L’écriture en action dans des règlements religieux des cités grecques
p. 209-244
Résumés
Quelle est la place accordée par les Grecs à l’écrit, à la parole écrite, dans l’organisation de leur vie en communauté ? Pour reconsidérer cette question, souvent débattue, on propose ici une expérimentation qui prend pour exemple le statut de l’écriture dans certains règlements religieux. On explore ainsi les multiples aspects de cet acte de graphein, considéré comme un moyen indispensable pour établir des règles qui régissent les relations entre les hommes et leurs dieux.
What is the place granted by Greeks to the act of writing in the organization of their public life? To reconsider this question, often debated, a experimentation is proposed in this article, taking as example the statute of writing in certain religious regulations. The multiple aspects of the act of graphein are explored, an act considered as an indispensable means to fix rules governing the relations between men and their gods.
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Mots-clés : règlements religieux, sanctuaires, écriture, graphô, visibilité
Keywords : religious regulations, writing, graphô, sanctuaries, visibility
Texte intégral
1Dans un précédent article, présenté comme « l’ébauche d’une longue enquête en cours qui cherche à mieux définir la forme, le contenu, les traits particuliers de ce que les modernes ont pris l’habitude d’appeler lois sacrées »1, j’avais commencé, à la suite des questions qu’a posées Robert Parker2, par la critique de cette dénomination conventionnelle, aussi inadéquate qu’erronée. En entreprenant une réflexion plus générale sur la nature de ces textes, j’avais examiné, sommairement, certains termes présents dans ces documents, comme nomoi, nomima, patria, diagramma, antigraphon, etc. J’avais surtout insisté sur le fait que les Grecs eux-mêmes renvoyaient parfois à des textes qu’ils qualifiaient de hieroi nomoi (« lois sacrées »), ce qui constitue une raison supplémentaire pour rejeter ce titre que les modernes ont donné à des regroupements de documents construits artificiellement (voir aussi infra, note 28).
2Cependant, bien que certains acceptent l’inadéquation de ce nom, ils continuent à l’utiliser, sans « états d’âme », en la qualifiant même d’« utile ». C’est encore récemment la position défendue par Michael Gagarin, bien qu’il recommande la prudence dans l’utilisation de cette « useful » catégorie des « Sacred laws »3. La question vient d’être reprise et développée par Jan-Mathieu Carbon et Vinciane Pirenne-Delforge dans un article circonstancié qui entend « dépasser le corpus traditionnel des “lois sacrées” », afin de présenter, dans une « alternative perspective », les lignes directrices et méthodologiques d’un important projet de recueil en ligne, qu’ils appellent « Normes rituelles grecques » (en anglais : Collection of Greek Ritual Norms = CGRN)4. On ne saurait soulever ici la question de la pertinence du terme « norme » qui, à mon sens, pose parfois plus de problèmes qu’il n’en résout. J’aimerais seulement faire une très brève remarque, quitte à revenir sur ce thème à une autre occasion. Dans leur article introductif, qui mérite une attention toute particulière, J.-M. Carbon et V. Pirenne-Delforge rejettent l’expression « règlements religieux », qu’ils qualifient de « equally capacious and vague designation » (p. 167), « not significantly more transparent than “sacred law” » (p. 170). Je pense cependant qu’il y a une différence significative entre les deux désignations, qu’on ne saurait considérer comme équivalentes. Car si l’expression « lois sacrées » s’avère erronée, pour des raisons déjà exposées (cf. notes 1 et 2), il n’en est pas de même pour celle de « règlements religieux » (ou encore, pourrait-on dire, de « règlements cultuels »), aussi “générale” ou “vague” soit-elle. En effet, tous ces documents épigraphiques ont en commun le fait qu’on y règle, réglemente – par loi, décret ou tout autre type de décisions émanant d’autorités et d’instances diverses – les affaires « religieuses », tout en fixant les différents cadres qui régissent les relations entre dieux et hommes, afin que ces deux mondes puissent communiquer selon « ce qui est permis ». Les organes délibératifs des cités ne votent pas des “normes” – comme me le fait remarquer aussi et à juste titre Pierre Brulé lors d’échanges récents. Ils prescrivent certaines règles, prennent certaines décisions, adoptent certaines résolutions qui ne sont pas toujours ni partout les mêmes et qui portent souvent sur tout ce qui touche à l’organisation des cultes et, plus généralement, aux pratiques rituelles dans des contextes divers5.
3Quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas m’attarder davantage ici sur cette question de lexique qui, de toute façon, reste ouverte. Mais comme plusieurs spécialistes continuent d’employer l’intitulé conventionnel de « lois sacrées » (voir supra), j’aimerais juste rappeler encore une fois que ces textes ne sauraient être, tous, qualifiés de « lois » ou de « sacrés ». De ce point de vue, il ne serait pas inutile de noter un cas intéressant qui montre, s’il en est besoin, la complexité de ces règlements. Il s’agit d’une inscription d’Ialysos de Rhodes, bien connue des spécialistes, portant sur le culte d’Alectrônê et la protection de son sanctuaire (LSCG n° 136, vers 300 avant notre ère). Or, classé, par « convention », parmi les « lois sacrées », ce texte constitue en fait un ψάφισμα des autorités et du peuple d’Ialysos, à savoir un décret par lequel on décide la publication d’une loi (νόμος) – sans doute préexistante –, qui énumère tout ce qu’il n’est pas hosion d’apporter ou de faire entrer dans le sanctuaire (animaux et objets), ainsi que les sanctions qui frappent les contrevenants6. Cette inscription donc n’est pas une « loi sacrée » (du moins, n’est-elle pas désignée ainsi par les Grecs : voir supra), mais un texte contenant un décret et une loi qu’on n’a aucune raison de qualifier de « sacrée », comme le veut Sokolowski (p. 234) et la communis opinio. De plus, ce sont ces deux documents que les Ialysiens décident de faire inscrire (anagraphêi) sur trois stèles pour leur donner – on le verra – le maximum de publicité.
4Venons-en cependant à un aspect essentiel, à mon sens, des règlements religieux, abordé ici en guise de prémices d’une recherche qui est encore loin de toucher à son but. Quelle est, en fait, la place de l’écriture dans ces documents ? Il va de soi que l’on doit à l’écriture de connaître tous ces textes, au fait qu’on décide de faire « inscrire », « graver » ou « inciser », sur une « stèle », une « tablette de bois », une « planchette », un « tableau blanchi », un « mur » etc.7, certains documents qu’on veut porter à la connaissance de tous, sans doute parce qu’on les considère comme essentiels pour la vie collective. La question ne se pose donc pas de prouver l’importance de l’écriture en tant que moyen indispensable, support décisif, pour la transmission des savoirs et des règles qui régissent les relations entre les dieux et les hommes. Ce qui est, en revanche, intéressant et qui demande un examen plus long et plus minutieux, ce sont les renvois, les références, dans le corps même de ces règlements religieux, à d’autres écritures qui suscitent, par leur présence même, une série de questions. Quel est leur contenu ? Qui est chargé de leur réalisation ? Sur quel support sont-elles exposées ? Quel est le vocabulaire utilisé ? Enfin quel est le rapport de ces textes avec le temps (bien que cet aspect, de par son importance, mérite qu’on lui consacre une étude à part8) ? Cela ne saurait, pour autant, nous empêcher d’aborder d’autres questions qui sont associées aux modalités de l’écriture, comme, par exemple, le souci de sa visibilité.
Se conformer aux textes écrits (gegrammena, grammata, graphea)
5Comme il a été noté très brièvement (Georgoudi 2010, p. 44), dans plusieurs règlements religieux on trouve l’expression ta gegrammena (« ce qui est écrit »), ou katha (kathaper, kathôs) gegraptai (« conformément à ce qui a été écrit »). À quel type d’écrit se réfèrent ces phrases ? La réponse n’est pas évidente, mais en regardant de plus près, on pourrait distinguer en gros deux cas de figure :
61) Tout d’abord, ta gegrammena peut se référer, en tout ou en partie, à ce qui est écrit sur la stèle elle-même. On le voit clairement dans un décret de la Confédération béotienne qui traite de la refonte de certains ex-votos et de la réparation d’autres objets offerts à Amphiaraos, dans son sanctuaire d’Oropos. À la fin du texte, on précise que si les responsables9 « ne font pas quelque chose… de ce qui est écrit dans le décret » (ἐὰν δέ τι μὴ ποιήσηι… τῶν γεγραμμένων ἐν τῶι ψηφίσματι), ils seront accusés d’avoir nui aux revenus du dieu10. On renvoie ainsi à une série de tâches qu’on détaille tout au long de ce décret, inscrit sur une stèle après ratification (l. 45 : τὸ ψήφισμα τὸ κυρωθέν).
7On peut aussi renvoyer aux gegrammena « dans la loi ». Selon quelques lignes d’une inscription fragmentaire d’Ios, relative au casuel sacerdotal, on interdit à la prêtresse d’exiger des particuliers « plus que ce qui est écrit dans la loi » (πλείω τῶ[ν| γεγρα]μμένων ἐν τῶι νόμωι). Comme on aurait affaire à la fin d’un règlement, d’après la supposition vraisemblable de Sokolowski, on ne peut pas dire si cette loi était transcrite sur la stèle, ou si on se réfère à un nomos publié ailleurs ou conservé dans les archives (voir aussi infra)11. Quoi qu’il en soit, on pourrait avancer que l’écriture, en fixant la nature des prestations dues aux prêtres ou aux prêtresses, protège les fidèles contre d’éventuels abus de la part de ces agents de culte.
8Parfois on renvoie, plus précisément, à « ce qui est écrit plus haut ». À la fin d’un règlement des mystères d’Éleusis, il est dit que si l’on va à l’encontre des dispositions relatives à la grande procession des mystes, le mystagogue est passible « des peines écrites plus haut » (l. 42 : ἔνοχος ἔστω ὁ μυσταγωγὸς τοῖς ἐπάνω γεγραμμένοις ἐπιτειμ[ίοις]), peines qu’on détaille, en effet, auparavant12. C’est dans le même sens que va le terme ta proêgrammena, « ce qui a été écrit auparavant », se référant à l’action du néocore, dans un règlement de Lébéna, en Crète, relatif à la transmission du mobilier de culte (d’un temple, sans doute d’Asclépios)13. On trouve des formules comparables dans un décret de Gythion, relatif à la prêtrise d’Apollon14. Deux hommes citoyens, dont le nom est cité au début du texte, sont désignés, quelques lignes plus bas, comme ceux « qui ont été inscrits auparavant » (l. 13 : τῶν προγεγραμμένων ἀνδρῶν)15. Ces personnes, nommées prêtres d’Apollon, devront s’occuper du « sanctuaire qui a été écrit avant » (l. 27-28 : τὸ | προγεγραμμένον ἱερόν), à savoir du sanctuaire d’Apollon cité plus haut (l. 5-6).
9Outre le participe usuel ta gegrammena, on peut trouver quelques formes apparentées, comme τὰ χσυνγεγραμμένα (= ξυγγεγραμμένα), du verbe suggraphô qui oriente plutôt vers le sens de « composer »16, ou encore τὰ συντεταγμένα, de suntassô qui, dans ce contexte, signifie sans doute « ordonner », « prescrire »17 (sur ces deux cas, voir aussi infra). Mais comme il a été signalé plus haut, ce qui revient le plus souvent, dans ce type de règlements, c’est l’ordre donné à différents agents d’agir « conformément à ce qui est écrit » (kata ta gegrammena), ou, en employant une locution verbale, « conformément à ce qui a été écrit » (katha [kathaper, kathôs, kathoti] gegraptai). Bien évidemment, on sait que diverses variantes de ces formules se trouvent aussi dans d’autres documents qui ne sont pas des règlements religieux proprement dits. Comme le souligne avec justesse Marcel Detienne18, en renvoyant à des expressions similaires dans certaines inscriptions, la cité « sait aussi faire preuve d’autorité, insister sur “ce qui est écrit dans le présent texte”, exiger que l’on exécute “tout ce qui est inscrit sur la stèle”, en insistant sur “tout ce qui est écrit et rien d’autre” »19. Cependant, j’ai choisi de me limiter ici, à quelques exceptions près, à un nombre de documents rassemblés par Fr. Sokolowski et Eran Lupu, mais sans aucune intention d’établir des statistiques.
10Dans la longue inscription de Théra, qui porte sur la fondation faite par Épictéta en l’honneur de son mari, de ses deux fils décédés et d’elle-même20, on rencontre les deux types d’expression : les officiants (epimênioi21) doivent accomplir leurs tâches, sacrificielles ou autres, κατὰ τὰ γεγραμμένα22, ou καθὼς (καθὰ) γέγραπται23, et il semble bien que ces formules renvoient à des actes décrits dans ce même document. De façon similaire, dans un règlement de Nakonè, en Sicile, les archontes doivent former des groupes de citoyens « conformément à ce qui a été écrit » (καθὰ γέγραπται), à savoir en les « désignant ensemble par le sort » (συγκλαρώντω), mais en évitant la proche parenté (ἀγχιστείας)24.
