Conclusion
p. 507-531
Texte intégral
1L’évolution économique du Congo fut lente, et le démarrage difficile et postérieur à celui des autres territoires d’Afrique, aussi bien des colonies à monopole autoritaire d’exploitation — comme le Congo Belge — que des zones adonnées à une économie de traite de type concurrentiel — comme l’Afrique occidentale. Le système mis en place était déficient, et les résultats obtenus furent souvent à l’opposé de ceux que l’on avait escomptés.
1. La stagnation concessionnaire
2En adoptant le système concessionnaire, on avait voulu sortir du marasme où se trouvait le Congo depuis quinze ans. La puissance coloniale, officiellement convaincue de la richesse potentielle du territoire, opta pour un monopole d’exploitation concédé à des entreprises privées. Mais les compagnies, conçues comme des sociétés d’investissement de biens d’équipement, apparurent, à l’usage, être des entreprises commerciales vivant dans le court terme, dépourvues de capitaux et pratiquant une économie de traite analogue à celle déjà mise en place en A.O.F. Il y eut bien rupture en 1898-1900, et passage d’un état de type précolonial à une situation d’exploitation coloniale. Mais celle-ci se révéla extraordinairement paralysante, au moins jusqu’à la première guerre mondiale. Aussi avons-nous, par une appréhension thématique du sujet, cherché à insister sur la continuité plutôt que sur le changement, en évitant la schématisation inutilement déformante de coupures chronologiques classiques du point de vue européen, mais pas nécessairement justifiées en Afrique : ce qui importait, c’était le retard de la zone, et la lenteur remarquable de son évolution. A la stagnation antérieure, due au caractère négligeable de l’intervention européenne, succéda un immobilisme économique non moins flagrant, résultat d’un système oppressif économiquement inefficace.
3Afin de mieux saisir les effets globaux de l’exploitation concessionnaire, nous avons entrepris de regrouper les données concernant les Sociétés effectives — c’est-à-dire toutes celles qui ont exercé une action et réalisé des profits non négligeables. Leur nombre demeure limité : ce sont la Société du Haut-Ogooué, les Cies du Haut et du Bas Congo1, la Cie des Sultanats, la Kotto, la M’Poko (jusqu’en 1911) et, à partir de cette date, la Cie Forestière Sangha-Oubangui. Nous donnons une série de graphiques résumant les principaux résultats d’exploitation. Nous ne dissimulons pas que ces chiffres restent insatisfaisants. Ils donnent de la situation une vue partielle, puisqu’ils font abstraction de toutes les autres entreprises (compagnies concessionnaires aux capitaux dilapidés en vain, ou sociétés « libres ») sur lesquelles nous ne possédons pas de renseignements comptables2. Ils sont aussi schématiques, puisque nous avons « déflaté » les diverses données en francs constants (base 100 en 1913), opération hasardeuse mais aussi seul moyen de confronter l’évolution du début du siècle à celle de l’entre-deux-guerres. Tels qu’ils se présentent, ils permettent néanmoins de faire un certain nombre de constatations.
4La plus visible est que les taux de profit furent, avant la première guerre mondiale et en dépit de la médiocrité des résultats sur le terrain, tout à fait honorables pour les actionnaires. Dès 1903, le régime commença de rapporter sensiblement (7,5 %). Pendant huit années d’affilée (1904-1911), les Sociétés furent de très bonnes affaires (de 25 à 38 %). Ceci rend compte de l’entêtement des concessionnaires les mieux placés à s’accrocher au pays, malgré les entraves dressées contre eux par l’Administration et l’apparente inefficacité de leurs procédés. A partir de la guerre, il en alla tout autrement : seules les années 1923-1927 se révélèrent à peu près correctes, bien que d’un rapport très inférieur à celui connu auparavant, puisqu’il oscilla de 3 à 10 % année maximum (1925). La confrontation des chiffres globaux confirme ce bilan : pour deux périodes d’égale durée, 1900-19143 et 1915-1928, le profit net total déclaré tomba de l’une à l’autre de près des deux tiers (de 40 à 16,7 millions de francs constants).
5Ce fait majeur fut d’abord ressenti par les actionnaires. Le ratio Dividendes/ Profit originel tomba de 40 % pour la période 1900-1914 à 20 % pour la période 1915-19284. En chiffres globaux, les actionnaires touchèrent 20 millions dans la première période, et seulement 6 (constants) dans la seconde, dont près de la moitié durant les seules années d’euphorie 1925-1926.
6Pour le reste, en dépit des apparences, la politique des firmes varia beaucoup moins qu’il ne semblerait au premier abord, au vu des activités nouvelles de certaines d’entre elles (S.H.O., C.F.H.C., C.F.S.O.). Après la guerre, tous les chiffres décrurent, mais dans de moindres proportions : les dépenses d’investissements tombèrent de 12,5 à 10,5 millions ; l’autofinancement de 17 à 14 millions ; au total, il égalait à peine l’ensemble des capitaux appelés et surpassait de peu les dividendes distribués (1900-1928 : autofinancement, 31 millions ; capitaux versés, 32,5 millions ; dividendes et tantièmes, 28,6 millions)5.
7Après la guerre, la gestion devint moins saine et l’emprise sur le pays moins effective. Les entreprises concessionnaires ne cherchaient plus à dissimuler leur objectif commercial sous des apparences d’investissements à long terme ; qui plus est, les investissements en A.E.F. s’amenuisèrent d’autant plus que, depuis la guerre, la majeure partie des immobilisations de la S.H.O. et de la Cie Forestière s’adressaient au Cameroun et à l’Afrique occidentale. Ce phénomène se traduisit par la chute du ratio Immobilisations/Actif, passé de 35 % en 1914 à 10,8 % seulement en 1928.
8Au total, rien que nous ne sachions déjà : les Sociétés en place, aux structures périmées, eurent dans l’ensemble tendance à dépérir après la guerre. S’il y eut des investissements nouveaux, ils ne furent pas leur fait, mais celui de nouvelles entreprises, animées par l’État (chemin de fer) ou par des firmes forestières (Consortium...) dont l’apport ne fut certainement guère sensible avant 1925 au moins. Tout ceci confirme les indices d’appauvrissement de la zone décelés par ailleurs, et permet de rendre compte du désarroi des populations entre les deux guerres. Alors prennent tout leur sens les révoltes tardives dont souffrit le pays : elles répondaient bien à une situation de crise, et traduisaient le désespoir des habitants devant un sort qui ne cessait de s’aggraver.
9Ce qui ressort donc surtout de l’exploitation concessionnaire, c’est la distorsion entre la rigueur de l’exploitation et la médiocrité des résultats, soulignée par l’échec financier des firmes. On est douloureusement frappé par ce bilan négatif, au terme de tant d’efforts et de souffrances. On peut, certes, incriminer l’ignorance et la gestion maladroite des Sociétés. Au cours de son évolution, la C.F.H.C. eut tendance à donner à ses immobilisations une part trop importante (achat de terrains, d’hôtels, etc.) qui gelaient ses bénéfices et la condamnaient à une sclérose progressive, de même que sa pratique d’amortissements exagérés, destinés à minimiser ses profits dans le but d’en soustraire une partie à l’État. La S.H.O. fit des placements trop hâtifs un peu partout en Afrique occidentale qui se soldèrent par autant de fiascos. Ce phénomène fut surtout sensible pour la Cie Forestière qui, du seul point de vue de l’exploitation du caoutchouc, obtint des résultats très positifs grâce, précisément, à la rigueur de ses méthodes. Mais elle en reperdit presque aussitôt le bénéfice, en voulant devenir une grande société commerciale comparable à la S.C.O.A. D’où des achats inconsidérés de locaux, de terrains et des stocks de marchandises impossibles à écouler.
