Chapitre VI. L’Europe de l’Est
p. 257-342
Texte intégral
1Peut-on parler d’Europe de l’Est, et d’Europe tout court ? Sans doute les textes, recevant l’héritage de l’antiquité, connaissent-ils, sous le terme d’Arūfä, une des quatre divisions traditionnelles du monde, avec la Libye (Lūbiya), l’Ethiopie (Ityūfiyā) et la Scythie (Usqū-tiyā)1. Or, si cette Arūfä comprend l’Espagne (musulmane : al-Anda-lus), les Slaves, le monde romano-byzantin (ar-Rūm) et les Francs, elle abandonne à la Scythie les pays de la Volga, que représentent les Khazars, mais englobe en revanche, « jusqu’à l’Égypte non comprise », toute l’Afrique du Nord2.
2Hormis ces vieux souvenirs, le concept d’Europe est inexistant. Il n’a donc, pour le cas présent, d’autre valeur que de commodité : à tout le moins permet-il de regrouper l’ensemble des pays qui composent les horizons nord-ouest de l’Islam3 : horizons souvent noyés d’incertitude et sur lesquels Byzance, pour d’évidentes raisons historiques, est seule à s’enlever un peu plus nettement4.
3Pourquoi, dès lors, ne pas réduire la part de l’arbitraire, en évitant de porter, dans ce bloc déjà indécis d’une Europe au nom factice, une nouvelle division, plus factice encore, entre Est et Ouest ? Si le concept d’Europe orientale ne trouve place que dans une mentalité bien postérieure, qui entendra ainsi l’Europe slave ou slavisée, jusqu’à la Volga et au Caucase, pourquoi en faire état, au mépris de l’histoire, dès les iiie/ixe-ive/xe siècles ? La vérité est qu’il existe, dans l’indécision même, une frontière : celle que trace, grossièrement il est vrai, non pas tant le savoir que l’ignorance. L’Europe de l’Est est alors, c’est un fait, un peu moins mal connue, un peu moins négligée, comme si les brumes qui recouvrent notre continent s’épaississaient davantage à mesure qu’on avance vers les pays atlantiques. Un indice : les Ḥudud al-’ālam (Des limites du monde), qui se veulent, comme en fait foi leur titre, un panorama du globe, ignorent délibérément ou presque5 l’Occident européen, mais consacrent, après la description de Byzance, onze paragraphes successifs à celle de l’Europe orientale6. Autre indice, plus sérieux peut-être, encore que non explicitement formulé : dans les notes qu’il consigna de son voyage en Europe, Ibrāhīm b. Ya’qūb laisse percer, au delà de la distinction entre Francs et Slaves, le vague sentiment d’un autre clivage : entre romanité et « barbarie » celui-là7.
4Reste que, même si on réussit à les isoler plus ou moins sur les horizons européens de l’Islam, les pays qui font l’objet du présent chapitre sont loin de constituer un ensemble homogène. C’en est fini de ces régions du monde qu’on pouvait, dans la foulée des textes, étudier par grandes masses : Extrême-Orient, Afrique, Asie centrale. Ici, d’un côté, le Caucase : une poussière de peuples et d’États où l’impiété et la foi, l’étranger et le musulman, l’ennemi et l’allié, hardiment mais confusément, se chevauchent, se pénètrent : un maximum de situations dans un minimum d’espace. Vers le nord au contraire, quelques noms seulement pour couvrir des immensités : surtout Khazars, Bulgares, Russes et Slaves8. D’un côté, donc, la règle est à l’interférence, à l’imbrication, dans le sentiment d’une commune appartenance à un pays fortement individualisé : la haute montagne, ramassée sous son vocable unique de Caucase (al-Qabq)9. Ailleurs, en revanche, de grandes plages ethniques, des peuples étalés, bien distincts les uns des autres, des pays aux horizons larges, mais qui se diluent quelque peu dans leur propre immensité.
5Ainsi notre démarche s’impose-t-elle d’elle-même : après avoir installé sur la carte les peuples et Etats du Caucase, on tentera de définir quels furent, pour l’Islam des iiie/ixe-ive/xe siècles, les traits pertinents de cette région, globalement considérée. Puis l’on passera en revue, l’un après l’autre, les peuples qui composent le reste de l’Europe de l’Est. Dans chacun de ces deux panoramas, on procédera de façon circulaire : pour le Caucase, l’itinéraire sera, à peu de choses près, celui-là même que suit, dans sa description, l’un des auteurs les plus abondants en la matière : Mas’ūdī. Pour les autres pays, on partira des Bulgares pour descendre la Volga, puis suivre la mer Noire, s’enfoncer dans le continent et revenir vers l’est, avec les Russes : à défaut de nous être ici suggérée par nos textes, cette démarche nous permettra au moins de conclure sur un extraordinaire récit d’Eros et de mort.
Le Caucase oriental
6Mas’ūdī, comme on vient de le dire, est certainement l’auteur qu’il faut suivre entre tous pour cet itinéraire caucasien (fig. 27)10 : sa description de la grande montagne n’est pas seulement une des plus détaillées de toutes ; elle a servi de base, en maint passage, à la rédaction d’une autre œuvre — et non des moindres — particulièrement intéressée à cette région : les Ḥudūd al-’ālam11.
7Mas’ūdī, donc, attaque le Caucase par là où il fut de tout temps le plus abordable, et le plus abordé : par l’est. Ici, en bordure des provinces musulmanes d’Adarbayğān et d’Arrān, la suzeraineté sassanide avait coiffé une poussière de principautés ; l’Islam a repris la tradition en la personne des princes mazyadides, les širwān-šāh, eux-mêmes vassaux des Musāfirides d’Adarbayğān. Depuis Derbend, au nord, ce pays du Sirwān (Sirvān) s’étend, sur les formidables citadelles de la montagne et de la mer, jusqu’à la région de Bakou, la seule au monde à produire le naphte blanc, qui sourd dans un paysage de volcans dont l’incendie infatigable se prolonge, au-dessus des flots illuminés, par tout un chapelet d’îles12.
8Mais dire suzeraineté d’un prince musulman ne sous-entend pas forcément, en ces régions-frontière (tugūr), Islam implanté partout ni uniformément. Voici deux pays directement soumis à l’autorité mazyadide, si soumis même que celle-ci a pu supplanter tout à fait leurs souverains, dont elle a joint les titulatures à la sienne propre : le Sirwān-šāh est aussi Layzān-šāh et Hursān-šāh13. On ne nous dit pas grand’ chose, il est vrai, du Layzān, situé sur le revers méridional du Caucase, sinon qu’il est le berceau de la dynastie mazyadide et produit des tissus de laine renommés14. Mais de l’autre pays, que, peuplent les Lakz (Lesghiens), sur les versants nord cette fois, nous savons qu’il n’est, au mieux, pour le Sirwān qu’un glacis, qu’une marche, volontiers rebelle à toute autorité, infidèle et pratiquant des usages qui étonnent la raison15.
9Autre pays soumis à l’autorité du Sirwān-šāh, entre le Caucase et le fleuve Kurr : le Muqān (ou Muqāniyya), homonyme d’une steppe située en rive droite du fleuve, mais sur les bords de la Caspienne16. Le royaume voisin, dit de Qabala, nous emmène, lui, hors du domaine mazyadide proprement dit, et même hors de l’Islam : car si sa capitale, qui lui donne son nom, est musulmane, les campagnes restent chrétiennes, peuplées de brigands et de gens sans aveu. Les ponts ne sont pas toutefois entièrement rompus avec les pays du Sirwān-šāh, puisque Istahrī nous fait part de relations cordiales entre Qabala et les gens du Layzān qui gardent, plus au nord, les accès du Caucase17.
10Le cas du Fīlān restant énigmatique18, il ne nous reste, pour en finir avec la mouvance mazyadide et ses abords, qu’à repasser de l’autre côté de la montagne, sur ces rivages de la Caspienne qui, selon Mas’ūdī19, relèveraient, jusqu’à Derbend, de l’autorité du Širwān-šāh. Ici s’étend le pays du Mašqut, où vivent certaines populations khazares transplantées20. Quant à Derbend, elle est plus qu’une ville : un thème-clé de la géographie arabo-musulmane, que les auteurs s’empruntent à l’envi : la Porte des Portes (Bāb al-Abwāb) ou la Porte (al-Bâb), tout simplement21. L’Islam y accueille la tradition persane, qui fit de ce passage ses Thermopyles contre les envahisseurs khazars, alains, avars, turcs et autres barbares à l’affût. Ici, le grand souverain sassanide, Chosroès Anûsirwân, édifia un système de défenses qui fit oublier tous ses prédécesseurs.
11De la pleine mer à la montagne la plus inaccessible, une muraille de sept parasanges de long (mais d’autres disent quarante, soit 230 km !) aligne, dans un appareil soigné, ses énormes pierres que des crampons ajustent les unes aux autres. Sept passages y sont percés, que garde chaque fois une ville entière, avec ses corps réguliers de combattants, tandis que là haut, sur le mur, vingt cavaliers peuvent courir de front. Mais à Derbend même, l’ouvrage rabat un peu de son austérité en faveur de l’art : taillés dans la pierre blanche, des lions, des hommes et même un renard tenant en sa gueule une grappe de raisin décorent la muraille et ses abords, tout en assurant une protection contre le mauvais sort.
12De ces fastes passés, l’Islam garde la mémoire ; lui aussi, à son tour, a eu ses héros qui ont porté la guerre au delà du mur, parfois au prix de leur vie, comme Salmân b. Rabl’a al-Bâhilï. Si ces épopées n’ont guère eu de suite, elles ont au moins fixé ici, à Derbend, une des fron-tières du monde musulman, contre laquelle viennent mourir encore les convulsions éventuelles des peuples du nord, Khazars surtout. Et si le mur d’Anùsirwân est entré dans la légende, les défenses, res-taurées ou nouvelles, de la Derbend musulmane ont pris le relais avec une singulière rigueur. Istahrī et Ibn Hawqal nous parlent d’un rem-part, d’un mur s’avançant jusqu’en mer, d’un môle de roc et de plomb, d’un bassin ouvert sur le large par le seul accès d’une voûte que ferme une chaîne. Mais sans rien abdiquer des précautions guerrières indis-pensables, le commerce est venu faire de Derbend la transitaire de la Caspienne méridionale, des Sarïr (Avars), Alains et autres « infidèles », le port du lin, du safran, des fourrures de renard noir et des esclaves.
13Terme du domaine mazyadide et, avec lui, du monde musulman, Derbend, disions-nous, fixe la frontière. Mais n’imaginons pas pour autant, de part et d’autre de celle-ci, des situations tranchées. En deçà, des groupes khazars, déportés des pays de la Volga, hantent la basse vallée du Samūr22. Au delà, rescapés des expéditions contre ces mêmes Khazars de la Volga, des Arabes ont réussi à se maintenir, forts de la protection que leur assurent et le voisinage de Derbend et, sur place, la configuration de leur pays, tout en marais, forêts, broussailles23.
14Poussons plus au nord encore. Cette fois, c’est bien fini. Dans ces avant-postes de l’État khazar, avec le peuple des Qaytaq (Haydān), l’Islam n’a décidément plus cours : seul, le roi, qui se veut descendant des Arabes Qahtānites, serait musulman. Mais ce trait, rapporté par Mas’ūdī, est contesté par Ibn Rusteh : musulman, oui, mais le vendredi, et juif le samedi et chrétien le dimanche, en attendant de découvrir laquelle est la vraie des trois religions. Quant aux sujets, ils adorent un arbre. Et tous, roi et peuple, mènent la vie dure aux gens de Der-bend24.
15Deux noms enfin : ceux des anciennes capitales khazares, Balangar25 et Samandar26, déchues au profit d’Atil, sur la basse Volga. Les assauts musulmans se lisent en clair dans ce repliement vers le nord, et Ibn Faḍlān rencontrera des Barangār, superficiellement islamisés, jusque chez les Bulgares. Ici, à Balangar, entre Caucase et Caspienne, Anūsir-wān, toujours lui, avait dressé d’autres défenses ; préfigurant, dans ses invocations et ses attitudes, l’Islam qui devait recueillir l’héritage sassanide, il eut, d’un génie de la mer, l’assurance que les fortifications, sept fois édifiées et sept fois détruites avant lui, seraient désormais invincibles par la grâce de Dieu. Quant à Samandar, elle est peuplée d’idolâtres, de juifs, de musulmans et surtout de chrétiens, tous khazars et relevant d’un prince de cette race, en paix avec les Avars (Sarïr) proches. Accueillante à l’étranger, encore que volontiers encline au brigandage, riche de ses vergers et de ses vignes, Samandar est prête, nous dit Ibn Hawqal, à se relever des ravages que lui causa le raid russe de 358/969. C’est une vraie ville, le seul « rassemblement humain » en pays khazar27 : les tentes l’y disputent à des treillages de bois, bombés en leur centre pour former toit et recouverts de feutre28 : aux approches de la Volga, nous voici retrouvant les paysages humains de ces grandes steppes de l’Eurasie que nous avons déjà par-courues de l’autre côté du grand fleuve.
Le Caucase central : Avars et Alains
16Mais restons encore au Caucase, dont nous sommes loin d’avoir fait le tour, et des bords de la mer revenons vers la montagne. En arrière des Qaytaq, Mas’ūdī nous parle d’un peuple armé de massues et gouverné par un roi musulman : les Kurg29 ; puis des Cumīq, chrétiens et divisés en plusieurs clans30 ; puis encore, toujours en tirant vers la montagne, des Zirīgarān, les « fabricants de cottes de mailles », de confessions variées et enfouis dans un pays quasi inaccessible, où l’on ne saurait aller les débusquer31.
17Viennent enfin leurs voisins, les Sarīr ou, plus exactement, les gens du Sarīr32. Car le mot désigne, comme nous le précisent Istahrī et Ibn Hawqal33, non pas le peuple lui-même, les Avars (Abar), mais le royaume qui se flatte d’avoir recueilli le trône (aṣ-Ṣarīr) d’or34 des souverains sassanides défaits par les armées de l’Islam35. Entre les Alains, le pays de Derbend et les approches de Samandar, le Sarīr déploie son éventail de plaines et surtout de montagnes : vingt mille défilés, au total, mais seulement deux voies d’accès véritables, par la haute montagne et par le grand passage de l’est, Bāb al-Abwāb, poumon du commerce sarïr.
18Les Avars, qui ont supplanté un autre peuple, les S(u)wār (Sabīr)36, représentent en réalité, nous dit-on, une mosaïque de races tributaires d’un même roi, le Maître du Trône (Sāhib aṣ-Ṣarïr)37. Exception faite de quelques groupes musulmans, gouvernés par un responsable issu de leurs rangs, l’ensemble de la population est chrétienne ou, selon d’autres, païenne ; Ibn Rusteh précise qu’elle adore un crâne et pratique d’étranges coutumes funéraires : le mort, exposé trois jours sur la place publique, devient ensuite l’objet de menaces, lances pointées dans sa direction pour ramener à lui l’âme qui aurait pu le quitter.
19Chrétien, en tout cas, le roi, installé dans un formidable nid d’aigle de seize parasanges carrées38. De là, il surveille un pays riche, rassemblant 12 000 ou même 18 000 villages où sont pris les esclaves vendus au dehors. La paix règne avec les voisins : monde musulman, pays de Samandar et Alains, une politique de mariages dynastiques resser-rant l’alliance avec ces derniers. Seuls ennemis : les Khazars, sur lesquels les Avars fondent du haut de leurs repaires, et les mouches géantes, qui attaqueraient les humains si on ne prenait la précaution de les pourvoir en viande.
20Les traits essentiels du paysage avar se retrouvent au nord-ouest, chez les Alains (al-Lān)39 : mille villages seulement, mais grands, un pays de montagnes, de rivières et de forêts, mais riche et cultivé puisque les coqs s’y répondent sans interruption d’une campagne à l’autre40. Ici aussi, des groupes musulmans, mais surtout des idolâtres et — souverain en tête — des chrétiens, encore que ceux-ci secouent à l’occasion l’influence byzantine qui s’exerce par le biais du clergé : signe, on le voit, d’une indépendance chatouilleuse ; aussi bien le roi, porteur du titre de Bagāyar ou de Karkundāg, et fort d’une garde de 30 000 cavaliers, tient-il une position de prestige sur l’ensemble des États du Caucase central.
21Le peuple iranien des Alains, ancêtre des actuels Ossètes, se divise en quatre tribus, dont les Dhsās (Rbsās, Ruhs-Ās) et les Tūlās (Tuwāl-Ās)41. La capitale est Magas, mais si le roi est connu pour posséder plusieurs châteaux et résidences, le lieu le plus célèbre de ce Caucase central est la Porte des Alains (Bāb al-Lān), aujourd’hui passe de Darial. Prise et reprise, la citadelle qui, depuis les Açhéménides, garde la route, le pont et la vallée, dans une « position aérienne »42, est si forte qu’un seul homme suffirait à la tenir : la nature l’a même pour-vue, avec une source, de l’eau nécessaire. En fait, ce sont mille hommes qui y ont garnison, mille hommes qui sont relevés chaque jour. Et si, lorsque écrit Mas’ūdī, Bāb al-Lān est aux mains de l’Islam, ce n’est, comme en fait foi son histoire, qu’une position provisoire, et trop disputée pour n’être pas précaire : les soldats musulmans n’y peuvent recevoir leur approvisionnement que de la marche (tagr) de Tiflis, éloi-gnée de cinq jours de marche à travers des pays tout peuplés d’infidèles.
Le Caucase de l’ouest et du sud
22Voisins des Alains par le nord-ouest, et adeptes du mazdéisme, les Tcherkesses ou Circassiens (Kāsak, Kašak)43 appartiennent moins à la montagne qu’à la mer. C’est la mer en effet qui assure leur protec-tion contre les Alains, par les places-fortes du rivage, et leur richesse, par les contacts réguliers qu’elle permet d’entretenir avec Trébizonde44. Le pays tcherkesse est celui des étoffes fines et même précieuses : lin, brocart, siglaton. Ici, comme pour les Qarluq de l’Asie centrale, la montagne rabat un peu de sa sévérité, donnant aux hommes un teint plus pur, une taille plus svelte, et aux femmes, toutes de blanc vêtues, une « intimité charmante » et une silhouette enchanteresse45. Aucun doute : si seulement ils avaient su s’organiser politiquement et s’unir, les Tcherkesses seraient le grand peuple de l’endroit.
23Toujours sur la mer et « dans leur voisinage », mais plus au nord46 la géographie se fait indécise, avec deux peuples puissants et mysté-rieux, dits des Sept Pays et d’Iram, ce dernier séparé des Tcherkesses par un fleuve « aussi important que l’Euphrate » et tributaire de la mer Noire : le Kouban ? La légende, en tout cas, envahit ces abords sep-tentrionaux du Caucase : les Iram se nourrissent d’un poisson merveilleux qui vient leur offrir à dépecer tout un côté de son corps, l’autre côté se refaisant pendant ce laps de temps47. Quant au pays, il nous est décrit en ces termes, où peut se lire comme un relief karstique transfiguré : « Entre quatre montagnes dont les cimes escarpées se perdent dans les nues, et qui sont distantes les unes des autres d’environ cent milles, s’étend un désert au milieu duquel est une cavité circulaire qu’on dirait tracée au compas ; elle ressemble à un puits creusé dans une roche vive ; ce trou a près de cinquante milles de circonférence ; il est coupé à pic et ses parois offrent l’apparence d’un mur. Cet abîme a environ deux milles de profondeur, et il est impossible d’y descendre. La nuit, on y voit briller des feux en différents points ; le jour, on y distingue des villages au milieu desquels coulent des rivières, avec des terres cultivées, des hommes, des animaux ; mais tout cela, vu à une si grande distance, paraît extraordinairement petit. On ignore entièrement à quelle race appartiennent ces hommes, puisqu’il leur est impossible de monter à la surface de la terre et qu’il n’existe absolument aucun moyen de descendre chez eux48. »
24Revenons au sud49, et à des réalités moins colorées de légende. Moins puissant que les Alains, le peuple des Abkhazes (Abhāz)50, christianisé, est parfois confondu avec ses voisins du sud, les Géorgiens51, eux-mêmes mal distingués de l’Arménie. « Grande nation chrétienne », et proche parente de Byzance par les moeurs, la Géorgie mène la vie dure à l’Islam : elle s’est affranchie, nous dit Mas’ūdī, du tribut qu’elle payait à la marche musulmane de Tiflis, contribuant à l’isolement total de celle-ci52. Il est vrai que la lutte, en ces pays, est de tradition : de tradition persane, encore une fois, depuis qu’Anūširwān fit de la ville de Ṣuġdabïl une place d’armes (maslaḥa), qu’il peupla de gens du Fārs et de Sogdiane (Ṣuġd).
25De cette Géorgie, Mas’ūdī détache le pays de Samtzkhé (aṣ-Ṣamshā), dont la population, mi-chrétienne mi-païenne, ne reconnaît pas de roi53. Il lui donne pour voisin le royaume des Sanāriens (Canark, Tsanar, aṣ-Ṣanāriyya)54, installés entre Tiflis et Bāb al-Lān : eux aussi se par-tagent entre le christianisme et l’infidélité, mais revendiquent une ascendance arabe. Leur roi, auquel Mas’ūdī donne le titre de Kuriskūs et Ibn Hawqal le nom de Sennacherib55, est feudataire du Širwān-šāh56.
26Ainsi revenons-nous, fermant la boucle, vers ce Caucase oriental dont nous étions partis ; le dernier pays, prospère et plaisant, sera celui des Sakkī57 : infidèles, chrétiens, ou musulmans se livrant au commerce et à l’artisanat, ils sont tributaires des Musāfirides, directement ou par l’intermédiaire du Sirwān-šāh58.
Tout le Caucase
27La géographie musulmane ne se contente pas de tourner, peuple après peuple, autour de la montagne. Elle prétend en fixer aussi l’image générale59. Et d’abord, cela va de soi, celle d’une montagne, d’une très grande montagne : cinq cents parasanges de long, dit Ibn al-Faqīh, soit l’équivalent de 2 800 km, pas moins60, ou encore deux mois de marche dans chaque sens, pour Mas’ūdī61. Plus sérieuses, les tentatives pour intégrer le Caucase à d’autres systèmes montagneux : celle d’Ibn Hawqal est la plus ambitieuse62, et la plus dépouillée de toute arrière-pensée de sacré. Car une tradition, tenace, rattache le Caucase aux montagnes nobles : le Sinaï ou le sommet d’al-’Arg, entre Médine et la Mekke63. Au delà de la théorie se profile le souvenir d’al-Qāf, la montagne-limite64 ; nos textes, placés devant les réalités de la géo-graphie, se montrent plus que discrets face à cette assimilation, mais choisissent toutefois le Caucase pour cadre d’une histoire de bout du monde, celle, coranique, du rocher de Moïse et de la source de vie65.
28Grande montagne, haute montagne ; elle écrase tout de sa masse. Les notations relatives à la faune et à la flore, par exemple66, s’effacent presque totalement : la vision est mobilisée, accaparée par la formidable barrière, par « ses vallées, ses gorges, ses défilés..., ses pics inacces-sibles qui se perdent dans les nues, ses fourrés épais, ses forêts nom-breuses, ses torrents impétueux qui se précipitent des hauteurs, ses rochers gigantesques67. »
29Comment s’étonner, après cela, que les peuples du Caucase « s’ignorent mutuellement, tant le pays est âpre »68 ? Les thèmes de la mosaïque, du cloisonnement ethnique et linguistique reviennent sans arrêt. Ibn al-Faqīh69 : on parle soixante et douze langues, sans autre communication possible que par interprète ; Mas’ūdī70 : on dénombre soixante et douze peuples et langages et, tout autour du Caucase, d’autres peuples que seul le Créateur pourrait compter ; Ibn Hawqal71 : sur la périphérie vivent des infidèles, avec des dialectes variés et nombreux ; Muqaddasī72 : on parle soixante-dix langues.
30Pour circuler dans ce pays cloisonné, mais aussi pour y pénétrer, on est voué, si l’on ne veut le contourner par les deux bouts73, aux « portes » (abwāb). Ibn Hurdāḏbeh les définit « des fortifications sur les chemins de la montagne », et plus précisément « les débouchés des défilés du Caucase, que gardent des forts » ; et de les dénombrer : trois cent soixante, très exactement74.
31Mais pour qui, à qui tous ces travaux ? A l’Islam, héritier, on l’a dit, de la tradition iranienne, ou aux populations locales75 ? Car, au Caucase, dans ce jeu politique complexe que supposent tant de frontières enchevêtrées, on est perpétuellement forcé à la défense ou à l’attaque. Ainsi la montagne est-elle, vue par ceux qui l’occupent, un refuge76, ou, à l’inverse, vue d’en bas, un nid d’aigle d’où la guerre peut fondre sur vous77.
32Pour l’Islam, en tout cas, ainsi que nous le fait entendre Mas’ūdī78, le Caucase n’est pas une protection naturelle : une barrière, si l’on veut, mais une barrière à sens unique, qui ne laisserait passer que les infidèles, et vers lui, l’Islam79. Ce n’est pas par elle que se manifeste la Providence, mais par l’idée qu’elle a donnée aux hommes d’édifier les défenses dont s’enorgueillit, après l’Iran, l’Islam, son successeur en ces régions.
33Mais lisons ce texte si éclairant, jusque dans son angoisse et son inquiétude devant l’histoire : « Si Dieu, dans sa rare sagesse, sa toute-puissance et sa miséricorde envers ses serviteurs, n’avait pas secondé de sa grâce les souverains de la Perse dans la fondation de la ville de Derbend, dans la construction de cette muraille à cheval sur le conti-nent, la mer et la montagne, dans la création des forteresses, dans l’établissement de plusieurs colonies soumises à des princes régulièrement installés, il n’est pas douteux que les rois de Géorgie, des Alains, des Avars, des Turcs et des nations que nous avons nommées envahi-raient le territoire de Barda’a, de l’Arrān, de Baylaqān, de l’Āḏar-bayǧān, de Zanğān, d’Abhar, de Qazwīn, de Hamaḏān, de Dīnawar, de Nihāwand et les extrémités des dépendances de Kūfa et de Basra, pour arriver jusqu’à l’Irak. Heureusement, Dieu a opposé à l’entreprise ces barrières d’autant plus nécessaires aujourd’hui que la puissance de l’Islam faiblit et décline, que les Byzantins l’emportent sur les Musulmans, que le Pèlerinage se fait mal, qu’il n’y a plus de guerre sainte, que les communications sont interceptées et les routes peu sûres, que les différents chefs militaires s’isolent et se rendent indépendants dans les régions qu’ils commandent, imitant en cela la conduite des chefs de satrapies entre le départ d’Alexandre et le règne d’Ardesīr, fils de Bābek, fils de Sāsān, lequel rétablit l’unité politique, fit cesser les divisions intestines, rendit la sécurité aux peuples et la culture à la terre, en attendant que vînt le jour où Muhammad reçut de Dieu sa mission, fit disparaître les vestiges de l’infidélité et effaça les traces des autres doctrines religieuses ; l’Islam a toujours été triomphant jusqu’à cette époque (332/943) où, sous le califat du Commandeur des Croyants Abū Ishāq Ibrāhīm al-Muttaqī bi-llāh, ses colonnes ont commencé à chanceler et ses fondations à céder80. »
34Ce long texte nous emporte loin du Caucase, et même hors de l’espace. Le monde entier se sublime dans le temps, le temps sacré où il est engagé ; or, placé devant son histoire, l’Islam sent d’autant plus croître son pessimisme que les déclins ne débouchent plus forcément sur les gloires, comme dans les alternances régulières du passé : on est revenu à la situation d’après Alexandre, mais les sauveurs, Ardesīr le profane et Muhammad le religieux81, sont déjà venus. Si maintenant le monde s’écroule, d’où, de qui attendre le salut ? Non pas des hommes, mais des choses humaines : les premiers défaillant, ce sont leurs œuvres qui portent seules désormais le poids de l’avenir de l’Islam et, par lui, de la terre, ce sont les précautions prises par eux qui, face aux montagnes malignes du Caucase, soutiennent l’enjeu. Et quel enjeu ! D’un côté, à travers l’Irak, centre du monde82 qu’on voit déjà atteint par les Barbares en ondes successives portant les noms des pays musulmans, d’un côté, donc, la civilisation. De l’autre, le Caucase, réservoir de forces pernicieuses, prêt à crever comme aujourd’hui ces barrages suspendus sur la vie des vallées. Ainsi retrouve-t-il — mais par l’his-toire — son rôle de montagne mythique aux limites du monde : non plus celles, spatiales, dont la géographie a démontré l’irréalité, mais celles du temps. Il n’est plus, sur la carte, le terme de la terre habitée ; il est peut-être, dans l’histoire, la fin de l’univers civilisé.
Les Bulgares de la Volga
35Entamons maintenant un second itinéraire (fig. 28), à travers les grands espaces de l’Est européen, à travers l’histoire, aussi, car il faudra restituer à celle-ci les droits que nos textes lui refusent souvent, par confusion ou ignorance. Prenons les Bulgares ; si nous commen-çons par eux, c’est l’effet, avons-nous dit83, de quelque arbitraire. Mais l’histoire, après tout, proteste que non. Nous étions au Caucase ? Eh bien, c’est au Caucase, d’abord, qu’il faut chercher les Bulgares ; jusqu’au ier/viie siècle en effet, ils sont installés dans les parages nord-ouest de la grande montagne : rives du Kouban et de la mer d’Azov. Mais cela, nos textes l’ignorent84 ; ils nous transportent, d’un coup, aux deux sites85 où les Bulgares ont émigré : les pays du Danube et, pour le groupe qui nous intéresse ici, le confluent Volga-Kama.
36Les textes doivent être passés à un double crible : en chacun d’eux, il importe de distinguer, autant qu’on le peut, de quels Bulgares il s’agit ; mais tous, aussi, sont à considérer les uns par rapport aux autres, comme prenant place dans des sédimentations successives de l’histoire. La première couche, la plus ancienne, est celle que livre Ibn Rusteh86, continué par les Ḥudūd al-’ālam87 ; une autre est celle d’Istahrī, que prolongent à leur tour, mais en lui ajoutant des données de leur époque, Ibn Hawqal et Muqaddasī ; entre les deux se situe le témoi-gnage d’Ibn Faḍlān, pris sur le vif et qui demandera une attention toute particulière88.
37Débuts du ive/xe siècle89 : entre Russes90, Burtās, Petchénègues91, Ǧuzz et Khazars, les Bulgares (dits de l’extérieur), qui relèvent du septième climat, occupent, sur la Volga (le fleuve d’Atil), un pays de marécages et de fourrés. Ils se livrent au commerce92 des fourrures (zibeline, hermine et petit-gris), la fouine constituant, elle, l’unité monétaire. La guerre, qui les oppose surtout aux Burtās, leur procure par ailleurs des esclaves, sans compter ceux que leur livrent les Russes. Mais ils s’adonnent aussi aux travaux des champs, et spécialement à la culture des céréales : blé, orge, millet.
38Puissamment armés, connaissant la cotte de mailles, les Bulgares semblent s’être organisés en un État solide : s’ils se divisent en trois hordes, Barsūlā, Isgil et Bulkār, héréditairement ennemies, tous se regroupent aussitôt que le véritable ennemi, celui du dehors, se pré-sente ; autres ferments d’unité : la langue, déclarée « particulière »93, et l’autorité royale : la dîme est perçue sur toutes les marchandises venant de l’Islam94, et le tribut en chevaux, notamment à l’occasion des mariages, est régulièrement dû au prince. Celui-ci, nommé Almus95, est musulman, comme du reste la majorité de ses sujets : mosquées, écoles coraniques, muezzins, imams, vêtements et tombes « à la musulmane »96 composeraient un paysage connu, n’étaient les tentes, habillées de feutre, et l’usage profane de la prosternation, forme courante du salut entre amis.
39A ce stade, les Bulgares apparaissent comme un peuple à mi-chemin entre le nomadisme cavalier et guerrier, d’un côté, les occupations sédentaires du commerce et de l’agriculture, de l’autre. Nul doute pourtant que celles-ci ne triomphent, presque à court terme, aidées par l’expansion économique, la création des villes et les progrès de l’Islam. Dès avant le milieu du ive/xe siècle, le texte d’Istahrī97 est à peu près vierge de tout souvenir de nomadisme : en tout cas, plus d’impôts en chevaux, plus de hordes. La « célébrité bulgare » est expliquée par la situation du pays, plaque tournante du commerce international, avec une spécialité, le castor, mais de nombreux postes, dont Muqaddasï donne la liste : fourrures et peaux diverses, colle et dents de poisson, flèches, sabres, cuirasses, chaussures, bonnets, bois98, esclaves, cire, miel, boeufs et moutons.
40Incontestablement, la puissance des Bulgares s’affirme en ce ive/ xe siècle : ils ont, par exemple, soumis leurs voisins Bašğirt. Ils sont devenus, non plus musulmans en leur majorité, comme le disait Ibn Rusteh99, mais musulmans tout court : indice, sans doute, des effets de l’ambassade d’Ibn Faḍlān100. Ils ont créé des villes : Bulġār, « modeste agglomération » selon Istahrī, a cependant sa grande mosquée (garni’), tout comme sa voisine, Suwār101 ; à elles deux, elles comptent 10 000 habitants, mais les Ḥudūd al-’ ālam102 rectifient ce chiffre pour la fin du ive/xe siècle : Bulġār peut envoyer à la guerre sainte 20 000 cavaliers, eux-mêmes accrus des contingents de Suwār, non précisés ceux-là. Tout ce monde, abondamment nourri de pain, vêtu de tuniques « plus longues que celles des Russes », habite des maisons de bois, encore que l’été le voie regagner les grandes tentes rondes (harkāhāt) de la tradition nomade.
41Ibn Hawqal103, seul, vient noircir le tableau : il évoque les esclaves bulgares emmenés par les guerriers, sans doute turcs, du Huwārizm, et surtout la terrible descente de la vallée de la Volga par les Russes qui, en 353/964, ravagèrent les pays bulgare, burtās et khazar104. La note d’espoir sur laquelle Ibn Hawqal conclut cependant, en prédisant le relèvement khazar105 après le passage du cataclysme, peut s’entendre aussi des Bulgares : et il est vrai — l’histoire le prouve — qu’ils se relevèrent en effet106.
42Finalement, dans ce survol du pays bulgare à travers l’histoire, une seule chose échappe réellement au temps : ce pays lui-même, inchangé, avec son fleuve immense107 et, surtout, son climat. Ici, le voyageur se pressent sur le chemin du pôle : la nuit de l’été bulgare, comme le jour de l’hiver, est si courte qu’on n’y peut guère parcourir qu’une ou deux parasanges à peine, ni trouver le temps de faire bouillir une marmite108.
Les Bulgares chez eux : Ibn Faḍlān
43On connaît l’histoire109 de cette ambassade que le calife al-Muqtadir dépêcha, sur sa demande, au roi des Bulgares. But officiel : donner à ceux-ci, partiellement et superficiellement convertis à l’Islam, les moyens d’approfondir leur foi et de construire une société selon les normes musulmanes. Mais la politique et l’économie, on s’en doute, avaient leur mot à dire en cette affaire : il s’agissait, pour le plus grand bien du commerce, de tourner l’obstacle khazar qui, sur la basse Volga, barrait le chemin entre la Russie orientale et les pays septentrionaux de l’Islam : rivages sud de la Caspienne, Hurāsān, Huwārizm110.