11Cependant, il est difficile parfois de déceler, dans le corps même du document, le sujet auquel renvoient ces écrits, surtout dans le cas d’inscriptions fragmentaires. Par exemple, dans un règlement de Magnésie, relatif au culte de Sarapis, on ne saurait dire à quel texte se réfère exactement l’expression « conformément à ce qui a été écrit » (l. 9 : καθότι γέγραπται)25. Dans d’autres cas, on est moins dubitatif. Pour célébrer la fête des Sminthia « de la plus belle manière », le peuple de Lindos décide d’élire six chorèges parmi les étrangers qui résident et cultivent la terre « dans la cité de Lindos », afin de les ajouter aux chorèges choisis parmi les citoyens26. Ces chorèges étrangers doivent alors mener la procession pendant les Sminthia, ἕκαστος καθάπερ καὶ τοὺς ἄλλους (γ)έ(γρ)α(π)τα(ι), « chacun conformément à ce qui a été écrit pour les autres » (l. 20-22). Or, il est plutôt probable que, par cette recommandation, on renvoie à un autre texte, où seraient précisées les modalités de l’action rituelle menée par les chorèges citoyens, désignés ici comme « les autres ».
122) L’exemple précédent peut servir de transition pour aborder le deuxième cas de figure représenté par un groupe de règlements, où l’on se réfère à des écritures déjà existantes, consignées dans des documents autres que les règlements en question. Un bel exemple nous est offert par une importante inscription de Cos relative à la pureté rituelle27, un texte d’autant plus significatif qu’il fait mention de « lois sacrées », ce qui prouve, comme on l’a déjà noté (voir supra), que les Grecs avaient leurs propres hieroi nomoi, qui ne correspondent pas forcement aux “lois sacrées” des modernes28. Cette inscription rapporte une proposition des exégètes afin que les purifications, les lustrations et, sans doute les sacrifices, soient accomplis « conformément aux lois sacrées et ancestrales » (A l. 5-6). Or, l’Assemblée décide d’élire, parmi les citoyens, deux épistates qui, après avoir reçu (paralabontes) de la part de certains officiels29 « ce qui est écrit dans les lois sacrées » (A l. 9 : τὰ γεγραμμένα ἐν τοῖς ἱεροῖς νόμοις), feront confectionner deux stèles, sur lesquelles ils feront transcrire ces gegrammena (A l. 6-10).
13On fait donc appel à des écritures qui jusqu’alors étaient probablement conservées dans les archives, pour leur accorder, cette fois grâce à une écriture mise sous les yeux de tous, une large publicité (voir infra). On voit un cas analogue dans une inscription d’Isthmos (Cos), relative à une fondation de culte, faite par un certain Pythion en l’honneur d’Artémis, de Zeus Hikesios et des dieux ancestraux30. Un jeune enfant (paidion) nommé Makarinos, « affranchi sacré de la déesse », est chargé de prendre soin du sanctuaire, ainsi que des « autres lieux sacrés et profanes conformément à ce qui a été écrit sur la tablette sacrée » (l. 9-11 : καὶ τῶν ἄλλων | ἱερῶν καὶ βεβάλων καθάπερ καὶ ἐν τᾶι ἱερᾶι δέλ|τωι γέγραπται). Il n’est pas impossible que cette deltos puisse avoir contenu les statuts de la fondation, ainsi que différentes instructions concernant l’organisation du culte et la préservation de l’espace sacré, comme le suggère d’ailleurs la fin du texte portant sur quelques règles de pureté. On pourrait enfin ajouter un troisième exemple de référence à des gegrammena non détaillés dans une inscription, mais dont le support n’y est pas mentionné comme dans les deux cas précédents. Le règlement amphictionique relatif aux Pythia, daté du 380/379 avant notre ère, commence par ce qui semble être, selon G. Rougemont, le serment d’entrée en charge des hieromnêmones31 au début du ive siècle avant notre ère. On jure qu’on jugera les causes selon l’opinion la plus juste possible, les unes « selon ce qui est écrit » (τ]ὰ μὲγ γε[γρ]αμμ[ένα]), les autres (les cas non prévus dans les textes) selon son propre jugement32. On ne sait pas, en l’occurrence, où l’on va chercher ces gegrammena, mais ce qui compte, dans ce contexte, c’est qu’ils vont servir, pour certaines causes, de texte de référence.
14Parfois, on demande expressément aux gens ou, plus particulièrement, à certains agents, de se conformer à « ce qui est écrit » sur la stèle ou sur un autre support. Dans ces cas, il faut non seulement lire ces écritures exposées ou affichées, mais surtout suivre et appliquer fidèlement ce qui y est prescrit, sous peine des sanctions. Selon un règlement de Chios comprenant deux décrets (A-B), il est précisé (dans le décret B, l. 15-18), que « la prêtresse d’Eleithiê [selon la graphie de l’inscription], quand la cité accomplit un sacrifice, va recevoir ce qui est écrit sur la stèle » ([τ]ῆι ἱερέαι τῆς Ἐ|λειθίης, [ὅ]ταν ἡ πόλις π[ο]ῆι, γ[ίν]|εσθαι τὰ ἐν [τ]ῆι στήληι [γ]ε[γ]ρα[μ]|μένα). Ces gegrammena renvoient sans doute au décret A de la stèle, où l’on énumère ce qui revient à la prêtresse pendant les sacrifices publics et privés. Un peu plus tard (décret B), à ces prérogatives de la prêtresse, on a ajouté deux nouvelles clauses, à savoir l’attribution à la hierea de la tête des victimes publiques, ainsi que les sanctions imposées en cas d’infraction aux règles. Or, ces clauses, on doit les « inscrire en outre » (προσγράψαι) sur la stèle, dressée près de l’Hêraion (l. 23-25)33.
15Un autre cas comparable, qui concerne également une prêtresse, pourrait éclairer davantage cette façon de procéder. Un décret (A) du Conseil et du Peuple d’Athènes (ca. 448 avant notre ère ?) fixe le salaire (50 drachmes) et les parts des victimes publiques (les pattes et les peaux) que doit recevoir la prêtresse d’Athéna Nikè. Or, un second décret (B), promulgué vers 424/423, revient sur les prescriptions du premier, en ajoutant une nouvelle décision, à savoir que les kôlakretai (magistrats associés, entre autres, aux sacrifices34), qui seront en charge le mois de Thargeliôn, remettent à la prêtresse d’Athéna Nikè « les cinquante drachmes inscrites sur la stèle » (B l. 6-7 : πεντήκοντα δραχμὰς τὰ|ς γεγραμμένας ἐν τῆι στήλ[ηι]). Comme le remarque justement Sokolowski, le second décret « précise le moment exact du paiement du salaire à la prêtresse et les magistrats qui en sont chargés ». Mais il rappelle aussi la somme due à la prêtresse – un montant qui serait probablement resté le même pendant les années qui séparent les deux décrets – en renvoyant à ce qui était écrit sur la première stèle, qui constituerait ainsi le texte de référence35.
16Ces deux règlements, de Chios et d’Athènes, montrent bien qu’on confie à une écriture exposée à la vue de tous – et non pas à l’écrit en général – aussi bien les décisions initiales que toute innovation ou précision, mais également tout changement intervenu ultérieurement, ce qui prouve que les gegrammena, « ce qui est écrit », ne restent pas toujours immuables. D’autres exemples, non explorés ici, vont dans le même sens et posent encore plus clairement et de façon diversifiée la question du rapport entre ces écritures et le temps – question qui, comme on l’a dit, ne sera pas examinée dans ce texte (voir supra, note 8).
17Bien que les gegrammena puissent être présentés sur des supports divers, comme on le verra, la stèle reste le point de référence le plus important36. Dans une inscription découverte en 1976, que son éditeur associe aux bien connues imprécations publiques de Teos (Teiorum dirae), certains officiels sont menacés de malédictions s’ils « ne lisent pas à haute voix ce qui est écrit sur la stèle » (D l. 14-17 : μὴ ᾽ναλέξεε|ν: τὰ γεγραθ|μένα: ἐν τῆι| [σ]τήληι)37. La stèle sert ainsi de guide, elle devient une sorte de vade-mecum qu’on enjoint parfois de consulter de façon explicite, comme le montre un règlement de la cité de Calauria38 : deux epimelêtai (sur ces fonctionnaires, cf. supra, note 21) sont institués par les citoyens pour gérer la fondation cultuelle en l’honneur de Poséidon, confiée à la cité par Agasiclès et Nikagora. Or, ces épimélètes doivent, entre autres tâches, « accomplir le sacrifice conformément à ce qui a été écrit sur la stèle chaque année » (l. 14-16 : τὰν| δὲ θυσίαν ποιησοῦντι καθὼς ἐν τᾶι στάλαι γέγ|ραπται κατ᾽ἐνιαυτόν). On leur demande donc expressément de suivre les instructions inscrites sur la stèle pour célébrer le sacrifice annuel, et cette stèle ne saurait être que celle-là même qui comporte la décision des citoyens (politai) de Calauria, car rien n’indique qu’il s’agisse d’une autre pierre, comme on l’a vu dans d’autres cas. S’il en est ainsi, les instructions sacrificielles que les épimélètes doivent suivre sur la stèle se résument, en fait, à peu de choses : chaque année, ils doivent sacrifier à Poséidon un animal de sacrifice adulte (ἱερεῖον τέλειον) et à Zeus Sôtêr un autre animal adulte (l. 11-13). Cependant l’obligation de se conformer à la stèle constitue une sorte de garantie contre une éventuelle modification de la nature des animaux sacrificiels prescrits pour être offerts annuellement à ces dieux.
18La stèle avec ses gegrammena fait donc autorité, elle assure la stabilité des décisions, elle garantit la pérennité des prescriptions cultuelles. Un règlement d’Érétrie, relatif à la grande fête des Artémisia, montre admirablement l’importance de ces écritures qui règlent et rythment la vie cultuelle d’une communauté39. Afin qu’on célèbre cette fête de la manière « la plus belle possible » (l. 2 : ὡς κάλλιστα), le Conseil et le Peuple de la cité vote un décret qui prescrit une série de manifestations : des concours musicaux, une grandiose procession, des riches sacrifices où l’on immole de nombreux animaux, parmi lesquels figurent surtout le kallisteion (l’animal qui a obtenu le prix de la beauté), ainsi que les animaux qualifiés de « choisis » (hiereia krita). À la fin de cette longue inscription, on précise qu’on « doit inscrire le décret sur une stèle de pierre et l’ériger dans le sanctuaire d’Artémis, afin que le sacrifice et le concours musical se fassent conformément à ces (prescriptions), pour toujours » (l. 41-44 : ἀναγράψαι δὲ τὸ ψήφισμα ἐστήλει λιθίνηι καὶ στῆσ|αι ἐν τοῖ ἱεροῖ τῆς ᾽Αρτέμιδος, ὅπως ἂν κατὰ τοῦτα γί|νηται ἡ θυσία καὶ ἡ μουσικὴ τεῖ Ἀρτέμιδι εἰς τὸν ἀεὶ [χρ|ό]νον). Suivre à la lettre ces écritures, chaque fois qu’on célèbre les Artémisia, crée, sans doute, un lien permanent entre la cité et sa divinité, comme si l’observation des mêmes prescriptions avait le pouvoir de les rendre éternels.
19Un dernier exemple qui va dans ce sens est de surcroît intéressant pour son vocabulaire ; car au lieu de l’expression ta gegrammena, on a ta grammata. Il s’agit du décret bien connu du dème attique de Cholargos40, qui règle les diverses prestations faites par des femmes appelées archousai41, pour « la fête et l’administration (epimeleia) des Thesmophories » (l. 3-6). Après avoir énuméré tout ce que les archousai fournissent en céréales, figues, miel, sésame, vin, huile, fromage, ail etc., on conclut : « afin que cela soit fait pour le dème de Cholargos conformément aux écrits pour toujours, on doit dresser une stèle et inscrire ce décret sur une stèle de pierre dans le Pythion » (l. 18-23 : ὅπως δ᾽ ἂν γί<γι> |γνηται ὑπὲρ τοῦ δήμου τοῦ Χολαργέω|ν κατὰ τὰ γράμματα εἰσστὸν ἅπα|ντα χρόνον, στῆσαι στήλην καὶ ἀν[α]|γράψαι τόδε τὸ ψήφισμα ἐν στήλε[ι]| λιθίνει ἐν τῶι Πυθίωι)42.
20Cela dit, on sait bien que l’expression « pour toujours », si chère aux Grecs qui consacrent souvent « pour l’éternité » leurs règlements écrits43, ne les a jamais empêchés d’apporter des modifications, d’opérer des changements dans ces écritures, chaque fois qu’ils le jugeaient nécessaire (voir infra).