10Mais ceci vaut surtout pour l’après-guerre. Auparavant, à y regarder de plus près, on constate que les seules sociétés concessionnaires qui ont réussi avant 1914 — et fort bien —, mais les seules qui ont échoué aussi nettement après 1914, furent celles qui exercèrent la déprédation la plus méthodique dans la zone tristement privilégiée de l’Oubangui-Chari. Ce ne fut pas un hasard : là où le système fut le mieux appliqué, les rendements furent immédiats. Mais ils furent aussi localisés, dans le temps et dans l’espace. Avant 1914, alors que la plupart des Sociétés étaient en déficit ou se maintenaient avec difficulté, comme la C.F.H.C. des frères Tréchot ou la Société du Haut-Ogooué, en Oubangui-Chari les bénéfices étaient appréciables ; à elle seule, en douze ans, la Cie des Sultanats rapporta autant à l’État que toutes les autres réunies, avec des résultats très modestes en quantité (quelque 38 t de caoutchouc et 35 t d’ivoire par an), mais remarquables en profits, puisque ses taux de profit furent presque constamment supérieurs à 50 % jusqu’en 1912, avec des pointes à plus de 100 %. Dans une moindre mesure, la M’Poko connut un taux de profit de 30 % en 1904 ; il tomba à zéro en 1907, à la suite de la découverte du régime de terreur qu’elle pratiquait, mais remonta à 45 % dès 1909. La Kotto avait aussi des taux de profit de l’ordre de 25 %, ce qui aurait été plus qu’honorable pour une entreprise métropolitaine. Pourquoi ? Parce que c’est en Oubangui-Chari, surtout, que fut intégralement exercée l’économie de pillage, que l’on peut définir avec précision : il s’agissait de Sociétés strictement commerciales qui, de plus, n’avaient fait aucun investissement d’aucune sorte sinon, la première année, des frais minimes de premier établissement ; qui, par conséquent, n’avaient déclaré aucun amortissement puisqu’il n’y avait rien à amortir, et n’avaient pratiqué aucun autofinancement, à la différence, précisément, de la Cie Tréchot ou de la S.H.O. Par conséquent, les bénéfices étaient, chaque année, à peu près intégralement distribués aux actionnaires et, du moment où le caoutchouc et l’ivoire ne rapportaient plus, les Sociétés pouvaient arrêter leurs activités du jour au lendemain avec un minimum de perte. C’est d’ailleurs ce qu’elles firent dès que les super-bénéfices d’avant-guerre furent révolus : c’était bien du pillage intégral. Et celui-ci n’est pas étranger au fait que, tandis que partout ailleurs, après 1920, on s’efforçait d’inventorier des richesses nouvelles (bois au Congo, palmistes au Moyen-Congo), en Oubangui-Chari rien ne fut tenté jusqu’à la veille de la grande crise (le diamant, le café et le coton se développèrent ensuite). Au contraire, le pays resta le bastion de l’économie de pillage, qui subsista dans un cas particulier, et de taille, puisqu’elle s’exerçait sur 18 millions d’hectares : le territoire de la Cie Forestière Sangha-Oubangui. Or, même ce pillage ne permit pas de réaliser des profits comparables à ceux du Congo Belge. Une première raison en était la pauvreté relative en produits : quoi que fît la Cie des Sultanats, elle ne pouvait pas exporter plus de caoutchouc que n’en renfermait son territoire, où il n’existait que sous la forme de lianes assez pauvres. De même, la concession de la S.H.O. était pratiquement démunie de produits dits riches, tels qu’ivoire ou latex, ou même de cultures de plantation. Mais surtout le pillage devenait, à brève échéance, auto-destructeur.
11Le Congo français ne possédait pas l’infrastructure dont le roi Léopold avait doté l’État voisin, au prix de quinze années d’efforts à fonds perdus. Pourquoi n’avait-on toujours rien fait en Oubangui-Chari, près de vingt ans après que les sociétés concessionnaires les plus déprédatrices eussent quitté le territoire, alors que la présence du diamant était connue depuis 19136, et que les conditions d’exploitation n’étaient, finalement, pas tellement plus difficiles que celles affrontées depuis le début du siècle au Congo Belge ? En partie, assurément, parce qu’il n’y avait eu aucun investissement d’aucune sorte avant les années 20, mais, en revanche, exploitation intense des forces vives du pays, en ressources (caoutchouc, ivoire) et en hommes (portage). Dans cette zone aux densités de population déjà exceptionnellement faibles, où les méthodes exercées accentuaient encore le recul démographique et la pénurie de main-d’œuvre, le refus d’investir au départ avait eu de multiples conséquences, dont la moins néfaste ne fut pas le manque de moyens de transport : sans voie ferrée, sans bateaux, sans pistes carrossables, et surtout sans perspective d’amélioration à court terme et à grande échelle, tout espoir de promotion économique était un leurre.
12La responsabilité n’en incombait pas seulement au régime concessionnaire. Certes, celui-ci favorisa les procédés les plus archaïques et les plus radicaux, parce qu’il caricaturait jusqu’à l’absurde l’impasse à laquelle conduisait, au Congo, la politique métropolitaine. Mais on peut se demander dans quelle mesure un régime de libre concurrence comparable à celui de l’A.O.F. eût donné de meilleurs résultats, compte tenu des difficultés spécifiques du pays (climat, forêt, sous-peuplement) et surtout du refus tardif de l’État de participer aux investissements, que ce fût en régime concessionnaire ou en régime de liberté. Sans doute, seulement, n’aurait-on pas vu prendre corps à ce point l’association entre l’Administration et l’entreprise, qui aboutit à l’exploitation des populations, décimées, épuisées, durement et durablement marquées.
13Cependant, la conception coloniale qui prévalut en A.E.F. n’aboutit pas à un système comparable à celui du Congo léopoldien. C’est qu’elle manqua toujours de cohésion. Il n’y eut pas, à proprement parler, de système : on n’avait ni l’énergie de le concevoir, ni, surtout, les moyens de l’appliquer. Il y eut plutôt le refus obstiné de reconnaître, lucidement, que les mesures prescrites impliquaient un système de fait, fondé sur l’oppression, voire sur des atrocités. Ce refus relevait-il seulement de l’ignorance ou de la négligence des organes de direction ? On ne peut s’empêcher de penser qu’il n’était pas dénué d’hypocrisie — car il y eut des enquêtes et des verdicts, mais ils furent délibérément ignorés.
14Dans ce pays pauvre, ou du moins qui aurait exigé, pour sa mise en valeur, d’énormes investissements préalables (pour la création des plantations, l’équipement forestier ou la prospection minière), on continuait de se heurter à un double obstacle : le manque de capitaux et l’insuffisance du peuplement. Ce handicap, on ne l’ignorait pas à l’époque. Certes, les adversaires du régime congolais eurent beau jeu de le proclamer dans une série de pamphlets. Mais les hommes à l’ouvrage au Congo en étaient tout aussi conscients : de 1900 à 1930 et au-delà, les rapports des fonctionnaires dénoncèrent inlassablement les mêmes maux et proclamèrent leur impuissance tant qu’il n’y serait pas porté remède. Tant qu’on ne leur accorderait ni crédits, ni matériaux, ni personnel, ils en seraient réduits à se démettre ou à s’imposer par la force. Le Gouvernement général le savait, et le Ministère en était averti. Pourtant, on s’obstina dans cette voie jusqu’à la limite du possible, pour des raisons (conquête « prestigieuse » du Tchad, refus du Parlement de voter les crédits coloniaux) qui relevaient surtout de la politique générale française et qui, à ce titre, ne nous concernent pas directement.
