Chapitre XV. Les réussites
p. 341-400
Texte intégral
1La première phase coloniale, 1900-1913, ne connut pas seulement des insuccès — faillites, spéculations ou manipulations politiques. Un certain nombre de Sociétés furent tôt considérées comme de « bonnes affaires ». Les unes réussirent à subsister assez honorablement — comme la C.F.H.C. — ou acquirent une puissance commerciale remarquable — comme la S.H.O. Certaines abusèrent longtemps l’opinion — comme la Cie Forestière — mais surent néanmoins assurer leur transformation progressive, D’autres, enfin, après avoir connu un succès incontestable, disparurent dans la tourmente de la première guerre mondiale, faute d’avoir su adapter des méthodes périmées. La meilleure illustration en fut donnée par la Cie des Sultanats du Haut-Oubangui.
2Leur succès divers vint surtout de leur orientation définitive : la Cie des Sultanats s’en tint à l’économie de déprédation traditionnelle. La Compagnie des frères Tréchot opta pour une exploitation agricole qui se maintint tardivement en dépit de crises périodiques. D’autres Sociétés qui s’étaient attardées à une solution bâtarde, mi-territoriale mi-commerciale, démarrèrent seulement après s’être décidées au choix : la Cie Forestière se scinda en une Compagnie commerciale — la C.F.S.O.-Commerce — et une Société agricole — la C.F.S.O.-Plantations. Certaines Sociétés gabonaises, comme celle de l’Ogooué-Ngounié, devinrent florissantes à partir de l’exploitation forestière. La Société Commerciale du Kouilou-Niari, qui avait juste réussi jusqu’alors à échapper à la banqueroute, engendra seulement après la seconde guerre mondiale une entreprise commerciale de type urbain1. Mais seule la S.H.O., longtemps jalouse d’un privilège exclusivement territorial, sut jeter dès avant la grande crise les fondements d’une mutation profonde, qui lui permit de s’adapter victorieusement, à l’époque contemporaine, aux conditions nouvelles de l’économie de traite.
I. L’ÉCONOMIE DE PILLAGE : LA Cie DES SULTANATS DU HAUT-OUBANGUI
3Le mécanisme de la traite, tel que nous l’avons décrit au début de cet ouvrage, connut son apogée dans les années qui précédèrent la crise du caoutchouc de 1911 Celle-ci porta un coup irréversible au produit de cueillette.
4Nous n’insisterons pas longuement sur l’histoire de cette Société, à laquelle nous avons déjà fait allusion fréquemment, car ce fut un exemple typique de Société déprédatrice qui disparut avec l’exploitation concessionnaire traditionnelle2. Constituée au capital exceptionnellement important de neuf millions de francs en vertu du décret de concession du 29 juillet 1899 et astreinte à une redevance fixe de 100 000 frs par an pour un vaste territoire de quatorze millions d’hectares, cette Société fut un véritable paradoxe. Elle produisit « l’œuvre la plus négative, en parcourant la plus brillante carrière »3. Sa formule d’exploitation fut, en effet, de produire le plus possible, sans tenter ni aménagement durable, ni mise en valeur proprement dite.
5Sa fortune reposait sur le monopole qu’elle s’était assuré dans une zone aux structures politiques traditionnelles exceptionnellement favorables, celle des Sultanats ménagés à l’occasion de l’intrusion belge de la fin du xixe siècle, et respectés par l’Administration française au moins jusqu’à l’entre-deux-guerres4. En 1901, un traité avec le sultan Bangassou accordait à la compagnie le privilège « de tout le commerce par échange ou contre espèces [...] pour tous les produits », y compris l’aménagement des moyens de transport, c’est-à-dire l’usage des pagayeurs et des porteurs5. Dès l’année suivante, en échange d’une ristourne au sultan, la récolte de caoutchouc fut apportée directement des chefferies aux factoreries, sous le contrôle de bazinguers du chef africain. En 1906, le sultan Hetman se vit garantir ses frontières par l’État français en échange d’une subvention royale, en guise de capitation, de 18 000 frs par an, payable en caoutchouc et automatiquement rétrocédée à la Société6. L’éloignement et la pénurie de personnel assuraient l’entreprise de la non-ingérence de l’Administration. L’usage des versements en nature, codifié à partir de 1907, mit à l’abri de l’introduction du numéraire générateur de hausse des prix7.
6Sur la totalité du capital, on n’appela jamais que 3 600 000 frs et l’on s’en contenta largement. L’autofinancement visible (provisions + reports + amortissements) était à peu près nul, du moins à fin d’investissement : les provisions spéciales se montèrent, en tout, à 30 000 frs (en 1904-1905), et la quasi-totalité des bénéfices était immédiatement distribuée aux actionnaires. Cependant, dans les années très bénéficiaires 1907 à 1911, un report moyen de 3 à 400 000 frs permit de constituer une réserve contre les aléas du marché, consacrée à éponger en une seule fois (bilan 1914) les pertes sévères essuyées en 1913 (1,6 million).
7Les amortissements qui avaient quand même atteint, en 1907, un total de 800 000 frs disparurent ensuite pratiquement du bilan — puisqu’il n’y avait rien à amortir :
8Quant aux investissements, évalués sur la base des immobilisations en Afrique, ils étaient inexistants : mis à part des « frais de premier établissement » estimés à 256 000 frs en 1901, ils se limitèrent à 71 000 frs en 1902-1903, amortis dès 1905, et à 138 000 frs en 1913 (« Immeubles et plantations ») amortis dans les années suivantes.
9Enfin, les marchandises importées, inscrites très au-dessus de leur valeur car estimées au prix de revient sur la concession (prix d’achat en Europe + frais de transport + droits d’entrée), ne dépassèrent le million de francs que de 1907 à 1914, pour retomber à moins de 200 000 frs en 1920, avec un regain très éphémère en 1926 (en francs courants), à la suite de la remontée sans lendemain des cours du caoutchouc. Ces chiffres sont d’ailleurs très douteux, car la majeure partie des échanges résultait de l’importation dissimulée d’armes et de munitions prohibées.
10Les seuls frais réels furent ceux du personnel. A Paris, le taux des jetons de présence au Conseil atteignit 50 000 frs en 1901. A raison de douze administrateurs, cela portait les frais généraux du siège social à 654 620 frs. En contrepartie, la Compagnie fit toujours appel à des hommes expérimentés : Charles Engeringh, directeur en Europe depuis mai 1900, puis administrateur-délégué et agent général en 1905, était l’ancien directeur en Afrique de l’Abir8. En Afrique, l’entreprise fut conduite avec énergie par Charles Pierre, ancien membre de la mission Bonnel de Mézières, qui explora à plusieurs reprises le pays vers le Nil, en 1903 et en 19119. En 1914 enfin, Fondère, Président des Messageries Fluviales du Congo, entrait au Conseil d’administration avec la mission de renflouer la Cie de Navigation et de Transports Congo-Oubangui dont les Sultanats possédaient les trois quarts du capital (1 757 actions sur 2 400). Théoriquement, les postes de commerce furent assez nombreux. Les créations se succédèrent sans discontinuer dans les premières années : huit agents européens et quatre factoreries en 1901 (Rafaï, Bangassou, Sémio et Ganapia), douze agents et six factoreries en 1902 (Bakouma et Ouango), vingt agents et sept factoreries en 1903 (Djema), vingt-quatre agents et dix factoreries en 1904 (Kaka, Banima et Combou). Dix-neuf magasins existaient en 1914, avant que la Société n’en fermât neuf en raison de la guerre10. Elle-même déclarait alors 27 établissements et 144 constructions. Mais les bâtiments, dont trois seulement étaient édifiés en briques et le reste en pisé, furent toujours dénoncés comme précaires et sans valeur11. A partir de 1912, la concurrence des tiers, jusqu’alors muselée (comme Otto en 1908-1910) se fit durement sentir12. Weissenthaner et quelques traitants indépendants (trois Portugais et un Syrien en 1914) essaimèrent des postes vers lesquels des tarifs moins excessifs drainèrent la clientèle.
11La quasi-totalité des bénéfices résultait en effet de l’achat des produits à un taux extrêmement bas (57 centimes en moyenne le kilo de caoutchouc frais, 2 à 6 frs le kilo d’ivoire) contre des prix de vente en Europe de dix à vingt fois supérieurs. A supposer même que le prix de revient du transport sur les marchés d’Europe eût doublé ou même triplé les frais, la marge bénéficiaire serait demeurée considérable. Une série de calculs nous a permis d’établir une grossière approximation des bénéfices bruts de l’entreprise réalisés sur la vente des produits (les bénéfices réalisés sur l’importation des marchandises étaient à peu près nuls, en raison de l’extrême médiocrité des stocks). Les bénéfices réels furent certainement largement supérieurs aux bénéfices déclarés. La marge d’erreur est importante, puisque nous avons supposé que les ventes sur le marché européen commercialisaient la totalité de la production annuelle correspondante (seul chiffre connu), ce qui fut loin d’être toujours le cas. Le prix de revient des produits, estimés à 2 frs le kilo de caoutchouc et 10 frs le kilo d’ivoire, est acceptable jusque vers 1920, beaucoup moins sûr ensuite car, même en Afrique, les prix d’achat au producteur s’élevèrent sensiblement avec l’apparition de la concurrence, surtout en 1925-1926, et les tarifs du fret suivirent le mouvement général de hausse13. Cependant, la confrontation avec les bénéfices bruts déclarés de l’entreprise est assez positive, au moins jusqu’à la guerre. La Société, comme il était prévisible, sous-estimait ses gains — ce qui lui permettait de réduire d’autant la part bénéficiaire de l’État —, surtout lorsqu’ils atteignaient des taux inespérés (par exemple en 1910, année maximum où un bénéfice brut déclaré de 3 300 000 frs masquait un bénéfice réel de l’ordre de 5 millions).
12On peut en inférer que les taux de profit réels de la Société (rapport des bénéfices nets aux capitaux versés) étaient nettement supérieurs aux taux apparents. Or, en dépit de l’éloignement et de la faible rentabilité de la zone, ceux-ci furent considérables jusqu’à la guerre, culminant aux alentours de 100 % à l’époque du boom du caoutchouc (1906-1910) :
13La production du caoutchouc était étroitement solidaire du cours mondial du produit : maxima en 1911-1912, à la suite de la hausse de 1910, elle s’accrut encore en 1916-1919 (450 t), au moment de l’effort de guerre qui, en classant le produit parmi le matériel stratégique, garantissait le marché de l’État. Mais, après 1920, la Société abandonna progressivement le caoutchouc qui, compte tenu de la dépréciation du franc, lui rapportait de moins en moins.
14Quant à l’ivoire, produit riche mais rare, sa production se stabilisa rapidement entre 20 et 30 t à partir de 1905, lorsque les premières réserves thésaurisées par les chefs furent épuisées. Le produit ne fournissait alors qu’une ressource d’appoint, régulière mais limitée (3 à 400 000 frs en moyenne). Or, il est intéressant de constater qu’après 1920, malgré une production constamment décroissante, l’ivoire, à la suite de la montée en flèche de cet article de luxe en voie de disparition, se mit à rapporter plus que le caoutchouc. Grâce au volume très faible des transactions qu’il exigeait, il permit, en somme, à une Société en demi-sommeil de subsister jusqu’à sa liquidation définitive.
15La Société renonça à exploiter sa concession au moment de la guerre. En 1917, elle réduisit son capital aux 3 600 000 frs effectivement versés14 et rendit à l’État les 3/5 de son domaine — tous ceux qui, situés au nord du parallèle 6°30’, étaient effectivement laissés en friche15. Puis elle adopta une vie au ralenti, réduisant au minimum ses frais généraux, et arrêta ses opérations sur le caoutchouc. En 1920, elle entreprit le remboursement progressif du capital, opération achevée en 1926. L’abandon définitif de la concession fut ratifié en 192216.
16Dès lors la Société tenta sans succès d’effectuer sa mutation commerciale sur un domaine dorénavant ouvert à l’économie concurrentielle grâce à la route Bangui- Bangassou achevée en 1923. Elle souscrivit à partir de 1920 une participation importante (un million, porté à 3,6 millions en 1924) à la Société du Centre Afrique, la Cie Commerciale de l’A.E.F. et surtout la Société d’Entreprises Africaines, fondée en 1922, dont les opérations s’annonçaient prospères en Afrique occidentale17.
17Après avoir envisagé son absorption par la S.E.A., la Cie des Sultanats décida finalement, en 1927, sa liquidation anticipée en faveur de la Société Nouvelle des Sultanats du Haut-Oubangui, au capital de 10 millions de francs, doublé l’année suivante18. L’affaire eut la malchance de démarrer au moment de la grande crise. En outre, le chef de poste de Kinshasa, convaincu de malversations et de trafic de marchandises avariées, lui fit perdre aussitôt près de 5 millions19.
18Bien que la Compagnie se fût assuré « la représentation exclusive, pour toutes nos régions, d’un très grand magasin de Paris », avec le projet de propager auprès de la clientèle européenne « et même indigène » une série de « catalogues de nouveautés » et d’organiser la vente en gros grâce à ses centrales d’achat, les pertes du premier exercice (1927/1928) se montaient déjà à 4,6 millions. L’année suivante, la Société, afin de réduire les frais généraux, donna l’ordre absolu de fermer tous les comptoirs qui, individuellement, ne produisaient pas de bénéfices. Puis elle interdit « tout achat de produits coloniaux » et limita son activité à la vente des marchandises européennes, avec rapatriement immédiat des sommes ainsi perçues. Le nombre des agents dans la colonie, encore de 39 en juin 1929, tomba à 15 l’année suivante. En 1930/1931, les pertes n’en avaient pas moins atteint les trois quarts du capital. La Société se limita aux deux comptoirs de Brazzaville et de Bangui et loua le reste chaque fois que l’occasion s’en présenta.
19En novembre 1935, l’incendie du magasin de Brazzaville acheva de ruiner l’entreprise20. Elle dut céder à la banque créancière ses 42 000 actions de la Société d’Entreprises Africaines et l’ensemble de son actif réalisable au Congo Belge et en A.E.F. L’affaire se trouva réduite au seul magasin de Bangui21.Ce dernier témoin de la prospérité passée fut fermé en 1940. La Compagnie entra en liquidation en 1947.
20Jusqu’à la première guerre mondiale, la Cie des Sultanats du Haut-Oubangui fut le modèle d’une exploitation de traite privilégiée qui fut aussi pratiquée, avec un succès moindre, dans les concessions voisines de la Kotto et du Kouango, auxquelles la rattachaient des liens étroits22. Avec un total de 3 762 802 frs versés au titre de la redevance fixe et de la part de 15 % sur les bénéfices, ce fut, et de loin, la Compagnie qui rapporta le plus à l’État, tout en ayant le moins investi. Mais, malgré son privilège, malgré ses procédés systématiques de ratissage des produits et son utilisation du pouvoir despotique des sultans, sa réussite fut brève. Les dividendes distribués furent généreux sans être excessifs23. Les derniers furent accordés en 1912. Ensuite, le cours des actions tomba rapidement, et se releva à peine après la réforme de 1918 :
21La Cie des Sultanats, seul fournisseur des sultans, seul détenteur des moyens de transport, du ravitaillement, des armes, du numéraire et des produits, qui avait « régné » sans partage pendant douze années consécutives, fut incapable de s’adapter aux formes nouvelles de l’économie commerciale. Et la poésie nzakara a gardé le souvenir vivace de cette colonisation déprédatrice, avec son cortège de pillards et de parasites — « maîtres » européens d’une part, soldats et traitants noirs de l’autre, éléments d’une nouvelle couche sociale d’intermédiaires prêts à exploiter le pays comme employés des Blancs24.
