Chapitre III. L’Extrême-Orient, ou de grandes civilisations inachevées
p. 71-126
Texte intégral
1L’Extrême-Orient n’épuise pas, tant s’en faut, la littérature exotique des ixe-xe siècles. Mais il est un de ses chevaux de bataille, et des plus anciens : de tous les livres1 arabes consacrés aux terres étrangères, le plus vieux que l’histoire nous ait sauvé, en 237/851, porte le titre de Relation de la Chine et de l’Inde (Ahbār as-Sīn wa l-Hind). Directement lié à la grande époque de Bagdad et Sāmarrā, et aux besoins nés de ces villes en direction des mers orientales, l’ouvrage justifie, à lui seul, qu’on entame par l’Est ce panorama du monde non musulman. Mais auparavant, quelques mots sur l’œil de l’observateur, en quelque endroit du globe qu’il se trouve.
La littérature exotique : les affaires et l’Islam
2Et d’abord, les affaires : de la politique ou du négoce. Avant d’écrire pour eux, pour le plaisir, s’ils y ont jamais songé, ambassadeurs comme Ibn Fadlān et Abū Dulaf Mis’ar, ou marins-marchands de la Relation, tous écrivent pour quelqu’un : gens du pouvoir ou collègues en mal de richesse. Dans cette optique, il n’y a guère de pays en soi, mais un champ d’action diplomatique ou militaire pour les uns, un marché pour les autres. Voies d’accès, mœurs, organisation du pouvoir ne sont pas là pour camper un décor : ils sont le pays à connaître et, qui sait ? à prendre, par les armes ou par l’argent.
3L’exotisme mourrait vite à ce compte. Mais les Musulmans du Moyen Age n’échappent pas aux règles du voyage, tel qu’on le pratiquait du moins avant le xxe siècle et les impératifs de l’ethnographie : même tenus dans leurs garde-fous utilitaires, c’est eux-mêmes qu’ils promènent d’un bout du monde à l’autre. Eux-mêmes, c’est-à-dire, justement, des Musulmans. Pour eux et pour tous ceux qui les écoutent ou enregistrent leurs odyssées, la géographie des nations et la découverte du monde se réfèrent, explicitement ou non, à l’Islam2. Sans doute un auteur ne ressent-il pas toujours3 le besoin de souligner dans son texte ce par quoi un univers nouveau s’écarte ou se rapproche des habitudes du monde musulman ; et pourtant, sans qu’il soit besoin de trop lire entre les lignes, s’il est quelque chose à quoi l’écrivain court d’emblée, c’est bien à ce qui choque, étonne ou rassure : rien ou presque en tout cas, qui intéresse en soi, réserve faite, ici ou là, des quelques renseignements indispensables dans l’ordre politique ou économique, et, sur un tout autre plan, de la personnalité savante et singulière de Bīrūnī4. Au total donc, une littérature qui n’est rien moins que gratuite, mais où l’exotisme conserve tous ses droits par le triple mécanisme du dépaysement dans l’espace, dans le temps et dans la hiérarchie sociale5.
4On est surpris, du reste, que rien dans ces voyages n’atteste le sentiment d’une dégradation des choses et des êtres à mesure qu’on s’éloigne du centre vivant du monde et de la foi vers les terres mystérieuses de l’infidélité6. Pour cette littérature polarisée, à son insu ou consciemment, sur le thème majeur de l’Islam, l’idée d’une déchéance progressive, d’une croissance dans l’étrange ou le monstrueux n’a pas cours. Par voie de conséquence, pas de sentiment d’interpénétration des civilisations et des cultures : franchies les bornes du monde musulman, et même si ces limites ménagent, depuis le cœur arabique ou irakien, bien des dégradations ou des nuances, on entre d’un seul coup dans l’étranger et dans l’étrange : il n’existe pas, au vrai, de banlieue de l’Islam7.
5On s’explique mieux ainsi ce qu’il faut bien appeler le désordre d’ensemble de cette littérature. Sans doute peut-on invoquer, comme Sauvaget le faisait pour la Relation8, le caractère oral, spontané, impromptu, anarchique pour tout dire, de l’information et de la prise de notes. Mais il y a plus, car l’amalgame est précisément révélateur : tout, dans ces textes, baigne indifféremment dans la saveur pimentée de l’exotisme, et si, pour la Relation, la mer et ses merveilles occupent déjà tant de place, c’est que l’aventure commence à Sīrāf, tout comme elle vous attend, sur d’autres pans du monde, armée de pied en cap aux portes du Caucase, aux cataractes d’Assouan ou dans les sables du Sahara.
La littérature exotique : des paysages masqués par les hommes
6Du long voyage aux extrémités du monde, des récits écoutés et des choses surprises, que reste-t-il quand on revient ? De pittoresque, presque pas, du moins au sens où nous entendons le mot : tout au plus des notations égarées, parfois fort justes, et tout cas sèches, lapidaires souvent : à nous d’y ajouter, précisément, le pittoresque. Chez ces habitués des pays secs, à l’arbre rare, l’œil et la plume passent sans s’attarder sur les forêts, les moussons, les neiges de l’arrière-pays9.
7La curiosité d’un Islam affairé s’exerce d’abord sur les hommes. Végétaux, animaux et minéraux sont là, bien sûr, mais prenons garde que parmi les étrangetés des trois règnes, beaucoup, comme le camphre, les étoffes, l’ivoire, l’ambre, les pierres précieuses et tant d’autres figurent dans la liste en tant qu’objets d’échange, justiciables, à ce titre, de relations humaines. Allons plus loin : au delà même des raisons commerciales, la présence de ces denrées dans les textes, l’explication des usages que l’on en fait sur place, relèvent plus d’une fois du comparatisme, explicite ou latent, entre la société musulmane et le reste du monde. C’est donc bien d’hommes, en dernière analyse, que l’on traite presque toujours. Et s’agissant de la nature, peut-être faut-il pousser plus loin encore et ne pas s’en tenir à l’animal domestiqué, mangé, tué à des fins de vêtement ou de parure, ni à la plante cultivée, au minerai exploité ; peut-être, oui, faut-il rattacher au monde des hommes la bête libre, la fleur sauvage et la roche brute. Car si les mots de société et de civilisation doivent, comme c’est le cas, couvrir non seulement les créations de la culture, mais aussi le cadre naturel où elles s’opèrent, toute comparaison entre des aires différentes doit prendre en compte, dans chacune d’elles, le rapport total, fût-il d’hostilité, de l’homme à son monde : ce que, pour leur part, les textes arabes ont allègrement fait.
8Mais l’homme n’intervient pas qu’en tant qu’objet de la description. Il est présent aussi, comme sujet, sur toute la chaîne du temps qui sépare le moment où la chose est vue de celui de son enregistrement (fig. 16). La voie la plus simple, et la plus rare, est celle qui joint directement les deux termes : l’auteur (A) voit le donné étranger (D) et le consigne tel quel ; c’est la notation brute (I), exemple : « il n’est pas d’hommes qui aient les cheveux plus noirs que les Chinois10 ». Beaucoup plus souvent, massivement même, l’acte d’écrire passe, nous l’avons dit, par une référence, consciente ou non, au système culturel de l’Islam (CM) ; c’est la notation comparée (II), exemple : « les Chinois donnent à leurs troupes des gratifications, comme celles des Arabes » (référence explicite), « ni les Chinois ni les Hindous ne pratiquent la circoncision » (référence explicite, mais non formulée), « les murs des Chinois sont en bois » (référence implicite)11. A noter que la référence au système de culture peut s’étendre au milieu naturel, pour peu que celui-ci devienne paysage, c’est-à-dire nature perçue, remémorée, interprétée, aménagée peut-être ; exemples : « les fleuves, en Chine et en Inde, sont considérables, plus considérables, parfois, que les nôtres »12, et ceci, qui en dit long sur ce rapport de la nature à l’homme que nous soulignions à l’instant : « les Chinois sont plus beaux que les Hindous et ressemblent davantage aux Arabes sous le rapport de l’habillement et des bêtes de somme (sic) »13.
9Parfois, la consignation du donné s’accroît d’une réflexion inspirée à l’étranger par son propre système culturel (CE) ; c’est la notation dérivée (III) ; exemples : « on appelle l’empereur de Chine Baġbūr, ce qui signifie fils du ciel », « on ne voit l’empereur que tous les dix mois, car il prétend que si ses sujets le voyaient [trop], ils n’auraient plus de considération pour lui »14. Ce dernier circuit admet lui aussi la variante de la référence au système culturel de l’Islam ; c’est la notation à la fois dérivée et comparée (IV) ; exemples : « ce n’est pas la religion qui impose aux Hindous l’abstinence du vin, mais le souci de leur dignité : pour eux, un roi qui boit du vin n’est pas un roi », « les Hindous n’ont pas commerce avec les femmes au moment de leurs règles, et ils les chassent de leurs maisons pour n’être pas souillés par elles15 ». Enfin, tous les circuits évoqués, sauf I16, peuvent, au gré de l’auteur, voir s’allonger leur distance par la digression du conte ou l’amplification de la légende : c’est la notation enjolivée, que nous représentons, pour des raisons de commodité, par une seule ligne (V) à la figure 16.
10Ainsi l’homme, comme objet de l’enquête ou sujet de l’acte d’informer ou d’écrire, impose-t-il sa marque à toute cette littérature : les paysages y prennent le pas sur les pays, les sociétés méditées, approuvées ou contestées sur les sociétés décrites, et peu à peu enfin, la fable sur le réel. Par son importance et sa continuité, la littérature relative à l’Extrême-Orient, à laquelle il faut maintenant se tenir, permet de mesurer le chemin parcouru.
L’Extrême-Orient : des marchands aux marins et des marins à la littérature
11L’éclosion et le développement des thèmes de l’Extrême-Orient sont, dans l’ensemble, faciles à suivre17. La parole est d’abord aux marchands, avec la Relation18 : le sérieux de l’observation et l’intérêt porté au sociétés étrangères y dominent. Il s’agit en effet de connaître au mieux les marchés sans doute, mais aussi tout ce qui rend le marché possible et fructueux, aussi loin que l’on s’enfonce dans les terres.
12Les troubles survenus en Chine avec la révolte de Huang-Tch’ao en 264/87819, les massacres de commerçants musulmans et le repli de l’essentiel des transactions aux comptoirs de la péninsule malaise ouvrent la période des marins : ils n’étaient pas absents, on s’en doute, de la Relation, mais dorénavant ils vont régner en maîtres, dans le Supplément qu’Abū Zayd as-Sīrāfī ajoute, cinquante ans après, à la Relation, dans le Livre des merveilles de l’Inde (Kitāb ‘agā’ib al-Hind, milieu du ive/xe siècle) et, enfin, dans les traités techniques de navigation dont les premiers, malheureusement disparus, remontent à la fin du iiie/ixe siècle. Cette littérature se traduit, comme on peut s’y attendre, par une invasion des thèmes de la mer ou de la façade portuaire des terres au détriment de l’hinterland et, réserve faite des traités techniques, par une accentuation du goût pour le légendaire et le fabuleux : car il est connu que les marins ont du goût pour la blague20.
13Vient ensuite l’époque du conte, avec les Mille et une Nuits, et des œuvres littéraires dans l’esprit de la culture générale (adab) du temps : encyclopédies comme les Prairies d’or de Mas’ūdī, le Livre de la création et de l’histoire de Maqdisī, les Latā’if de Ta’ālibī, ou véritables recueils de l’insolite comme l’Abrégé des merveilles21.
14La question est ainsi posée, une fois de plus, de savoir si l’on peut étudier dans la synchronie des données qui ont une histoire. En fait, pour peu qu’on y réfléchisse, l’unité de cette littérature saute aux yeux. La Relation fait problème sans doute, mais comment la juger ? Si on l’isole dans le mouvement littéraire, alors, bien sûr, sa véracité et son sérieux accusent la distance entre elle et les autres œuvres. Si, au contraire, on la réintègre dans une analyse globale des textes relatifs à l’Extrême-Orient, on ne peut pas ne pas voir qu’elle se fond dans cet ensemble qui complète, gauchit, éparpille les thèmes qu’elle a innovés. Que l’histoire littéraire, donc, traite à part de la Relation22, soit. Mais au plan de l’étude thématique, l’ouvrage doit se juger dans le cadre global d’une littérature et d’un système culturel qui lui donnent sa finalité.
15Car c’est un fait que la Relation trahit — et pas toujours sous la forme de simple ébauche — trois comportements qui s’accentueront après elle et qui ressortissent tous, en dernière analyse, à la vision égocentrique de la civilisation arabo-musulmane du temps. Le premier, on l’a dit plus haut, intéresse l’étude sociale : de la référence, plus ou moins explicite, au milieu culturel de l’auteur, on glissera peu à peu au jugement de valeur nettement formulé : ce qui nous autorise aujourd’hui à parler à coup sûr de tolérance, peut-être d’objectivité, mais certainement pas d’humanisme. Ces positions se cristallisent, dès la Relation, quand on passe au domaine économique : j’ai écrit ailleurs23 qu’au moment même où le trafic commercial entre l’Irak et l’Extrême-Orient est intense dans les deux sens, la Relation ne mentionne que les produits importés par le monde musulman, substituant ainsi, à la notion économique de l’échange, celle, unilatérale, du besoin. Enfin, il n’est pas jusqu’au goût pour le curieux, déjà signalé, qui ne relève d’une analyse de même ordre : on peut expliquer en effet par le développement d’une éthique spécifiquement musulmane l’insistance croissante mise sur l’équation : étranger = étrange. Car c’est présupposer et préserver l’homogénéité du monde de l’Islam que de vouloir, dans toute la mesure du possible, reporter au delà de ses frontières l’intérêt pour l’insolite, l’anormal, le péché24.
16Ainsi les thèmes de l’Extrême-Orient remplissent-ils plusieurs fonctions : le renseignement technique, l’information générale, le divertissement littéraire et peut-être, à l’arrière-plan, la sauvegarde morale. Sans doute tous ces traits se retrouvent-ils, peu ou prou, dans l’ensemble de la littérature exotique. Mais aucun champ géographique n’en fournit de panorama aussi vivant ni aussi vaste que celui que déroulent, dans la vision globale des œuvres comme dans la succession impeccable marchands-marins-littérateurs, les mers de l’Inde et de la Chine.