44Dans l’ambassade qui partit de Bagdad le 11 safar 309/21 juin 921 se trouvait un personnage essentiel : Ibn Faḍlān. Peu nous importe, à la vérité, son rôle propre au sein de la délégation. Essentiel, il l’est pour nous, de toute façon. Car la relation qu’il nous a laissée constitue, par le caractère direct et spontané du témoignage, un extraordinaire document. Il concerne non seulement les Bulgares, mais les Huwārizmiens, les Ǧuzz, les Petchénègues, les Bašğirt, sans compter quelques informations sur les Russes et les Khazars. Mais, bien évidemment, ce sont les Bulgares — ou, comme Ibn Faḍlān les appelle souvent, les Slaves111 — qui constituent le noyau de l’œuvre.
45La Risāla d’Ibn Faḍlān a été maintes fois éditée et traduite : on doit à M. Canard une version française dont l’annotation représente, en matière de bibliographie et de mise au point, un modèle du genre112. C’est dire que, les problèmes proprement historiques ayant été exposés, sinon résolus, par l’érudition internationale, la voie est libre pour une description des attitudes mentales reflétées par la Risāla. Le problème de l’authenticité intégrale du texte ne devra pas nous retenir : si, à un problématique rapport initial, d’allure plus concise et réservé à l’administration califienne, une main anonyme a ajouté quelques détails dans le sens du merveilleux pour mettre l’ensemble au goût du jour113, n’est-ce pas, justement, ce goût du jour qui fait le propos de notre recherche, avant même l’authenticité historique ?
46Or, que dit la Risāla ? Une fois épuisées les données purement diachroniques — récit du voyage, rencontre avec le roi, accueil et instal-lation de la mission, problèmes de l’islamisation114 — le texte attaque la synchronie, à savoir le tableau du pays bulgare, par ces mots : « J’y ai vu d’innombrables merveilles. »115 Tout est là. Car, en réalité, dans ce qu’Ibn Faḍlān va noter sous ce titre, il est souvent bien difficile de parler de fabuleux. En fait, c’est moins merveilleux qu’il faudrait dire, qu’émerveillement ; et la qualité de la notation, le sérieux, l’objec-tivité enlèvent souvent, on y reviendra, sa part au fantastique. Mais l’important, c’est justement cet a priori du merveilleux (‘ağīb) qui confère, au donné qu’on va présenter à un public avide de curiosités, la sanction de l’intérêt116.
47Les thèmes ainsi présentés comme relevant de la féerie s’organisent, assez facilement, selon un classement quantitatif : en tête, et de très loin, les thèmes du climat, de la faune et de la flore117. Suivent, nettement distancés, la royauté, les usages sociaux, les usages familiaux, l’alimentation, l’organisation interne de la société globale et ses rela-tions externes118. Viennent enfin, dans un dernier groupe, la topographie du pays et, tout à fait en queue de liste, le commerce119.
48Notre étude du pays bulgare s’ordonne, dès lors, de façon quasi automatique, selon l’intensité, l’impact si l’on préfère, des thèmes dans la conscience de l’auteur. Sans doute ne sont-ils pas toujours présentés par Ibn Faḍlān dans cet ordre même : aussi bien certains se distribuent-ils tout au long du tableau. Mais, outre que le classement quantitatif reste, lui, irréfragable, il est des thèmes — et parmi les plus grands : climat et usages sociaux notamment — qui interviennent dès les premières pages de la description des « merveilles » : c’est par la météorologie, plus précisément, qu’elle s’ouvre120. C’est donc là-dessus qu’il nous faudra insister nous aussi tout particulièrement. Qu’on nous permette cependant, pour respecter la règle de notre tradition littéraire à nous, celle de l’intérêt croissant, de finir par là où Ibn Faḍlān commence.
L’Etat et la société bulgares
49Le marché, près de la Volga, les importations de moutons turcs, de peaux de martre et de renard depuis les pays des lacs Blanc et Onega, et c’est tout pour le commerce121. Rien d’étonnant : le commerce précède la diplomatie, mais c’est à la diplomatie, d’abord, que le rapport ou, comme disent les diplomates, la « dépêche », fait la part belle. Aussi bien insiste-t-on davantage sur la présentation du pays et surtout des résidences royales, près de trois lacs à quelque distance de la Volga122, ou plus au nord, sur un affluent de la Kama, le Gāwsīz, rivière moyennement profonde, dans un paysage alterné de forêts et de landes123.
50Plus importante encore, la position internationale de l’État bulgare, soumis à l’impôt envers les Khazars124, lesquels conservent par ailleurs en otage le propre fils du roi : d’où l’appel lancé au calife pour secouer cette tutelle125. Quant à l’organisation interne126, elle juxtapose des sur-vivances nomades et des symptômes d’État centralisé : les groupes tribaux subsistent, soit d’origine étrangère et assimilés, comme les Barangār127, soit apparentés aux Bulgares, comme les Suwār ou Suwāz128, dont le prince est à la fois vassal et gendre du souverain bulgare. Mais ces résidus d’autonomie nomade sont contrebalancés par l’impôt, qui semble bien privilège royal, sous forme de prestations en nature129, comme, aussi, de dîme frappant toutes les marchandises importées du sud par la Volga, et tous les esclaves, d’où qu’ils viennent.
51L’intérêt même porté à l’institution royale témoigne bien de son relief. L’Islam, officiellement, politiquement représenté par l’ambaṣ-Ṣade, peut bien exiger de modifier, sur tel ou tel point, l’étiquette, il n’empêche que celle-ci lui préexistait130. Le roi chevauche seul, devant ses sujets debout et tête nue. Sa part d’hydromel et de blé est réservée à l’occasion de tout repas de fête, son butin propre prélevé à chaque expédition. Quant il reçoit, tous, même ses fils, mettent leur bonnet sous l’aisselle, inclinent la tête, s’assoient, se relèvent et enfin — mais seulement à l’invitation du souverain — se rassoient, sur les talons. Dans la grande tente ronde, d’une capacité de plus de mille personnes et toute tendue de tapis d’Arménie, le roi siège sur un trône recouvert de brocart byzantin. Il s’entoure, pour les réceptions officielles, de sa femme, de ses fils, de ses princes et de ses généraux. Après le cérémoniai des pièces d’argent lancées en pluie sur le souverain et son épouse, le repas d’apparat, exclusivement fait de viande rôtie, est inauguré par le roi, qui doit manger trois quartiers de viande avant que l’assis-tance soit autorisée à commencer, par tables strictement individuelles. Si l’appétit du convive n’est pas à la hauteur de la quantité servie, il emporte les restes chez lui. Le banquet se clôture à l’hydromel, et le roi donne le signal de la séparation en se levant et se rasseyant à trois reprises.
52La transition entre états nomade et sédentaire, qui se perçoit au niveau de l’organisation sociale, n’est pas moins sensible dans les usages de la vie courante ; même si elle échappe, en cette formulation stricte, à Ibn Faḍlān, il reste qu’il la note. Dans l’alimentation, par exemple, on peut distinguer l’économie de cueillette, avec les pommes sauvages, le miel et la sève du bouleau à sucre, les pratiques nomades, avec la consommation de viande de cheval ou de bouc, et le stade agricole, avec la culture des céréales : millet, blé, orge131. Mais cette agriculture sédentaire est encore inexpérimentée, embryonnaire : on conserve les grains à même la terre, dans de simples puits, ce qui les gâte très rapidement. L’orge ne donne, en particulier, qu’une mauvaise bouillie dont on nourrit les esclaves. Quant aux graisses, elles sont toutes d’origine animale : plus précisément, c’est le poisson qui les fournit, au grand dam de tout ce qu’elles touchent.
53L’habitation, incontestablement, a moins évolué : pas de villes encore, pas de ces constructions de bois qui seront vues quelques décennies plus tard132 ; rien que la grande yourte ronde des nomades133. Du vêtement et de la toilette, Ibn Faḍlān ne nous dit que l’usage général du bonnet (qalansuwa), et que les Bulgares se lavent, entièrement nus, dans l’eau du fleuve134.
54La naissance et les successions présentent, venus de la tradition turco-mongole, assez de traits aberrants pour que l’Islam militant, par la bouche d’Ibn Faḍlān, ne s’empresse pas de dire son mot : com-ment admettre que le grand-père ait, sur le nouveau-né, plus de droits que le propre père de celui-ci, ou que le frère hérite à l’exclusion du fils135 ? Même intervention de l’Islam, plus ancienne sans doute, dans les coutumes funéraires : on lave le corps et on l’enterre dans une exca-vation latérale (laḥd) de la tombe. Mais les vieilles pratiques subsistent de leur côté : pour les gens de condition libre tout au moins, un drapeau est placé à la porte de la tente mortuaire, et c’est par un drapeau encore que s’ouvre le convoi, devant le chariot portant la dépouille. Le défunt est enterré avec quelques armes, d’autres restant éparpil-lées sur sa tombe. Ici, ce ne sont pas les femmes qui pleurent, mais les hommes, cependant que les esclaves se flagellent avec des courroies de cuir tressé. Ces rites s’étalent sur deux ans, après quoi les drapeaux sont enlevés, les cheveux coupés et un banquet donné par la famille du mort136.
55L’Islam semble donc ne mordre que sur les franges du système familial. Mais il bute, plus sèchement encore, sur celui des relations sociales137. Ici, nulle trace d’un quelconque effet de la Loi musulmane, mais, à l’inverse, le témoignage vécu d’une résistance obstinée du milieu : « Je me suis sans cesse évertué, dit Ibn Faḍlān, à faire voiler les femmes en présence des hommes. En vain. »
56Rien donc — et jusqu’à certain domaine magico-religieux — qui n’appartienne ici à un ensemble original, bulgare au sens strict ou relevant du monde turco-mongol. Rites de l’accueil : on offre les vivres essentiels, en l’espèce ceux d’une société à mi-chemin, on l’a dit, du nomadisme et de la sédentarité : viande, millet, pain. Croyances : les hurlements des loups annoncent le bonheur et la fertilité pour un an. Tabous : on ne doit pas garder ses armes sur soi quand on urine ; si l’on manque à l’interdit, on est mis de force dans l’état de dépouillement nécessaire. Et encore : toute tente foudroyée est tenue pour maudite et laissée telle quelle, avec ses occupants et tout ce qu’elle contenait. Mœurs : liberté totale, hommes et femmes, par exemple, se baignant nus, et ensemble, au fleuve, mais peine de mort pour le vol et l’adultère, châtiés par la même peine de l’écartèlement, les lambeaux du ou des corps étant ensuite suspendus à un arbre138. Pour le meurtre : talion strictement appliqué en cas d’assassinat délibéré ; si l’homicide est involontaire, on place le coupable, avec trois pains et une cruche d’eau, dans une caisse de bois, cloutée, que l’on pend à trois pieux dressés en faisceau, avec le vague espoir qu’ainsi « mis entre ciel et terre, exposé à la pluie et au soleil », l’homme recevra peut-être sa chance de la puissance d’en-haut. En réalité, dit Ibn Faḍlān, « il reste suspendu jusqu’à ce que le temps l’ait fait tomber en poussière et que les vents l’aient dispersé. » La mort enfin, mais cette fois pour l’être d’exception, porteur de forces surnaturelles qu’il est bon de s’attacher en faisant communiquer terre et air139, corps et esprit, vie et mort, homme et sacré : quand les Bulgares « voient un homme ayant de la vivacité d’esprit et la connaissance des choses, ils disent : « Cet homme mérite de servir notre Seigneur. » Ils le prennent, lui mettent une corde au cou et le suspendent à un arbre jusqu’à ce qu’il tombe en morceaux. »
Le pays bulgare : le temps perturbé
57Deux remarques sur la flore140 : comme on l’a déjà noté pour d’autres terres étrangères, la botanique, au sens où nous l’entendons, s’efface toujours devant un choix de plantes curieuses ou utiles, ou les deux ensemble. Mais ce choix lui-même n’est pas méthodologique, il n’im-plique aucun échantillonnage, comme nous dirions aujourd’hui : la flore limitée qu’il nous présente reste hasardeuse, et sa consignation liée à l’instant ou même aux simples automatismes de l’écriture141.
58Le millet, le blé et l’orge nous sont déjà connus ; ils épuisent à eux trois la flore du champ, du pauvre champ bulgare à peine sorti du nomadisme. La forêt est représentée par le bouleau (ou l’érable ?)142 ; le noisetier, qui peuple des bois entiers, de quarante parasanges dans les deux sens ; le pommier sauvage, aux fruits verts et très acides ; un arbre à la sève « plus douce que le miel », plus énivrante que le vin, aux feuilles rassemblées en bouquet, tout en haut d’un tronc interminable : le bouleau à sucre, peut-être ; enfin, une plante donnant des baies aigrelettes : l’airelle ?
59Faune143 : on évoque rapidement, parfois sur le mode allusif, le cheval, les caprins, les abeilles, le poisson. Le loup, on l’a vu, intrigue davantage, en raison des croyances qui s’attachent à ses hurlements ; les serpents sont donnés comme nombreux, souvent énormes, toujours inoffensifs, et d’un mimétisme bien adapté aux arbres de la forêt. Enfin, dans les « vastes étendues », voici un animal dont Ibn Faḍlān parle par ouï-dire : corps de mulet, sabots et queue de boeuf, tête de chameau, l’animal s’acharne sur le cavalier qui passe, le projette en l’air et le reçoit sur sa corne, mais laisse la monture intacte. On le chasse, à la flèche empoisonnée, pour cette corne, dont on fait des plats. Et Ibn Faḍlān de conclure : « Des gens du pays m’ont dit que c’était le rhinocéros. » Soit, mais très probablement un rhinocéros fossile, dont le souvenir alimente des récits qui continuent à parler de lui au présent144.
60Restent les phénomènes du ciel, qui se taillent, dans la description du pays bulgare, et la part du lion et la place d’honneur145. Un senti-ment permanent de désarroi, voire de franche angoisse, saisit le narrateur devant le temps perturbé. Le temps qu’il fait, d’abord : ici, sous la menace fréquente de l’éclair, rouge est le soir, rouge est l’aurore. Au coucher du soleil, tumulte dans les airs, nuages prenant l’apparence de cavaliers au combat, avec sabres et lances, si tonitruants, si ressemblants, que le croyant se surprend à balbutier ses prières, car qui prouve qu’il ne s’agit pas de djinns en train, réellement, de guerroyer146 ? Le même horizon incendié se retrouve à l’apparition de l’astre : alors, pendant qu’il se lève « comme un grand nuage », et jusqu’à ce qu’il ait atteint au zénith, une lueur baigne de rouge le pays tout entier, avec son sol, ses montagnes et tout ce sur quoi le regard se pose.
61Nul doute qu’une authentique poésie ne naisse ici de la simple sensibilité à un spectacle grandiose. Mais la perturbation, source de féérie, touche aussi l’autre volet du temps, celui qui passe et qu’on mesure : ou plutôt — en ce pays étrange — qu’on mesure mal. Les thèmes de la marmite qui n’a pas le temps de bouillir entre crépuscule et aurore, ou des distances ridicules qu’on parcourt à peine en un jour d’hiver147, nous intéressent moins que les difficultés du musulman à reconnaître, dans une durée si capricieuse, les moments de ses cinq prières légales, ou que le tableau d’une nuit de printemps, très exactement celle du 13-14 muharram 310/13-14 mai 922 : assis devant sa tente, Ibn Faḍlān scrute un ciel où court une lune éphémère et basse, et dans ce qui devrait être l’ombre, distingue tel de ses compagnons à une portée de flèche et plus ; la lueur rouge du couchant persiste et peu à peu se transforme en aurore, tandis que quinze étoiles à peine parviennent à surimposer leur lumière à la clarté diffuse du firmament.
62Peu importe, après cela, que l’ambassade ait, historiquement, réussi ou non148. Réussie, elle l’est pour nous qui, à dix siècles de distance, pouvons mesurer, grâce au plus doué de ses membres, l’impact du dépaysement dans la conscience d’un musulman bagdadien : impact si fort qu’il arrache à cette conscience, tout naturellement, hors des sentiers battus, les accents de l’authentique, de l’éternelle poésie. Venu de cet Irak que l’on tenait pour le centre du mond149, le musulman pressentait ici, dans la durée perturbée du jour et de la nuit nordiques150, la relativité non pas seulement de son système de valeurs151, mais des fondements mêmes de la vie.
63On conçoit, dès lors, que la question de l’authenticité intégrale de la Risāla doive être reprise dans son contexte de départ, et non selon nos normes à nous : à travers les thèmes du dépaysement, c’est tout le problème de la situation de l’Islam hors de ses zones traditionnelles qui est ici posé : peuples, latitudes, paysages, moeurs, tout était nouveau pour lui. Du coup, ce « pittoresque » que certains érudits répugnent à considérer comme appartenant au texte original de la Risāla, peut bien en avoir constitué, dans les faits, la partie essentielle. A cette réserve près qu’il ne s’agissait, pour Ibn Faḍlān, de rien moins que de pittoresque : de nécessaire, tout simplement152.
Les Burṭās
64Descendons la Volga, et nous voici chez les Burtās (Burdās)153, peut-être des Finnois, plus ou moins turquisés, parlant une langue propre, en tout cas nombreux, forts et beaux. Vassaux des Khazars, ils guerroient contre les Petchénègues154 et les Bulgares, lesquels, de leur côté, font chez eux des expéditions dont ils ramènent des prisonniers155. La religion des Burṭās les apparenterait, nous dit-on, au monde turc et plus précisément Ǧuzz. Chez eux, la fille choisit librement son mari, sans considération de l’autorité paternelle. Ils brûlent ou enterrent leurs morts et ne connaissent d’autre pouvoir que celui d’un ou deux anciens pour chaque horde156, devant lesquels on porte tous les différends ; mais les rixes, coups, injustices ou meurtres n’admettent aucune conciliation.
65Le pays, vaste, plat, essentiellement composé de forêts de bouleaux157, se prête parfois aux cultures158 ou à l’élevage du bétail, chameaux notamment, mais fournit surtout le miel et les fourrures : belettes, fouines, renards roux, blancs, pie159 ou noirs, ces derniers particulière-ment prisés des cours princières, comme donnant le plus de chaleur.
66Ces renseignements proviennent, en leur énorme majorité, d’Ibn Rusteh160 ; les autres auteurs se contentent de le résumer, ou alors de quelques notations parcimonieuses. Cette désaffection d’ensemble s’explique assez bien : en remontant la Volga à partir de son embou-chure, c’est aux pays de la rive droite, ceux des Petchénègues et de leurs successeurs Ǧuzz, que l’Islam s’intéresse d’abord, car ils regardent sa façade nord-orientale, depuis le Gurgân, à l’angle sud-est de la Caspienne, jusqu’à la Transoxiane, en passant par le Hurāsān et le Huwārizm. L’autre rive de la Volga, celle de gauche lorsqu’on la remonte, celle des Burtās, est quelque peu décentrée par rapport à ce schéma, d’autant que, pour y parvenir par l’aval du fleuve, il faut d’abord passer un écran considérable, qui porte le nom d’un peuple puissant, avec lequel l’Islam a maille à partir : les Khazars.
Les Khazars : le pays et l’histoire
67Incontestablement, les Khazars (Hazar) sont une des pièces maîtresses sur l’échiquier des relations extérieures de l’Islam. D’où l’intérêt manifesté par nos textes : évident, massif161. Trois courants s’y dessinent, représentés par Ibn Hurdāḏbeh (fin du iiie/ixe siècle), Ibn Rusteh (débuts du ive/xe siècle) et enfin Ibn Faḍlān (vers 311/923)162. Sur ces trois versions de base, les autres auteurs proposent redites, compilations, rectifications ou adjonctions, le cas le plus remarquable étant celui d’Ibn Hawqal, dont le texte, fortement développé à partir d’Iṣṭabrī163, témoigne d’une sensibilité particulière à la situation de cette façade septentrionale de l’Islam.
68Commençons par l’histoire : la plus ancienne nous ramène aux temps où l’Iran sassanide s’essayait à contenir la poussée khazare sur les marges nord du Caucase, au prix de guerres, de mariages dynastiques et enfin de ces fortifications fameuses dont on a déjà parlé164. Les expé-ditions musulmanes, notamment celle de Marwān b. Muhammad, à l’époque umayyade, s’incrivent dans cette tradition de « containment » : on a vu plus haut qu’elles ont au moins réussi à rejeter vers le nord, de Balangar et Samandar aux pays de la Volga, la capitale khazare, tout en ne laissant à l’Islam, il est vrai, qu’un contrôle assez lâche sur le pays au delà de Derbend (Bāb al-Abwāb)165. Viendront enfin les raids russes dans la vallée de la Volga : les Khazars, une première fois, s’en tireront à bon compte grâce à un subtil double jeu, mais beaucoup plus mal ensuite, lorsqu’il faudra, peut-être en rançon de ce double jeu, subir d’autres raids, dévastateurs ceux-là, sinon tout à fait ni immédiatement mortels166.
69Relevant de l’antique Scythie (Usqūtiyā), les Khazars voisinent, dans cette même cartographie, avec la Paphlagonie (Iflāġūniya) : nous sommes ici largement, on le voit, dans le domaine de l’approximation167. D’autres souvenirs remontent à la surface, venus de ces temps où l’Orient, préislamique puis musulman, n’avait pas encore approché, fût-ce par les armes, ce lointain pays khazar vaguement soupçonné de mener à d’autres pays plus perdus encore : ceux de Gog et Magog, de Manšak et Māšak168.
70Autres localisations : dans l’aile gauche de l’oiseau-monde d’Ibn al-Faqīh, ou, plus sérieusement, dans le cinquième et sixième climats169. Ou encore : par rapport aux peuples environnants ; les Khazars se voient ainsi donner pour voisins — avec une libéralité dont pourraient s’offusquer, ici ou là, la carte et l’histoire — les Burtās, les Ǧuzz, les Avars (Sarïr), les Petchénègues, les Magyars et même les Bašğirt ou les Russes170. Tout ce monde, nous dit Ibn Faḍlān171, est soumis aux Khazars, quasiment comme d’esclave à maître. Voire : la réalité appelle plus de nuances, et le puzzle, selon les décennies, moins de certitude. Les Burtās sont vassaux, c’est sûr, et tenus de fournir 10 000 cavaliers, mais les Magyars sont si pressants qu’il faut creuser un fossé pour se défendre d’eux (Ibn Rusteh), mais les Avars s’abattent sur le plat pays depuis leurs nids d’aigle du Caucase, tandis que les Ǧuzz passent à cheval la Volga gelée (Mas’ūdī), mais les Russes, enfin, descendent le fleuve à feu et à sang (Ibn Hawqal).
71Essayons de faire le point au ive/xe siècle. Installés en rive droite de la Volga172, les Khazars, qui ont partie liée avec Constantinople173, contrôlent une assez vaste mouvance, depuis les Burtās et même les Bulgares, au nord174, jusqu’aux pays du Don, à l’ouest ; vers le sud, ils s’étendent en direction du Caucase et le long de la Caspienne175.
72C’est la mer, finalement, cette mer à laquelle ils donnent un de ses noms les plus courants176, qui constitue, avec les steppes qui la bordent et le puissant fleuve qui s’y jette, le grand dénominateur du pays khazar : mer aux rivages plats et austères, sans routes mais semés de marécages et de forêts, ou alors réduits à la solitude absolue, sous des pluies battantes177. Ce n’est qu’avec l’eau douce, au débouché des fleuves, que la vie reparaît : aux confins du pays, à Samandar, toute parée de vergers et de vignes178, et sur le cours inférieur de la Volga, où la steppe supporte, on le dira, une agriculture encore à mi-chemin de la sédentarité.
73Quant au fleuve lui-même, l’Atil (ou : le fleuve d’Atil, car le nom lui est commun avec la ville installée près de sa fin), notre Volga179, il arrive, selon les auteurs, des contrées les plus diverses180 : indice de confusions entre le bassin de la Volga et ceux de son affluent, la Kama, de l’Oural (Yayiq), de l’Emba, du Don181 et même de l’Irtych182. Plus importante est la vision du fleuve portant les bateaux183, plus large que l’Oxus (Gayhūn), et dont le delta, curieusement, est ignoré ou, plus précisément, inverser. Les soixante-dix ramifications que l’on prête à la Volga se situent largement en amont, et c’est un cours unique, puis-sant et impétueux, qui roule ses eaux tumultueuses et coupées de rapides jusqu’à la mer où elles se maintiennent longtemps sans se mélanger aux autres, gardant bien visible leur couleur et gelant seules, en hiver, au beau milieu des flots.
La vie au pays khazar
74D’obscurs rapports unissent les Khazars au monde turc184. Nos textes, d’un côté, soulignent cette parenté185, tout en marquant, d’un autre, les différences : la langue khazare se situerait à part dans le monde turc ou iranien, et même à part dans le monde tout court186 ; le type physique, « différent du turc », se signalerait par une chevelure uniformément noire, mais la couleur de la peau opposerait des Khazars « blancs, à la beauté manifeste », aux Qarā-fjazar ou Khazars noirs, si bruns qu’on les prendrait presque pour des Hindous187.
75Le vêtement khazar, comme celui des Bulgares et des Petchénègues, consiste en une tunique assez longue, plus longue, en tout cas, que la russe ; ailleurs, il est question de « vestes courtes et de tuniques », toutes, du reste, importées de l’Empire byzantin et des régions musulmanes limitrophes de la Caspienne188. La longueur du vêtement n’est qu’un indice fragile pour juger d’une société tout entière, mais voici qui est plus sérieux : l’alimentation189 repose sur le poisson, qui fournit le condiment de base190, et aussi sur le riz et le pain191 : par ces deux derniers au moins, on est renvoyé à un minimum d’installations agricoles fixes. Cette sédentarité en marche, si l’on ose ainsi parler, est d’ailleurs perceptible dans nos textes : si Mas’ūdī tient les Khazars pour les seuls Turcs sédentaires, sans doute exagère-t-il quelque peu192, mais d’autres sont plus nuancés : on nous parle d’arbres autour de la capitale, Atil, et jusque dans son périmètre193, tandis que la campagne194 environnante nous est présentée tout à la fois comme modeste et assez étendue : très exactement sur vingt parasanges, soit cent-quinze kilomètres. C’est l’indice d’une agriculture extensive, prenant le sol là où il est productif195, mais peu attachée à la parcelle. Pas de paysannerie au sens vrai, mais une population passant l’hiver en ville et ne gagnant les champs qu’à la belle saison, en un semi-nomadisme d’un nouveau genre ; et c’est à la ville que retournent, une fois la récolte faite, les produits de la terre, chargés sur des chariots ou sur des embarcations qui descendent la Volga.
76Autre preuve d’une sédentarité encore à demi réalisée : les villes196. Abstraction faite des deux anciennes capitales, Balangar et Samandar, rejetées à la périphérie depuis que le centre nerveux de l’État khazar s’est fixé sur la basse Volga, tous les noms que l’on nous donne : Hamlīh197, al-Baydā’ (la Blanche), Sārišġar, Atil (Itil) et Hazarān, renvoient à une ville unique, ou plutôt à une ville double, près des bouches du fleuve et sur ses deux rives, que relie un pont de bateaux. Sur la rive est, Atil s’étend sur une parasange, enclose dans son rempart percé de quatre portes, dont une sur le fleuve. C’est la ville proprement dite, avec ses commerçants et un important quartier musulman, que signalent les minarets des mosquées et les écoles coraniques ; de la ville, Atil possède d’ailleurs ces marques distinctives que sont les marchés et les bains. Pourtant, l’habitat y est lâche, les grandes tentes198, le bois et le feutre y écrasent la brique crue, encore très rare. Sur la rive ouest, Hazarân, résidence royale et cité interdite, rassemble autour du souverain son armée, sa suite, ses nobles et, de façon générale, les Kha-zars de pure race. Ici, la brique199 domine, au moins pour le palais royal.
77Cette ville qui, non contente de flotter dans une enceinte trop large, se vide, l’été venu, d’une partie de sa population, cette ville où l’habi-tat porte si évidemment une empreinte nomade encore fraîche, on la dirait prélevée sur la steppe même, plutôt que véritablement conquise sur elle. Comme la steppe, elle vit de mobilité : à ses agriculteurs itinérants, elle ajoute le va-et-vient du commerce qu’elle contrôle. Elle reçoit, en sa partie orientale, les produits qui lui arrivent de la Volga et du Don : surtout les esclaves, les fourrures (castor notamment), les boeufs, les moutons, la cire et le miel. Elle les redistribue, par terre, vers le Huwārizm, et, par mer, vers les ports de l’angle sud-est de la Caspienne, Curgân et Abaskūn, d’où ils prennent le chemin de l’Iran et de Bagdad200. En sens inverse, Atil importe, on l’a dit, des vêtements201.
78Cette fonction commerciale demande à être précisée : pour l’essentiel, Atil est une ville de transit, de redistribution des marchandises : elle réexporte, mais n’exporte pas ; seule exception, produite sur place : la colle de poisson202. Quant au personnel marchand, Russes et Musulmans y jouent les premiers rôles203.
79Tout cela, incontestablement, enrichit le pays khazar204. Mais, ne reposant sur aucune productivité locale, cette richesse porte en elle ses faiblesses. Que les axes du commerce se déplacent, et tout est compromis205. Un exemple : la fonction transitaire qu’assurent la Volga et Atil, entre les Bulgares et le Huwārizm, ne peut pas ne pas souffrir des approvisionnements directs que les Huwārizmiens se réservent, sous la forme de raids, en pays bulgare. Ainsi se décèle, sur le mode guerrier ou pacifique — qu’on se souvienne de l’ambassade d’Ibn Faḍlān — une constante de la politique musulmane en ces régions, à savoir le souci de tourner l’obstacle khazar, de court-circuiter le commerce d’Atil206 : solution d’autant plus limpide qu’on y a tout à gagner — l’économie des droits de passage207 — et rien à perdre, puisque le pays ne produit rien. Stratégiquement, le poids des positions kha-zares est considérable ; économiquement, il est nul.
La société khazare
80La société khazare, c’est d’abord un assemblage de confessions diverses : Islam, chrétienté, judaïsme et paganisme ; mais aussi d’ethnies : Khazars évidemment, Russes, Slaves et autres étrangers, à commencer par ceux qui viennent des pays d’Islam. Les Musulmans208 constituent une colonie puissante, prépondérante même209, et dotée d’une organisa-tion propre : on l’étudiera, avec d’autres, à l’avant-dernier chapitre de ce livre. Elle contrôle, on l’a dit, une notable part des opérations commerciales, mais fournit aussi la garde d’élite du roi ; il s’agit ici, dans la réalité, d’Alains convertis210, les Arsiyya, qui ont obtenu, outre la liberté de leur culte, le privilège de ne porter les armes contre aucun ennemi musulman de l’État khazar211. Les païens (Slaves et Russes) fournissent les contingents d’esclaves et de mercenaires royaux ; ils vendent même, à ces usages, leurs enfants, ce que ne feraient, nous dit-on, ni les Chrétiens, ni les Juifs ; ajoutons : ni, a fortiori, les Musulmans212. Puissants aussi, les Chrétiens : avec les Musulmans, ils constitueraient le plus fort groupe, selon Istahrī, qui exagère tout de même ; et Mas’ūdī : « Si les Musulmans et les Chrétiens se coalisaient, ils feraient certainement la loi au roi »213.
81Hors du lot, en tout cas, les Juifs. Non qu’ils représentent une masse quelconque : si certains donnent le judaïsme comme majoritaire, voire comme la confession unique des Khazars, les textes, en général, insistent moins sur l’importance numérique des Juifs que sur leur précellence de fait. Car le judaïsme est, d’abord, la religion du roi, de ses officiers, ministres ou notables et, de façon générale, de tous les Khazars de souche. Convertis récents, du reste : le judaïsme royal ne remonte guère qu’à l’époque de Hārūn ar-Rasīd (170/786-193/809), mais l’impulsion décisive fut donnée plus tard encore, quand l’empereur byzantin Romain Ier, en voulant convertir les Juifs de force, les précipita, dans les années 332/943, sur les chemins de l’exil214.
82Devant tant de diversité, la question qui se pose est de savoir s’il existe une spécificité khazare, défendue contre les influences du dehors, ou si, au contraire, la société locale se définit par des emprunts à toutes les communautés et si, dans ce cas, elle les juxtapose ou les organise en un nouveau système. D’un côté, il semble bien que le « paganisme » résiste : la prosternation comme salutation courante, l’incinération des morts avec leurs montures, leurs armes, leurs parures, nous ramènent au monde turco-mongol. Istahrī et Ibn Hawqal peuvent donc déclarer à bon droit que la dominante des moeurs est païenne, que la coutume est en contradiction avec celles de l’Islam, des Chrétiens ou des Juifs215.
83Mais, d’un autre côté, l’imprégnation de ce paganisme traditionnel par les autres cultures est patente. En matière de justice, le souverain dispose de sept magistrats, deux pour les Musulmans, deux pour les Khazars, jugés selon le Pentateuque, deux pour les Chrétiens, qui décident d’après l’Évangile, et le dernier pour les Russes, Slaves et autres païens, qui suivent « la loi du paganisme, dont les dispositions sont tirées de la raison ». Juxtaposition des cultures, donc ? Sans doute ; et pourtant, cette justice, mi-déléguée mi-retenue, tranche, dans les cas graves, insolubles ou non prévus, selon la loi de l’Islam, et c’est chez le cadi musulman que se réunissent alors les parties216.
84Ainsi, timidement, un semblant d’organisation globale voudrait s’ébaucher. Chacune des cultures ne peut pas ne pas être influencée par les jurisprudences que les autres appliquent ou élaborent à ses côtés. Et l’Islam, fort du poids de sa population217, prétend, dans ce concert, aux premiers rôles. Mais au bout du compte, l’impression dominante est bien celle d’une société où chaque communauté, assez puissante pour s’affirmer, ne l’est pas assez pour structurer l’architecture de l’ensemble218. La basse Volga est ainsi placée, à défaut de tolérance de principe, sous le signe d’une coexistence de fait.
L’État khazar : le symbolisme royal
85Si, dans cet assemblage de cultures, la surimposition de la coutume musulmane ne se dessine que modérément, l’usage khazar domine au contraire, écrasant, l’appareil de l’État. Passe encore pour l’impôt : réserve faite de la fourniture de cavaliers, les prestations en nature, les dîmes ou les taxes d’octroi n’appellent aucun commentaire particulier : rien là qui n’appartienne à l’histoire courante de l’institution fiscale219.