II. DE L’ÉCONOMIE DE CUEILLETTE A UNE ÉBAUCHE D’INDUSTRIALISATION : LA COMPAGNIE FRANÇAISE DU HAUT-CONGO
22La Compagnie Française du Haut-Congo a déjà donné lieu à des études de qualité. Pour connaître la genèse et le déroulement de son histoire, nous nous contenterons d’y renvoyer le lecteur25. Notre objet sera surtout de dégager l’originalité de cette Société face à ses voisines. Elle fut, en effet, unique en son genre. Installée solidement, dès le début du siècle, sur un territoire apparemment peu favorable, humide et inondé, elle sut, à l’aide de méthodes traditionnelles relevant presque uniquement de la première phase coloniale, s’assurer entre les deux guerres une place de premier plan dans l’économie congolaise, en se consacrant à la fabrication et la commercialisation d’un produit d’exportation privilégié : l’huile de palme.
1. Une médiocre entreprise de traite jusqu’à la guerre
23Les cinq frères Tréchot furent, nous avons déjà eu l’occasion de le mentionner, des pionniers du Congo26. A la différence de nombre d’autres concessionnaires, ils avaient dès le départ une bonne connaissance du pays sur lequel ils lancèrent, comme les autres, une petite entreprise à faibles capitaux.
24De même que la Cie des Sultanats sut adapter au service de son privilège les structures politiques préexistantes, la C.F.H.C. tira admirablement parti de son monopole, grâce au moteur économique mis à sa disposition par l’appareil colonial : l’impôt de capitation. Son ressort fut d’acheter bon marché, de vendre cher et de sous-payer ses employés27. En ce sens, elle offrait un bon exemple d’une de ces sociétés de traite déprédatrices de la première phase coloniale. Son emprise sur son territoire fut inégalée, sauf peut-être par la S.H.O. Elle le devait à l’utilisation judicieuse de son dispositif hydrographique qui lui permit de constituer « un bloc difficile à entamer »28. Tous ses établissements jalonnaient les rivières. Sur celles-ci, elle veillait à réserver à sa flottille le monopole de l’approvisionnement et des transports29. Nulle part les administrateurs, ni les concurrents, isolés et sans moyens, ne furent en mesure d’intervenir.
25L’énergie des frères Tréchot, seuls maîtres apparents du pays, leur valut auprès des populations locales, en dépit de méthodes commerciales rigoureuses, une incontestable popularité, faite d’un mélange de crainte et de respect, non dénué d’une certaine familiarité autorisée par leur bonne connaissance des langues, des hommes et du pays30. Cependant, l’affaire subsista médiocrement jusqu’à la première guerre mondiale. Avant tout société de traite, la C.F.H.C. réduisit au minimum ses activités commerciales. G. Mazenot à démontré, chiffres en main, le peu d’importance que représentait aux yeux des Tréchot le commerce des boutiques de brousse, utilisé à seule fin de ratisser les produits, avant même la constitution, en 1911, de la Cie Française du Bas-Congo spécialement destinée à assumer le secteur commercial de l’entreprise31.
26La confrontation des bénéfices réalisés dans les comptoirs et de ceux effectués sur la revente des produits prouve que, jusqu’à l’apparition de l’huile de palme (en 1912), l’affaire ne tira pas non plus un profit excessif de la commercialisation de l’ivoire et du caoutchouc sur les marchés européens32.
27Le pays ne regorgeait pas, en effet, de caoutchouc. Après des débuts prometteurs (82 t en 1906), les exportations excédèrent rarement une quarantaine de tonnes, sauf à l’époque de l’effort de guerre (135 t de 1916 à 1918)33.
28Cette production, de dix fois inférieure à celle des Sultanats, ne représentait que 2 % des exportations du Congo et ne suffisait guère à faire prospérer la Société34. La C.F.H.C. subsista donc, à partir de la crise de 1907-1908, comme les Sultanats le firent après la chute du caoutchouc de 1920, grâce à ses récoltes d’ivoire, relativement beaucoup plus importantes puisque, avec une production de 25 t en moyenne (analogue à celle des Sultanats), elle assura jusqu’à 22 % des exportations congolaises35.
29La Cie des frères Tréchot fut la plus entreprenante des sociétés concessionnaires. Il n’empêche que ses résultats financiers, sans atteindre le même niveau d’inefficience que les Sultanats, furent très modérés. Si l’on en croit les chiffres, la Société aurait tout juste investi en quinze ans (total, en 1914, des immobilisations non amorties + autofinancement) l’équivalent du capital appelé (2 472 000 frs). De plus, sur cette somme, 1 600 000 frs représentaient les avoirs de l’ancienne Société Tréchot reprise en compte par le régime concessionnaire ; les amortissements (1 114 800 frs) avaient été exagérés par des astuces comptables afin de minimiser les bénéfices, donc la part réservée à l’État. Les immobilisations en Afrique augmentèrent de 850 000 frs seulement de 1900 à 1914. Inscrites au total, à cette date, pour 822 000 frs (amortissements déduits), elles représentaient alors le quart de l’actif (contre près de 60 % à l’origine). L’autofinancement se serait limité, outre les amortissements, à un demi-million (325 000 frs de « provisions spéciales » et 210 000 frs de « solde reporté », dont la quasi-totalité dans les années difficiles 1912-1913).
30Ce peu d’envergure financière rejaillit sur les taux de profit qui, étroitement liés au cours du caoutchouc avant la guerre, se stabilisèrent seulement à un niveau relativement élevé à la suite du démarrage de l’huile de palme :
31Bien que l’entreprise eût régulièrement distribué des dividendes entre 1904 et 1912 — ce qui était exceptionnel parmi les compagnies concessionnaires du Congo — le cours des actions, au mieux légèrement supérieur à leur valeur nominale, révélait le caractère modéré de sa réussite, momentanément très ébranlée par la guerre puisque l’action de 400 frs tomba à 295 frs seulement en 1917.
32L’affaire végétait d’autant plus que le pays était encore très mal pénétré. La C.F.H.C. s’était d’abord établie sur le bas fleuve et sur la côte (à Matadi, Brazzaville et Loango) et avait acquis en 1901 un terrain à Kinshasa, au point terminus du chemin de fer36. Sur sa concession, elle n’occupait alors que Bonga et Boubangui. Certes, dès 1903, elle s’enorgueillissait de vingt et un centres dans la Likouala-Mossaka, occupés par dix-sept Européens et six employés africains, sans compter une dizaine de traitants noirs qui rayonnaient autour des factoreries37.
33Mais les tentatives vers l’intérieur se soldaient régulièrement par des échecs et des pillages de factoreries : sur la Mossaka, le magasin de N’Dollé dut être abandonné en 1901. Loboko fut incendié en avril. Les frères Tréchot réglèrent eux-mêmes la palabre en imposant une indemnité aux habitants. Bien que l’affaire fût montée à Brazzaville, elle se conclut l’année suivante par un non-lieu et l’attribution de la légion d’honneur à François Tréchot38. En 1903-1904, ces troubles sporadiques n’en justifièrent pas moins dans la région, où se n’était aventuré aucun administrateur depuis l’exploration de Jacques de Brazza en 1885, l’envoi d’une tournée de police administrative dirigée par l’inspecteur Bobichon qui créa les postes de Makoua et de Fort-Rousset et perçut les premières capitations39.
34Cependant, l’agitation persistait. A son tour, le magasin de Ngondo fut brûlé. En 1905, l’envoi dans la Mossaka d’une colonne répressive de cinquante « sapeurs armés » ne calma pas les esprits, irrités par les progrès de la perception de l’impôt. En 1908, un agent européen fut tué avec quatre de ses hommes par les habitants du village Ifula, à deux jours de marche du nord de Boundji. Seuls étaient alors contrôlés les villages riverains du Congo jusqu’à l’embouchure de l’Alima, du Kouyou jusqu’à Fort-Rousset, et de la Likouala-Mossaka jusqu’à Makoua : « On peut difficilement imaginer, après trente ans de présence française, un vide administratif plus profond. »40
2. L’huile de palme
35Tout fut modifié dans les années qui précédèrent immédiatement la guerre. L’occupation du pays, réalisée de 1910 à 1913, et l’essor de l’huile de palme assurèrent la fortune de la C.F.H.C. jusqu’à la grande crise.
36Les Tréchot avaient en effet compris que la pénétration administrative était irréversible, et qu’elle servirait finalement leurs intérêts en surveillant des populations peu disposées à souscrire de leur plein gré aux exigences des agents des factoreries41. De fait, ce fut l’Administration qui s’avisa la première d’encourager dans le pays la commercialisation de l’huile de palme. Ce fut elle qui, pour faciliter l’approvisionnement de Brazzaville et provoquer la fabrication en grand, obtint de la Cie des Messageries Fluviales un tarif préférentiel, offrit d’acheter le produit 30 centimes le kilo, soit le double du prix accoutumé, et surtout enjoignit aux administrateurs de faire aménager les palmeraies existantes et de créer des plantations nouvelles. Les palmeraies naturelles abondaient en effet dans la région : dans la Likouala (à N’Dollé, Loboko, Botouali, Bokanda), le Kouyou (Bokanda) et le long de l’Alima, de Sainte-Radegonde à N’Counda sur le Congo. Un expert des Huileries du Congo Belge estimait en 1928 leur superficie à plus de 5 000 ha de palmiers Eloeis et 4 000 ha de palmiers-bambous42.
37Sous cette vigoureuse impulsion, les exportations démarrèrent. Les frères Tréchot urent l’intelligence de s’adapter au nouveau produit.
38Il semble que la Société n’ait d’abord songé à utiliser la présence de palmiers sur son territoire que pour en monnayer l’éventuelle cession au groupe Lever. Au moins est-ce sous ce prétexte qu’elle reprit, en août 1912, la concession de l’Alimaïenne aux intérêts allemands qui venaient de l’acquérir du groupe Fondère, afin de négocier sa renonciation moyennant une donation de 50 000 ha en toute propriété43. Dans la nouvelle entreprise dite Société des Huileries du Congo Français, Lever aurait assumé la totalité du capital d’exploitation, contre l’appropriation des 50 000 ha et l’assurance que la récolte des palmeraies naturelles et l’exportation de l’huile seraient dorénavant considérées comme mise en valeur donnant droit à l’attribution de terres. Les « exigences exagérées de M. Tréchot, non seulement pour les apports de sa Compagnie, mais surtout pour son expérience, ses connaissances personnelles, etc. » firent échouer, peut-être à dessein, les tractations44.
39La C.F.H.C. paraît s’être dès lors résolue à lancer l’exploitation pour son propre compte. L’huile faisait déjà l’objet d’un commerce relativement important dans ses comptoirs de la Mossaka et du Kouyou, où la Société en avait acheté 45 000 l en 1911 et 30 000 en 1912. Mais, en dépit des efforts de l’Administration, la Compagnie s’était refusée jusqu’alors à exporter elle-même le produit. Elle se contentait de le vendre aux bateaux qui faisaient escale à Mossaka, et utilisait le surplus comme lubrifiant pour ses propres navires. Elle prétendait même que si le chemin de fer belge abaissait ses tarifs, elle aurait eu intérêt à importer de France des huiles plus pures qui ne détérioreraient pas ses machines, et assurait que le prix de revient après épuration s’opposait à toute exportation vers l’Europe45. Quant aux palmistes, la Société les considérait comme appelés à un avenir presque nul. L’agent général assurait encore en 1914 que « l’indigène n’en ferait pas un kilo » : le produit était alors exclusivement récolté par les soins de l’Administration qui le dirigeait sur la factorerie et assistait à la pesée et au paiement46.
40La même année, la C.F.H.C. n’en acheta pas moins 35 000 l d’huile (à 29 centimes le kilo) et 301 de palmistes47. En 1916 la moyenne des achats de palmistes atteignit de 15 à 20 t par mois dans la Likouala48. Le succès fut tel que la Compagnie entreprit d’exploiter ses propres plantations. Pour la première fois en 1916, le compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires fit état de l’importance de l’huile et des palmistes, dont la récolte avait été expérimentée à la fin de l’année précédente49. Les opérations paraissaient « susceptibles d’une extension considérable, nous offr[ant] mieux que des perspectives satisfaisantes ». En 1917, le Conseil déclarait à nouveau avoir trouvé dans « cette branche du commerce une compensation à l’avilissement des prix du caoutchouc ». Cependant, de 1913 à 1920, la C.F.H.C. ne planta que 60 000 palmiers, soit trois fois moins que l’Administration dans le même temps (185 000)50.
41La mévente fit momentanément abandonner la tentative : il était moins coûteux, en cas d’avilissement des prix, d’arrêter les achats aux producteurs traditionnels que de perdre une récolte sur pied. Reprises après la guerre, les plantations firent un bond après la crise de 1912 et passèrent, l’année suivante, de 135 000 à 180 000 palmiers. Les principales se trouvaient à Etoumbi (47 000 plants), N’Tokou-Rémondville (62 000), N’Tokou (32 000) et Obondjo (25 000)51. Mais elles étaient trop jeunes pour produire et la quasi-totalité, non seulement des palmistes, mais aussi de l’huile, continuait d’être fournie par la traite.
42La Compagnie s’efforça surtout de valoriser le produit en améliorant les procédés de fabrication de l’huile. Là encore, elle n’innovait pas : les premières usines pour le traitement de l’huile avaient été expérimentées en 1912 au Gabon52. Or c’est en 1923 seulement que la C.F.H.C. établit deux huileries à bras à Mossaka et Loboko, puis une à N’Tokou53. Après des essais concluants, elle poursuivit les installations au nord de M’Baiki, sur la rive gauche de la Lobaye, et passa progressivement à la vapeur. Mais en 1928, à la veille de la liquidation du régime concessionnaire, elle ne possédait encore que cinq huileries mécaniques (une à N’Tokou et quatre sur la Mossaka)54, dont deux inachevées55, contre vingt-neuf à main56.
43C’est alors seulement que, pour bénéficier de la toute propriété des terres mises en valeur, elle entreprit hâtivement de moderniser son équipement : en 1930, elle déclarait douze huileries à vapeur, dont dix en état de marche, susceptibles de produire chacune 600 t, sans compter 80 presses à main pouvant assurer chacune 50 t d’huile57. Mais dans le même temps, en raison de la crise, la Société renonçait momentanément à tout effort d’exploitation directe — si tant est qu’il ait jamais eu lieu sérieusement. En 1935, en effet, elle revenait officiellement à la traite traditionnelle, en adoptant, avec l’accord de l’Administration, le système du métayage : « Les indigènes ont la charge de l’entretien des plantations et de la cueillette des fruits, et nous les leur achetons, comme s’ils leur appartenaient, au prix fixé par l’Administration. »58 Le redressement ne s’ébaucha qu’à partir de 1936 : c’est de cette époque seulement que datent les plantations enfin exploitées régulièrement après la seconde guerre mondiale.
44La Compagnie eut certes le mérite d’intensifier sur son territoire la production de l’huile. En ce sens, et parce que cette denrée, à la différence du caoutchouc de cueillette, représentait une richesse réelle, son action fut positive. Mais elle usa jusqu’à la seconde guerre mondiale de procédés rudimentaires — se contentant en somme, sauf exception tardive, d’aménager modérément les techniques artisanales déjà en usage parmi les villageois. Elle continua d’investir au minimum et d’assurer la progression de ses bénéfices par des procédés commerciaux archaïques, fondés sur l’exploitation du producteur, puisque le tarif d’achat du kilo d’huile de palme oscilla entre 15 et 25 centimes seulement59.