15Les principes qui avaient, avant la guerre de 1914, présidé à la solution concessionnaire, ne furent pas abandonnés ensuite malgré son échec. La colonie devait non seulement se suffire à elle-même, mais aussi rapporter, enfin, à la métropole. Puisqu’on ne disposait ni d’argent, ni de bras, l’usage de la contrainte, que ce fût de la part des concessionnaires ou surtout, après 1920, de celle de la fonction publique, était inévitable, avec toutes ses séquelles ; abus, famines, passivité ou révoltes de villageois hors d’état, l’auraient-ils voulu, de répondre à ce que l’on exigeait d’eux (impôt, corvées, travail). Le Congo ne sortit, et ne pouvait sortir de sa médiocrité que le jour où l’on consentirait à y mettre le prix, le jour où l’industrialisation accrue permettrait le développement spectaculaire d’activités adaptées au sous-peuplement.
2. Le démarrage relatif de l’entre-deux-guerres
16La première guerre mondiale annonçait, cependant, un tournant. La rupture économique se dessina après 1920, et surtout après 1925. Les concessions trentenaires prenaient, en principe, fin en 1929, à la veille de la grande crise. Mais l’analyse de la décennie 1920-1930 posait des problèmes spécifiques. Il ne s’agissait plus d’étudier les compagnies concessionnaires au Congo — puisqu’en fait la plupart avaient disparu — mais l’ensemble des problèmes économiques congolais. L’appréhension du sujet était autre.
17Pour la première phase d’exploitation, l’étude avait été relativement plus simple. L’option économique était précise ; toute l’organisation de la colonie tournait autour de la mise en place, du fonctionnement et du contrôle des Sociétés. Finalement, les résultats d’ensemble eux-mêmes étaient prévisibles, puisque personne ne met plus en doute la nocivité du système, même si ses rouages n’avaient pas encore été démontés de façon satisfaisante. Mais au fil de la disparition des concessions, l’évolution économique du Congo se faisait plus diffuse. L’étude perdait son caractère statique, indiscutable jusqu’à la guerre, pour devenir enfin dynamique. De nouveaux problèmes se faisaient jour : comment avait évolué le système concessionnaire, comment s’était-il transformé, dilué dans l’organisation économique générale, pour donner naissance au Congo moderne ? Entre 1920 et 1930 on perçoit, en même temps que l’idée concessionnaire a fait son temps, que l’exploitation du Congo entre enfin dans l’économie mondiale. L’évolution fut d’abord sensible dans le commerce des bois, puis dans la mutation des principales Sociétés qui, concessionnaires ou non à l’origine, sans assise financière et sans programme d’exploitation, devinrent progressivement des entreprises résolument orientées vers le commerce, les plantations ou les mines, habiles, pour celles qui subsistèrent, à tirer avantage des privilèges d’antan (notamment par l’attribution de vastes terrains en toute propriété), tout en adoptant des méthodes plus conformes à l’économie moderne de traite.
18Après la guerre, en effet, la pression de l’Administration remplaça celle des concessionnaires, et le commerce privé prit le pas sur le monopole. Les banques, enfin, commencèrent d’intervenir. Certes, dans les faits, les changements restèrent imperceptibles, sauf au Gabon. Ailleurs, malgré l’extension du salariat, sévit toujours, sous des formes à peine dissimulées, le travail forcé. La production demeura souvent stationnaire. Cependant, avec le recul de l’histoire, la période apparaît comme fondamentale, parce qu’elle contenait en germes les transformations ultérieures, devenues évidentes au sortir de la crise de 1930-1935. Les sociétés concessionnaires s’étaient reconverties vers des activités imposant, désormais, un minimum de capitaux (établissements commerciaux de la S.H.O., surtout hors A.E.F., ou industrialisation timide de la C.F.H.C.). Elles cédèrent surtout leurs droits à de nouvelles entreprises, dont la mécanisation accrue exigeait de s’appuyer sur les banques (C.C.A.E.F., C.E.F.A., Consortium Forestier)7. Ces exploitations de type moderne, portant sur des richesses réelles en voie d’industrialisation (bois, mines et, dans une certaine mesure, produits de plantation : cacao, café et surtout palmistes et coton), supposaient l’apport, soit de la part de l’État, soit de la part d’entrepreneurs privés, d’investissements bien plus considérables que par le passé. Outre l’essor de l’okoumé au Gabon, on vit donc s’ébaucher les grandes firmes à venir, même si elles étaient encore déficitaires, se constituer les premières plantations destinées à prospérer, entrer en exploitation les richesses minières, enfin se mettre en place les principaux travaux d’infrastructure, routes et voies ferrées, bref s’amorcer le démarrage économique que l’on attendait depuis le début du siècle.
19Pour rendre sensible ces transformations nous avons privilégié deux approches. La première, quantitative et descriptive, concernait l’évaluation économique proprement dite. Mais, du côté des Sociétés, le travail devenait plus délicat : à la différence des compagnies concessionnaires, le « commerce privé » ne devait plus de comptes à l’État. En outre, cette première phase d’expansion fut encore en grande partie redevable à des entrepreneurs individuels, notamment dans le secteur de pointe de l’okoumé, dont la comptabilité a disparu, soit qu’elle ait été tenue de façon épisodique, soit qu’elle n’ait guère trouvé d’écho en métropole. Même lorsqu’il s’agit de firmes plus importantes, les documents sont rares, car ces premières expériences furent souvent décevantes, et les bilans rarement imprimés ou diffusés. Force fut de nous tourner vers d’autres sources, au premier chef les données du commerce atlantique : nous avons donc cherché à estimer et comparer les productions du pays, apprécier leur croissance, confronter le volume des exportations de produits et des importations de marchandises, retracer le mouvement des prix, reconstituer, autant que faire se peut, la courbe du revenu par tête, enfin retrouver, sous la sécheresse des chiffres, les faits concrets qu’ils recouvraient : comment se fit l’adaptation du pays à cette exploitation, comment évoluèrent les techniques, comment surtout réagit la main-d’œuvre progressivement intégrée au circuit par la généralisation du salariat.
20Il est, en effet, un autre champ d’exploration, qui permet de mieux appréhender la réalité du pays : celui des populations elles-mêmes. Notre propos ne fut pas, en ce domaine, de procéder à une description ethnographique d’ensemble. Cela débordait largement du cadre économique fixé, et nous aurait entraîné trop loin. Aussi bien, de ce point de vue, avons-nous seulement repris les peuples du Congo là où nous les avions quittés au terme d’une étude précédente, résumant ces premiers résultats d’enquête et renvoyant, pour plus ample informé, à l’ouvrage déjà publié8, veillant simplement à compléter les chapitres qui n’avaient pas encore été abordés (par exemple : la zone de la Sangha ou des Sultanats du Haut-Oubangui, sur lesquelles nous avons insisté à dessein).
21Le but était précis ; il s’agissait d’analyser l’insertion progressive de ces populations à la vie économique du pays : suivant quel processus elles furent extraites de leur milieu traditionnel et dans quelle mesure elles participèrent aux transformations en cours. Deux critères ont été retenus : le problème général du déficit de la population, et celui, plus précisément, de la main-d’œuvre.