21Pour compléter ces points, il faut remarquer que le terme ta grammata apparaît sous la forme τὰ γράθματα dans un texte très fragmentaire de Tirynthe en Argolide, que Lupu intègre dans son ouvrage, tout en hésitant sur sa “nature” : « Although these fragments are clearly concerned with religious matters, classifying them as sacred law(s) is questionnable »44 – un exemple de plus qui montre l’inadéquation de l’expression « lois sacrées » qu’on continue à utiliser. Quoi qu’il en soit, il est significatif pour la fonction de l’écriture qu’on trouve ce mot, τὰ γράθματα, dans ce règlement archaïque daté par les différents éditeurs du viie ou du vie siècle avant notre ère (ou encore de la fin du viie – début du vie). Quant au sens de ce mot qui apparaît de façon isolée sur l’un des fragments, Lupu oscille entre « writings » et « letters ». Il me semble cependant qu’il désignerait, ici également, plutôt les écrits, bien que le mot puisse, le cas échéant, prendre les deux sens (voir infra)45.
22Cependant les grathmata peuvent être associés aux gegrammena (sous la forme gegrathmena). On trouve en effet ces deux mots ensemble dans une inscription d’Argos (2e ou 3e quart du ve siècle avant notre ère) où la cité réclame une punition sévère contre qui rendrait vaines, sans effet ou inaboutis (atelê), « les grathmata qui sont écrits sur la stèle » (τὰ γράθματα τὰ [ἐ]|ν τᾶι στάλα[ι] γεγραθμένα)46. Certes, on pourrait suivre les éditeurs des NOMIMA – qui qualifient ce texte de « fragment de décret » – et traduire : « si quelqu’un rendait inopérantes les décisions inscrites sur la stèle »47. Mais si l’on préfère rester au plus près du grec, dans ce contexte, on traduirait le mot grathmata par « lettres » ou par « écrits ». Pour Marcel Detienne, par exemple, Argos menace du « châtiment réservé aux traîtres » celui « qui rendrait inefficaces (atelê) les lettres tracées sur la stèle »48. Detienne pense, à juste titre, au martelage d’inscriptions publiques, faute grave contre laquelle d’autres documents épigraphiques mettent en garde49. Il est possible cependant que, dans cette inscription fragmentaire d’Argos, le mot grathmata renvoie à la fois aux deux notions : il désignerait aussi bien « les écrits », qu’on décide de rendre visibles sur la stèle, que « les lettres », à savoir les signes graphiques qu’on grave, l’un à côté de l’autre sur le support comme si un seul terme pouvait, en l’occurrence, exprimer, en les condensant, autant le contenu que la matérialité de l’écriture en action.
23Un autre mot, tout aussi intéressant du point de vue sémantique, to graphos, ta graphea, dans le sens de « chose(s) écrite(s) », apparaît entre autres sur une plaque de bronze trouvée à Olympie et contenant un des plus anciens traités, celui entre les Éléens et les Euaens (ou les Héraiens, selon d’autres lectures, vers 500 avant notre ère)50 : « si quelqu’un endommage les écrits » (l. 7-8 : αἰ δέ τιρ τὰ γ|ράφεα : ταῒ καδαλέοιτο), il devra payer « ce qui est écrit ici même » (l. 10 : τōι ᾽νταῦτ᾽ ἐγραμένōι), à savoir la somme indiquée plus haut, qu’on verse à Zeus Olunpios (l. 5-6 :… τōι Δὶ Ὀλυνπίοι). Cependant le sens de « blesser, endommager, détruire, nuire à », que revêt le verbe δηλέομαι, d’où dérive la forme éléenne à préverbe καδαλέοιτο (καταδηλοῖτο)51, suggère une action violente contre ces « écrits », ces graphea, qui pourrait consister en l’effacement des lettres par martelage. Ainsi les grathmata de l’inscription argienne et les graphea de la plaque d’Olympie auraient renvoyé, chaque mot conservant sa nuance propre, à l’ensemble d’une action qui rendrait visibles les écrits publics au moyen des caractères gravés sur différents supports.
24Ces deux derniers exemples ne sont pas à proprement parler des “règlements religieux” mais, du point de vue du vocabulaire, il n’y a pas de différence notable entre les textes qui règlent les « choses divines » (ta theia pragmata) et ceux qui portent sur les « choses humaines » (ta anthrôpina). D’ailleurs, c’est une inscription d’Élide, gravée sur une petite plaque de bronze découverte à Olympie et qualifiée par certains de lex sacra52, qui nous livre l’expression πὰρ τὸ γράφος : « si quelqu’un juge contre l’écrit, que ce jugement soit sans effet » (l. 2 : αἰ δέ τις πὰρ τὸ γράφος δικάδ(δ)οι, ἀτελές κ᾽ εἴε ἁ δίκα)53. Une autre plaque de bronze éléenne, très fragmentaire, provenant aussi d’Olympie, vient enrichir le vocabulaire de l’écrit d’une autre expression significative : il y est question de ζίκαια : κὰ(τ) τὸ γράφος : τἀρχαῖον (de « droits conformes à l’écrit ancient »)54. Or ces textes mentionnés où l’écrit est présent à travers les mots to graphos, ta graphea, ta grammata etc., sont qualifiés généralement de « lois » par les modernes, mais on n’y trouve pas de termes susceptibles de justifier cette dénomination. Rosalind Thomas exprime sans doute la communis opinio, en affirmant : « Early laws often refer to themselves as the “writing” »55. Les éditeurs des NOMIMA I, plus prudents, qualifient, par exemple, les inscriptions n° 109 et 108 respectivement de « Textes légaux » et de « Précautions légales » (supra, notes 53 et 54), tandis que S. Minon les appelle sans hésitation « lois » (p. 28 et 92). On se trouve ainsi, encore une fois, devant la difficile question de la définition sémantique des mots grecs, dont la traduction peut parfois s’avérer trompeuse. Quoi qu’il en soit, on ne saurait prendre congé de ces deux inscriptions sans souligner, avec Henri van Effenterre et Françoise Ruzé, un fait hautement significatif à savoir que ces graphea, ces « écrits » (je me garderais de dire en l’occurrence : ces « lois ») ne sont pas immuables : ils peuvent être révisés, changés, sous certaines conditions. Cela apparaît plus clair dans l’inscription n° 109 qui « contient bout à bout trois textes apparemment sans relation entre eux »56. Or, tandis que le deuxième texte insiste, comme on l’a vu, sur le respect de l’écrit, en rendant nul et non avenu tout jugement prononcé πὰρ τὸ γράφος, le troisième texte apporte une précision importante (l. 3-4) : « Ce qui paraîtrait être meilleur devant le dieu de retrancher (ἐξαγρέōν) des écrits (τōν δέ κα γραφέον), ou d’y ajouter (ἐνποιōν), qu’on le change sûrement avec le Conseil (bola) des cinq cents et le Peuple (damos) »57. Ainsi, l’« éternité » des écrits, souvent revendiquée par les Grecs, aurait parfois des limites.
Une faute grave : agir contre les écritures
25Certains règlements qu’on a évoqués mettent l’accent sur les sanctions et les peines qu’encourent tous ceux qui agissent, d’une façon ou d’une autre, contre les écritures. Certes, on demande à des personnes (responsables ou non) de se conduire kata ta gegrammena, « conformément à ce qui est écrit », mais surtout on les menace de châtiments plus ou moins sévères au cas où ils se comporteraient para ta gegrammena, « contrairement à ce qui est écrit ». Arrêtons-nous un instant sur quelques exemples de cette formule qui revient ainsi assez souvent dans les règlements religieux. Dans l’inscription de Cos sur la pureté rituelle, dont il a été déjà question58, après avoir parlé des gegrammena dans les hieroi nomoi, on prévient les imprudents : « et si certains donnent des instructions contraires à ce qui est écrit au su[jet des affaires sacrées ou s’ils n’exécutent pas tout con]formément à ce qui est écrit, qu’ils éprouvent des scrupules religieux pour avoir commis une impiété [envers les dieux] » (A l. 12-14 : αἰ δέ τι]|νές κα παρὰ τὰ γεγραμμένα ἐξαγῶνται πε[ρὶ τῶν ἱαρῶν ἢ μὴ συντελῶντι πάντα καθ]|ὼς γέγραπται59, ἐνθύμιον αὐτοῖς ὡς ἀσε[βήσασιν ἐς τοὺς θεοὺς ἔστω])60.
26Ce sont souvent les agents cultuels (dont les prêtres et les prêtresses) qu’on met en garde contre la non observance des gegrammena. Selon un règlement de culte d’Axos (Crète)61, on punit ceux qui iaroussi (qui exercent la fonction du prêtre) s’ils emportent (perontai) quoi que ce soit d’autre « contrairement à ce qui est écrit » (l. 3-4 : πὰρ τὰ ἠγ|ραμένα). La punition consiste en une amende de deux statères et en une double portion de viande de bélier, « sauf si quelqu’un donne lui-même sans y être contraint ». Cette dernière précision nous aide à mieux comprendre la faute éventuelle de ces agents : ils auraient exigé des fidèles plus que ne leur permettaient les règles relatives au casuel sacerdotal62. Une autre inscription, de la ville carienne Chalkétor, relative au culte d’une déesse (?), porte sur un sujet comparable63. Il y est question de certains agents cultuels64 dont la tâche consiste à fournir les animaux de sacrifice, à donner à la prêtresse la part des viandes qui lui revient et à distribuer le reste parmi le peuple, après avoir réservé pour eux-mêmes les têtes et les entrailles. Or, « s’ils enlèvent quelque chose de plus contrairement à ce qui est écrit » (l. 8-9 : ἐὰν δέ τι πλέον ἀφαιρῶσιν πα[ρὰ]| τὰ γεγραμμένα), ils seront reconnus coupables (ἐξελεγχθέ[ν]τ[ε]ς) et devront payer ce qui a été dépensé pendant la fête. Si, dans le cas d’Axos, on ne sait pas à quoi se réfèrent τὰ ἠγραμένα, dans celui de Chalkétor, τὰ γεγραμμένα portent sans doute sur les parts d’honneur (têtes et entrailles), mentionnées plus haut, et dont bénéficient les agents en question. Par ce type de règlements, on veille ainsi à prévenir tout abus éventuel de la part de divers responsables, abus de pouvoir qui aurait aussi bien lésé les fidèles qu’offensé les dieux.
Écrire, inscrire, graver : au service de la visibilité
27Pour que l’écriture acquière un statut stable et durable, pour qu’elle reste eis aei, comme plusieurs règlements l’assurent, en voulant croire à cette “éternité” – même si dans la réalité, comme on l’a vu, les écrits ne restent pas immuables –, elle doit être, répétons-le, accessible à tous, bien visible, grâce, entre autres, à sa calligraphie, sa monumentalité, sa présence imposante dans des endroits souvent « les plus beaux », dans des emplacements fort significatifs pour la vie religieuse et sociale de la cité. Je ne vais pas m’étendre sur tous ces aspects sur lesquels l’étude de Marcel Detienne (1988) reste toujours une référence. Il est vrai pourtant que le sujet, loin d’être épuisé, a besoin d’être mieux exploré et argumenté le cas échéant, à l’aide de nouveaux documents. Mais pour le moment, j’aimerais m’interroger ici, de façon un peu plus précise, sur cet acte essentiel qui est l’inscription d’un texte sur un support. Un acte qui peut paraître évident mais qui n’est pas présenté partout de la même façon.
28Tout d’abord, on le sait bien et on l’a souvent noté, toute décision émanant d’une autorité – qu’il s’agisse d’une cité ou d’une subdivision civique, d’une fédération, d’un sanctuaire ou d’une association cultuelle etc. – n’est pas forcément mise sous les yeux de tous, elle ne vient pas obligatoirement sur la place publique. La décision de faire dresser la parole écrite dans l’espace civique, ouvert à tous (et pas seulement aux citoyens, comme on le dit d’habitude) dépend bien sûr de plusieurs facteurs qui ne sauraient être analysés ici. Mais cet acte a le mérite, entre autres, de conférer à cette parole une certaine indépendance, de la rendre d’une certaine façon autonome65.
29Ensuite, bien que la stèle de marbre reste le support le plus courant, voire le plus important, d’autres objets servant de base à l’écriture multiplient et même amplifient, la parole écrite, comme on le verra dans certains cas en revenant sur la question de la visibilité. Par ailleurs, écrire sur un support implique l’emploi d’un vocabulaire plus riche qu’on ne le pense et qui mériterait une attention plus soutenue. Le verbe le plus usuel est, certes, anagraphô, mais d’autres verbes sont aussi employés, qu’on n’arrive pas toujours à traduire de façon exacte, en préservant leur nuance sémantique. Ici une remarque s’impose avant d’aller plus loin, une remarque souvent faite par Louis Robert qui invitait les chercheurs à ne pas atténuer la « technicité » des termes grecs. Par exemple, l’expression ta gegrammena signifie – on l’a vu – « ce qui est écrit », et non pas « les prescriptions », « les instructions », « les règlements », comme on traduit souvent ce participe de façon plutôt approximative (cf. aussi supra, note 42). Ou encore, pourquoi les graphea seraient-ils tantôt les « dispositions inscrites », tantôt « la présente inscription »66 ? De même, anagraphô (sur un support) pourrait être traduit de préférence par « inscrire », bien que « transcrire » puisse encore être une traduction acceptable, dans le sens de « copier » exactement un texte. Mais il ne saurait être rendu par « graver », comme on l’écrit parfois en pensant surtout aux lettres gravées au ciseau par le lapicide. « Graver » se dit en grec charassô/charattô, verbe qu’on trouve, en effet, bien que rarement et tardivement, dans les règlements religieux.