45Le tableau, déjà dressé, des résultats d’exploitation démontre cependant la prospérité apparente de la C.F.H.C. dans les années 1925-193060. La distribution de dividendes continua d’être régulière et le cours des actions de 400 frs atteignit parfois des taux (jusqu’à 3 400 frs en 1928) qui, même en tenant compte de la dévaluation, excédaient largement la valeur nominale approximative — évaluée à 2 000 frs au maximum en 1926-1928. Mais le bilan, malheureusement fragmentaire, que nous avons pu établir des exportations de la C.F.H.C. (C.F.H.B.C. à partir de 1929) permet de constater le très faible progrès effectif de ses activités.
46L’exportation des palmistes atteignit dans les premières années son maximum (1 476 en 1918, 1 780 en 1932, soit seulement le cinquième ou le quart du volume total exploité par le Moyen-Congo)61. Ce blocage reproduisait le processus suivi une quinzaine d’années auparavant par le caoutchouc qui, obtenu par des procédés analogues de traite et sous la pression de l’impôt de capitation, s’était heurté dès le départ à un seuil que les concessionnaires n’avaient pas non plus été capables de franchir. Un progrès réel, mais de courte durée, se manifesta seulement au sortir de la crise, dans les années 1934-1944 (2 065 t en 1938, taux record d’avant-guerre, 2 900 t env. en 1944).
Carte 25. Le territoire de la C.F.H.C. vers 1930.
Sources :
— Carte jointe au Rapport Laperge, Brazzaville, 19 mars 1929, Conc., LI(7)-C(9).
— Carte dressée par la C.F.H.B.C., compte rendu à l'Assemblée générale des actionnaires, exercice 1933 (Arch. Crédit Lyonnais).
— Carte des zones de protection en 1930, A.E.F. XV, A(l).
— Carte du domaine de la C.F.H.B.C. en 1952, Sautter [117], p. 303.
Légende :
1. a) Principales pistes existant vers 1930 b) Pistes carrossables à la même époque
2. Frontière actuelle avec le Gabon
3. Village
4. Chef-lieu ou poste administratif
5. Zone marécageuse ou inondable
6. a) Factorerie en 1930
b) Factorerie subsistant en 1952
7. Plantations villageoises en 1930 (palmiers, cultures vivrières)
8. Zones de protection accordées en 1929 à la C.F.H.C
a) Avec plantations de palmiers et cultures vivrières
b) Avec plantations de palmiers, cultures vivrières, cacaoyers, caféiers, arbres fruitiers
9. Plantations nouvelles ou aménagées depuis 1950
10. Huileries existant en 1930
a) A main
b) A vapeur
11. Huileries établies après 1930
a) A main
b) Mécaniques
12. Briqueries fonctionnant vers 1930
47Avec la multiplication des presses à bras, le progrès de l’huile fut plus sensible. En ce domaine, la C.F.H.C., parce qu’elle était la seule entreprise qui se fût adonnée à la transformation sur place du produit, assurait la quasi-totalité des exportations du pays. Mais, en triplant à peine de 1920 à 1928, la production restait très limitée. Avec 700 t environ, on était loin de la capacité d’affinage de 10 000 t d’huile, annoncée par la Compagnie !
48Le problème était celui de la traite : puisque en moyenne une tonne d’huile nécessitait six tonnes de noix, il aurait fallu décupler l’approvisionnement qui stagnait aux alentours de 5 à 6 000 t. On en revenait non seulement à la nécessité d’aménager méthodiquement les palmeraies naturelles et de créer des plantations nouvelles, mais aussi à l’impasse de la main-d’œuvre. Celle-ci, déjà insuffisante pour assurer la cueillette, était gaspillée par le portage, et par les procédés manuels de préparation des palmistes destinés à l’exportation. Malgré leur éparpillement, imposé par l’obligation de traiter les noix dans les trois ou quatre jours qui suivaient la cueillette, les presses à main et les usines n’évitaient pas aux récolteurs « de longs et pénibles transports [...], le plus souvent effectués par des moyens rudimentaires, soit en pirogues soit à dos d’homme ou, plus exactement, hélas ! à tête de femme » !62 Un concasseur fut expérimenté à Loboko en 1929 seulement63. Là encore, les effets de la mécanisation se firent seulement sentir après 1930. Cependant, toujours faute de produit, la C.F.H.B.C. fut contrainte d’en revenir, après la seconde guerre mondiale, aux presses à bras, se reportant ainsi trente années en arrière64.
49Non sans quelque raison, la C.F.H.C. fut donc, à l’époque, accusée de pratiquer une exploitation éhontée du pays : « On voit, par ces chiffres, les bénéfices invraisemblables que la Compagnie a encaissés en 25 ans, alors qu’elle maintenait les possessions concédées dans un état de servage économique inouï et prélevait 75 % sur la production indigène. »65
50Le fait est — comme l’a mis en lumière Gilles Sautter — que les habitants n’ont tiré nul profit de sa présence : « Dans un pays livré au commerce européen depuis plus de cinquante ans, la pauvreté des garde-robes, l’indigence des mobiliers, le rôle minime des objets importés ne sont pas des signes encourageants. »66 Les calculs auxquels se livre cet auteur pour les années 1950 prouvent que l’apport d’argent frais était alors minime. Ceux que nous avons fait pour l’époque antérieure, en systématisant l’approche partiellement tentée par G. Mazenot pour l’année 1920, tendent à démontrer qu’il en fut toujours ainsi.
51Les sommes très limitées mises en circulation par la Compagnie furent constamment absorbées, pour leur quasi-totalité, par la capitation. Le surplus, négligeable, ne permettait guère au pays de sortir de son dénuement ni de briser le cercle de l’auto-subsistance67. Au moins en fut-il régulièrement ainsi jusqu’en 1920, car nous ne connaissons au-delà le détail ni des exportations de la Société (que les bilans ne mentionnent plus régulièrement), ni du produit de l’impôt.
52Insistons tout d’abord sur le fait que le tableau ci-dessus, établi à partir de multiples approximations (équivalence entre la quantité produite et le volume exporté, prix d’achat des produits, nombre d’habitants, etc.) ne peut fournir, au mieux, qu’un ordre de grandeur. Celui-ci n’en est pas moins éclairant. En premier lieu, les progrès réalisés par la C.F.H.C. furent régulièrement épongés par ceux de la perception de l’impôt — au point que durant les années de guerre 1914-1915, les habitants durent, pour l’acquitter, prélever soit sur leurs réserves, soit sur leurs revenus parallèles non contrôlés par la Compagnie (fournis essentiellement par la vente du manioc)68.
53Apparemment, la période la plus bénéfique pour le pays fut antérieure à la guerre, et donc, aussi surprenant cela puisse-t-il paraître, à la traite de l’huile : les disponibilités laissées à chaque habitant furent maxima en 1910, la grande année du caoutchouc (3,28 frs, tombées à 15 centimes seulement en 1920 !). Ne nous laissons pas, cependant, abuser par les chiffres : à cette époque le numéraire, introduit seulement en 1912, n’avait pas encore fait son apparition et les Africains étaient exclusivement payés en marchandises surévaluées69. Mais ces pratiques se prolongèrent tardivement, si l’on en juge par la médiocrité persistante de l’encaisse de la Société au Congo (18 000 frs en 1905, 74 000 en 1908, chiffre retrouvé seulement en 1922 — mais en francs courants — et 186 000 en 1928, l’année de sa plus grande prospérité !70). Ce phénomène de baisse du niveau d’achat moyen au fur et à mesure de l’essor apparent de la Société est à retenir : quand viendra le moment de dresser le bilan économique de trente années de colonisation, nous le retrouverons, peu ou prou, à travers tout le pays — sauf sur le littoral gabonais.
54L’appauvrissement général connut probablement une brève période d’accalmie dans les années d’euphorie 1926-1928. Le bond des cours en Europe entraîna en Afrique une hausse générale du prix des produits. Les palmistes, achetés jusqu’à 60 centimes le kilo par les commerçants libres, ne le furent certainement guère plus de 30 à 40 centimes en territoire concessionnaire71. Cela suffit pour donner au pays, durant quelques mois, un certain élan.
55Celui-ci fut à l’origine des mesures très libérales adoptées à l’expiration de la concession en faveur d’une Société dont les rapports se plaisaient alors à souligner l’exceptionnelle réussite.
3. La liquidation de la concession
56En 1929, l’inspecteur Laperge, chargé de liquider le régime concessionnaire, estimait en effet que seules la C.F.H.C. — et l’Alimaïenne qu’elle s’était annexée depuis 1912 — pouvaient « être considérées comme ayant atteint, dans leurs grandes lignes, les objectifs essentiels que leur fixaient les actes de 1899 »72. Aussi se montra-t-il favorable à la requête présentée par la Société de conserver le monopole d’exploitation des palmiers à huile de son ancienne concession, à condition d’imposer un tarif minimum d’achat (10 centimes le kilo de noix de palme et 60 centimes le kilo de palmistes)73. La mesure s’apparentait au monopole d’achat que l’on prévoyait au même moment d’accorder en Oubangui-Chari et au Tchad aux Sociétés d’égrenage du coton. Elle avait reçu sur la concession un début d’exécution puisque les droits d’exploitation des deux Sociétés (C.F.H.C. et Alimaïenne) furent prorogés à plusieurs reprises pour les oléagineux entre 1928 et 193074.
57Mais le Département préféra lui substituer un moyen terme qui s’inspirait des avantages déjà reconnus au Congo Belge75, et de ceux accordés depuis 1913 aux installateurs d’usine au Nigeria et en Gold Coast76 : la reconnaissance d’une zone de protection contre l’installation des tiers accordée, pour dix ans, dans un rayon de trente kilomètres autour des établissements industriels existant ou à créer capables de traiter au moins quatre tonnes de fruits par jour. La Société recevait, en outre, à titre gratuit, à proximité de chaque huilerie mécanique, la concession provisoire de 2 000 ha (maximum) avec promesse d’attribution ultérieure en toute propriété des portions plantées en palmiers77.
58Bien qu’il fût spécifié que la Société ne recevait « aucun privilège de récolte ou d’achat sur le domaine de la colonie »78, il est évident que la mesure équivalait à confirmer son monopole, puisque la dissémination de ses installations garantissait la quasi-continuité de la zone protégée. Cependant, aucun concurrent ne s’étant manifesté, la C.F.H.B.C. estima ne pas retirer d’avantages suffisants, et refusa d’entériner la Convention79. De fait, elle n’en eut pas besoin pour poursuivre l’exercice de son privilège, et la plupart des Africains continuèrent d’ignorer leur droit à commercialiser les produits à leur gré. Quant à la Société, elle se fit attribuer en 1935, en application des mesures concernant la mise en valeur des territoires concédés, plus de 50 000 ha en toute propriété80.
59Depuis la fin du régime concessionnaire, les Tréchot avaient réalisé la fusion entre l’ancienne C.F.H.C.-Alimaïenne et la Cie Française du Bas-Congo (C.F.B.C.), compagnie-sœur qui exploitait depuis 1911 les comptoirs et les hôtels situés hors concession81. Celle-ci, tout en s’assurant, sauf pendant la guerre, des bénéfices réguliers qui lui permirent d’accroître progressivement les dividendes distribués, ne connut une prospérité comparable, après 1920, ni à celle de la C.F.H.C., ni à celle des grandes Sociétés de commerce qui démarrèrent vers cette époque (S.H.O., plus tard C.F.S.O., puis C.P.K.N.-S.C.K.N.)82. Si les activités commerciales des frères Tréchot profitèrent peu de l’essor d’après-guerre, c’est que la Société ne chercha guère à s’adapter en diversifiant et en améliorant ses importations. Elle se limita surtout à l’exploitation d’hôtels qui immobilisèrent ses capitaux et la condamnèrent à une sclérose progressive83.
60Constituée en 1928, la C.F.H.B.C. fit passer son capital de 2 à 4 millions dès l’année suivante. Précisément parce que ses opérations commerciales demeuraient limitées, l’exploitation de son fonds immobilier et la traite des palmistes lui permirent partiellement d’éponger les pertes essuyées et l’ensemble traversa la crise sans trop de dommages, grâce à la prime à l’exportation accordée par le Parlement84. Mais la traite traditionnelle avait ses limites ; à peine sortie du marasme à la veille de la seconde guerre mondiale, la Société y retomba bientôt, faute d’avoir su réviser à temps des méthodes périmées d’exploitation. Malgré le soutien de. la Banque d’Indochine, qui tenta après 1950 un sérieux effort de rénovation, elle disparut en 1965, cédant ses plantations à l’État congolais85.
III. DE LA TRAITE DU CAOUTCHOUC AUX PREMIÈRES PLANTATIONS : LA COMPAGNIE FORESTIÈRE SANGHA-OUBANGUI
61Née officiellement en 1910 pour reprendre les concessions de la plupart des Sociétés du Moyen-Congo et de l’Oubangui-Chari, la Cie Forestière fut la dernière des compagnies concessionnaires puisque son privilège expira en 1935 seulement.
62La C.F.S.O. présente le meilleur exemple d’une de ces Sociétés de transition qui, tout en tirant le plus clair de ses revenus de son privilège traditionnel — exploité jusque dans les années 30 avec les procédés archaïques de la première phase coloniale — tenta vainement de s’adapter à l’économie de traite contemporaine par l’extension de ses transactions commerciales et, dans une moindre mesure, l’expérience de ses premières plantations. L’échec de la Société, au moins jusqu’à la seconde guerre mondiale, met, une fois de plus, en lumière les difficultés inhérentes au pays — sous-peuplement, absence de ressources valables, éloignement de la mer —, accentuées par un système colonial déficient — impéritie du contrôle administratif, insuffisance des travaux d’infrastructure, pénurie des moyens de transport, manque dans tous les domaines de moyens, de main-d’œuvre et de cadres.
63Constituée à dater du premier janvier 1910 avec un capital de douze millions — dont cinq seulement apportés en espèces —, la Cie Forestière occupait, à l’origine, entre le Congo et l’Oubangui d’une part, et la Sangha de l’autre, une superficie de près de dix-sept millions d’hectares, sur lesquels le privilège fut réduit à l’exploitation du caoutchouc pour dix ans86. En 1920, la superficie concédée fut ramenée à cinq millions d’hectares. Le privilège fut maintenu pour quinze ans. La redevance n’était plus fondée sur une participation aux bénéfices, mais sur un prélèvement progressif sur le prix de vente en Europe du caoutchouc récolté. On prévoyait également pour les récolteurs des salaires progressifs qui ne furent jamais appliqués. En 1925, la Cie Congo-Cameroun, ex-Ngoko-Sangha, s’intégra à l’ensemble87.
64Malgré quelques prétentions à l’exploitation directe, précocement abandonnées, la Compagnie se contenta de pratiquer l’achat traditionnel aux populations locales, contraintes à la récolte par la nécessité d’acquitter leur impôt88. Il est remarquable de constater, malgré l’effondrement des cours du caoutchouc (sauf en 1925-1926), l’effort fourni en ce domaine grâce aux procédés de contrainte déjà décrits et à l’association traditionnelle concessionnaire-administrateur encore stigmatisés par André Gide en 192789. La production s’accrut rapidement jusqu’en 1917, année où l’effort de guerre lui permit d’atteindre son apogée (1225 t). Ensuite, elle resta jusqu’à la seconde guerre mondiale presque constamment supérieure à celle d’avant-guerre, preuve que la Société, devenue pratiquement la seule exportatrice de caoutchouc du Congo, demeurait avant tout fidèle à son objet malgré la dépréciation constante du produit sur le marché mondial.