86L’armée220, elle, accuse des traits beaucoup plus originaux. Renommé jusqu’à Bagdad et Constantinople221, le soldat khazar est le rouage d’une machine de « belle allure »222, à qui une expédition annuelle contre les Petchénègues assure l’entraînement indispensable. En tête, juste devant le général en chef, le cavalier portant déployé le parasol de cuir, insigne du commandement, bien visible aux yeux de tous. Puis, derrière leurs étendards, les troupes à cheval, avec leurs cuirasses richement décorées : 10 000 ou 12 000 hommes au total, équipés aux frais des riches223 ou recevant du prince une maigre solde pour prix d’un service obligatoire et permanent. Mais si l’État veille à maintenir intacts les effectifs, en comblant immédiatement les vides laissés par les morts, il se montre beaucoup moins scrupuleux sur la régularité de la solde, laquelle n’est jamais aussi bien versée que lorsque la guerre et la mutinerie menacent224. Quant à la garde particulière du prince — ces Arsiyya dont on a parlé plus haut — elle rassemble, selon les estimations, de 4 000 à 7 000 hommes, archers ou lanciers, coiffés du casque, couverts de cottes de mailles et de cuirasses.
87Tout ce monde est régi par une discipline impitoyable, qui fait que le soldat se fait tuer sur place plutôt que de tourner le dos. Car mieux vaut la mort au combat que celle qui attend de toute façon les fuyards, d’ordre du roi. A quoi l’on ajoute, pour les chefs, l’opprobre et le sup-plice : sous leurs yeux, leurs femmes, leurs enfants, leurs chevaux, leurs armes et tous leurs biens sont donnés à d’autres, puis eux-mêmes coupés en deux et mis en croix, ou pendus. Au mieux, si le roi fait grâce, le chef couard se retrouve palefrenier.
88Hormis ces prérogatives-là, le souverain n’a pas de pouvoir. Son rôle n’est pas de commandement, mais de symbole. Investi d’une fonction magique, intermédiaire entre le sacré et l’homme, c’est à ce titre sans doute qu’il intervient en cas de défaite, pour conjurer le sort par la mort des coupables. Mais quant au reste, nos auteurs ont bien vu et scrupuleusement noté l’originalité de l’institution royale chez les Khazars225. Quels en sont donc le cadre, l’exercice et les signes ?
89Et d’abord, quel roi ? Les textes distinguent226 le roi (ou prince : malik) du hāqān. Le premier, qu’on appelle aussi heg, ou hāqān-beg227, est le dépositaire du pouvoir réel : il commande l’armée, dirige les affaires internes, les relations extérieures et la guerre, nomme aux fonctions d’autorité et inflige les châtiments. Il représente, dans les cérémonies publiques, l’autorité de l’État. Il a pour lieutenant le kundur-hāqān228, lui-même assisté du gāwsīgr229. Mais, précise Mas’ūdī, « l’autorité du prince qui gouverne serait nulle s’il n’avait pas avec lui le hāqān dans sa capitale et dans son palais. » Et Ibn Hawqal de préciser, en développant sur ce point le texte d’Istahrī : « Lorsqu’on veut introniser un prince après la mort de son prédécesseur, on fait appel au hāqān : celui-ci le désigne, lui rappelle la puissance divine, l’exhorte, lui fait connaître les devoirs et les droits de la royauté, les charges du pouvoir, lui fait voir les péchés et les fautes dont il peut se rendre coupable, s’il est insuffisant ou s’il agit contrairement à ses obligations, ou encore s’il est injuste et inique dans ses jugements. Il arrive qu’en entendant cette profession de foi, le candidat choisi pour le principat se récuse, par scrupule ou par mépris de la vie de ce bas monde, ou encore parce qu’il redoute l’accomplissement de ce qu’il vient d’entendre, à savoir que Dieu lui tiendra compte de ses négli-gences envers l’État ou de son incapacité à assumer le gouvernement. »
90Cette longue réflexion230 insiste bien sur le signe essentiel du pouvoir souverain : le hāqān, souverain suprême (hāqān kabīr) ou, comme on l’appelle aussi, tarfiān231, est bien, non l’agent, mais tout à la fois le garant et l’image de l’autorité étatique. Sous cet angle, le principe dynastique revêt infiniment moins d’importance que le mérite personnel : s’il est vrai que le hāqān est choisi dans une maison célèbre232, cette notoriété n’a rien à voir avec la puissance matérielle : un simple vendeur sur le marché, très jeune de surcroît, peut faire l’affaire pourvu qu’il soit digne et de confession judaïque.
91L’exaltation du symbole royal passe par les marques classiques du faste et de la puissance (trône sous un dais doré, tentes et palais plus élevés que ceux du prince, privilège de la construction en brique cuite), mais plus encore par l’isolement. Le hāqān ne reçoit que de rares visi-teurs, pour des cas graves. Même le prince ne se présente à lui que dans une attitude d’extrême soumission : pieds nus, il se prosterne, se roule à terre et offre à son souverain l’hommage du feu. Hormis ces entre-vues, le palais est rendu à sa solitude, tout au bout de la cité royale, loin de l’animation du fleuve233. Le souverain y vit confiné234 ; quand par hasard il en sort, à cheval, pour guerroyer notamment235, les troupes de l’escorte restent à un mille de distance, tandis que les sujets s’éloignent ou tombent face contre terre, avec interdiction absolue de le voir236.
92En soulignant le dédoublement de la fonction d’autorité et l’isolement du souverain, M. Canard décèle la même note de sacré que « chez les peuples nomades chamanistes, où le roi est complètement séparé du peuple »237. C’est en tant que juge tenant son pouvoir du ciel238 que le souverain tranche, en dernier ressort, dans les cas difficiles239. Et son pouvoir en ce sens va si loin qu’il peut, si une condamnation à mort est prononcée, se dispenser de prendre toute mesure pour l’exécu-tion de la sentence : le coupable rentre chez lui et se tue, sans autre contrainte, donc, que la crainte révérentielle d’une autorité finalement supra-terrestre.
93Ce pouvoir magique ne se manifeste jamais autant que dans la guerre : pour obtenir l’aide des puissances suprêmes, on fait sortir le hāqān de son palais et on l’emmène avec la troupe ; pour conjurer le sort, on l’a vu, il châtie les fuyards. Mais attention ! Si le malheur persiste, guerre ou disette, le peuple vient demander au prince la mort du sou-verain, disant qu’il « n’augure rien de bon de ce règne », et le malheureux hāqān, si le prince n’estime pas pouvoir le défendre, est tué par lui ou livré à la masse furieuse.
94Ne forçons pas les dieux, et s’ils sont favorables, gardons-nous de leur demander l’éternité : dès qu’un hāqān entre en fonctions, on lui passe au cou un lacet de soie et, le serrant à l’étouffer, on lui demande combien d’années il aspire à régner ; puis on le libère. Mais si, plus tard, il a le malheur d’être vivant au terme fixé, il est immédiatement mis à mort. Tout se passe donc comme s’il n’y avait que deux règnes possibles : celui qui porte malheur et qu’on interrompt, on l’a vu, en tuant le hāqān, ou le règne heureux, mais limité dans le temps, soit par la mort naturelle du hāqān, c’est-à-dire par l’intervention des dieux240, soit par sa mort violente, de la main des hommes, pour préve-nir quelque colère d’en-haut devant tant d’entêtement dans le bonheur241.
95Qu’est-ce, après tout, que l’homme-roi ? Tant qu’il assume cette fonction qui le dépasse, il est tout : il inspire une terreur qui vient de l’au-delà, il est riche, il prétend, au moins symboliquement, à la posses-sion du monde : sa ville d’Atil a les quatre portes des horizons cardinaux242, ses vingt-cinq femmes sont filles de tous les rois voisins, et il multiplie sa descendance en ajoutant à ce lot d’épouses soixante concubines choisies pour leur rare beauté, vivant chacune dans un pavillon à coupole en bois de teck, sous la garde d’un eunuque qui l’amène au roi quand celui-ci la désire.
96Mais vienne la mort, naturelle ou violente, et le roi disparaît, totalement. On lui construit une demeure souterraine de vingt chambres, toutes tendues de brocart : dix-neuf, donc, d’inutiles, sinon pour égarer des recherches possibles. Si toutefois on parvenait seulement à repérer l’endroit. Car cette résidence funéraire est creusée ou bien dans le lit d’un cours d’eau préalablement détourné pour permettre les travaux, ou bien en terre, mais alors nivelée, arasée, recouverte de poussière et de chaux vive243. Précaution suprême : tous ceux qui ont participé à l’entreprise ont la tête tranchée. Ainsi toute communi-cation est-elle abolie, dans le cas du disparu, avec ce sacré dont il était, de son vivant, dépositaire, et qu’il a désormais — mais trans-cendantalement — rejoint ; à un autre, à son successeur, de renouer la communication. Ainsi s’abolit également l’espace total à quoi prétendait le souverain régnant. Ou plutôt, cet espace total, mais humain, devient l’espace absolu : celui de l’éternité. « Il a rejoint le Paradis », disent, de leur roi mort, les Khazars, et on les comprend : car si vraiment l’au-delà est, par principe, ce qui n’est pas imaginable, conceptualisable ici-bas, il faut d’abord que cet ici-bas ne soit rien, nulle part, et jamais.
Où l’on retrouve, entre Don et Danube, des peuples connus : Petchénègues et Magyars244
97De la mer d’Azov au moyen Danube, l’histoire s’écrit sous forme de réactions en chaîne. Chassée par les Ǧuzz245, la masse des Petchénègues glisse vers les basses vallées du Don et du Dniepr, d’où elle refoule à son tour les Magyars. Avant de suivre ceux-ci, restons un instant avec les nouveaux occupant de leurs terres246. L’auteur des Ḥudūd, qui connaît bien leur histoire, retrouve chez ces Turcs les grandes tentes, le feutre, les troupeaux de moutons en quête de pâtures. Le territoire des Petchénègues est riche, mais ils paient leur tribut à l’esclavage, soumis qu’ils sont aux raids khazars et Burtās. Il est vrai qu’eux-mêmes sont fort turbulents ; et comme on ne prête qu’aux riches, même en cette matière, Ibn Hawqal les fait déferler jusqu’à l’Espagne247.
98Tout bouge dans ces pays du nord de la mer Noire, et la carte avec : Mas’ūdī ira jusqu’à intégrer les Petchénègues dans l’Empire byzantin248. Plus sérieux, Istajirï parle seulement de voisinage249, ce qui nous amène aux Magyars. Installés, on l’a dit, dans les parages septentrio-naux de la mer d’Azov (Lebedia), les Magyars subissent, dans les années 889-893, une forte pression petchénègue qui les refoule au pays d’Atel-kuzu, entre Dniepr et Sereth. Puis, au début du ive/xe siècle, une nouvelle poussée petchénègue les chasse davantage encore vers l’ouest, leurs vainqueurs se glissant à leur place, en direction du Danube infé-rieur, ainsi que le laisse entendre, trop discrètement sans doute, Istahrī. Quant aux Magyars, ils entament alors leur progression vers les plaines pannoniennes, où ils vont sonner le glas de l’État de Grande Moravie (Murāwa, Mirvāt) : nous voici aux portes des pays slaves250.
99Ces Magyars (Maggariyya) peuvent donc se situer, selon l’époque, à trois endroits différents. Mais leur nom est parfois donné aussi au peuple, déjà étudié251, des Bašğirt, lesquels, en échange, cèdent, à l’occasion, leur propre nom aux Magyars. On appréciera à sa valeur une complexité qui nous a fait hésiter plus haut252 à cloisonner notre annotation, Bašğirt ici, Magyars ailleurs : trop souvent, c’eût été aventureux, impossible. Mieux valait, mieux vaut, de nouveau, ne prendre en compte que ce qui est sûr.
100S’agissant des Magyars, voici justement, avec Ibn Rusteh, un texte qui, ses premiers mots mis à part253, sonne franc. Les Magyars, nous dit-on, s’étendent jusqu’à la mer du Rūm, où se jettent deux grands fleuves dont l’un aussi puissant que l’Oxus (ôayhùn). Aucun doute : il s’agit du séjour magyar en Lebedia, et cette mer « byzantine », pour une fois est non pas la Méditerranée, mais la mer Noire ou la mer d’Azov, ou plutôt les deux, puisqu’il s’agit sans doute, en fait de fleuves, du Don et du Dniepr254.
101Soudés autour de leur roi, pouvant aligner 20 000 cavaliers, les Magyars, adorateurs du feu, dominent tous les peuples voisins255 : les Khazars, notamment, on l’a vu, ont creusé un fossé pour se protéger de leurs attaques. Ils sont riches : des tributs versés, d’abord ; mais aussi du commerce des esclaves, qu’ils négocient à Kertch256 contre les brocarts et tapis de laine byzantins ; enfin, de leur pays même, vaste, prospère et riche en eau, où les Magyars se partagent entre les occupations agricoles, le nomadisme pastoral et, quand l’hiver vient, la pêche.
102Autre terrain solide : celui sur lequel nous emmène Istabrï, suivi comme son ombre par Ibn Hawqal257. Le texte distingue soigneusement, des Bašğirt établis aux frontières des Ǧuzz, d’autres Bašğirt, dits de l’intérieur, c’est-à-dire nos Magyars, limitrophes des Petchénègues, eux-mêmes donnés pour voisins de l’Empire byzantin. Et peut-être avons-nous ici, par la mention des itinéraires, une référence, fort lointaine il est vrai, au séjour des Magyars en Atelkuzu258.
103Restent les Ḥudūd al-’ālam259, tributaires à la fois d’Ibn Rusteh et d’Istahrī. D’où un télescopage des deux traditions : d’un côté, l’emplacement des « Magyars » sur la carte générale du monde réfère clairement aux Bašğirt, et non pas aux Magyars dont nous parlons ici. Mais la description, elle, reprend, presque trait pour trait, celle d’Ibn Rusteh, qui s’applique, on l’a dit, aux Magyars de Lebedia. Deux différences seulement : les Magyars sont dits « vils », ce qui est pour le moins inat-tendu dans un contexte tout pétri de leur valeur guerrière260, et ils voisineraient — nonobstant leur position d’ensemble sur la carte : celle des Bašğirt en réalité, comme on vient de le voir — avec les Bulgares christianisés, ce qui renverrait au séjour des Magyars en Atel-kuzu261.
104Conclusion : la cartographie des pays magyars est comme un puzzle mouvant, à la mesure de leur histoire. Mais dans tant de confusion, une pièce manque encore : celle de l’arrivée aux plaines pannoniennes, avec la soumission de la Moravie262.
Vers l’Europe danubienne : sous le nom de Velendre, une autre Bulgarie
105Avec la Moravie, disions-nous un peu plus haut, nous voici aux portes du domaine slave. Mais plus encore, peut-être, avec les Bulgares. Rappelons brièvement l’histoire : parti des régions orientales de la mer d’Azov263, ce peuple turc, au vne siècle de notre ère, se scinde. Certains demeurent sur place, tandis que d’autres gagnent le confluent Volga-Kama, où nous les avons vus et décrits ; d’autres enfin, vers 678, poussent jusqu’aux Balkans danubiens, où ils fondent un Etat puissant qui s’étendra, sous leur czar Symeon (893-927), jusqu’à l’Adria-tique. Mais cette Bulgarie, première ébauche de la nôtre, perdra vite, pour prix de son installation en plein pays slave, ses caractères originels : non contente de se slaviser, elle adoptera, dans les années 865, le christianisme orthodoxe de Byzance264.
106Tout serait donc simple si nos sources ne troublaient pas cette histoire, et si ces Bulgares ne portaient trop de noms : Bulgares (Bulġār, Bulġārī), bien sûr, mais aussi Bulgares de l’intérieur, Slaves ou encore Burgān, appellation qu’ils se disputent avec les Burgondes.
107Installés sur les rives de la mer Noire et du Danube265, voisins de l’Empire byzantin et plus spécialement de sa « seconde province », la Thrace (Tarâqiya)266, les Bulgares, dont on n’a pas oublié l’origine turque267, sont engagés avec Constantinople dans un processus de sou-missions et de guerres alternées. Tantôt on signale leur conversion au christianisme268 et, en anticipant ou en retardant sur l’histoire, on les incorpore à l’État byzantin269, tantôt on insiste sur leurs démêlés avec Constantinople, sur leurs incursions, en imputant à leur menace la construction des grands remparts que bâtit en réalité l’empereur Anastase (491-518)270.
108C’est un fait : les opérations commerciales des Bulgares, dont les produits arriveraient, par l’intermédiaire khazar, jusqu’en Iran271, revêtent moins d’importance que leur extraordinaire allant militaire : « nation grande, puissante et belliqueuse, qui a subjugué tous les peuples voisins », ils poussent leurs raids jusqu’à la Méditerranée et même, nous assure-t-on, jusqu’en Galice ! Ils auraient notamment appuyé, du côté de la terre, une expédition musulmane contre Venise, en 312/924, et certains d’entre eux auraient ensuite gagné Tarse sur les vaisseaux de l’Islam. Comment s’étonner de cette fougue, quand on sait qu’une expédition bulgare peut rassembler jusqu’à 50 000 cavaliers, dont chacun vaut, à lui seul, cent ou deux cents adversaires « infidèles »272 ?
109Pour le reste, les Bulgares apparaissent comme organisés en un royaume solide, dont le souverain compte parmi ceux qui portent titre en ce monde273. Leur pays, vaste, s’étend, en direction de Constantinople, sur deux mois de marche, à travers une alternance de terres cultivées et désertes274. Quant à leur vie, à leurs usages, rien ou presque rien : c’est en dehors des textes géographiques qu’il faut chercher, par exemple, des renseignements sur les pratiques funéraires, lesquelles nous rappellent, du reste, des choses déjà connues : le mort est enterré avec ses objets familiers, de la nourriture et de la boisson, à quoi les Bulgares ajoutent un être vivant : l’épouse du défunt275.
110Sur ce fond de citations discrètes, fragmentaires ou incertaines, et que seule une lecture globale des auteurs permet d’organiser, il est au moins deux textes qui se détachent par leur unité ; Ibrāhīm b. Ya’qūb276, qui visita certains pays de l’Europe de l’Ouest vers 354/965, n’a pas poussé, comme il tient à le signaler, jusque chez les Bulgares (Bulqàrïn), mais il a rencontré à Magdebourg leurs envoyés auprès du « roi Hūtuh » : Othon Ier, le fondateur du Saint Empire romain germanique. Ces ambassadeurs, portant vêtements ajustés et longues ceintures ornées de boules d’or et d’argent, lui ont appris que les Bulgares sont installés au nord de Constantinople, à l’ouest et au sud des Petchénègues277, à l’est, enfin, du « golfe de Venise ». Leur souverain porte couronne et dirige un État organisé, avec sa chancellerie, sa trésorerie, son administration : bref, tout ce qu’il faut pour compter au nombre des grands rois de ce monde. Et ceci, qui témoigne du sérieux de l’information : chrétiens et connaissant bien les langues, les Bulgares ont traduit l’Évangile en slave278. Mais quand, cette conversion ? Lorsqu’un empereur de Byzance, inquiet d’une expédition bulgare, amadoua le monarque ennemi en le couvrant de cadeaux et en lui donnant en mariage sa fille, laquelle amena son époux au Christ279.
111Un autre texte, des alentours de l’an mil, nous vient d’Ibrāhīm b. Waṣïf Sāh, l’auteur de l’ Abrégé des Merveilles280 : des merveilles qui ont parfois tendance, on va le voir, à se tailler une place au beau milieu de notations sonnant plus vrai. Le royaume des Burgān, à quinze jours de marche de Constantinople, couvrirait une superficie de vingt jours sur trente. Ici, aucune religion révélée, des transactions commer-ciales où boeufs et moutons remplacent la monnaie inexistante, une société brutale et policée tout à la fois : le maître bastonne à volonté son esclave, et il est suivi dans la mort par sa suite et même par sa famille, brûlée ou enterrée vivante, mais les filles sont favorisées dans les héritages281. Le pays bulgare est celui des chevaux sauvages, qu’on ne monte pas, sous peine de mort, sauf en cette grande affaire qu’est la guerre : si, dans la paix, les Bulgares savent marquer leur soumission, en envoyant à Constantinople de jeunes esclaves des deux sexes, au combat en revanche, ils sont intraitables. Sortant de leurs places fortes entourées de défenses de bois, ils se ruent sur les Byzantins, les Slaves, les Khazars ou les Turcs282, et leur élan est celui de tout un peuple encore pétri de noma-disme : derrière les archers marche la troupe des femmes et des enfants.
112A ces textes concis, sinon également sérieux, opposons maintenant un texte ambitieux : celui des Ḥudūd al-’ālam283. Ils distinguent d’abord, de façon artificielle, les Burgān et les Bulġārī. Les premiers, auxquels est rattachée la Thrace, occupent un pays favorisé par la nature, en eaux vives notamment, et cependant pauvre, la steppe le disputant aux cultures ; ils relèvent de Constantinople, qui les astreint à l’impôt foncier. Les Bulġārī, eux, sont montagnards ; cultivateurs et pasteurs, ils se partagent entre l’impiété et le christianisme, mais sont, de toute façon, perpétuellement en guerre avec « les autres Byzantins ».
113Un second passage des Ḥudūd, pour sa part, traite des Bulgares dits « de l’intérieur », qu’il a bien de la peine à placer sur la carte du monde. Ceux-là sont courageux, amoureux de la guerre, terribles : un peu comme les Turcs. Ils s’occupent à guerroyer les Russes, à élever des moutons et à commercer avec tous les pays d’alentour ; mais ils n’ont pas de villes.
114Enfin, à ce télescopage de plusieurs traditions284, qui fait éclater en trois un seul et même peuple, les Ḥudūd ajoutent encore en faisant intervenir un nom mystérieux : Velendre285. Avant eux, nous ne le trou-vons guère que chez Mas’ūdī, et cela suffit bien à nos difficultés. Bilan de nos textes, d’abord : pour les Prairies d’or286, Velendre est une grande ville, sise entre montagne et mer, puissamment fortifiée et appartenant aux Byzantins, sur leurs frontières nord. Dans les années 332/943, une grande bataille oppose, sous ses murs, plus que deux armées : deux mondes. D’un côté, incarnée par Constantinople, la chrétienté ; de l’autre, le monde « turc », partiellement islamisé287, en quatre peuplades : Nūkarda, Bağnä288, Magyars (sous leur nom de Bašğirt) et Petchénègues, ces derniers paraissant assumer, au moment crucial tout au moins, le commandement. Résultats de la bataille : 60 000 morts chez les Chrétiens, dont les cadavres empilés servent à escalader les remparts de Velendre, la ville prise et pillée, ses habitants tués ou emmenés en esclavage, les armées turques fonçant jusqu’aux murs de Constantinople et au delà, jusqu’en Galice !
115Dans le Tanbīh289, Mas’ūdī, évoquant les mêmes tribus, leur fait couper la route qui mène, en quarante jours, de Constantinople à Rome, et occuper la plus grande partie des cinq provinces byzantines de Tāflā (celle de la capitale)290, de Thrace, de Salonique, de Macédoine et, tant qu’à y être, du Péloponnèse. Mais le texte, détail décisif, englobe ces tribus dans un même rassemblement de « hordes turques nomades », nommées Walandri d’après la ville de Velendre (Walandar) ; et ces Walandrï à leur tour se voient associés, dans l’entreprise anti-byzan-tine, aux Bulgares.
116Les Ḥudūd291, eux, évoquent, sous le nom de Vnndr, un peuple chrétien292 qui se situerait, de l’ouest à l’est, entre des montagnes et les Burṭās, et, du nord au sud, entre les Magyars et les Khazars ! Que retirer de tous ces renseignements ? Vnndr (ou Vlndr) renverrait à Onoghundur, nom du peuple bulgare en son habitat initial, à l’est de la mer d’Azov293. Mais l’ensemble de nos textes semble bien se rapporter à leur histoire postérieure, lorsque, mêlés aux Magyars, ils suivirent ceux-ci dans leur progression vers l’ouest, à partir de la seconde moitié du iiie/ixe siècle294 : migration qui, on le sait, se poursuivit de plus en plus loin, sous l’impact petchénègue, et jusqu’au Danube moyen295. Toutefois, parallèlement à cette carrière magyare du nom d’Ono-ghundur, ou plutôt inextricablement mêlée à elle, une autre, bulgare, se dessine, par le jeu d’une association Bulgares-Walandrī dirigée, Mas’ūdī nous l’a montré, contre Byzance. Velendre renverrait finalement, en ce cas, aux Bulgares des Balkans danubiens, et la ville de ce nom serait à chercher dans la forteresse de Debeltos, aux environs de Bourgas. Au total, le nom de Velendre s’inscrirait moins dans l’espace que dans une histoire à trois temps : histoire embrouillée, convulsive, qu’il s’agisse de celle qui se fait ou de celle qui s’écrit, histoire où les conflits sur le terrain se prolongent tout naturellement dans les téles-copages296 de textes.
Les Slaves : un bloc envahissant
117Il est temps maintenant d’entrer chez les Slaves297. Mais par où ? Dès qu’on écrit leur nom (aṣ-Ṣaqâliba), les difficultés commencent. Parce qu’on les connaît pour un grand peuple, couvrant d’immenses territoires, on a trop tendance à appeler slave toute l’Europe de l’Est, jusqu’à la Volga et même aux abords du Caucase. Aucun des peuples que nous venons de décrire, ni les Russes dont on parlera à la fin de ce chapitre, n’échappent vraiment à cette dénomination, soit qu’une sorte d’osmose géographique les regroupe en un même ensemble dont leurs mystérieux voisins font partie, soit que l’appellation de slave se substitue carrément au nom, pourtant connu par ailleurs, de tel ou tel peuple : on l’a dit pour les Bulgares de la Volga298, mais le cas n’est pas unique, tant s’en faut299.
118Le problème est donc de savoir si, à l’intérieur de ce vaste désordre, il existe des Slaves, des Slaves vrais, et tenus pour tels. Mais ici, nouvelles difficultés : décidément, ce chapitre est celui de l’histoire mouvante. A l’image de leurs voisins de l’est, les Slaves bougent, ou du moins ont bougé. Comment les répartir ?
119Heureusement pour nous, nos textes font apparaître un clivage assez net dans le traitement de la documentation. D’un côté, la majorité, à savoir : les auteurs qui, par prudence ou ignorance, ne taillent pas dans le bloc slave. Ceux-là donnent des informations générales, émail-lées — mais très rarement — de quelques noms de pays ou de villes. A côté, deux textes, ceux de Mas’ūdī et d’Ibrāhīm b. Ya’qūb, dont l’ambition est de voir clair, pour leur temps, dans l’organisation, peuple par peuple, de l’ensemble slave. Encore ces deux-là ne rompent-ils pas tout à fait avec la tradition : leur œuvre, à eux aussi, comporte des renseignements globaux sur les Slaves, et donnés comme tels, indé-pendamment de la description des divers groupes.
120Ainsi ira finalement notre démarche : nous glanerons d’abord les informations d’ensemble sur la situation des pays slaves. Puis, nous tenterons de raffiner cette ébauche grossière par une description, peuple par peuple, que nous fourniront essentiellement Mas’ūdī et Ibrāhīm. Enfin, revenant à l’ensemble slave, nous tenterons de déga-ger la représentation que s’en fait l’Islam des iiie/ixe-ive/xe siècles.
121Bloc envahissant, disions-nous en tête de cette promenade chez les Slaves. Il recouvre en effet tout ou presque tout de ce que nous appe-lons aujourd’hui l’Europe, sans renoncer à pousser loin au delà de l’Oural et de la Volga, vers les mystères du nord et de l’est : depuis l’Atlantique jusqu’aux pays de Gog et Magog, selon Ibn Rusteh300. Bloc envahissant, aussi, au sens propre du terme, celui que veut l’histoire : Mas’ūdī, qui pousse les Slaves jusqu’au domaine khazar, situe leur établissement principal dans le nord, d’où, dit-il, « ils se sont éten-dus vers l’Occident » : expansion qui est en effet un des traits majeurs de la proto-histoire slave301.
122Quelques auteurs s’essaient à plus de précision : les Ḥudūd al-’ ālam nous parlent d’un territoire compris entre Bulgares de la mer Noire, Russes et terres inhabitées du grand Nord, mais avec une orientation si hésitante qu’elle enlève beaucoup de valeur à la carte ainsi élaborée302. Plus sage, Ibrāhīm b. Ya’qūb parle de pays d’un seul tenant, des rivages de la Méditerranée à l’Atlantique, mais du côté du nord303, ce nord qui revient comme une sorte de no man’s land vers lequel on accule nos Slaves304. Ailleurs, on évoque leur voisinage avec la Macédoine ou l’Empire byzantin, dans lequel, parfois, on les incorpore : allusion aux Bulgares en marche vers la christianisation, comme chez Mas’ūdī, Istahrī et Ibn Hawqal, ou conception trop vaste du Rūm, qui finalement, comme chez ces deux derniers auteurs ou Ibn al-Faqīh, se confond avec une bonne part de notre Europe305 ? C’est bien d’Europe, très vaguement, qu’il s’agit en tout cas, et nul ne saurait préciser plus avant. Concluant, sur ce point, par là où nous avions commencé, nous dirons que le pays slave apparaît comme une tache instable, mais gourmande, dont les contours flous et perpétuellement mouvants jouent avec ceux-là mêmes de notre vieux continent au nord de la Méditerranée.
123Variations sur le thème : Mas’ūdī range les Slaves dans la troisième « nation » (umma), celle qui, dans l’antiquité, regroupait avec eux les Grecs (al-Yûnâniyyûn), les Romains (ar-Rūm), les Francs (al-Ifranga) et autres peuples du septentrion : toutes nations qui parlaient une même langue et relevaient d’un même roi306. Cela pour le passé ; aujour-d’hui, les Slaves se retrouvent avec les Basques, les Galiciens, les Ger-mains, les Bulgares et, toujours, les Francs, dont Rome fut et reste la capitale307. Ailleurs, le même auteur, dans sa répartition étoilée des climats, intègre les Slaves au cinquième, qui va de l’Asie centrale aux Pyrénées308. Dans cette Europe (Arūfā) qui est à volonté la nôtre ou celle de la cartographie antique309, une chose est sûre : l’Espagne musulmane (al-Andalus) est peut-être l’unique pays à échapper à l’emprise onomastique des Slaves310. Qui s’étonnerait de cet appétit, quand on sait que leur territoire s’étend sur deux mois de marche dans chaque sens311 ?
124Sur tant et tant d’incertaine immensité, où placer des mers, des fleuves ? Bien sûr, aux limites des Slaves, on connaît la Méditerranée312, mais de l’autre côté, vers le nord, c’est la mer de Thulé, la mystérieuse313. D’autres fois, tout se passe comme si on créditait les Slaves d’une mer, d’un ou de plusieurs fleuves, sans souci ni pouvoir de préciser davantage : c’est nous qui, derrière ces appellations, tirons de l’ombre, en vertu du contexte, une vieille connaissance : la Volga314. Plus décidés à l’occasion, Ibn Hurdāḏbeh et Mas’ūdī315 donnent un nom : Don (Tanīs, Tanāyis) ou Danube (Danba, Danābä, Malāwa)316. Le Don, aux rives peuplées « de nombreux descendants de Japhet »317, sort « d’un lac considérable », né, vers le nord, de la réunion de plusieurs sources. Cou-lant sur trois cents parasanges (plus de 1 700 km), à travers une suite ininterrompue de champs cultivés, il passe par la mer d’Azov pour déboucher finalement dans la mer Noire. Quant au Danube, il baigne les contrées des Germains318 et des Moraves, mais baigne, lui, dans le merveilleux : large de trois milles, soit un peu moins de six kilomètres, il est fantastiquement supposé en communication avec les grands cours d’eau d’Asie centrale : Gayhûn (Oxus, Amu-Darya) et fleuve d’as-Sās (Sayhun, Iaxarte, Sir-Darya)319.
125C’est par le thème de la mer Noire, finalement, qu’à la fin du ive/ xe siècle, Ibn Hawqal débouchera sur quelque chose de vraiment nouveau, qu’il fondera, sur un concept imprécis, une vision juste de l’ensemble slave. Cette mer Noire, en suivant Istahrl320, il la fait venir du fin fond des terres inconnues : issu de l’Océan, à l’extrême Nord, dans les froidures de Gog et Magog, un golfe (ẖalīğ) sépare en deux le pays des Slaves, puis passe à l’ouest de Trébizonde, coupe l’Empire byzantin près de Constantinople et se jette enfin dans la Méditerranée, après avoir reçu, chemin faisant, tous les fleuves des territoires slaves.
126Dernière précision, qui accentue le clivage au sein du bloc slave : la guerre vient au secours de la mer. D’un côté, les Slaves sont razziés, par l’intermédiaire bulgare, pour le compte des Hurāsāniens ; de l’autre, par les gens d’Espagne, « du côté de la Galice, du pays franc, de la Lombardie et de la Calabre »321. Peu importent les incertitudes du détail, à l’Orient comme à l’Occident : elles nous Mašquent peut-être, après tant d’autres, les limites de l’espace slave, mais nous éclairent sur sa distribution en deux grands blocs, ceux-là mêmes que connut l’histoire, à savoir Slaves de l’est et de l’ouest322.
Sur divers peuples slaves
127Entre une carte incertaine et une histoire mouvante, il est bien diffi-cile de retrouver son chemin : Ibn Rusteh nous parle d’une ville, Wābnīt, qui serait du côté des frontières des Petchénègues et des Khazars. Premier mystère, que reprennent à leur compte les Ḥudūd al-’ālam : faut-il lire, derrière cette graphie énigmatique, le nom de Zānbat (Sambatas), autre nom de Kiev, mais une Kiev qui serait encore capi-tale des Polianes slaves, non encore soumise aux Russes (ixe siècle), ni même, plus tôt encore dans son histoire, aux expéditions khazares323 ?
128Ibn Rusteh encore : en quittant Salonique, on passe par une grande ville, fortifiée et commerçante, bien approvisionnée en eau : Mutrn, en réalité Qitrun, Kitros, à 40 km environ au sud-ouest de Salonique. Puis vient un royaume christianisé depuis l’époque du « roi » Basūs (Basilyūs), autour de la ville de Balātīs (Spalato, Split). Les choses, ici, semblent plus claires : nous sommes en Macédoine et en Serbie, à l’époque de l’empereur byzantin Basile Ier (867-886)324.
129Plus dérobé, en revanche, ce dernier passage d’Ibn Rusteh : les Slaves obéissent à un chef nommé Sūbang, qui réside au centre de leur territoire, mais relève lui-même d’un souverain suprême, nommé Swyyt-Blk et résidant à Grwāb ; quant à la ville de Gïra, c’est celle où l’on relègue les voleurs, parce que située au fin fond du royaume325. Les érudits se sont livrés au petit jeu des identifications : Grwāb renverrait en réalité à Hrvāt, graphie qu’on lirait aussi derrière le nom d’une ville slave donné par les Ḥudūd al-’ālam : Hurdāb. Hrvāt, ce seraient les Croates, mais lesquels ? Ceux du nord, installés sur la haute Vistule, dans la région de Cracovie ? Il vaut mieux, semble-t-il, tabler sur les lectures de zupanets (chef de district, de comitat) pour Sūbang et, pour Swyyt-Blk, de Svetopluk Ier (870-874), roi de Moravie, puis-sant voisin et peut-être suzerain des Croates du sud326.