Une carte sommaire de l’Asie
17Quitté Sīrāf, quelques relâches encore jusqu’à Mascate, où l’on se donne, avec l’ultime ravitaillement, provision de courage en même temps que d’eau douce25. Car déjà « la mer s’est ouverte » et des montagnes de vagues présagent quelque colère de Dieu26. Un mois, tout un mois sur cette mer du Lār, et l’on aborde au domaine des îles : Laquedives et Maldives. Qu’il est loin, le pays des femmes recluses ! Ici, la reine, aussi nue que ses suivantes, s’offre au regard de ses sujets sur un lit de parade27. Mais le vent presse : on touche Kūlam-Malaya, à l’extrémité sud-ouest de l’Inde. Nanti d’eau douce, on range la côte de Ceylan (Sarandïb), que domine la montagne où Adam, précipité du paradis, laissa l’empreinte d’un de ses pieds, l’autre ayant frappé, à un jour et une nuit de distance ou même davantage, une mer qu’il rendit lumineuse28.
18Avec celle-ci, dite de Harkand, une nouvelle aventure commence : un mois de navigation hauturière mène au pays des cocotiers, poussière d’écueils et d’îles, mille sept cents à en croire certains : Andāmān, Mergui, Nicobar (Langabālūs), Sumatra nord (Lambri, ar-Rāmnī) et sud (Fantsour, Fanṣūr). C’est le domaine des anthropophages nus, au sexe démesuré, dont les pirogues creuses viennent porter au navire le commerce ou la mort29.
19On s’engage ensuite dans les détroits de Malaisie, le pays de Kalāh30, qui relève de la mouvance de Jâvaga (az-Zābag), autrement dit de Sumatra-Java, ou de Sumatra seule : de toute façon, un très grand royaume, dont on met deux ans à faire le tour, et tout secoué de volcans. De là, trois courses de dix jours chacune mènent, d’eau douce en eau douce, tout au long du pays d’Annam (Tchampa, Sanf). Le but est presque atteint : un mois encore, et c’est Canton (Hān-Fū), avec ses jardins, ses marchés, ses entrepôts, ses douanes, ses bureaux de l’inscription maritime31. Après, la mer ne mène plus guère qu’à une seule terre connue, la Corée (as-Sīlā), le pays où il fait bon vivre, le pays des faucons blancs32.
20Voilà pour la dorsale de ce grand commerce lointain. Mais de part et d’autre du sillage des navires, les récits recueillis aux escales ou les souvenirs de quelques intrépides évoquent des pays moins accessibles encore. Sur la droite, quand on va vers la Chine, le royaume de Jâvaga se dilue en une myriade d’îles où les danses de l’Antéchrist s’orchestrent au rythme du feu de la terre33. Au delà, en allant vers l’incendie qui envahit le ciel sous Canope, ce sont d’autres îles, avec des femmes qui font mourir aux jeux d’amour les malheureux que le sort jette sur ces rivages, ou encore des géants, aux pieds longs d’une coudée, et des monstres nés de l’accouplement des hommes avec les bêtes de la mer34. Enfin, aux horizons du midi le plus lointain, dans la confusion de la carte, qui place l’Afrique « face à l’Inde »35 et l’étend démesurément vers l’est, à la rencontre de l’Extrême-Orient36, le nom de Wāq-Wāq court d’un bout du monde à l’autre : est-ce l’Afrique australe et Madagascar, ou quelque île de la Sonde, Bornéo peut-être, ou même le Japon37 ? Et où se situe-t-il par rapport à Qāf, la montagne-mère, la montagne-limite38 ? Pas si loin, après tout, puisqu’on nous dit que l’Extrême-Orient renferme les sommets derrière lesquels le soleil se lève39.
21C’est là, il est vrai, domaine à peu près légendaire40. Sur la gauche des navires, au contraire, l’histoire et la réalité, même incertaines, sont infiniment plus perceptibles, et les pays, même lointains, mieux connus. C’est ainsi qu’un groupe notable rassemble ceux de la « route birmane », « multitude de rois »41 entre Inde et Chine : Pégou, Assam, Yunnan, Se-Tchouan et Tibet oriental tirent leurs traits majeurs de leurs relations avec l’un des deux grands mondes de l’Asie, ou avec les deux à la fois42. Encore faut-il souligner que ces rapports ne suppriment pas l’individualité des peuples en question : le Tibet, notamment, a pour lui son immensité, ses montagnes, le charme avec lequel il agit sur ses habitants, conquis à une sorte de gaîté grave que l’amour et la mort ne parviennent pas à entamer : pays original, donc, et qui, s’il a des contacts étroits avec la Chine, par exemple, les noue d’allié à allié, non pas de vassal à suzerain ; pays riche, au total, de confluences qui lui permettent de tenir la balance égale entre les puissances environnantes. Car ici, aux Indiens et aux Chinois s’ajoutent d’autres voisins de même taille, à savoir les Turcs : une peau à l’indienne, un nez à la turque et un habit à la chinoise résument et définissent ainsi le Tibétain43.
Civilisation et territoire : Inde et Chine, massivement
22Un fait émerge de ces rudiments de géographie d’outre-mer : les îles, ou plutôt les petites îles, sont à part. Irréductibles à tout système de référence, leurs coutumes baignent dans une étrangeté sans faille, échappent à cette apparence de normalité que confèrent ailleurs, à certaines pratiques, telles ou telles ressemblances avec les mœurs du monde musulman. Le chemin des archipels, depuis les Maldives jusqu’aux Nicobar, en passant par les Andāmān et les Mergui, est bien celui des aberrations : que penser en effet d’une royauté donnée aux femmes, de la nudité et de la sauvagerie totales d’animaux-hommes que leurs tanières dérobent au plus profond de la jungle, dans l’ignorance absolue de tout pouvoir politique44 ?
23Ainsi serait-on tenté d’affirmer qu’une condition nécessaire, sinon suffisante, de la civilisation réside dans l’ampleur minima du territoire45. Restons aux îles, et regardons : que leur taille croisse, et voici les sociétés qui se dessinent, les sociétés vraies, celles qu’on peut étudier, confronter à la sienne propre. Déjà, sur les rivages septentrionaux de Sumatra, pourtant proches encore des archipels maudits, l’organisation royale apparaît et commence à voiler, rassurante, un arrière-plan d’anthropophagie et de meurtres rituels46. Mais les grandes îles de la Sonde, Sumatra précisément et Java, c’est, on l’a dit, le royaume de Jâvaga, riche, immense et gouverné par un des principaux souverains de ce monde : le Maharadja47. Et à l’autre bout de la mer, Ceylan, l’île aux deux rois, détient comme un record de civilisation : n’est-elle pas, depuis Adam, le premier lieu habité par l’homme48 ?
24La même équation entre civilisation et superficie paraît aller de soi sur le continent. Témoins la Corée, ensemble de plusieurs royaumes49, le Cambodge (Qimār), pays d’ascétisme et de justice, qui s’étend sur quatre mois de marche et où les Arabes sont les bienvenus : ici, du reste, figurent en toutes lettres les attributs de la culture, à savoir les livres sacrés50, tout comme le Tibet a reçu l’écriture, l’arithmétique, l’astronomie, la musique, la vie urbaine et, pour ses rois, la titulature des souverains du Yémen51. Et pour ce qui est des royaumes de la route birmane, cités plus haut, Ibn al-Faqīh52 a cette phrase, révélatrice par son souci d’évoquer de grands espaces tout en les ramenant au critère d’une civilisation incontestable : « Il y a, entre Inde et Chine, trente rois dont le plus modeste détient à lui seul autant que le roi des Arabes. »
25Plus haut que tout, pourtant, l’Inde et la Chine. Elles écrasent de leur masse le continent et les récits. Encore faut-il noter que cette masse n’est pas homogène : la Chine pèse par ses hommes et l’Inde par ses terres. « L’Inde est plus vaste que la Chine, deux fois plus, mais la Chine est plus peuplée53. » Tout est là. D’un côté, des villes, « des villes partout », une population en pleine vitalité, bref, le thème de la fourmilière, déjà : « la Chine tout entière est peuplée et cultivée... Elle a l’air le plus sain, le moins fait pour les maladies, et l’on n’y voit guère de ces aveugles, borgnes ou infirmes si nombreux en Inde54. » Mais l’Inde, il est vrai, a ses compensations : fût-ce à grands coups de déserts, ce pays sans ville ou presque couvre un territoire immense55, tout ce qui va, au fond, jusqu’aux approches continentales de l’archipel de la Sonde56. Et que de rois ! Cachemire, Goudjerat et Kanauj, Djâba57. Bengale, Assam, et même Birmanie ou Cambodge, autant de pays, autant de couronnes, que domine la plus grande, celle du Ballaharâ ou roi des rois, auquel les autres souverains de la mouvance indienne concèdent la prééminence, fût-elle de principe. Le Ballaharâ est installé dans la partie occidentale du Dekkan, le Komkan, mais on ne prête qu’aux riches : son domaine est agrandi, dans les imaginations, jusqu’à s’étendre continûment vers la Chine58.
26Deux vastes pays, donc, ou plutôt deux mondes. Une série de notations témoigne de l’importance qu’on leur prête. Le souci de préciser leur position sur la carte, d’abord : la même géographie qui parle froidement du littoral du Tibet se comporte de façon infiniment plus raisonnable dès qu’il s’agit de situer la Chine, entre l’Inde, le Tibet, les Turcs et la mer, ou l’Inde, entre le Tibet, le Hurāsān et le Sind, « du côté des montagnes », entre le Sind et les îles de la Sonde, du côté de la mer59. Le statut international des deux géants de l’Asie est à leur mesure : on sait que l’empereur chinois ou Baġbūr (Fils du Ciel) et le Ballaharâ trônent parmi les cinq grands rois du monde60, et le vieux thème chinois de l’Empire du Milieu affleure çà et là, plus ou moins bien masqué61. Enfin et surtout, prenons garde à une différence d’attitude particulièrement éclairante, selon que l’on parle Inde et Chine d’un côté, ou Afrique de l’autre. Si l’Afrique noire est si mal connue, sans doute est-ce parce qu’on ne s’intéresse guère qu’à ses côtes orientales, à la frange sub-saharienne ou aux légendes des sources du Nil62. Mais c’est aussi, comme nous le verrons63, parce que les traits physiques et l’organisation sociale y composent, aux yeux de Musulmans, un monde infiniment plus éloigné du leur que ne l’était celui de l’Inde et de la Chine. Ici, dans cette Asie majeure, nous sommes en terrain étranger, certes, mais plus solide, dépaysés, oui, mais pas affolés : a-t-on assez remarqué que, pas une fois à notre connaissance, et contrairement à ce qui se passe pour les Zanğ, alors historiquement et, croyait-on, ethnographiquement voués à l’esclavage, les Hindous et les Chinois ne se voient contester, physiquement ou socialement, leur qualité d’hommes64 ?
27S’étonnera-t-on, après cela, que deux mondes aussi imposants fassent tache d’huile, avec un certain avantage, peut-être, en faveur de l’Inde ? On a signalé un peu plus haut le cas des pays de la route birmane et du Tibet, mais ils ne sont pas les seuls : comme le Tibet, la Corée est en relations constantes avec la Chine65, tandis que l’Inde inspire divers traits culturels de l’Annam et du Cambodge66, dispute à la Chine l’influence sur les îles de la Sonde, par l’intermédiaire, notamment de Ceylan, rangée à la fois dans la mouvance indienne et dans celle du roi de Jâvaga67. Les récits des marins-marchands et, par voie de conséquence, les pages qui vont suivre ne pouvaient pas ne pas consacrer la majorité, l’essentiel de leur intérêt aux deux géants de l’Asie.
Physionomie d’un continent
28Les paysages de l’Asie, même les plus farouches, ne se conçoivent pas, on l’a dit plus haut, sans l’homme qui les modèle ou, plus simplement, les médite : bref, qui crée précisément, à partir de la nature, des paysages. D’où l’absence du pittoresque gratuit. Domestiqué, sauvage ou même légendaire, le pays est toujours référé, explicitement ou non, à une utilité, ne serait-ce que celle de la connaissance68.
29Ce point de vue implique, de façon quasi absolue, le pointillisme de la description, qui procède par détails juxtaposés. Aussi les quelques tableaux d’ensemble dont nous disposons n’en prennent-ils que plus de relief : témoin ce texte de Mas’ūdī69 où nous est présenté comme un panorama de l’Extrême-Orient, mais, on va le voir, un panorama timide, où le souci du détail commercial se laisse deviner : « Les mers qui baignent l’Inde et la Chine recèlent des perles en leur sein ; les montagnes qui les bordent produisent des pierres précieuses et possèdent des mines d’or, d’argent et d’étain. Sur leurs rives vivent les animaux dont la gueule fournit l’ivoire. Dans les forêts poussent l’ébène, le bambou, le jonc, le bois « du Brésil », le teck, l’aloès, le camphrier, la noix muscade, le giroflier, le bois de santal ; ces parages produisent l’ambre et toutes sortes d’aromates et de parfums. Parmi leurs oiseaux, on remarque les perroquets blancs ou verts, ainsi que des paons très variés de taille et d’aspect, dont quelques-uns ont la stature de l’autruche... »
30Mieux réussie incontestablement, et d’un lyrisme plus soutenu, cette évocation du Cachemire70 : « C’est un grand royaume, qui ne renferme pas moins de soixante-dix mille villes ou villages. Il est inaccessible, excepté d’un côté, et l’on n’y peut pénétrer que par une seule porte. En effet, il est renfermé entre des montagnes escarpées et inabordables que personne ne saurait escalader puisque les bêtes fauves même n’en atteignent point les sommets et que les oiseaux seuls peuvent y parvenir. Là où les montagnes cessent, il y a des vallées impraticables, d’épaisses forêts, des jungles et des fleuves dont le cours impétueux est infranchissable. » Plus sobre enfin, mais tout aussi pertinent, le tableau des îles de la Sonde71 : « Les coqs chantant dans les arbres s’y répondent à cent parasanges, à cause de la continuité des terrains cultivés et du bel arrangement des campagnes, que n’interrompent ni déserts ni ruines72. Les voyageurs s’y déplacent sans provisions et descendent où ils veulent. »
31Le plus souvent, il faut y insister, la touche reste sèche et participe du pointillisme signalé : ainsi en est-il pour les rivages bordés de cocotiers, qui sont aux îles ce que le palmier est au paysage arabe73. Mais surtout, la description des terres ne se dégage pas des préoccupations mêmes des auteurs : un commerçant déguisé rode toujours dans les textes, attentif, comme pour la Chine et les îles de la Sonde, à la richesse d’un pays, au volume de sa population et donc du marché possible, aux commodités dont dispose le voyageur, enfin. Vu sous cet angle, le paysage peut se réduire à un échiquier d’obstacles et de facilités.