30Dans un décret de Milet, relatif aux prophètes et aux stéphanéphores, les deux verbes, anagraphô et charassô, sont cités à la même ligne67 : « il a plu aussi d’inscrire sur un tableau blanchi le décret, qui doit également être gravé sur deux stèles dont l’une sera érigée dans le sanctuaire d’Apollon Didumeus et l’autre dans le sanctuaire d’Apollon Delphinios » (l. 35-40 : Ἔδοξε καὶ εἰς λεύκωμ[α]| ἀναγράψαι τὸ ψήφισμα, ὃ καὶ χαραχθῆναι | εἰς στήλας δύο, ὧν τὴν μίαν ἀνα|σταθῆναι ἐν τῶι ἱερῶι τοῦ Ἀπόλλωνος | τοῦ Διδυμέως, τὴν δὲ ἑτέραν ἐν τῶι | ἱερῶι τοῦ Ἀπόλλωνος | τοῦ Δελφεινίου)68. Ce règlement est intéressant, non seulement parce qu’il associe ces deux verbes, mais aussi parce qu’il exige trois copies de la parole écrite. La première copie, faite sur un leukôma, est sans doute déposée dans les archives ou conservée dans les locaux des magistrats. Les deux autres, « gravées » sur les deux stèles, seront visibles et lisibles dans deux sanctuaires d’Apollon, dont le choix n’est pas fortuit. L’un, celui d’Apollon Delphinios, se trouve à Milet, où ce dieu est honoré en tant que haute divinité poliade ; l’autre, celui d’Apollon Didumeus, est le célèbre oracle apollinien de Didymes, relié à Milet par une voie sacrée (environ 17 km.) que parcourait chaque année la procession “chantante” des Molpes pour aller de Milet à Didymes69. Or, pour assurer à ce décret une présence bien remarquée, on aurait pu se contenter du sanctuaire apollinien de Milet qui, à cause de son rang, rassemblait et exposait un grand nombre de textes (traités, décrets, lois etc.). Mais on a voulu lui donner une publicité encore plus large en le mettant aussi sous la protection de l’Apollon oraculaire de Didymes, une décision d’autant plus justifiée que ce règlement porte, entre autres, sur les prophètes et leurs obligations.
31On retrouve le verbe charassô dans l’expression particulière « graver l’inscription » se référant à un décret de l’association des Sabbatistes (l. 3-4 : τὴν ἐπιγρα|φὴν χαράξαντας)70. Or ce texte était tracé en creux sur un rocher, mais ce support “naturel” ne garantissait pas moins son inviolabilité : personne ne pouvait l’invalider, le rendre « sans autorité » (l. 4-5 : μηδένα ἄκυ|ρον ποιῆσαι). On parle encore d’« inscriptions gravées », mais cette fois avec le verbe apparenté egcharassô, dans un décret d’Halasarna (Cos) qui ordonne de dresser la liste des prêtres éponymes (l. 10-11 : ἐπιγραφὰς…| ἐνκεχαραγμένας)71 et ce même verbe apparaît à Téos, dans un règlement relatif au culte de Dionysos72 : après avoir énuméré une série d’actes cultuels (chanter des hymnes, faire des libations, sacrifier, prier etc.), le Conseil et le Peuple décident « que ce décret soit gravé dans le sanctuaire de Dionysos, ayant force de loi » (l. 18-19 : ἐνχαραχθῆναι δὲ τόδε τὸ ψήφισμα ἐ[ν τῷ ἱε]|ρῷ τοῦ Διονύσου νόμου τάξιν ἔχων). Mais on ne précise pas, dans ce cas, si le texte sera « gravé » sur une stèle ou sur le mur du temple, un autre support de l’écriture qu’on n’hésite pas à utiliser, comme on le verra.
32Enfin, si l’on voulait expliquer ces rares emplois du verbe charassô par leurs dates tardives, il faudrait se rappeler (et cela vaut pour tous les autres termes examinés ici) qu’on explore, en l’occurrence, le vocabulaire de certains règlements religieux (même pas de tous) en laissant de côté un grand nombre d’inscriptions de diverse nature où ce verbe n’est sûrement pas absent. De surcroît, un autre verbe synonyme de charassô vient troubler nos “certitudes”, et celui-là n’est pas “tardif”. Il s’agit du verbe egkoptô qui signifie littéralement inciser, entailler, voire graver dans le cas d’une inscription. Il apparaît sous la forme prosegkoptô dans un règlement relatif aux bénéfices de la prêtresse d’Artémis à Milet, daté de 380/379 avant notre ère73. Il s’agit d’un décret du Conseil et du Peuple qui définit la pénalité infligée à celui « qui ne donne pas à la prêtresse d’Artémis les parts d’honneur qui sont écrits (ta gerea… ta gegrammena) » (l. 8-10). Le règlement se réfère donc à un texte inscrit sur une stèle précédente où l’on pourrait lire ces gegrammena portant, entre autres, sur les parts des animaux qu’on devait réserver à la prêtresse. C’est à cette stèle que renvoie sans doute un certain Hérakleitos (l. 5) qui fait la proposition à l’Assemblée : « quand aux autres choses, comme cela a été écrit sur la stèle » (l. 6-7 : τὰ μὲν ἄλλα καθότι ἐν τῆι | στήληι γέγραπται). Dans ce cas, le présent décret serait un texte additionnel à cette stèle antérieure, ce que suggère l’emploi de la forme prosegkoptô. En effet, à la fin de l’inscription, il est dit : « que ce décret soit en outre gravé sur la stèle » (l. 20-22 : τὸ δὲ ψήφι|σμα προσεγκόψαι ἐς τὴν στή|λην). Enfin, on ne saurait passer sous silence le verbe κολάπτω (entailler, graver) sur l’inscription de Nakonè74 : ce sont ici les archontes qui avaient gravé (κολαψάμενοι) le décret sur une tablette de bronze (χάλκωμα).
33On ne va pas analyser dans les limites de ce travail tous les verbes qui, à côté du prédominant anagraphô, désignent l’acte d’écrire dans ses différents aspects et nuances. Mon intention, je répète, n’est ni l’exhaustivité, ni les statistiques. Mais avant de revenir à anagraphô et à la question de la visibilité, j’aimerais signaler, à titre indicatif, certains mots composés de graphô, parfois difficiles à traduire et dont l’étude systématique reste à faire. Tout d’abord, le verbe graphô lui-même n’est pas absent de ces documents, à commencer par un règlement fragmentaire d’Athènes qui interdit de tremper les peaux (des animaux sacrificiels) dans l’Ilissos, en haut du temenos d’Héraclès, ou bien de les tanner ou encore de jeter les impuretés dans le fleuve75. Et l’on décide « qu’on écrive (ces interdits) sur une stèle de pierre (γράφσαι δ|ὲ ἐστέλει λιθίνει) et qu’on l’érige de chaque côté [du temenos ?] » (l. 2-4). À Athènes également, on retrouve ce verbe dans l’important règlement relatif à l’orgas sacrée où le secrétaire du Conseil doit « écrire » (grapsai, grapsêi, l. 23, 31) sur deux lamelles d’étain les questions à poser à l’oracle de Delphes à propos de l’utilisation de ce territoire fertile, consacré aux Déesses éleusiniennes76. Mais, par la suite, c’est le verbe anagraphô qu’on emploie, lorsqu’il s’agit d’« inscrire » sur la pierre les décisions prises (voir infra, note 113). Un autre exemple vient ajouter un détail intéressant : selon une inscription relative au contrat de vente d’une prêtrise77, on doit « écrire » (grapsai) ce règlement aussi bien « sur une planche, en lettres creuses, que sur une stèle » (γρά|[ψαι δὲ κ]αὶ εἰς σανίδα κοῖλα γράμματα καὶ ε[ἰ]στάλαν) et placer la stèle devant le sanctuaire et la planche dans le bouleion, le bureau du Conseil (l. 14-17). Le même verbe graphô peut donc être employé pour deux supports de matière différente ; quant aux lettres « creuses », « profondes », elles auraient l’avantage d’être difficilement abimées, effacées (exaleiphein), comme le remarque justement Adolf Wilhelm78. Ce règlement offre, enfin, un autre exemple d’une écriture qu’on multiplie en la recopiant pour servir à divers buts. La stèle érigée devant le sanctuaire joue le rôle d’annonce, d’affiche, pour que tout le monde soit au courant des dispositions prises. En revanche, la sanis est conservée dans le bouleion, aussi bien comme texte informatif pour les membres du Conseil que comme pièce d’archive.
34Certains composés de graphô font quelques apparitions dans les règlements religieux. À titre d’exemple et en attendant un examen circonstancié, on pourrait citer et traduire d’après le contexte, sans commentaire ultérieur et sans que la traduction soit toujours satisfaisante, puisque ces verbes peuvent se recouper et prendre des sens variables : engraphô (écrire dans une lettre)79 ; – ekgraphô (écrire un nom sur une liste)80 ; – eggraphô (inscrire, avec parfois le sens de graver)81 ; – apographô (enregistrer82 ; inscrire des noms sur un « tableau blanchi »)83 ; – apographomai (se faire inscrire auprès de 84 ; inscrire, enregistrer le nom d’un coupable85) ; – anteggraphô (inscrire à la place de)86 ; – epigraphô (écrire sur)87 ; – katagraphô-katagraphomai (inscrire sur une liste, enregistrer)88 ; prosgraphô (inscrire en outre), qu’on trouve, sous la forme de potigraphô, à Rhodes et à Lindos89.
35J’arrête ici cette énumération rapide et complètement indicative, d’autant plus qu’on laisse entièrement de côté – espérons-le provisoirement – d’autres groupes lexicaux, fort indispensables pour analyser et évaluer, dans toutes ses manifestations, l’acte d’écrire dans les règlement religieux. Je pense surtout à trois groupes de mots, qu’on devrait bien évidemment étudier en les comparant aux mêmes termes dans d’autres inscriptions qui ne constituent pas, à proprement parler, des règlements religieux90 : le groupe composé de suggraphô, suggraphê, suggrapheus ; celui de prographô, prographê, programma, programmos ; et enfin l’ensemble de diagraphô, prodiagraphô, diagramma, diagraphê91.
36Une dernière remarque avant de revenir, pour finir, à anagraphô et à la question de la visibilité. Outre les nombreux composés du verbe graphô, l’enquête doit prendre en compte d’autres mots qui désignent ou suggèrent, d’une façon ou d’une autre, l’activité scripturale. C’est le cas, par exemple, de katachôrizô (qui, dans certains contextes, a le sens d’« enregistrer ») ou de diorthoô (« corriger », qui renvoie à la possibilité d’amender un règlement)92.
Une exposition bien en vue : stèles, murs, portiques
37Rappelons que anagraphô est le composé le plus fréquent de graphô dans ces textes – mais aussi dans d’autres types de documents épigraphiques. C’est vers la fin de ces règlements qu’on trouve, le plus souvent, l’injonction d’inscrire le texte sur un support, une stèle dans la majorité de cas. Cependant, afin que « celui qui veut puisse observer »93, examiner ce qui est inscrit sur la stèle, on cherche à trouver à ce support l’emplacement « qui semblera être le plus beau » (οὗ δοκῆι ἐν καλλίστωι εἶναι)94, le lieu « le plus en vue » (ἐν τῶι ἐπιφανεστάτωι τόπωι)95 qui a souvent grand sens pour le culte. On décide, par exemple, d’inscrire (anagrapsatô) le long décret de Lindos, déjà cité96, sur une stèle « avec des lettres bien signalées » (γράμμα[σι] εὐσάμοις) et de la consacrer dans le sanctuaire d’Athéna, en sorte « qu’elle soit contiguë à la colonne où la prière a été inscrite » (ἐχομέναν τοῦ κείονος [ὅ]πει ἀναγεγραμ[μ]ένά ἐντι ἁ ποτευχά)97. Et on procède ainsi « afin que soient connues de tous les décisions prises par les Lindiens » (III, l. 131-137).