130Tout cela, on le voit, fragmentaire, imprécis, suscitant les questions, mais ne les satisfaisant pas. Le premier, Mas’ūdī327 tente un panorama complet. Il se réfère d’abord à une antiquité slave où la souveraineté appartenait aux Wlītābā (Wiltzes) : les Veltae de Pline, installés sur les rives orientales de la Baltique, puis émigrés à l’est de l’Elbe et dont le roi, nous dit Mas’ūdī, portait le titre de Māğik328. Ensuite, l’auteur énumère successivement, dans les deux versions des Prairies, l’habituelle et celle du texte de Bakrī : les Ustutrāna (Stodoranes), dont le roi se nomme Basqlābig (Vacslav ?)329 ; les Sabrāba, que T. Kowalski lit Abtarāna : les Abatareni ou Obodrites330, habitant l’actuel Mecklem-bourg ; les Dūlāba (Dudlebi), avec leur roi Venceslas331 ; les Nāmgīn, soldats et cavaliers intrépides, dont le roi est appelé Garānd332 ; les Manābin et leur roi Ratimīr, dans lesquels l’ingénieuse érudition de Marquart voit la tribu des Glomaci333 ; les Sarbīn, redoutables et païens : Sorbes, Sorabes ou Serbes Blancs, entre Elbe et Saale334 ; les Murāwa (Moraves), cités aussi (Mrvāt) par les Ḥudūd al-’ālam, fort embrouillés à leur égard335 ; les Hurwātīn ou Hayrawās : Croates, sans trop de dis-tinction entre ceux du nord, Croates Blancs dont le destin ne se sépare pas de celui de la Bohême-Moravie, et ceux d’Illyrie336 ; les Sāsīn, où certains voient, en fait, les Saxons, et d’autres, avec plus de probabilité, les Tchèques337 ; les Hasânïn ou Hasyabïn, à savoir les Guduscani, instal-lés peut-être autour de Kucevo, à 80 km environ à l’est-sud-est de Belgrade338 ; enfin, les Brāngābīn (Branicewci), au confluent du Danube et de la Mlava339.
131Malgré les incertitudes fréquentes de graphie, le panorama esquissé par Mas’ūdī n’est pas exempt de logique : il va du nord au sud, depuis les pays de Brandebourg et Mecklembourg jusqu’aux Croates des plaines danubiennes, en passant par le bloc central composé de la Bohême-Moravie ainsi que de la Serbie et de la Croatie Blanches. Mais Mas’ūdī renchérit encore en nous offrant, sur cet échiquier des peuples slaves, les pièces maîtresses340.
132Le premier des souverains slaves, dit-il, est celui d’Aldayr : ses États, riches de cultures, de villes et d’armées, voient affluer les marchandises du monde musulman. Derrière l’énigmatique nom de la ville341, peut-être Kiev se profile-t-elle, ou, mieux encore, Cracovie342, si l’on tient compte de 1’ « itinéraire » suivi par Mas’ūdī et du royaume « qui vient ensuite » (sur la carte ou dans la hiérarchie ?)343 : celui de Prague (al-Ifrāg). La Bohême, ainsi désignée par le nom de sa capitale, qui double ceux, déjà connus, de Dūlāba (Dudlebi) et de Sāṣīn (Tchèques), est riche de ses champs et d’une mine d’or. Belliqueuse, elle guerroie, avec des fortunes diverses, contre de nombreux peuples, notamment les Francs, les Rūm et les Bazkard : les deux premiers noms renvoient aux Allemands, non plus sous la dénomination (Nāmgīn) que leur donnent les Slaves, mais sous d’autres où se lirait finalement l’histoire de leurs princes, de Conrad de Franconie (mort en 919) à Othon Ier (936-973), fondateur du Saint Empire romain germanique344 ; quant aux Bazkard, nous retrouvons avec eux une vieille connaissance : nos Bašğirt, c’est-à-dire les Magyars, mais installés cette fois, au bout de leur long chemin, en Pannonie345. Ce sont eux, sous le nom de Turcs, que Mas’ūdī donne, un peu plus loin346, comme le troisième grand peuple slave, et même le plus grand : nouvelle preuve qu’il faut bien, à l’occasion, ne pas attacher à ce terme de slave un sens trop précis, mais l’élargir aux dimensions de toute l’Europe de l’est. Flottement, du reste, auquel Mas’ūdī lui-même est sensible, puisque, revenant, pour conclure, sur les Wiltzes, qui détenaient jadis la suprématie absolue, il prend soin de préciser que ceux-là étaient « les Slaves de pur sang »347.
L’itinéraire d’Ibrāhīm b. Ya’qūb
133Le Juif espagnol Ibrāhīm b. Ya’qūb, qui visita l’Europe de l’ouest et centrale dans les années 354/965, nous a laissé un tableau des Slaves occidentaux qui représente un incontestable progrès par rapport aux données de Mas’ūdī : époques et dates se lisent, enfin, à peu près en clair. Sans doute Ibrāhīm participe-t-il lui aussi des hésitations de son temps : il a parfois tendance à considérer comme slave une bonne partie du domaine allemand, au moins au nord348. Mais, pour être passé dans certaines contrées slaves, il nous emmène — et nous garde — lui, au coeur du sujet.
134Il relève d’abord que les Slaves rassemblent en réalité des peuples divers, auxquels se sont incorporés des étrangers venus du nord : sans nul doute Germains et Scandinaves. Puis il déclare que l’union origi-nelle des Slaves a fait place, de son temps, à quatre grands États : ceux des Bulgares, dont nous avons déjà traité, deBoleslav, de Mieszko et de Nakon349.
135Il entame ensuite sa description de détail par le dernier de ces royaumes350, en réalité le premier suivant l’itinéraire que, peut-être, il accomplit : c’est à Magdebourg, en effet, où il est reçu à la cour d’Othon Ier 351, qu’il a pu recueillir ses renseignements sur les Obodrites du Mecklembourg-Schwerin, dont Nakon (Nāqūn, mort vers 965) est roi. Installés à « l’extrême ouest » des pays slaves, les Obodrites ont pour voisins les Saxons (Saksūn) et « certains » Murmān (Normands : en l’occurrence, les Danois). Leur capitale, Crād, dont le nom, nous dit-on, signifie « grande citadelle », est à onze milles de l’Océan (évidemment la Baltique) et à cent milles de Magdebourg352, l’itinéraire empruntant au passage un pont de bois long d’un mille : sur quel autre fleuve que l’Elbe ?
136Le pays de Nakon est riche : de ses chevaux, qu’il exporte ; sans nul doute accueillant au commerce, puisque les prix y sont bas ; et surtout redoutable aux armées ennemies, qui n’y pénètrent qu’à grands efforts. Comment s’en étonner ? Partout des marécages, des fourrés, des tourbières ; mais des guerriers aussi, armés de pied en cap, avec cuirasses, heaumes, épées ; enfin, ces fameuses forteresses dont la capitale donne l’image : pour les bâtir, on choisit telle ou telle prairie gorgée d’eau ; après avoir délimité, aux dimensions qu’on souhaite lui donner, le périmètre de la future enceinte, ronde ou carrée, on creuse un fossé, les déblais servant à élever un rempart que l’on consolide de planches et de rondins ; une porte, donnant sur un pont de bois, complète le dispositif.
137Second royaume353 : celui de Buyaslāw (Boleslav, Boleslas Ier : 929-967), roi de Bohême (Buyama). On chemine, au départ de Magdebourg354, par une série de villes fortes : Qalīwā (Calbe)355, Nūbgrād (Novigrad, Nienburg), au confluent, nous précise-t-on, de la Saale (Salāwa) et du Bode (Buda), et bâtie de pierre chaulée ; puis vient, toujours sur la Salāwa, la Saline des Juifs : Salzmunde356 ? De là, on passe à la vallée de la Mulde (Muldāwa), avec Bûrgïn : sans doute Wurzen357. Vingt-cinq milles après commence un pays de forêts, de montagnes et de tourbières franchies sur un pont de bois : au bout du chemin, enfin, Prague (Farāga), le pays de gens curieusement bruns, aux cheveux noirs358.
138Grand royaume : de Cracovie (Krakū)359 à Prague, il y aurait environ trois semaines de voyage360. Les Turcs (Magyars) l’avoisinent tout du long. La capitale, faite de pierre chaulée, voit affluer les marchands : russes et slaves, depuis Cracovie ; musulmans, juifs et « turcs », par les pays magyars ; à tous, en contre-partie de monnaies byzantines361, Prague remet des esclaves362, de l’étain, des peausseries. Le commerce, décidément, est roi en Bohême, la plus saine et la plus prospère des contrées du Nord : on y vend à des prix dérisoires du blé pour un mois, de l’orge pour nourrir un cheval tout aussi longtemps et même davantage ; pour rien ou presque, encore, les poules. Et puis des selles, des brides, des boucliers363 et de petits foulards en forme de croissant, à la trame très lâche et « ne servant à rien » qu’aux échanges. Les maisons en recèlent de pleins vases, fortune domestique où l’on puise pour se procurer froment, farine, chevaux, or, argent, bref tout ce que l’on voudra.
139Si la Bohême est le plus prospère des pays slaves, celui de Mašqu (Mieszko Ier, duc de Pologne de 960 à 992) est le plus vaste364. Biche de vivres, de viandes, de miel et de labours365, ce « royaume du Nord » consacre ses impôts366 à la solde mensuelle d’une armée redoutable : 3 000 cuirassiers, qui valent dix fois autant d’hommes et reçoivent de l’État tout leur équipement : vêtements, chevaux, armes. Chaque enfant qui leur naît, mâle ou fille, est pris en charge par le roi, qui le marie à sa majorité et paie, en son nom, la dot au beau-père ou au père, selon le cas. Présent non négligeable si l’on sait que la dot est aussi lourde en pays slave que chez les Berbères : assez, en tout cas, pour assurer la fortune au père de deux ou trois filles et la pauvreté à celui de deux garçons.
140Revue d’ensemble, revue de détail : à ces quatre grands royaumes (Bulgares compris) viennent s’ajouter d’autres peuples, slaves ou non. D’abord, à l’est du pays de Mieszko, les Russes, que nous retrouve-rons plus loin. Au nord, les Prussiens (Burūs)367, installés sur l’Océan (la Baltique), parlant un langage à part, incompris de leurs voisins, mais renommés pour leur courage, qui les fait mourir sur place, épée en main, plutôt que de céder.
141Puis, au nord-ouest du royaume de Mieszko, dans un paysage de marais, les Waltāba (Wiltzes), qu’Ibrāhīm ne voit pas tout à fait comme Mas’ūdī : slaves ceux-là, ils ignorent toute autorité, royale ou autre, et n’acceptent de jugements que des anciens de la tribu. Ils sont guer-riers et marins ; guerriers forcenés : Mieszko en sait quelque chose ; marins : leur capitale, sur la mer, avec ses douze portes, est aussi un port soigneusement organisé368.
142L’environnement slave se complète avec quelques autres peuples, et non des moindres : Francs, Rūm, Magyars369 et, ailleurs : Tudiskiyyūn (Tudesques), Unqaliyyūn (Hongrois), Petchénègues, Russes et Khazars370. Contacts guerriers, avec des hauts et des bas, mais parfois aussi pacifiques, sur fond de relations commerciales qui exigent de ces peuplades la connaissance de la langue slave.
Pays et gens du froid
143L’étude des divers peuples slaves s’accompagne, on l’a dit, d’informations générales, ou non rapportées, précisément, à tel ou tel d’entre eux : si bien que l’unité slave, affirmée au moins pour le passé371, émerge aussi, consciemment formulée ou non, pour le présent où entendent se situer nos auteurs372.
144Fourrés, forêts, tourbières : nos pas nous y ont déjà menés. Peuplons-les maintenant de roseaux, d’arbres en rangs serrés, espaçons-les, aussi, de solitudes piquées de sources, hérissons le tout de châteaux et de citadelles, et nous aurons le pays des Slaves373. Des mules, des chevaux, des porcs374, mais surtout des vols d’abeilles375 et d’oiseaux : lequel se cache derrière le mot, d’ailleurs incertain, de sabā376 ? Il est, nous dit-on, sommé de vert et imite les sons de la voix humaine ou les cris des animaux : pour ces dons, on penserait évidemment au sanson-net377. L’autre oiseau, en tout cas, est aussi clair que son nom : tatrā. Une poule sauvage, sous deux espèces noire ou bigarrée, plus belle que le paon, à la chair délicieuse et dont le cri, lancé du haut des arbres, porte à une parasange de là : il en faudrait moins pour nous peindre les deux variétés de coq de bruyère : grand tétras et tétras-lyre378.
145Le ciel slave, c’est l’équation pluie-froid. Imagine-t-on, quand on vient des steppes du Proche-Orient379, que l’eau puisse être cause de disette ? Et pourtant... Ici, chez les Slaves, plaie de sécheresse n’est jamais mortelle : l’humidité y pare toujours ; la menace vient de ce qui, ailleurs, est bénédiction, de cette humidité qui s’exalte en pluie épaisse et continue. La prospérité — qu’on nous dit remarquable — des pays slaves est liée à la discrétion des nuages.
146Étonnant aussi, parce que inversé, le couple froid-chaud. Même intense, le premier est toujours sain, tandis que l’autre tue. Car la complexion slave, pâteuse (gāmid), ne tient que par le froid ; vienne le chaud, elle fond, elle bout, et c’est la mort. Ainsi s’explique la ter-reur à l’idée de descendre au-dessous d’un certain parallèle, en l’occur-rence chez les Lombards : qu’en dirait notre Europe assoiffée de soleil380 ?
147Le froid, toujours le froid. Avec quelle fascination on nous parle de lui381 ! Nuits de lune et jours clairs le voient s’exaspérer : alors, dans le gel implacable, la terre devient pierre, toute boisson se fige, puits et bassins s’obstruent d’une glace dure comme tuile. Aux barbes, l’haleine saisie prend forme de verre qui ne se brise qu’à la chaleur de l’abri enfin trouvé. Quant au dégel, il est fils des nuits noires et des jours nuageux. Alors, c’est le désastre sur le fleuve, quand les bateaux s’ouvrent contre des montagnes382 de glace, les jeunes seuls, ou les vaillants, parvenant à fuir la noyade en s’agrippant à ces blocs de mort.
148Est-ce le froid qui crée les vapeurs morbides, sources de deux affections endémiques : charbon et hémorroïdes383 ? C’est bien le froid, en tout cas, qui explique les traits physiques et moraux des Slaves. « Le soleil n’ayant sur ces régions (celles des Slaves, Francs et autres nations voisines) qu’une faible puissance à cause de son éloignement, le froid et l’humidité dominent, les neiges et les glaces disparaissent rarement. Les humeurs y ont peu de chaleur ; les hommes ont la stature haute, un caractère farouche, des moeurs rudes, l’intelligence stupide, la parole lourde ; ils sont d’un teint extraordinairement blanc, virant au bleuâtre ; leur peau est fine et leur chair épaisse ; leurs yeux sont bleus, en har-monie avec les nuances de leur teint, et leurs cheveux flottants et roux par l’effet des vapeurs humides. Leurs croyances religieuses sont sans solidité, à cause de la nature du froid et du défaut de la chaleur384. »
149Ces thèmes du froid, de l’humidité et du manque de lumière inter-fèrent avec un autre, l’un des plus courants de cette géographie, à savoir celui du climat central, celui de Babylone, le quatrième, syno-nyme d’équilibre. Qu’on le quitte, qu’on s’éloigne du milieu du monde, d’une action tempérée du soleil, et les natures se détraquent. Entre le mûrissement extrême de l’embryon, lequel le fait naître noir comme chez les Zanğ et les Abyssins, et son mûrissement entravé, qui le fait naître blanc ou bleuâtre, comme chez les Slaves, il existe toute une gamme de situations intermédiaires dont seul le quatrième climat représente la perfection, avec les teintes exemplaires d’une cuisson bien réussie, d’un pain qui ne serait « ni pas assez levé, ni brûlé »385.
150D’une humeur sauvage et versatile, laids, mais fougueux et braves386, les Slaves sont-ils un grand peuple, de ceux qu’on mesure à l’échelle du monde ? Sans nul doute : si n’étaient leurs divisions387, aucune autre nation ne leur résisterait, affirme Ibrāhīm b. Ya’qūb388, qui sait ce dont il parle, pour les avoir vus. Mais allons plus avant, jugeons les Slaves à leurs titres. Généalogie d’abord : ils descendent de Māday (Madaī), fils de Japhet389. Leurs rois portent titulature390 et leur souverain suprême entre dans l’assemblée des grands monarques du monde — sinon en ses tout premiers rangs — sous l’appellation de Qnāz391. L’espace enfin : les pays slaves s’étendent sur 2 450 000 parasanges carrées392, ce qui les classe entre territoires moyens et grands territoires : au niveau de l’Islam, par exemple, à peu de choses près, plus haut, en tout cas, que le Turkistan, et loin derrière l’Afrique noire, l’Inde ou la Chine. Et si, pour apprécier une civilisation, ce qui importe finalement est le rapport de l’espace au nombre des hommes qui l’occupent393, les Slaves confirment bien la position esquissée. Car, sur cette superficie plus qu’estimable, vit une population qu’on ne nous fixe pas en chiffres, mais dont tous les renseignements recueillis — quant aux diverses nations, aux États, à leur richesse, à leurs villes — nous donnent l’impression qu’elle est finalement assez importante. Au total, un espace relativement considérable et relativement bien occupé, voilà de quoi assurer aux Slaves une place honorable non seulement sur la carte des peuples, mais dans l’échelle des civilisations.
La vie quotidienne
151Amples tuniques de lin, avec manches serrées au poignet, et chaussures à haute tige composent le vêtement des Slaves394, lesquels vivent dans des maisons de bois395. C’est le miel, nous dit-on, qui tient lieu de boisson et d’alcool : on en prépare des provisions suffisantes pour un an396. L’alimentation repose sur le lait et la viande : bœufs ou oies, mais non poulets, soupçonnés de favoriser l’épilepsie et le charbon397.
152Les Slaves n’ont pas de bains, mais y suppléent à leur manière. Ils calfeutrent, nous dit Ibrāhīm b. Ya’qūb398, comme ils le font pour leurs vaisseaux, les interstices de maisons de bois, nommées isbas399, avec une substance qu’ils recueillent aux troncs des arbres, semblable à la mousse : le muk (lichen)400. Dans un coin de l’édifice, ils bâtissent un fourneau de pierre et ouvrent, à l’opposé, dans le toit, une lucarne pour l’évacuation de la fumée. Ils la ferment, ainsi que la porte, quand le fourneau est chaud. Sur celui-ci porté au rouge, ils répandent de l’eau à seaux. Nuages de vapeur. Botte d’herbes en main, chacun appelle à lui cette atmosphère qui fait respirer les corps, dilate leurs ouvertures, excrète leur trop-plein sous la forme de ruisseaux de sueur. Ainsi échappent-ils à la gale et aux ulcères.
153Tableau propre à frapper les imaginations ! Pour peu qu’on ne le connaisse, comme Ibn Rusteh, que de très loin, derrière l’écran de lectures incertaines ou enjolivées401, voilà l’isba enfoncée dans la terre, devenue logis où la vapeur n’est ni plus ni moins qu’une source de chaleur, et les adeptes du sauna mués en une famille comme les autres, qui vit nue, dans la tiédeur de son refuge, jusqu’au retour du printemps.
154La grande occupation des Slaves, c’est l’agriculture : leurs efforts et leur réussite en ce domaine les placent loin devant tous les autres peuples du Nord. Le verger (ou la simple cueillette ?) est représenté par la pomme, la poire et, peut-être, la pêche ; le champ, massivement, par le millet, avec deux ensemencements, au printemps et au coeur de l’été ; au chapitre de l’élevage, enfin, relevons l’abondance du bétail, les porcs qu’on mène en troupeaux, comme on le ferait de moutons, et les abeilles qui donnent dix aiguières de miel par ruche402.
155L’agriculture, pourtant, n’épuise pas tout : il y a les bateaux403, la confection de récipients de bois404, l’armement (splendides cottes de mailles, javelots, lances et boucliers)405, les instruments de musique : luths à huit cordes, à la caisse plate et non bombée, flûtes de plus de deux coudées, guitares à long manche et autres instruments inconnus du monde musulman406.
156Enfin et surtout, le commerce : transitaires entre la moyenne Volga et l’Espagne407, les Slaves négocient avec toutes les nations voisines408. Une grande ville, et c’est, trois fois par mois, un marché où s’échangent les marchandises les plus diverses409. Mais lesquelles ? On en a, plus haut, évoqué quelques-unes410. Ajoutons-y les peaux de castor et de renard, qui, transportées par les commerçants slaves, prennent le chemin de l’Espagne et, par les Khazars, de l’Orient musulman411.
157N’ayons garde d’oublier un des postes majeurs de ce trafic : les esclaves. Leurs convois enserrent le bassin méditerranéen comme en une gigantesque et effroyable tenaille de lucre et de misère. D’un côté, on les trouve en Sicile et en Espagne, ce dernier pays les achemi-nant vers le Magrib, l’Égypte et, par la Syrie et la Haute-Mésopotamie, vers Byzance. A l’est, on les trouve chez les Khazars, où ils sont merce-naires du roi, mais aussi, par leur intermédiaire comme par celui des Magyars et des Bulgares, à Byzance encore, au Hurāsān, au Huwārizm et à Bagdad412.
158Atroce détail de cette atroce et régulière chasse : la castration. Si les esclaves acheminés vers l’est conservent intacte leur virilité, ceux que l’Espagne importe et réexporte sont châtrés, avant d’entrer dans ce pays, par les marchands juifs413. Ils le sont « à fleur de ventre », soit d’un seul coup, soit en deux temps : d’abord, les bourses sont incisées pour permettre l’extraction des testicules, puis la verge, reposant sur une planchette, est tranchée près de la racine, et une tige creuse, en plomb, est placée dans le nouveau méat de l’urètre pour le main-tenir ouvert jusqu’à la cicatrisation. Horreurs régulières, disions-nous : à preuve le ton impersonnel du chirurgien ou du juriste que prend Muqaddasï pour nous parler de l’opération, de ses suites et de l’avis des doctes sur le statut légal de l’eunuque. Cette impassibilité, qui nous fait frémir aujourd’hui, elle appartient en bloc au pourvoyeur, au passeur et à l’utilisateur, à tout ce qui, ici où là, se veut alors civilisation, qu’on se réclame de l’Islam, du judaïsme ou du Christ414.
Où la mort fascine plus que la vie
159La femme slave étonne nos auteurs à l’égal de la turque, et pour les mêmes raisons415. Mariée, la voilà cachée, au moins lorsqu’elle est reine, de par sa propre volonté autant que par la jalousie de l’époux. Mais auparavant, quelle fantaisie ! La jeune fille aime-t-elle un homme ? Elle va chez lui et se livre toute à son plaisir : pratique si courante qu’arriver vierge aux épousailles, c’est s’entendre suspecter de quelque tare physique ou morale et s’exposer à la répudiation416.
160Plus étrange encore, la mort, synonyme de feu et d’holocauste417. Tantôt attribuées en bloc aux Slaves, tantôt rapportées plus précisèment à un de leurs peuples, les Serbes en l’occurrence, les pratiques funéraires ajoutent les suicides au trépas du guerrier. Celui-ci emporte avec lui ses armes, ses parures, ses chevaux. Et ses compagnons ; et ses femmes : car si le mari n’est pas tenu de suivre l’épouse dans l’au-delà, la réciproque est si peu admise qu’un célibataire est sûr, à son décès, qu’une volontaire se présentera pour partager la mort avec lui. Avant le sacrifice, les femmes se lacèrent au couteau les mains et le visage418. Puis elles s’immolent, par le feu ou la pendaison : elles se passent elles-mêmes la corde au cou, basculent elles-mêmes le siège sur lequel elles montent et restent là, le corps frémissant, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
161Tragédie ? Que non pas. Fête plutôt, car quitter ce monde est une manifestation de miséricorde du Seigneur (rabb)419 du défunt, le suicide permettant de devancer cet appel de clémence. D’où les chants et les musiques qui saluent l’événement et son anniversaire : un an après, sur le tertre où repose l’urne contenant les cendres du mort, sa famille s’abreuve d’hydromel, jusqu’à épuiser la récolte d’une vingtaine de ruches et même davantage.
162Par ces holocaustes enthousiastes et forcenés, les Slaves nous rap-pellent, on le voit, les populations situées plus à l’est ; nos auteurs, particulièrement sensibles à la magie du feu, préfèrent préciser sous sa forme indienne cet Orient auquel les Slaves leur font penser.
163C’est dire que nous sommes en plein paganisme. Sans doute la venue progressive des Slaves à la religion de la croix est-elle signalée420. Pour-tant, dans l’ensemble, c’est bien le paganisme (gāhiliyya) qui domine, notamment chez les rois421. Le premier devoir religieux, en tout cas, est de servir le souverain422. Celui-ci, comme les malades ou les blessés, se déplace sur un char à quatre roues, une litière, suspendue par des chaînes aux quatre colonnes d’angle, amortissant les cahots du chemin423. Le roi dicte impôts et peines : dons en vêtements pour les premiers et, pour les secondes, étranglement ou relégation des voleurs424.
La religion slave
164Servi religieusement, donc tenu pour représentant magique et terrestre de la divinité, de quel Seigneur relève le roi ? Du feu, sous sa forme courante ou solaire425. Dans ce contexte, Ibn Rusteh apporte une précision intéressante : « Tous les Slaves adorent le feu et, comme ils cul-tivent surtout du millet, ils en retiennent, au moment de la moisson, quelques grains dans une cuiller, qu’ils élèvent vers le ciel en disant : Seigneur, qui nous procures notre subsistance quotidienne, continue à nous marquer ta bienveillance426. »
165Mais plus intéressant encore Mas’ūdī427, qui nous parle des édifices jadis vénérés par les Slaves, tous bâtis sur une montagne et associant les éléments naturels à l’activité humaine. Le premier était « remar-quable par la disposition des pierres de couleur variée qu’on y avait employées, les mécanismes ingénieux placés sur le faîte de l’édifice, de façon à être mis en action par le soleil levant, les pierres précieuses et les œuvres d’art qui s’y conservaient, lesquelles annonçaient l’avenir et mettaient en garde contre les calamités de la fortune avant leur accomplissement, enfin les voix qui se faisaient entendre du haut du temple et l’effet qu’elles produisaient sur les assistants. »
166Le second temple, sur une montagne noire, « était entouré de sources merveilleuses, dont les eaux différaient de couleur et de goût et renfer-maient toutes sortes de propriétés bienfaisantes. » A l’intérieur du bâtiment, une statue « colossale » représentait un vieillard incliné qui, d’un bâton, remuait des ossements dans des sarcophages ; « sous son pied droit, on voyait comme des fourmis ; sous le gauche, des oiseaux au plumage noir, tels que des corneilles ou autres oiseaux, et des hommes aux formes étranges, de la race des Abyssins et des Zanğ428. »
167Le dernier temple, sur un promontoire enserré par la mer, était fait de corail et d’émeraude. Au centre, sous une haute coupole, une idole dont les quatre membres reprenaient l’émeraude, en lui ajoutant « le rubis rouge, la cornaline jaune et le cristal blanc », la tête étant en or. Face à la statue, une autre « représentait une jeune fille qui semblait lui offrir des sacrifices et des parfums. Les Slaves attribuaient l’origine de ce temple à un de leurs sages qui vivait à une époque reculée. »
168Les trois montagnes n’en font qu’une en réalité, sous trois faces complémentaires : la montagne cosmique, centre du monde, marque l’articulation entre les trois éléments terrestre, aquatique et aérien429. Par la montagne, la terre (T) est évidemment toujours présente : naturellement incluse dans l’air (A) pour les trois temples, mais avec insistance sur cette inclusion pour les temples II (oiseaux) et III (parfums) :
169quant à l’eau (E), la terre l’inclut (celle des sources) en II et est incluse en elle (situation de presqu’île) en III :
170Une autre formulation est possible dans le cas de deux éléments. Soit le thème du mouvement (M) : il est seul présent en I ; en III, c’est le statique (S) qui s’assure l’exclusivité ; en II, les deux éléments sont pré-sents (le mouvement par le jaillissement des sources et son contraire par la statue), et ils ont une partie commune, leur « intersection », à savoir : le geste du vieillard, lequel est à la fois mouvement (« remuait ») et absence de mouvement (puisque appartenant à un objet immobile : la statue) :
171Pour trois éléments, la distribution la plus simple, en unités dis-tinctes, s’applique aux manifestations de l’activité humaine révélées par les temples : divination (D) en I, médecine (Me)430 en II, religion (idole, sacrifice) en III :
172Autre distribution possible : le thème vie-commencement, symbolisé en I par le soleil levant, s’oppose à celui de la mort et de la fin, partout présent en II, tandis qu’en III, tous deux se subliment dans le divin, c’est-à-dire dans l’éternel : on relèvera à ce propos la référence à un temps mythique (« à une époque reculée » : in illo tempore) et au thème du monumentum aere perennius : temple et idole sont faits de pierre ou de métal inaltérables :
173Le thème des couleurs, lui, se distribue différemment : en I domine la variété absolue ; en II, cette domination inclut un large champ de noir ; en III, c’est le jaune (cornaline et or) qui est plus particulièrement souligné431, cependant que la variété se réduit à la binarité : quatre teintes réparties en deux groupes432, celui des teintes soutenues (vert’ rouge) et celui des teintes claires (jaune, blanc) :
174Dans le cas de quatre éléments, on peut avoir une juxtaposition d’un même élément à chacun des trois autres : la vision, sens privilégié parce que associé à la lumière et au feu433, est toujours présente, juxtaposée à l’audition (oracles) en I, au goût (de l’eau des sources) en II, et à l’odorat (parfums) en III :
175Plus complexe est la distribution des « règnes » : en I, la divinité, ins-tallée au faîte du temple434, rassemble l’univers, incluant d’abord les hommes, auteurs du temple, ceux-ci, à leur tour, incluant les minéraux, puisque ceux-ci sont travaillés par la technique humaine ; mais ces mêmes minéraux, devenus partie du temple, se voient donc inclus, par cet intermédiaire, dans la divinité : En II intervient un nouvel élément : le règne animal435. L’animal et l’homme (des ossements) sont tous deux soumis à la divinité sous sa forme funèbre. Mais celle-ci est installée dans un temple que l’élément minéral (sources) entoure, enserre436 : En III, enfin, l’humain est inclus dans le divin : la jeune fille est soumise à l’idole à qui elle offre l’hommage du sacrifice. Comme en I, les minéraux (membres de l’idole et parties du temple) ne sont inclus dans le divin que par l’intermédiaire du travail des hommes, auteurs du temple et de la statue. Mais en même temps, par sa position sur la presqu’île, le temple, comme la terre qui le support437, est enserré par l’élément « minéral » sous sa forme aquatique : On a donc, au total :
176D’où il ressort que la divinité est trois fois incluante et deux fois incluse : elle est dans le monde, mais, en même temps, le rassemble et le domine. Le minéral est, de façon rigoureusement égale, incluant et inclus. Il inclut deux fois la divinité : n’en est-il pas une des résidences ? Il est deux fois inclus en elle, mais par l’intermédiaire de l’homme : il n’a pas de contact avec la divinité, ou plutôt ce contact existe, mais il ne le sait pas. Conscience de ce contact, intermédiaire entre le monde et la divinité qui l’habite, l’homme est sans doute, de par son être-au-monde, plus inclus (trois fois) qu’incluant (deux fois), mais, qu’il soit inclus à la divinité seule ou au monde par l’intermédiaire de la divinité, c’est toujours un contact direct avec celle-ci qui est la règle ; ainsi est ménagée la place singulière de l’homme dans la création : qu’on le compare avec l’animal, présent une seule fois, et pour être inclus, de décret divin, dans une simple relation avec le monde438.
177Reste, pour terminer, à jeter un coup d’oeil sur l’organisation d’ensemble de ce monde. Le thème de la variété439 est seul présent en I ; en III, il est réduit à la binarité, très soulignée : deux groupes de deux couleurs440, deux statues, deux sortes de pierre pour le temple. En II, enfin, variété (source, ossements) et binarité (les deux pieds de la statue) s’associent à l’unité (une statue). Finalement, c’est bien d’un seul élément qu’il s’agit : la variété essentielle du monde, que l’ingé-niosité des hommes, comme en III, peut partiellement organiser441, mais que seule la divinité (en II) peut, à volonté, conserver telle quelle, organiser ou réduire à l’unité, c’est-à-dire à elle-même :
178Ainsi les trois montagnes assurent-elles, dans la variété même des formulations qu’elles symbolisent, la répartition des éléments, des étages de la création, des activités et des fonctions qui composent le monde. Aucune des trois n’est spécialisée dans un registre propre ; elles se partagent tout, selon des relations chaque fois différentes, qui varient les possibles comme à plaisir. La répartition ternaire de la montagne cosmique est elle-même recoupée par d’autres distributions, qui ne sont que des échelles contingentes d’organisation, entre les deux bouts de la chaîne où s’installent et l’unicité du divin et l’infinie variété du monde qu’il a construit. Ainsi tient-on — avec un fléau jamais en place — la balance perpétuellement indécise entre la liberté de la création et l’ordre nécessaire : un ordre dont Dieu est le seul dépositaire et l’homme, dans la finitude, à la fois le moyen et l’approche impar-faite. Reste à savoir si, à travers cette représentation du monde par l’étranger, ce n’est pas finalement sur la sienne propre que débouche un auteur musulman442.
Russes, Varègues, Wīsū
179On connaît le vieux débat : sous ce terme de Russes (Rus), faut-il entendre des Slaves ou une population Scandinave, celle des Varègues443, venus de la Baltique par la région de Novgorod et le haut Dniepr ? La question, pas toujours exempte de résonances politiques, doit être aujourd’hui abordée par des voies en partie nouvelles : il est probable que, dans une société slave orientale déjà organisée, en voie d’urbanisation, et dans l’histoire de laquelle la place des nomades (khazars, petchénègues et magyars) est du reste essentielle, les Russes (à l’ori-gine, une confédération de guerriers danois) ont réussi à se couler en se slavisant ; mais si leur rôle dans la fondation du premier État russe, dit de Kiev, est indéniable, il ne saurait non plus, comme on l’a trop longtemps fait, être surestimé444.
180Les Varègues (Warank) ne sont pas connus de nos textes445. Peut-être, toutefois, est-ce à eux que renvoient, dans une graphie très incer-taine, les Ḥudūd al-’ālam. Si tel est bien le cas, les Varègues vivraient dans de petites îles ; de leurs régions confinant, vers l’extrême Nord, à Thulé, un puissant courant d’eau (la Baltique ?) s’en viendrait « rejoindre », au nord des Slaves, la mer d’Azov : entendons, dans la réalité, l’un des grands lacs russes446.
181D’autres peuples nous sont signalés dans ces parages nord de notre Russie : à travers le nom de Ygsūn, que les Ḥudūd donnent comme celui d’un pays kïmâk, c’est Yūġra qu’il faut lire, à savoir les popula-tions ougriennes de l’Oural septentrional et de l’Ob : Voguls et Ostiaks447. Wīsū, que les Ḥudūd leur associent448, renvoie, lui, à une population finnoise : les Ves’, installés au sud-est du lac Onega. Ibn Faḍlān les connaît par ce qu’il a entendu dire au roi des Bulgares de la Volga : les Wīsū habitent un pays où la nuit dure moins d’une heure ; la route est longue jusqu’à eux : trois mois de marche, mais les marchands bulgares la font, pour aller négocier les peaux de martre et de renard noir449.