32Facilités d’abord : les fleuves, les grands et puissants fleuves de la Chine, qui portent l’eau douce jusque dans la mer74, et ceux de l’Inde : pour être plus brièvement évoqués, l’Indus et le Gange n’en viennent pas moins du Paradis75, et ils sont d’une taille considérable : l’Indus s’apparente au Nil76 et le Gange mesure quatre ou cinq cents parasanges de long77. Et que dire d’un des thèmes courants de cette littérature, à savoir les gobb-s de Ceylan, en réalité : de la côte de Coromandel, en face de l’île, estuaires de « grands fleuves », « où l’on pénètre » et « où le flot et le jusant se font sentir avec force78 ? ».
33Les obstacles, ce sont les montagnes, la monumentale barrière « escarpée et blanche de neige79 », que l’on escalade du côté du Hurāsān, de la Chine, du Tibet, de la Birmanie et de l’Inde. Thème obligé : l’altitude à laquelle s’enlèvent les passes, jalousement gardées80.
34La démarche du voyageur consiste à jouer, chaque fois que possible, l’un contre l’autre le fleuve et la montagne. Bien sûr, on ne réussit pas à tout coup. Il arrive que le fleuve, mal disposé envers l’homme, ajoute par sa propre humeur à la compacité des terres, comme sur ces eaux impétueuses du Cachemire, que l’on vient d’évoquer, et même en ces gobb-s pourtant si ouverts, mais où les serpents et les crocodiles, sans parler des pirates, viennent vous rappeler que rien n’est acquis d’avance81. Mais c’est là l’exception : pour pénétrer dans le continent, l’estuaire des grands fleuves reste la voie royale. Haut lieu de ce dialogue que les portes de Chine, « fentes entre les montagnes », par où le navire s’avance dans les terres : sept jours de navigation entre ces murailles, et l’on débouche enfin sur un grand plan d’eau douce82.
35Il faut évidemment des pluies à la mesure de ces fleuves. Et de fait, l’eau du ciel, « abondante en Inde comme en Chine »83, envahit le paysage et résume, pour les auteurs, la définition du climat. Voici le typhon, vu par la Relation84 : « Il y a parfois sur la mer un nuage blanc qui projette une ombre sur les navires et d’où sort une langue longue et mince qui finit par rejoindre l’eau de la mer, la faisant bouillonner comme bouillonne une marmite : c’est comme une trombe de poussière, et si cette trombe saisit un navire, elle l’engloutit. Puis le nuage s’élève et déverse une pluie abondante à laquelle sont mêlés des embruns. » La mousson est plus spectaculaire encore : la Relation note ses directions et les effets de son déchaînement sur les mers, qu’elle embrase au sens propre du terme, drossant jusqu’aux côtes pêle-mêle navires, ambre, poissons et même rochers85. Ibrāhīm b. Wasīf Sāh, dans l’Abrégé des merveilles86, est tout aussi fasciné : « Souvent, les nuages obscurcissent le pays pendant des jours et des nuits, la pluie tombe continuellement, et ni les poissons ni les bêtes ne se montrent plus. » Mais les hommes pas davantage : « L’été, la saison des pluies, écrit Abū Zayd as-Sīrāfī87, dure trois mois sans interruption, nuit et jour... Auparavant, les Hindous préparent des provisions de vivres. Lorsque la pluie commence, ils s’installent dans leurs maisons qui sont construites en bois, avec des toits épais et recouverts de chaume. Personne ne se montre hors de chez soi, sauf en cas d’affaire importante. C’est pendant cette période de réclusion forcée que les artisans et ouvriers se livrent aux travaux de leur métier. A cette époque, l’humidité est telle qu’elle fait parfois pourrir la plante des pieds ; mais la pluie fait vivre les gens du pays, car s’il ne pleuvait pas, ils mourraient. »
La nature : une terre précieuse, de pierre et de métal
36« Dans les contrées orientales, écrit Mas’ūdī88, la terre comme la mer, le règne animal comme le règne végétal présentent des caractères qui leur sont propres. » Cette réflexion inspirera notre démarche : on n’entrera ici89 dans le détail des trois règnes que pour telle espèce particulière à l’Extrême-Orient, ou encore, s’agissant d’une espèce connue dans le monde musulman90, que pour telle ou telle de ses singularités dont l’Extrême-Orient détient l’apanage. Une exception toutefois : la mer, qui, musulmane ou étrangère, est à elle seule un monde à part, dont il faudra traiter en bloc91.
37Cette réserve faite, le principe de description posé par Mas’ūdī suffit à montrer, dans sa sécheresse et comme en une évidence allant de soi, à quel point l’étranger s’installe dans les mentalités du temps sur le double mode du dépaysement et de la référence : car qui dit singularité dit singularité par rapport à quelque chose de connu, qui dit nature exotique dit nature implicitement confrontée à celle du monde de l’Islam.
38Prenons les métaux précieux. Dieu sait si l’Islam médiéval les connaît, et les dévore ! Rien d’étonnant, donc, que l’on nous dise où en trouver : l’or à Ceylan, dans les îles et, concurremment avec l’argent, en Inde, au Siam, en Malaisie, à Sumatra et en Chine, où il n’est pas monnaie, mais simple marchandise92. Mais l’étranger prête à ces matières très recherchées un peu de son merveilleux : ainsi pour les écueils d’argent, qui fondent au feu93, ou pour l’or, qui pousse comme une plante dont on extrait les racines94.
39De même est soulignée la richesse de l’Extrême-Orient en ces produits de haute et riche consommation que sont les pierres précieuses : un thème domine, celui de Ceylan, pourvoyeuse de rubis, émeraude, topaze, saphir, diamant, perle et cristal95. Ici, le merveilleux ne s’attache pas aux origines, mais aux procédés d’extraction : la nature, et la nature seule, vent ou mer, se charge parfois de dégager les gemmes de leur gangue pour les livrer toutes pures aux hommes96, comme elle le fait aussi pour l’ambre, déposé sur les rivages97. Insatisfaite, la légende renchérit encore et corrige la honteuse facilité de la cueillette des trésors : au Cachemire, dans les îles ou sur la côte de Coromandel, les diamants sont cachés dans une vallée que gardent les serpents et le feu. On ne les obtient qu’en lançant du haut des montagnes, avec des frondes, quelques quartiers de viande que les vautours s’en vont chercher. Si la chance est de la partie, l’oiseau emporte les diamants collés à même la chair ravie ; on le suit dans son vol, et parfois la fortune tombe du ciel ; sinon il faut poursuivre jusqu’au nid du rapace98.
40Contre-épreuve : les métaux utilitaires. Plus que le plomb ou l’étain du Siam et de Malaisie99, ou que le cuivre importé en Chine pour les besoins de la frappe des monnaies100, le fer vaut d’être médité : il inverse en effet le courant des échanges et témoigne de l’arbitraire qui préside aux conventions et aux usages des sociétés : contrairement à l’or et à l’argent, que l’Islam importe, le fer transforme, dans les îles, ce même Islam en exportateur, et il constitue, pour les populations des Nicobar, ce « capital »101 que le monde musulman demande, lui, aux métaux précieux.
41Miracles des minerais : le fer compose à lui seul des montagnes puissantes, qui attirent à elles les vaisseaux pour peu qu’on n’ait pas pris la précaution de les construire tout entiers de bois, ou renversent les cavaliers et leurs montures102. D’autres pierres déplacent le plomb, le cuivre ou l’or, facilitent les accouchements, éteignent le feu, coupent la respiration, jusqu’à les faire mourir, aux hommes qui passent près d’elles103. Un pas de plus, et ces pierres qui animent sont elles-mêmes animées : de l’une d’elles, brisée, sort un ver duveteux, qui se met à ramper, sur une longueur de dix coudées, et meurt104.
La nature : le bestiaire sauvage
42On discerne à cet exemple un principe de l’histoire naturelle du temps : l’absence de césure radicale entre les règnes. Mais ce qui est ailleurs axiome scientifique105 peut, tout aussi bien, devenir source de merveilleux dès qu’un auteur s’en montre friand ou que, en reculant vers les limites du monde, la connaissance, de plus en plus floue, se prête à de pareils jeux. Déjà, en cet Extrême-Orient qui mène aux contrées légendaires106, la nature commence à se travestir : dans ces pays où s’entend la rumeur des marchés des djinns107 et où rôde l’ombre de Polyphème, anthropophage et violeur de brebis108, on n’est plus très sûr de ce que l’on voit, et l’écriture hésite à décrire fermement : tantôt, elle lâche un nom, sans préciser l’être qu’il recouvre109, sinon que par ses méfaits ; d’autres fois, elle esquisse, mais à peine, par exemple d’étranges « créatures qui ont forme humaine, parlent un langage incompréhensible, mangent et boivent »110, ou des chats ailés à la manière de chauves-souris111, ou encore de grands oiseaux nichant dans des paysages amphibies, sur lesquels leur venue fait se taire le vent112.
43L’oiseau roc (ruẖẖ), vrai ou légendaire, celui des voyages de Sind-bād le Marin, est présent lui aussi, prêt un peu partout à transporter d’île en île, parfois sur deux cents parasanges, l’homme accroché à ses pattes. Il est, lui, l’oiseau géant et absolu, et son thème court tout au long des Merveilles de l’Inde : les hampes des plumes d’un pareil monstre, gros comme un taureau, un buffle ou un éléphant, peuvent servir de cuves à eau, et sa chair rend aux cheveux blancs la couleur de leur jeunesse113. Mais quel oiseau n’est pas de légende, pour qui veut voir tout avec ces yeux-là ? En voici un qui est, par sa petitesse, l’antithèse de l’éléphant114, et un autre qui bâtit son nid sur les eaux, y couve ses œufs pendant quarante jours, puis les jette à la mer et s’en va attendre sur le rivage, vingt autres jours, que les petits l’y rejoignent115. Voici encore, d’un bout à l’autre des rivages de l’Orient, l’étrange ballet de deux pigeons, le plus petit, le guwānkark, agaçant le plus gros, le garsī, lequel, pour se défendre, lâche sa fiente dont l’autre se nourrit goulûment116. Voici enfin toute la gamme des perroquets, les blancs, les rouges, les jaunes et les verts, qui peuvent reproduire le langage le plus correct, qu’il soit arabe, persan, grec ou indien117.
44Quittons les airs et passons à la terre. Les insectes sont absents ou à peu près ; seule apparaît la fourmi géante de Sumatra118. Les serpents sont beaucoup mieux représentés : 3 120 espèces pour l’Inde seule119. Énormes comme des arbres, ils avalent les buffles, les crocodiles, les éléphants et, bien entendu, les hommes, la frayeur qu’ils inspirent suffisant à faire déserter des villages entiers120. Ailleurs, leur odeur, portée par le vent, tue les animaux sur trois parasanges à la ronde, force les hommes à se réfugier en mer121. Leur fascination, cependant, a d’étranges faiblesses et peut se retourner contre eux : d’un homme et d’un serpent qui se rencontrent, quelque part aux pays du Ballaharâ, celui qui est le premier à voir l’autre meurt122. Mais tous les serpents ne relèvent pas de ce cycle merveilleux : le même contexte nous présente une petite hydre à deux têtes et des notations fort pertinentes sur les effets du venin, leur traitement par la magie et, surtout, le terrible naja (nāgarāna) : « il a sur la tête des points disposés en forme de croix ; il est vert. Il lève sa tête à une ou deux coudées du sol, selon sa grosseur, puis la gonfle, ainsi que ses tempes, jusqu’à lui donner le volume d’une tête de chien. Quand il va vite, on ne peut pas le rattraper ; quand il attaque, il ne manque pas son but et, quand il pique, il tue123. »
45Le crocodile est bien connu du monde musulman, notamment de l’Égypte. On le trouve ici dans les eaux de l’Indus124, sur les côtes indiennes et aux îles de la Sonde. Sa seule particularité en Extrême-Orient est de vivre sans la compagnie de l’oiseau préposé par la nature à lui nettoyer les dents125. Connus aussi le scinque (saqanqùr), saurien dont la graisse serait employée comme aphrodisiaque126, le loup, qu’on trouve en Chine, le tigre, en Chine et en Inde127, et une sorte de guépard, le zabraq, extraordinairement souple, qui tue ses ennemis, éléphant compris, par un jet d’urine, à condition toutefois de ne pas manquer son but, sinon c’est lui qui meurt, dans un cri étrange et des flots de sang128. L’absence du lion est notée129. Les singes inspirent tout un cycle d’histoires qu’on reprendra ailleurs130, car elles ne sont pas spécifiques de l’Extrême-Orient131. Un seul détail peut être rapporté à ce contexte géographique, en l’occurrence l’Indonésie : les singes y sont blancs et énormes, de la taille d’un buffle132.
46Le roi de la jungle, c’est le rhinocéros de l’Inde et de Sumatra : roi sans contredit, puisque le lion, et même l’éléphant quand il n’est pas en rut, fuient devant lui. Ruminant comme le bœuf, il est « tout d’une pièce », sans articulation aux pattes : dans l’incapacité de s’accroupir et de se coucher, il doit, pour dormir, prendre appui sur les arbres de la jungle. La femelle porte sept ans, « durant lesquels le petit sort la tête du ventre de sa mère pour paître, et l’y rentre ensuite. » La discussion reste ouverte sur le nombre de cornes : contrairement à l’avis le plus répandu, Ibn al-Faqīh tient pour deux, l’une servant à tuer, l’autre à arracher l’herbe dont il se nourrit. Unique ou non, en tout cas, cette corne est merveilleuse : fendue, elle laisse apparaître, en blanc sur fond noir ou l’inverse, l’image d’un homme, d’un paon ou d’un poisson : d’où son succès auprès des Chinois, qui l’utilisent pour confectionner des plaques ou boucles de ceinture133.
47Au bestiaire sauvage, les hautes terres entre Inde et Chine fournissent les animaux à fourrure134, le yak135 et un extraordinaire animal à parfum : le chevrotain porte-musc. Sa légende éclipse, et de très loin, celle du zibet au pelage tigré, « aussi commun dans l’Inde que le chat en pays musulman », et dont les mamelles donnent « un singulier parfum », très fort, que d’aucuns nomment lait136. Le chevrotain, lui, ressemble à la gazelle, mais il a deux canines, placées comme les défenses d’un éléphant et longues parfois d’un empan. Il paît volontiers les herbes odorantes du Tibet ou du Cachemire et sécrète le musc, sous la forme d’une humeur qu’il laisse aux rochers où il se gratte, quand elle devient trop gênante ou, pour mieux dire, quand la poche ombilicale où se rassemble le musc est parvenue à maturité, comme un fruit. Un pareil animal porte la fortune avec lui : on le chasse au filet, au lacet ou aux flèches et, sur la bête morte, on ouvre la précieuse vésicule. Ou bien on recueille le musc séché sur les rochers. Ou bien encore, pour attirer le chevrotain alourdi, on dispose une sorte de borne, rocher d’un nouveau genre, mais plus alléchant137.