22Sur le premier point, notre contribution s’est bornée à apporter des informations supplémentaires, d’ordre historique, à l’œuvre de Gilles Sautter. Malgré le caractère fragmentaire des sources, nous en avons conclu qu’au Moyen-Congo, par exemple, la population régressa de 1913 à 1923, sinon du tiers, comme tendraient à l’indiquer des chiffres hasardeux, du moins très sensiblement. Ensuite, malgré les progrès sanitaires, la population resta, au mieux, stationnaire jusqu’en 1933, tout en continuant probablement de régresser vers l’intérieur. Même phénomène en Oubangui- Chari où la population aurait reculé, de 1920 à 1933, de plus de 100 000 habitants dans la zone concédée à la Cie Forestière.
23Ce recul était assurément lié aux conditions d’exploitation. Compte tenu du sous-peuplement du pays, le problème, tel qu’il était posé, était, en effet, insoluble : la mise en valeur qui se précisa après la guerre exigeait de la main-d’œuvre, une main-d’œuvre d’autant plus nombreuse que la pénurie de capitaux, aggravant le déficit technique, incitait à remplacer par des bras ce qu’on ne pouvait encore confier à la machine. Insuffisante et mal rémunérée, la main-d’œuvre était impérativement recrutée par la force. Cette ponction s’exerçait aux dépens d’un fragile équilibre vivrier traditionnel. L’organisation socio-économique préexistante fut brutalement désorganisée et ce processus fut, sinon la seule cause, du moins un élément générateur de troubles graves, tels que famines ou révoltes.
24Parfois même, l’exploitation congolaise aboutit au paradoxe. Ce fut le cas pour le caoutchouc de la Cie Forestière. La production annuelle connut son maximum (2 à 3 000 t) entre 1920 et 1930, en un temps où elle était devenue un non-sens économique, puisque le produit, supplanté partout ailleurs par le caoutchouc de plantation, ne trouvait plus preneur qu’à vil prix. Or, faute d’un produit de remplacement, on se trouvait dans l’impossibilité d’en supprimer la cueillette, à moins de renoncer, du même coup, à l’impôt dont elle était le seul support, et qui représentait précisément, dans le système congolais, le préalable supposé nécessaire à toute mise au travail des Africains.
25En tout état de cause, le phénomène dominant de la période 1920-1930 fut l’appauvrissement relatif des populations, au fur et à mesure qu’elles sortaient de l’économie vivrière ou commerciale traditionnelle. En dépit de certains progrès, les conditions demeuraient rudimentaires : les Africains, désorientés par vingt années de contrainte, les récentes famines (pays Fang) ou les derniers soulèvements (dissidence baya), se mettaient lentement aux cultures marchandes, dont l’obligation était encore supportée avec réticence. Les salariés commençaient de rejoindre volontiers les chantiers d’exploitation ou de travaux publics. Mais compte tenu de la dépréciation des cours des produits d’exportation, compte tenu également de l’inflation en métropole, subie au Congo sur le prix de vente des marchandises sans que le salaire payé au producteur en fût modifié pour autant, le pouvoir d’achat du Congolais entré dans le cycle de production colonial décrut sans doute sensiblement de 1913 à 1925, en même temps que la durée du travail s’allongeait, proportionnellement aux augmentations successives du taux de la capitation.
26Le mouvement fut seulement enrayé, à la fin de la période, dans une zone privilégiée mais restreinte à la côte et à la région des lacs, par la mise en place d’une exploitation véritablement productrice et en voie sérieuse d’industrialisation, celle du bois d’okoumé.
27La décennie 1920-1930 contenait donc les prémices d’une transformation profonde des conditions économiques. Mais elle fut aussi une phase coloniale dure, qui se traduisit par la détérioration du sort des populations, engendra de graves révoltes et aboutit à une misère dramatique au moment de la grande crise.
3. Les résultats
28En définitive, si nous cherchons à le chiffrer, quel fut le bilan économique global de la période ? Avant 1920, il fut pratiquement nul — sinon négatif. Il n’y eut presque aucun investissement. Avec un capital sociétaire de 70 millions entre 1900 et 1913 les entreprises, concessionnaires et privées, apportaient peu, en regard de l’énormité du territoire. Quant à la participation de l’État, qui comptait précisément sur l’option concessionnaire pour s’en décharger, elle resta, sur l’ensemble du territoire, plus que modeste jusqu’à la guerre : emprunt d’État de 2 millions en 1900, de 21 millions en 1909, subvention annuelle rarement supérieure à 5 ou 600 000 frs9. Le résultat était prévisible : l’économie du Congo resta non seulement stationnaire, mais aussi à la merci des crises périodiques qui affectaient les produits de la traite, au premier chef le caoutchouc (1901, 1907, 1911-1913).
29Après 1920, toutefois, les conditions se modifièrent. L’État consentit enfin les emprunts nécessaires aux équipements de base : 393 millions (courants) furent accordés de 1914 à 1930, 1 513 millions de 1931 à 1939, soit, au total, près de 300 millions de francs-or, plus de dix fois la somme libérée durant la période précédente10. Quant au secteur privé, il commençait de ressentir les effets du repli des capitaux français sur l’empire, surtout manifeste en Afrique occidentale.
30Pourtant, au 1er janvier 1929, il n’existait encore en A.E.F. que 107 entreprises commerciales, industrielles, minières, bancaires et de transport, dont le capital s’élevait à 309 millions de francs (contre 350 sociétés environ au Congo Belge, comptant 6 667 établissements et disposant d’un capital approximatif de 7 milliards)11. En 1939, en revanche, la capitalisation boursière des entreprises approchait les 2 milliards (220 millions de francs-or) ; les immobilisations en A.E.F. (plantations et exploitations forestières) s’élevaient alors à plus d’un milliard de francs-or12.
31Jusqu’à la grande crise, le capital privé s’accrut nettement moins vite que l’aide publique. Ce qui fut modifié, ce fut l’usage qui en était fait : les anciennes Sociétés furent remplacées ou s’adaptèrent : dans certains cas (compagnies forestières), il est probable que les immobilisations augmentèrent. Mais la part du capital public resta prépondérante et l’inversion du rapport fut postérieure à la période13. Ce rôle moteur de l’État dans l’économie était révélateur d’un pays pauvre, qui n’inspirait pas encore confiance et où le secteur privé avait pris, de longue date (en dépit des espoirs contraires suscités par le régime concessionnaire), l’habitude de laisser à la puissance publique la charge des énormes dépenses d’équipement14.
32Les entreprises commerciales dominèrent longtemps. Or, le peu de besoins d’une population clairsemée lui interdisait de connaître un essor comparable à celui de l’A.O.F. Ces quelques Sociétés n’en contrôlaient pas moins l’économie du pays en drainant les produits d’exportation, en répartissant les marchandises importées et en agissant sur les prix, dans le cadre d’une économie de traite, c’est-à-dire fondée sur des échanges mercantiles entre produits de cueillette ou agricoles bruts ou semi-bruts d’une part, et biens de consommation courante d’autre part. C’est seulement après 1926 que les premières expériences sérieuses de plantation, les premiers investissements forestiers et miniers furent entrepris.
33Nous avons évoqué le boom forestier qui se produisit au Gabon. Les prospections minières furent également décidées vers cette époque. Ce n’est pas un hasard si l’on mit alors en chantier l’or du Mayombé15 et le diamant de l’Oubangui-Chari, où la mission Citroën venait de prendre, en 1926-1927, des permis de prospection sur 660 000 ha. L’or avait pourtant été repéré sur les bords du Kouilou dès 1906, et le diamant identifié sur le territoire de l’ex-compagnie concessionnaire du Kouango français depuis 191316.