182Quant aux Russes, Minorsky450 a clairement réparti nos sources en deux groupes, selon qu’elles connaissent ou non l’existence de l’État de Kiev, lequel s’élabore au ixe siècle. En fait, la répartition, quoique valable, frise le factice, tant le déséquilibre est grand entre les deux tendances. Seuls en effet, Istahrī et Ibn Hawqal451 parlent d’une Russie kiévienne ; tous les autres textes se rapportent visiblement à une his-toire antérieure. Deux cas particuliers : les Ḥudūd, écrits à la fin du ive/xe siècle, rassemblent, eux, les deux tendances ; quant à Ibrāhīm b. Ya’qūb, qui est chez les Bulgares en 310/922, les Russes qu’il ren-contre à cette occasion semblent de purs Scandinaves452 et il ne fait, en tout cas, aucune référence à Kiev.
183Peut-être s’agit-il, puisque Ibn Faḍlān453 fait arriver ces Russes par la Volga, d’un des trois groupes dont nous parle Istahrī, les Artâniya de la vallée de l’Oka. Istahrī écrivant vers 318-321/930-933, donc à peu près à la même époque qu’Ibn Faḍlān, le rapprochement ne serait pas insoutenable. Il serait suffisant, au moins, pour faire réserver le cas d’Ibn Faḍlān. Quoi qu’il en soit, par leur ampleur et leur extraordinaire accent de vécu, les données de cet auteur requerront d’être traitées à part.
184On ne nous en voudra pas, pour l’instant, de commencer à rebours de l’histoire : par la fin, avec Istahrī et Ibn Hawqal454, mais aussi, on l’a dit, par le moins significatif, du point de vue de la quantité pure s’entend. Mettons à part quelques données sur la Volga, « fleuve des Russes » ici, des Russes et de bien d’autres ailleurs ; sur l’exportation de miel, de cire et de fourrures vers les Khazars ; sur les raids russes, enfin, dans les régions bulgares et khazares455. Que reste-t-il ? Quelques lignes à peine, celles-là mêmes qui attirèrent l’attention de Minorsky456.
185Commerçants, les Russes vont jusqu’à Constantinople négocier les peaux de zibeline et de renard noir, le plomb, un peu de mercure. L’essentiel de leur trafic se fait par les fleuves. Gens mystérieux et farouches, hostiles au contact, ils gardent le secret sur ce qu’ils font, sur le pays d’où ils viennent. Que sait-on d’eux ? Qu’ils brûlent leurs morts, que les femmes esclaves accompagnent leur maître dans la tombe, que les hommes se rasent la barbe, que d’autres la tressent en nattes, comme on ferait d’une crinière de cheval, que tous, enfin, portent des tuniques courtes.
186Enfin et surtout, qu’ils sont répartis en trois groupes. L’un, avec Kiev (Kūyāba) pour capitale, a les Bulgares pour voisins : peu nous importe qu’il s’agisse de ceux du Danube ou de la Volga, puisque l’État kiévien pousse dans ces deux directions457. Loin au delà, nous dit-on, se trouve un second groupe de Russes, celui des Slāwiya458 : Slaves évidemment, mais à préciser, peut-être, en Slovènes : ceux de Novgorod, chez lesquels les Scandinaves s’installèrent tout d’abord459. Quant au dernier groupe, celui des Artāniya, autour d’une capitale, Arṯā, il est le plus sauvage de tous : si l’on se rend couramment à Kiev pour y commercer, aucun étranger, en revanche, n’a jamais pénétré jusqu’à Arṯā sans y laisser la vie. Mais où localiser ce peuple russe ? Le plus raisonnable, si vraiment son nom renvoie à Erz’a, l’une des fractions du peuple mordve, est de l’installer dans le bassin de l’Oka460.
Les Russes vus de loin
187Sans doute connaît-on quelques Russes : ces marchands dont Ibn Hurdāḏbeh nous retrace les itinéraires461 jusqu’à Bagdad, où les esclaves slaves leur servent d’interprètes. Et pourtant, malgré ces contacts directs, les Russes restent mystérieux : un peu, on l’a vu, parce qu’ils y veillent eux-mêmes, un peu aussi parce qu’en matière de merveilleux et d’incertain, on ne prête, c’est bien connu, qu’à ceux qui viennent de loin. Normands ou slaves, en tout cas, on ne sait trop : à propos de Séville, Ya’qūbī évoque son pillage, en 229/844, par « les Mâgùs (Normands) qu’on appelle les Rūs »462. Mais d’autres parlent de Slaves : serait-ce allusion à l’installation des Russes dans ce qui était en effet, et resta, pays slave ? Que non pas : derrière ce nom de Slaves, il faut entendre ici, en son sens le plus général, l’Europe de l’Est, ni plus ni moins463.
188Pour le reste, ainsi que l’a bien noté Minorsky464, une source commune inspire Ibn Rusteh, les Ḥudūd al-’ālam, et aussi, ajoutons-le, Maqdisī. Ce sont eux qui, avec Mas’ūdī, dont l’information semble un peu plus indépendante, nous livrent tout ce que nous pouvons savoir des Russes465. Ici, la distinction est constante entre Russes et Slaves. Nul doute qu’il ne faille se référer, comme le dit Minorsky, à l’époque critique de l’ins-tallation progressive des Scandinaves, avant la création de l’État russe de Kiev : à l’évidence, il faut y insister, les deux éléments russe et slave ne sont pas encore confondus466.
189Peuple nombreux (on avance le chiffre de cent mille hommes), ou, plus justement, peuplades diverses ; la plus importante serait celle des Lūd’āna : en réalité, les Lituaniens467. Presqu’îles, marécages, forêts au sol mouvant composent le paysage. Peu portés aux travaux des champs, les Russes s’adonnent à la navigation, à la guerre et à la chasse des animaux à fourrure, lesquels constituent, avec les épées et les esclaves razziés, un des postes principaux du commerce lointain468 : d’un côté, par les Bulgares et les Khazars, jusqu’au monde musulman, et, de l’autre, jusqu’à Constantinople, Rome ou l’Espagne.
190Rouges de teint469, propres, accueillants à l’hôte, généreux et sûrs envers l’étranger470, chevaleresques même471, les Russes traitent humainement leurs esclaves, ne serait-ce que par souci de soigner une mar-chandise aussi appréciée472. Leur fougue, leur endurance, c’est au combat qu’ils la donnent : armés de leurs épées à lame souple, ils marchent en formation compacte, d’un seul élan jusqu’à la victoire, et ne se débandent jamais. Un point important : c’est le navire, et non le cheval, qui assure ici le déplacement des troupes. En tout cas, navires ou non, la guerre, à en croire nos textes, est la grande affaire entre les Russes et leurs voisins, que ravagent leurs raids meurtriers473.
191Païens résolus, sans foi ni loi474, les Russes se reconnaissent tout de même un souverain, qui porte, comme chez les Turcs, le titre de hāqān, et auquel ils acquittent la dîme de tous leurs biens. Le roi tranche tous les litiges ; si le désaccord persiste, la décision est renvoyée aux armes ou, comme le dit Ibn Rusteh, à l’épée la mieux aiguisée475, chacun des deux adversaires pouvant se faire assister par sa tribu.
192La soumission au principe monarchique va de pair avec le rôle des sorciers476, par où la religion, quoi qu’on dise, apparaît dans la société russe : Ibn Rusteh assimile carrément leur autorité à celle des dieux, puisqu’ils peuvent décider à tout instant, sans la moindre entrave, de la nécessité d’un sacrifice, et se saisir, à cette fin, du premier homme ou animal venu, qu’ils s’en vont pendre à une potence477.
193Les Russes portent ceintures de cuir, bracelets d’or et bonnets de laine, avec rubans flottant sur la nuque. Mais le clou de l’habillement, c’est le pantalon, serré aux genoux, véritable délire vestimentaire puisque sa confection exige environ cent coudées de tissu de coton. S’enrouler dans pareille pièce, ou s’en défaire, est une entreprise d’autant plus hardie qu’elle offre au fourbe à l’affût l’occasion rêvée de se débar-rasser d’un homme ainsi empêtré. C’est au point qu’on demande à quelques amis le service de monter la garde, l’épée nue, pendant qu’on est aux lieux.
194Épée de combat, épée de l’amitié, épée de toute la vie, symbolique-ment placée devant l’enfant à sa naissance, avec cet avertissement paternel : « Je ne te laisserai aucun bien en héritage, et tu ne posséde-ras que ce que tu pourras acquérir par cette épée. » Compagne de l’homme, elle le suivra jusqu’au bout, mort comprise : car, brûlé ou inhumé478, le défunt emporte avec lui tout ce qui lui appartient, orne-ments, armes, montures et vêtements, sans oublier la nourriture, la boisson, l’argent et l’épouse préférée.
Les Russes vus de près : Ibn Faḍlān
195« J’ai vu les Russes » : le seul à l’écrire est Ibn Faḍlān, en ambassade auprès des Bulgares de la Volga, chez lesquels les Russes viennent en voisins, pour commercer. Là, directement à la source ou presque, notre auteur recueille, sur ce peuple d’ordinaire si énigmatique et lointain, toute une série de renseignements exceptionnels479.
196Blonds et vermeils de teint, la taille souple comme un palmier, couverts de tatouages depuis les ongles jusqu’au cou, les Busses ne portent pas de tuniques, mais un vêtement qui leur couvre tout un côté du corps en laissant l’autre libre. La parure de l’homme, ce sont ses armes, qu’il ne quitte jamais : hache, couteau, épée à lame large et striée, comme chez les Francs. Quant aux compagnes de ces guerriers en toge, elles sont folles de colliers d’or, d’argent et surtout de verroterie verte. Ce sont là ornements, certes, mais aussi distinctions sociales, puisque leur nombre suit rigoureusement la fortune du mari : chaque fois qu’elle passe un cap de dix mille dirhems, un nouveau collier vient s’ajouter aux autres. Même signification pour les petites boîtes portées au cou : le fer, l’argent, le cuivre, l’or ou le bois dont elles sont faites indiquent la place de leur propriétaire et de son époux dans la hiérarchie russe. Mais ces femmes, sans exception, sont femmes de guerriers : chaque boîte cache un couteau.
197Tout ce monde est propre, enfin à sa façon. Chaque jour, les cheveux sont démêlés au peigne, lavés, ainsi que le visage et la tête, dans un grand bassin qu’on se passe de l’un à l’autre et où chacun, sans parler des soins de toilette, se mouche et crache. Encore n’est-ce rien en regard de l’inexistence de toute propreté rituelle, à la musulmane : pas de lavage de mains après les repas, pas d’ablution après la satis-faction des fonctions naturelles ou des besoins sexuels. Bref, les Russes sont « comme des ânes égarés »480.
198Leur religion en effet ne semble pas dépasser l’horizon de préoccu-pations immédiates : celles du commerce. A peine débarqués, sur les bords mêmes de la Volga, les Russes se prosternent devant de longues perches fichées en terre et surmontées de figurines. Là, ils offrent le pain, la viande, les oignons, le lait et la bière481. Puis ils détaillent par le menu, à la divinité invoquée, toute leur cargaison, et terminent par une supplique appelant sur eux la bonne fortune des marchands. Cette démarche est réitérée autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce qu’enfin tout soit vendu. Alors vient la phase des grâces : sacrifice de moutons et de vaches, dont les têtes sont fixées aux pieux et la viande partie distribuée en cadeau, partie déposée devant les idoles et mangée, la nuit, par les chiens ou, comme préfère le croire le sup-pliant, par la divinité contente.
199Autre trait barbare : l’absence de pudeur. Dans les grandes maisons de bois, sur les rives de la Volga, les marchands russes, installés à dix ou vingt sur des lits, se livrent tout à leur aise au plaisir avec de jeunes esclaves, sans se déranger le moins du monde si quelqu’un entre. L’exemple, il est vrai, vient de haut. Devant sa garde de quatre cents hommes, dévoués jusqu’à la mort, le roi, sur son trône immense et très haut, embelli de pierres précieuses, s’unit à telle ou telle de ses quarante esclaves toujours présentes à ses côtés. Relayé, dans ses fonctions guerrières ou civiles, par un lieutenant, il ne bouge guère, même pas pour les besoins les plus naturels, qu’il satisfait dans une cuvette. Et quand par hasard l’envie lui prend d’aller à cheval, on lui amène la bête de plain-pied avec le trône, sans qu’il ait, au propre, le moindre effort à faire pour monter.
La mort russe
200Voir, de ses yeux voir : avec la même intensité qu’il portait à scruter la nuit bulgare, Ibn Faḍlān va décrire, chez les Russes, une mort qui le fascine. Sans doute rapporte-t-il d’abord, par ouï-dire, celle qu’on inflige au voleur, pendu à un arbre jusqu’à ce que vents et pluies réduisent son cadavre en charpie, ou celle qui guette le malade, misérable exclu du groupe, sous sa tente isolée où on ne lui a laissé qu’un peu de pain et d’eau. Tout cela entendu, et sur des airs déjà connus, turcs ou bulgares482. Tout cela signalé, par scrupule scientifique dirions-nous, mais sans plus.
201Tandis que la mort vue, la mort contemplée, et dans les fastes qu’elle réserve aux puissants... !. Car il s’agit d’un spectacle, occupant à lui seul plus de pages que tout le reste de la description du monde russe, et Ibn Faḍlān, qui savait que, « à la mort d’un de leurs principaux personnages, les Russes faisaient certaines choses dont la moindre était l’incinération », Ibn Faḍlān voulut un jour, heureusement pour nous, être là. Et il regarda, il nota passionnément.
202Tandis que le pauvre est incinéré sur une simple barque où l’on met le feu, le riche, lui, requiert plus de grandiose483. On le place dans une tombe couverte d’un toit et l’on partage sa fortune en trois lots : l’un va à sa famille, les deux autres servent à payer des vêtements d’apparat pour la dépouille du défunt et la fabrication de bière484 pour toute la tribu. Mais déjà se profilent quelques personnages essentiels du rite : la jeune femme esclave qui s’est désignée pour suivre son maître, et les deux esclaves commises à sa garde ainsi qu’aux soins de sa toilette.
203Dix jours de ripaille, de beuveries et de volupté. Pendant qu’on taille les vêtements du mort, la tribu se livre à l’amour et s’enivre, tellement que certains meurent la coupe en main. La jeune esclave orchestre la fête : parée de la tête aux pieds, elle boit, chante et se donne à qui la veut.
204Vient le grand jour. Au bord du fleuve, on a tiré le bateau sur une estrade à pilotis. Au centre du navire, sous un pavillon à coupole de bois485, tendu d’étoffes, un lit avec des matelas et des coussins recou-verts de brocart : tout cela fait et mis en place par une « vieille luronne, corpulente, au visage sévère », qu’on nomme l’Ange de la Mort.
205Après avoir prononcé, devant le bateau, diverses formules cérémonielles qu’Ibn Faḍlān avoue ne pas comprendre, on s’en va quérir le mort à sa tombe. Exhumé, il apparaît un peu noirci à cause du froid, mais bien conservé. On enlève la bière, les fruits et les instruments de musique avec lesquels il avait été enseveli. Pantalon, chaussons, bottes, tunique, caftan de brocart rehaussé de boutons d’or, et bon-net, de brocart encore, avec garniture de martre, vont composer la nouvelle toilette du défunt, que l’on transporte à son navire, sur le lit d’apparat où on le maintient assis, soutenu par les coussins486.
206Voici que commencent d’étranges cérémonies : et d’abord l’offrande au mort, ou plutôt les offrandes. Successivement, il se verra honorer avec la bière, les fruits, les plantes odoriférantes ; le pain, la viande et les oignons ; un chien coupé en deux ; deux chevaux, que l’on a fait abondamment suer à la course, et que les épées taillent en morceaux ; deux vaches, également dépecées ; enfin, un coq et une poule487.
207La jeune esclave, elle, entame le long chemin de la glorification et du martyre. Autour de la tombe où le mort reposa pendant dix jours, des pavillons ont été bâtis pour sa famille, à grand renfort de peuple et de musique. L’esclave y est reçue et le maître des lieux s’unit à elle une fois, en déclarant à voix forte : « Dis à ton maître que j’ai respecté le devoir488 d’amour et d’amitié. »
208Vers la fin de l’après-midi, la jeune femme est amenée devant un cadre de bois, dressé en plein vent. Sur la paume de leurs mains, des hommes l’élèvent, plus haut que ce châssis, et par trois fois. A chaque ascension, l’esclave prononce quelques paroles. Après quoi, elle tranche la tête à une poule, qu’elle jette sur le bateau du mort. Mais qu’a-t-elle dit ? demande Ibn Faḍlān. Réponse de l’interprète : « La première fois : je vois mon père et ma mère. La seconde : je vois tous mes parents morts, assis. La troisième : je vois mon maître dans le beau Paradis vert, avec les hommes et les jeunes gens ; il m’appelle ; emmenez-moi à lui ! »
209Appel immédiatement entendu. Conduite au bateau, la jeune femme se dépouille de ses deux bracelets et les donne à l’Ange de la Mort ; à ses deux servantes, qui se trouvent être les filles de l’Ange, elle remet ses anneaux de cheville. Puis arrivent des hommes, munis de boucliers et de bâtons. L’esclave boit et chante : c’est, dit l’interprète, l’adieu à ses compagnes. Elle boit, elle chante, de plus en plus, dans les exhortations de l’Ange qui la presse d’entrer sous la coupole où est le mort.
210Simulacre rituel ou sursaut vrai ? Toujours est-il que la jeune femme résiste, l’esprit égaré. Il faut que l’Ange la saisisse de force par la tête pour l’amener sous la coupole. Suit l’épouvantable vacarme des boucliers frappés, qui doit couvrir, dit Ibn Faḍlān, les cris de l’esclave, bien propres à décourager les volontaires futures dont la mort aura toujours besoin. Entrent six hommes, qui violent la jeune femme, puis la couchent aux côtés de son maître. Deux d’entre eux se saisissent de ses pieds, deux autres des mains, les deux derniers tenant les extré-mités de la corde que l’Ange lui a passée au cou. La mort arrive, double : pendant que les hommes tirent sur la corde, l’Ange poignarde l’esclave à plusieurs reprises : autant qu’il y a d’intervalles entre les côtes489.
211Le plus proche parent du mort vient enflammer une torche à un feu tout préparé. Entièrement nu, et d’une main se bouchant l’anus, il recule vers le bateau sans le regarder, et jette sa torche dans le bois amon-celé sous l’estrade. Brandon sur brandon, bois sur bois, tous apportent leur contribution à l’incendie490. « Et le feu, constate Ibn Faḍlān, embrasa le bois, puis le bateau, la tente, l’homme, la fille et tout le reste. Un vent violent et effrayant se mit à souffler là-dessus, les flammes se firent plus fortes et l’intensité du feu s’accrut davantage encore. »
212Dernier rite : les débris sont rassemblés en un tertre sur lequel est fiché un grand poteau de bois portant le nom du mort et celui du roi des Russes.
213Tel est le récit du témoin : si net, si détaché presque, que nous en pouvons lire aujourd’hui, en clair, plus d’un passage. L’historien notera ca coexistence de deux coutumes, inhumation et incinération, longtemps lourantes chez les Russes, mais aussi les Slaves et les Turcs491. Le bateau viendrait, lui, du monde Scandinave, tandis que les peuples finnois l’utilisent, pour les pratiques funéraires, concurremment avec le traineau. Les accompagnements de musique rappellent des usages suédois ou slaves, la mort obligatoire de la femme étant, elle, commune à de nombreux peuples, scythes, turco-mongols, bulgares, germaniques et slaves. La position assise du mort est connue de l’Asie centrale, et l’enterrement de ses objets familiers des Slaves, Bulgares ou Turcs.
214L’Ange de la Mort se rapprocherait de la déesse funèbre des Germains, Hel ; germanique, en tout cas, serait la représentation du Paradis comme une prairie verte. Enfin, le cadre, symbolique du passage en l’autre monde, serait à comparer avec certaines stèles funéraires égyptiennes, où la façade de la maison éternelle est figurée en forme de porte492.
215Les motivations profondes de la cérémonie apparaissent, elles aussi, assez clairement : entre le mort et sa famille, la jeune femme, par les rites du mariage, assure les relais indispensables. Épouse du mort dans l’au-delà, elle lui est, d’abord, unie ici-bas par l’intermédiaire de ses parents, qui interpellent le défunt pour le lui rappeler.
216La jeune femme revêt donc pleinement la condition d’épouse493. Les parents qu’elle voit dans l’au-delà, ses père et mère comme elle dit, sont ceux du mort, du mari494, qu’une vision graduée, de plus en plus exaltante, lui révèle enfin dans le bonheur paradisiaque. Seulement, ici, les signes s’inversent : le désir de l’époux vient après la consommation du mariage495, il est tendance vers la vie absolue et, par là même, comme toute pulsion totale, vers l’éternité et le néant. Au plan social, nous retrouverons une inversion plus courante : celle qui fait du pauvre, par accord du groupe, le riche et le puissant d’un jour496.
217L’ensemble des rites peut, du reste, être lu tout entier selon deux axes de sens inverse. L’adieu de l’esclave à ses compagnes est celui de la nouvelle épouse à la société des jeunes filles autant que celui d’un vivant à la terre. Le tapage fait avec les boucliers vise, nous dit-on, à couvrir les cris d’un être effrayé au dernier moment par la mort, mais peut, tout aussi bien, s’interpréter comme un rite apotropaïque, servant à éloigner les esprits des défunts au moment de la seconde consommation de cet acte vital par excellence qu’est l’union sexuelle. Le sacrifice des animaux, coupés en deux, se lirait dans le même esprit : ils meurent sans doute, mais après avoir donné, comme on nous le dit pour les chevaux au moins, toutes les ressources de la vie. La mort elle-même, on l’a vu, est double, mais peut-être le rite, ici, se subli t-il dans l’unité, les deux gestes meurtriers ayant une seule fonction : celle de réserver au sang qui coule le support de l’esprit vital en fuite.
218Double, en tout cas, le monde : la mort volontaire de la jeune femme est, en la circonstance, le seul moyen de faire se rejoindre deux univers séparés par une césure que symbolisent et le cadre et la marche à reculons de l’incendiaire, dont le corps, entièrement bouché et aveugle (puisqu’il ne regarde pas ce vers quoi il marche), ne doit pas entrer en contact avec la mort qui vient de prendre place définitivement sur le bateau.
219Au bout du compte, Eros seul est capable de transcender la coupure entre les deux ordres. Représentée par quelques-uns de ses membres les plus éminents, c’est toute la tribu qui, charnellement unie à l’esclave, dépose en elle la semence vitale pour l’éternité. D’où le statut particulier de la jeune femme, servante, reine et martyre du groupe entier, ce groupe qu’elle voit, entourant son époux, dans l’au-delà, ce groupe dont les chants traduisent la joie de ne pas mourir : grâce à l’esclave, l’assurance de survie du héros est celle-là même du groupe : joie et certitude que viennent confirmer le vent et la rapidité de l’incendie, signes de l’agrément des dieux.
220Le dernier mot, ou plutôt la dernière interrogation, revient au Musulman. Regardant brûler le vaisseau, Ibn Faḍlān remarque un Russe qui dialogue avec l’interprète. « Que dit-il ? » Et l’interprète : « Que vous êtes des sots, vous autres Arabes. — Des sots ? Et pourquoi donc ? — L’homme que vous aimez, que vous honorez le plus, vous le mettez en terre, où vers et insectes le dévorent. Nous, nous le brûlons, en un clin d’œil, si bien qu’il entre tout de suite au Paradis. » Et l’interprète d’éclater de rire. Nouvel étonnement d’Ibn Faḍlān, nouvelle question, nouvelle explication : « Le Seigneur du mort, dans son amour, lui a envoyé le vent pour qu’il l’emporte en une heure. »
221Ici, le commentaire et les questions s’épuisent sur les lèvres des trois hommes, l’évidence, pour une fois, ne joue peut-être pas en faveur de l’Islam, et la fascination devant le réel estompe toute controverse qui pourrait s’élever en faveur de la Révélation. En fait d’interrogation, celle qui subsiste, portée par l’objectivité du conteur, c’est finalement l’éternelle, celle qui, ressassée loyalement au coeur de tout homme, interpelle sans fin le mystère. Toujours est-il que, sur les paroles de l’interprète, Ibn Faḍlān conclut : « Et de fait497, avant qu’une heure fût passée, le bateau, le bois, la fille et son maître n’étaient plus que cendre sur cendre. » Et le récit s’achève là.
Notes de bas de page
1 HUR, 155, QUD (M), 54. MAS (p), § 910 (cf. aussi ibid., § 922), réunit bien Europe de l’Est et de l’Ouest dans la même descendance de Japhet, mais celle-ci comprend aussi les Turos (cf. supra, p. 232) et Gog-Magog. Sur cette division du monde, cf. supra, p. 60. Les vieux noms de la cartographie à l’antique seront demandés à Hamdānī (supra, p. 34 sq.).
2 L’Égypte relève de la Libye, avec l’Abyssinie et les pays de la mer Rouge, notamment les parages du golfe de Berbera (al-Barbar, à ne pas confondre avec les Berbères : sur cette distinction, cf. supra, p. 169-170).
3 Cet Islam étant conçu à partir de son centre : cf. la répartition de YA’Q, 268 i. f. Le quadrant « septentrional » (p. 320) exclut, d’un côté, les Turcs (p. 295), qui relèvent du quadrant oriental, et, de l’autre, l’Espagne (p. 353 sq.), qui dépend du quadrant occidental. C’est donc bien de nord-ouest qu’il s’agit en réalité.
4 Ce qui justifie le chapitre spécial qu’on lui consacrera.
5 Les rares notations qui le concernent sont englobées dans la description générale du Rūm.
6 Ḥud, § 43-53, que l’éditeur-traducteur rassemble (ibid., 425) sous le titre d’ « Eastern Europe ».
7 On reviendra sur ce thème au chapitre suivant, à propos des Francs.
8 S’ils n’épuisent pas la totalité de la description, ils la dominent, comme on le verra, de très loin.
9 Cf. C. Van Arendonk, dans El, t. II, p. 632-633.
10 Bonne présentation du Caucase oriental à cette époque dans W. Barthold et A. Bennigsen, « Dāghistān », dans El (2), t. II, p. 87.
11 Cf. intr. de V. Minorsky, dans Ḥud, LIII, qui signale toutefois qu’il peut s’agir, à travers les deux œuvres, d’une source unique que les Ḥudūd pourraient bien, du reste, avoir plus systématiquement exploitée. Mais i) reste que le plan suivi par Mas’ūdī est incomparablement plus clair (peut-être parce qu’il émane d’un résumé) que celui des Ḥudūd, lesquels « cassent » la description du Caucase pour l’intégrer, soit à celle de provinces musulmanes bordières, soit à celle de peuples étrangers ; le nom même de Caucase (al-Qabq) n’apparaît que deux fois dans le texte (Ḥud, 67, 145) : comparer avec MAS (p), § 442 sq., 476 sq., 493 sq., 498 sq.
12 HUR, 122 (Sirwān rangé dans 1’ « Arménie première » : repris dans FAQ, 287), 124, FAQ, 287, 289,293, MAS (p), §444-446 (le Sirwān s’étendrait jusqu’au « royaume du Tabaristān » : il faut évidemment entendre ce terme comme désignant, globalement, l’ensemble musāfiride, qui, outre le Tabaristān, couvre aussi l’Ādarbayğān : cf. V. Minorsky, « Musāfirī », dans El, t. III, p. 794-796),460, 463-464, 500-501, 505, (t), 90, IST, 110 (Sirwān rangé dans l’Arrān : HAW, 342), 113, 129, HAW, 114, i. f. (pays riche en mulets), 342, 348, 350, 354, 389, 398 (ambitions politiques affirmées vers le nord, à l’occasion des luttes entre Russes et Khazars), MUQ, 374 (Sirwān rangé dans l’Arrān), Ḥud, 144-145, 403 sq., 410 (n. 2-3), 454, W. Barthold, « Shirwān » e ». « Shirwānshāh », dans El, t. IV, p. 397-398 et 398-400.
13 MAS (p), § 444-446, est assez vague à ce sujet, mais Ḥud, 144, parle d’un souverain unique sous triple titulature. MAS (p), § 446, donne une titulature supplémentaire et tout à fait énigmatique : Zādān-šāh.
14 La graphie est très incertaine : Layzān (la meilleure : Ḥud, 408), Līzān, Līrān, Lāyigān et même al-Abhān (MUQ, 51, 374, 376) et al-Abbāz (cf. Ḥud, 408 et 409, n. 3 ; à ne pas confondre avec le peuple de même nom, dont il sera question plus loin). Sur le Layzān, inclus par les auteurs, avec le Sirwān dont il relève, dans la description du monde musulman, cf. HUR, 124, MAS (p), § 445-446, 501, IST, 110, 112, 113, HAW, 342, 348, 350, MUQ, 374, 376, Ḥud, 144, 402, 404, 406-410.
15 Cf. Besnier, op. cit., p. 422, V. Minorsky, « Lak, II », dans El, t. III, p. 12, HUR, 122 (relèvent de 1* « Arménie seconde » : repris dans FAQ, 287), 124 (repris dans FAQ, 297), FAQ, 282, 288 (Dūdāniyya : cf. MAS (p), § 445) et loc. cit., MAS (p), § 445 (les Lakz Dūdāniyya, « dans leurs mariages et leurs transactions commerciales, observent des usages curieux »)-446, (t), 249, MUQ, 376 (Lkzān), Ḥud, 144-145, 162 (Lkn), 407-408, 411, 454-455. Nous traduisons par « glacis » ou « marche » le terme de mu’awwal (MAS (p), loc. cit. ; trad. Pellat : « boulevard », Minorsky, dans Ḥud, 455 : « bulwark »). Sur les Dūdāniyya, cités par MAS, loc. cit., comme des Lakz particulièrement impies et rebelles, cf. FAQ, 288, 292.
16 HUR, 17 (peu sûr), 119 (d° ; en 120 et 213, il s’agit du Muqān de la Caspienne (comparer avec la liste de Ḥud, 142) ; même remarque pour MAS (t), 90, 243, IST, 108 (repris dans HAW, 336), MUQ, 375, et Ḥud, 77, 142), MAS (p), § 445, 500, Ḥud, 402 (citation d’une version d’IST (man. de Constantinople) où apparaît le Muqān (iyya) qui nous intéresse ici), 406, 407.
17 HUR, 122 (relève de 1’ « Arménie première » : repris dans FAQ, 287), 123, YA’Q, 364 (« Arménie seconde »), FAQ, loc. cit. et 293, MAS (p), § 500, IST, 110, HAW, 342, MUQ, 51, 374, 376, Ḥud, 77, 144, 402-403 (avec citation du man. de Constantinople d’IST (cité note précédente) où apparaissent le nom al-’Absiya (pour : al-Anbasa, nom du roi du pays, selon MAS) et la mention des bonnes relations Qabala-Layzān), 407.
18 Le mot de Fīlān-sāh a parfois été pris pour une titulature des souverains du Sarīr : MAS (p), § 479. Mais le pays du Fīlān (les anciens Lupenii de Pline ?), pour être énigmatique, n’en était pas moins réel, et bien distinct de celui du Sarīr ; peut-être se situait-il à l’est du Sakkī, sur les versants méridionaux du Caucase : cf. HUR, 124 (repris dans FAQ, 297), 163 (Fīlān situé ici entre les Alains et les Khazars : repris dans RST, 149, et MUQ, 362), FAQ, 287 et loc. cit., MAS (t), 215, n. 2, Ḥud, 454 (et n. 1), qui propose notamment de rapprocher Lupenii (*Lip, *Lïf > Fil par métathèse) et un autre vocable : Lb(ā)n ; sur ce dernier, cf. HUR, 124, et graphie Lbn ( ?) dans HUR, 123, FAQ, 287 i. f.
19 MAS (p), § 444.
20 HUR, 124 (FAQ, 298), FAQ, 288 (cf. QUD, 259), 293 et loc. cit., MAS (p), § 505, Ḥud, 161-162, 401, 454-456 : l’incertitude de la notation (le Masqut est rangé successivement chez les Sarīr (Avars) et les Khazars, alors qu’il relève en réalité, on l’a dit, du Sirwān) s’explique par le fait que l’expédition musulmane de Mar-wān (119/737) a ramené un certain nombre de Khazars qui se sont installés entre le Samūr et le bas pays des Lakz.
21 Ou encore « la Porte et les Portes » (al-Bāb wa 1-Abwāb) ; sur elle, cf. D. M. Dunlop, dans El (2), t. I, p. 858-859, HUR, 122-123, 173, YA’Q, 364, RST, 106, 148, 151, FAQ, 7, 25, 145, 193, 286-288, 291-293, 295, 305, 307, QUD, 227, 259, MAS (p), § 281, 295, 442-444, 446-447, 476, 493, 495, 498, 502, 504, 505, (t), 90, 94,112,128, 243, 249, IST, 109-110,112,113, 128 i. f., 130,132, HAW, 114 (produit des mulets renommés), 166, 339-340, 342, 347, 350, 383, 388-389, 393-394, 398, MUQ, 374, 376, 380, Ḥud, 60, 145, 203, 407, 411, 454.
22 Cf. supra, p. 262, n. 5.
23 MAS (p), § 476.
24 Graphie incertaine : Haylān, Handān, Hayzān (parfois confondu avec Hīzān, dans la région de Bakou : HUR, 124, Ḥud, 449), Gīdān ; on rattache les Qaytaq, à l’occasion, aux Avars (Sarīr) ; cf. HUR, 123, RST, 147-148, FAQ, 293, MAS (p), § 447, 476, 477, Ḥud, 161 (2 cit.), 448-450.
25 HUR, 123, 124, FAQ, 287-289, MAS (t), 93, FAḌ, 135 (trad., 107, n. 243), Ḥud, 162, 452-453, et D. M. Dunlop, dans El (2), t. I, p. 1015-1016.
26 HUR, 63, 64, 123, 124, FAQ, 288, 298, MAS (p), § 447, IST, 129, 130, 132, HAW, 15, 389, 393-394, 398, MUQ, 20, 361, Ḥud, 162, 452-454.
27 IṢṬ, 130, HAW, 394 : magma’ nos. La notation doit s’entendre comme tou-chant seulement cette partie du pays khazar, qui possède, on le verra, d’autres villes que celle-là, ne serait-ce que sa capitale, Atil.
28 IṢṬ, 130, HAW, 394, MUQ, 361, qui donnent des leçons voisines. Ces rensei-gnements éclairent ce qui a été dit supra, p. 225, n. 7 ; à noter que MUQ, ibid., caractérise ainsi l’habitat des Khazars à Atil : « leurs constructions (abniyatuhum) consistent en tentes, bois, feutre et tentes rondes (harkdhdt : supra, p. 222, n. 4) ; la brique crue (tïn) constitue une rareté. »
29 MAS (p), § 477 ; on ne confondra pas ce peuple avec les Géorgiens, dont on parlera plus loin (et auxquels MAS (p), § 498, consacre un développement spécial), ni avec la ville de Kertch, dont il sera question à propos des Magyars.