La nature : le bestiaire domestique et l’éléphant
48Avec le singe, qu’il peut dresser à des usages domestiques138, mais aussi avec le rhinocéros, qu’il chasse pour sa corne, le yak139 ou les bêtes à parfum, l’homme étend sa loi jusqu’à certaines régions du bestiaire sauvage. Pourtant, son intervention massive se situe ailleurs : moins dans la basse-cour, presque absente, du moins de nos textes, qu’en direction des animaux d’agrément, de charge ou de trait.
49Le seul représentant de la basse-cour est la « dinde »140. Le coq, abondant aux îles de la Sonde, est déjà un animal d’agrément : on l’élève souvent pour les combats, enjeux de paris énormes141. La chasse, plaisir souverain, se mène avec les fameux lévriers sloughis142 et surtout les faucons blancs, à l’occasion crêtés de rouge143. L’agrément pur est représenté par le paon144, « très varié de taille et d’aspect », parfois rouge ou tacheté de blanc et noir, et qui peut atteindre à la grosseur de l’autruche145.
50L’âne est connu en Chine, le cheval, sous des espèces non arabes, en Chine et, un peu moins nous dit-on, dans l’Inde où il fournit cependant d’importantes ressources aux armées des princes146. La Chine a le chameau à deux bosses147, l’Inde le dromadaire148 et le buffle, qu’on trouve aussi dans l’Annam ou encore, énorme mais sans queue, à Sumatra149. Petits animaux que tous ceux-là, au regard de l’éléphant, qui est aux bêtes domestiques ce que le rhinocéros est au monde sauvage, et beaucoup plus même : les textes qu’il inspire sont incomparablement les plus nombreux et les plus variés de tous ceux qui composent le bestiaire de l’Extrême-Orient.
51Cette bête merveilleuse habite, en Asie150, tout le domaine indien, entendu au sens large, jusqu’à la Birmanie et à Sumatra, et rien que lui : la Chine, nous dit-on, l’ignore, ce qui est faux151. Au palmarès des particularités physiques, la couleur, blanche, noire, grise ou pie, le cède largement à la taille : neuf coudées de haut, et même dix ou onze, soit l’équivalent de quatre à cinq mètres, voilà qui laisse le rhinocéros loin derrière. Ces dimensions, à elles seules, peuvent expliquer le prix payé pour l’acquisition d’un pareil monument ambulant : dix mille dirhems, soit l’équivalent, au taux idéal, de huit cents à mille dinars-or, l’éléphant moyen, à l’achat, étant de cinq coudées et chaque coudée supplémentaire exigeant le sacrifice de mille dinars152.
52Déjà se devine le thème dominant, à savoir que l’éléphant est tout à fait à part dans la création. Reprenant Aristote et Ğāḥiẓ, les textes notent les traits les plus étranges : la longévité, d’un ou deux siècles ; la durée de la gestation : sept ans ; l’incapacité à se reproduire ailleurs qu’aux Indes et en Afrique ; l’origine, par croisement du porc et du buffle ; la sécrétion, semblable au musc, qui suinte des oreilles au moment du rut, et dont les propriétés énergétiques et aphrodisiaques sont connues ; la folie au moment des amours, qui pousse l’animal à divaguer et à combattre tout ce qui l’approche ; l’habitude de ne boire qu’après avoir troublé l’eau, car sans cela, il semble que l’éléphant s’effraye du spectacle de son énorme image ; la démesure des oreilles et du sexe ; la trompe enfin, qui sert à la nourriture et au combat153.
53C’est l’animal du paradoxe : la grosse bête peut être une bête fragile, peureuse, légère. Ce mastodonte ne résiste pas à la soif, d’où la nécessité, pour les armées qui l’emploient, de faire la guerre en hiver ; hormis l’époque du rut, où rien ne l’arrête, il fuit devant le rhinocéros, peut succomber sous l’attaque du serpent ou l’urine du zabraq, et il a des chats une peur si grande qu’il suffit d’en lâcher quelques-uns sur le front de l’armée ennemie pour que les éléphants de celle-ci fassent tourner l’engagement à la débandade ; avec cela, une toute petite voix, et une démarche si légère « qu’on ne l’entend point passer auprès de soi »154.
54Tout cela compose, disions-nous, un animal à part, qui ne se range dans aucune « des quatre seules classes animales, savoir : ce qui nage, ce qui rampe, ce qui marche et ce qui vole »155. Que faire alors de l’éléphant ? Rien, en réalité, puisque son classement est escamoté, mais on voit bien à quoi tendent les textes : à le ranger le plus près possible de l’homme. Comme nous, les hommes, l’éléphant a ses qualités et ses défauts, ou, plus exactement, il a nos qualités et nos défauts d’hommes. Il est noble, constant, intelligent, il est maître de lui devant l’injure, attentif, volontiers rancunier, ferme dans son entêtement et ses haines ; sa gaîté « le distingue des autres animaux », et il a des délicatesses de civilisé, de musulman même : il répugne à couvrir une femelle pleine, fuit le porc et, si son arrivée inopinée fait s’évanouir une femme en chemin, il répare vertueusement, de sa trompe, l’impudicité involontaire où la chute a pu mettre la toilette de sa victime. Domestiqué, il porte un nom et comprend le langage des hommes. En bref, il est à la limite de la parole, ce signe éminent : il la posséderait, nous dit-on, si, contrairement à tous les autres animaux, sa langue n’était curieusement fixée dans le mauvais sens, avec la pointe en direction du gosier. Dans l’optique ğāḥiẓienne du texte de Mas’ūdī, auquel on emprunte ce tableau presque humain, tout se passe, on le voit, comme si le Créateur, soucieux de réserver à l’homme sa place singulière et imprenable, avait sagement refusé d’aller jusqu’au bout avec un animal trop doué156.
55Tout comme il est à part dans le règne animal, l’éléphant est à part dans le bestiaire domestique : s’il est de celui-ci le plus beau fleuron, il ne renonce pourtant pas tout à fait à la vie sauvage : un même texte157 peut, sur ce point, se contredire allègrement. La clé de ces hésitations est donnée par un texte purement littéraire, les fables de Kalila et Dimna : « l’éléphant, vu son éclatante beauté, ne peut désirer que deux situations : vivre la vie sauvage du désert ou servir de monture aux rois158. » Au reste, seule l’Inde a su le domestiquer159, mais avec quel succès ! Ici, le cuir, pour les boucliers, et l’ivoire, d’ailleurs moins abondant qu’en Afrique, où les défenses sont plus grosses160, importent moins que les services demandés, et d’abord ceux de la guerre : caparaçonné de fer et de liège, un sabre à la trompe, un seul éléphant peut lutter, avec l’aide de cinq cents hommes d’escorte, contre cinq à six mille cavaliers. Montures des rois, seuls sont réservés aux armes les animaux qui ont subi victorieusement l’épreuve du passage des brasiers. Les autres font le ménage ou s’occupent aux champs : ils balayent, arrosent le sol, broient les grains à la meule, puisent l’eau avec le seau et la corde, vont chercher eux-mêmes leur fourrage, portent des fardeaux et tirent des chariots, font le marché en contrôlant la marchandise qu’on leur donne. Le tout est fait avec une incroyable bonhomie, et même de la tendresse : un enfant peut les monter, et leur cornac161 peut toujours compter sur leur affection, et sur leurs larmes quand il meurt162.
La nature : des arbres et des plantes utiles
56Imagine-t-on une nature où l’homme soit plus présent ? Nous venons de le voir dompter, utiliser et même inspirer les bêtes. Le voici maintenant qui s’attaque aux plantes : pas un arbre, pas une herbe qui ne servent ses intérêts. Tous ceux que les textes évoquent ne sont là que pour l’aider : à se nourrir, à se soigner, à s’embellir. La flore se résume à la forêt utile, au potager et au verger. Et d’entre tous les trésors qui convient nos sens à la fête, ce sont les parfums et les goûts qui dominent, dans l’odeur des bois coupés, la fraîcheur des feuilles qu’on respire ou la saveur d’un fruit fondant.
57La forêt est à vrai dire absente ou, plus exactement, l’arbre nous la cache, que le bûcheron a marqué : l’ébène, d’abord, et le teck, arbre immense, « plus haut que le palmier, plus volumineux que le noyer, et qui peut abriter sous ses branches un grand nombre d’hommes et d’animaux163. » Au-dessous de ces deux ténors, des inconnus, avec lesquels, peut-être, nous quittons le domaine sauvage : le darzanğī et un arbre dont les fleurs portent écrite, en blanc sur le fond rouge des pétales, la formule de la profession de foi musulmane164.
58Vient ensuite la gamme des bois et résines odoriférants, tinctoriaux ou médicaux : le santal165, le brésil (baqqam)166 et puis le bois (‘ūd) par excellence : non pas l’aloès, qui est d’Afrique ou d’Amérique, mais les « bois d’aloès », très chers et très tendres : agalloche ou bois d’aigle167 ; enfin, le camphrier, sur lequel les auteurs s’attardent plus volontiers : arbre gigantesque lui aussi, dont l’ombre couvre cent personnes en moyenne ; on pratique sur son tronc, en commençant par le haut, des incisions par où s’écoule sa « gomme ». Le camphrier produit beaucoup, surtout dans les années d’orages, de tremblements de terre ou de chutes d’aérolithes, mais il paie cher sa générosité : la récolte faite, il se dessèche et tarit168.
59Voici maintenant, droites mais à l’occasion flexibles jusqu’à toucher terre, les tiges des joncs, des roseaux, des bambous et de la canne à sucre169. Et puis le cortège des feuilles, des fleurs, des fruits et des racines : pour la médecine, les simples, sans plus de précision170 ; pour l’artisanat, l’indigo, le coton et le mûrier de Chine171 ; pour les parfums, le nard, l’œillet et la rose du jardin enchanté de Jâvaga, la rose flamboyante qui prend feu dès qu’on l’en retire172 ; pour la cuisine enfin, tout l’arsenal des épices : cubèbe, noix muscade et macis, cardamome, safran, girofle à la fleur sèche mais vivace, embaumant comme « un souffle de paradis »173, et enfin, bien entendu, le poivre, que la nature, visiblement, nourrit et protège pour les besoins des hommes : car si le pied du poivrier reste toujours humide, chaque grappe est sauvée de la violence des eaux du ciel par une feuille qui s’abaisse sur elle au moment de la pluie et se relève avec le retour du beau temps174.
60Au chapitre des nourritures de base, relevons tout d’abord l’assertion de Maqdisī, selon lequel les Chinois cultivent essentiellement les plantes nutritives175, et constatons que, dans nos textes, le champ est, de très loin, moins bien représenté que le jardin et le verger. L’orge n’apparaît, semble-t-il, que par hasard176. Le blé est noté, concurremment avec le riz, comme l’aliment de la Chine, où il fournit notamment le pain de froment des princes. Le riz, lui, règne en maître sur tout le domaine indien, où sa croissance s’effectue pendant la saison des pluies, quand les tiges traînent sur un sol gorgé d’eau. Il est en tout cas, ici ou là, une nourriture essentielle, qu’on accommode de sauce, et aussi une plante à tout faire, qui donne vinaigre, alcool, confiture et une série d’autres aliments non précisés177.
61Dans ce panorama, un absent de marque, ou du moins un minoritaire : le thé, qui n’a pas encore conquis l’Asie. Un seul texte, la Relation178, signale sa présence en Chine, où il est un des piliers de l’impôt : on l’y boit « avec de l’eau chaude », que l’on fait bouillir et que l’on verse dessus. La plante, appelée sāh, « a plus de feuilles que le trèfle, est un peu plus parfumée que lui, mais amère. » « On en vend dans chaque ville pour des sommes considérables. » Et le texte de conclure, sur un mode sibyllin et résolu : « les Chinois en tirent utilité pour tout. »
62Jardin et verger présentent des plantes et des fruits pour la plupart connus. La Relation179 énumère, à propos de la Chine : pomme, pêche, cédrat, grenade, coing, poire, banane, canne à sucre, melon, figue, raisin, concombre, lotus, noix, amande, noisette, pistache, prune, abricot, sorbe et noix de coco. Entre ce paysage domestiqué et celui que connaît l’Islam, les différences et les ressemblances sont signalées : Ibn al-Faqīh180 déclare par exemple que la Chine ignore le raisin et, tout comme l’Inde, le palmier. La Relation est un peu plus explicite : « Ni la Chine ni l’Inde n’ont de dattiers, mais elles ont les autres arbres fruitiers et aussi des fruits qui sont inconnus chez nous. Aux Indes, il n’y a pas de raisins ; en Chine, il y en a peu ; mais les autres fruits abondent chez eux. Les grenades abondent davantage aux Indes181. » La mesure des rapprochements et des dissemblances est donnée par le cocotier : sans doute est-il une sorte d’arbre-miracle, qu’on ne voit que sur ces rivages lointains de l’océan Indien : outre la noix et le vin de palme182, il donne, convenablement débité, tout un navire : le bois fait la charpente, les mâts et les vergues ; les feuilles tressées, les voiles ; les fibres, les câbles de commande et aussi les cordes avec lesquelles on assemble bord à bord les planches de la coque ; les noix enfin, la cargaison183. Mais tout cela n’empêche pas que l’arbre soit traité en parent familier : « En fait de palmiers, écrit Mas’ūdī184, ces îles sont plantées de cocotiers qui ressemblent en tous points aux palmiers, mais ne portent pas de dattes. Parmi les savants qui s’occupent des croisements des animaux et de la greffe des arbres, il en est plusieurs qui prétendent que le cocotier n’est autre que le palmier appelé muql, lequel, sous l’influence du sol de l’Inde où il a été transplanté, est devenu cocotier. »
Les hommes : simplicité et incertitude des thèmes raciaux
63Après le bestiaire et la flore, où il intervient tant et tant, nous voici arrivés à l’homme. La sensibilité aux thèmes physiques et raciaux, comme il est normal pour des récits qui touchent encore, par bien des traits, à l’exploration, est présente en nombre de pages, mais selon des classements élémentaires où, d’ailleurs, le mot même de race n’apparaît pas. Le clivage essentiel oppose les Noirs au reste de l’humanité. Par noir, il faut entendre le noir absolu, qui désigne adjectivement (sud, sūdān) les habitants de certaines îles, et eux seuls185. Cela posé, on ne saurait, à propos de cette négritude asiatique, définir aucun autre trait pertinent, de nature ou de culture : ni la nudité, ni les cheveux crépus, ni l’anthropophagie186.