34Les permis miniers, figurant au bilan pour un franc, n’en avaient pas moins été oubliés, avant d’être repris par la Société belge Intertropical Comfina. Les mines du Kouango furent « redécouvertes » seulement après qu’en 1926 le groupe Desouches (de l’Union Minière et Financière Coloniale) eut repris l’affaire destinée à donner naissance à l’Équatoriale des Mines17. La production de l’or s’élevait en 1931 à 271 kg, celle du diamant à 1 509 carats, chiffre de nouveau atteint seulement après la crise, en 1936 (1 998 carats)18.
35C’est bien la preuve que l’économie, jusqu’alors restée aux mains du seul commerce plus rémunérateur à court terme que des entreprises de production (plantations ou mines) exigeant, pour des résultats incertains, un gros effort de prospection et d’équipement, était en voie de mutation19.
36Nous avons tenté de contrôler graphiquement cette évolution sur les courbes du commerce extérieur de l’A.E.F. durant toute la période. Cet essai d’approximation présente une valeur très relative ; aussi le présentons-nous seulement à titre indicatif, afin de faire pressentir les problèmes posés que nous nous réservons d’aborder de front ultérieurement, dans une étude quantitative consacrée à l’analyse approfondie des échanges commerciaux de l’outre-mer français. En effet, les courbes en francs courants ne sont pas significatives en chiffres absolus ; elles permettent tout au plus, après 1913, de comparer entre eux les différents types d’évolution. Sans doute aurait-il fallu plutôt confronter les flux d’échanges dans un système à prix constant éliminant les fluctuations par le calcul des indices du volume du commerce extérieur obtenus en considérant, année après année, la valeur qu’aurait eue chaque article si son prix unitaire était resté celui de l’année de base ou, mieux encore, celui de l’année précédente (indice-chaînes). Le travail a été entrepris par la Statistique Générale de la France, pour les exportations seulement, à partir de 1925 dans certains territoires20.
37Auparavant, les lacunes et le manque d’homogénéité de la documentation rendent les calculs extrêmement aléatoires. Nous avons donc pris le parti, en première approche, de « déflater » en francs constants (1913) à l’aide de l’indice des prix de gros des 45 articles. La méthode, qui peut trouver une certaine justification lorsqu’il s’agit des échanges avec la France, est évidemment très douteuse en ce qui concerne l’étranger. En outre, il ne faut pas se dissimuler que les valeurs recalculées sont, de toutes manières, extrêmement fragiles : car les prix réels, à l’époque, étaient bien les prix courants, ceux sur lesquels les gens d’affaires avaient à raisonner, par lesquels ils étaient influencés21. Le procédé permet néanmoins d’offrir un aperçu des fluctuations du volume du commerce colonial susceptible d’orienter les recherches à venir en proposant à la réflexion quelques hypothèses de travail22.
38Telle qu’elle est, la comparaison entre la courbe du commerce général de l’A.E.F. et celle de l’A.O.F. est éloquente23. L’Afrique occidentale connut un progrès lent mais régulier jusqu’en 1913. Après la dépression de la guerre prolongée par la crise de 1921-1922, la reprise s’amorça dès 1924 et la montée s’accentua jusqu’en 1930. C’est seulement à la suite de la grande crise que le territoire accusa un temps d’arrêt — retrouvant en 1937 seulement (en francs constants) un chiffre supérieur à ceux de la période précédente. C’est que l’économie commerciale, qui avait démarré dès le début du siècle, atteignait alors un seuil. Pour le franchir, il aurait fallu s’attaquer aux structures mêmes de l’exploitation de traite, ce qui ne fut pas fait.
39En A.E.F., en revanche, les activités restèrent tardivement d’un très faible volume, avec des oscillations redevables exclusivement aux « bonnes années » du caoutchouc. Elles retrouvèrent seulement en 1928 un chiffre (en francs constants) comparable à celui de 1913, mais cinq fois inférieur à celui de l’A.O.F. : c’est que l’exploitation concessionnaire, désorganisée par la guerre, n’avait pas encore trouvé de substitut. En revanche, dans les années 1920, le progrès de l’économie nouvelle ne se démentit pas : les échanges commerciaux décuplèrent dans le temps où ils doublaient seulement en A.O.F. L’essor fut maximum entre 1927 et 1930 et les chiffres se maintinrent ensuite à ce niveau, laissant à peine transparaître dans l’immédiat les effets de la grande crise (grâce aux importations accrues de vivres et de biens d’équipement). Le démarrage de l’A.E.F., rendu possible par la mise en place, dans l’entre-deux-guerres, de formes nouvelles d’exploitation, se révéla bien au tournant des années 30, en dépit de la récession générale qui faisait encore sentir ses effets à la veille de la seconde guerre mondiale.
40Si l’on en revient à l’analyse des échanges de la seule Afrique équatoriale, on constate, jusqu’en 1920 au moins, la supériorité des exportations sur les importations, signe d’une économie typique de déprédation : on investissait peu en A.E.F., vers laquelle on expédiait le moins possible de marchandises en retour de ses produits. Malgré la tendance, dès l’après-guerre, à un retournement des échanges, cette situation fut prolongée par la crise de 1921-1922. C’est vers 1925 seulement que se produisit le passage de l’économie traditionnelle de pillage à l’économie de traite proprement dite, animée par des sociétés commerciales en expansion, pour lesquelles l’importation des marchandises prit de plus en plus le pas sur l’exportation des produits bruts. Celle-ci demeura étonnamment stationnaire (en francs constants), ne dépassant son maximum de 1913 qu’après 1933, c’est-à-dire avec l’apparition de nouveaux produits (plantations et minerais), une fois surmonté le freinage à la production provoqué par la grande crise.
41Tout insatisfaisant qu’il puisse apparaître, notre procédé d’investigation se trouve justifié par l’analyse de l’évolution des indices à prix constant du volume du commerce extérieur recalculés depuis 1925. Si l’on élimine, en effet, l’influence prépondérante des exportations de bois, on vérifie sur ces derniers l’extrême jeunesse de l’essor de l’A.E.F., où l’effet des activités agricoles et minières se révéla seulement au sortir de la grande dépression (1932-1934), soit au tournant des mêmes années que celles mises en évidence sur nos graphiques24.
42Côté importation, au contraire, aux biens de consommation s’adjoignaient les premiers biens d’équipement (matériel ferroviaire, installations forestières, scieries, etc.) nécessaires à une réelle mise en exploitation. Bien que la conversion en francs constants révèle le caractère tout relatif des progrès réalisés, la hausse fut sensible ; le maximum de 1913 fut retrouvé dès 1926, et l’effort fut maximum jusqu’en 1930. Rendue encore plus déficitaire par les effets de la grande crise, la balance commerciale ne retrouva son équilibre qu’au sortir de la dépression, mais de façon précaire.
43Cette évolution générale est vérifiée par la courbe comparée des importations et des exportations françaises et étrangères. A l’exception des années de premier établissement des compagnies concessionnaires (1901-1904) et sauf pendant la guerre où les relations avec l’Allemagne furent interrompues, les importations étrangères au Congo l’emportèrent sur les importations françaises jusqu’en 1920. Les grandes années du caoutchouc (1906, 1910) se traduisirent naturellement par une élévation corrélative des importations, surtout étrangères. Après 1921, et surtout à partir de 1925, il en alla tout autrement : l’accroissement des marchandises françaises reflétait l’éveil des capitaux métropolitains et la part accrue des investissements publics et privés destinés à l’infrastructure. Quant aux exportations vers l’étranger, elles étaient traditionnellement supérieures à celles dirigées sur le marché français (le caoutchouc était négocié à Anvers, le bois était expédié à Hambourg), sauf à l’occasion du boom de 1910 (qui donna une impulsion à la place de Bordeaux), pendant la guerre (surtout au moment de l’effort de guerre de 1917) et lors de la crise de 1921. La stabilisation du franc, en interdisant de spéculer sur les variations du cours par rapport à la livre, freina les activités métropolitaines. A ceci près, malgré les réajustements qui s’imposent pour tenir compte de la dévaluation, la progression dorénavant plus régulière de l’exportation de produits nouveaux traduisait les progrès de la mise en valeur.