30 RST, 148 (Alāl wa Gumïq serait une forteresse concédée par Anûsirwān au roi des Avars (Sarīr), et dans laquelle celui-ci garderait son trésor), MAS (p), § 477, Ḥud, 450 (et n. 2), 455, et W. Barthold, « Kiimiicks », dans El, t. II, p. 1182-1183.
31 MAS (p), § 477, qui les donne aussi comme fabricants d’étriers, mors, sabres et autres « instruments de fer ». L’origine iranienne du nom est signalée, mais l’orthographe correcte serait zirihgerān, sg. zirihger, de zirih (cotte de mailles) et affixe -ger (qui fait) ; la transcription de Mas’ūdī peut prêter à confusion avec zerger(ān) : orfèvre(s) ; cf. Desmaisons, Dictionnaire persan-français, t. II, p. 96-97, 102, 104, III, 187.
32 Sur les Sarīr ou Avars (Abar), cf. HUB, 92 (FAQ, 83), 119, 124, 163, YA’Q, 364 (FAQ, 290-291), RST, 98 i. f., 147-148, 149, FAQ, loc. cit. et 286, 287, 298, MAS (p), § 442, 444, 478 (sur le titre de Fīlān-šāh, cf. supra, p. 262, n. 3), 479, (t), 52, 215, 249, 257, MAQ, IV, 63, IST, 16, 19, 110, 130, 132, HAW, 11, 15, 320, 339, 394, 398, MUQ, 362, Ḥud, 42-43, 67-68, 77, 83, 142, 156, 160-161, 204, 419, 422, 429, 446-450, 452, 454, 455.
33 IṢṬ, 130, HAW, 394.
34 Ou un d’or et un d’argent : RST, 147.
35 Autre origine mentionnée dans MAS (t), 215, n. 2.
36 SUR, 124, MAS (t), 120, Ḥud, 162, 401, 447 i. f.-448, 454-455, et infra, p. 290, n. 1. Ne pas les confondre avec la ville bulgare de même nom, dont il sera question plus loin.
37 RST, 147, donne Avar comme nom de ce souverain.
38 Soit l’équivalent de 760 km2 ! Sur une autre citadelle, cf. supra, p. 265, n. 3.
39 HUR, 17, 119, 123, 124, 163, 173, YA’Q, 364, RST, 89, 98, 148, 149, FAQ, 286-288, 291, 294, 295, 297 i. f., MAS (p), § 442, 479-482, 493, 495, 498, 499, (t), 215, 249, IST, 16, HAW, 9, 11, 169, 320, 339, MUQ, 61 i. f. (le pays des Alains n’a aucune ville connue), Ḥud, 53, 67, 68, 83, 156, 160-161, 313, 318 (n. 1), 401, 443, 444-446, 454, 456, 481, Besnier, op. cit., p. 28, W. Barthold-V. Minorsky, « Alān », dans El (2), t. I, p. 365, et D. M. Dunlop, « Bāb al-Lān », ibid., t. I, p. 860.
40 On reconnaîtra la formule déjà employée par Abu Zayd as-Sīrāfï pour les îles de la Sonde (supra, p. 86).
41 As est l’ancien nom des Alains : cf. Ḥud, 445, et W. Barthold-V. Minorsky, « Alan », op. cit. (avec référence à MAS (p), § 450, 452). Sur ces deux tribus, cf. respectivement RST, 148, Ḥud, 445 (etn. 1), 458, Besnier, op. cit., p. 650 (s. v. « Roxo-lani »), et BST, 139, Ḥud, 162, 324, 445, 456-458.
42 MAS (p), § 480.
43 MAS (p), § 443, 481-483 (les Tcherkesses sont donnés comme persans, alors qu’ils sont en réalité un peuple ibéro-caucasien) (t), 249 (cf. Ḥud, 446, n. 1), Ḥud, 161, 446 ; et C. Quelquejay, dans El (2), t. II, p. 22-24.
44 MAS (p), § 481, mentionne aussi les relations commerciales (par terre ?) avec les contrées soumises à l’Islam et voisines ( ?) des Tcherkesses.
45 Ici se profile le thème de l’esolave tcherkesse, qui sera un jour réputé sur les marchés : cf. R. Brunschvig, « ’abd », dans El (2), t. I, p. 33.
46 MAS (p), § 483-485. La position septentrionale par rapport aux Tcherkesses se déduit du fait que Mas’ûdï, revenant au Caucase occidental après de longs développements qui ne le concernent pas, part cette fois vers le sud, avec les Abkhazes et les Géorgiens : MAS (p), § 498. Sur les développements en question, cf. infra, p. 268, n. 3. Sur une identification possible avec certains Bulgares, cf. infra, p. 274.
47 Nous retrouverons des traits analogues infra, chap. IX, à propos de Gog et Magog.
48 Suit (MAS (p), § 485) la description d’une autre cavité, moins profonde, peuplée de singes celle-là.
49 Le texte de Mas’ūdī s’étale en une longue digression sur les singes, suscitée par la cavité évoquée à la note précédente : MAS (p), § 485-492. Reprenant sa description, Mas’ūdī évoque ensuite des tribus turques qui seraient voisines des Alains : Bagnà, Bašğirt, Petchénègues et Nūkarda : sur elles, cf. respectivement supra, p. 223, 214-216 (et infra, sur les Magyars de la mer Noire), 216-217 (et infra, sur les Petchénègues de la mer d’Azov), et 224.
50 Graphie parfois incertaine (Awgaz, Liigr) : sur une confusion avec le Lay-zān, cf. supra, p. 260, n. 3. Sur les Abkhazes, cf. HUR, 123, RST, 139 (cf. Ḥud, 456), MAS (p), § 498, 506, (t), 215, 249, Ḥud, 162, 324, 445, 456-457, Besnier, op. cit., 1, W. Barthold-V. Minorsky, dans El (2), t. I, p. 103-104.
51 Graphie très incertaine et prêtant souvent à confusion : Gurz(ān), Gurz, Gurg, Kurg (également nom d’un royaume de l’Inde : HUR, 16), Gurg(ān) (égale-ment pays de l’angle sud-est de la Caspienne). Sur la Géorgie, cf. HUR, 122, 123, YA’Q, 364, RST, 98, 106, FAQ, 287, 288, QUD, 246, MAS (p), § 498, 499, 506, (t), 93, 215, 249, HAW, 339, 347, 354, Ḥud, 53, 67, 157, 180, 182, 183, 204, 410, 421-422, 445, 456, 457, Besnier, op. cit., 380 (s. v. « Iberia »), et A. Dirr, dans El, t. II, p. 139-140.
52 Déjà noté, on l’a vu, à propos de la citadelle de Bāb al-Lān ; à remarquer toutefois que la Géorgie paie de nouveau tribut au grand prince musāfiride Mar-zubān b. Muhammad, dans les années 344/955 : HAW, 354.
53 MAS (p)’, § 499, et V. Minorsky, « Akhiskha »,’dans El (2), t. I, p. 335.
54 HUR, 123, FAQ, 292, 294, MAS (p), § 499, 500, (t), 249, IST (man. de Cons-tantinople, cité dans Ḥud, 400, 402), ḤAW, 348, Ḥud, 144, 400-402, et W. Barthold, « Khazar », dans El, t. II, p. 991 (1).
55 Qui a peut-être lui aussi valeur de titulature : sur d’autres souverains portant ce nom dans ces contrées, cf. HAW, 354-355.
56 ḤAW, 348 : Sennacherib, « le Sanārī », rend hommage au prince du Lāyi-gān (Layzān), dont le pays, on le sait (supra, p. 260, n. 2-3) relève de la mouvance du Sirwān-sāh mazyadide.
57 Orthographes diverses : Sakkī, Sakī, Sakkā, Skn ; cf. HUR, 123, FAQ, 288, 293, MAS (p), § 500, IṢṬ, 110 (et man. de Constantinople, cité dans Ḥud, 400, 402), ḤAW, 342, 354, MUQ] 51, 376, Ḥud, 77, 144, 398, et V. Minorsky, dans El, t. IV, p. 358-360.
58 ḤAW, 354 (le Musāfiride étant Marzubān b. Muhammad). Il est permis de penser, compte tenu de la position du Sakkī, que cette allégeance passe par l’intermédiaire du Sirwān-sāh mazyadide (supra, p. 260, n. 1) : cf. V. Minorsky, dans El, t. IV, p. 359 (1).
59 Sur le Caucase (al-Qabq) en général, cf. HUR, 123, 173, RST, 148, FAQ, 25, 286, 295, MAS (p), § 442 sq., (t), 94, 249, HAM, 126, IṢṬ, 113, ḤAW, 7, 16, 345, 349, 371, MUQ, 375 (notation de la diversité linguistique, mais sans la mention du nom d’al-Qabq), Ḥud, 67, 145, 201, 203, 204, 318, 409, 411, et C. Van Arendonk, dans El, t. II, p. 632-633.
60 Soit plus de deux fois la réalité.
61 MAS (p), § 443.
62 ḤAW, 169 ; cf. supra, p. 134-135, et fig. 21.
63 HUR, 173 (FAQ, 295), contesté par MAS (p), § 503, HAM, 126 (qui part, lui, du Yémen), Ḥud, 67, 203-204.
64 Cf. C. Van Arendonk, op. cit., et supra, p. 10.
65 Coran, XVIII, 59 sq. ; cf. HUR, 124, FAQ, 287, MUQ, 46, Ḥud, 449.
66 Supra, p. 260, n. 1, 263, n. 1, et 268, n. 2. Ajoutons les moutons, que suppose la production de laine au Layzân : supra, p. 260.
67 MAS (p), § 446.
68 MAS (p), loc. cit.
69 FAQ, 295, mais avec simplification de la carte ethnique : contigu au Rūm (entendez : aux Géorgiens : cf. Ḥud, 445), aux Alains, aux Slaves et aux marges khazares, le Caucase, mis à part quelques Slaves, n’est peuplé que d’Arméniens.
70 MAS (p), § 442-443.
71 ḤAW, 349 (mais une langue commune est utilisée par un grand nombre d’entre eux) : l’avar a effectivement joué peu à peu le rôle de lingua franco : cf. Ḥud, 447, et H. Carrère d’Encausse-A. Bennigsen, « Avars », dans El (2), t. I, p. 778.
72 MUQ, 375 (sans mention explicite du nom d’al-Qabq).
73 MAS (p), § 442-443.
74 HUR, 123 (repris et développé dans FAQ, 286 i. f.-292).
75 FAQ, 286 i. f.-287, en attribue 110 à l’Islam.
76 Un exemple : les Zirïgarân (MAS (p), § 477, et supra, p. 265.
77 Exemple : les Khazars attaqués par les Avars (MAS (p), § 478, et supra, p. 266).
78 MAS (p), § 504.
79 Cf. également infra, chap. IX, à propos de Gog et Magog.
80 MAS (p), loc. cit., trad. Pellat légèrement modifiée. Le passage souligné l’a été par nous. La fin du texte se retrouve, plus condensée, en MAS (t), 507.
81 Il est, ne l’oublions pas, le dernier des prophètes, leur « sceau ».
82 Cf. supra, p. 68 sq., et infra, chap. XI.
83 Supra, p. 259.
84 Sauf, peut-être, Garmï (cf. Ḥud, 423, n. 1) et MAS (p), § 455 (cf. infra, p. 276, n. 1, et 303, n. 4), 483-485 (supra, p. 267, n. 6).
85 Les principaux du moins : cf. M. Canard, trad. de FAḌ, 44-45.
86 Peut-être d’après Muslim al-Garmï : sur celui-ci, cf. Géographie I, XVIII, et Ḥud, 419.
87 Lesquels empruntent aussi quelques données à Iṣṭabrī : cf. Ḥud, 461, et infra, p. 276, n. 4. La classification de ces données nous est indiquée par les notations de Minorsky (Ḥud, pass.) et par I. Hrbek, dans El (2), t. I, p. 1345. Elle ne donne toutefois, au mieux, qu’une ligne directrice, qui ne saurait être tracée trop brutalement.
88 Mas’ūdī se caractérise par un télescopage, souvent confus, des données spa-tiales et historiques : cf. Ḥud, 469, à propos de Velendre (étudié avec les Bulgares du Danube). Ses données (assez minces) sur les Bulgares de la Volga seront indiquées au passage : cf. infra, p. 276, n. 1, et 277, n. 3.
89 RST, 98, 140-142, 145, Ḥud, 75, 81, 159, 162, 163 (cf. n. 1), 181, 217, 221, 312, 319, 320, 436, 437, 439, 460-461.
90 RST, 141, parle successivement, comme voisins et chaque fois en les groupant, des Khazars et des Slaves, puis des Khazars et des Russes. Il s’agit donc bien des Russes et peut-être, plus précisément, des Slāwiya (cf. infra, p. 333).
91 On se réfère ici soit aux vestiges d’un état ancien, soit aux groupes petché-nègues restés en ces parages : cf. supra, p. 216-217.
92 Peut-être avec pratique du troc muet : MAS (p), § 1420.
93 Ḥud, 162, 460 (langage sans doute en rapport avec l’actuel tchouvache, « a spécial and very aberrant member of the Turkish family »). Comparer avec IST, 131 (HAW, 396) : langage comparable à celui des Khazars.
94 RST, 141 i. f., qui précise : « venues sur des flottes musulmanes » : des embarcations frétées par des commerçants musulmans sur la Volga ?
95 RST, 141, Ḥud, 162, 461.
96 RST, 142.
97 IṢṬ, 18, 129, 130, 131-132, ḤAW, 15, 110, 389, 392, 393, 396, 397/398, MUQ, 324 i. f.-325, 361.
98 Halang : cf. supra, p. 226, n. 6 i. f.
99 Les notations du texte d’Ibn Rusteh relatives à l’Islam ont fait penser qu’elles étaient postérieures à l’ambassade d’Ibn Faḍlān (309/921-311/923) : RST, trad., 158, n. 4. C’est oublier que les Bulgares n’ont pas attendu oelle-ci pour connaître l’Islam : le but officiel de l’ambassade, comme on le dira plus loin, était d’éclairer, de corriger (c/. l’usage profane de la prosternation) un Islam déjà existant. Pour Mas’udï, la conversion du roi des Bulgares serait due à un songe qui l’aurait frappé, sous le califat d’al-Muqtadir. Or, c’est précisément sous ce calife qu’a lieu, chez les Bulgares déjà touchés, au moins superficiellement, par l’Islam, l’ambassade d’Ibn Faḍlān. On mesure à ce détail le peu de confiance [cf. FAḌ, trad., 144) qu’il faut accorder ici au texte de Mas’udï : en (p), § 295 et 454 (renseignements sur la Volga), 455 (relations avec le Huwârizm et les Russes, Islam), 456 (conversion à l’Islam) et 457 (brièveté des nuits au pays bulgare), il s’agit des Bulgares de la Volga. En (p), § 280 et 456, il s’agit au contraire des Bulgares du Danube (avec, du reste, une notation suspecte quant à l’islamisation de ces Bulgares, en réalité christia-nisés : cf. H. Inalcik, « Bulgarie », dans El (2), t. I, p. 1342, et Ḥud, 423, 441 (n. 5), 468 (n. 6)). Quant à la notation sur la capitale des Bulgares, « sur la mer d’Azov », elle peut, soit référer à un vague souvenir des premiers établissements bulgares du Kouban (supra, p. 274, n. 2), soit renvoyer aux parages occidentaux de la mer Noire (prise pour la mer d’Azov), et donc aux Bulgares du Danube.
100 Un indice : les contingents qu’ils fournissent pour la guerre sainte, en fin de siècle : cf. infra.
101 A ne pas confondre avec le peuple de même nom : supra, p. 266, n. 1.
102 Qui ajoutent ici (en s’inspirant peut-être d’Iṣṭabrī, mais en le révisant) à la leçon d’Ibn Rusteh, qu’ils suivent par ailleurs : Ḥud, 163 (§ 53, 1-2, et n. 1), 461.
103 HAW, 15, 392, 393, 398.
104 Sous la conduite de Svyatoslav, prince de Kiev (Ibn Hawqal donne, en réa-lité, la date où il apprit l’événement : 358/969). Une autre expédition eut lieu en 375-985. Cf. Hrbek, op. cit., dans El (2), t. I, p. 1348, et Ḥud, 439, n. 1.
105 On verra plus loin (p. 287 i.f. -288) qu’Ibn Hawqal est optimiste.
106 Et même mieux que les Khazars : cf. Hrbek, op. et loc. cit.
107 IṢṬ, 130, ḤAW, 393, et infra, à propos des Khazars.
108 MAS (p), § 457 (climat bulgare et climat polaire ; notation relative à la marmite), (t), 299, IST, 132, ḤAW, 397, MUQ, 361.
109 Cf. Géographie I, p. 132-139, et M. Canard, « Ibn Fadlān », dans El (2), t. III, p. 782.
110 Cf. M. Canard, dans trad. de FAḌ, op. cit., 44-47 ; C. Cahen (« Chuzz », dans El (2), t. II, p. 1133) esquisse, lui, deux axes : Khazars-Huwārizm, d’un côté, et Bulgares-Ǧuzz, de l’autre : cf. FAḌ, 103 i. f.-104 (on corrigera, dans l’article de C. Cahen, « Caspienne » en « mer d’Aral »).
111 Sur le sens, très extensif, de ce mot, cf. M. Canard, op. cit., p. 49, n. 27, et infra, p. 309. Minorsky (A History of Shaivân and Darband, Cambridge, 1958, p. 109-110) estime que l’expression de « roi des Slaves » appliquée au souverain bulgare doit s’entendre comme « roi [en oharge de la frontière] des Slaves ». Mais cette interprétation, bien compliquée, se heurte au fait que ce terme de « Slaves » s’applique en dehors du cas précis oité par Minorsky : « les Slaves », dit Ibn Faḍlān des Bulgares
112 Dans l’annotation qui suit, on donnera, pour plus de commodité, après la réfé-rence au texte arabe, celle de la traduction Canard, en supprimant le sigle FAḌ.
113 Cf. Canard, dans El (2), loc. cit., et Géographie I, p. 137, n. 6. Au reste n’est-il pas forcé que ce merveilleux soit d’une autre main que celle d’Ibn Faḍlān, ni même merveilleux tout court : cf. Géographie I, p. 135-138.
114 P. 67-110/49-86 (itinéraire de Bagdad au pays bulgare), 113-122/86-95 (accueil, installation, problèmes et anecdotes de l’islamisation), 145-146/115-116 (circons-tances de politique étrangère qui ont motivé l’appel au calife de Bagdad). A partir de la p. 149/116 commencent les développements sur les Russes et les Khazars. Certaines notations relatives à la « synchronie », mais très rares, se trouvent dans des textes de « diachronie » (p. 113-146/86-116) : nous les avons naturellement extraites et prises en considération pour l’étude synchronique.
115 P. 123/95.
116 Cf. Géographie I, p. 136-138.
117 On donnera, chemin faisant, les références plus détaillées, en se contentant d’indiquer ici, avec les pages de la traduction Canard, les valeurs quantitatives. Climat et phénomènes météorologiques (en place d’honneur, de surcroît, puisqu’ils ouvrent cet inventaire du « merveilleux » : cf. infra, p. 279, n. 3) : p. 95-99 et 104, total : 81 lignes. Faune : 99-100, 101, 106, 112-113 ; flore : 86, 100-102, 105, 111 ; total faune et flore : 48 + 32 = 80 l.
118 Usages sociaux (y compris justice et certaines pratiques magiques) : 86, 99, 104-106, total : 59 l. Thèmes royaux : 87-89 (englobés, on le voit, dans le récit diachronique), 101, 102-103, total : 56-57 l. Usages familiaux (avec vêtement, toilette, habitation) : 102-103, 104, 106, 114-115, total : 41 l. Alimentation : 89, 100-102, 106, 114, total : 33 l. Organisation interne de la société globale : 107, 110-111, 115, total : 31 l. Relations extérieures (du reste aux frontières de la diachronie) : 115, total : 21 l.
119 Topographie : 107, 110, 111, 112, total : 16 l. Commerce : 106-107, 107 i. f.-108, total : 6-7 l.
120 Cf. supra, p. 278, n. 6.
121 P. 134-135 / 106-107, et 136 f 107 i.f. 108.
122 Dans la région des deux villes de Bulgār et Suwâr, qui n’existent pas encore à l’époque d’Ibn Fadlān.
123 P. 135 i. f.-136/107 (l. 19-25), et 140-141/110 (l. 20-22), 111 (l. 15-20), 112 (l. 1).
124 Comparer avec la croissance postérieure de la puissance bulgare, avec soumis-sion des Bašğirt : supra, p. 275 i. f.
125 P. 145/115 (l. 9-11 et 18-32, le reste du passage appartenant à l’historique propre de la mission).
126 P. 135/107 (l. 3-9, avec données sur l’aide fournie par l’ambassade), 140-141/ 110 (l. 20-24)-111 (l. 1-14), 145/115 (l. 13-17 et 27-28).
127 Supra, p. 264. Ils sont déjà superficiellement islamisés.
128 A ne confondre ni avec la ville, fondée postérieurement, de Suwār, ni avec le peuple dont il a été question supra, p. 266 ; dans le cas présent, Suwāz est « l’an-cienne appellation du peuple tchouvache » : cf. FAḌ, trad., 110, n. 262, et supra, p. 275, n. 1. Une partie du groupe Suwāz est d’ailleurs rebelle à l’autorité du roi. Sur l’organisation en quatre tribus, traditionnelle dans le monde turcomongol, cf. FAḌ, trad., 86, n. 170.
129 Cf. un peu plus loin. Le roi reçoit aussi, chaque année et de chaque famille, une peau de mouton : p. 129/101 (l. 18-19).
130 Dans les références qui suivent, et qui renvoient à des passages compris dans le récit même de l’accueil, on a isolé les traits touchant l’étiquette royale propre-ment dite, en dehors des attitudes requises, en la circonstance, par le fait que l’ambas-sade reçue vient de Bagdad : station debout pendant la lecture de la lettre du calife, acclamations d’exaltation de Dieu, etc. Les passages visés ici sont les suivants : p. 113-117/87 (l. 6-7 et 28-30), 87 (l. 35)-88 (l. 1-3), 88 (l. 5-25), 89 (l. 1 et 6-9) ; 129-130/101 (l. 16-25J-102 (l. 1) ; 131/102 (l. 19J-103 (l. 11), 103 (l. 13-15).
131 P. 113/86 (simple mention du pain et du millet dans le contexte des cérémonies de l’accueil), 116-117/89 (mention de l’hydromel, déjà cité), 128/100 (l. 20-24), 129/101 (l. 9-16), 130/102 (l. 1-18), 134/106 (l. 19-20), 143-114 (l. 1-5 : mauvais état sanitaire général, et notamment maux d’intestin endémiques ; bien qu’Ibn Fadlān n’en précise pas les causes, nous ne pouvons que ranger ces maladies dans les thèmes de l’alimentation).
132 Supra, p. 276.
133 P. 131/103 (l. 12).
134 P. 131/102 (l. 19, et n. 225), 134/106 (l. 6).
135 P. 131-132/104 (l. 1-9, et n. 229-230).
136 Sa veuve pouvant dès lors se remarier : p. 143/114 (l. 6-29)-115 (l. 1-8).
137 P. 113/86 (l. 13-14) (dans le contexte du réoit de l’accueil), 127/99 (l. 16-19), 132-134/104 (l. 11-19J-105-106 (l. 1-18).
138 Ce contraste entre liberté des moeurs et sévérité des peines a déjà été noté : supra, p. 236-237 (avec cette différence que, chez les Bulgares, il ne s’agit pas d’écar-tèlement au sens strict : il s’opère non pas avec des arbres, flexibles, mais à l’aide de pieux de métal, fichés en terre, le coupable étant fendu en long, à la hache).
139 Ce parallélisme est bien suggéré par la mentalité bulgare, rapportée ici même, un peu plus haut, par Ibn Fadlān à propos du châtiment de l’homicide involontaire. L’air, espace de la mort (écartèlement, suspension des cadavres), est bien l’espace naturel de la communication entre terre et ciel, et celui, surnaturel, de la communi-cation entre le vivant et son antithèse de mort et de sacré.
140 P. 113/86 (l. 14), 128-129/100 (l. 9-24)-101 (l. 1-16), 132-105 (l. 1), 141/111 (l. 20-21)
141 Exemple typique de ces derniers : la description d’une tige de plante vient se placer tout naturellement après celle de serpents vivant dans les arbres et se confondant avec leurs troncs.
142 Hadank ou halang : FAḌ, trad., 105, 111 (n. 267), 112 (passage peu sûr, non relevé dans nos références), et supra, p. 226, n. 6.
143 P. 127-128/99 (l. 16-28)-100 (l. 1-5), 129/101 (l. 15), 130/102 (l. 10,17), 134/106 (l. 19-20), 141-142/112-113. A propos d’allusions, relevons l’exemple, particulière-ment net, du cheval, qui n’est jamais, sauf erreur de ma part, désigné sous son nom ; p. 129/101 (l. 15) et 142/112 (l. 17-18), il est seulement question de monture (dābba). P. 113/86 (l. 17), 137/108 (l. 17) et pass., ce sont de simples verbes (nazala : des-cendre (de cheval), rakiba : monter (à cheval)) qui indiquent la présence de l’animal.
144 Cf. FAḌ, trad., p. 113, n. 271, et supra, p. 228, n. 6.
145 P. 123-127/95 (l. 16 sq.)-99 (l. 1-15), 132/104 (l. 10-11) ; à noter toutefois que les 1. 2-4 de la p. 97 ne constituent qu’une seconde version de ce qui précède.
146 Sur l’interprétation du phénomène (aurore boréale et légendes nordiques), cf. trad., p. 96, n. 198 ; sur l’attitude intellectuelle du narrateur, qui parle non de figures réelles, mais d’images, de ressemblantes d’hommes, d’animaux ou d’armes, cf. Géographie I, p. 137 (et comparer, sur un autre registre, avec l’Apocalypse de saint Jean). Les bruits des « esprits » du ciel sont également décrits en détail par Maroo Polo, La Description du monde, éd. L. Hambis, Paris, 1955, p. 65-66.
147 Supra, p. 277. La marmite est un thème d’adab (cf. MAS (p), § 457, et FAḌ, trad., 98, n. 204), mais mis iei à l’épreuve de l’observation directe (‘iyān).
148 Cf. infra, n. 4.
149 Cf. chap. II et XI, pass.
150 Cf. IHW, I, 175, sur l’éloignement des Bulgares par rapport au climat central, le quatrième (éloignement qui les rend par ailleurs laids et sauvages).
151 Les succès isolés, sur tel ou tel individu (cf. trad., 90, 107), n’empêchent pas, on l’a vu, les résistances de la société globale. Sur les difficultés politiques de l’ambas-sade elle-même, cf. trad., 90 i. f.-95 (et n. 189 i. f.), 143.
152 Cf. Géographie, I, p. 135 sq.
153 RST, 140-141, MAS (p), § 454, 461, (t), 93-94, IST, 130, 131, 132, HAW, 393-394, 396, 398, Ḥud, 75, 83, 101, 161, 162, 216, 217, 314, 315 (n. 1), 437, 439, 460, 462-465, et W. Barthold-C. Quelquejay, dans El (2), t. I, p. 1378.
154 Mais lesquels ? Cf. supra, p. 216-217, et 274, n. 9.
155 Sans compter les dévastations causées par les raids russes (HAW, 393 i. f., 398) : cf. supra, p. 276 i. f.
156 Ḥud, 162, mentionne deux royaumes séparés, mais c’est une erreur évidente : cf. ibid., 463.
157 . Halang (RST, 141) : cf. supra, p. 283, n. 4.
158 Trace, donc, de sédentarisation ; IST, 131, et HAW, 396, parlent de « maisons de bois » (buyūt hašab), mais Ḥud, 162, de « huttes [couvertes] de feutre » : cf. supra, p. 225, n. 7.
159 Halangī (MAS (t), 93) littéralement : de l’aspect du halang (sur ce bois, cf. réf. supra, n. 4) ; sur l’aspect évoqué, cf. FAÇ), trad., n. 267 i. f. Sur l’espèce de renard qui peut être désignée sous ce terme, cf. supra, p. 228, n. 4 i. f.
160 Qui s’inspire lui-même d’une source inconnue : cf. Ḥud, 463.
161 HUR, 5, 16, 119, 122, 124, 154, 155, 163, 173, YA’Q, 234, 262, QUD, 255, 259-261, RST, 98, 120, 124, 139-141, 143, 145, 147, 148, 149, FAQ, 3, 6, 7, 145, 193, 270, 271, 287-289, 291, 294, 295, 297, 298, 330, FAḌ, 104, 119, 145, 169-172 (trad., 79, 91 (et n. 184), 115, 135-142), MAS (p), § 295-296, 442, 447-454, 458, 459-461, 462, 478, 493, 907, (t), 8, 90, 93, 94, 96, 99, 103, 120, 191-194, 215, 225, 243, 244, 249, 257, 299, MAQ, IV, 62, IBR (s), 7, IST, 15, 16, 17, 18-19, 110, 128-132, 168, ḤAW, 7, 11, 13, 14, 15, 320, 339, 347, 383, 389-398, 477-478, 482, MUQ, 360-361, Ḥud, 53, 67, 75, 82, 83, 121, 142, 160, 161-162, 180, 203, 323-324, 411 (n. 1), 439, 450-457, W. Barthold, dans El, t. II, p. 990-992, I. Boba (cité infra, p. 331, n. 3), et S. Szyszman, « Découverte de la Khazarie », dans Annales ESC, XXV (3), mai-juin 1970, p. 818-824.
162 Mas’ūdī, comme pour les Bulgares (supra, p. 274, n. 6), se caractérise par une certaine confusion : il donne par exemple, dans (p), § 493, comme voisins des Khazars, les Ǧuzz (sous le nom de Bagna : supra, p. 223, n. 7) et les Petchénègues, mais aussi les Bašğirt (sur les Nûkarda, cf. supra, p. 224) ; ces mêmes peuplades nous sont présentées comme vivant en paix avec les Khazars et en même temps comme fort belliqueuses. Nul doute que Mas’ūdī, qui s’inspire d’Ibn Fadlān (cf. Barthold, dans El, t. II, p. 991 (2)), ne télescope, ici ou là, ses données avec d’autres.
163 Lui-même inspiré d’Ibn Fadlān : celui-ci, à son tour, a pu s’inspirer d’infor-mations recueillies sur les Khazars lors de sa mission chez les Bulgares (cf. M. Canard, trad., 135, n. 362) ; mais Kmoskô (cité dans Ḥud, 451) a émis l’hypothèse d’une source commune aux textes d’Istabrï et d’Ibn Fadlān.
164 HUR, 122 i. f., FAQ, 287, 288, QUD, 259 i. f.-261, MAS (p), § 442, et supra, p. 263, 264 et 271.
165 FAQ, 294, et supra, p. 264.
166 MAS (p), § 295, 458-461, ḤAW, 392-394, MUQ, 361, et supra, p. 218 (n. 5) et 276.
167 . HUR, 155, QUD,. 255.
168 FAQ, 3. Sur ces pays, cf. chap. IX.
169 FAQ, 3, 6, RST, 98.
170 RST, 139, 140, 143, MAS (p), § 458, 478, 493 (cf. supra, p. 287, n. 2), IST, 19, 130, HAW, 15, 394. Sur les Petchénègues, cf. supra, p. 286, n. 1.
171 FAḌ, 169, trad., 136 (et 142, ce dernier passage ne figurant pas dans le texte arabe de l’édition Dahan).
172 Sous réserve de la ville d’Atil, qui déborde, comme on le verra plus loin, sur la rive gauche.
173 MAS (t), 225 ; à noter aussi la présence de contingents khazars dans la garde impériale : RST, 120, 124. Il y en a aussi, du reste, à Ragdad : YA’Q, 262.
174 Sur les Rulgares, cf. supra, p. 279 i. f. -280.
175 HUR, 124, FAQ, 289, 295, RST, 147, MAS (p), § 447, et supra, p. 263- i. f. 265.
176 Cf. D. M. Dunlop, « Bahr al-Khazar », dans El (2), t. I, p. 959-960.
177 RST, 139, IṢṬ, 128 i.f.-129, ḤAW, 389. Sur la pluie, cf. HUR, 156 (le thème, concernant à la fois les rivages de « la mer des Khazars » et le Rûm, sera repris à propos de celui-ci (chap. VIII), avec les illustrations par lesquelles Ibn IJurdâdbeh le développe).
178 Du moins avant les dévastations russes : IṢṬ, 130, ḤAW, 393 (40 000 vignes !). Samandar est située dans la basse vallée du Sulaq.
179 HUR, 124, RST, 141, MAS (p), § 295-296, 447, 454, 455, 458, 459, 461, (t),
93, 99, IST, 129, 130, ḤAW, 389, 393, MUQ, 360-361, Ḥud, 75, 216. En MAS (t),
94, on trouve, pour désigner « le fleuve des Khazars », une graphie incertaine : ‘wm ou ‘dm : l’Emba ? le Terek (Arm : cf. Ḥud, 401) ?
180 MUQ, loc. cit., parle même de deux fleuves, l’Atil et un autre qui viendrait K du côté du Riẖāb », c’est-à-dire des régions musulmanes du Caucase !
181 Sur une communication Don-Volga, qui recoupe elle-même le thème d’une communication plus vaste entre mer d’Azov et Caspienne, cf. MAS (p), § 455, 458-459, 462, (t), 98-99, et D. M. Dunlop, « Bahr Mâyutis », dans El (2), t. I, p. 962.
182 Outre les références données supra, n. 4, cf. supra, p. 214 et 218 (n. 3).
183 A noter les contradictions de MAS (p), § 454 et 461, qui, successivement, signale et nie l’existence d’une batellerie khazare.
184 Sur le problème des origines khazares, cf. D. M. Dunlop, The History of the Jewish Khazars, Princeton, 1954, p. 4 sq. et 34 sq. (cité par M. Canard dans FAḌ, trad., 45, n. 1).
185 FAḌ (var. Amīn Rāzl : trad., n. 376), MAS (t), 120 (en tant que Turcs, les Khazars sont compris dans la cinquième « nation » (umma) selon le classement de l’antiquité ; ils sont appelés Sabīr (cf. supra, p. 266) en turc et Hazarān en persan).
186 IST, 130, ḤAW, 393 ; toutefois, en IST, 131 i. f., et ḤAW, 394, est signalée une parenté linguistique bulgaro-khazare : cf. FAJ), trad., 45, Ḥud, 451, I. Hrbek, « Bulghār », dans El (2), t. I, p. 1347 (2), et W. Barthold, « Turks », dans El, t. IV, p. 952 (2).