38L’espace « à côté de l’autel » constitue un autre lieu marquant, où l’écriture pouvait être immédiatement mise sous les yeux des participants à l’acte sacrificiel. À Lindos, on doit inscrire (ἀγγ[ρ]άψαι) le décret (ψάπιγμα, dor.) du Conseil et du Peuple, relatif aux taxes levées sur les soldats et les mercenaires au profit du culte d’Enyalios, sur une stèle dressée « à côté de l’autel » du dieu (πὰρ τὸν βωμὸν τō Ἐνυαλίο)98. La base d’une statue peut aussi, le cas échéant, remplacer la stèle. Le décret portant sur le statut de la fondation d’Eumène II à Delphes était inscrit sur la base de la statue du roi qui se trouvait « à côté de l’autel (παρὰ τὸν βωμόν) d’Apollon »99. Est-ce que cet endroit, revêtu d’une sacralité certaine, rend la parole écrite plus efficace, engage davantage la responsabilité des humains ? On pourrait le penser en suivant le règlement de deux groupes d’orgéons à Athènes : sur une stèle dressée « à côté de l’autel, dans le sanctuaire », on inscrit non seulement le décret relatif aux pratiques cultuelles, mais aussi les noms des débiteurs (τοὺς ὀφείλοντας) de l’argent emprunté au trésor de l’association (κοινωνία), avec le capital et l’intérêt qui incombent à chacun100. Parfois, on dresse la stèle avec le décret « devant le temple, afin que tous le voient » (ἔμπροσθε τ[ο]ῦ νεοῦ, ὅπως εἰδ[ῶσι πάντες])101 ou « devant les portes (du temple) » (πρὸ τῶν θυ[ρῶ]ν)102 ou bien « à côté du temple du dieu » (παρὰ τὸν νεὼ τοῦ θεοῦ)103 ou encore « devant la montée » du sanctuaire, comme c’est le cas au Thesmophorion du Pirée (πρὸς τῆι ἀναβάσει | τοῦ Θεσμοφορίου)104.
39Outre la stèle, d’autres supports encore accueillent volontiers la parole écrite, comme les murs et les antes du temple. Le sanctuaire oraculaire d’Apollon Clarien en offre un exemple des plus étonnants : de nombreuses inscriptions constituant ce que L. Robert a appelé des « mémoriaux de délégations » n’ont pas seulement rempli les murs et les colonnes des Propylées, les marches de la façade du temple et les colonnes du péristyle, mais elles ont aussi envahi les marches du grand autel du dieu, et même les exèdres, en imposant à tous la présence permanente d’une parole fixée par le ciseau. Grâce à l’écrit, les différentes villes qui envoyaient consulter l’oracle de Claros, auraient ainsi marqué leur présence en immortalisant les noms des participants à leur délégation, tout en prenant soin de nommer en tête du texte le magistrat de Colophon et le personnel oraculaire d’Apollon105.
40Or, si un règlement concerne surtout une construction particulière, dans l’enceinte du sanctuaire, alors c’est le mur de cette structure qui devient le support le plus approprié pour signifier les décisions prises. On trouve un bon exemple de ce fait dans un règlement de Tymnos, relatif aux précautions à prendre pour protéger de diverses dégradations le portique (stoa) où ont lieu les banquets sacrificiels106. On précise, en effet, à la fin de l’inscription : « afin que ce qui est écrit soit visible et que personne ne commette aucune faute envers les dieux et que les statues demeurent le plus longtemps possible intactes et pures, le hiérothyte107 qui est en charge doit inscrire ce décret dans le portique, sur le mur en face » (l. 18-22 : ὅπως δὲ κα[ὶ φ]ανερὰ ὑπ[άρχηι | τὰ] γεγραμμένα καὶ μηθὶς ἁμαρτάνηι μηθὲν εἰς τοὺς θεούς, | [δι]αμένε δὲ ὡς πλεῖστον χρόνον ἀσινῆ καὶ καθαρὰ τὰ ἀγάλμα|[τα], ὁ ἱεροθύτας ὁ ἐν ἀρχᾶι ἐὼν ἀναγραψάτω τόδε τὸ ψάφισμ[α | ἐν] τᾶι στοᾶι ἐπὶ τὸν ἀντίον τοῖχον). Les banqueteurs, en se réunissant dans la stoa pour participer aux repas communs, seront bien avertis par cette écriture qui les menace, en cas de désobéissance aux prescriptions, d’une forte amende de 100 drachmes à payer à Apollon (l. 17). Quant à l’ante (parastas), elle constitue, elle aussi, un bon support de l’écriture, bien visible. Elle peut exposer un long décret, comme celui relatif à la fête de Zeus Sôsipolis, inscrit « dans le sanctuaire de Zeus, sur l’ante », à Magnésie du Méandre108 ; ou encore, elle peut présenter deux décrets, tout aussi longs, comme ceux qui concernent la fête d’Artémis Leukophruênê, dans la même cité. Mais cette fois on précise qu’il s’agit de « l’ante ouest du portique nord sur laquelle se trouve le bucrane »109, ce qui montre que les antes des portiques aussi – et pas seulement les murs – sont mises à contribution pour servir la parole écrite110.
Multiplier, diffuser les écritures
41S’il est vrai qu’une seule stèle suffit normalement pour imposer à tous, et avec force, les dispositions impératives de l’écrit111, on décide parfois – comme on l’a vu – de faire une copie sur une deuxième stèle, voire sur une troisième, pour donner au document le maximum de publicité, pour le diffuser à plus d’un exemplaire et élargir ainsi davantage l’espace de l’écriture. L’important décret athénien relatif aux prémices (voir supra, note 87), constitue un bel exemple d’une double publication, exemple d’autant plus heureux qu’on a trouvé, à Éleusis, la stèle complète et, à Athènes, à Plaka au nord de l’Acropole, un fragment de la copie athénienne. C’est le secrétaire du Conseil qui est chargé d’inscrire les propositions rédigées ainsi que « ce décret… sur deux stèles de pierre » (καὶ τὸ φσέφισμα τόδε… ἐν στέλαιν δυοῖν λιθίναιν), et d’en déposer « l’une à Éleusis dans le sanctuaire, et l’autre sur l’acropole (ἐμ πόλει) » dans la cité d’Athènes112. L’écriture encadre ainsi l’incessant va-et-vient entre ces deux lieux majeurs du culte éleusinien, en rappelant à trois reprises aux Athéniens et à leurs alliés leur devoir de verser les prémices, les aparchai, de la récolte « aux Deux Déesses conformément aux coutumes ancestrales (κατὰ τὰ πάτρια) et à l’oracle rendu par Delphes » (l. 4-5, 25-26, 33-34)113.
42Autre exemple, tout aussi important, concernant cette fois une loi (nomos), celle relative au deuil à Gambreion, en Mysie114. Dans ce cas, c’est le trésorier élu qui doit « inscrire cette loi sur deux stèles » (ἀναγράψαι τόνδε τὸν νόμον εἰς δύο στήλας) et placer l’une devant les portes du Thesmophorion, l’autre devant le temple d’Artémis Lochia (l. 29-33). Avec ces deux stèles devant les sanctuaires de ces deux divinités majeures, personne ne saurait prétendre ignorer les règles strictes qui fixent les cérémonies du deuil, tous ces « usages » à respecter en l’honneur de « ceux qui sont partis » (l. 10-11 : τὰ νόμιμα τοῖς ἀποιχομέ|νοις)115.
43Multiplier l’écriture par deux c’est bien, par trois c’est mieux encore et, pour certains règlements, on n’a pas lésiné sur les frais en prévoyant la confection de trois stèles. Ainsi en a décidé le Peuple d’Athènes pour le décret qui prescrit une participation plus substantielle des éphèbes aux processions, pendant les mystères d’Éleusis116. Ce règlement sera précisément inscrit (ἀναγράψαι) par les soins du trésorier du genos des Eumolpides, « sur trois stèles » (ἐν τρισὶν [στή]λαις) érigées, l’une dans l’Eleusinion, sous l’Acropole d’Athènes, l’autre dans le Diogeneion (gymnase à Athènes) et la troisième dans le sanctuaire d’Éleusis, devant le bouleutêrion (l. 39-43). On comprend bien la nécessité d’une troisième stèle dans le Diogeneion, établissement public construit à la fin du iiie ou au début du iie siècle avant notre ère117, lieu de réunion principal des jeunes gens où, selon Plutarque, on enseignait aux éphèbes « les lettres, la géométrie, la rhétorique et la musique » (Propos de table, IX, 1, 1, 736 D). La présence active des éphèbes pendant la procession des mystères, ce que montrent plusieurs décrets en leur honneur, implique qu’ils soient informés des décisions de leur cité, dans les lieux mêmes qu’ils ont l’habitude de fréquenter.
44Bien que ce soient surtout les sanctuaires d’une cité qui exposent les copies d’un règlement, les stèles peuvent, le cas échéant, “voyager”. À Pergame, les stratèges en fonction étaient chargés d’inscrire (ἀναγράψαι), « sur trois stèles de pierre » (εἰς στήλας λιθίνας τρεῖς), un décret du Conseil et du Peuple au sujet de la prêtrise d’Asclépios. Or, si les deux premières stèles restent à Pergame, dressées l’une dans le sanctuaire d’Asclépios, l’autre dans celui d’Athéna sur l’acropole, la troisième ira s’exposer dans le sanctuaire d’Asclépios à Mytilène de Lesbos, lieu récurrent d’exposition des décrets118. Mais les stèles peuvent aussi “se déplacer” dans l’espace même d’une cité. Le règlement relatif au culte d’Alectrônê à Ialysos de Rhodes est intéressant de ce point de vue, mais pas seulement. En effet, comme il a déjà été signalé, il se compose d’un décret de la cité proposé « afin que le hieron et le temenos d’Alectrônê soient exempts de souillure (euagêtai) selon les coutumes ancestrales (kata ta patria) », ainsi que d’une loi (nomos) comportant une série d’interdits qu’il faut respecter pour garantir la pureté de l’espace sacré. Or, on décide d’inscrire (anagraphêi) aussi bien ce décret que la loi, avec les prescriptions et les sanctions en cas d’infraction, sur trois stèles « de marbre de Lartios » placées, l’une « à l’entrée lorsqu’on vient de la cité, l’autre au-dessus de la salle à manger (ὑπὲρ τὸ ἱστιατόριον) et une autre à la descente de l’acropole Achaïa »119. Trois lieux bien en vue donc, lieux de passage ou de réunion, choisis afin que personne ne puisse ignorer les décisions prises par les magistrats (mastroi) et le peuple d’Ialysos pour la protection du sanctuaire d’Alectrônê et la sauvegarde des patria.
45Enfin, si le sujet l’exige, on peut multiplier l’affichage, pour informer le plus grand nombre de personnes possible. On avait, par exemple, jugé nécessaire de donner une large publicité à un décret amphictionique qui établit la durée de la trêve sacrée pendant les fêtes des Ptôia et proclame l’inviolabilité du sanctuaire d’Apollon Ptôios d’Akraiphia (cité de Béotie) en le déclarant asulon hieron. On inscrit donc ce psêphisma sur trois stèles dont l’une est déposée dans le sanctuaire d’Apollon à Delphes, l’autre dans le sanctuaire de Ptôios (Apollon) à Akraiphia et la troisième ἐμ Πυλαίαι120. Mais, comme si cela ne suffisait pas, on prescrit l’exposition de ce décret « dans les autres sanctuaires (καὶ τῶν ἄλλων ἱερῶν), dans ce qu’on pense être le meilleur endroit (ἐν καλλίστωι) »121. On peut comprendre la nécessité d’une telle profusion de copies : car, bien que la date de ce décret soit incertaine et diverge en fonction des spécialistes, il semble probable que sa promulgation soit liée à la réorganisation des Ptôia dans les années 220 avant notre ère, lorsque cette fête de la cité d’Akraiphia était devenue une panêguris (l. 2-3), une importante fête solennelle de toute la Béotie122. Un grand nombre de personnes devait donc être au courant des règles décrétées par les Amphictions et dont la transgression entraînait de fortes amendes (l. 21-24). En outre, l’on prévoit une diffusion encore plus large, en chargeant les hieromnêmones de rapporter ce dogma à leurs cités et peuples (ethnê) respectifs, « pour que tous sachent ce que les Amphictions ont décidé » (ὅπως εἰδῶ|σιν πάντες τὰ δεδογμένα τοῖς ᾽Αμφικτύοσιν)123. Mais pour « savoir », il faut sans doute « voir » auparavant, comme le suggère le champ sémantique du verbe employé eidôsin (voir DELG, s. v. οἶδα), ce qui nous amène probablement à des affichages multiples, sur des supports divers.