65Les mobiles de la Compagnie étaient clairs : « Notre principale exploitation demeure toujours celle du caoutchouc. C’est celle qui nous assure les bénéfices les plus élevés, tant à cause de la marge importante du profit brut au kilogramme, qu’à cause du fort tonnage de l’exportation. Parmi tous les produits que peut nous fournir l’Afrique nous n’en voyons aucun présentement susceptible de tenir dans notre mouvement d’affaires la même place que la précieuse gomme. Si nous y comparons respectivement l’article le plus riche et le plus rémunérateur, l’ivoire, et l’article le plus abondant, l’huile de palme, nous constatons que, pour équivaloir au bénéfice laissé par 338,5 tonnes de caoutchouc (notre production en 1915), il faudrait, dans les conditions actuelles, environ 150 tonnes d’ivoire ou 15 000 tonnes d’amandes [ . . . ]90. La sagesse consistera, pour nous, à comprimer toujours davantage nos prix de revient. »91
66C’était, en effet, la seule solution si la Société voulait pallier la baisse des prix de vente qui, entre 1910 et 1921, atteignit le rapport de 1 à 1892. La mise en commun de l’exploitation permit aux Sociétés d’origine, aussitôt qu’elles eurent achevé les aménagements indispensables, de restreindre énergiquement les frais généraux, surtout dans les premières années. Après la guerre, l’accroissement de ceux-ci demeura inexistant, eu égard au renchérissement de la vie :
67Mais l’effort fut chèrement payé par le pays. En effet, il se traduisit surtout par la réduction du personnel dirigeant. En 1913, la C.F.S.O. comptait 136 agents européens au Congo. En 1924, ils n’étaient plus que 18. En 1929-1930, leur nombre était tombé à 7 seulement sur l’ensemble de la Forestière et de la Congo-Cameroun. La récolte reposait sur la « formule plus économique [et] l’emploi plus judicieux du concours de l’élément indigène », sous la forme pernicieuse des capitas, chefs d’équipe responsables. Quant aux salaires payés aux travailleurs des plantations, ils restaient, sauf à la côte, « parmi les moins élevés du monde »93.
68Autrement dit, en 1930 comme au début du siècle, il s’agissait d’une exploitation intégralement déprédatrice qui, malgré les promesses faites, n’avait tenu aucun de ses engagements, notamment en matière de service médicaux ou d’écoles professionnelles, sur une concession dont le prix de revient total, de l’aveu même de la Société, n’avait pas excédé 6 902 000 frs94.
69Mais, en dépit des efforts de la C.F.S.O., la cause du produit de cueillette était perdue. Son caoutchouc, considéré comme la marque standard des gommes africaines, était vendu à un prix de 25 % inférieur au « first latex » de plantation95.
70Après un bon départ dans les années précédant la guerre, les taux de profit s’écroulèrent bientôt. A partir de 1920, après réduction en francs constants, ils furent toujours inférieurs à ...1 % :
71Sauf à de rares périodes, la Société fut déficitaire et distribua seulement quatre fois un dividende, de 1924 à 1928. En 1924 elle dut pour résorber ses pertes ramener à 12 millions un capital qu’elle avait tenté de doubler en 1920. Son équilibre provisoire fut à nouveau brutalement interrompu par la crise de 1929 : les actions de 100 frs, cotées 250 frs à leur négociation en 1911 et montées jusqu’à 900 frs en 1925, tombèrent à 79 frs seulement en 193096.
72Si la Société résista si longtemps, c’est qu’à la différence des concessionnaires d’avant 1914, elle était soutenue par de solides intérêts bancaires. Le Conseil d’administration d’origine rassemblait le groupe des industriels du nord97 et les intérêts Belges98. La liquidation des actions des Sociétés fusionnantes donna l’occasion de les concentrer en deux parts99 : 50 000 actions furent réparties entre les liquidateurs et 70 000 furent remises en bloc à des « groupes financiers » — selon toutes vraisemblances la Banque Commerciale Africaine, la Banque Française de l’Afrique Équatoriale, la Banque Gunzburg et la Banque Française pour le Commerce et l’Industrie100.
73A partir de 1925, les augmentations de capital (de 12 à 18 millions en 1925, puis à 24 millions en 1927 et 36 millions en 1928) furent également assurées par les banques, notamment l’Union Minière et Financière Coloniale (30 000 actions) et Buurmans (10 000 actions). L’ambition toujours déçue de la C.F.S.O. était, en effet, d’imiter « cette autre ancienne affaire africaine qui, menée par un groupe actif et hardi, a créé filiales sur filiales, a absorbé de nombreuses entreprises et, partie d’un capital de 8 millions, est arrivée à mobiliser en deux ans plus de 150 millions »101. Convaincue de la nécessité nouvelle d’investir en Afrique, la Compagnie voulait « tenir son rang » parmi les « 5 ou 6 milliards nouveaux de capitaux français ou étrangers » qu’elle prévoyait dans la zone dans un délai d’une dizaine d’années. Dès avant la guerre, elle avait proclamé sa volonté de se libérer par le commerce « de la spécialisation excessive à laquelle nous avait amené l’exercice de notre privilège de compagnie concessionnaire »102.
74En février 1915, au lendemain de l’intervention franco-britannique, la Compagnie installa ses premiers comptoirs à Douala. L’année suivante, elle doubla ses ventes totales de marchandises. En 1918, elle racheta à la Société Afrique et Congo ses immeubles de Brazzaville, Libreville et Loango. En 1920, en effectuant sa première augmentation de capital, elle proclamait sa volonté de faire :
« d’une Société créée en vue d’une exploitation unique [...], une entreprise à objets multiples, forestière, agricole, industrielle et surtout commerciale, traitant tous les produits utiles de l’Afrique tropicale, caoutchouc, ivoire, amandes et huiles de palme, copal, cacao, bois, etc., augmentant chaque jour ses ventes de marchandises importées d’Europe ; étendant ses installations et ses comptoirs sur le Cameroun, le Moyen-Congo, Kinshasa et la région côtière gabonaise. »103
75La Compagnie eut la malchance de voir son entreprise compromise, au départ, par la crise survenue avant la fin de l’année. L’achat d’un immeuble à Paris (571 000 frs), d’un autre à Kinshasa (390 000 frs), de stocks de marchandises et d’un matériel automobile destiné aux transports sur route et dans les centres urbains (468 000 frs) représentaient des immobilisations exagérées104. Jusqu’en 1923, elle dut se ramasser sur sa concession. Mais, dès 1924, elle se remit à expédier des marchandises en Afrique au rythme d’un million et demi de francs par mois. Elle acquit de nouveaux terrains à Kinshasa et surtout à Pointe-Noire, « la grosse affaire de l’avenir » promise par le chemin de fer.
76La C.F.S.O. connut effectivement jusqu’en 1927, en chiffres absolus, une relative progression de ses activités commerciales hors concession qui continuaient cependant de représenter une part mineure de ses revenus, toujours assurés, pour les trois quarts au moins (sauf en période de crise), par le caoutchouc.
77En 1927, la C.F.S.O. acheta au groupe S.A.F.I.A. une série de lots forestiers au Gabon et crut donner à ses affaires l’impulsion définitive au créant, d’une part, la Société Générale Sangha-Likouala (S.G.S.L.) destinée à exploiter le domaine commercial du Moyen-Congo intérieur, et surtout la Cie Commerciale Sangha-Oubangui animée par Desouches, représentant de l’Union Minière et Financière Coloniale, dont elle se réserva 80 % des actions. L’entreprise, au capital de 20 millions de francs, reprit en location les comptoirs de la C.F.S.O. au Cameroun et en A.E.F., avec l’intention d’étendre son réseau de distribution à l’ensemble de l’Afrique Française105.
78Mais ces nouvelles ambitions sombrèrent dans la grande crise. Pour son premier exercice, la C.C.S.O. avouait un déficit de douze millions. La Cie Forestière fut contrainte de la céder à perte à la S.C.O.A., puissante rivale d’Afrique occidentale qui avait déjà tenté d’intervenir à sa création, et d’abandonner à son autre filiale (la S.G.S.L.) le fonds de commerce de Bangui. Elle se rabattit définitivement sur l’exploitation agricole et forestière de sa concession et des bois du Gabon.
79La disproportion entre l’importance relative des capitaux mis en œuvre et la médiocrité des résultats provenait en grande partie de l’inexpérience des animateurs de l’affaire, qui continuaient de vouloir gérer une entreprise de type moderne à l’aide des procédés périmés de la traite traditionnelle, notamment du fait de la valeur insuffisante de marchandises peu étudiées et exagérément surévaluées et de la valeur modique des investissements : ceux-ci, qui pourraient faire illusion en francs courants, se ramènent à fort peu de chose après réduction en francs constants. Aussi ne faut-il pas, au total, exagérer les efforts de la Compagnie : de 1909 à 1928, elle investit seulement 14 millions de francs constants (10 millions d’immobilisations et 4 millions d’autofinancement, redevables en partie à l’indemnité de 7,2 millions versée par l’Allemagne en 1923). Autrement dit, la C.F.S.O. investit juste l’équivalent du capital appelé (13,8 millions, après réduction des augmentations successives en francs constants) — exactement ce qu’avait fait avant la guerre, sur des sommes il est vrai plus limitées, la Cie des frères Tréchot.
80Outre qu’elle confirmait, ce faisant, sa vocation de société de pillage, la Cie Forestière posait aussi le problème de savoir si les techniques éprouvées des grandes Sociétés d’Afrique occidentale étaient immédiatement transposables en A.E.F. Certes, le sujet dépasse notre domaine puisque, pour près de la moitié des transactions, le champ d’action de la C.F.S.O. portait sur le Cameroun. Il n’en reste pas moins que, sur la majeure partie du territoire, malaisément pénétrable, sous-peuplé, moins ouvert au numéraire et dépourvu de produit de traite ou de cultures de plantation rentables, aux habitants souvent moins portés au commerce par leurs habitudes ancestrales, et généralement encore dénués de besoins que vingt années de régime concessionnaire n’avaient guère contribué à créer, les conditions étaient différentes. Un fait demeure : avant la seconde guerre mondiale, aucune entreprise commerciale d’envergure ne put y réussir, alors qu’elles assuraient en A.O.F., depuis la fin du siècle précédent, la prospérité de leurs promoteurs.
81Il restait cependant à la Cie Forestière à définir une activité de remplacement susceptible de prendre, à l’avenir, le relais du caoutchouc de cueillette. Elle fit, dans les premières années de son existence, une série d’expériences. Depuis 1919, elle exploitait les établissements forestiers de la S.A.F.I.A. à Mayumba. En 1921, elle participa à la constitution de la Cie générale des Bois Coloniaux, sorte d’ancêtre de l’Office des Bois, destinée à commercialiser sous une forme plus marchande les grumes fournies par les sociétés forestières africaines106. En 1924, une scierie installée au Gabon commença de débiter des traverses pour le chemin de fer. Dans le même temps, la Compagnie s’efforça, « partout où [son] action pouvait s’étendre sans de nouveaux frais », de développer, surtout au Cameroun, les achats aux producteurs d’amandes et d’huile de palme, de cacao et même, pendant la guerre, de copal. Mais l’effort, maximum à la suite de l’effort de guerre (1916-1920), fut toujours trop limité pour être rentable107. Il fut abandonné à la suite de la crise de 1921, faute de moyens d’évacuation et surtout d’un apport suffisant des Africains rebutés par la médiocrité des prix d’achat.
82La Compagnie comprit alors que le seul moyen d’assurer une production suffisante était d’aménager ses propres plantations. En application de la convention de 1920, elle commença par revendiquer l’attribution des 20 000 ha de palmeraies naturelles auxquels elle avait droit108 . Les terrains demandés, situés dans le Niari de part et d’autre de la route Bouenza-Kendi, autour de Sibiti et de Mouyondzi, posaient le problème des terres à réserver aux villageois. Ils n’étaient toujours pas attribués en 1927109. Pour la même raison, les 500 ha de palmeraies sollicités depuis 1925 à Bania furent refusés en 1930110. En revanche, surtout sur la concession, la Compagnie se fit progressivement reconnaître la toute propriété de plusieurs milliers d’hectares111.
83Le premier essai sérieux de plantation fut tenté après 1925. Cinq lots furent privilégiés : Bania et Salo en haute Sangha, Atok au Cameroun (ancienne plantation allemande reprise pour ses 15 000 hévéas), Mayumba sur la côte gabonaise et, secondairement, Dumba dans la Ngoko. La direction des chefs de culture fut confiée à un ancien fonctionnaire de l’agriculture au Congo Belge. Le programme primitif, encore orienté vers le caoutchouc, prévoyait la constitution de plantations d’hévéas, avec l’adjonction de caféiers Excelsa ou « Chari » destinés seulement à raccourcir le délai de rendement112. Le choix s’était porté sur ce produit parce que, malgré la surproduction mondiale, il était traditionnellement protégé sur le marché français113, et qu’en raison de conditions écologiques favorables, il n’exigeait guère de mise de fonds supplémentaire. Dumba, très marécageux, fut réservé à l’hévéa. Le cacao fut tenté subsidiairement à Atok, le cacao et la vanille à Mayumba. En 1929, 100 ha étaient défrichés à Bania, le centre principal, dont 20 furent plantés en cultures vivrières et 37 en bananiers destinés à protéger provisoirement les jeunes plants. Un village de travailleurs fut installé, avec une infirmerie de dix lits. En 1931, les travaux, utilisant 1 500 travailleurs, portaient sur un total de 1 390 ha, dont 99 en cultures vivrières et 334 en caféiers. 720 nouveaux hectares attendaient d’être plantés à la saison prochaine.
84Malgré la crise profonde qu’elle traversait, la Cie Forestière s’apprêtait à prendre un nouveau départ, sous l’égide de l’ex-Gouverneur général Angoulvant dont elle s’était assuré la participation114. Une des premières à introduire le café dans la région, elle contribua à déterminer l’essor du produit en Oubangui-Chari dans les années qui précédèrent immédiatement la seconde guerre mondiale115. Elle fut, en ce domaine, rapidement surpassée par les « planteurs indigènes » suscités par le programme des cultures obligatoires de l’Administration et impatients de saisir enfin, grâce à la traite saisonnière, l’occasion de trouver les ressources qui leur manquaient depuis si longtemps. Elle n’en avait pas moins enfin trouvé sa vocation de société de plantation, après vingt ans de tâtonnements et de déprédation.
IV. L’ÉCONOMIE COMMERCIALE : LA SOCIÉTÉ DU HAUT-OGOOUÉ
85A la différence de la compagnie des frères Tréchot ou même de la Cie Forestière, la S.H.O. fut toujours une affaire commerciale plutôt qu’une entreprise de ramassage des produits. Contrairement à la plupart des autres concessionnaires, ses importations de marchandises furent généralement supérieures à ses exportations. Les ressources étaient d’ailleurs inexistantes sur l’ensemble de son territoire, et elle ne fit aucun effort pour les développer116. Hostile à l’expansion du numéraire, elle se contenta, dans un premier temps, de rafler celui qui était introduit par l’Administration sous forme de salaires, puis celui qu’assura aux villageois la vente de leurs premiers essais de plantation (un peu de palmistes, mais surtout cacao et café).
1. Une affaire commerciale bien organisée sur le terrain
86Antérieure au système concessionnaire proprement dit, la S.H.O. s’était vu garantir expressément son monopole commercial117. Entrée en exploitation en 1897, elle déclarait en 1902 trente-huit factoreries, dont dix-sept étaient situées hors concession, sur le bas Ogoué, dans la région des lacs, au Cap Lopez ou autour de Libreville. Les vingt et un postes de la concession étaient alors exclusivement fixés le long du fleuve, depuis l’île d’Alembé jusqu’à Franceville, de préférence au débouché des affluents permettant de gagner l’arrière-pays118. Leur nombre progressa régulièrement, passant à 28 en 1912 (dont 13 tenus par des Européens), à 43 en 1920, sans compter les traitants qui opéraient dans « l’hinterland »119. A cette époque, les factoreries avaient essaimé un peu partout le long des rivières — Ngounié, Ikoï, Lolo, Ivindo, etc. L’itinéraire suivi en 1909 en pays Ishogo par un agent européen démontre avec quel sérieux était alors entrepris le quadrillage commercial du pays120.