187 FAḌ (var. Amīn Rāzī : trad., n. 376), IṢṬ, 131, ḤAW, 394 (le terme d’Aq-tjazar, « Khazars blancs », n’apparaît pas dans le texte, mais seulement l’adjectif de qualification, en apposition : bīd). Il reste que ces informations sont juxtaposées dans nos textes, ceux-ci ne prenant pas la peine de dire en lequel des traits signalés réside la « différence » annoncée. A noter que Ḥud, 162, cite, comme deux régions khazares, Tûlâs et Lûgr. Le premier nom renvoie en réalité à une fraction du peuple alain (supra, p. 267), et le second doit se lire (cf. Ḥud, 456) Awgaz, autre forme d’Abbāz : les Abkhazes (supra, p. 268).
188 IṢṬ, 131, ḤAW, 394-395, 397.
189 IṢṬ, 129-130, ḤAW, 392, MUQ, 361.
190 Idām, sans plus de précision : MUQ, 361 (var. : udmuhum mina s-samak : leur condiment est tiré du poisson). Mais le mot de udm (ou idâm) renvoie aussi bien à ce qu’on mange avec le pain (et qui peut donc, finalement, être une nourri-ture de base, d’où le sens de : pitance) qu’à ce qui relève le pain ou toute autre nourriture de base (condiment, sauce : cf. Dozy, op. cit., t. I, p. 14.
191 MUQ, loc. cit. : hubzuhum al-atīr. Le sens paraît être : leur pain est fameux, excellent (ou : marqué de traits, d’incisions dans la pâte). Mais l’article al- pose un problème (le texte est d’ailleurs peu sûr : loc. cit., note h), comme renvoyant à une catégorie de pain déterminée, connue. Mettre mina s-samak en facteur commun ne donne rien (hubzuhum al-atïr wa idāmuhum / mina s-samak : leur excellent pain et leur condiment sont demandés au poisson ( ?)). Peut-être faut-il, en dernière analyse, dans ce texte maltraité, où les télescopages sont sensibles entre plusieurs versions, retrouver, derrière la racine ‘tr, la racine ‘dm, et s’orienter alors vers une version primitive qui eût attribué la même qualité de condiment, de mets accom-pagnant tous les autres, à la fois au pain et au poisson. De toute façon, c’est l’existence du pain, et non sa qualité, qui importe ici à notre analyse.
192 MAS (t), 120.
193 RST, 139-140, MAQ, IV, 62, IST, 18 i. f., 129, ḤAW, 15, 392, MUQ, 360-361.
194 Littéralement : cantons ruraux (rasātīq, sg. rustāq).
195 Mais il l’est peu, du moins par ces méthodes : MUQ, 361, note la sécheresse, la pauvreté, l’absence de troupeaux ( ?) et de fruits.
196 HUR, 124,154, RST, 139-140, FAÇ, 172 (trad., 140-141 (et n. 378)), MAS (p), § 447, 452, (t), 93, IṢṬ, 129-130, ḤAW, 15, 389-390, 392-393, MUQ, 360-361 (qui fait d’Atil et Hazar(ān) deux villes distinctes), Ḥud, 161-162, 451 i. f.-454, et D. M. Dunlop, dans El (2), t. I, p. 760. La ville royale est parfois donnée comme située dans une île, ce qui conduit au chiffre de trois villes : MAS (p), § 447. Sur un pas-sage a priori aberrant d’IṢṬ, 130, et ḤAW, 394, cf. supra, p. 264, n. 6.
197 Et non Hamlīg (cf. Ḥud, 454) ; c’est oe nom qu’il faut lire aussi derrière les graphies Hnblg de RST, 139 i. f. (cf. Ḥud, loc. cit.) et Hutlug (cf. Ḥud, loc. cit., et supra, p. 223, n. 9).
198 MUQ, 361, distingue ici les tentes proprement dites (haym, ou hiyam, ou hīm, pl. de fiayma) des harkâhât : sur ce mot, cf. supra, p. 222, n. 4, et 225, n. 7.
199 Cuite (āgurr) : IṢṬ, 129, ḤAW, 390.
200 HUR, 124, YA’Q, 234, RST, 141, FAQ, 270, 271, 298, FAḌ, 145, MAS (p), § 458, 495, (t), 93, IṢṬ, 128, 130, 132, 170, ḤAW, 383, 388, 392, 397, 482, Ḥud, 121, 161 ; en ḤAW, trad., 378, on supprimera l’épithète « active » (« la navigation commerciale y (sur la Caspienne) est active ») : yurkabu flhi, dit simplement le texte arabe (ḤAW, 388, pris à IST, 128).
201 Supra, p. 290.
202 IṢṬ, 131, ḤAW, 394.
203 Nos textes, en tout cas, ne parlent pas de marchands khazars, Pour les Musul-mans, cf. MAS (p), § 495 ; pour les Russes, considérés non pas en tant qu’exporta-teurs, mais comme négociants courant le monde (on reviendra sur ce sujet plus loin, lorsqu’on traitera de leur pays), cf. HUR, 154, FAQ, 271.
204 Ḥud, 161, 162 (la richesse du roi vient surtout des douanes maritimes).
205 Sans parler des dévastations commises par les Russes : quoi qu’en dise Ibn Hawqal (cf. supra, p. 276), les Khazars, beaucoup plus que les Rulgares, accuse-ront le choc : cf. W. Barthold, dans El, t. II, p. 991-992, I. Hrbek, dans El (2), t. I, p. 1348, et L. Musset, « Grandes invasions », dans Encyclopaedia Universalis, Paris, t. IX (1968), p. 56.
206 On retrouve ainsi les deux axes politiques esquissés par C. Cahen (supra, p. 277, n. 5), mais il faut constater alors que les raids anti-bulgares des Huwârizmiens tournent, en réalité, au détriment du commerce khazar. Le passage concernant ces raids est de ḤAW, 392 i. f. Un autre passage (ḤAW, 482), qui fait état de relations commerciales entre les Khazars et le Huwàrizm, est en fait un décalque d’Istafcrī (IST, 170), lequel finit de composer environ 25 ans auparavant, au milieu du ive/xe siècle (la même remarque vaut pour Ḥud, 121, quand on sait que, com-posés vers 372/982, ils s’inspirent souvent eux aussi d’un Istabrï au demeurant très abrégé : cf. Ḥud, LII). Plus scrupuleux en un autre cas, Ibn Hawqal fournit un indice très net des vicissitudes de la route commerciale Atil-Huwārizm, mais par Gurgàn, au sud-est de la Caspienne : IST, 168, nous dit que du Huwārizm « partent les caravanes vers le Gurgàn et les Khazars, ou bien vers le Hurāsān » (minhātahrugu l-qawāfil ilä Gurğān tva l-Hazar tva ilà Hurāsān). Dans ḤAW, 477-478, le texte devient : du Huwārizm « partent les caravanes vers Gurgàn (d’où les caravanes part aient au fil des jours vers les Khazars) et vers le Hurāsān » (minhā tahrugu l-qawāfil / ilä Gurgān (wa kānat qawāfiluhum (ahl Gurgān) tahrugu ilä l-Hazar ‘alä marr al-ayyām f wa ilà Hurāsān). Une histoire semble ainsi se dessiner : sous les coups des tribus Ǧuzz sans doute, la route directe Huwārizm-Atil a été aban-donnée pour une autre beaucoup plus longue, par Gurgàn, considérablement déca-lée vers le sud, mais d’où l’on pouvait, par les rivages sud et ouest de la Caspienne, rejoindre la basse vallée de la Volga (l’hypothèse d’un cheminement par les rivages orientaux doit être écartée, car elle ferait retomber en plein pays Ǧuzz, et l’immense détour par Gurgàn ne se justifierait donc plus). Il faut donc penser que les « relations » établies, manu militari, par les Huwārizmiens avec les Bulgares ont, en tournant l’obstacle Ǧuzz par le nord, rendu inutile le passage par le sud de la Caspienne. Dès lors, la route Huwàrizm-Gurgàn devient purement intra-musulmane, sans pro-longement international. Mais peut-être faut-il entendre, dans la phrase d’Ibn Hawqal, le passage wa kânat... al-ayyàm comme une simple incise sans rapport avec le contexte huwârizrnien de départ : il s’agirait alors sans doute, tout simple-ment, d’une allusion aux dévastations russes qui auraient compromis les relations entre les Khazars et les territoires musulmans de la région cauoasienne, eux-mêmes relais avec les pays sub-caspiens.
207 Cf, infra, à propos de l’État khazar.
208 RST, 140, FAÇ, 172, MAS (p), § 448, 450-452, IṢṬ, 129, ḤAW, 320, 390, MUQ, 360.
209 ḤAW, 390, la donne comme la plus puissante. Le poids de la coutume musulmane est, en tout cas, réel : on y reviendra un peu plus loin.
210 Et non pas, comme le prétend MAS (p), § 450, « originaires des environs du Huwārizm » ; cf. W. Barthold-V. Minorsky, « Alan », dans El (2), t. I, p. 365 : il s’agirait, très exactement, d’une « tribu soeur des Alains ».
211 Et aussi, selon MAS (p), ibid., de voir désigner parmi eux le « ministre » du souverain. Sur ce « ministre », qui est en réalité le chef de la colonie musulmane, cf. F AD, trad., n. 379. On retrouve, mais sous une simple allusion, le thème des Arsiyya spécialisés dans la lutte contre les non-Musulmans dans MAS (p), § 495.
212 RST, 139 (culte analogue à « celui des Cuzz »), MAS (p), § 449, 451, 452, IṢṬ, 131, ḤAW, 394, MUQ, 360, Ḥud, 162.
213 MAS (p), § 452, IṢṬ, 129, ḤAW, 390 (qui rectifie Istabrï en attribuant aux Musulmans seuls le privilège du plus fort groupe), MUQ, 360.
214 RST, 139, FAQ, 298, FAḌ, trad., 141-142 (texte arabe ne figurant pas dans l’éd. Dahan), MAS (p), § 447-448, MAQ, IV, 62, IST, 129, ḤAW, 390, MUQ, 360-361 (deux passages : les Khazars seraient passés du judaïsme à l’Islam : cf., à ce sujet, la réfutation de W. Barthold dans El, t. II, p. 991 (1)).
215 MAS (p), § 449 (qui signale que les femmes (mais non les maris) sont brûlées aussi en cas de décès du conjoint, ce qui lui permet de faire un rapprochement avec l’Inde), IST, 129, ḤAW, 390, et supra, p. 235-236, 275 et 282. On retrouvera aussi divers traits analogues dans les mondes slave et russe. Enfin, toujours au chapitre d’une spécificité khazare, on ajoutera ce que dit FAQ, 330, dans le cadre de la répartition des qualités et des défauts entre les peuples du monde : les Kha-zars ignorent ce qu’est la vergogne (hayā’).
216 MAS (p), § 451, IṢṬ, 129, ḤAW, 390-392 (avec illustration de sentence prin-cière : ordalie par le sang), Ifud, 162, et infra, p. 299, n.l.
217 Il y aurait, selon IST, 129, et ḤAW, 390, plus de 10 000 Musulmans, avec une trentaine de mosquées.
218 Fort intéressante à cet égard est la remarque de Mas’ūdī, citée supra, p. 294.
219 HUR, 154 (dîmes perçues des marchands russes : repris dans FAQ, 271 ; cf. aussi ḤAW, 392 i. f., mais le paiement de la dîme semble relever du passé : consé-quence de la suprématie russe sur la région, consécutive aux raids dont on a parlé ?), RST, 140 (fourniture de cavaliers : comparer avec supra, p. 275), FAÇ, 145 (le roi bulgare livre, à titre d’impôt, une peau de martre par famille ; en sens inverse, il perçoit la dîme sur toute marchandise venue des Khazars par la Volga), IST, 129 (ḤAW, 390 : perceptions en nature, droits d’octroi, dîme sur toute marchandise venue par voie terrestre, maritime ou fluviale), ḤAW, 396 (taxes prélevées sur l’ensemble du peuple), Ḥud, 162 (richesse du trésor royal fondée sur les douanes maritimes).
220 RST, 140, FAP, 172, MAS (p), § 450-451, IṢṬ, 129, ḤAW, 390.
221 Cf. supra, p. 288, n. 8.
222 RST, loc. cit.
223 C’est, on vient de le dire, une forme de l’impôt.
224 Restent aussi les ressources du butin : RST, 140.
225 Références générales pour les développements qui suivent : HUR, 16, 163, RST, 139,149, FAI ?, 169-172 (trad., 135-140), MAS (p), § 453, IṢṬ, 129, 131, ḤAW, 390, 395-396, Ḥud, 161.
226 Avec quelques bavures parfois : cf. infra, n. 6, et p. 299, n. 1 et 3.
227 Sur un autre nom, lia (RST, 139), cf. FAḌ, trad., n. 364.
228 Cf, FAḌ, trad., n. 366, et Ḥud, 323-324.
229 Cf. FAḌ, trad., n. 367.
230 Les textes d’Istabrï et d’Ibn Hawqal sont en opposition : intronisation du hāqān par le prince-intronisation du prince par le hāqān ; pas de discours d’intro-nisation-discours d’intronisation ; et plus loin, rite de l’étranglement : appliqué au Aâçân-appliqué au prince. A priori, sur les deux premiers points au moins, on est tenté de faire confiance au texte d’Ibn Hawqal, plus complet et qui respecte mieux le caractère de référence souveraine — par ailleurs si souligné, si évident — que revêt l’autorité du hāqān. Cf. toutefois infra, p. 298, n. 1. Sur le même problème quant au rite de l’étranglement, cf. infra, p. 299, n. 3.
231 HUR, 163 (repris dans RST, 149), semble en faire un nom propre ; Ḥud, 161, une titulature.
232 Mais par qui ? Si l’on suit Istahrï, « c’est le prince qui intronise le hāqān » (Ibn Hawqal, on l’a vu, tient pour le sens contraire). La position d’Istahrī, après tout, peut se défendre dans la mesure où la fonction de hāqān est liée à une personne, non à une succession dynastique, et où, ce faisant, la recherche du plus apte revient à installer un certain principe sélectif, sinon électif [cf. le texte de ḤAW, 396 : c’est une sorte de vox populi qui désigne le jeune homme pauvre du marché), dans le choix du hāqān. Si donc celui-ci n’est pas intronisé en vertu du principe dynas-tique, il faut bien que quelqu’un, en dernier ressort (et qui d’autre, sinon le prince ?), l’installe comme hāqān. Au total, si l’on garde les deux versions d’Istabrï et d’Ibn Hawqal sans chercher à les mettre en concurrence, ce serait un système d’intro-nisations réciproques qui se dégagerait d’une lecture globale.
233 MAS (p), § 447, IṢṬ, 129, ḤAW, 390.
234 « Au creux d’un château (fï gawfi qasrin), dit MAS (p), § 453.
235 FAḌ, 169 (trad., 135-136, et n. 363), donne ces sorties comme régulières : tous les quatre mois.
236 MAS (p), § 453, dénie au hāqān le droit de se déplacer à dos de monture.
237 FAḌ, trad., n. 377.
238 Même si les textes ne le précisent pas, le roi apparaît bien, conformément à la tradition turco-mongole, comme le dépositaire du pouvoir de la divinité suprême, l’homme-roi représentant le Dieu roi (Tengri : supra, p. 239) : cf. M. Eliade, Traité d’histoire des religions, Paris, 1953, p. 65-67 (qui souligne également que la « passivité », l’immobilité, sont le signe du souverain suprême : celui du ciel et celui de la terre, le hāqān confiné, on l’a vu, au oceur du palais (supra, n, 3) comme le Dieu suprême au centre du ciel). Au chapitre des divinités inférieures, soumises à la divinité suprême, cf. FAḌ (var. Amīn Rāzī : trad., n. 376), qu’on comparera avec ce qui a été dit des Bašğirt, p. 239 sq.
239 FAḌ, trad., 11. 377. Malgré le terme de malik employé par IṢṬ, 129, et ḤAW, 390, c’est bien du hāqān qu’il s’agit : cf. Ḥud, 161-162. Au reste, les précisions don-nées par IṢṬ et ḤAW se réfèrent-elles à un monarque isolé : les plaignants s’adres-sent aux juges de leur communauté (supra, p. 295), mais l’accès au souverain n’est permis qu’à un messager chargé de faire la navette entre lui et l’audience de justice.
240 Par décision divine (bi qadā’i llāh), dit explicitement ḤAW, 395.
241 IṢṬ, 131, applique au hāqān le rite de l’étranglement, ḤAW, 395, au prince : il semble bien que cette dimension, sacrée entre toutes, qu’est le temps, ne puisse être appliquée qu’au personnage investi sur terre de la représentation de l’autorité divine suprême. Autre présomption : c’est à la fonction de hāqān que la mort vio-lente semble être liée comme un risque permanent, dès qu’on craint qu’il n’assume mal son rôle d’intermédiaire entre le divin et l’humain : nous l’avons vu plus haut mis à mort en cas de défaite ou de disette. C’est bien en faveur du hāqān, en tout cas, que tranche M. Canard (FAḌ, trad., n. 376, avec référence à D. M. Dunlop, The History of the Jewish Khazars, Princeton, 1954, p. 97). FAḌ, 172, fixe à quarante ans la durée du règne du « roi » (malik), mais en donnant une explication rationnelle : si on tue le souverain dont le règne atteint ce terme, c’est parce qu’on se défie de ses capacités intellectuelles pour la suite.
242 Cf. une autre valeur universelle du chiffre 4, chez les Bulgares : FAḌ, trad., 86, n. 170, cité supra, p. 280, n. 5. On se rappellera, pour la ville et ses quatre portes cardinales, le modèle chinois : Rel, § 33, n. 4 (cité supra, p. 116, n. 3).
243 Voir la très intéressante annotation de M. Canard dans FAḌ, trad., n. 369-370.
244 Pour ces développements et ceux qui suivent (p. 303 sq.), on ne manquera pas de se reporter aux nouveaux aperçus historiques de l’ouvrage d’I. Boba (cité infra, p. 331, n. 3).
245 Cf. supra, p. 217.
246 Sur ces Petchénègues, cf. RST, 139, 140, 143, MAS (p), § 280, 493, 496, (t), 194, 245, 248, IṢṬ, 18, 131 i. f., 132, ḤAW, 15, 113, 199, 396, 397, 398 i. f., IBR (s), 6-7, Ḥud, 67, 83, 160, 442-444, M. Canard, dans FAP, trad., 83. n. 160, F. Bajrak- tarevic, dans El, t. III, p. 1107-1108, et P. Diaconu, Les Petchénègues au bas Danube, Bucarest, 1970. On retrouvera les Petchénègues un peu plus loin, à propos de Velendre.
247 ḤAW, 15, 113 : sans doute confusion avec les expéditions bulgares, dont il sera question plus loin (ou très vague connaissance de raids bien antérieurs (qadï-man, dit le texte arabe), ceux des Alains notamment, qui, au ve siècle, déferlent sur la « France » et l’Espagne ?). Cf. aussi infra, p. 362, n. 2.
248 MAS (t), 194.
249 IṢṬ, 131 i. f., ḤAW, 396.
250 On retrouvera plus loin la Moravie, avec les Slaves. Sur cette Grande Moravie, cf. R. Portai, Les Slaves, Paris, 1965, p. 13, 26, 79.
251 Supra, p. 214-216.
252 Supra, p. 214, n. 4, à quoi on se référera pour les développements qui vont suivre.
253 Ils se rapportent aux Bašğirt : cf. Ḥud, 319-320. Le texte en question est : RST, 142-143.
254 Mer d’Azov et mer Noire vont souvent ensemble dans la géographie arabe, et toutes deux sont parfois comptées dans la mer du Rûm (Méditerranée et mers annexes), une des deux grandes mers du monde : cf. D. M. Dunlop, dans El (2), t. I, p. 962 (2) et 964 (1).
255 Peuples « slaves », précise Ibn Rusteh. Sans doute ne faut-il pas ici attacher trop d’importance au mot : cf. supra, p. 277, n. 6.
256 Krb, Krg : cf. supra, p. 265, n. 2, et Ḥud, 32, 182, 321 (n. 1) : la mention de cette ville, à l’extrémité orientale de la Crimée, confirme la situation des Magyars en Lebedia. On corrigera, dans la traduction Wiet, « piraterie » (yugīrūna ‘alä s-Saqāliba fa-yasīrūna bi-s-sabāyā (ils font des raids contre les Slaves et ramènent (à pied) les captifs), dit le texte arabe). Un peu plus loin : « lorsque les Magyars conduisaient leurs prisonniers à Kertch, les Grecs s’y rendaient... les Magyars leur vendaient... et achetaient », le passé (imparfait) ne se justifie pas (emploi normal, en arabe, de l’accompli dans une phrase double avec idā).
257 MAS (p), § 313 (simple énumération de tribus turques) est douteux : Bašğirt ou Magyars ? MAS (p), § 493, et (t), 245, semblent plutôt traiter des Magyars : on y reviendra plus loin, à propos de Velendre.
258 IṢṬ, 131 i. f., 132, ḤAW, 396, 398. L’association de ces Bašğirt (Magyars) et des Petchénègues, qui se retrouve, ainsi que le thème du voisinage avec l’Empire byzantin, dans ḤAW, 194 (passage original celui-là, et ne se trouvant pas dans IST), semble faire pencher la balance, pour ce texte aussi, on faveur des Magyars. Sur l’identification BaiSgirt de l’intérieur-Magyars du « nord de la mer Noire » (Atel-kuzu ?), cf. Ḥud, 319, n. 3.
259 Ḥud, 101, 317-324 et passim.
260 Cette étrangeté est soulignée par l’éditeur des Ḥud (p. 323). A noter toutefois une prévention d’ensemble contre les Bašğirt chez FAḌ, 107-108 (ils sont sales, cruels et idolâtres : cf. supra, p. 216).
261 Ḥud, 101, 162 î. f. et 320 (l. 17-19), les Bulgares christianisés (du Danube) étant évoqués à travers le terme de Wnndr (Velendre : cf. infra).
262 Une simple allusion y est faite par Mas’ūdī, à propos des Slaves de Bohême : cf. infra, p. 316. Resterait, dans ces régions du nord de la mer Noire, un peuple dont nous n’avons pas parlé : les Goths de Crimée. Mais il ne semble pas que nos textes leur fassent un sort, même de loin : cf. MAS (t), 194 (et u. 2), Ḥud, 440 (n. 1), 442 (n. 2), 446 (n. 2, au reste d’après une source arménienne), 468 (d’après une liste byzantine d’évêchés).
263 De cette première histoire, il reste peut-être quelques traces chez nos auteurs : cf. MAS (p), § 455 (capitale bulgare sur les côtes de la mer d’Azov) et Ḥud, 423, n. 1 (à propos du texte perdu de Muslim al-Garmï, source d’Ibn Hurdāḏbeh ).
264 Cf., dans El (2), t. I, p. 1342-1345, les articles « Bulgarie » et « Bulghâr », de H. Inalcik et I. Hrbek, et R. Portai, Les Slaves, op. cit., p. 7, 9, 23, 27, 39, 40, 41, 48, 81, 94-97.
265 MAS (p), § 280 (avec graphie Bulaġr) (t), 98, 99 (avec hypothèse d’une communication Danube-fleuve d’aš-Sāš : Iaxarte, Sayhūn).
266 HUR, 105, 109 (cf. Ḥud, 40-41), FAQ, 83, QUD, 257, MAS (t), 52, 249, 257 (où une distinction est faite, sans plus, entre Bulgares et Burgân), IST, 16, 17, HAW, 11, 12 ; en IST, 132, et HAW, 397 i. f., apparaît l’appellation de Grande Bulgarie (Bulgār al-A’zam).
267 MAS (p), § 494 ; MAS (t), 249, citant à la fois les Burgān (Burgondes ?) et les Bulgares, semble les distinguer du groupe turc. MAS (t), 194, les donne pour Slaves.
268 MAS (t), 99, 246 (qui leur fait d’ailleurs reconnaître l’autorité de Rome), IST, 132 (HAW, 397 i. f., reprenant oe dernier texte, rectifie : chrétiens ou musul-mans : il s’agirait certainement d’une confusion avec les Bulgares de la Volga, dont la mention (qui ne se trouve pas dans IST) suit : ḤAW, 398 ; les deux textes d’IST et de HAW comportent au demeurant quelques incertitudes : cf. trad. dans Ḥud, 438-439). A noter, au chapitre des relations Byzance-Bulgares, la mention de l’accueil que reçut l’empereur byzantin déposé, Justinien Rhinotmète (685-695 et 705-711), chez le roi des Burgān (Bulgares, et non Burgondes comme traduit Carra de Vaux), Tervel (Terbelès) : MAS (t), 225 (cf. G. Ostrogorsky, Geschichte des byzantinischen Staates, 3° éd., Munich, 1963, p. 119 ; éd. française, Histoire de l’État byzantin, Paris, 1969, p. 170-171).
269 MAS (t), 194 (en compagnie des Petchénègues : supra, p. 301). Sur l’histoire des rapports Bulgares-Byzance, cf. infra, p. 307, n. 1.
270 RST, 126 i. f., MAS (p), § 456, 497, (t), 194 (guerriers bulgares employés par les Byzantins contre les Burgān ( ?) et contre l’Islam), 245, 248, 263 (avec distinction Burgân-Bulgares), IST, 132, ḤAW, 397 i. f. MAS (t), 195, parle de la ruse grâce à laquelle Constantin, pour fonder sa capitale, aurait trompé les Burgân. Il ne peut s’agir évidemment des Burgondes ; il faut donc songer aux Bulgares, mais dans le même contexte de décalage historique (quant à l’arrivée des Bulgares) que pour le thème des fortifications.
271 . FAQ, 270, IST, 132, ḤAW, 391, 397 i. f.
272 MAS (p), § 456 (à propos de la mention de la Galice, cf. supra, p. 301, n. 1), 497, ḤAW, 113 i. f. Par Méditerranée, il faut entendre ici l’Adriatique, ce que con-firme la mention de Venise. L’ampleur prétendue des raids bulgares sera rappro-chée de ce qui est dit des Petchénègues, supra, p. 301 (il s’agit du reste du même texte de HAW, qui assooie aux deux peuples les Slaves et les Normands). Dans la liste des pays touchés par les raids bulgares, donnée par MAS (p), § 456, on trouve, avec la Galice, l’Espagne, Rome et les Francs, les Burgân (que l’on pourra traduire ici par Burgondes, compte tenu de ce contexte qui regroupe des peuples de l’Europe de l’Ouest). A noter enfin qu’il faut rapporter, dans le même texte, aux Bulgares de la Volga les mots soulignés dans le passage suivant : « un cavalier bulgare, parmi ceux qui ont embrassé l’Islam avec leur roi, tient tête à cent ou deux cents cavaliers infidèles. »
273 HUR, 17.
274 MAS (p), § 456 ; autre superficie chiffrée ibid., § 1 366 : 450 000 parasanges carrées. HAM, 9, les place dans le sixième climat.
275 Tanūhī, cité dans FAḌ, trad., n. 312 i. f. (rapprochement signalé avec la coutume russe). Cf., pour d’autres traits, supra, p. 235-236, 282 et 295.
276 IBR (s), 6-7/175-179.
277 Qui ont pris la place des Magyars au pays d’Atelkuzu.
278 C’est pourquoi Bakrī, dont le texte a conservé partiellement les données d’Ibrahim, traite d’eux dans le contexte général des pays slaves. Sur cette traduction des Évangiles, cf. R. Portai, op. cit., p. 94-95, et C. Cahen, dans Histoire Générale des Civilisations, t. III, Paris, 1965, p. 180-181.
279 C’est le seul moment où l’information d’Ibrahim (ou celle de ses informateurs) se fait moins sûre, si du moins l’on en croit Bakrī : intervenant ici personnellement (et intempestivement), il déclare inférer des données d’Ibrāhīm que l’événement eut lieu en 300/912, lorsque effectivement la Byzance de Léon VI (886-912) lutte avec le grand fondateur de la puissance bulgare, le czar Symeon (893-927). Mais selon d’autres, ajoute Bakrï, la conversion aurait eu lieu sous le règne de Basile (Basilyus, variantes : Bsbûs (Bsyus), Bsiis : il s’agit, en réalité, de Boris).
280 WAṢ, 123-124. Sur les sources, cf. Marquart, Streifzuge, p. 204.
281 Le trait peut apparaître, on le voit, contradictoire avec ce qui précède.
282 Magyars ou Petchénègues.
283 Ḥud, 53 (situation sur la mer Noire), 67 (allusion confuse aux Carpates, non nommées), 69 (allusion aux Balkans, non nommés), 79 (mention d’un cours d’eau qui peut être la Maritsa), 83, 156-158, 160, 205, 319 (n. 3), 423, 429, 438-440, 442, 466, 468.
284 Schématisé dans Ḥud, 440. L’histoire aussi se télescope, mêlant l’essor bulgare aux souvenirs des débuts difficiles, face à Byzance. Il est vrai que, à propos de ces Burgān payant le tribut foncier, on pourrait penser (les Ḥudūd étant de 372/982) non pas à la Bulgarie des débuts, mais à celle d’après Symeon, que Byzance soumet-tra en 972 ; mais outre que le délai entre l’événement et son enregistrement (de 972 à 982) paraît un peu court, surtout pour une œuvre composée loin de là, en Iran, il n’y a pas de doute que — dans cette œuvre éminemment livresque que sont les Ḥudūd, où priorité est donnée à l’information puisée à d’autres — le passage rela-tif aux Burgān appartient à la tradition d’Ibn Hurdāḏbeh (cf. par exemple la men-tion de la Thrace, HUR, 105, 109 (cité supra, p. 304, n. 2) et Ḥud, 157). Et celle-ci, en ses deux versions (232/846 et 272/885) se situe beaucoup plus tôt, trop tôt par rapport au règne de Boris (852-889) qui donne l’élan au premier essor bulgare : la référence d’Ibn Hurdāḏbeh aux débuts difficiles des Burgān est confirmée du reste par l’époque où écrit son informateur à lui, Garmī : 228/842-233/847 (cf. Géographie 1, p. XVIII).
285 Nous conservons l’orthographe francisée adoptée par Carra de Vaux dans MAS (t).
286 MAS (p), § 493-497.
287 Cf. MAS (p), § 495.
288 Sur ces deux peuples, cf. supra, p. 223-224.
289 MAS (t), 224-245, 248.
290 Sur ce nom, cf. Ḥud, 421.
291 Ḥud, 83, 101, 160-162, 203, 320-324, 423, 440-444, 457, 459, 465-471.
292 Une mauvaise interprétation du terme tarsā (chrétien, ou couard) conduit à faire des Vnndr un peuple pauvre, faible et apeuré : Ḥud, 468 (et n. 6).
293 Sur d’autres vagues souvenirs de cette époque des origines, cf. supra, p. 303, n. 4.
294 Cf. supra, p. 301.
295 Ce qui fait qu’on retrouverait peut-être trace du nom d’Onoghundur dans notre désignation occidentale des Magyars : Hungar. Cf. Ḥud, 467, n. 3.
296 Ce mot, que nous avons employé plusieurs fois, est de Minorsky : Ḥud, 469.
297 Pour une vue d’ensemble, on se reportera aux exposés d’A. Fichelle, dans Histoire universelle de l’Encyclopédie de la Pléiade, t. II, Paris, 1964, p. 1105 sq., F. Dvornik, Les Slaves, histoire et civilisation de l’antiquité aux débuts de l’époque contemporaine, trad. française de D. Pavlevski et M. Chpoliansky, Paris, 1970, et R. Porta), op. cit., p. 25 sq. Les textes principaux de nos géographes ont été rassem-blés par S. Rapoport, dans The Slavonic and East European Review, VIII (1929-1930), p. 80 sq. et 331 sq. (trad. anglaise), et T. Lewicki, Zrodla Arabskie do dziejôw Slowianszczyzny, Wroclaw-Krakôw, t. I, 1956 (avec texte, commentaire et traduc-tion polonaise et latine) ; à rappeler également, du même, « Jeszoe o Wieletach w opisie... al-Mas’ūdīego », dans Pam. Slowianski, II (1951), p. 107-120 (cf. MAS (p), trad., § 905, n. 1), et la publication du texte d’Ibrahim b. Ya’qūb par T. Kowalski, op. cit.
298 Cf. supra, p. 277, n. 6.
299 HUR, 119, 124, 154, YA’Q, 237, FAQ, 295, RST, 98, 141, 142 (tous les Slaves qui environnent les Magyars : or, ceux-ci sont encore dans les parages de la mer d’Azov : supra, p. 301-302), MAS (p), § 449, 452, 907, (t), 257, IṢṬ, 16-18 (la mer Noire traverse le pays des Slaves), ḤAW, 11-13, 15, 110, 113, 199 i. f., 392 i. f., MUQ, 242 (au delà du Huwārizm), 368.
300 RST, 98.
301 MAS (p), § 905, 907, et Portai, op. cit., 25-26.
302 Ḥud, 158.
303 IBR (s), 1/155.
304 HUR, 92, 93, FAQ, 83, MAS (t), 39, 192.
305 HUR, 105, FAQ, 136, 145, 295, MAS (t), 194, IST, 16, 18, ḤAW, 9, 11, 13.
306 MAS (t), 120 ; cf. aussi ibid., 199-200.
307 MAS (t), 246-247, 249 (Francs et Slaves avec Bulgares, Russes et Avars).
308 MAS (t), 52 (classement repris, sans allusion aux climats, ibid., 192), et supra, fig. 14.
309 HUR, 155, FAQ, 6.
310 HUR, 92, FAQ, 83 ; FAQ, 136, qui déclare que l’Empire byzantin (ar-Rūm) va de Constantinople à Thulé et que la plus grande partie de sa population est « romaine » (Rūmī) ou slave, ajoute que slaves sont les gens de l’Andalus ; mais un peu plus loin (p. 145), reprenant le même texte, il le corrige en déclarant que la plus grande partie de la population du Rūm est romaine, slave ou andalouse.
311 IṢṬ, 18, ḤAW, 15, 110 (immensité, sans plus de précision).
312 MAS (t), 84.
313 HUR, 93.
314 HUR, 124, FAQ, 271, MAS (t), 88.
315 HUR, 154, MAS (p), § 215, 278, (t), 99, 248-249.
316 Ce dernier nom donné (MAS (t), 99) comme spécifiquement slave ; il semble bien qu’il faille lire, derrière lui, le nom d’affluents : Morava ou Mlava.
317 C’est-à-dire (MAS (p), § 278), en l’occurrence, de Slaves, comme on le verra un peu plus loin (p. 322), et comme du reste le précise MAS (t), 249.
318 Nāmgīn : ou reviendra sur ce mot infra, lors du panorama des pays slaves.
319 C’est le Don que l’antiquité gréco-romaine suppose communiquer avec eux : cf. Besnier, op. cit., p. 379. Sur le Danube, cf. MAS (t), 99, 248-249.
320 IṢṬ, 18, ḤAW, 13, 110, 191, 202, 392. Leur théorie, qui ne distingue pas la mer Noire de la mer d’Azov, s’inspire de la tradition qui fait remonter celle-ci jusqu’aux régions du nord extrême, celles de Thulé : cf. D. M. Dunlop, « Bahr Māyutis », dans El (2), I, 962, et MAS (p), § 404. Même conception, plus vague encore, chez YA’Q, 354, qui, parlant de la façade occidentale de l’Espagne, dit qu’elle donne sur l’Océan, a mer qui communique aveo la mer des Khazars ».