46Une dernière remarque, pour clore provisoirement cette enquête, dont plusieurs points ont besoin d’être réexaminés, développés et approfondis. Les stèles ne sont pas toujours indispensables pour diffuser les écritures. Un décret (dogma) relatif au culte d’Isis, à Athènes, est inscrit sur l’ante du portique, « pour que restent éternelles les décisions du Conseil (ta doxanta têi boulêi) ». Mais « le même » décret (τὸ…αὐτό) est aussi inscrit sur une planche blanchie (ἐν σανίδι λε[λευκω]μένηι), transmise au prêtre, pour qu’il soit exposé « toute la journée devant le temple ». En accomplissant de tels actes, le Conseil montre qu’il prend le plus grand soin « de la piété envers la déesse » (τῆς πρὸς τὴν θεὸν εὐσεβείας)124. Or il serait intéressant de rapprocher ce texte d’un autre règlement qui termine aussi par l’évocation de la piété. Il s’agit d’un décret bien connu de Stratonicée, relatif au culte de Zeus Panamaros et d’Hécate, les divinités les plus honorées de la cité. Il y est question de trois copies de ce décret qui doivent être disposées et mises en vue en trois lieux (et sur des supports, semble-t-il, différents). Tout d’abord, le paidonomos, le préposé à l’éducation des enfants, doit inscrire ce « décret » (psêphisma) « dans le pronaos du Serapeion, dans la paidikê » (lieu sans doute associé aux enfants et à leurs activités) ; ensuite le prêtre d’Hécate doit dresser une stèle de pierre contenant « les diapheronta (les différentes clauses ?) du décret, dans le sanctuaire de la déesse » qui se trouvait en dehors de la cité, « dans la chôra », à Lagina (Strabon, XIV, 660) ; et enfin, le psêphisma sera également inscrit « dans la salle des séances du Conseil (ἐν τῇ ἐξέδρᾳ τοῦ βουλευτηρίου), du côté droit », afin de montrer « l’éternelle permanence de la piété envers les dieux » (πρὸς τὴν αἰωνίαν διαμονὴν τῆς εὐσεβείας τῶν θεῶν)125. En associant la piété à l’exposition des textes, ces deux derniers règlements donnent l’impression que la multiplication et l’exposition de la parole écrite constituent autant de preuves de l’eusebeia humaine envers le monde divin.
***
47Mais il faut maintenant marquer un temps d’arrêt dans cette longue enquête qui est loin d’être achevée et qui, au fil des étapes, devient de plus en plus éloquente en dévoilant des aspects révélateurs, voire inattendus, d’un écrit bien présent dans les règlements religieux grecs, pris comme exemple de cette expérimentation. La poursuite de cette entreprise lancée, entre autres, dans la recherche de tout détail significatif, pourra sans doute reconstruire et consolider davantage la place que les Grecs accordaient à la parole écrite, afin d’organiser au mieux leurs rapports et leurs modes de communication avec leurs dieux126.
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Notes de bas de page
1 Georgoudi 2010.
2 Parker 2004, p. 57-58.
3 Gagarin 2011 (cet article mérite une discussion plus attentive qu’on ne peut pas mener ici).
4 Carbon, Pirenne-Delforge 2012, p. 163-182. Cette collection reprend, mais dans une optique différente et avec des redéfinitions significatives, un projet initié, animé et dirigé par Pierre Brulé (2005-2010), dans le cadre du laboratoire du CRESCAM (Centre de Recherche et d’Étude des Sociétés et des Cultures de la Méditerranée, Université de Rennes 2). Ce programme collectif de longue haleine avait produit un premier travail important dans son ampleur, à savoir la traduction et le commentaire (à quelques exceptions près) du corpus des inscriptions que Fr. Sokolowski avait rassemblées en trois volumes, sous le nom de « Lois sacrées ».
5 Cf. Georgoudi 2010, p. 40-41 (sur les « choses divines » et les « choses humaines ») ; à propos de l’ « entremêlement » (« intermingling ») entre les deux, cf. aussi Gagarin 2011, p. 108-110, ainsi que Rhodes 2009 (en part. p. 13). Sur la « mise à l’épreuve de la notion de norme », cf. aussi BrulÉ 2009. Voir maintenant l’excellente étude d’Edward Harris sur le classement, selon des critères juridiques, des “lois sacrées” dans les recueils de Sokolowski et de Lupu (Harris 2015). L’auteur préfère aussi le terme général règlement (p. 55, note 6).
6 Sur ce document, voir l’analyse de Chaniotis 2009, p. 97-98 (je remarque seulement que la loi n’exclut pas du sanctuaire « certain… persons », en général [p. 102], mais, plus précisément les personnes qui y entrent avec des animaux ou objets interdits).
7 Ces verbes et ces substantifs ne sont pas alignés ainsi pour faire figures de style. Ils correspondent à des termes grecs qui mériteraient un regard plus attentif (voir infra).
8 En espérant reprendre la recherche sur ce sujet, je renvoie pour quelques brèves remarques à Georgoudi 2010, p. 53-54.
9 Qu’il s’agisse des trois hommes (élus « parmi tous les citoyens » : l. 12), ou des hiérarques, ou du collecteur (συλλογεύς), ou enfin du trésorier (ταμίας).
10 LSCG n° 70 = IOropos 324, l. 48-52, iiie s. avant notre ère.
11 LSCG n° 107, l. 2-5, iie s. avant notre ère.
12 Première publication : Oliver 1941 ; LSS n° 15, Athènes, iie/ier s. avant notre ère. Je suis la nouvelle édition de Clinton 2005, n° 250.
13 LSCG n° 144 (B l. 5), iie s. avant notre ère.
14 LSCG n° 61, ier s. avant notre ère.
15 Cf. également LSCG n° 85 (Magnésie, règlement relatif au culte de Zeus Akraios), où il est question des « archontes qui ont été inscrits auparavant » (l. 6 : τῶν προγεγραμμένων ἀρχόντων) ; mais il semble qu’on renvoie à une liste de noms cités au début de cette inscription, puisque la stèle est brisée en deux morceaux, dont le premier a disparu.
16 Cf. LSS n° 18 (= IG I3 250) B l. 11-12, Athènes, règlement cultuel du dème Paiania, ve s. avant notre ère.
17 LSCG n° 177, l. 132-133 (Fondation de Diomédon, vers 300 avant notre ère). IG XII, 4, 348. Sur ce document voir maintenant Carbon, Pirenne-Delforge 2013.
18 Detienne 1988, p. 53 (avec références et bibliographie).
19 Comme on le précise dans le pacte entre Gortyniens et Rhitténiens en Crète : NOMIMA I, n° 7, l. 12 : τὰ ἐγραμμέν᾽, ἄλλα δὲ μέ (début du ve s. avant notre ère).
20 LSCG n° 135, (coll. IV-VIII), iiie s. avant notre ère ; Wittenburg 1990. Cf. également les analyses de Carbon, Pirenne-Delforge 2013.
21 Sur les officiants appelés epimênioi ou epimelêtai (voir infra), cf. Georgoudi, Pirenne-Delforge 2005, p. 51-56. À propos des epimênioi, voir aussi Carbon, Pirenne-Delforge 2013, p. 83-95.
22 Selon le texte de Sokolowski : l. 34-35, 62, 93 = Wittenburg 1990 : l. 142-143, 170, 201.
23 Sokolowski : l. 49, 85 = Wittenburg 1990 : l. 157, 193. Mais Wittenburg traduit ces expressions de façon générale : « suivant les prescriptions », « suivant les règles », « aux conditions prescrites », « comme il a été prescrit », ce qui gomme un peu le sens du verbe graphô.
24 NGSL, doc. 26, l. 23-25, iiie s. avant notre ère. À la question éventuelle de savoir s’il s’agit “vraiment” ici d’un “règlement religieux”, je préfère citer la juste remarque d’Eran Lupu (NGSL, p. 351) : « Though from a cultic point of view the significant part of the document is confined to a few lines (27-33), it is important for the study of Greek cult practice because it governs the institution of a festival…clearly instituted to commemorate the reconciliation [entre citoyens] discussed in the first part of the document ». On a ici un bel exemple de cet « entremêlement » des affaires concernant aussi bien les hommes que les dieux (cf. supra, n. 5).
25 LSAM n° 34, iie s. avant notre ère ; RICIS n° 304/0701.
26 LSCG n° 137, ier s. de notre ère.
27 LSCG n° 154 ; voir maintenant IG XII, 4, 72, ca. 240 avant notre ère. Sur la question de la pureté, cf. Paul 2013, en particulier p. 77-79.
28 Il semble qu’une loi pourrait devenir « sacrée », pour les Grecs, par un acte volontaire : la fameuse loi (τετθμός) coloniale (d’origine locrienne ?), connue sous le nom de Bronze Pappadakis, et portant sur la répartition des terres, a été déclarée ἱαρὸς… τō ᾽Απόλλονος τō Πυθίο καὶ τōν συνν|[άον] : Meiggs, Lewis, n° 13, A l. 14-15 (525-500 avant notre ère ?). En consacrant ainsi cette loi à Apollon Pythien et aux dieux qui partagent avec lui le même temple, en leur confiant cette parole écrite, on veut sans doute signifier qu’elle tire sa « sacralité » de ces divinités, qu’elle se met sous leur protection et leur autorité. L’objet même, en tant que support d’un texte écrit, peut être qualifié de « sacré » : une des tablettes (pinakes) de bronze, déposées à Olympie, sur lesquelles étaient inscrites les rhêtrai des Éléens (les accords, conventions, décisions, selon les différentes traductions), est dite : ὀ [πί]ναξ ἰαρὸς Ὀλυνπίαι (IvO n° 2, l. 9 = NOMIMA I, n° 23 : vers 475 avant notre ère) ; cf. Hölkeskamp 1992-1993, p. 100-101. Ce pinax devient, d’une certaine façon, propriété du dieu qui, d’ailleurs, sera tout naturellement le bénéficiaire des amendes, en cas d’infraction aux engagements.
29 Selon la restitution de Herzog, il s’agit de gardiens des lois (nomophulakoi) ; ou bien, d’après Sokolowski, de nomophylaques et de prêtres (voir son apparat critique).
30 LSCG n° 171 ; IG XII, 4, 349 (première moitié du iie s. avant notre ère). Sur cette fondation de Pythion, cf. Paul 2013, p. 232-234.
31 Sur ces agents, cf. Georgoudi, Pirenne-Delforge 2005, p. 43-47.
32 Georges Rougemont dans CID, n° 10, l. 3-4, p. 91-92, 104-105 (important commentaire) = LSCG n° 78. Je suis le texte de Rougemont, tout en laissant de côté la question de savoir s’il s’agit d’un décret ou d’une « loi », comme l’intitule Rougemont (mais cf. p. 102).
33 NGSL, doc. 20, ca. 400 avant notre ère (p. 305 : « the second [decree] is later than the first ») ; les nouvelles clauses : B l. 18-19, 21-23.
34 Cf. J. Oehler, Κωλακρέται, RE 21 (1921), col. 1068-1069. Leur charge disparaît après 411 avant notre ère.
35 LSCG n° 12 (A et B) = IG I 3 35-36 (stèle de marbre inscrite de deux côtés) ; voir le commentaire de Sokolowski, p. 25 et cf. NGSL, p. 47. Sur ces décrets, cf. l’analyse détaillée de Blok 2014, qui mériterait une discussion à part.
36 Au lieu du mot stêlê, on emploie parfois le terme lithos, pierre, comme il ressort, par exemple, du règlement relatif à la protection des temples et des trésors de l’Acropole, connu comme le « décret de l’ Hécatompédon » (IG I 3 4 A-B = NOMIMA I, n° 96 Athènes, 485/484 avant notre ère ; cf. LSCG 3, B seulement). L’inscription a été inscrite sur deux plaques de marbre de Paros, brisées en de nombreux fragments trouvés sur l’Acropole. Comme on semble le préciser à la fin du texte B, le prytane montrera aux trésoriers les [fautes écrites] « sur la pierre » (B l. 24-25 : […τὰ ἀδικέματα]|…τὰ ἐν τō λί[θοι γεγραμμένα]), bien qu’ensuite il y soit question de « deux pierres » (l. 27 : τὰ ἐν τοῖν λίθοι[ν τούτ]οιν). Cependant, je ne crois pas qu’il faille obligatoirement remplacer le mot γεγραμμένα de la l. 25 (restitution de Koerte et de H. v. Gaertringen) par le mot ἑκατέροι (« à chacune » des pierres), comme le propose Borimir Jordan, sous prétexte qu’à la l. 27 on mentionne « two slabs » (Jordan 1979, p. 51). Le terme lithos, à la l. 25, serait employé, me semble-t-il, dans un sens général, pour désigner le type de support utilisé, tandis que la mention des deux lithoi, à la l. 27, indiquerait que le règlement est inscrit « sur ces deux pierres », dont l’ordre est, par ailleurs, assez incertain. Il faut cependant rappeler qu’il est souvent question de stêlê lithinê, « stèle de pierre » (cf. infra).
37 Editio princeps Hermann 1981, p. 8 ; NOMIMA I, n° 105 ; SEG 31 (1981), n° 985. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un « règlement religieux » dans son ensemble, ce texte prescrit très vraisemblablement qu’on fasse cette lecture lors des Anthestéries, et lors des fêtes d’Héraclès et de Zeus (D l. 1-11), comme exactement l’exigent les « imprécations de Teos » (Teiorum dirae ou Dirae Teiae), ca. 470 avant notre ère : Meiggs, Lewis, n° 30, B l. 30-35 ; SEG 31 (1981), n° 984 ; NOMIMA I, n° 104 (voir aussi infra, note 100). Le “religieux” n’est jamais trop loin ! – Sur la lecture à voix haute et la question de la mémoire dans ce contexte, cf. Detienne 1988, p. 52-53 ; Thomas 1996, p. 22-23.