87La Société employait un personnel relativement considérable : une quarantaine d’Européens en 1908, chiffre passé à 61 trois ans plus tard121. Les employés, munis d’un livret d’instructions détaillées, étaient bien tenus en main122. Le directeur en Afrique recevait 6 000 frs d’appointements annuels, plus une commission de 11/2 % sur le produit net en Europe123. Les agents subalternes furent toujours médiocrement rémunérés ; ils ne recevaient encore, en 1920, que 2 000 frs par an, pour un engagement de trois années consécutives124. L’ensemble était hiérarchisé : « Cette discipline [est] si bien observée que, dans un coin perdu de ce pays, deux agents de la Société d’un rang commercial inégal ne se causent guère que pour les questions du service. »125
88La concession était divisée en « cercles » commerciaux fractionnés en subdivisions. La Société possédait ses « gardes armés » (d’anciens miliciens du Gouvernement pour la plupart), chargés de la police des convois et de la surveillance des magasins. La « justice de paix » était confiée aux agents qui réglaient les palabres et percevaient à cette occasion, l’impôt coutumier ; enfin un « service de renseignements » tenait le personnel en haleine126. Habiles, au courant des mœurs et des dialectes locaux, les premiers agents prirent vite de l’autorité et développèrent autour des factoreries leur prestige personnel au profit de la Société. Habitués à exercer un commandement sans partage, ils se faisaient obéir en réglant les différends entre villages par d’habiles cadeaux aux chefs, ou la menace terrifiante du lointain « Commandant ». Leur vie était dure. Quéru, nommé en 1907 à la factorerie du haut Ikoï, dans la montagne, à neuf jours de marche de la Ngounié, partit rejoindre son poste à pied, escorté de 30 porteurs loango. Rarement ravitaillé, il vécut plusieurs mois dans un isolement complet, dans une case rudimentaire qu’il quittait fréquemment pour parcourir les pistes forestières, occupé à diriger ses traitants, organiser ses caravanes et peser le caoutchouc, au sein de populations Cimba et Ishogo peu hospitalières127. Installé durant plus de deux mois dans la succursale de Mitellé, petit village N’Powé situé à cinq jours d’Okama sur la rivière Lolo, il fut mêlé à de sérieuses palabres opposant les M’Powé à leurs rivaux Akalai : « Ma ceinture était, bien entendu, pleine de cartouches et ma carabine et mon revolver se trouvaient tout chargés à portée de ma main [...]. Je fus contraint, plusieurs fois, de braquer mon revolver. »128
89En fait, les chefs s’arrachaient le droit d’obtenir, dans leur village l’installation d’un traitant pourvoyeur de marchandises. Mais ils devaient pour ce faire, s’engager à fournir chaque mois un certain nombre de porteurs chargés d’évacuer l’ivoire et le caoutchouc. Un refus entraînait la visite du Blanc accompagné de quelques miliciens, prêt à agir, par persuasion ou menace, et jamais à l’abri d’une embuscade.
90Les conditions n’avaient guère changé après la guerre : vers 1922, l’agent Werly, en poste sur l’Ivindo, assurait le transit de tout le ravitaillement vers Lastourville, Koula-Moutou et Franceville, et surveillait ses traitants dans un rayon de quinze jours de marche. Au-delà de la Mouniangui (traversée à la nage), il intervint à son corps défendant dans le règlement d’une palabre, pour lequel il reçut en remerciement quatre pointes d’ivoire129.
91L’agent européen détenait les marchandises d’échange dont il était responsable vis-à-vis de la Société. C’était surtout des fusils et de la poudre (jusqu’en 1909, date de leur interdiction définitive), puis des tissus, de la mercerie, bimbeloterie, quincaillerie, sel, tabac et conserves. La Société s’enorgueillissait d’avoir interdit sur sa concession l’introduction des alcools de traite qu’elle utilisait seulement dans les zones où régnait la libre concurrence130. L’Européen faisait à chaque traitant une avance fixe en marchandises, en moyenne de 200 frs. Le traitant devait justifier de leur usage. Lorsqu’il revenait à la factorerie avec, par exemple, pour 150 frs de caoutchouc, l’agent le lui remplaçait par la même valeur en marchandises, de façon à lui assurer toujours le même crédit. Au moment des inventaires, en principe deux fois par an, le traitant venait présenter son stock à la factorerie. Il était, en outre, contrôlé à l’occasion des tournées de l’Européen. Théoriquement, aucune avance n’était faite en argent, sauf si un villageois désirait expressément être payé en numéraire, qu’il restituait généralement presque aussitôt à la boutique.
92Les traitants, pour un tiers des Gabonais de Libreville, pour un tiers des Galoa et, pour le reste, d’appartenances diverses, étaient engagés pour six mois ou un an et recevaient un salaire mensuel fixe de 15 à 20 frs (certains atteignirent exceptionnellement 100 frs), plus une indemnité de 15 frs pour la ration journalière, le tout payable en argent. Jusqu’à la guerre au moins, l’usage imposé des neptunes, donnés en paiement pour une valeur de 1,50 fr mais récupérés contre seulement 50 centimes en marchandises, paralysa tout progrès131.
93Pour ses opérations commerciales, la Société se contentait de drainer tout l’argent mis en circulation par l’Administration (soldes du personnel, salaires des porteurs, pagayeurs, etc.). Elle se trouva rarement dans la nécessité de faire monter des fonds pour alimenter ses factoreries, et son encaisse en Afrique était insignifiante, surtout avant la guerre, époque à laquelle elle s’obstinait à refuser l’introduction du numéraire. Au contraire, chaque fois que le gérant d’une factorerie se trouvait disposer d’une somme supérieure à l’encaisse fixée par la Société, il renvoyait le surplus dans une autre gérance ou en France132.
94Les conditions d’emploi étaient sévères. La Société pratiquait, à l’égard de ses traitants, la compensation sur leur salaire des risques provenant du commerce ; à l’égard de ses miliciens, l’amende, la prison ou le retrait de 2 frs par cartouche gaspillée ; à l’égard des travailleurs des factoreries133, des retenues de salaire ou de ration, des amendes, des imputations injustifiées qui ne représentaient parfois aucun versement réel de marchandises ; à l’égard des porteurs et des pagayeurs, tardivement payés en nature seulement, la suspension de salaire pour tout dépassement de la durée préalablement fixée à l’accomplissement des voyages134 ; à l’égard des ouvriers employés sur les chantiers, une discipline très dure, des taux de ration insuffisants ; enfin, à l’égard de tous, des mesures arbitraires, telles que le prélèvement des frais d’établissement du contrat, le maintien autoritaire au-delà de l’engagement, le paiement en marchandises malgré la stipulation contraire, et la retenue du salaire pendant la durée du travail135.
95On comprend, dès lors, l’hostilité de la Société à l’intervention coloniale. Elle manifesta la volonté bien arrêtée de ne pas voir s’installer chez elle l’Administration, avec ses postes de surveillance en nombre insuffisant, donc gêneurs et inutiles.
96Les relations entre les agents de la Société et les fonctionnaires furent, le plus souvent, empreints d’aigreur. En 1907, la S.H.O. opposa une fin de non-recevoir au programme d’occupation du bassin de l’Ivindo et de la N’Voum, menaçant, si l’Administration persistait à vouloir réquisitionner certains des Loango engagés aux travaux de la route, de suspendre le chantier et de renvoyer le personnel européen en France. L’expédition militaire fut paralysée par le manque de porteurs, bien qu’« au Bangania, comme à Ellarmacoura, comme au Molongui, je pouvais voir des séries d’indigènes portant sur leur dos des charges marquées des trois lettres S.H.O. et escortées par des gardes armés »136. La Société craignait surtout la présence d’un fort effectif de tirailleurs, touchant régulièrement leur solde, qui par leurs achats aux villageois perturberaient les tarifs. Elle s’était, en effet, toujours efforcée de fermer la concession aux tiers. Elle se refusait à admettre l’existence de réserves, et interdisait aux Africains de se livrer à des transactions avec d’autres qu’elle-même. C’est pourquoi elle s’ingéniait à empêcher le contact entre les gens du haut fleuve et Ndjolé, où ils auraient pu constater qu’elle n’était pas la seule puissance. Les Okandai, Adouma et Fang qui descendaient étaient tenus de décharger leurs pirogues en amont de l’île d’Alembé et de tout vendre à la Société. Le transbordement des marchandises et des produits vers l’aval était strictement réglementé. Pour la même raison, la S.H.O. s’assura le monopole des transports administratifs et militaires137. Elle disposait, pour ce faire, d’un matériel assez régulièrement entretenu. En 1893, elle avait reçu de la Société Daumas et Cie trois vapeurs, plusieurs cotres, et les pirogues nécessaires à son trafic sur l’Ogooué138. En 1902, elle augmenta sa flottille d’une nouvelle chaloupe, en 1909 de deux canots automobiles assurant le service de Ndjolé à Alembé139. L’année suivante elle entreprit d’installer deux vapeurs sur le haut Ogooué et le haut Ivindo, en amont des rapides. Mais le Makina mit plusieurs mois pour monter de Ndjolé à Booué et finit par arriver à destination fort endommagé140. Il fit naufrage l’année suivante141. L’expérience fut reprise seulement en 1929 : le nouveau Makina franchit les chutes par voie de terre, porté par plus de 300 hommes142. La Société installa également un vapeur sur la Ngounié143. Après la guerre, elle ajouta un remorqueur (150 CV), une chaloupe et deux chalands de 75 tonnes chacun144. Mais le nombre des transbordements, l’impraticabilité des pistes et le manque de porteurs rendirent toujours les communications aléatoires et surtout très coûteuses. De Ndjolé à Franceville, la S.H.O. exigeait, en 1910, 2 200 frs pour transporter une tonne de marchandises. Au-delà, une charge à dos d’homme pour Lékélé sur le haut Alima145 coûtait 11 frs.
97Cette politique d’isolement économique se fit aux dépens du développement de la concession. Les investissements sur place (terrains, matériel fluvial, etc.) furent modérés. Passés de 140 000 à 1 400 000 frs entre 1897 et 1900, ils se contentèrent ensuite d’un accroissement annuel régulier de l’ordre de 200 000 frs, stoppé net à partir de 1909-1910 (maximum de 3,7 à 3,8 millions de francs, dont 2,5 étaient amortis à la veille de la guerre, soit l’équivalent du capital appelé à cette date). Le « compte concession » proprement dit s’élevait en 1912 à 832 000 frs. Aucun frais n’y fut ajouté par la suite. Il est vrai que les dépenses afférentes aux travaux publics n’y étaient pas incluses. Mais sur 1,8 million, chiffre maximum inscrit à cet effet en 1910, 1,5 million affecté à la construction de la piste Alembé-Booué fut remboursé par la colonie sous forme de dégrèvements des droits de sortie. Cette route, de cent kilomètres à peine — qui commençait dans une île, reprenait sur la rive gauche du fleuve puis, après quelques kilomètres, continuait sur la rive droite sans que la traversée fût assurée autrement que par pirogues, et s’enfonçait dans l’intérieur pour revenir enfin au fleuve et s’arrêter brusquement en pleine brousse, loin de tout centre, à la hauteur de Lélédi — ne fut jamais utilisée146. Il n’en subsiste plus sur la rive gauche que les traces d’un pont métallique suspendu de 28 m de portée, lancé en 1902 près d’Ellar-Makoura en amont d’Alembé, mais presque aussitôt abandonné147.
98La seule réalisation efficace de la Société fut, en 1901, celle d’un monorail Decauville de 3,5 km de long, assurant la traversée de l’île d’Alembé148. Mais les premières pistes, prévues seulement à partir de 1910, furent entreprises par l’Administration coloniale par le recours aux prestataires149.
99Dans ces conditions, les rapports d’inspection concluaient, dès avant la guerre, à l’absence de la moindre tentative de mise en valeur de l’immense territoire dévolu à la Société. Cette impression ne fit que s’accentuer par la suite, surtout dans la partie orientale de la concession, très défavorisée par sa situation excentrique : l’évacuation des produits de Lastourville, Franceville et Okondja, centralisés à Lékeï puis à Lékéti sur le haut Alima, continuait de dépendre du portage batéké, long et précaire. La zone de Franceville fut abandonnée malgré l’apparition, à l’expiration du décret de concession (en 1923), de nouvelles maisons de commerce, la S.E.A. (Société d’Entreprise Africaines) et la C.E.F.A. (Cie d’Exploitations Forestières Africaines).
100Le caoutchouc, encore payé 8 et 10 frs le kilo en 1926, tomba à 3, puis à 2 frs l’année suivante. La S.H.O. arrêta l’achat des palmistes. A partir de 1928, elle décida de supprimer les factoreries lointaines, trop coûteuses, de regrouper ses comptoirs et de remplacer les ventes au détail par des opérations de gros et de demi-gros autorisant la réduction du personnel européen et africain150. Elle ferma ses factoreries de Franceville et d’Okondja151. En 1930 toute la zone de Booué à Franceville était laissée dans un état de semi-abandon152.
101L’essor de la S.H.O. en Afrique occidentale explique son désintérêt progressif de l’exploitation concessionnaire proprement dite, devenue caduque plus tôt que les autres puisque la convention d’origine remontait à 1893. Mais, à l’exemple des autres Sociétés congolaises, la S.H.O. n’en tira pas moins argument pour s’assurer de substantielles compensations territoriales. L’avis portant « à la connaissance du public qu’à partir du 17 novembre 1924 les territoires anciennement concédés à la S.H.O. seront ouverts au commerce et à la colonisation » lui réservait néanmoins la jouissance d’une réserve de 700 000 ha, limitée par l’Offoué, la Lolo, le Sébé et l’Ogooué, sur laquelle elle gardait la liberté de choisir les 400 000 ha prévus par l’Avenant de 1897153. L’affaire fit long feu. En 1930, la S.H.O. se fit reconnaître, outre une indemnité de 350 000 frs, un lot urbain d’un hectare à Pointe-Noire, deux lots forestiers de 5 000 ha chacun près du littoral, plus le droit de choisir 25 000 ha au Gabon dont 10 000 sans clause géographique restrictive et 15 000 à l’intérieur de l’ancienne concession154. L’année suivante, elle porta son dévolu sur la « 2e zone » forestière mise en réserve à partir de 1931. En 1934, elle constitua une filiale pour l’exploitation des bois, la Société Forestière d’Azingo, au capital de 1 725 000 frs. Les attributions définitives eurent lieu seulement après la guerre : l’accord du 16 septembre 1947 cédait à la Société 15 000 ha sur la Lélédi155. Il permit à la S.H.O. d’ouvrir, à partir de 1961, quatre chantiers de coupe d’okoumé exceptionnellement rentables.
(Source : Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, bilan du 31 déc. 1923, Arch. S.H.O.)
2. L’essor commercial de la Société
102Les opérations commerciales de la S.H.O. connurent, après la guerre, une progression remarquable. C’est que, tout en abandonnant progressivement l’exploitation de sa concession, elle avait compris la nécessité d’opérer une énergique reconversion.