64Le panorama des principaux pays fait apparaître, face au noir, quatre autres couleurs : le blanc, le jaune, le rouge et le brun. Au reste, ce sont là, avec le noir, moins des couleurs que des gradations dans l’effet du soleil sur les êtres au fur et à mesure qu’on se rapproche du midi187. Les Chinois, nous dit-on, ont le teint blanc, tirant sur le jaune ou le rouge, avec des cheveux extraordinairement noirs, ou encore, selon d’autres, vermeil, avec des cheveux blonds. Ils sont en général imberbes et grands, ont la face ronde et le nez écrasé188. Le type chinois se dilue peu à peu lorsqu’on glisse vers la Corée, dont les habitants sont donnés pour blancs189, l’Annam, où l’on a le teint brun190, le Tibet191 et l’Inde.
65Les Hindous en effet sont bruns192, tantôt assez foncés pour qu’on établisse un parallèle entre eux et les Noirs en général193, tantôt plus clairs et même résolument blancs quand on pousse vers le nord : Cachemire ou Assam194. L’Inde est le pays des moustaches et barbes longues : jusqu’à trois coudées, soit l’équivalent d’un mètre et demi195. Les femmes y sont particulièrement belles, et leurs cuisses si vigoureuses qu’elles peuvent, en les serrant au plus secret de leur intimité, casser une noix d’arec196.
66Quant au Tibet, c’est, on l’a dit197, un pays intermédiaire, dont les habitants ont l’habit chinois, la peau brune de l’Inde et le nez épaté des Turcs198. On a signalé aussi leur gaîté grave, leur sérénité. Seul, Ya’qūb !199 fait entendre une note discordante : les Tibétains, « du fait de la médiocrité du climat et de la nourriture, ont leurs couleurs altérées, un corps chétif et des cheveux crépus. »
67Restent les îles. Les Andāmān et les Mergui sont peuplées de noirs, avec des cheveux crépus, un visage affreux, de grands pieds et un sexe démesuré : une coudée ou presque200. En contraste avec eux, et contrairement à ce qu’on pourrait attendre sous des latitudes aussi méridionales, les Nicobariens sont blancs de teint et imberbes201. Plus loin vers l’est, enfin, aux îles volcaniques de la Sonde, on trouve des blancs « aux oreilles fendues et à la face tannée comme un bouclier, aux cheveux taillés en bandes étagées comme les poils d’une d’outre »202.
68Ce dernier trait, et quelques autres que le lecteur aura pu relever au passage, attestent suffisamment que nature et culture ne sont jamais séparées. Mieux vaut décidément, pour cette Asie étrangère, parler peuples que races, anthropologie, même balbutiante, plutôt qu’ethnographie. Comme on l’a déjà laissé entendre203, ce sont les niveaux et les types de culture, et non les caractéristiques physiques, qui font les distinctions — et aussi les hiérarchies — entre les pays. Aussi bien, dès que l’on parle hommes204, ce qui se détache en plein relief dans nos textes, ce qui sonne clair dans la description, c’est l’analyse seconde et non l’observation première : non pas ce que l’œil, facilement conquis ou Abusé, voit d’abord, je veux dire les traits corporels, trop souvent incertains, fugaces, mobiles, mais ce que déchiffre une observation quotidienne, répétée et patiente, ce que l’intelligence, venant après l’œil, médite, à savoir les usages. Et si la Chine et l’Inde — puisqu’il s’agit surtout d’elles — dominent le continent asiatique, elles le doivent non pas aux caractères de races aléatoires, mais à la vigueur avec laquelle, loin au-dessus de celles de tous les autres pays, se détachent leurs institutions.
Les hommes : les thèmes des échanges
69En matière de commerce, la curiosité de l’Islam est pleine de sous-entendus. Tous les produits cités en effet, ou presque tous, qu’ils viennent du sol, de la plante ou de la bête, ont, c’est l’évidence, vocation à prendre le chemin de Bagdad ou du Caire, pour ne parler que d’elles. Cela va de soi, et ne se dit pas : quand Mas’ūdī par exemple, depuis ces terres musulmanes où il écrit, énumère les produits de l’Asie205, la liste donnée a valeur, à elle seule, d’estampille d’importation. Celle-ci n’intervient que rarement de façon explicite206. A plus forte raison, dans cette optique égocentrique du commerce, ne notera-t-on qu’épisodiquement les objets qui circulent en sens inverse, comme l’ivoire, l’encens, l’écaillé, le cuivre et la corne de rhinocéros, que la Chine demande, ou tel parfum qui arrive, depuis le Sind, aux îles de la Sonde207.
70On peut s’étonner de ces carences : un marchand, en effet, ne doit-il pas connaître d’avance ce qu’il emportera dans ses cales pour l’aller revendre au bout du monde, et dans quel pays, à l’exclusion de tel ou tel autre, il pourra acheter, en échange, tel ou tel produit déterminé ? Mais le fait est là : un vieil ouvrage spécialisé, comme La Clairvoyance en matière commerciale (Kitāb at-tabaṣṣur bi t-tiğāra), lequel détaille les produits par pays de provenance208, n’a guère fait école. Les notions de cet ordre se diluent dans les œuvres postérieures, s’intégrant par exemple, comme autant d’articles d’un savoir dispersé, dans les encyclopédies ou les livres d’adab209. Pour peu qu’on y réfléchisse, au reste, le phénomène est explicable : le commerce, une fois rassemblées — fût-ce, dans les débuts, par le livre — les données pratiques sur lesquelles il se fonde, le commerce donc est affaire d’habitudes, non de théorie livresque, d’expérience collective, orale et renouvelée, non de traités codifiés une fois pour toutes. La culture peut en intégrer les thèmes principaux, les traiter selon ses modes propres, le commerce, lui, continue de tourner en dehors d’elle. Ainsi comprendrons-nous pourquoi il nous faut remonter aux zones les plus anciennes de cette littérature pour trouver les seuls textes qui systématisent quelque peu la mention conjointe des produits et de leur provenance, et donc qui ébauchent un véritable panorama du commerce, au moins dans le sens Extrême-Orient-Islam : il s’agit, en l’espèce, du Kitāb at-tabas-sur bi t-tiğāra, déjà cité, et du Kitāb al-masālik wa l-mamālik (Les Routes et les Royaumes), d’Ibn Hurdādbeh210.
71Le tableau donné par Ibn Hurdādbeh211 est sommaire : 38 articles pour tout l’Extrême-Orient. L’historien ne manquera pas de récuser ce témoignage : il s’agit là, c’est vrai, d’une simple conclusion aux développements sur les mers et les pays d’Asie, d’un résumé jeté en vrac, à la diable dirait-on. Mais le témoignage, précisément, est incontestable dans la mesure où remontent ainsi, à la surface, les produits les plus marquants. Or, qu’en est-il ? Plus du tiers des notations portent sur les aromates212, épices ou drogues. Suivent, à parts à peu près égales, les trois catégories des vêtements de luxe, soieries notamment, des métaux et pierres précieux, des bois. Enfin, en queue de liste, les produits cités une seule fois213. La même domination du premier poste de ce commerce lointain se retrouve avec Ibn al-Faqīh214, chez lequel l’adab accuse encore la tendance : huit rubriques sur les dix-huit du total. Mais revenons à Ibn Hurdādbeh et reprenons, dans le corps même de sa description de l’Asie orientale et donc en dehors de tout contexte d’échanges, l’énumération des produits des divers pays215. Sur 83 indications données216, on note, certes, des denrées qui n’interviennent pas dans la liste des importations de l’Islam, par exemple le riz et la canne à sucre, cités respectivement huit et trois fois. Mais l’esprit reste bien le même : 22 citations pour les aromates, épices ou drogues, 11 pour les métaux et pierres précieux ; seuls les bois et les vêtements, avec cinq et trois citations, accusent un fléchissement.
72Venons-en maintenant au Kitāb at-tabassur bi t-tigāra, du pseudo-Gāhiz. Celui-ci porte un grand intérêt aux importations d’animaux vivants : sur 28 produits cités217, fauves, éléphants, chevaux, oiseaux d’agrément ou de proie interviennent sept fois. Mais les aromates, parfums et épices les serrent de très près (six fois), les autres postes-clés étant les vêtements, peaux et fourrures (six fois) et les pierres précieuses (deux fois). Au total, sur l’ensemble des deux ouvrages considérés, ce sont bien les stimulants du goût, de l’odorat ou de la santé qui font figure de rubrique principale en ces échanges avec l’Asie orientale. La tendance, on vient de le dire, s’accuse avec Yadab, et elle se maintiendra longtemps : à l’extrême fin du ive/xe siècle, les Hudūd al-’ālam218, œuvre littéraire, œuvre de cabinet219, donnent par leurs citations, à ces mêmes stimulants, trente points contre seize aux métaux et pierres précieux, ou huit aux vêtements de luxe. Conclusion : plus encore que les minéraux de prix, les étoffes rares, les bois et animaux exotiques, ce sont bien les aromates, épices et drogues qui marquent, en plein contexte économique, les impératifs d’une culture et de ses raffinements, eux qui sont le signe majeur, sinon exclusif, de visées de luxe plus qu’utilitaires, de classe et non de masse.
73Des opérations requises pour l’obtention de ces denrées à haut rendement commercial, la forme brute est le troc, pratiqué aux îles : contre le fer, les marchands de l’Islam reçoivent des noix et du vin de coco, de la canne à sucre, des bananes : simple ravitaillement d’escale, semble-t-il. Et même si l’ambre, le bambou, l’or ou le brésil viennent à l’occasion hausser ces échanges au niveau du commerce véritable, il reste que, comme tout ce qui se fait aux îles, le troc n’est qu’un aspect rudimentaire de la civilisation : il s’opère « par gestes », « de la main à la main », et tourne parfois au détriment des marchands, dépouillés de leur fer sans rien recevoir en échange220.
74Dès que les sociétés s’organisent, la monnaie apparaît : au Bengale et aux Laquedives-Maldives, les cauris, recueillis sur des palmes jetées à la mer, sont la réserve de base du trésor royal et l’instrument normal des échanges : « l’argent », comme le dit la Relation221. C’est avec l’argent, précisément, et avec son compère l’or, beaucoup plus rare, que nos marchands reprennent leurs esprits : ces Musulmans, tenants du principe d’un numéraire lourd, notent, en Inde, sa circulation sous la forme de lingots, pièces ou rognures222. La Chine est plus déconcertante ; écoutons la Relation, dont l’étonnement insistant, devant une monnaie simplement gagée, se complaît dans la redite : « Les transactions des Chinois se font au moyen de pièces de cuivre, bien que leurs trésors soient comme ceux des autres rois. Aucun autre roi ne possède de pièces de cuivre. Ce sont les espèces monétaires du pays. On trouve ici de l’or, de l’argent, des perles, des étoffes brochées, de la soie : tout cela abonde, mais n’est que marchandise, tandis que ce sont les pièces de cuivre qui constituent la monnaie223. » Les justifications d’un pareil système, qui déborde le cadre chinois224, ressortissent à de simples variations dans les critères de valeur des métaux225 ou, inversement, à une exaltation de la valeur traditionnelle de l’or et de l’argent, trop précieux pour être mis en circulation : Abū Zayd as-Sīrāfī leur oppose, en se faisant l’interprète de la coutume chinoise, ces pauvres pièces d’alliage de cuivre, trouées pour pouvoir s’assembler facilement en rouleaux, et dont mille équivalent à un seul dinar d’or fin226.
Les hommes : le pouvoir et ses principes
75La proverbiale sagesse orientale ne se limite pas à l’intérêt. Elle est, d’abord, principe de pouvoir. Une histoire célèbre en donne la mesure : celle d’un jeune roi du Cambodge qui souhaite un jour se voir présenter sur un plat la tête de son puissant voisin, le Maharadja de Jâvaga. Mal lui en prend, car le Maharadja, furieux, envahit les terres de son ennemi, lui inflige le sort dont il avait rêvé pour d’autres, mais laisse en paix le pays et le sage vizir qui avait tenté de dissuader son jeune fou de monarque : « Cherchez maintenant quelqu’un qui puisse faire un bon roi », conclut le Maharadja avant de s’en retourner chez lui, d’où il renverra la tête embaumée du souverain khmer, avec cet écrit : « Nous lui avons appliqué le traitement qu’il voulait nous faire subir... mais ne tirons aucune gloire de la victoire remportée227. »
76La légende, une fois encore, est indice de réalité. Les marchands musulmans notent que tout personnage investi d’une autorité supérieure, roi en Inde ou gouverneur en Chine, ne peut prendre sa charge avant l’âge de quarante ans228. Le même souci de sagesse efficace règle l’étiquette, selon le principe qu’un souverain qui se montrerait trop au peuple, ou trop modestement, y perdrait de sa dignité229. L’isolement du prince est donc la règle à peu près générale, et son exposition aux yeux de ses sujets, très rare, s’assortit de marques obligatoires de déférence ou de franche adoration qui peuvent, comme aux Indes, se donner même à ses émissaires230. Le trône, un peu partout, est incrusté de pierreries et de perles231, tandis que le passage des litières et des cortèges — jusqu’à cent mille cavaliers pour un chambellan de l’empereur de Chine — suscite l’émotion populaire, plus souvent le respect par le vide et, de la part du pouvoir ainsi véhiculé, quelques attitudes occasionnelles de désinvolture princière232. Au reste ces déplacements sont-ils rares : la coutume est bien à la fixité, à l’isolement, surtout aux Indes et en Chine, où la cité administrative est jalousement tenue à l’écart de la ville proprement dite233.
77L’avers de la médaille, c’est que le pouvoir est tout de même hiérarchisé, le principe de l’isolement se tempérant à mesure qu’on en descend les degrés. Un symbole : la « cloche de l’opprimé », qui relie n’importe quel sujet chinois au prince de la ville, témoigne assez en faveur d’un système qui sait ménager le sacro-saint prestige de l’administration et son accessibilité. Ainsi le pouvoir est-il critiquable, au moins à certains niveaux et une fois admis le bien-fondé de la plainte, sous peine des plus graves châtiments234 ; la Chine officialise résolument ce pouvoir de critique, en adjoignant à chaque gouverneur un conseiller chargé d’examiner ses actes235.