38 LSCG n° 59, Fondation d’Agasiclès et de Nikagora, iiie siècle avant notre ère.
39 LSCG n° 92 (ca. 340 avant notre ère) ; cf. Lupu, NGSL p. 101 avec la note 529.
40 LSS n° 124, Athènes, milieu du ive s. avant notre ère.
41 On dirait « des cheftaines », une sorte de magistrats féminins : cf. les brèves mais justes remarques de Clinton 1996, p. 113.
42 Je traduis au plus près du texte pour signaler, entre autres, la répétition du mot stêlê. D’autre part, ta grammata ne saurait être « le règlement », comme l’on traduit parfois, en gommant ainsi le sens de l’écrit, très présent dans ces documents. Bien évidemment, le terme ta grammata, désignant « les écrits », se trouve aussi bien chez des auteurs grecs que dans d’autres documents épigraphiques ; cf. Georgoudi 1988, p. 228-229 (sur les « écrits publics », dêmosia ou koina grammata) ; voir, à titre d’exemple, Koerner 1993, n° 29 = NOMIMA I, n° 100 l. 1 : τὰ γράθματα (cf. infra) ; Koerner 1993, n° 27 = NOMIMA I, n° 107 l. 4 : τὰ γράσσματα. Aristote appelait, d’ailleurs, « les lois écrites » : οἱ κατὰ γράμματα νόμοι (Politique, III, 16, 1287 b 5-6). Mais dans ce travail, je me limite surtout, comme il a été dit, à un certain nombre de règlements religieux.
43 Cf. LSS n° 127, l. 27-29 : « qu’on inscrive ce décret sur une stèle de marbre et qu’on le consacre pour l’éternité (πρὸς τὸν ἅπαντα χρόνον) », Athènes, règlement relatif à la protection du mobilier sacré, début de l’époque impériale.
44 NGSL doc. 6, p. 191, note 1.
45 NGSL doc. 6, 2B, 2 (p. 194 et 199). Sur cette inscription et ses dates, voir NOMIMA I, n° 78, Bloc 2, Face B, où les éditeurs traduisent aussi par « les écrits », sans autre commentaire.
46 Mitsos 1983, p. 245.
47 NOMIMA I, n° 110, l. 5-7 (c’est moi qui souligne). Le premier éditeur, Mitsos, parlait, d’ailleurs, de « décisions » en se référant à cette phrase (Mitsos 1983, p. 246).
48 Detienne 1988, p. 50.
49 Cf. Meiggs, Lewis, n° 30 = NOMIMA I, n° 104, B 35-41 : celui qui « brise » (κατάξει) les stèles, ou les rend « invisibles » (ἀφανέας), donc illisibles, ou encore celui qui retranche en martelant (ἐκκόψε[ι]) les (lettres) phéniciennes (φοινικήια sc. γράμματα) périra, lui même et sa descendance.
50 IvO n° 9 ; Meiggs, Lewis, n° 17 ; Guarducci 1967, p. 202-203 ; NOMIMA I, n° 52 ; IÉD, n° 10.
51 DELG s. v. δηλέομαι.
52 Cf. Hölkeskamp 1992-1993, p. 96. Pour Henri van Effenterre et Françoise Ruzé (NOMIMA I, n° 109, p. 386), ce texte « s’apparenterait aux lois sacrées ».
53 IvO n° 7, fin du vie s. avant notre ère = NOMIMA I, n° 109. cf. Koerner 1993, n° 42 et 43 ; IÉD, n° 4.
54 IvO n° 3 = NOMIMA I, n° 108, l. 5, fin du vie s. avant notre ère. Je suis la traduction des éditeurs des NOMIMA, qui notent, par ailleurs (p. 384), le sens incertain du mot zikaia : « amendes », « peines » ou « droits ». Voir aussi Koerner 1993, n° 38 ; Sophie Minon (IÉD, n° 13), traduit zikaion (l. 1) par « amende » et zikaia (l. 5) par « peines », tout en qualifiant, dans son commentaire (p. 94), le mot zikaion de « sanction ». J’ai toujours pensé cependant qu’un terme grec répété dans un contexte donné devrait être traduit de la même façon. On ne se trouve pas en l’occurrence dans un exercice de style.
55 Thomas 2005, p. 50. Thomas suit, sur ce point, Hölkeskamp 2000, p. 86. Cf. aussi Jeffery 1990, p. 220, n° 5 et 9 ; Detienne 1988, p. 54. Thomas (ibid.) qualifie également de « loi » la tablette de bronze éléenne consacrée à Olympie (IvO n° 2 : voir supra, note 28), en soutenant que le mot rhêtra (l. 1 : ἀ Fράτρα τοῖς Fαλείοις) est employé ici « in a sense that denotes law ». Mais pour Henri van Effenterre et Françoise Ruzé, le mot rhêtra signifie dans ce contexte « accord » ou « décret » et ils intitulent justement cette inscription « Décision des Éléens pour Patrias » (NOMIMA I, n° 23, p. 108), comme le fait aussi Sophie Minon, IÉD, n° 20, p. 138.
56 Comme le précisent les éditeurs des NOMIMA I, n° 109, p. 386.
57 Je suis la traduction dans NOMIMA I, p. 386, avec quelques modifications. Voir, sur ce texte, le commentaire des éditeurs, p. 388.
58 Selon le texte de Sokolowski, LSCG n° 154 (voir supra, avec la note 27) ; les restitutions proposées dans IG XII, 4, 72, ne changent pas vraiment le sens. Sur la formule παρὰ τὰ γεγραμμένα, cf., entre plusieurs exemples, LSCG n° 112, l. 7, Paros, iie s. avant notre ère.
59 Pour une expression négative comparable, qui constitue une variante de la phrase para ta gegrammena, cf. LSAM 59, l. 6 : « si (sc. le prêtre) n’agit pas conformément à ce qui est écrit… » (ἢν δὲ μὴ [κ]ατὰ τὰ γεγραμμένα ποι[ῆι…), Iasos, décret relatif à la prêtrise de Zeus Megistos (ive s. avant notre ère).
60 Sur le sens du mot enthumion (l. 14), cf. DELG, s.v. θυμός, et Parker 1983, p. 252-253 (avec références) ; voir, plus récemment, Karila-Cohen 2010.
61 LSS n° 113, ve s. avant notre ère. Michael Gagarin (p. 107) qualifie ce règlement de « law » sans raison apparente (Gagarin 2011, p. 107). Si je comprends bien son raisonnement, ce type de textes exposés « in a prominent public place » auraient acquis ipso facto une « prescriptive force » et un rôle de “guide”, ce qui montrerait qu’on a affaire à des « laws » (p. 103). Mais le caractère prescriptif n’est pas l’apanage exclusif des « lois », puisqu’il marque aussi des textes de nature différente.
62 Cf. le cas de la prêtresse, dans l’inscription d’Ios (supra, note 11).
63 LSAM n° 70, iie s. avant notre ère.
64 Cf. Sokolowski, LSAM, p. 165 : « Les obligations visent, peut-être, les hiéropes » ; sur ces importants agents, cf. Georgoudi, Pirenne-Delforge 2005, p. 32-40.
65 Cf., sur ces aspects, cf. Detienne 1988, p. 36 sq., 48 sq.
66 Cf., à titre d’exemple, IÉD, p. 29, 75, 93.
67 LSAM n° 53, fin du ier s. de notre ère.
68 On cite nommément ces deux Apollon au début de l’inscription (l. 7-9), mais plus loin (l. 26-27), on se réfère de nouveau à eux en les appelant hoi progegrammenoi theoi : non pas « les dieux mentionnés ci-dessus », selon une traduction moins précise, mais « les dieux qui ont été inscrits auparavant ».
69 Sur les Molpes et cette procession, cf. Georgoudi 2001, et plus récemment Herda 2006 (à lire avec les comptes rendus de Robert Parker, dans Classical Review 58, 2008, p. 178-180 et de Angelos Chaniotis, dans Kernos 23, 2010, p. 375-379).
70 LSAM n° 80, dans la région d’Élaioussa, en Cilicie occidentale (cf. Strabon, XII, 1, 4, 535), époque d’Auguste.
71 LSCG n° 174, 21 avant notre ère ; IG XII, 4, 365.
72 LSAM n° 28, époque de Tibère.
73 LSAM n° 45 ; cf. Parker 2004, p. 60.
74 NDSL n° 26, l. 33-34 (cité supra, note 24). Le vocabulaire portant sur l’acte de « graver » mérite un examen à part. Cf., par exemple, le terme egkolapsis désignant la « gravure » : Nouveau choix, n° 22, l. 28 (τὴν ἐνκόλαψιν).
75 LSS n° 4, vers 420 avant notre ère.
76 LSCG n° 32 = Rhodes, Osborne, n° 58, Athènes-Éleusis, 352/351 avant notre ère. Sur ce texte et ses « implications politiques », cf. récemment Bonnechere 2012.
77 LSAM n° 3, Chalcédoine, iiie-iie s. avant notre ère.
78 Wilhelm 1909, p. 242, suivi par Sokolowki, LSAM, p. 15. Cf. un décret de Mesambria en l’honneur d’un bienfaiteur (fin ive-début iiie s. avant notre ère), où l’on « écrit » ce type de lettres sur une stèle de pierre : γράψαντα εἰς στάλαν λιθίναν κοῖλα γράμματα, Louis Robert, REG 66, 1953, p. 151, n° 133. Sur graphô, voir encore LSCG n° 116, Chios, règlement relatif à la protection des bois sacrés (ive s. avant notre ère), l. 20-22 : « que cela soit écrit dans les bois sacrés » (τ[αῦ]|τα γράψαι ἐν τοῖς ἄλ|σεσιν) ; cf. Parker 2004, p. 59.
79 LSCG n° 51, l. 61, Athènes, règlement des Iobacches, avant 178 de notre ère.
80 LSAM n° 45, l. 10, Milet (sur ce règlement, voir supra, avec la note 73).
81 LSS n° 19, Athènes, l. 81 : ἐγγράψαι … εἰς τὴν στήλην, Athènes, accord des Salaminiens, 363/362 avant notre ère. Cf. LSAM n° 13 (Pergame), l. 40-42, à propos de l’inscription d’un décret dans les lois de la cité (ἐγγράψαι δὲ καὶ εἰς τοὺς νόμους | [τοὺς τ]ῆς πόλεως τὸ ψήφισμα τόδε) ; sur ce document, voir aussi infra, avec la note 118.
82 CID I, n° 10, l. 10 (avec le commentaire, p. 106) ; cf. supra, avec la note 32.
83 LSCG n° 93, l. 11-12 (…ἐν] λευκώματι), Érétrie, règlement relatif aux Asclépieia, vers 300 avant notre ère (NGSL, p. 96, note 505). Dans le sens de « s’inscrire auprès de – » (celui qui achète une prêtrise), cf. LSAM n° 49, A l. 4, Milet, vers 130 avant notre ère, ainsi que LSAM n° 52, A l. 10, Milet, ier s. de notre ère.
84 LSCG n° 51, l. 58 (voir supra, note 79). Dans le sens de « se faire inscrire comme dénonciateur » (?), cf. LSS n° 111, l. 16, Tymnos, protection de la stoa et du mobilier de culte, ier s. avant notre ère.
85 LSS n° 38 = CID I, n° 7, B l. 15-17, Delphes, convention avec Andros pour la théorie, ve s. avant notre ère. Sur apographomai/potapographomai et sur le substantif apographa/apographê, cf. LSCG n° 173, Halasarna (Cos), décret relatif à une liste des participants au culte d’Apollon et d’Héraclès, vers 200 avant notre ère (voir aussi infra, note 123). Sur apographô/apographê, voir également la loi gymnasiarchique de Beroia, où la chose écrite est bien présente : NGSL n° 14 (sans commentaire sur l’écriture), et surtout Gauthier, Hatzopoulos 1993.
86 LSCG n° 14 = IG I3 84, l. 24-25 : « que le roi inscrive à sa place sur le mur » (ἀντενγραφσάτο ὁ βασιλεὺς ἐς τὸν τ|οῖχον), Athènes, décret relatif au sanctuaire de Kodros, Néleus et Basilè, 418-417 avant notre ère ; sur ce verbe, cf. Aristote, Constitution d’Athènes, 36, 2.