103Dès le début du siècle, la Société avait eu le souci d’investir hors concession. Elle songeait alors à des expériences de plantation. En 1898, elle participa à la Société Agricole de Batah qui venait d’obtenir 730 ha à Campo. Mais, en 1900, la Société entra en liquidation à la suite de la constitution de la colonie espagnole du Rio Muni156. La S.H.O. suscita alors la Société Agricole de Nkogo, destinée à planter en cacaoyers une concession de 250 ha (48 000 pieds) à laquelle s’ajoutèrent ensuite les plantations de Manguegue (46000 pieds), Mimba-Bekoué (25000 pieds) et Samba (Ngounié). La Société, constamment déficiaire, fut finalement reprise par la S.H.O. en 1921157. La dernière tentative au Gabon fut celle de la Société Gabonaise d’Entreprises et de Transports, constituée en 1909 pour tirer parti du projet avorté de chemin de fer Ogooué-Ivindo et, accessoirement, pour encourager l’exploitation des bois sur le bas Ogooué par l’installation d’une scierie au Cap Lopez.
104Mais c’est au lendemain de la guerre que la S.H.O. entreprit de moderniser son entreprise. Une Assemblée extraordinaire prorogea en 1919 la Société pour 90 ans, et modifia ses statuts pour l’adapter à une extension nouvelle de ses activités : dorénavant, elle ne se livrerait plus seulement à l’exploitation commerciale, industrielle et agricole de la concession du Haut-Ogooué mais, au Gabon et ailleurs, à « l’étude, la mise en valeur, la négociation et l’exploitation de toutes affaires ou entreprises agricoles, commerciales, industrielles, financières, forestières, minières, immobilières mobilières, maritimes, de travaux publics, de magasins généraux, de transports, d’importations et d’exportations [...], l’exploitation de toutes voies de communication [...], la création, l’exploitation de tous établissements industriels et commerciaux [...], le commerce de tous produits »158.
105En somme la S.H.O., parce qu’elle sortit d’emblée du champ limité de l’Afrique Équatoriale, réussit la mutation que la Cie Forestière s’était vainement efforcée d’opérer quinze années durant.
106Ce fut le mérite du successeur de Médard Béraud (mort en 1903), Antoine-Octave Barré, commandant du Génie en retraite, qui de 1904 à sa mort, en 1926, fut le maître impérieux de la Société. Son autorité était absolue et indiscutée. Pour certaines questions — notamment les achats de marchandises et l’établissement du bilan — il n’admettait l’immixtion d’aucun de ses collègues. Il réglait directement les problèmes avec les chefs de service et prenait toutes les décisions. Mais, malgré la modestie de l’affaire à son origine, il comprit l’intérêt de la transformer et n’hésita pas à y mettre le prix.
107Les banques soutinrent l’évolution. Depuis le début du siècle, la S.H.O. avait été suivie par la Société Française de Reports et Dépôts, qui lui avait évité de souffrir de la liquidation, en 1912, de sa banque d’origine, Henrotte et Muller (où elle ne perdit que 20 000 frs bien que la banque eût alors détenu 1 092 actions sur 6 000)159. Pour contrebalancer l’impression fâcheuse laissée par cette faillite, le Président Muller fut alors remplacé par une haute personnalité du monde de la finance A. Denfert- Rochereau, administrateur de la Société Française de Reports et Dépôts et de nombreuses autres entreprises160.
108Après la guerre intervinrent la Cie Algérienne et surtout la banque Mirabaud, représentée au Conseil par J. Boissonas. De 1920 à 1925, les capitaux furent successivement portés de 5 à 8, 16, 20, puis 40 millions161. A cet essor correspondit l’entrée progressive au Conseil d’administration de représentants d’autres Sociétés avec lesquelles la S.H.O. resta dès lors en relations commerciales ou bancaires162.
109La solidité relative de l’entreprise lui permit de conserver, à côté de son soutien bancaire, la fidélité de ses fondateurs. Le tout fut renforcé d’une masse importante de petits actionnaires. Jusqu’à la fin, la S.H.O. conserva ce double caractère de négoce et de placement. Depuis 1897, les banques l’avaient régulièrement soutenue, en assurant chaque fois près du tiers des augmentations de capital. Mais le tournant décisif fut prit en 1920. Les gros porteurs assurèrent alors la moitié de la souscription (44 % en janvier, 50 % en décembre).
110A l’issue de la dernière augmentation de capital de la période (1925), la banque Mirabaud possédait, sur un total de 160 000 actions de 250 frs, 19 332 actions (plus Enjalbert 2 533 actions, d’Eichtal 2 551 actions et Paccard et Cie 704 actions)163 la Banque de l’Union Parisienne 6 836 actions, Denfert-Rochereau (Société de Reports et Dépôts) 3 574 actions, la Cie Algérienne 4 020 actions, la Société de Crédit Industriel et Commercial 1 699 actions, et la Société de Banque Suisse (Neuchâtel) 1 437 actions. Au total, les grandes banques de l’affaire détenaient à peine plus de 40 000 actions, soit seulement un quart du capital social164. Le reste continuait de se répartir entre plusieurs centaines de personnes.
111Le bloc initial des commerçants et armateurs avait doublé (de 35 à 70 environ). Mais, à partir de 1920, ils prirent une part mineure aux augmentations de capital (6 à 7 % des actions nouvelles), preuve que les entreprises mercantiles du début du siècle, alors capables de fructifier sans mettre en œuvre des moyens financiers importants, étaient dorénavant supplantées par des puissances bancaires enfin susceptibles d’investir. Les « rentiers » et « propriétaires » avaient fait une apparition massive (3 à 400 personnes), de même que les professions libérales (plus de cent actionnaires), tandis que les petits employés de la firme (dactylos, commis, etc.) restaient fidèles à une maison dont la gestion prudente et la rentabilité régulière inspirait confiance. On le vit bien en 1924, année où la masse des petits actionnaires (près de 92 % du total) fournit plus des trois quarts de l’augmentation de capital : pour le public, la crise de 1921-1922 était résorbée et le boom des années 1925-1926 s’amorçait. Le changement définitif d’orientation s’affirma cependant l’année suivante. L’augmentation brutale du capital (qui doubla de 20 à 40 millions) fut presque entièrement assurée par les banques (11 actionnaires seulement couvrirent plus du tiers de l’appel) : l’affaire était en voie d’abandonner définitivement le caractère familial, non dénué de paternalisme, dont elle s’était enorgueillie jusqu’alors ; l’esprit s’en maintint cependant et marqua jusqu’à une date récente les traditions de la maison.
112Dès cette époque, l’élan était donné.
113Les premiers efforts de la Société portèrent, en 1919, sur le Cameroun et le Sénégal. Des comptoirs furent créés à Douala et à Saint-Louis. L’année suivante, la première augmentation de capital permit de lancer une affaire d’élevage de porcs au Maroc, et surtout d’armer un cargo, puis un second en 1923, pour l’exploitation desquels une agence maritime fut créée à Dakar165. En 1921, la S.H.O. s’installa au cœur du Soudan, à Tombouctou et à Niamfunké. Fin 1923, elle acquit au Dahomey et au Togo les établissements de la Cie Générale Française pour le Commerce et l’Industrie.
114Malgré un effort entravé par de graves inondations au Sénégal en 1924, puis l’année suivante par la liquidation de l’élevage marocain, elle représentait dès lors une entreprise diversifiée, intéressée à la fois aux arachides du Sénégal, aux palmistes du Dahomey, au caoutchouc de plantation et au cacao du Cameroun, et aux bois du Gabon où elle avait édifié un immeuble (à Port-Gentil)166.
115La Société s’entendit, d’autre part, avec la C.F.A.O., la S.C.O.A. et la Société Commerciale et Industrielle de la Côte d’Afrique pour créer la Société Palme, avec pour objet l’achat et la vente de l’huile et la régularisation des cours. Soucieuse de ne pas se laisser entraîner par la spéculation sur les produits favorisés par les hausses brutales des années 1925-1926, elle géra son exploitation avec prudence, portant toujours l’accent sur les opérations commerciales proprement dites. Ses importations en Afrique furent régulièrement très supérieures à ses exportations — fait que traduit la confrontation de la valeur des marchandises et des produits en stock ou en cours de route.
116Au total, la Société du Haut-Ogooué fut probablement la plus stable des entreprises du Congo. Durant toute son existence, elle resta fidèle à une gestion régulière, qui se traduisit par la stabilité du ratio immobilisations/actif, malgré la progression rapide (en francs courants) des deux termes après la guerre. Relativement lourde, la part des immobilisations (de 35 à 45 % jusqu’à la guerre) traduisait un certain souci d’équilibre qui permit à la Société de se maintenir remarquablement durant la période difficile 1911-1918. Le pourcentage ne s’abaissa qu’exceptionnellement à moins de 30 %, au moment le plus fort de la prospérité commerciale, 1924-1927 (voir tableau ci-après).
117Jusqu’à la grande crise, la Société ne connut que très exceptionnellement des exercices déficitaires (en 1901 et en 1913). Ses bénéfices d’exploitation, tributaires avant guerre des crises du caoutchouc (1901, 1907 et 1911/1914), furent raisonnables tout en restant modérés. Ses taux de profit se maintinrent à un niveau avantageux, même s’ils ne connurent pas de « pointes » comparables à celles de la Cie des Sultanats et s’ils tombèrent, dans l’entre-deux-guerres, nettement au-dessous de ceux de la C.F.H.C.
118La S.H.O., sans distribuer de dividendes exagérés, assurait donc à ses actionnaires des revenus assez réguliers. Mais, malgré l’ampleur de ses activités extra-congolaises après 1920, ils n’atteignirent jamais plus les taux-records connus en 1910-1912 (40 frs par action). C’est que la Société assuma difficilement sa croissance trop rapide, et que l’aspect exclusivement mercantile de ses activités la rendit très sensible, après guerre, aux fluctuations de la valeur du franc. Aussi fut-elle une des premières atteintes par la grande crise. Dès 1928, les séquelles de la survalorisation des produits en Afrique durant les années précédentes ne lui permirent pas d’éponger la baisse des cours de réalisation en Europe.
119Les pertes, de plus de deux millions, s’accrurent rapidement jusqu’en 1935 (25 millions). La Société évita seulement la liquidation, après une réévaluation des pertes qui passèrent de 25 à 38 millions, par une vigoureuse réorganisation entreprise à partir de juin 1936 sous l’impulsion de son nouveau directeur général, Luc Durand- Réville, dont le premier acte fut de réduire le capital de 40 à 2 puis 5 millions167. Après une phase de récupération freinée par la seconde guerre mondiale, le redressement de la S.H.O. fut spectaculaire et, depuis, sa progression fut régulière jusqu’à son absorption récente (1964) par une des plus puissantes firmes commerciales de l’Afrique de l’Ouest, la Compagnie Optorg168.
120En définitive, la S.H.O. fut la seule société concessionnaire qui réussit à s’intégrer à l’économie moderne de traite. Mais elle le fit au prix du quasi-abandon de son champ primitif d’activités. Tout se passait comme si l’Afrique équatoriale — par son manque d’hommes, le retard de leurs besoins, la pénurie de l’infrastructure et l’inorganisation de l’espace économique qui se conjuguèrent pour entraver le développement d’un marché cohérent — s’était définitivement avérée inapte à engendrer, à elle seule, une mutation de cette envergure, du moins jusqu’à la découverte et l’exploitation récentes des richesses minérales.
Notes de bas de page
1 Nous avons cependant examiné son cas dans le chapitre précédent, car son essor fut nettement postérieur à notre période.
2 L’histoire de la Société a été évoquée par Dampierre [384], pp. 484-485 et 494-508.
3 Inspecteur général Fillon, Rapport concernant le contrôle des concessions, Conc., XXXIX (2)-A(4).
4 Voir p. 107.
5 Traité du 25 sept. 1901, G.C., XV-29(C).
6 Dampierre [384], p. 499.
7 Voir p. 159-160.
8 Compte rendu annuel à l’Assemblée des actionnaires, Abir, 1900, Arch. Crédit Lyonnais.
9 Une mission partit le 24 nov. 1911 pour étudier, au nom de la C.N.T.C.O., la possibilité d’une voie entre le Mbomou et le haut Nil. Placée sous la conduite de Charles Pierre, elle était dirigée par le capitaine du génie Bouysson, avec un ingénieur, un médecin et sept opérateurs, et fut inscrite au bilan pour 52 000 frs. Bilan 1912, Arch. Crédit Lyonnais.
10 Dix factoreries en 1915, treize en 1916, douze en 1917-1918. G.G.A.E.F. à M.C., 9sept. 1918, Conc., XXXIX(2)-A(3). Comptes rendus à l’Assemblée générale des actionnaires, Arch. Crédit Lyonnais.
11 Rapport d’inspection, 1908, Conc., XXIX(2)-A(4). Inspecteur Fillon, Rapport concernant le contrôle des concessions, 1913, ibid.
12 Voir p. 258-259.
13 En 1925, la Société affirmait gagner quand les prix de vente du caoutchouc étaient supérieurs à 5 frs, perdre sinon. Avec un abattement de 25 % pour impureté, elle déclarait alors un bénéfice de 20 frs par kilo, soit 4 millions pour une production de 200 t. Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, Arch. Crédit Lyonnais.
14 Par réduction de la valeur des actions de 500 à 200 frs. Assemblée générale extraordinaire des actionnaires, 28 févr. 1918, Arch. Crédit Lyonnais.
15 Convention conclue entre M.C. et Fondère, Paris, 1er juin 1918, Conc., XXIX(2)-A(7).
16 Convention conclue entre M.C. et Fondère. 23 août, ratifiée le 15 déc. 1922, Conc., XXIX(2)-A(9).
17 La S.E.A. distribua en 1925 un dividende de 10 %. Comptes rendus aux Assemblées générales annuelles de la Cie des Sultanats, Arch. Crédit Lyonnais.
18 Assemblée générale ordinaire du 18 févr. 1929, Arch. Crédit Lyonnais.
19 Ventes faites à des complices qui n’ont pas payé : 1 956 389 frs ; pertes du fait d’achats sur place de marchandises inutiles, trop coûteuses ou avariées : env. 3 000 000 frs. Il fut condamné à trois ans de prison. Ibid.
20 Et non de Bangui, comme l’écrit Dampierre [384], p. 507.
21 Bilan de l’exercice 1935/1936, Arch. Crédit Lyonnais.
22 Superville, ancien administrateur et ami de Bobichon, à l’origine directeur de la Kotto, devint après la guerre le directeur commun des Sultanats et du Kouango.
23 Dividendes de la Société par action de 500 frs, dont 200 frs versés (en francs) :
24 Dampierre [384], p. 502.
25 Sautter [117], Chap. IV, « Le pays des rivières (Likouala, Mossaka, Alima, Nkéni). 4. Une entreprise édifiée sur l’eau : la C.F.H.B.C. », et Mazenot [304].
26 Voir p. 58-59.
27 Sautter [117], p. 294.
28 Ibid., pp. 283 et 294.
29 Voir p. 282.
30 Sautter [117], p. 290. Personnages quasi légendaires de l’ancien Congo, les frères Tréchot inspirèrent un roman de G. Simenon, L’aîné des Ferchaux.
31 Voir p. 413-415.
32 Nous n’utilisons pas le tableau des bénéfices nets de la Cie, peu significatif car la C.F.H.C fut à plusieurs reprises convaincue d’avoir exagérément gonflé ses charges — notamment les amortissements — afin de distraire à son profit une part des 15 % dus à l’État. Mazenot [304], Chap. VII.
33 Les chiffres de production ont été tirés des comptes rendus annuels de l’Assemblée générale des actionnaires, Conc., LI(5), des Arch. Crédit Lyonnais, et du Rapport général sur la C.F.H.C., Fort-Rousset, 14 févr. 1925. Voir également Mazenot [304], Chap. IX. Après 1920, les comptes rendus ne donnent malheureusement plus de renseignements réguliers en ce domaine, même sur l’huile de palme et les palmistes.
