaghi 2009, p. 176-180 ; Rotstein 2010, p. 293-298.
52 Comme le remarque Nagy 1990, p. 363-364 et 2008, p. 263.
53 Voir Clay 2004, cat. 2, section E1 II, 3-6 (Mnesiepès fait un sacrifice aux Muses, à Apollon et à d’autres divinités) et 18 (Mnesiepès fait un sacrifice à Archiloque et d’autres divinités « suivant les instructions données par le dieu dans son oracle »). Sur les oracles delphiques cités par Mnesiepès, voir Parke 1958, et sur les liens entre l’Archilocheion et Delphes, Ornaghi 2009, p. 181-256.
54 Voir Clay 2004, cat. 2, section E1 II, 20-40. Sur le Dichterweihe épiphanique d’Archiloque, voir Clay 2004, p. 14-16 ; Corrêa 2008 ; Ornaghi 2009, p. 133-155 ; Rotstein 2010, p. 293-298.
55 AG VII, 2B, 2-3 (anonyme).
56 Assmann 1992. Voir aussi Assmann 1999, sur la fonction mnémonique de « scripts » rituels dans la mémoire culturelle.
57 AG VII, 55 (attribué à Alcée de Mytilène ou de Messène) : τοίην γὰρ καὶ γῆρυν ἀπέπνεεν ἐννέα Μουσέων | ὁ πρέσβυς καθαρῶν γευσάμενος λιβάδων.
58 AG VII, 23, 3-4, VII, 26, 3-4, VII, 28, 2, voir Montiglio à paraître.
59 Sur la représentation de libations sur les vases grecs et les implications théologiques de leur caractère fluide, voir Gaifman 2013. Sur les libations dans la religion grecque plus généralement, voir Graf 1980 ; Simon 2005.
60 Voir Montiglio à paraître, sur le sens général de la croissance des plantes sur les tombes des poètes dans les inscriptions d’époque hellénistique. Ainsi le lierre et la vigne s’enracinant dans la tombe d'Anacréon ont un fonctionnement parallèle aux libations de vin.
61 Sur la manière dont les épigrammes construisent des espaces fictifs au sein des anthologies, qui s’agisse de cimetières ou de galeries, voir Höschele 2010 et Höschele à paraître, à propos du « coin des poètes » virtuel.
62 AG VII, 36 = Gow, Page 1968, Erucius XI (p. 286). Sur cette épigramme voir aussi Montiglio à paraître.
63 En ce sens, l’épigramme répond à l’epitumbion de Simias pour Sophocle, AG VII, 21, qui le décrit comme couronné du « lierre flexible d'Acharnes ». Il est comparable à la vigne, aux violettes et à la myrte qui poussent sur la tombe d’Anacréon : il s’agit d’incarnations matérielles des vers symposiaques, ici de manière tout à fait appropriées pour le chantre de l’ivresse et qui vont de pair avec le fait que ses cendres comme son sêma sont inondés de vin (AG VII, 23-33). Voir Montiglio à paraître.
64 Sur le sens du miel attique dans ce texte (vanté par Aristophane, La Paix 252 et Les Thesmophories 1192), voir Gow, Page 1968, p. 286.
65 Stallings 2006, p. 19.
66 Sur la phénoménologie du non finito, voir Rothstein 1976 ; Guentner 1993 ; Carabell 1995 et 2014 ; Kramer 2008, avec Gurd 2007 et Platt 2018 sur l’esthétique de l’incomplétude dans les épigrammes hellénistiques. Sur la complexité ontologique de la cire comme support d’écriture et de modelage, voir Platt à paraître.
67 Platon, Thééthète 191c-d ; Cicéron, De Oratore II, 86. Sur le lien entre la cire et la mémoire dans l’Antiquité, voir Penny Small 1997, et sur le rôle de la cire dans la phénoménologie de la mémoire, Ricœur 2000, p. 8-12. Sur le caractère étonnamment organique de la cire, voir Didi-Huberman 1999.
68 Le locus classicus pour les Bougonia est Virgile, Georgiques IV, 281-314, 538-558 : voir Perkell 1989 ; Habinek 1990, ainsi que, sur les abeilles dans la tradition poétique gréco-romaine, Engels, Nicolaye 2008 ; Carlson 2015.
69 Nora 1984, p. XIX.
Auteur
Cornell University
vjp33@cornell.edu
Professor of Greek and Roman art history, Cornell University
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