87 LSCG n° 5 = IG I3 78 = Meiggs, Lewis, n° 73, l. 43 : « qu’ils écrivent sur les offrandes » (ἐπιγράφεν τοῖς ἀναθέμασιν), Athènes-Éleusis, décret athénien relatif aux prémices, et dont la date est objet de discussions (448 avant notre ère pour certains, 423-422 pour d’autres); LSCG n° 41, l. 33-35, Athènes, règlement relatif aux ex-votos du Héros Iatros, 221-220 avant notre ère. Cf. la variante poioumai epigraphên, dans un règlement relatif aux réparations du temple d’Asclépios (52-51 avant notre ère), LSCG n° 44, l. 22-23 : « … et de faire l’inscription suivante sur les portes et le toit » (καὶ ποιήσασθαι τὴν ἐ[πι]|γραφὴν ἐπὶ μὲν τῶν θυρῶν καὶ τῆς στέγης τήνδε) ; cf. aussi LSAM n° 62, l. 5 = IMylasa 301 (fin du iie s. avant notre ère), décret d’une tribu relatif aux ex-votos que certains de ses membres doivent offrir à Zeus.
88 LSS n° 44 = Pouilloux 1960, n° 11, l. 16, 19, Delphes, règlement de la fondation d’Eumène II de Pergame, 160/159 avant notre ère ; cf. LSS n° 45, l. 77, Action, règlement relatif au culte d’Apollon, 216 avant notre ère (NGSL, p. 91).
89 Rhodes : LSCG n° 138, l. 20, 27, règlement relatif à la publication des listes des prêtres, fin du iie-début du ier s. avant notre ère ; Lindos : LSS n° 90, l. 83, mesures financières au profit des cultes, 22 de notre ère.
90 Ce qui vaut d’ailleurs pour tout autre mot cité ici, un travail comparatif que je n’ai pas pu mener dans cet article et qui reste à faire.
91 Les deux derniers mots ont une valeur particulière : diagramma est le nom par lequel on désigne le fameux règlement des mystères d’Andania, en Messénie (cf. Georgoudi 2010, p. 48 et n. 23) ; diagraphê est un terme associé essentiellement à la vente des prêtrises, surtout en Asie Mineure (cf. Parker, Obbink 2000).
92 Pour ces deux termes, cf., rapidement, LSS n° 45, l. 71, 76 (règlement cité supra, note 88).
93 Cf. Meiggs, Lewis, n° 45 (14) : σκοπεῖν τῶι βου|λομένωι, Athènes, décret relatif aux monnaies, aux poids et aux mesures athéniens, 450-446 (?) avant notre ère.
94 Cf. LSCG n° 70 = IOropos 324 (supra, avec la note 10), l. 46-47 ; LSCG n° 71 = IOropos 304 l. 15 (ἐγ καλλίστωι), décret sur la participation à la fête des Ptoia, iiie s. avant notre ère.
95 Cf. LSS n° 71, l. 35, Thasos, association des Sarapiastes, iie s. avant notre ère ; LSS n° 52, l. 14-15, Délos, règlement relatif aux droits du néocore, 181/180 avant notre ère ; sur les néocores, agents au service des temples, cf. Georgoudi, Pirenne-Delforge 2005, p. 57-60. Pour un décret de Rhodes, relatif aux ex-votos d’Asclépios, c’est l’architecte qui va indiquer le meilleur emplacement dans le temenos du dieu : LSS n° 107, l. 2-26, iiie s. avant notre ère.
96 LSS n° 90 (supra, note 89).
97 Cf. LSCG n° 51, règlement des Iobacches (supra, note 79), où la stèle sera fixée « sur la colonne » (l. 29 : ἐπὶ τοῦ κείονος).
98 LSS n° 85, l. 55-59, fin du ve s. avant notre ère. Sur le verbe aggraphô, pour anagraphô, cf., dans deux décrets d’Argos, Nouveau choix, n° 8, l. 30, et n° 9, l. 13.
99 LSS n° 44, l. 22 (cité supra, note 88).
100 LSS n° 20, l. 5-8, iiie s. avant notre ère. Inscrire sur une liste les noms des débiteurs de l’argent (sacré ou non) n’est pas un acte inhabituel. À Minoa d’Amorgos, selon un décret relatif au culte de la Mère et la fête des Mêtrôia (LSCG n° 103, ier s. avant notre ère), on inscrit sur le montant de la porte (φλιά) le nom de l’emprunteur (τοῦ δανεισαμένου), avec son patronyme (πατρόθεν), le montant du gage, ainsi que le nom du garant éventuel (B l. 38-42). Mais aussitôt que l’emprunteur paie sa dette, ils « enlèvent du montant de la porte, en martelant » (B l. 44 : ἐκκολαψάντων ἐκ τῆς φλιᾶς), son nom ainsi que celui du garant, et le montant du gage. Cependant, faire disparaître, sans autorisation, un texte écrit, en martelant les lettres (ἐκκόψει), entraine la perte non seulement du coupable mais aussi de sa descendance, selon les célèbres « imprécations de Teos », NOMIMA I, n° 104, B l. 37-38 (sur cette inscription, voir supra, note 37). Cf. Démosthène, (57) Contre Euboulidès 64, sur l’effacement par martelage d’un décret (καὶ τὸ ψήφισμ᾽ ἐκκολάψαντες).
101 LSCG n° 93, l. 34, Érétrie, règlement cité (supra, note 83).
102 LSCG n° 101, l. 7-9, Arkésinè (Amorgos), règlement relatif à l’accès du sanctuaire d’Héra, iiie s. avant notre ère. Selon le règlement de la phratrie des Clytidai (LSCG n° 118, Chios, vers 335 avant notre ère), la stèle avec les décisions prises sera dressée « auprès de l’entrée de la maison » (l. 40-41 : παρὰ τὴν εἴσ[ο|δο]ν τοῦ οἴκου).
103 LSCG n° 49, l. 50, Pirée, règlement des Dionysiastes, vers 176/175 avant notre ère.
104 LSCG n° 36, l. 23-24, Athènes – Le Pirée, décret du dème relatif au Thesmophorion, milieu du ive s. avant notre ère, cf. NGSL, p. 11-12.
105 Cf. Robert 1989, p. 3. Écrire sur les murs des textes politiques, juridiques ou autres constitue une pratique ancienne, constatée dès le viie siècle surtout en Crète : voir l’article éclairant de Henri et Micheline van Effenterre 1994. Pour Claros, voir maintenant Ferrary 2014.
106 LSS n° 111 (cité supra, note 84).
107 Sur les agents cultuels appelés hierothutai, cf. Georgoudi, Pirenne-Delforge 2005, p. 40-43.
108 LSAM n° 32 (l. 65-66 : εἰς τὸ ἱερὸν τοῦ Διὸς εἰς τὴν παραστά|δα), après 185/184 avant notre ère (sur cette date, voir NGSL, p. 97).
109 LSAM n° 33 (B l. 70-71 : εἰς τὴν παραστάδα τὴν ἀπὸ δυσμῆς τῆς στοᾶς τῆς βορεί[ας, ἐφ᾽ἧς ἔ]|πεστιν τὸ βουκεφάλιον), fin du iiie s. – 1ère moitié du iie s. avant notre ère ; sur cette date, voir Ph. Gauthier, dans Revue de Philologie 64, 1990, p. 63, n. 7.
110 Cf. LSCG n° 50, A l. 15-16, où le pilastre du portique est considéré comme l’un des endroits appropriés (ἐπιτήδηον) pour faire inscrire ce qu’on décide (sur ce règlement, voir infra avec la note 124).
111 L’accord des Salaminiens (LSS n° 19, voir supra, note 81) a été inscrit sur « une stèle commune aux deux » branches du genos (ἐς στήληι κοινῆι ἀμφοτέρος), érigée dans le sanctuaire d’Athéna Skiras (l. 50-52).
112 LSCG n° 5 = Meiggs, Lewis, n° 73, l. 48-51. Cf. Cavanaugh 1996, p. 39.
113 Dans le règlement relatif à l’orgas sacrée (voir supra, note 76), il serait question aussi de deux stèles (ἐν στ[ήλαιν λιθίναιν…]), sur lesquelles le secrétaire du Conseil devait « inscrire (ἀν]αγράψα[ι]) ce décret et le précédent, celui de Philocratès… et ériger l’une devant le propulon du sanctuaire, l’autre dans l’Eleusinion de la cité », LSCG n° 32 = Rhodes, Osborne, n° 58, l. 54-57. Selon une hypothèse de Stephen Lambert, « there may have been two stelai in each location », l’une contenant « ce décret », l’autre le décret de Philocratès (Lambert 2005, p. 133).
114 LSAM n° 16, iiie s. avant notre ère (texte traduit par Chaniotis 2009, p. 99).
115 Sur le mot ἀποιχόμενοι, dans le sens de « morts », cf. Pindare, Pythiques I, 93. – Il reste toute une enquête à mener sur nomima, nomizomena, nomos, dans les règlements religieux, par rapport à l’écriture et le temps, ainsi qu’en relation avec le terme patria. Cf., Harris 2015, p. 77-79 (sur ta patria).
116 LSCG n° 8, Athènes-Éleusis, vers 220 de notre ère ; Clinton 2005, n° 638.
117 Cf. PÉlÉkidis 1962, p. 264-266 ; Wycherley 1978, p. 232-233.
118 LSAM n° 13, l. 35-40, avant 133 avant notre ère. Cf. L. Robert, dans BCH 49, 1925, p. 235-236 ; IG XII, 2, 15, l. 32-34. Sur cette inscription, voir aussi supra, note 81.
119 LSCG n° 136, l. 7-18, vers 300 avant notre ère ; cf. NGSL, p. 14-15.
120 Il s’agit sans doute du sanctuaire de Déméter Pulaia, construit, selon la tradition, par Akrisios le Pélasge (Callimaque, Épigrammes 39, Pfeiffer). Hérodote, qui surnomme la déesse Amphiktuonis, situe le sanctuaire dans « un bourg (kômê) nommé Anthélè », près des Thermopyles (VII, 200) appelés aussi Pyles (Pulai), comme le dit Strabon (IX, 3, 7, 420 C). C’est à cette Déméter que les Amphictions sacrifiaient « à chaque Pulaia » (Strabon (IX, 4, 17, 429 C), à savoir à chacune des sessions annuelles (au printemps et en automne), que tenait le conseil Amphictionique aux Thermopyles et à Delphes.
121 LSCG n° 73 A l. 16-21.
122 Lupu, NGSL, p. 94-95 ; cf. Rigsby 1996, p. 59-67 (sur la date).
123 Sur une disposition similaire, cf. Syll.3 704 E 43-45. Sur les hieromnêmones, voir supra, note 31. Le mot dogma est traduit habituellement par « décret » ; cf., par exemple, la traduction de Rousset 2002, p. 194-195, Inscr. n° 29 (178 avant notre ère), l. 31-33,: ἀναγρά|ψαι δὲ τὸ δόγμα τοὺς | ἄρχοντας τῶν Δελφῶν | ἐν τῶι ἱερῶι, « que les archontes de Delphes fassent transcrire le décret dans le sanctuaire » (cf. aussi Rigsby 1996, p. 66). Mais, dans l’inscription d’Akraiphia, même si le dogma (l. 21 et 24) apparaît comme un synonyme de psêphisma (l. 16-17), il aurait plutôt le sens de la « décision » des Amphictions (cf. l. 26 : ta dedogmena). Cf. Nouveau choix, n° 31, l. 8-9 : dogmasi kai psêphismasi, expression qu’on traduit à juste titre « par des décisions et des décrets » ; LSCG 173 (voir supra, note 85) : psaphisma, l. 19-20, 66, 99, 112 ; dogma, l. 39 ; de même Rousset 2002, p. 214-215, Inscr. n° 35 (« Décret amphictionique », iiie s. avant notre ère), l. 5-6 : « conformément à la décision (dogma) des Amphictions », l. 7 : « contrairement à ce décret (psêphisma) ». Sur le sens du mot dogma, par rapport à psêphisma, hupomnêmatismos, eperôtêma, dans l’Athènes romaine, voir Geagan 1967, surtout p. 41-48.
124 LSCG 50, A l. 14-21, Athènes première moitié du ier s. avant notre ère (ou 2e moitié du ier s. avant notre ère, selon le premier éditeur de l’inscription, Pollitt 1965). Sur l’ante du portique en tant que support de l’écriture, voir aussi supra, avec la note 110.
125 LSAM n° 69 = IStratonikeia 1011, l. 24-31, fin du iie s. de notre ère. Sur le mot exedra, en tant que lieu de réunion, garni de sièges (hedrai), cf. Plutarque, Brutus, 14, 2. Sur cette inscription, voir tout récemment Belayche 2013.
126 Une ébauche de ce texte a été présentée au colloque international Verba volant, scripta manent. Produire, utiliser et conserver des textes dans le monde gréco-romain (Bucarest, 9-11 octobre 2009), organisé par Zoe Petre, amie chère, que je remercie vivement pour cette rencontre inoubliable. Mais je dois aussi un grand eucharistô à Catherine Darbo-Peschanski, philê kalê kảgathê, pour sa relecture pertinente et attentive.
Auteur
EPHE – PSL Research University Paris, ANHIMA – UMR 8210
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