34 42 t sur 1967 en 1911 (2 %) ; au plus, 137 t sur 1980 en 1918 (6 %).
35 15 t sur 200 en 1905 (7,5 %) ; 25 t sur 131 en 1911 (16 %) ; 291 sur 131 en 1913 (22 %).
36 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, 1901, Arch. Crédit Lyonnais
37 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, 1901 à 1903, ibid. Voir également Mazenot [304], Chap. V.
38 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, 1901, Arch. Crédit Lyonnais.
39 Les postes de Fort-Rousset, Otoumbi et Makoua furent officiellement créés par un arrêté du 6 sept. 1905. Mais, faute de crédits, les deux premiers furent fermés dès 1907. Mazenot [304], Chap. V. Bourdarie [67]. Conc., LI(1). Aix, Missions d’inspection, 3 D.
40 Mazenot [304], Chap. VI.
41 Sur la chronologie des opérations, qui se déroulèrent en trois phases, de 1910 à 1913, voir ibid., Chap. VII.
42 Estimation de Picard et Brugger, 10 sept. 1928, Arch. Niger Français.
43 Sur la chronologie de la reprise de l’Alimaïenne par la C.F.H.C. en déc. 1912/janv. 1913, voir Mazenot [304], Chap. IX. L’Alimaïenne, dont la C.F.H.C. avait acquis la moitié des actions depuis août 1912, décida en décembre d’éponger ses pertes, qui avaient atteint les trois quarts de son capital, en réduisant son capital d’un million à 250 000 frs par l’échange de quatre actions anciennes contre une nouvelle. Puis elle porta à nouveau le capital à un million en lançant une souscription où la C.F.H.C, soit en son nom propre, soit par l’intermédiaire de ses administrateurs, s’assura une écrasante majorité (6 325 actions sur 7 500, dont C.F.B.C. : 2 488, C.F.H.C. : 2 000, Tréchot : 1 500, Georges Brack : 200, Ponche : 20, Fribourg : 20). Liste des souscripteurs et état des versements, janv.-févr. 1913, Conc., LI(8).
44 H. Tréchot à Lever Brothers, Paris, 29 nov. 1912. Lever à M.C, Paris, 7 déc. 1912. F.H. Levauchy-Clarke, agent Lever, à [?], Cannes, 29 janv. 1913, Conc., LI-8. L’idée fit long feu, puisqu’elle fut reprise par Lever en 1928-1929 à l’expiration de la concession : la Société des Huileries du Congo Belge, filiale de la firme britannique, escomptant une prompte disparition de la Société française (« as nothing has been put into value »), envoya une mission d’études dans la Likouala-Mossaka (mission Blugger et Picard, 1928). Mais elle renonça, en raison des difficultés d’évacuation et de l’insuffisance des plantations de palmiers Eloeis beaucoup moins denses que les palmiers-raphia. Notes on Mr. Picard’s expedition to the French Congo (1928), Notes on Mr. Edkin’s cable. Reinspection of Tréchot Concession, S.A. des Huileries du Congo Belge à G.G.A.E.F., Bruxelles, 6 févr. 1929, Arch. Niger Français.
45 R.G., S.C, 1912, Conc., IV-9.
46 Rapport de l’administrateur [illis.], 1915, L’année suivante la C.F.H.C. ne payait encore le kilo de palmistes que 8 centimes à Fort-Rousset, chiffre porté à 10 centimes sur l’injonction de l’Administration. Aix, 8 Q.
47 Moyen-Congo, R.G., S.C, 1914, Aix, 8 Q.
48 Les autres régions productrices étaient le Kouyou, la Mossaka, l’Ibenga-Motaba et le Bakongo (cette dernière circonscription exporta 60 t au 4e trimestre 1915). Moyen-Congo, Rapport annuel, 1915, Aix, 4 (2) D.
49 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, 1916, Arch. Crédit Lyonnais.
50 Rapport du chef de circonscription du Kouyou et de la Mossaka, 25 août 1920, cité par Mazenot [304].
51 Les autres étaient : Makoua (35 000 pieds), Limbongo-Linégué (2 900), Ewo, Tongo et Tchikapika (5 000) et Makouango-Ekouamou (5 800). Moyen-Congo, Rapport économique, 1923, Aix, 4 (2) D.
52 Voir ci-dessous, p. 461-462.
53 Les essais donnèrent, pour cent kilos de noix fraîches : 23,930 kg d’huile
26,228 kg de déchets
49,341 kg d’amandes en coque, ou 7,5 kg d’amandes décortiquées.
De janvier à mai, l’huilerie de Loboko acheta 310 t de palmistes et donna 120 000 l d’huile. Moyen-Congo, Rapport économique, op. cit. Parallèlement à son effort d’industrialisation, la C.F.H.C. augmenta son personnel, qui passa entre 1923 et 1924 de 13 à 21 Européens. Elle déclarait alors 6 traitants et 237 travailleurs (non compris les porteurs). Rapport général sur la C.F.H.C., 1924, Fort-Rousset, 14 févr. 1925, Aix, 8 Q.
54 N’Dollé, Loboko, Tchikapika et Bokouélé.
55 Celles de N’Tokou sur la Likouala et de Bokouélé sur les lagunes de la Likouba. Laperge à M.C., Brazzaville, 19 mars 1929, Conc., LI(7)-C(9).
56 Notes sur l’emplacement des palmeraies naturelles et l’équipement de la C.F.H.C., 1929, Conc., LI-8. Laperge signalait, pour sa part, 70 presses à main, op. cit.
57 C.F.H.C. à M.C, Paris, 2 août 1930, Conc., LI-7.
58 C.F.H.B.C., compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, bilan 1935, Arch. Crédit Lyonnais.
59 Le prix du kilo de palmistes était toujours de 20 centimes en 1938 dans les trois centres d’achat de la C.F.H.C. dans le Haut-Ogooué (Franceville, Léconi et Akieni). Administration du Haut-Ogooué à G.G.A.E.F., Franceville, 14 mars 1938, Aix, 8 Q.
60 Voir p. 355.
61 L’ensemble de la production congolaise sera examinée ultérieurement dans un chapitre économique de synthèse, Chap. XVII.
62 « Il fut bien essayé, dans certaines régions, des voitures Lefèvre à traction humaine, mais l’état des pistes en grande partie sablonneuses ou marécageuses ne permit même pas de généraliser cette médiocre amélioration. Tout ou presque reste donc à faire dans cet ordre d’idées. » Laperge à M.C, Brazzaville, 19 mars 1929, Conc., LI(7)-C(9).
63 Ibid.
64 D’autant que le nombre de ces huileries — 70 vers 1950 — était identique à celui de 1930. Sautter [117], pp. 304-305.
65 Annales coloniales, 3 mars 1927.
66 Sautter [117], pp. 298-299.
67 Althabé [278].
68 « Revenus non contrôlés » évalués par Mazenot, pour l’année 1920, à 300 000 frs au maximum, plus 70 000 frs de revenus non agricoles, résultant des traitements, salaires et indemnités divers payés par l’Administration et le secteur privé. Mazenot [304], Chap. X.
69 « Nous sommes obligés par le Gouvernement à substituer la monnaie française aux marchandises qui avaient été jusqu’à ce jour exclusivement employées pour les paiements et les échanges », déclaraient les administrateurs en 1917 dans le compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, Arch. Crédit Lyonnais.
70 Encaisse de la C.F.H.C. au Congo (en francs) :
D’après les Bilans annuels de la Société, Arch. Crédit Lyonnais.
71 Le prix redescendit à 20 centimes dès l’ouverture de la crise. Les cours en Europe étaient tombés des deux tiers de 1926 à 1930 (de 3 600 à 1 200 frs la tonne). C.F.S.O., Assemblée générale annuelle, 24 mars 1931, Arch. C.F.S.O.
72 Laperge à M.C, Brazzaville, 19 mars 1929, Conc., LI(7)-C(9).
73 Il prévoyait également de substituer au contrôle de l’État une participation effective à l’entreprise par l’attribution de parts bénéficiaires ou même d’actions avec représentation obligatoire au Conseil d’administration. Ibid.
74 Conventions du 25 mars et du 8 juil. 1925, du 25 déc. 1929 et du 25 juin 1930, Conc., LI(7).
75 En 1920, un contrat-type avait été rédigé au Congo Belge, par lequel l’État s’engageait, vis-à-vis du concessionnaire justifiant d’un capital minimum de trois millions, à ne pas accorder, pendant quinze ans, les terrains nécessaires pour établir une industrie concurrente dans un rayon de 30 km. Le concessionnaire s’engageait, pour sa part, à mettre en place une huilerie capable de traiter au moins 10 t de fruits par jour et à créer des palmeraies. Mais la mesure ne fut pas couronnée de succès. Une ordonnance de 1925 prévoya de lui substituer la concession en emphytéose pour trente ans des palmeraies naturelles, moyennant l’obligation d’y établir une usine. Quand à la Société des Huileries du Congo Belge, filiale Lever, elle avait reçu en 1911 le droit d’occuper à bail, en indivision avec les habitants, des terres dans cinq cercles de 60 km de rayon : en 1922, 75 000 ha dans chaque cercle où elle avait créé une usine d’une capacité annuelle de 6 000 t de fruits ; en 1926, 200 000 ha par usine capable de traiter 15 000 t. La Société devait exporter, à partir de 1937, au moins une tonne d’huile par 50 ha. Elle recevrait en 1945 la toute propriété de 750 000 ha, à condition d’avoir exporté une moyenne de 30 000 t d’huile pour chacune des cinq dernière années. Ibid.
76 Les « Palm-oil Ordinances » de 1913 concernant la Gold Coast et la Sierra Leone permettaient au Gouvernement d’accorder, avec le consentement des chefs de tribus, le droit exclusif de créer une usine à huile et de l’exploiter pendant vingt et un ans à l’intérieur d’un cercle de dix milles de rayon. Mais une seule usine fut installée, et elle ne réussit pas. Note sur les mesures envisagées ou appliquées dans les colonies anglaises et belges d’Afrique..., Conc., LI(7).
77 La Convention prévoyait que les prix minima d’achat seraient fixés par arrêté du G.G. et que, dans chacun de ses centres d’exploitation, la C.F.H.B.C. entretiendrait une infirmerie et, dans un délai de trois ans, un médecin. Convention du 13 août 1930, promulguée par arrêté du 20 sept. 1930, J.O.A.E.F., 1er oct. 1930, Conc., LI(7).
78 Article 1 de la Convention.
79 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, 1930, Arch. Crédit Lyonnais.
80 Voir leur énumération et la carte dans Sautter [117], pp. 284-285.
81 Sur l’étude des liens existant entre C.F.H.C. et C.F.B.C. et la confrontation de leurs bénéfices, voir p. 415.
82 Dividende par action de la C.F.B.C. (en francs) :
* D'après les bilans annuels de la Société, Arch. Crédit Lyonnais.
**C.F.H.B.C.
83 Elle avait notamment fait l’acquisition de la plupart des terrains de Pointe-Noire — ce qui valut au G.G. Antonetti d’avoir à se justifier du choix de cet emplacement comme terminus du Congo-Océan. (« Le Gouverneur général exposa nettement comment le souci de l’intérêt général l’avait amené à modifier légèrement l’emplacement de la ville de Pointe- Noire pour la placer à l’abri des marasmes paludéens. » Annales Coloniales, 3 mars 1927.)
84 Vingt millions, destinés à venir en aide à la production indigène, furent remis au G.G. en 1931. L’entreprise fut déficitaire seulement trois ans, de 1932 à 1934.
Bénéfices de la C.F.H.B.C* (en millions de francs)
*Bilans annuels de la Société, Arch. Crédit Lyonnais.
85 Sautter [117], PP- 303-312.
86 Voir Chap. XI.
87 Une partie (924 000 ha) de la concession de la Ngoko-Sangha, qui occupait 4 200 000 ha, avait été incorporée à la C.F.H.C. Le reste se trouva remplacé par la concession à la C.F.S.O. du privilège d’exploitation du caoutchouc sur 2 700 000 ha. Convention du 28 août 1925 approuvée par décret du 30 août. Note sur les étapes de la transformation de la C.F.S.O., 6 juil. 1927, Aix, 8 Q.
88 Voir p. 139. Il est vrai que les premiers efforts de la C.F.S.O. furent interrompus dès 1911 par la conclusion de l’accord qui faisait passer sous domination allemande la majeure partie de son territoire. L’occupation allemande, commencée fin 1912, devint effective en juin 1913 et la reprise des établissements n’eut lieu qu’en 1915.
89 Voir p. 184-186.
90 La C.F.S.O. récolta 16 t d’ivoire en 1911, 14,5 en 1916 et seulement 1,75 en 1923. Comptes rendus annuels, Arch. C.F.S.O.
91 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, 1915, Arch. C.F.S.O.
92 Assemblée générale des actionnaires, 20 juin 1923, Arch. C.F.S.O.
93 En 1929/1930, la C.F.S.O. déclarait :
Compte rendu annuel de la Société, bilan 1929/1930, Arch. C.F.S.O.
94 Compte rendu de l’Assemblée générale des actionnaires, bilan 1925/1926, Arch. C.F.S.O.
95 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, bilan 1924, Arch. C.F.S.O.
96 290 frs au 31 mars 1928, 146 frs en juin 1929 et 79 frs en 1930, Arch. Crédit Lyonnais.
97 Six administrateurs sur vingt :
— Gratry (M’Poko), Richmond et Vandeperre, de Lille,
— Delattre, de Roubaix,
— Motte, de Roubaix (administrateur des Caoutchoucs de l’Indochine),
— Despret, des Glaces et Verres Spéciaux du Nord.
98 J. de Hemptinne, de Gand, représentait notamment la Cie du Kasaï.
99 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, Bilan 1912, Arch. C.F.S.O.
100 Josse, Président de la Banque Commerciale Africaine, était administrateur de la C.F.S.O. depuis 1910. L’administrateur Charles Gratry fut remplacé, à sa mort, en 1914, par Superville, directeur du Kouango Français et administrateur de la Banque Française d’Afrique Équatoriale. La même année apparurent au Conseil Verdé-Delisle, « banquier », J. Henri-quez, administrateur de la Banque Gunzburg et Cie, et L. Vincent, administrateur de la Banque Française pour le Commerce et l’Industrie.
101 Le Niger Français, compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, bilan 1926/1927, Arch. C.F.S.O.
102 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, bilan 1915, Arch. C.F.S.O.
103 Assemblée générale extraordinaire, 16 janv. 1920, Arch. C.F.S.O.
104 Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, bilan 1920, Arch. C.F.S.O.
105 Assemblée générale des actionnaires, 11 avr. 1929, Arch. C.F.S.O.
106 Le contrat prévoyait que la Cie Générale achetait chaque année une quantité ferme, livrée au prix de revient, avec restitution de 40 % du bénéfice réalisé sur la vente après transformation des grumes. Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, Bilan 1921, Arch. C.F.S.O.
107 Le régime de réquisitions de l’État prit fin en mars 1919.
108 La convention du 30 déc. 1920 lui donnait droit à 10 000 ha de palmeraies à choisir dans l’ensemble de l’A.E.F., Gabon excepté, et l’avenant à 10 000 ha supplémentaires. Note sur la C.F.S.O., Aix, 8 Q.
109 Note au sujet des questions soulevées par les demandes de palmeraies formulées par la C.F.S.O., Brazzaville, 1927, Aix, 8 Q.