78Autre revanche de la sagesse : l’autorité est périssable et décrite comme telle, ainsi à Ceylan, où la dépouille du roi mort traverse, sur un simple chariot, les rues de la ville, sa chevelure traînant au sol, tandis qu’une vieille femme jette, avec un balai, la poussière sur la tête du cadavre en criant : « Bonnes gens, voici votre roi d’hier : sur vous il régnait, sur vous tombaient ses ordres. Voyez ce qu’il est devenu : il a quitté ce monde et l’ange de la mort a pris son âme. Que son exemple vous garde des séductions de cette vie236 ! »
79Enfin et surtout, il faut y insister, le pouvoir est juste237. Cette idée de la justice dans l’État, qui, pour un Musulman du Moyen Age — et pour combien d’hommes ? — ne peut être, en dehors de la théorie politique, qu’un thème à éclipses, inséparable des personnes qui l’incarnent de temps à autre, est élevé en Chine à la hauteur de principe de gouvernement, de loi fondamentale de l’empire, et les voyageurs l’ont parfaitement noté. Et d’abord la justice elle-même, aussi rigoureuse qu’éclairée, mais aussi les mesures d’instruction publique, sur lesquelles on reviendra plus loin, et, enfin, un système de sécurité sociale fondé sur des considérations morales : quel pauvre, quel vieillard pouvaient alors, non pas à l’heureuse et hasardeuse occasion de la clémence du prince, mais en vertu d’une institution générale, se voir attribuer des soins gratuits, une retraite ou une exemption d’impôts et s’entendre dire : « Nous avons perçu de toi quand tu étais jeune, nous te versons maintenant que tu es vieux »238 ?
80Si la générosité, en tant qu’acte de la vie publique, est ainsi le fait, non du souverain, mais de l’État organisé, c’est que le souverain n’est pas en dehors de l’État, mais qu’au contraire l’État commence avec lui. La royauté peut bien appartenir à une dynastie, cette appartenance ne la coupe nullement du corps social en son ensemble : en Chine, l’ennemi du souverain est ennemi public, qu’une fois abattu, on mange ; en Inde, le roi intronisé partage le riz avec quatre cents fidèles qui se portent volontaires pour la circonstance, à charge pour eux de se détruire par le feu au moment de sa mort. Être roi, on le voit, n’est pas exactement être à part, mais être à la place que la société vous réserve : conception que vient souligner, en Inde, le système des castes : pas plus que roi, n’est pas scribe, médecin ou foulon qui veut, mais un membre de telle ou telle famille ; il n’est pas, en d’autres termes, de dynasties que de rois239.
81L’intérêt porté par les marchands musulmans à la monarchie asiatique s’explique sans doute pour des raisons de culture : aucun aspect de l’éthique royale, où qu’elle se situât, ne devait échapper à des gens formés, depuis l’époque d’Ibn al-Muqalfa’ et des contacts avec la Perse240, aux maximes d’une littérature moralisatrice dont un des thèmes essentiels était « les règles pour la conduite des rois ». Mais il y a tout de même autre chose dans les récits des marchands. A l’époque où on les enregistre, soit aux iiie/ixe et ive/xe siècles, l’Espagne, le Hurāsān, l’Afrique du Nord et, enfin, l’Egypte échappent à l’autorité réelle du califat de Bagdad, qui a, par ailleurs, déjà inauguré, avec la milice turque, l’ère du pouvoir prétorien. Ainsi les marchands, sujets d’un ensemble territorial immense, rassemblant des groupes humains considérables, et empêtré dans le dilemme de l’indispensable centralisation et d’une initiative provinciale non moins nécessaire, ne pouvaient que porter un vif intérêt, politique celui-là, aux solutions indienne ou chinoise.
82La première est sans doute la moins originale aux yeux des Musulmans : ils pouvaient voir en effet comme une variante de l’organisation califienne dans cette juxtaposition de royaumes dont l’unique lien leur paraissait être l’allégeance, parfois toute théorique ou contestée, à leur suzerain commun : le Ballaharâ. Le système, on s’en doute, n’allait pas sans guerres, et les notations militaires occupent maint passage de nos textes. Solde des armées, infanterie, cavalerie, éléphants, boucliers de cuir et armes empoisonnées sont les pièces maîtresses de l’organisation guerrière, et tel prince entretient par exemple quatre armées réparties selon les quatre divisions cardinales de l’horizon. Et pourtant, à la différence de ce qui se passe dans les pays d’Islam, la guerre ne rompt pas l’équilibre général : d’abord, le Ballaharâ est assez puissant pour le maintenir tel quel ; ensuite, les forces en présence sont tellement massives — on nous parle d’armées de 900 000 hommes ou de 50 000 éléphants — qu’aucun conflit ne saurait déboucher sur la rupture du système par disparition de l’un quelconque des adversaires ; enfin et surtout, la coutume interdit à la guerre de se donner pour but la dépossession d’une dynastie241.
83L’organisation chinoise est toutefois plus savante et peut prendre valeur d’exemple242. Sans doute, ici encore, la guerre — même si le métier des armes paraît méprisé243 — a son mot à dire, avec 400 000 hommes entretenus à solde fixe, et les luttes continuelles ; mais toute cette activité militaire se déploie, non plus à l’intérieur de la mouvance, comme en Inde, mais sur ses marges, contre l’ennemi commun244. En deçà, la paix règne, qui repose sur une combinaison savante de la centralisation impériale avec une large autonomie à l’échelon de l’administration urbaine. Dans les provinces, le pouvoir s’organise autour des 200 grandes villes, signalées par la présence de trompes et tambours officiels, dont les sonneries et roulements indiquent les principaux moments du jour et de la nuit, les fêtes et, de façon générale, l’obédience à l’empereur245. Chacune de ces capitales provinciales est administrée par un prince-gouverneur et, pour les finances, par un eunuque246. Ce dernier personnage réclame une attention particulière : non pas tant esclaves étrangers, comme dans les pays d’Islam, que Chinois d’origine pour lesquels la castration est synonyme de promesse de carrière politique247, les eunuques forment l’armature de l’administration : ils veillent sur la circulation des biens, la perception de l’impôt et la gestion du Trésor. Et comme pour les gouverneurs, les rues se vident sur leur passage248.
84On aurait tort de croire que ce personnel fait la loi dans ses villes ; il ne la fait, on l’a dit, qu’autant qu’il en respecte l’esprit de justice : tel cet eunuque qui manque à sa tâche et, échappant à la mort pour prix de services antérieurs, se retrouve gardien de cimetière avec l’espoir qu’il saura mieux gérer les morts que les vivants249. L’empereur, on le voit, est présent partout, comme symbole d’une autorité centrale et équitable. D’ailleurs, l’État connaît tout son monde : un recensement très strict des habitants mâles est opéré sur l’ensemble du territoire, pour des raisons de fiscalité et de simple information250, un système de poste par mulets transmet les renseignements ou les ordres251 et, partout, la police veille252. Au sommet de la pyramide, donc, l’empereur, le Fils du Ciel (Baġbūr)253, dans sa capitale de Humdān (Si-ngan-fou)254, est le souverain maître, le caractère incontesté de son pouvoir255 tranchant avec la simple allégeance, sur fond de guerres intestines, du système hindou. L’empereur est source de toute délégation d’autorité : c’est sa puissance à lui qui descend, par cascades, sur les villes, classées selon une hiérarchie rigoureuse que l’on retrouve dans les titulatures de leurs gouverneurs256. De la même façon, c’est tout le poids du pouvoir central qui se fait sentir, d’un bout à l’autre de l’immense empire, par le contrôle des déplacements, soumis à la présentation de deux sauf-conduits : l’un pour les personnes, délivré par le gouverneur, l’autre par l’eunuque, pour les monnaies et marchandises. Ici, l’optique du marchand reprend tous ses droits : c’est eux et eux seuls qui mesurent l’abîme pouvant séparer un empire à ce point tenu et l’autre, celui de Bagdad257 ; car les contrôles auxquels le voyageur, ainsi muni de ses sauf-conduits, se soumet de poste en poste, ne sont pas que de simple police : ils permettent aussi, en cas de perte ou de décès, de restituer son avoir au marchand ou à ses héritiers258.
Les hommes : la vie publique
85Ainsi se dégage une idée essentielle de nos textes : la Chine est sévère par sa réglementation, mais elle offre au marchand ce bien précieux entre tous qu’est la sécurité des transactions. Le droit commercial, on ne s’en étonnera pas, retient l’intérêt tout particulier de nos auteurs. Sans doute la liberté des mécanismes économiques est-elle freinée, à l’occasion, par l’intervention d’un État toujours soucieux de justice, qui pratique le stockage et la remise en circulation, pour casser les hausses de prix, de denrées devenues rares259. Et puis, il y a les monopoles — du sel et du thé260 — et les taxes à l’entrée du pays, par terre ou par mer : jusqu’à 30 % des marchandises importées261. N’ayons garde enfin d’oublier, aux mains des eunuques, les impôts, ou plutôt l’impôt : non pas sur la terre, comme en Islam, mais au prorata des biens meubles, que leur propriétaire soit chinois ou étranger262.
86Mais que de compensations ! D’abord, moyennant la taxe douanière de 30 % perçue aux ports, le gouvernement, tout en assurant la garde des marchandises, suspend toute vente jusqu’à l’arrivée du dernier navire avec la mousson : garantie, donc, pour l’établissement du cours le plus juste. Et si l’État se montre acheteur, il paie au meilleur prix, et comptant263. Ici comme ailleurs, il ne fait que donner l’exemple : car l’honnêteté est la règle générale « en matière de transactions monétaires et de dettes » : celles-ci sont garanties par un ingénieux système de billets à l’authenticité difficilement récusable ; les peines prévues, bastonnade publique ou amende ruineuse, éteignent d’ailleurs toute envie de vol ou de faillite frauduleuse. En dernier recours, au cas d’insolvabilité dûment assurée, le Trésor impérial rembourse les créanciers264.
87Les notations de ce genre s’avèrent infiniment plus rares pour l’Inde, liées qu’elles semblent à des situations non de droit, mais de fait et très variables, et aux rapports, bons ou mauvais, qui peuvent exister entre les autorités et les marchands étrangers : la propriété publique des poivriers au pays de Malabar265, les douanes côtières à Ceylan266, les cauris ou autres monnaies267, la faveur accordée par le Ballaharâ ou le roi du Cachemire aux Arabes, que déteste en revanche le roi des Ġourjara268, ne composent pas un ensemble aussi harmonieux, tant s’en faut, que celui qui se dégage des évocations de la Chine.
88Il est vrai que, hors le champ limité du droit commercial, l’exercice de la justice, dans les deux pays, répond à peu près aux mêmes règles. Le vol, quel qu’en soit le montant, est partout puni de mort, par le pal en Inde ou, en Chine, par contraction prolongée des muscles du condamné, que les entraves resserrent sur lui-même269. En Inde et aux îles de la Sonde, on pratique officiellement l’ordalie par le feu ou l’huile bouillante270 ; l’Inde connaît aussi la prison avec privation de nourriture271. Quant à l’organisation même du système judiciaire, elle suit, en Chine et en Inde, quelques règles comparables : l’ensemble de l’appareil est, dans le premier pays, placé sous l’autorité de juges nommés auprès des gouverneurs et relevant du juge suprême qui réside dans la capitale272 : indice, donc, ici encore, d’une très forte hiérarchisation contrôlée par le pouvoir, que symbolise la possibilité permanente d’une justice retenue, au profit de l’empereur ou des gouverneurs273. Mais la règle générale, ici comme en Inde, paraît bien être à la justice déléguée, assortie d’une certaine liberté de la magistrature274. Par ailleurs, le principe de la judicature des cadis, pour les affaires entre Musulmans, est assuré dans les deux pays275.
89Fondée sur l’aveu, en Chine276, si impartiale et égalitaire, dans le domaine indien, que le propre fils du roi se voit traiter comme un simple sujet277, la justice existe, c’est un fait. Pourtant, au niveau des principes, la préférence va une fois de plus à la Chine : signalée comme l’apanage de tel ou tel souverain indien278, la justice, en Chine, est mieux que cela : une institution. Plus rigoureux peut-être, puisqu’il use largement de la peine de mort279, le droit semble aussi plus éclairé : il distingue par exemple entre lois absolues et lois « surérogatoires », « facultatives »280, prescrit au prince de « ne tenir audience de justice qu’après avoir mangé et bu, de manière à ne point commettre d’erreur »281, pose en principe que la justice est au service du plaignant282 et enjoint au juge suprême, avant sa prise de fonction, de résider dans les grandes villes de l’empire pour en connaître les coutumes283. Ainsi peut-on conclure que « l’ordre règne dans l’empire » ou que « la seule base de l’empire est l’équité »284.
90La présence, à tous les niveaux, d’une autorité cohérente se fait sentir d’autant plus que tout acte liant l’État à ses sujets, ou les sujets entre eux, doit trouver une consécration écrite285. Cet usage, si différent de la tradition musulmane, pétrie de témoignage oral286, emporte, pour le pouvoir, la nécessité d’assurer l’éducation du peuple ; pour tous les individus, l’usage de l’écriture ; enfin, pour tous ceux qui occupent, jusqu’au plus haut, les divers degrés de la hiérarchie administrative et sociale, la pratique d’une jurisprudence fondée notamment sur la connaissance des maximes. Ainsi donc, ce qui était conçu par les spécialistes arabo-musulmans de l’adab, comme un indispensable bagage dans la culture générale d’une élite, devenait, en Chine, obligation nationale et principe de droit public. On conçoit l’intérêt stupéfait de nos voyageurs, qui notent, sans fioriture inutile : « Pauvres ou riches, petits ou grands, tous les Chinois apprennent à tracer des caractères et à écrire. Dans chaque ville, il y a une école, avec un maître nourri aux frais du Trésor, pour instruire les pauvres et leurs enfants287. »
Les hommes : identités et différences des civilisations
91Le tableau des cultures rencontrées par les marchands s’articule autour de deux thèmes majeurs, déjà signalés : référence à l’Islam, d’une part, différence entre les îles sauvages288 et les grands espaces civilisés de l’Inde et de la Chine, d’autre part. Prenons les techniques : la seule que nos textes concèdent aux îles est celle des pirogues creuses289. On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que les sciences et les arts soient mobilisés par l’Inde et la Chine290. Les deux pays, du reste, relèvent du statut des grands peuples du monde : ils ont une généalogie, leurs habitants descendant, par Japhet, de Noé291.