321 ḤAW, 110.
322 Cf. Portai, op. cit., p. 25-91 ; l’autre grand clivage, qui n’apparaît pas dans nos textes, isolera, après l’irruption magyare en Pannonie, les Slaves méridionaux du reste du bloc slave.
323 HUR, 143, Ḥud, 159, 430-432, Portai, op. cit., p. 31-33.
324 RST, 127-128, Ḥud, 157, 423-424, 429, 466, Portai, op. cit., p. 17 et 27. Le nom de Belgrade se lit, derrière la graphie Blgar, dans un autre passage : RST, 126 (cf. Ḥud, 41, n. 1, 221, 423, n. 2) ; mais il s’agit d’un village au nord de Constan-tinople.
325 RST, 144-145, Ḥud, 159.
326 Ḥud, 159, 429-431, Portai, op. cit., p. 99, C. Cahen, dans Histoire Générale des Civilisations, t. IV, Paris, 1965, p. 179, Fiohelle, op. cit., p. 1145, et Dvornik, op. cit., p. 142, 147. On a pu lire aussi Grwâb en Grâdist (Hradiâtye, la résidence de Svetopluk, sur la Morava : référ. dans Ifud, 430, n. 3, et Fichelle, op. cit., p. 1120) ; mais cette lecture est plus que douteuse. Plus douteuse encore celle de Gïra : si c’est Gura, d’après Constantin Porphyrogénète (cf. RST, 145, note d, Marquart, Streifziige, p. 188-189), où faut-il chercher cette ville éloignée ? Marquart, constatant que, dans le texte de Constantin, ce nom recouvre en réalité, non une ville, mais des territoires (polydia), pense à la région de Wābnït, dont il a été question plus haut.
327 Les renseignements qu’il donne dans Prairies, § 905 sq., sont repris dans le texte de Bakrï, qui semble interrompre, par cette citation, son démarcage d’Ibrâ-hïm b. Ya’qūb : cf. Bakrï, éd. Kowalski, p. 1 et 9. Mais ‘A. R. ‘Alï al-Hagêï, dans son édition de Bakrī (p. 156, 185-186), penche au contraire (p. 185, n. 1) pour une citation à tiroirs, le texte de Mas’ūdī relevant alors du propre texte d’Ibrāhīm cité par Bakrī.
328 Besnier, op. cit., p. 808, Dvornik, op. cit., p. 41, 53, 74, 103, 237, 262, 271, 272 275. Marquart (op. cit., 146-147) estime que nous avons affaire ici aux Volhynianes (Buianes), qui seraient en fait les Dûlâba (cf. infra), avant leur sujétion par les Avars. Quant au nom de Mâgik, il renverrait, sous une forme hypocoristique, au chef ante Mezamër (Mojmir ?).
329 Marquart, op. cit., p. 103-105 et 305-329 : installés dans l’actuel Brandebourg, les Stodoranes sont engagés dans la guerre contre Henri Ier et Othon Ier ; Marquart incline à voir, derrière le nom de leur prince, le roi d’une autre nation slave de ces parages, les Obodrites (cf. infra) : Mislaus, Micisla. Mais la précarité des sources et la chronologie de cette histoire posent, souligne Marquart, de très grosses difficultés et empêchent de trancher.
330 Kowalski, op. cit., p. 120-121, n. 155. Rapoport (op. cit., p. 340) penche pour les Sorbes (Sorabes, Serbes Blancs), entre Elbe et Saale ; mais les Serbes apparaî-traient alors deux fois (cf. infra) dans le texte de Mas’ūdī cité par Bakrï. Sur les Sorabes, cf. Dvornik, op. cit., p. 40-41 et passim, Fichelle, op. cit., p. 599.
331 Wangslāf. Les Dulèbes, tribu slave de l’est (Dvornik, op. cit., p. 55-56), se retrouvent en Bohême, d’où ils disparaîtront assez tôt ; quant au roi, il s’agit de Venceslas Ier (924-929) : cf. Kowalski, op. cit., p. 121, n. 156, Marquart, op. cit., p. 103, 144 et passim.
332 Complétant MAS (p), § 905, le Tanbīh (p. 99) les donne comme installés sur le Danube avec les Moraves. Le plus vraisemblable, compte tenu de l’allusion à la puissance guerrière, est qu’il s’agit, en réalité, des Allemands (Nèmets). Le nom donné pour le roi renverrait soit à Conrad (Ier de Franconie), soit au titre de Graf (comte), soit, plus vraisemblablement, au célèbre Gero des Niebelungen, qui étendit, sous Othon Ier (936-973), la domination germanique jusqu’à la Neisse : cf. Marquart, op. cit., p. 105-106, Dvornik, op. cit., p. 103-104, Kowalski, op. cit., p. 121, n. 157.
333 Dont le nom se retrouve aujourd’hui encore dans celui de la ville de Lom-matsch, au nord-ouest de Dresde : Marquart, op. cit., p. 113-115 ; le nom du roi est si incertain qu’on ne peut rien avancer de sûr à son propos : la tribu des Radi-mitches (Dvornik, op. cit., p. 56 et passim) est trop à l’est, sa destinée liée à celle de la Russie kiévienne. Trpimir est un nom porté par des souverains croates, de Dalmatie il est vrai. Mais il n’est peut-être pas aventureux de penser à d’autres Croates (en l’espèce, les Croates Blancs des hautes vallées de l’Oder et de la Vis-tule), sur ces franges septentrionales des pays de Bohême et de Moravie (Dvornik, op. cit., p. 100-101 et 1165).
334 Marquart, op. cit., p. 106 sq., et supra, n. 3.
335 Ḥud, 160, 440-442, MAS (t), 99, Marquart, op. cit., p. 115 sq., Dvornik, op. cit., p. 80 sq. et passim, Kowalski, op. cit., p. 121, n. 160, Portai, op. cit., p. 26.
336 Ḥud, 430, 432 (n. 2), 441, Marquart, op. cit., p. 107, 115, 129-139, Kowalski, op. cit., 121, n. 161.
337 MAS (p), § 906 (trad.), Marquart, op. cit., p. 107, 115, 122 sq., 144, Kowalski, op. cit., p. 121, n. 162.
338 Marquart, op. cit., p. 107, 140-142, Kowalski, op. cit., p. 121, n. 163, Rapoport, loc. cit., p. 340.
339 Marquart, op. cit., p. 107, 140.
340 MAS (p), § 908.
341 Al-dayr : le monastère ? S’il faut bien lire et interpréter ainsi, on se souvien-dra que Kiev devient évêché en 864 (cf. Dvornik, op. cit., p. 178-181) ; Cracovie ne le devient qu’à la fin du ive/xe siècle (cf. Fichelle, op. cit., p. 1126), mais le chris-tianisme est bien antérieur dans la région de la haute Vistule, lié qu’il est à l’inté-gration de cette région dans la Grande Moravie : Dvornik, op. cit., p. 92, 97, 98, 100.
342 Marquart, op. cit., p. 145-146, 508-509.
343 Le texte arabe dit : tumma yalï. Je pencherais plutôt pour la première solu-tion, car la même formule est reprise entre le second et le troisième royaume, alors que ce dernier nous est donné, on le dira, oomme le plus puissant de tous.
344 Marquart, op. cit., p. 142-143, Dvornik, op. cit., p. 102 sq. Cf. le titre de « roi du Rūm » donné à Othon Ier par IBR (s), 5/170.
345 Marquart, op. cit., p. 143-144 (qui oorrige, à juste titre, en Bazkard la version, parfois avanoée, de Nûkarda (sur elle, cf. supra, p. 224, n. 3), qui renverrait aux Lombards : cf. in/ra, p. 321, n. 1).
346 MAS (p), § 908. Donnés comme les plus nombreux, les plus belliqueux et les plus beaux de tous. A propos de ce dernier terme, auquel il attache par trop d’importance, Marquart (op. cit., p. 144-145) se livre à un long développement qui n’apparaît pas très convaincant.
347 MAS (p), § 909.
348 Cf. IBR (e), 1051-1052, et Canard, dans FAḌ, trad., 49, n. 2.
349 IBR (s), 1/157.
350 IBR (s), 1-2/158-160, Canard, dans EOLP, p. 508, Marquart, op. cit., p. 311-312, 510-511, Rapoport, loc. cit., p. 334-335, Kowalski, op. cit., p. 63, n. 20.
351 Cf. A. Miquel, « Ibrāhīm b. Ya’kūb », dans El (2), t. III, p. 1015-1016.
352 Du moins lis-je ainsi, à partir du mot de farg (ou burg) : 100 milles font environ 192 km ; or, la réalité, entre Magdebourg et la Baltique (dont 6râd est à onze milles, soit environ 21 km), est d’un peu plus de 190 km. Le pont sur l’Elbe se situe aux 3/5es du chemin en partant de Magdebourg : c’est exactement la proportion où il se situe aussi sur la carte, entre Magdebourg et Schwerin. C’est donc dans la région de cette dernière ville qu’il faudrait situer la capitale de Nakon. Cf. Haggī, éd. du texte de Bakrï, 159, n. 2, Rapoport, loc. cit., p. 335.
353 IBR (s), 2-4/160-166, Rapoport, loc. cit., p. 336, Canard, dans EOPL, p. 508.
354 Sur les lectures possibles du mot arabe, cf. éd. Hağğī, 164, n. 1 ; de Magde-bourg ou Mersebourg (celle-ci à une vingtaine de km à l’ouest de Leipzig), la première semble s’imposer, si l’on songe qu’elle est le lieu où Ibrāhīm est passé, pour y être reçu à la cour d’Othon Ier.
355 Lecture incertaine, mais il est visible, par ce qui est dit de la ville suivante, que l’itinéraire suit la vallée de la Saale ; entre Nienburg, qui suit, et Qalīwā, il y aurait deux milles, soit un peu moins de 4 km, nous dit le texte ; il n’y en a guère que 7 dans la réalité : cf. Rapoport, loc. cit., et éd. Kowalski, p. 86, n. 55.
356 Il y aurait 30 milles (57 km) entre cette ville et Nūbġrād ; la réalité dit, entre Nienburg et Salzmunde, 35 km environ à vol d’oiseau, mais beaucoup plus si l’on suit la vallée de la Saale. Kowalski (p. 87, n. 59) propose Diirrenberg.
357 Cf. Rapoport, loc. cit., et éd. Kowalski, p. 87, n. 60.
358 Le texte, qui note cette « bizarrerie », précise encore que les blonds (ou roux) sont rares : IBR (s), 3 i. f. (et 146)/163.
359 Annexée par Boleslav : cf. Dvornik, op. cit., p. 104. IBR (s), 1 i. f./157, déclare expressément celui-ci roi de Prague, de Bohême et de Cracovie.
360 Exagération manifeste, mais les trois jours (ou étapes) proposés par Rapoport (p. 335) et l’éd. Haggī (p- 161, n. 2) ne le sont pas moins, en sens inverse.
361 Lecture et interprétations, il est vrai, douteuses : cf. éd. Haggī, p. 161, n. 8 (avec bibl.).
362 Je lis décidément raqïq, et non daqïq (farine).
363 De cuir (daraq, sg. daraqa : cf. supra, p. 182, n. 3, et 194).
364 IBR (s), 1 i. f./157, 4 i. f.-5/166-168, Canard, dans EOLP, p. 508, Rapoport, loc. cit., p. 336-337.
365 If art ; mais on peut lire aussi hūt : poisson (en admettant que ce mot soit employé ioi comme collectif).
366 Perçus en monnaies byzantines ( ?) : cf. supra, n. 6.
367 IBR (s), 5/168, Rapoport, loc. cit., p. 337. Les Prussiens, on le sait, appartiennent alors au groupe linguistique balte.
368 Le texte, très incertain, ne permet malheureusement pas de préciser plus avant sur ce point. Sur les Wiltzes chez Ibrāhīm, cf. IBR (s), 5-6/174-175, Rapoport, loc. cit., p. 337.
369 IBR (s), 11 (et 151J/191, Rapoport, loc. cit., p. 341. On reconnaît une succes-sion déjà évoquée par Mas’ūdī : supra, p. 316, n. 1 et 2 (notamment pour la correc-tion de la leçon Nùkarda (Lombards), qui se retrouve ici, en Bazkard).
370 IBR (s), 7/181-182 (avec, dans l’éd. Kowalski, p. 105-115, n. 126 et 127), Rapoport, loc. cit., p. 339, Marquart, op. cit., p. 192-194, 509-510. On relèvera que les peuples allemands sont finalement désignés sous cinq noms (Nāmğīn, Francs, « Romains », Saxons et Tudesques) et les Magyars sous trois (Bazkard, Turcs et Hongrois).
371 Cf. supra, p. 314 et 316.
372 Cf. Ḥud, 432, qui souligne, pour ce texte, la difficulté de rapporter tel ou tel trait à tel ou tel peuple déterminé.
373 RST, 127, 143, Ḥud, 158-159.
374 RST, 143-144, Ḥud, 158.
375 . RST, 143, Ḥud, 158.
376 . IBR (s), 8 i. f. (et 119, n. 146 : lecture sibih, mot persan)/184, Rapoport, loc. cit., p. 339
377 Le perroquet est exclu pour des raisons évidentes d’habitat. Dans la série des « imitateurs », d’autres oiseaux, les pies-grièches, ont des affinités avec un oiseau huppé, au cri grinçant et qui a pour lui, dans le contexte qui nous occupe, son nom d’origine : le jaseur de Bohême (Bombycilla garrulus).
378 IBR (s), 8 i. f. (et 119, n. 148)/184, Rapoport, loc. cit., p. 339-340. Le texte mêle en réalité les notations relatives aux deux oiseaux : le grand tétras est noir, rayé de gris cendré, avec des reflets métalliques et une queue bleu foncé qui, lorsqu’il fait la roue, laisse apparaître des taches blanches en forme de croissant ; le tétras-lyre est entièrement d’un noir bleuté à reflets métalliques, et son cri, au moment des amours, est si fort (contrairement à celui du grand tétras) qu’on l’entend parfois jusqu’à un kilomètre.
379 Ou des climats de l’Espagne, d’où vient Ibrāhīm b. Ya’qūb, à qui l’on emprunte ces notations (IBR (s), 7-8/181-182). N’oublions tout de même pas, s’agissant d’un homme qui écrit en arabe, fût-il juif, le poids des modèles culturels (et donc des thèmes littéraires du désert) orientaux dans l’Espagne musulmane.
380 RST, 144, IBR (s), 8/182-183. Les Lombards de l’Italie du Nord sont dési-gnés sous le nom de Lunqubardiya : raison de plus, devant cette graphie claire, pour refuser l’identification aux Lombards dont il était question supra, p. 316, n. 2.
381 IBR (s), 10/188-189.
382 Al-gibāl ar-rawāsī : des montagnes inébranlables, immobiles : cf. Coran, passim.
383 IBR (s), 8/183.
384 MAS (t), 39. Cf. aussi ibid., 987 (Slaves blonds), FAQ, 145 (Slaves roux ou bruns), MAQ, IV, 63 (Slaves plus grands que les Russes), et MUQ, 368 (Slaves assez semblables aux Khazars).
385 FAQ, 162, IHW, I, 175, et supra, p. 318, où les bruns sont notés comme une curiosité.
386 MAS (p), § 1388, i. f., IHW, I, 175, IBR (s), 7/181.
387 WAṢ, 115 ; ces divisions n’existaient pas, rappelons-le, dans le passé : cf. supra, p. 314 et 316.
388 IBR (s), 7/181.
389 MAS (p), § 905, 910, ḤAW, 110. Variante (descendent de Mathusalem, avec les Bulgares et les Russes) dans MAS (p), § 63.
390 MAS (p), § 906.
391 Cf. slave knyaz’ (prince) < germanique *kuning : HUR, 17 (et note c), MAS (p), § 905-906, Qud, 429.
392 MAS (p), § 1366.
393 Cf. supra, p. 201, n. 6 (avec autres références), et 232, n. 8.
394 IBR (s), 8/183, Ḥud, 158-159.
395 RST, 127.
396 IBR (s), 9/184, Ifud, 158.
397 RST, 144, IBR (s), 8/183, Ḥud. 159. On notera que le lait est donné comme nourriture exclusive du roi et que le porc, pourtant cité (cf. infra, à propos des activités agricoles), n’est pas explicitement désigné comme nourriture.
398 IBR (s), 10-11/189-190.
399 Ed. Kowalski : istbā (cf. p. 126-127, n. 180) ; éd. Hağğī : ‘tbbā.
400 Cf. russe moh’ : mousse. Ibrāhīm précise à propos des bateaux que cette subs-tance joue, pour le calfatage, le même rôle que le bitume : zift.
401 RST, 144-145, qui s’inspire peut-être de Garmï : cf. Ḥud, 430, et Géographie I, p. XVIII.
402 RST, 143-144, MAQ, IV, 63 (Slaves plus riches que les Russes), IBR (s), 7-8/181-184, Ḥud, 158. Le millet (cf. Sorre, op. cit., t. I, p. 240-241) est désigné sous le nom de duhn (supra, p. 187, n. 1). A noter que RST, loc. cit., se contredit, affirmant successivement l’absence de champs cultivés et la culture du millet ; autre précision pour RST, 144 : les Slaves ont très peu de bêtes de somme (bard-dîn), mais le roi a un abondant bétail. L’absence de la vigne est signalée par RST, 143 (repris dans Ḥud, 158). Au chapitre de la continuité des cultures, cf. aussi supra, p. 312. Pour le mot désignant la ruche à alvéoles (ulUag), cf. russe uley et Chwolson, Izvestiya o Hazara..., Saint-Petersbourg, 1869, p. 126. Quant au mot de frik (cf. Desmaisons, op. cit., t. II, p. 819), Kowalski (IBR (s), 149) tra-duit par : arbores Persicae : pêchers. Le doute est d’autant plus grand que le texte peut se lire : « la plus grande partie des arbres de leurs fourrés (ia’râ’ihim) (ou : de leurs vallées : ii’âb) est constituée de pommiers, poiriers et frik. » Bien que ce dernier mot puisse apparaître comme un calque slave (cf. russe persik’), on ne saurait tabler sur un texte de lecture si incertaine.
403 Cf. supra, p. 323, (et n. 7.)
404 Ḥud, 158.
405 RST, 144, Ḥud, 159.
406 IBR (s), 9/184, RST, 144, Ḥud, 158-159.
407 MAS (t), 94.
408 Qui doivent de ce fait, on l’a dit (supra, p. 319), avoir la pratique du slave : IBR (s), 7/181.
409 RST, 144.
410 Supra, p. 318.
411 FAQ, 270-271, ḤAW, 392.
412 . HUR, 154, RST, 142-143, MAS (p), § 452, ḤAW, 97, 110, 119, 482, MUQ, 242, 325, et supra, p. 318.
413 ḤAW 110. MUQ, 242-243, situe cette terrible opération en Espagne même, mais toujours par des Juifs ; voir une traduction française de ce passage par Ch. Pel-lat, Al-Muqaddasī. Description de l’Occident musulman au ive/xe siècle, Alger, 1950, p. 57-58 (avec une interprétation différente de certains termes techniques de la castration, qui ne me paraît pas tenir assez compte du sens exact des verbes masaha (couper : cf. Dozy, op. cit., t. II, p. 589) et qafta : couper dans le sens de la largeur).
414 MUQ, 242 (les détails non cités ici se rapportent aux eunuques en général). Sur le rôle des Juifs et de la chrétienté dans ce oommerce, cf. R. Brunsehvig, « ’abd », dans El (2), t. I, p. 33-34, et Lombard, L’Islam..., p. 196-197, Monnaie et histoire..., p. 199-203.
415 Cf. supra, p. 236-237.
416 FAQ, 162, IBR (s), 8/183 (avec notation de la polygamie : vingt épouses et même davantage), 10/187 (et n. 3, avec bibl.).
417 RST, 143-144, MAS (p), § 449, 906-907, IBR (s), 9-10/186-187, Ḥud, 158, WAS, 116.
418 Variante RST, 143 : ces mutilations sont faites sur la dépouille de la femme morte.
419 Cf. supra, p. 239 i. f. -240
420 FAQ, 77, RST, 127, MAS (p), § 905, IBR (s), 9/186 (qui reprend l’affirmation de Mas’ūdī : ce christianisme serait de confession jacobite (c’est-à-dire monophy-site !). Une variante (cf. MAS, texte arabe, n. 5) donne le nestorianisme, dont la mention est tout aussi étrange), WAS, 115-116 (signale des églises avec nawâqïs : plaques de bois, de métal ou de pierre pour appeler à la prière).
421 Le mot de gāhiliyya est donné déjà par MAS (p), § 905, mais c’est IBR (s), 9/186, qui le rapporte spécialement à la royauté, trait qui ne semble pas particu-lièrement correspondre à l’histoire : cf. Dvornik, op. cit., p. 80-82 et passim.
422 Ḥud, 159.
423 IBR (s), 11/191.
424 RST, 145.
425 RST, 144, MAQ, IV, 63, Ḥud, 158, WAS, 115-116.
426 RST, 144.
427 MAS (p), § 1386-1388.
428 Sans rien toucher évidemment aux données elles-mêmes, nous condensons légèrement, pour ce temple et le suivant, la traduction du texte de Mas’ūdī.
429 Cf. M. Éliade, Traité d’histoire des religions, Paris, 1953, p. 321-322.
430 Par hydrothérapie.
431 Il semble que les critères de pertinence doivent s’établir ici en fonction de la rareté de la combinaison couleur-matériau-place. La moins rare des couleurs, supportée par un matériau qu’on pourrait dire de base, est le vert (émeraude). Comme le vert, le rouge est cité deux fois et, comme lui, placé dans les murs du temple et les membres de l’idole ; mais un élément de recherche intervient avec la distribution du rouge en deux pierres précieuses : corail et rubis. La cornaline et le cristal sont plus rares : ils sont cités une seule fois, et sont employés uniquement dans l’idole ; mais la cornaline a sur le cristal l’avantage de voir sa couleur rappelée par l’or de la tête. L’or, enfin, n’est cité lui aussi qu’une fois ; mais il est fait du matériau le plus rare (or pur, précise le texte de Mas’ūdī) et occupe la place de choix, la place unique : la tête de la statue. La hiérarchie s’établit donc comme suit : or (jaune), cornaline (jaune), cristal (blanc), rubis et corail (rouges), émeraude (verte).
432 On retrouvera ce principe binaire un peu plus loin (p. 330).
433 Cf. supra, p. 327, les notations relatives au culte du soleil et du feu.
434 Telle est la position des mécanismes solaires et des « voix ».
435 On notera à ce propos que Zanğ et Abyssins sont, en II, étroitement associés à ce règne : cf. supra, p. 144.
436 On notera à ce propos deux points importants : le temple, siège du divin, entouré par les sources, se distingue de la terre qui, nomme nous l’avons vu, inclut ces souroes en elle ; à remarquer d’autre part que la formulation d’inclusion entre temple et minéral se trouve ici doublement inversée par rapport à I : dans sa for-mulation même (le temple étant inclus en II et incluant en I), mais aussi (ceci expliquant cela) dans ses modalités : en I, le rapport était d’ordre interne (pierres du temple), la seule relation externe du temple étant avec l’air ; en II, le rapport est d’ordre externe (temple et règne minéral (sources) environnant).
437 On notera la différence avec le cas II.
438 Sans doute est-il, comme l’homme, en contact direct avec la divinité ; mais, outre qu’il ne l’est qu’une seule fois (et non trois, comme l’homme), cette relation débouche sur une seule et unique inclusion dans le monde (alors que l’homme compense cette inclusion par le fait qu’il peut la renverser à son profit, comme en I). C’est peut-être cette différence fondamentale de statut que symbolise, en II, par une autre formulation, le fait que l’animal (avec les Zanğ et Abyssins : cf. supra, p. 329, n. 4) est sous le pied de la statue, l’homme (des ossements) échappant à cette forme de sujétion absolue.
439 D’ensemble, et non plus seulement des couleurs, comme un peu plus haut.
440 Supra, p. 328-329.
441 Sans oublier le principe ternaire, qui est à la base de la répartition d’ensemble, avec les trois montagnes.
442 On voit que ces conclusions sur la liberté et l’ordre du monde se rapprochent de celles qu’on avait tirées (supra, p. 55-56) d’un texte de Hamdānī.
443 Ou Varangiens. Pour l’Europe de l’Est, le mot désignerait en réalité, d’après I. Boba (cité infra, n. 3) les habitants de l’Occident germanique.
444 Bon résumé des thèses classiques dans Portai, op. cit., p. 33-36. Mais d’intéressants et nouveaux aperçus seront demandés à I. Boba, Nomads, Northmen and Slavs. Eastern Europ in the ninth century, Paris-La Haye, 1967. Sur les Busses, voir encore, outre les ouvrages déjà signalés pour les Slaves, P. Kawerau, Arabische Quellen zur Chrislianisierung Russlands, Wiesbaden, 1967, Ḥud, 432, et FAḌ, trad., n. 280.
445 Bīrūnī (cf. Ḥud, 432, n. 3) est le premier à parler d’eux. Sur notre position vis-à-vis de lui, cf. Géographie I, p. 223-227.
446 Ḥud, 54, 59, 181-182, 422. Cf., pour la mer d’Azov, des exagérations de même ordre supra, p. 312, n. 3.
447 Ḥud, 100, 309, 318.
448 Ḥud, 100, 309, 433 (n. 1).
449 FAḌ, 126 (trad., 98, n. 207, avec bibl.), 135, 137.
450 Ḥud, 433 sq.
451 Sur le cas de Muqaddasï, cf. infra, p. 335, n. 7.
452 Cf. FAḌ, trad., p. 116, note (en bas de page).
453 FAḌ, 149, 151.
454 Leurs données étant, on l’a dit, reprises par les jḤudūd.
455 IST, 16, 130, ḤAW, 11, 13, 339, 388, 392-294. Ibn Hawqal est seul à signa-ler les expéditions, en l’occurrence celles de Svyatoslav, prince de Kiev, mais elles ne sont pas les premières : cf. supra, p. 276-277 et 288.
456 IST, 18, 132, ḤAW, 15, 397-398, Ḥud, 159.
457 Cf. Portai, op. cit., p. 37.
458 HAW, 397, leur donne une capitale, Slā, dont le nom demeure inexpliqué [cf. Ḥud, 434). Il est possible qu’Ibn Hawqal l’ait « déduit » du nom du peuple, par analogie avec le couple Artāniya-Artā.
459 Sur les Slaves, Slovènes ou Sclavènes de Novgorod, cf. Ḥud, 434, Dvornik, op. cit., p. 32-33, et Portai, op. cit., p. 31.
460 Cf. Ḥud, 434, et FAḌ, trad., n. 280. Un autre texte (IST, 18, HAW, 15) mérite quelque attention : « les Russes habitent sur la Volga en direction des Bulgares, dont ils sont séparés par les Slaves. » Il semble qu’il y ait ici un télescopage entre deux traditions : l’une serait celle dont nous traitons ici, les Russes étant ceux du confluent Volga-Oka. Mais, la « séparation » n’existant pas dans la réalité [cf. fig. 28), il faudrait, pour mettre un écran slave entre Russes et Bulgares (de la Volga s’entend), se référer à une époque antérieure, lorsque les Scandinaves, non encore slavisés, couraient les vallées des fleuves de la Russie occidentale : entre eux et la Volga s’étendait en effet, le pays slave, qui n’était pas encore le pays russe.
461 HUR, 154 (repris par FAQ, 270, i. f.-271, qui parle seulement de « Slaves »), supra, fig. 28, et Lombard, L’Islam..., op. cit., p. 229. Pour les relations avec Byzance, cf. H. Ahrweiler, « Les relations entre les Byzantins et les Russes au ixe siècle », (« Journée byzantine » du XIIIe Congrès international des Sciences historiques, Moscou, 22 août 1970), dans Bulletin d’information et de coordination de l’Association internationale d’Études byzantines, V (1971), p. 44-70.
462 YA’Q, 354, trad., 218, n. 9 (avec bibl.).
463 HUR, 154 (repris par FAQ, 270 i. f.-271, qui, à propos des itinéraires cités plus haut, supprime carrément, on l’a dit, le mot de Russes et le remplace par celui de Slaves : supra, n. 1).
464 Ḥud, 433-434.
465 Réserve faite évidemment d’Ibn Fadlān et de la tradition Iṣṭabrī-Ibn Hawqal. Les références sont les suivantes : HUR, 154, RST, 141, 145-147, MAS (p), § 280, 295-296, 449, 452, 455, 459-462, (t), 98, 194, 249, MAQ, IV, 62, Ḥud, 159, 432-438 et passim.
466 MAS (t), 194, semble toutefois englober, sous ce terme de Russes (dont cer-tains seraient, selon lui, incorporés à l’Empire byzantin : cf. aussi MUQ, 361 : « une armée de Byzantins appelés Russes »), des Arméniens, des Bulgares (définis comme slaves) et des Petchénègues.
467 MAS (p), § 458, et E. Ashtor, « Quelques observations d’un orientaliste sur la thèse de Pirenne », dans JESHO, XIII (1970), p. 184, n. 5. Voir toutefois MAS (t), 194, n. 2.
468 Peut-être faut-il y ajouter l’argent : MAS (p), § 455, assure que les Russes en ont une mine importante, aussi importante que celle de Panghïr, au Hurāsān, dont on connaît le rôle pour l’approvisionnement du monde musulman en ce métal.
469 MAS (t), 194, explique par cette couleur leur nom même de Russes : cf. ibid., n. 3.
470 Le trait (RST, 146) contraste, on le voit, avec l’attitude de certains groupes russes, rapportée supra, p. 333 i. f.
471 Ḥud, 159, signale qu’ils pratiquent la « chevalerie » (muruwwa).
472 Ḥud, 159, signale l’existence d’une véritable classe servile, faite de Slaves.
473 On ne sait trop auxquels de ces raids se réfère MUQ, 361 : à ceux que rapporte Mas’ūdī (vers 300/912-913), ou ceux, plus tardifs, que rapporte Ibn Hawqal (référ. supra, p. 333, n. 1).
474 MAS (p), § 455, précise ainsi ce qui reste latent chez les autres auteurs. Seul HUR, 154 (sans doute par confusion avec les Slaves) assure que les Russes se pré-tendent chrétiens, ajoutant même qu’ils acquittent l’impôt de capitation (gizya).
475 RST, 146, repris par MAQ, IV, 62 : « celui qui gagne est celui dont l’épée est trouvée (à l’épreuve ?) la plus effilée. »
476 Littéralement : médecins (atibbā’) : RST, loc. cit.
477 Cf. supra, p. 283.
478 RST, 146-147, MAS (p), § 449, et Ḥud, 159, divergent sur ce point.
479 FAḌ, 149-155 et 165-166, trad., 116-122 et 134-135. On signalera, du point de vue de l’histoire, l’abondance et la qualité de l’annotation de M. Canard.
480 Reprise d’une formule déjà utilisée par Ibn Fadlān pour les Turcs : cf. supra, p. 239.
481 Du moins est-ce ainsi que le traducteur (FAḌ, trad., 120, n. 296) interprète le mot de nabīḏ : boisson spiritueuse de dattes, de raisins ou de grains.
482 Cf. supra, p. 235 et 282-283.
483 FAP, 155 sq., trad., 122 sq. (qui donne quelques variantes permettant de préciser de nombreux points de détail (les difficultés posées semblant moindres que ne le dit M. Canard : FAP, trad., n. 332) et une annotation abondante sur les rapports des rites suivis avec les mondes turcs, slave, finnois, Scandinave et autres).
484 Cf. supra, p. 337, n. 2.
485 De fiatlank ou halang : cf. supra, p. 226, n. 6.
486 Une variante du texte (trad., 128) semble indiquer pour le mort une station intermédiaire, dans un pavillon spécial, entre la tombe et le navire.
487 Une variante dit (trad., 129) : un coq dont on tranche la tête et « que l’on jette à droite et à gauche du bateau. » Ladite variante ne mentionne du reste que le chien et le coq.
488 Ou : « exercé le droit (haqq). » Le rite, devoir ou droit, est évidemment accompli en lieu et place du défunt, de qui l’on veut se faire entendre (d’où la proclamation à haute voix).
489 Ce dernier détail est ajouté par une variante. Une autre ne parle pas du cadre de bois, mais d’une sorte de route d’honneur que les hommes font avec les paumes de leurs mains, et sur laquelle la jeune fille marche pour se rendre au bateau ; dans la même variante, c’est l’Ange qui couche la jeune femme aux côtés du mort, et c’est avec le voile de celle-ci que se pratique la strangulation ; il n’est plus ques-tion de poignard.
490 Il semble que cette dernière activité se fasse selon des gestes normaux : le texte, en tout cas, ne signale pas la reprise, par tous ces gens, de l’attitude rituelle du premier personnage.
491 On renverra ici, globalement, à l’annotation du traducteur, très riche, on l’a dit, et à ce qui a pu être noté, en ce chapitre et dans le précédent, sur des coutumes analogues.
492 Sans parler évidemment, toujours à propos de l’Egypte, de la barque des morts (étant bien entendu qu’on parle ici comparaisons, et non filiations ou contaminations éventuelles).
493 Le terme de mari, pour le mort, est explicitement énoncé (trad., 132). Le voile (supra, p. 340, n. 1) est sans doute symbolique de la condition d’épouse (cf. trad., n. 350). Enfin, le caractère sacré du mariage, différent de la sexualité pure, est souligné par la limitation de l’union charnelle : les parents du mort s’unissent à l’esclave une seule fois.
494 Étant donné le statut d’esclave, au départ, de la jeune femme, il est peu pro-bable, en tout état de cause, qu’il puisse s’agir de ses parents à elle.
495 Le mariage terrestre avec le mort par personnes interposées : ses parents.
496 Cf. un exemple célèbre (avec passage au drame réel : le carnaval de Romans) dans E. Le Roy Ladurie, Les paysans de Languedoc, Paris, 1966, p. 395 sq. Autre exemple dans le jeu de 1’ « inversion » pratiqué dans certaines sociétés scolaires : ce jour-là, les nouveaux deviennent « puissances » (mais pour ce seul jour).
497 ‘Alä l-ḥaqīqa, dit le texte arabe (souligné par nous). L’effet produit se renforce au jeu stylistique de l’allitération à partir de la racine rmd (cendre) : ramād rimdid (cendre cendreuse, pulvérulente, qui s’envole au vent).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Anthropologie économique des Gouro de Côte d’Ivoire
De l’économie de subsistance à l’agriculture commerciale
Claude Meillassoux
1999
Valladolid au siècle d’or. Tome 2
Une ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle
Bartolomé Bennassar
1999
Valladolid au siècle d’or. Tome 1
Une ville de Castille et sa campagne au xvie siècle
Bartolomé Bennassar
1999
La géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du 11e siècle. Tome 2. Volume 1
Géographie arabe et représentation du monde : la terre et l’étranger
André Miquel
2001
Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1898-1930. Tome 1
Catherine Coquery-Vidrovitch
2001
Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1898-1930. Tome 2
Catherine Coquery-Vidrovitch
2001
Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Tome 2
Études sur les armées des rois de France 1337-1494
Philippe Contamine
2004