110 G.G.A.E.F. à C.F.S.O., Brazzaville, 4 févr. 1930, Aix, 8 Q.
111 Notamment : 25 000 ha au Gabon, 2 000 ha à Impfondo, 2 000 ha à Sétia (ces deux derniers lots, excentriques, furent cédés à l’Union Minière et Financière Coloniale en 1927). A la fin de la période, la C.F.S.O. n’avait pas encore fait valoir ses droits à 50 000 ha de palmiers et de terrains de culture et de plantation situés hors concession. Ses titres de propriété sur de très nombreux lots répartis un peu partout en A.E.F. représentent d’énormes liasses toujours conservées dans les archives de la Compagnie actuelle. Arch. C.F.S.O.
112 Les graines furent demandées un peu à tous les planteurs qualifiés, au Jardin belge d’Eala et à la maison Vilmorin. Compte rendu à l’Assemblée générale des actionnaires, Bilan 1926/1927, Arch. C.F.S.O.
113 Les colonies françaises étaient exemptées du droit de 2,41 frs par kilo institué depuis 1892. Vers 1928, la France consommait 160 à 165 000 t de café : elle en importait 180 000, et en recevait 5 000 seulement de ses colonies.
114 Le G.G. Angoulvant entra en 1930 au Conseil d’administration de la C.F.S.O., Arch. C.F.S.O.
115 Sur le développement des plantations de café en A.E.F., voir Chap. XVII.
116 Les tonnages exportés restaient limités :
Exportations de la S.H.O.* (en tonnes)
*Gabon, Rapport annuel, 1911, Aix, 4 (1) D.
117 Voir Chap. I.
118 Liste des établissements commerciaux imposés, administrateur de Ndjolé, 1920, Conc., L(2).
119 R.G., S.C., 1912, Conc. IV-9, et Rapport au Conseil de contentieux, Conc., L(3).
120 E. Quéru, Lettres, notes et souvenirs. Voyage au Gabon du 24 juin 1907 au 11 octobre 1909, trois cahiers ms. communiqués par M. J. Binet. Cf. carte 27, p. 382.
121 R.G., S.C, 1911, Aix, 8 Q.
122 S.H.O. Organisation générale des services d’Afrique et Instructions aux agents, Paris, Impr. Chaix, 1904, 55 p. Arch. S.H.O.
123 P.V. du Conseil d’Administration, 21 janv. 1895, Arch. S.H.O.
124 Engagement de M. Werly, 1922-1925. Témoignage recueilli à Ndjolé, sept. 1965.
125 Capitaine Fabiani, administrateur de la Région de l’Ogooué, au Lieutenant-gouverneur du Gabon, Maniumba, 28 sept. 1907, Arch. S.H.O.
126 Ibid.
127 « Je suis constamment au milieu des Noirs et, à force de courir la brousse, de manger du manioc et de fumer le calumet avec les indigènes, je vais devenir un véritable sauvage. » Lettres, notes et souvenirs..., op. cit.
128 Ibid.
129 Arrivé en compagnie de quatre gardes armés de fusils Gras, dans un « immense » village fortifié, en palabre avec un village voisin, il dut, à la demande de l’interprète, tirer à la courte paille. A peine l’avait-il fait que les hommes se jetèrent sur leurs armes de jet, (sans doute avait-il tiré la mauvaise paille...). Il y eut quelques blessés, mais ni lui, ni ses porteurs ni ses marchandises ne furent touchés. Témoignage recueilli à Lambaréné, sept. 1965.
130 Note du 3 févr. 1913, Conc., L(3).
131 Fin 1918, la S.H.O. conservait, dans sa seule factorerie de Lastourville, plus de 1 000 neptunes. Rapport général sur la S.H.O., 1910, Abc, 8 Q.
132 Ibid.
133 Engagés habituellement pour un mois, moyennant 10 frs de salaire et 10 frs de ration payables en espèces. Ibid.
134 Les pagayeurs étaient encore en 1918 payés exclusivement en marchandises. Ils ne touchaient que 10 frs à la descente, pour le trajet Lastourville — Molongui, et rien à la montée si la pirogue revenait à vide. Chargés, ils recevaient, en retour, dix autres francs. Une retenue de 2 frs par voyage et par pagayeur était opérée sur leur salaire pour location de la pirogue qui n’avait pourtant servi qu’à l’évacuation des produits de la Société. Comme chaque homme recevait, au départ, 5 frs de ration et une avance égale à Molongui, il revenait chez lui sans un centime, après une absence de quinze à vingt jours, s’il était remonté à vide. Bien que les Adouma pussent fournir un millier de pagayeurs, ils se refusèrent donc à effectuer les transports de la S.H.O. Une légère hausse dut être consentie. Ibid.
135 Rapport sur une inspection partielle de la S.H.O., août 1907 (59 p.), et Rapport d’Inspection des établissements de la S.H.O., inspecteur Cercus, 24 mai 1908 (46 p.), Aix, 8 Q.
136 Capitaine Fabiani, administrateur de la Région de l’Ogooué, au Lieutenant-gouverneur du Gabon, Maniumba, 28 sept. 1907, Arch. S.H.O.
137 Traité de gré à gré passé le 14 oct. 1909 entre la colonie et la S.H.O., G.G.A.E.F. à S.H.O., Brazzaville, 10 oct. 1910. Contrat renouvelé le 1er juil. 1911. Acte additionnel du 10 juin 1912. M.C. à S.H.O., Paris, 6 mars 1913, Arch. S.H.O.
138 Les vapeurs Jeanne et Louise et De Brazza et la chaloupe La Seine. Statuts de la S.H.O., 30 nov.-4 déc. 1894, Arch. S.H.O.
139 L’achat de la chaloupe Monrovia lui coûta 7 500 frs. La même année, elle construisait un sleep pour la réparation des vapeurs. Assemblée générale des actionnaires, 1902, Arch. S.H.O.
140 R.G., S.C., 1912, Conc., IV-9.
141 Assemblée générale, 1914, Arch. S.H.O.
142 Du 18 au 25 nov., porté par 318 hommes. Administrateur des Adoumas, Rapport du 2e trim. 1929, Arch. Koula-Moutou, Gabon.
143 Assemblée générale, 1913, Arch. S.H.O.
144 Assemblée générale, 1925, Arch. S.H.O.
145 Soit environ 440 frs la tonne. Rapport sur la S.H.O., Franceville, 1910, Arch. Franceville, Gabon.
146 Gabon, Rapport annuel, 1911, Aix, 4 (1) D.
147 Compte rendu annuel, 1902, Arch. S.H.O. Les travaux de la route avaient été préparés par la mission Fondère-Fourneau (1898-1899) chargée de l’étude d’une voie de communication entre l’estuaire du Gabon et un point navigable du bassin de la Sangha, et financé par le Comité de l’Afrique Française, le Ministre des Colonies et, secondairement, par la S.H.O. (compte rendu de mission, J.O.C.F., 1er juin 1899, pp. 21-22). Une nouvelle mission fut lancée par la S.H.O. en 1898 sous la direction du Garde principal d’Artillerie de Marine Osvald. Elle explora d’abord la rive gauche de l’Ogooué en aval de Ndjolé et la rive droite de la Ngounié (1er rapport Osvald, 24 oct. 1898) puis, jusqu’en sept. 1899, le haut Ogooué en amont de Booué (2e rapport Osvald, 1er déc. 1899). Rapport à M.C., Paris, 7 mars 1900, Arch. S.H.O.
148 M.C. à S.H.O., Paris, 14 juin 1901, Arch. S.H.O., et Garde principal Tiquet au C.G., Libreville, 19 oct. 1903, Brazza 1905-III.
149 Le décret du 22 févr. 1910 autorisa l’ouverture de travaux pour la création au Gabon des pistes Sindara-Fougamou (contournant les rapides de la Ngounié et terminée fin 1910) — Booué-Makokou (rayée ensuite du programme) — Kango-Ndjolé (le long de la ligne télégraphique) — Djoua-Sembé (de la Sangha à l’Ivindo, projet abandonné à la suite de la convention franco-allemande) et Kango-Libreville (entreprise en 1912). Gabon, Rapport général, 1911, Aix, 4 (1) D.
150 Compte rendu annuel, 1929, Arch. S.H.O.
151 Rapports trimestriels, subdivision de Franceville et d’Okondja, 1918-1928, Arch. Franceville, Gabon.
152 Circ. Adoumas (Lastourville), Rapports 2e trim. 1929 et 3e trim 1930, ibid.
153 Avis aux commerçants et aux colons, nov. 1924, Arch. S.H.O.
154 Les deux lots attribués furent les terrains de Manguegue et d’Abanga. Convention du 19 juil. 1930, approuvée par décret du 20 juil. 1930, J.O., 26 juil. 1930, p. 8480. La S.H.O. sollicita, en outre, 5 000 ha dans le prolongement d’Abanga et 5 000 ha dans l’Iguela. S.H.O. à M.C., 21 déc. 1934, Arch. S.H.O., Libreville.
155 Arch. S.H.O.
156 P.V. du Conseil d’administration, sept. 1897, mars 1900 et mai 1901, Arch. S.H.O.
157 P.V. du Conseil d’administration, 1899-1900, Arch. S.H.O., et Comptes rendus aux Assemblées annuelles, 1909 à 1922.
158 Assemblée générale extraordinaire du 10 juin 1919, Arch. S.H.O.
159 Liste des actionnaires, 1894, 1897 et 1901, Arch. S.H.O.
160 Les Assurances Générales, le Crédit Foncier Franco-Canadien, la Compagnie Fives-Lille, la Société Industrielle des Téléphones, le Comptoir Lyon-Allemand, la Société du Gaz du Nord et de l’Est, et la Société Gabonaise d’Entreprises et de Transports.
161 Alors qu’auparavant le troisième quart des actions primitives n’avait été appelé qu’en octobre 1913.
162 En 1920 Coquelle, administrateur de la Société Anonyme de Gérance et d’Armement, en 1923 R. Seyrig, gérant des Établissements Koechlin, actifs au Dahomey, en 1926 Chabrières, de la Maison Chabrières, Morel et Cie, en 1930 Raoul Duval, de la Maison E. Raoul- Duval et Cie.
163 Tous ces milieux d’affaires protestants étaient unis par des intérêts financiers et des liens familiaux. Ainsi Enjalbert avait-il épousé une demoiselle Denfert-Rochereau (morte récemment, âgée de 85 ans, Le Monde, 22 nov. 1969).
164 Des commerçants d’origine, les plus gros actionnaires demeuraient la famille Béraud (3 618 actions), Octave Barré (4 323 actions) et les Honoré de Dunkerque (2 745 actions).
165 Le Cap Lopez fut acheté en commun avec la société Anonyme de Gérance et d’Armement. La S.H.O. en paya les 4/5, soit 2 115 659 frs. Elle racheta la 4e part en 1922 et acquit en 1923 une autre unité navale, le Picardie, destiné au cabotage sur le fleuve Sénégal.
166 D’après les P.V. du Conseil d’administration et les comptes rendus annuels à l’Assemblée générale des actionnaires, Arch. S.H.O.
167 Luc Durand-Réville, entré au Conseil d’administration comme administrateur-directeur général sous la présidence de Jean Boissonas, devint Président-directeur général à partir de 1940.
168 La Cie Optorg (« commerce de gros » en russe) fut créée fin 1919 par un groupe textile du nord, animé par Jules Lorthiois, James Schwob d’Héricourt et Félix Vanoutryve, pour développer le commerce et l’industrie en U.R.S.S. et dans les pays limitrophes. Mais elle s’orienta très tôt vers l’Extrême-Orient (Tonkin, Chine, Annam, Cambodge et Mandchourie). Elle s’adjoignit en 1936 une filiale britannique, en 1938 une filiale néerlandaise. Dès 1947, elle reporta en Afrique noire une partie des moyens dégagés d’Indochine en prenant d’importants intérêts dans la S.H.O. (A.E.F. et Cameroun) et les Établissements Peyrissac (A.O.F.). Entreprise, 7 mars 1964, n° 443, pp. 31-54 (la notice sur la S.H.O. contenue dans cet article résume les premiers résultats de notre enquête).
Notes de fin
1 D’après les bilans annuels, Arch. Crédit Lyonnais.
2 Actions inscrites à la cote officielle de Paris, Arch. Crédit Lyonnais.
3 Le tableau dressé par Mazenot [304] a été complété, autant que faire se peut, par les bilans annuels conservés dans les Arch. du Crédit Lyonnais, mais introuvables à la S.O.M. des Archives nationales. Cependant, après 1922, le détail n’est malheureusement plus fourni.
4 A partir de la guerre, le calcul est vicié du fait que le bénéfice net, en francs dévalués, se trouve confronté à un capital appelé avant-guerre. Aussi avons-nous « déflaté » les francs courants en francs constants, afin de donner des profits une image plus conforme à la réalité.
5 Arch. Crédit Lyonnais.
6 Paris, cote des Syndicats des Banquiers.
7 Moyen-Congo, Rapport économique, 1923, Aix, 4 (2) D, et Rapport général sur la C.F.H.C. et l’Alimaïenne, Fort-Rousset, 14 févr. 1925, Aix, 8 Q.
8 Sources : Mazenot [304], Chap. VII, jusqu’en 1920. Comptes rendus annuels de la C.F.H.C. Rapport Laperge, vérification des statistiques douanières, déc. 1928 (années 1925 et 1927), Aix, 3 D. Annuaire statistique de l’A.E.F. [12].
9 Chiffres cités par Mazenot [304], Chap. VIII, d’après des archives locales privées.
10 Après versement de la capitation, pour une population de l’ordre de 90 000 habitants. (Population de la zone : 96 518 habitants en 1927, 96 955 habitants en 1930, chiffres donnés ibid., d’après les archives des postes.)
11 Chiffre nettement inférieur à celui proposé par Mazenot (585 000 frs), qui a tenu insuffisamment compte de la chute des cours en 1920-1921.
12 Les chiffres englobent le caoutchouc issu à la fois du Cameroun et du Congo rançais. D’après les bilans annuels de la Société, Arch. C.F.S.O.
13 D’après les bilans annuels de la Société, Arch. C.F.S.O.
14 Bilans annuels de la Société, Arch. C.F.S.O.
15 Absorption des pertes par réduction du capital de 24 à 12 millions de francs.
16 Vente en Europe de produits d’Afrique (caoutchouc) et vente en Afrique de marchandises d’Europe. D’après les bilans annuels, Arch. C.F.S.O.
17 Dont 1,2 million seulement sur la concession, le reste à Brazzaville, Kinshasa, Cameroun et Gabon.
18 Dont 850 000 frs seulement sur la concession.
19 D’après les comptes rendus annuels à l’Assemblée générale des actionnaires, Arch. C.F.S.O.
20 Plantation de Mavumba
21 D’après les bilans annuels, Arch. S.H.O. Au-delà de 1919 les opérations commerciales de la S.H.O. débordèrent largement du cadre, et de la concession, et de l’A.E.F.
22 D’après les listes de souscripteurs, Arch. S.H.O.
23 En millions de francs.
24 Après la guerre, le calcul des taux de profit exige un maniement délicat des chiffres (tant des augmentations de capital que des bénéfices), remis chaque année en francs constants.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Anthropologie économique des Gouro de Côte d’Ivoire
De l’économie de subsistance à l’agriculture commerciale
Claude Meillassoux
1999
Valladolid au siècle d’or. Tome 2
Une ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle
Bartolomé Bennassar
1999
Valladolid au siècle d’or. Tome 1
Une ville de Castille et sa campagne au xvie siècle
Bartolomé Bennassar
1999
La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du 11e siècle. Tome 2. Volume 1
Géographie arabe et représentation du monde : la terre et l’étranger
André Miquel
2001
Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1898-1930. Tome 1
Catherine Coquery-Vidrovitch
2001
Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1898-1930. Tome 2
Catherine Coquery-Vidrovitch
2001
Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Tome 2
Études sur les armées des rois de France 1337-1494
Philippe Contamine
2004