44L’Afrique équatoriale n’en restait pas moins la « Cendrillon » de l’empire français. Pour les hommes comme pour les produits, le manque de moyens de transport était un grave handicap. A l’exception du Congo-Océan, inachevé à la fin de la période, tous les anciens projets de chemin de fer avaient été abandonnés. Le réseau routier n’était efficace qu’en pays de savane. En 1927, on ne comptait encore que 384 véhicules automobiles en circulation, dont 191 au Moyen-Congo et le reste en Oubangui-Chari. Le chiffre, il est vrai, doubla l’année suivante (690) et dépassa le millier en 193025. Le matériel fluvial était vieilli, et l’on avait renoncé à aménager les réseaux. On se trouvait dans une impasse : tant que la circulation des biens, freinée par le sous-peuplement, ne justifiait pas des travaux d’équipement importants, le coût des transports, trop élevé, n’incitait pas à accroître la production. G. Sautter a montré comment l’obstacle commença seulement d’être résolu après la seconde guerre mondiale, avec la mécanisation accrue d’exploitations industrielles à faible exigence de main-d’œuvre (mines, bois, élevage)26.
45La fin de la période étudiée annonçait cependant, à la veille de la grande crise, un premier tournant. On commençait de reconnaître la nocivité du système de contrainte exercé jusqu’alors. Peu après, l’accession à la tête de la Fédération, en 1935, du Gouverneur général Reste, à la fois ouvert aux problèmes économiques du pays et conscient de la nécessité d’une réelle « politique indigène », allait amorcer une transformation sensible des méthodes utilisées. L’afflux de capitaux devait enfin donner le signal de la mise en exploitation du pays. Cependant, il faut se garder d’en surestimer les effets : entrée dans une phase d’investissements et d’immobilisations destinés à l’outillage économique, l’A.E.F. ne retrouva pas avant la seconde guerre mondiale les chiffres atteints au point le plus haut de son activité, en 1929- 1930. Or, en 1936, avec un capital investi par tête d’habitant de 6 livres seulement27 (contre 13 au Congo Belge, 38 en Rhodésie et 55 en Union Sud-Africaine), elle n’attirait encore que 1,73 % des investissements (publics ou privés) faits en Afrique noire, contre 2,89 % pour la Côte de l’Or, 4,03 % en A.O.F., 11,73 % au Congo Belge, et 77 % pour l’ensemble des territoires britanniques. Seuls venaient derrière elle, avec 1,54 % des investissements, les territoires sous mandat (Togo et Cameroun), bien que l’A.E.F. couvrît 10,98 % de la superficie totale et comptât 3,37 % de la population28.
46Mais c’était déjà un progrès réel, face au régime concessionnaire d’antan que le Gouverneur général Antonetti (peu suspect cependant de philanthropie, eu égard à l’énergie avec laquelle il mena à bien la construction du chemin de fer) stigmatisait en ces termes, à l’extrême fin de la période, en un temps où les progrès n’étaient guère encore perceptibles :
« Au cours d’une vie passée tout entière aux colonies, durant laquelle j’ai eu l’honneur de gouverner sept colonies différentes, je n’ai jamais rien vu qui ressemble à un tel abandon de tous ses droits par l’État, tant en ce qui concerne la défense des indigènes, que celle de son domaine et des intérêts publics. De telles constatations expliquent bien des choses, et dans une certaine mesure la faillite de l’œuvre française au Congo. »29
*
47Le régime concessionnaire fut précocement mis en accusation. Il restait à démontrer pas à pas dans les faits combien, au Congo français, le mythe alors si ancré et encore vivace des « bienfaits de la civilisation » fut un leurre. A la veille de l’Exposition Coloniale Internationale de 1931 qui devait marquer le point culminant de l’idéologie impérialiste de l’époque — mais aussi à la veille de la grande crise qui imposa un coup d’arrêt brutal à l’expansion et engendra une ère de troubles sociaux et politiques dont le monde devait se remettre seulement après la seconde guerre mondiale — trente ans de colonisation en A.E.F. avaient abouti à l’échec. Le pays continuait de coûter cher et de rapporter peu. Les années de déprédation qui avaient perturbé ou bouleversé la production traditionnelle, saccagé les richesses naturelles et meurtri les populations, rendaient le pays particulièrement vulnérable au poids des structures métropolitaines. Les famines avaient exercé des ravages peu communs. Les révoltes, pour être moins meurtrières et moins élaborées qu’ailleurs, n’en atteignaient pas moins un paroxysme. Une dernière question s’impose donc : pourquoi, ni en Afrique, ni en métropole, personne ne mit-il le régime congolais en question, alors que le régime belge était condamné depuis 1905 et que le Parti communiste venait, à l’occasion de la guerre du Rif, d’adopter une position violemment anti-colonialiste ?
48Les Congolais « évolués », dont nous avons évoqué dans notre dernier chapitre les premières manifestations, en étaient encore à revendiquer timidement de participer à la « paix française ». Même le plaidoyer d’André Gide — qui dénonçait rudement les exactions et rappelait qu’au nom de la mission civilisatrice de la France des Africains étaient exploités par les grandes Compagnies, parfois massacrés par les agents de l’autorité et souvent oubliés dans un état lamentable — tournait court30. En faisant du régime concessionnaire, dont le procès était déjà instruit et qui, depuis quinze ans, n’exerçait plus que des ravages localisés, son bouc émissaire, il s’attaquait à une cause déjà entendue. Il se contentait de substituer au mythe des bienfaits de la colonisation privée celui des bienfaits de l’Administration où les agents de la métropole s’opposeraient, par vocation, aux tentatives des exploiteurs (montrant ainsi qu’il n’avait pas senti la mutation économique en cours en faveur du secteur privé). Seul le journal L’Humanité lança une campagne de presse, en janvier-février 1929, à l’occasion du soulèvement baya, contre la « colonisation sanglante ». Mais elle ne connut guère d’écho. Et quelle que fût la vigueur du reportage de Marcel Homet sur les méthodes coloniales en A.E.F. (1932-1934), il précisait bien qu’il n’avait pas pour mobile « la critique systématique de la colonisation », mais seulement « le désir d’attirer sur la misérable Afrique centrale le regard de ceux qui [...] sont capables de remédier à ce pitoyable état de choses »31.
49L’indifférence générale surprend d’autant plus que la misère de l’A.E.F. était de notoriété publique. Georges Bruel soulignait en 1935 qu’à la différence de « toutes nos autres grandes colonies », auxquelles un apport financier continu avait permis « de s’organiser, de prospérer et de s’enrichir », l’A.E.F. n’avait pas encore « acquis sa majorité »32. Cette assertion fait problème. Est-ce à dire qu’au sein de l’Empire français le Congo apparaissait comme une exception ? Certes, les résultats furent désastreux en raison de conditions spécifiques : obstacles naturels redoutables, sous-peuplement, sous-équipement. Mais la politique française en A.E.F. n’obéissait-elle pas à des principes analogues à ceux suivis ailleurs outre-mer ? Il resterait à prouver que, toutes proportions gardées, le résultat fut fondamentalement différent dans les autres territoires : l’euphorie de certaines entreprises particulières de traite ou d’exploitation ne masquait-elle pas une situation à tout le moins comparable ? Cette aggravation du poids de la colonisation des années 1920-1930 que nous avons analysée dans le détail, ou cette mise en place des grandes firmes encore dominantes aujourd’hui se retrouvent-elles ailleurs, et sous quelles formes ? Il serait notamment du plus haut intérêt, nous semble-t-il, de dater l’époque à partir de laquelle les aspects négatifs sur le pays de l’intrusion de l’économie moderne au sein du régime colonial cessèrent de l’emporter.