92Us se partagent les mathématiques, et notamment l’astronomie, mais l’Inde accuse ici, semble-t-il, un léger avantage, Mas’ūdī signalant au passage son influence sur le système ptoléméen292. Pour les mathématiques appliquées, calcul ou mesure du temps, Inde et Chine arrivent à égalité293. La philosophie, les pratiques de magie ou de divination et, à un moindre degré, la médecine sont l’apanage du domaine indien294, la Chine comblant une fois de plus la distance dès qu’on revient aux disciplines pratiques : la musique295, l’écriture296, l’art de bâtir297 ou de tisser298. Enfin, un domaine à part, celui des jeux savants, échecs en tête, qui restent chose — et même folie — indienne : on y parie, quand on est démuni de tout, les doigts de sa propre main299.
93Le triomphe de la Chine, c’est l’artisanat, dont le thème300 est poussé jusqu’à la légende : Canton abrite un jardin merveilleux où fleurs et arbres sont tissés de soie301. D’autres traits, plus réalistes, exaltent les prouesses techniques, comme pour la porcelaine, translucide à force de finesse302, ou la passion collective pour l’art : tel exécutant peut toujours voir ses œuvres exposées, pour un an, au palais impérial et recevoir une récompense si, le délai écoulé, aucune critique n’a pu se faire jour. Mais la critique, justement, est à l’affût, et l’on cite l’histoire célèbre d’un tisserand qui se vit à bon droit débouté : sa soierie représentait, de façon à première vue parfaite, un moineau sur un épi, mais un bossu, passant devant le chef-d’œuvre exposé depuis longtemps déjà, fit observer qu’on y avait figuré la tige de blé toute droite, sans ce léger fléchissement qui eût dû traduire le poids de l’oiseau303.
94Et puis, la Chine, la Chine encore a su, beaucoup plus que l’Inde, développer, aux yeux de l’Islam qui s’y connaît, ce trait majeur de la civilisation que sont les villes304. Faite de maisons avenantes, carrée et ceinte de remparts, la cité chinoise est un damier d’avenues et de canaux tracés en direction des portes principales. La vie quotidienne y est rythmée au son des trompes et des tambours, et se suspend à la nuit, avec le couvre-feu : alors, les portes se ferment et chacun, sous peine de mort, est tenu de rentrer chez soi305.
95Inde ou Chine, en tout cas, nous sommes dans la civilisation, loin de la sauvagerie des petites îles. A preuve encore la toilette : la nudité, qui est la règle aux Nicobar, aux Andāmān et aux Mergui306, se voile d’un pagne dans l’archipel de la Sonde et en Malaisie307, disparaît complètement, enfin, dans ces paradis des étoffes luxueuses et des bijoux que sont les deux grands mondes de l’Asie. Et nos auteurs de s’extasier : les Hindous ont des cotonnades si fines qu’on peut, en les roulant, les faire passer à l’intérieur d’une bague308, et ils se parent, hommes et femmes, de bracelets, de pierreries ou d’anneaux qu’ils portent à leurs oreilles percées309. Les Chinois, quant à eux, sont fous d’or, d’argent, de perles, d’écaillé, de fourrures, d’étoffes brochées et surtout de soieries, certaines si ténues qu’on voit encore le détail d’un grain de beauté au travers de cinq d’entre elles310 ; fous, aussi, de cornes de rhinocéros, avec lesquelles ils font des ceintures de prix : 3 000 dinars et plus311.
96Les types de vêtements sont assez bien répertoriés : on va de la tunique des Laquedives-Maldives, à une seule pièce et deux soufflets312, au deux-pièces indien, porté jusqu’en Annam313 et, enfin, au costume chinois, qui peut suivre deux modes : l’une, ancienne, avec jupe longue et tunique ample314, autre empruntée aux nomades du nord : pantalon et veste courte serrée à la taille315. Un sujet de stupéfaction : ce dernier habillement est escamotable ou renforçable à volonté : d’un seul pantalon, en été, les Chinois peuvent, avec les froids, passer jusqu’à cinq et même davantage, en les enfilant l’un sur l’autre316.
97La coiffure retient toute l’attention de nos auteurs, surtout en Chine317. Ils notent l’absence du turban, remplacé par un bonnet recouvrant une chevelure laissée telle quelle318, et Abū Zayd as-Sīrāfī précise : « Lorsqu’un enfant naît, on ne lui arrondit ni ne lui allonge la tête en la massant, comme le font les Arabes, cette dernière pratique modifiant, selon les Chinois, l’état naturel du cerveau et altérant l’intelligence. La tête d’un Chinois est difforme, mais ses cheveux abondants cachent ce défaut319. » Plus étrange encore pour des Musulmans : les Chinoises vont tête nue, la chevelure agrémentée d’un échafaudage de peignes320. Barbes et moustaches, on l’a dit, se portent longues aux Indes, tandis que les Chinois sont en général imberbes321. Toilette et costume, enfin, se complètent, pour les riches et les grands, avec les cannes d’ivoire, les parasols de plume de paon, les chasse-mouches et les sabres ou poignards d’apparat322.
98Les thèmes de la nourriture comportent moins de variété : sans doute note-t-on, comme au hasard, quelques traits originaux, hors de la consommation ordinaire, sinon quotidienne323, ou carrément aberrants, au moins aux yeux de l’observateur, comme les pratiques végétariennes324. Car le quotidien, justement, est monotonie : froment et viande pour les princes de Chine ; mais pour les petites gens, dans cette même Chine et en Inde, seul ou en sauce, aliment, vin ou vinaigre, un seul nom : le riz, toujours le riz325.
Les hommes : mœurs et morale
99Qu’on les représente, à travers tel ou tel de leurs traits, comme identiques, différentes ou complémentaires, les deux civilisations, l’indienne et la chinoise, se retrouvent dans une définition à peu près semblable qui pourrait justement, en un sens, caractériser les civilisations de l’âge classique : Inde et Chine en effet combinent le principe d’une vie collective policée et, à partir d’un certain niveau de vie, les raffinements luxueux de l’art de vivre des individus326. On a déjà insisté sur l’ordre chinois, la sagesse indienne ou, ici et là, sur la moralité qui préside à la vie publique327. Mais la morale s’accommode fort bien des plaisirs du corps, comme aux Indes où l’on semble être passé maître en la matière328, ou de la contemplation de la richesse, comme en Chine, quand les jeux d’eau des bassins se rehaussent à l’éclat des perles qu’on y jette329, ou aux îles de la Sonde, dont le roi porte manteau et tiare d’or330. Sagesse et luxe peuvent au reste se rejoindre : ce Maharadja qui, matin après matin, jette dans un étang des lingots d’or que la marée découvre au soleil pour la joie des yeux, le fait pour qu’après sa mort, sa famille, ses proches et, s’il reste quelque chose de la manne, les pauvres profitent du bien ainsi thésaurisé331.
100Sur cette toile de fond où s’inscrit la coutume, Inde et Chine divergent, comme nous le dit Maqdisī332, en ce que la première, du fait de son étendue, a des lois et religions multiples. Ainsi, une fois de plus, la compacité chinoise s’opposerait à la fluidité indienne. Ne poussons pas pourtant le contraste jusqu’à l’absolu : même avec cette différence, perceptible çà et là, Inde et Chine se retrouvent, dans nos textes, autour de quelques grandes rubriques par rapport auxquelles, en dernière analyse, elles se jugent l’une et l’autre globalement.
101Coutumes familiales : au mariage barbare des îles, où le nombre des épouses suit celui-là même des crânes des ennemis tués333, s’opposent les rites civilisés : cadeaux, fêtes en musique, visites. Au demeurant l’institution est-elle souple : « on ne contracte pas de mariage régulier, un Chinois ou un Hindou épousant autant de femmes qu’il veut334. » La Chine, pour sa part, vante les mérites du mariage exogamique, qui donne une meilleure progéniture335. L’union entre une Chinoise et un étranger est permise, mais si ce dernier s’en retourne chez lui, il ne peut emmener sa femme : « Prends ta récolte, lui dit-on en lui laissant ses enfants, nous en gardons la source336. »
102Pour pleurer leurs morts, les Hindous se rasent la tête et la barbe337 : le défunt est incinéré et, dans les hautes classes tout au moins, la veuve et les amis peuvent se brûler sur le bûcher funéraire338. Les Chinois, eux, momifient le cadavre, qu’ils n’enterrent qu’un an après, « dans une tombe pareille à celle des Arabes », mais en plaçant auprès de lui nourriture et boisson. La déploration dure trois ans, et l’on bastonne les tièdes339. La dépouille du Chinois mort à l’étranger est ramenée au pays natal340.
103Partout, donc, une vie familiale organisée, en Chine surtout, où le père reçoit l’adoration de ses fils, qui se prosternent devant lui et ne sauraient manger à sa table341. Mais il y a les aberrations : l’adultère d’abord, que les deux sociétés condamnent, avec quelques exceptions d’indulgence toutefois, pour les célibataires ou les pauvres342 ; la sodomie, qui semble, elle, assez largement tolérée, institutionnalisée parfois343 ; la prostitution enfin, dont la pratique relève, ici ou là, de la fiscalité, du culte des idoles ou des services de l’hôtellerie344.
104Dans la description de ces coutumes, la référence à l’Islam, écrite noir sur blanc ou en filigrane, le dispute perpétuellement aux droits du pur récit : c’est dans les Merveilles de l’Inde, livre d’anecdotes, qu’elle s’estompe le plus volontiers. Nul ne contestera par exemple que l’Islam n’a rien à voir avec la farce qui se joue au pays des héméralopes : comme ceux-ci voient mal à la nuit tombante, ils sont obligés, dès qu’ils ont à faire hors de chez eux, de tendre, à partir de leur porte, une corde qui les ramènera à bon port. C’est alors l’enfance de la plaisanterie que de changer les points d’attache de ces fils d’Ariane et de brouiller ainsi les ménages345. Mais, pour un trait de ce genre, combien d’autres, même en ces Merveilles, où l’Islam affirme à plein ou laisse percer son droit à juger ! Déjà, les jeux, combats de coqs, échecs, joutes ou autres, et les pratiques de mutilation qu’ils entraînent346, fleurent, dans leur simple énoncé, quelque relent de condamnation. Mais il est tout un pan d’observations où, tenant carrément la vedette, la curiosité religieuse vient relayer la curiosité tout court.
105Ainsi pour le vin, dont l’interdiction, quand elle existe, ne repose, nous dit-on, sur aucun fondement religieux347 ; pour la circoncision, ignorée de l’Inde comme de la Chine348 ; pour les usages de la table : on conçoit l’horreur musulmane pour des populations qui consomment le porc, les bêtes non égorgées, les charognes même349. Et que dire de l’anthropophagie ? Courante aux îles350, sa pratique en Chine relève, on l’a dit, de rites de magie politique351 ; mais Yadab va brodant sur ce thème, et Abū Zayd as-Sīrāfī écrit tout de go qu’on vend de la chair humaine sur les marchés chinois352. En revanche, l’usage du cure-dents, donné comme un trait de la civilisation musulmane, est noté avec faveur à propos de l’Inde353.
106Autre sujet d’étonnement : les femmes et leur liberté. Sans aller jusqu’aux extrêmes, comme en ces îles dont la reine se montre nue354, on peut, ainsi qu’on l’a signalé, voir, en Chine, les femmes déambuler la tête découverte, la chevelure ornée de peignes355. Et si, pour une fois, d’autres îles sont jalouses, comme les Musulmans, et cachent les épouses356, les rois de l’Inde, au contraire, laissent voir les leurs, dévoilées, lorsqu’ils donnent audience357.
107Reste la propreté : propreté tout court ou propreté rituelle ? L’Islam, très pointilleux sur ce chapitre, note que les Chinois, à l’inverse des Hindous, qui, pourtant, ne sont pas des modèles du genre, ne se lavent pas après une défécation, préférant s’essuyer avec du « papier chinois », et qu’ils urinent debout, les notables avec l’appoint d’un tube358.-En état de pollution majeure, les mêmes Chinois ne se purifient pas, et ils ont commerce avec leurs femmes en toutes circonstances, tandis que les Hindous les évitent au moment de leurs règles et se purifient, de toute façon, une fois par jour, avant le repas de midi359.
Les hommes : la religion
108Ainsi serre-t-on de plus en plus près, à travers gestes et coutumes, le principe religieux lui-même, ce principe qui ne peut pas ne pas être, aux yeux de nos auteurs, à la base de toute civilisation. L’idolâtrie, au sens large du terme, est la règle aux îles360, mais elle n’est inconnue ni de la Chine, même si on l’y conçoit comme une façon d’accéder par étapes à la divinité361, ni de certaines parties du domaine indien, où elle s’associe aux cultes astraux362. Les thèmes dominants sont toutefois ceux des grandes religions de l’Asie, indienne surtout. Le Bouddha est présenté tantôt comme un prophète, tantôt comme le Créateur en personne, mais le même auteur qui pose cette alternative partage l’Inde en deux sectes, les brahmanes et les bouddhistes... athées363. Ailleurs, on précise une distinction entre brahmanes unitaires, bouddhistes refusant tout attribut à la divinité, et mahādarziyya trialistes, mettant, eux, l’accent sur la divinité de la terre, peau du cadavre écorché de Mahādarz que ses deux frères meurtriers ont étendue sur le monde364. De l’Inde, le bouddhisme passe à la Chine, mais cette dernière paraît bien présenter un assez large éventail de religions : dualisme, culte de l’empereur et de ses ancêtres365, le tout s’accommodant, aux deux bouts de la chaîne, de réminiscences d’une religion unique et, semble-t-il, unitaire366, ou d’éparpillements de la croyance : idolâtrie, comme on l’a dit, mais aussi culte solaire ou lunaire et, de façon générale, adoration du beau qui paraît laissée à l’initiative individuelle367.
109Religion, donc paradis, donc enfer. Aux Indes, l’un et l’autre s’étagent sur 32 degrés, avec châtiments spéciaux pour ceux qui ont tué un animal : à côté de l’éternel retour, en effet, la réincarnation des âmes, admise aussi en Chine, est le grand mode de la vie universelle368. Maqdisī se donne, à ce propos, le mot de la fin : en justifiant le principe de la transmigration des âmes par la nécessité de s’élever, corps après corps, jusqu’à un Dieu qui sans cela resterait trop lointain, l’Asie reproduit la démarche des Arabes païens qui disaient à propos des idoles : « Nous ne les adorons que pour qu’elles nous amènent au plus près de Dieu369. »
110C’est bien là, pour l’Orient proche ou lointain, le problème entre les problèmes : comment accéder au divin ? A travers nos textes, l’Islam tranche entre formes consacrées et formes aberrantes. Parmi les premières, les lectures saintes et l’ascétisme, tous passés aux Indes à partir du Cambodge370, et une certaine attitude devant le sacré, comme aux Indes encore, où l’on ne saurait boire, sans s’être purifié, l’eau de l’Indus venu du Paradis371. Formes moins sûres : le culte des saints372, la divination et la magie373. Formes résolument aberrantes, enfin : les excès des ascètes hindous, qui se cadenassent le pénis374, la prostitution sacrée375 et surtout les suicides rituels : les Hindous se livrent au feu, avec l’aide de stupéfiants ou non, d’autres se noient ou se font noyer, se tailladent pour s’extraire le foie ou livrer eux-mêmes aux flammes telle ou telle partie de leur corps mutilé, d’autres s’en remettent au sacrificateur qui les coupe en deux ou en quatre, certains se précipitent dans le vide ou sur des arbres garnis de piques de fer, d’autres enfin s’embrochent sur des pieux plantés en terre, se lapident, se laissent dévorer vivants par les oiseaux de proie376.