50En A.E.F., le renversement intervint seulement après la seconde guerre mondiale. Mais les premiers symptômes de transformation apparurent dans les années 20 : c’est alors que devint effective la prise en charge progressive du fait colonial par le fait impérialiste : auparavant, l’Afrique équatoriale restait, dans l’Empire français, un domaine mineur. C’était pour les entrepreneurs une valeur douteuse, sur laquelle ils répugnaient à risquer leurs capitaux. L’expansion demeurait un fait politique : puisqu’on y était, on devait s’y maintenir, mais à condition de n’y rien dépenser, et d’en entendre parler le moins possible. Ce n’était d’ailleurs pas toujours chose aisée car les militaires, à qui l’on avait laissé le champ libre au Tchad, avaient tendance à vouloir y conquérir de la gloire et leurs grades par des actions d’éclat pas toujours bénéfiques. Le recul de Fachoda prouva, à tout le moins, que le Gouvernement n’avait nulle intention de faire la guerre pour ce territoire excentrique et d’un faible rapport. Mais, après 1920, l’Afrique équatoriale entra dans le système mondial. Les grandes entreprises capitalistes y prirent une option sous la forme d’investissements accrus, même s’ils étaient encore moindres qu’ailleurs. La colonisation devint enfin un fait économique.
51Restituer cet héritage économique revient donc à combler un vide, celui d’une tranche d’histoire africaine décisive, mais jusqu’à présent délaissée par les chercheurs des diverses disciplines. Pour les économistes, en effet, le cas africain a tendance à naître au lendemain de la seconde guerre mondiale, pour ne pas dire à la décolonisation. Pour les historiens ou les ethnologues, soucieux de retrouver le passé propre de l’Afrique, le champ d’étude aurait, en revanche, tendance à s’arrêter à l’aube du xxe siècle, précisément au moment où le développement de l’économie, se détachant du secteur dit traditionnel, devint partie intégrante de l’évolution mondiale. Notre idée dominante fut de rétablir ce lien entre l’histoire et le temps présent, de faire pressentir la nécessité d’élucider le poids du passé afin de voir progresser les recherches consacrées aujourd’hui au Tiers Monde.
52Certes, cette étude, qui ne procède ni d’un économiste ni d’un spécialiste du sous-développement, ne peut à elle seule trancher le fait de savoir si l’évolution des soixante-dix dernières années fut à l’origine du sous-développement du Congo. Du moins prétend-elle démontrer, en apportant un dossier aussi complet que possible sur l’histoire de l’économie congolaise, que la part de responsabilité du passé colonial fut considérable, et contribuer à l’étude d’ensemble du cas de l’Afrique équatoriale francophone, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire complétée par d’autres tentatives, dont certaines déjà réalisées, relevant d’un autre point de vue, économique, géographique, sociologique ou ethnographique. Le tout permettrait, ultérieurement, de tirer les conclusions d’une analyse exhaustive du sous-développement africain, à condition d’élargir le débat au reste de l’Afrique : l’analyse des tentatives économiques de l’ex-A.E.F. exige d’abord d’avoir à l’esprit l’histoire du Congo-Kinshasa, relativement bien connue, qui servit de modèle au moins durant les dix premières années, dans la phase de mise en place de l’économie de pillage. Mais il faut aussi se reporter, au premier chef, à l’Afrique de l’Ouest, domaine privilégié, depuis le xixe siècle, de l’économie de traite. La comparaison s’impose surtout avec l’Afrique anglophone, où il est admis que l’expansion économique fut plus précoce qu’ailleurs : encore faudrait-il en préciser exactement les modalités33. Autant de questions qui supposent, non seulement de mener une série d’études économiques et sociales approfondies sur les différents territoires de l’empire français — A.O.F., Algérie, Indochine — dans la première moitié du xxe siècle, mais aussi de confronter leur évolution à celle des pays africains sous domination anglaise. L’histoire de la mutation économique subie par ces régions du monde, au tournant du xxe siècle, jusqu’à la grande crise au moins ou, mieux, jusqu’à la seconde guerre mondiale, permettrait seule de tirer tout l’enseignement de la présente étude, aux contours très précis, en déterminant jusqu’à quel point le cas de l’ex-A.E.F. fut, ou isolé, ou exemplaire : s’il fut un cas limite exceptionnel ou bien, au contraire, s’il schématisa, parfois jusqu’à l’absurde, des procédés économiques également pratiqués ailleurs, dans le reste du monde dominé de la première moitié du xxe siècle. Quitte à élargir ensuite cette étude à l’ensemble du Tiers Monde durant la même période, on trouverait assurément, par le recours à l’histoire comparée, des éléments d’information susceptibles d’éclairer la genèse d’un phénomène majeur de notre temps : le sous-développement.
Notes de bas de page
1 Cette dernière, bien que non concessionnaire, agit dès sa fondation (1910) en étroite liaison avec la C.F.H.C.
2 En 1914, les sociétés concessionnaires retenues représentaient 22 millions sur un total de 40 millions de capitaux effectivement versés en A.E.F. par les entreprises concessionnaires et privées, soit un peu plus de la moitié.
3 Compte tenu du fait que les résultats de l’année d’entrée en guerre furent à peu près inexistants.
4 Nous retenons pour calculer le profit originel, c’est-à-dire le profit réel approché, par opposition au profit déclaré (nécessairement minimisé), la méthode exposée par Bouvier [19], pp. 16-21. Soit P1 (profit originel) = P2 (profit déclaré) + toutes les dépenses d’investissement (travaux neufs + amortissements). Le profit originel global aurait été, pour l’ensemble de la période, de l’ordre de 80 millions de francs constants.
5 Suivant la méthode Bouvier [19], p. 20, autofinancement = dépenses d’immobilisation + amortissements + réserves. Que donne la vérification : autofinancement = P1 (profit originel) — P3 (profit distribué) ? Outre les dividendes (26 millions), les tantièmes (2,6 millions) et les réserves ouvertes (8,1 millions), le profit distribué comprenait essentiellement la part de l’État, soit 7,8 millions de francs constants (à décomposer comme suit : redevance fixe, 3,5 millions avant 1914, 0,8 seulement ensuite, en raison de sa non-réévaluation ; part bénéficiaire : 2,8 millions avant guerre, 0,7 ensuite). Soit P1 — P3 = 35,5 millions. L’excès de près de 5 millions laisse augurer du volume des prélèvements non avoués des administrateurs. (Rappelons, à ce propos, que la Cie des Sultanats avait prévu en 1899 des jetons de présence de 50 000 frs pour chacun des douze administrateurs, ce qui, à supposer que la mesure fût maintenue, aurait déjà représenté une charge de quelque 8 millions de francs à la veille de la guerre.) Quoi qu’il en soit, le ratio Autofinancement /Profit distribué, inférieur à l’unité (de l’ordre de 70 %), confirme notre thèse sur l’économie de pillage.
6 Cie du Kouango Français, bilan 1913, Assemblée générale des actionnaires, 26 juin l914, Arch. Crédit Lyonnais.
7 Les bilans des Sociétés forestières de cette époque ancienne n’ont pas été retrouvés. L’Union Minière et Financière Coloniale représentait en 1928 (en francs courants) un capital appelé de 10 millions (contre 5 en 1926) et déclarait au total 1,3 million d’immobilisations, 1,9 d’amortissements, 1,1 de réserves et report de bénéfice et 2,6 millions de profit net contre 393 000 frs seulement l’année précédente. Elle fut déficitaire à partir de 1930. Arch. Crédit Lyonnais.
8 [80].
9 La subvention oscilla de 5 à 700 000 frs, sauf en 1900 (2 178 000 frs, antérieurement à la loi sur l’autonomie budgétaire des colonies), en 1901 (où fut voté un crédit supplémentaire de 2 489 600 frs pour éponger les dettes de la mission Marchand) et en 1911 (où l’octroi de 1 265 000 frs permit d’assurer la première annuité de l’emprunt). D’après les budgets annuels de la colonie, 1900 à 1905, G.C., IX-15, 16 et 25, les arrêtés et décrets relatifs aux budgets de l’A.E.F. et les discours d’ouverture du G.G. au Conseil du Gouvernement, publiés au J.O.C.F. et au J.O.A.E.F., 1906 à 1913.
10 Bloch-Laîné [17].
11 Capital nominal : 309 millions, y compris le capital-or antérieur à 1914 (Bruel [69]). Si le pourcentage resta analogue à celui d’avant-guerre, on peut estimer que les 2/3 seulement du capital nouveau furent appelés.
12 Évaluations données par Dresch [31], p. 235, d’après l’enquête (surestimée) effectuée en 1943 par le Comité d’Organisation du Crédit aux Colonies.
13 Après 1930, nos chiffres tendent en effet à prouver que le capital privé commença de l’emporter sur le capital public, ce qui corrobore l’assertion de Dresch [29], p. 61, suivant laquelle Frankel ([32], pp. 159-161) a sous-estimé le capital privé investi en A.E.F. en ne tenant compte que des Sociétés cotées en bourse.
14 Le budget des Travaux publics passa en A.E.F. de 326 000 frs en 1900 à 32,3 millions en 1922. Sarraut [48], p. 311.
15 Sur l’or, voir Vennetier [322], « Gisements minéraux et industries extractives », pp. 225-227.
16 Bilan 1913, Assemblée générale des actionnaires, 26 juin 1914, Arch. Crédit Lyonnais.
17 Vie Financière, 6 oct. 1926, et comptes rendus annuels à l’Assemblée générale des actionnaires du Kouango Français. 1926, Arch. Crédit Lyonnais. Les actions du Kouango Français furent échangées en 1934 contre des actions de l’Équatoriale des Mines, à raison d’une action de l’Équatoriale contre 16 actions Kouango ou 48 parts de fondateur. Lettre de la Société Financière de Transports et d’Études au Crédit Lyonnais, 14 mars 1934, Arch. Crédit Lyonnais.
18 Oubangui-Chari, production d’or brut (en kilos) :
La production du Moyen-Congo, animée par le colon Romanot, débuta en 1935 avec 2 t (33,5 t en 1936). Annuaire statistique de l’A.E.F. [12], 1951, pp. 127-128.
19 D’après une enquête de 1940, les investissements dans le secteur privé se répartissaient en A.E.F. ainsi qu’il suit (en %) :
A noter qu’à la même époque la part du commerce en A.O.F., restée le domaine par excellence de la traite, était nettement supérieure (38 %), contre 18 % pour les plantations et 7,5 % seulement pour les mines. Évaluation de l’administrateur Valdant, citée en chiffres bruts dans « L’investissement dans les territoires dépendants », Cahiers de l’I.S.E.A., op. cit.
20 « Un indice du volume des exportations de l’A.E.F. », Bulletin d’Informations Économiques et Sociales de l’A.E.F., n° 7, déc. 1947, pp. 109-111 (base 100 en 1946) ; et Poquin [269], pp. 24-25 (base 100 en 1949).
21 J. Fourastié (« La mesure du progrès économique », in Les sciences sociales : problèmes et orientations, Mouton-Unesco, 1968, pp. 57-67) a démontré combien les variations des prix « relatifs » rendent flou — voire ridicule — le re-calcul en francs constants.
22 En gardant un reflet des prix réels, il permet aussi de souligner immédiatement à quel point on travaille en A.E.F. sur des valeurs négligeables, confrontées à celles du reste du commerce français, métropolitain ou colonial.
23 Il aurait aussi été souhaitable de travailler sur le commerce spécial. Cependant, le transit était assez faible pour nous permettre d’utiliser directement, au niveau d’approche où nous nous placions, les données du commerce général.
24 L’allure générale des courbes diffère seulement sur des points mineurs qui pourraient relever, tout aussi bien, d’erreurs imputables au calcul des indices S.G.F. : la couverture de ces derniers n’excède pas, avant guerre, 50 % de l’ensemble des produits échangés, et les prix de base se réfèrent au marché contemporain, en fait peu comparable à celui de l’entre-deux-guerres.
25 Annuaire statistique de l’A.E.F. [12], p. 135.
26 Sautter [117], pp. 1008-1012.
27 Calculé sur la base d’un capital total de 21 millions de livres et de 3 435 000 habitants. Frankel [32], pp. 159 et 349.
28 Ibid., pp. 170 et 202-203.
29 Commentaire du G.G. Antonetti sur le Rapport d’inspection Barthes, Mission Laperge, 28 déc. 1928, Conc. VIII-D.
30 J. Lacouture, « Relecture du Voyage au Congo. Un anticolonialiste ? », Le Monde, 22 nov. 1969.
31 Homet [172], Avant-propos.
32 Bruel [69], p. 473.
33 Nous disposons de quelques études de qualité sur le passage à l’économie moderne à la fin du xixe siècle, par exemple : R. Szereszewski, Structural Changes in the Economy of Ghana, 1891-1911, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1965, 161 p.
Notes de fin
1 Sur les dévaluations successives du franc (1914, 1928, 1934, 1936, 1937, 1938) et la réévaluation des francs courants, voir Bloch-Laîné [17], pp. 108 et 329.
2 Le détail en est donné dans Bruel [69], pp. 456-457. (Subventions annuelles, assistance médicale, installations diverses, non compris les subventions pour le service de l’emprunt.)
3 Chiffres effectivement versés à la suite des lois d’emprunt A.E.F. de 1914 (171 millions), 1924 (300 millions), 1931 et 1933 (1 570 millions) et 1939 (60 millions). Bourcier de Carbon [18], p. 115. Bloch-Laîné [17], p. 109. M. Picquemal, « Les exportations de capitaux français dans les colonies », Économie et Politique, août-sept. 1957, pp. 66-76.
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Anthropologie économique des Gouro de Côte d’Ivoire
De l’économie de subsistance à l’agriculture commerciale
Claude Meillassoux
1999
Valladolid au siècle d’or. Tome 2
Une ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle
Bartolomé Bennassar
1999
Valladolid au siècle d’or. Tome 1
Une ville de Castille et sa campagne au xvie siècle
Bartolomé Bennassar
1999
La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du 11e siècle. Tome 2. Volume 1
Géographie arabe et représentation du monde : la terre et l’étranger
André Miquel
2001
Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1898-1930. Tome 1
Catherine Coquery-Vidrovitch
2001
Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1898-1930. Tome 2
Catherine Coquery-Vidrovitch
2001
Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Tome 2
Études sur les armées des rois de France 1337-1494
Philippe Contamine
2004