111L’horreur saisit à de pareils spectacles : ils suffisent à rayer d’un seul coup toute l’estime que l’on pouvait porter à des populations détentrices d’une loi religieuse, reçue de maîtres vénérés qui « se réunissent en conseils comme le font, chez les Arabes, ceux qui enseignent les traditions du Prophète »377. Tout cela, donc, est compromis, pire : annihilé par ces folles pratiques d’auto-destruction qui, en fait de sainteté, mènent toutes à une seule conclusion : on se jette dans le feu, peut-être, mais ce feu est d’emblée celui de l’Enfer378.
112De ces comportements aberrants, l’Inde semble avoir l’exclusivité : mais c’est parce qu’elle, et elle seule, pose jusqu’au bout, avec exigence, le problème du divin. Il reste, malheureusement, que cette exigence est faussée ; car, si les Hindous croient, par leurs usages, « s’acquérir des mérites » et « se mettre en rapport avec leur Créateur », ils oublient que Dieu « est plus glorieux et tellement plus sublime que ce qu’ils disent »379 !
113Ainsi concède-t-on à l’Inde l’existence du sentiment religieux, tout en estimant que celui-ci est vicié dans son principe — puisqu’il ne pose pas Dieu comme radicalement transcendant — et dans ses effets — puisqu’il aboutit, par le suicide, à renier la Création380. La même attitude est perceptible face aux êtres ou aux choses consacrées : si l’on admet que le temple de Multān381 est aux Hindous ce que la Ka’ba est à l’Islam ou Jérusalem aux juifs et aux chrétiens, on marque ses distances avec les idoles que ce temple et ses pareils abritent, immenses, luxueuses, fallacieuses : car ce ne sont pas elles qui parlent, comme le prétendent les Hindous et aussi les Chinois, mais leurs desservants382.
114Supercherie encore que d’attribuer quelque parcelle de divin aux hommes u aux bêtes, de croire par exemple, comme en Chine, que les prêtres attachés aux idoles du Bouddha ont pouvoir de retenir ou de donner a pluie, et doivent donc être emprisonnés, avec menace de mort, dès qu’elle se fait rare383. Mais la folie suprême est aux Indes, où la vache est sacrée, son meurtrier mis à mort et ses excréments, que l’on se dispute, utilisés pour purifier et réintégrer dans la communauté celui qui a dû apostasier sous la contrainte384.
115Restent les rapports avec les autres religions, à quoi l’Islam, on le sait, prête une grande attention. Sauf au cas de troubles, comme en Chine dans les décennies qui suivent la révolte de Huang-Tch’ao et voient une hécatombe de musulmans, chrétiens, juifs et mazdéens385, l’Inde et la Chine sont présentées comme tolérantes : l’Islam, précisément, peut profiter de cet état d’esprit et opérer des conversions386, plus facilement toutefois, semble-t-il, en Inde qu’en Chine, où il suscite, à l’occasion, une critique courtoise, informée, objective, mais serrée387.
Conclusion
116De texte en texte, que reste-t-il de l’Inde et de la Chine ? Disparaissant de la géographie véritable qui, elle, s’intéressera exclusivement à l’Islam388, elles deviennent, au hasard de leurs thèmes éparpillés dans les recueils de contes, les encyclopédies, voire les traités de morale ou de mœurs389, partie de ce vaste système culturel que nous avons, après d’autres, désigné sous le nom d’adab390. Thèmes éparpillés, thèmes figés, ressassés d’un auteur à l’autre, sans égard au contexte qui les avait créés et qui, entre-temps, a changé391. Ainsi retrouvera-t-on, au fil des œuvres, dans une synchronie factice392, la Corée plaisante393, le Tibet des gens heureux394, la comparaison Inde-Chine395, l’artisanat chinois396, et tant d’autres.
117Mais revenons à notre question : que reste-t-il de l’Inde et de la Chine, non plus cette fois dans les textes, mais dans l’image globale que s’en fait, à travers eux, une conscience musulmane des iiie/ixe-ve/xie siècles ? Ressemblances, différences : nous disions, en commençant, qu’il n’y avait pas de banlieue de l’Islam. Il est vrai que l’écho des thrènes chantés, à Ceylan, sur le souverain défunt397 ou tel thème d’une sagesse illustrée en forme de parabole398 ne sont pas si éloignés des conseils moralisateurs et pratiques que donne, par exemple, un Ibn al-Muqafīa’. Mais rien de cela, en définitive, n’atteint, aux Indes ou en Chine, à l’expression pure de la vraie foi : on peut être civilisé sans être croyant, car n’est pas croyant qui veut, et ne l’est pas qui ne l’est qu’à demi. Or, Chinois et Hindous, on l’a vu, adorent les idoles et poussent l’imposture jusqu’à vouloir qu’elles parlent ! Or, ils croient à la réincarnation des âmes ! Or, ils ignorent le Dieu unique ! En d’autres termes, quitter le monde de l’Islam, ce n’est pas, bien sûr, quitter le monde des hommes, ni même le monde civilisé : c’est entrer sans transition dans un autre, qui n’a aucune idée d’un accord nécessaire entre la volonté de Dieu et celle du croyant, un monde où, par conséquent, les structures sociales, quand elles se révèlent, à l’occasion, éminemment louables, ne sont telles que par un hasard heureux.
118Et c’est pourquoi un monde aussi coupé de sa raison de vivre ne saurait, fondamentalement, être comparé à l’Islam. Si, comme nous le disions en commençant, les auteurs ont toujours l’Islam en tête pour système de référence, c’est essentiellement parce que les consciences musulmanes ne séparent pas la vie d’ici-bas, dans ses moindres actes, de la vie religieuse, que, pour elles, tout geste quotidien est une attitude où le divin, donc le parfait, a sa part, comme la pureté rituelle par exemple ; d’où la double conséquence — paradoxale seulement à première vue — que, dans cette confrontation des coutumes, l’Islam sous une forme ou sous une autre, est toujours mis en avant et en même temps jamais en cause, qu’il s’offre et se dérobe à la fois au débat.
119Dans un jeu ainsi faussé, où il faut non pas comprendre la foi à travers la coutume, mais expliquer la coutume par la foi, l’existence, chez les Chinois ou les Hindous, d’une coutume apparentée à telle coutume musulmane ne saurait en aucune façon être interprétée comme un fait musulman en soi, et il en est bien ainsi en effet puisqu’aucun des peuples observés n’a reçu la révélation de l’Islam. On voit donc que la confrontation n’est qu’apparente, qu’elle ne dépasse pas le stade du simple enregistrement du fait, qu’elle n’est pas fondée en droit, et c’est pourquoi un auteur ne déclare jamais : ceci se rapproche (ou s’éloigne) de l’Islam, mais toujours, en une attitude mentale radicalement différente : ceci est (ou n’est pas) une coutume suivie dans le monde musulman. Au bout du compte, il faut chercher dans cette exclusivité de la vraie foi, dans cette aristocratie de la vérité, l’obstacle majeur à l’élaboration définitive du strict concept d’humanité, en sa forme parfaite de l’identité fraternelle. Pour ces croyants, il y a peut-être des degrés dans l’humanité des comportements, mais jamais à coup sûr dans la foi, et, au fond, la seule faveur que l’on accorderait aux Chinois et aux Hindous, par rapport à tels sauvages des îles, serait de les considérer, non pas certes comme des hommes qui, de par leurs coutumes, seraient sur le chemin de la vérité, mais au mieux, et pour parodier une formule célèbre, comme des Musulmans à qui la grâce aurait manqué399.
Notes de bas de page
1 On parle ici non pas de simples passages ou d’allusions isolées, mais d’œuvres entièrement et réellement consacrées à ces sujets. Pour une comparaison avec des visions émanant d’autres civilisations, voir par exemple L’Inde du Bouddha, vue par des pèlerins chinois sous la dynastie Tang (viie siècle), texte établi et annoté par C. Meuwese, présenté par Etiemble, Paris, 1968, et J. Le Gofï, « L’Occident médiéval et l’océan Indien, un horizon onirique », dans Atti del VI Colloquio Inter-nazionale di Storia maritima (Venise, 20-29 septembre 1962), Florence, 1970, p. 243-263.
2 Cf. Géographie I, 119-120.
3 Comme dans la Relation, qui souligne volontiers la comparaison : « comme font les Arabes », « loin de se conformer à la coutume des Arabes » (§ 25), « ressemblent davantage aux Arabes » (§ 72 i. f.) ; voir aussi un exemple chez MAS (p), § 347, à propos de l’usage du cure-dents. La comparaison peut s’étendre à la faune ou à la flore : Rel, § 4, qui compare l’ambre à la kam’a, sorte de tubercule poussant au printemps dans le désert d’Arabie. Exemple de référence automatique et non explicitement formulée dans MAQ, IV, 14, à propos des suicides par le feu, dans lequel l’Hindou se précipite et « d’où il va tout droit en enfer ».
4 . Cf. Géographie I, 223-227.
5 Lévi-Strauss, cité dans Géographie I, 115.
6 Ce propos ne contredit pas ce qui a été dit supra, p. 32-33. Déjà, on avait pris soin de suggérer comment l’Islam utilise un héritage culturel qui lui préexiste à l’illustration de sa propre cohésion, dont il va être question ici.
7 Réserve faite, peut-être, de la vallée de l’Indus. Encore la tendance générale est-elle à la ranger, bien que l’Islam y coexiste avec d’autres cultures, à l’intérieur des limites du monde musulman.
8 . Rel. XXI-XXII.
9 Sur l’absence de curiosité pour les spectacles naturels, cf. Sauvaget, Rel, XXXIV (le cas d’Abū Dulaf Mis’ar illustrant étonnamment la différence entre cette absence de curiosité à l’étranger et le souci d’observation dès lors qu’il s’agit du monde musulman : cf. Géographie I, p. 139-143). Exemples : les « montagnes blanches » de l’Asie centrale sont notées d’un trait à Rel, § 31 (leurs défilés au § 32), les grands fleuves chinois ou indiens aussi sèchement au § 72.
10 Rel, § 49.
11 Rel, § 72, 63, 60.
12 Rel, § 72.
13 Ibid., loc. cit.
14 Rel., § 45, 39.
15 Rel, § 55, 71.
16 Au minimum, le passage par CM apparaît indispensable, puisque le conte, la légende ou toute autre affabulation supposent un public, un auditoire, une compréhension dans le cadre d’un système culturel.
17 On se référera, pour plus de détails, à Géographie I, 113-132.
18 Et au Kitāb at-tabassur bi t-tigāra, son contemporain ; mais celui-ci, encore qu’on soit amené à l’utiliser parfois (cf. infra, « Les hommes : les thèmes des échanges »), est en marge de cette littérature relative à l’Extrême-Orient : sur cette œuvre, cf. Géographie I, 110-111. A noter que Gāhiç est contemporain des débuts de cette littérature de marins-marchands, et son tributaire, pour l’Inde notamment : cf. C. Pellat, « al-Hind wa l-Hunūd fī na ?ar al-Gāhiç », dans Taqāfat al-Hind, XIV-2, avril 1963, 58-69.
19 SĪR, 75-77, MAS (p), § 329 sq.
20 ŪĀH (h) et SĪR, cités dans Géographie 1, 119, n. 2.
21 Ne pas oublier enfin que ces thèmes passent, à l’état de vestiges et selon le goût général de Vadab, dans la géographie des masātik wa l-mamālik : un exemple chez MUQ, trad., § 33-34.
22 Ainsi a-t-on procédé en Géographie I, 117-118.
23 Géographie I, 120-121.
24 Cf. Géographie I, 131-132.
25 Rel, § 13, FAQ, 11
26 MUQ, trad., § 31, et gloss. BGA, s. v. « Iğlğ ; »
27 Rel, § 4, 5, 14, MAS (p), § 366, 368, Merv, 293, MUQ, trad., § 33.
28 HUR, 64, Rel, § 5, 14, FAQ, 10-11, MAS (p), § 371, Merv, 265, 267, 304, MUQ, trad., § 33, WAṢ, 54.
29 HUR, 65, 66, Rel, § 6, 7, 8, 14, 15, 18, FAQ, 10-11, 12, 16, MAS (p), § 371, Merv, 233, 268-270, MUQ, trad., § 34, Hud, 57, WAṢ, 58.
30 Kalāh et Tiyūman (Tiyouman) éliminent, pour les marchands de la Relation (cf. Rel, carte, p. XLV), l’hypothèse d’un passage, par le sud, entre Sumatra et Java (cf. Faublée et Urbain-Faublée, cités infra, p. 171, n. 4).
31 HUR, 66, 68-69, Rel, § 15-16, FAQ, 12-13, RST, 137-138, MAS (p), § 375-378, (t), 91, Merv, 243, 276, 284, 298, 301-302, 308, MUQ, trad., § 34, Hud, 57, WAṢ, 57-59.
32 HUR, 70, 170, Rel, § 73, RST, 82-83, MAS (p), § 382, MAQ, IV, 58, NAD, 351, WAṢ, 57. Les faucons blancs sont rapportés aussi aux îles de la Sonde (FAQ, 10).
33 HUR, 68, MAS (p), § 377-378, (t), 92, WAṢ, 38.
34 Merv, 201-207, 207-211, MAQ, IV, 92.
35 HAW, 46.
36 Cf. infra, chap. IV, et référence cartographique supra, p. 21, n. 4.
37 Cf., pour ces localisations, respectivement : Merv, 293, 301 ; Merv, 194, 309, Hud, 83 ; HUR, 69. Sur cette question, cf. G. Ferrand, dans El, IV, p. 1164-1168.
38 Cf. supra, p. 10, n. 3.
39 NAD, 351. FAQ, 16, déclare que la montagne de Qāf (supra, p. 10) est à l’extrémité de la mer Orientale (bahr as-$īn).
40 On y reviendra plus loin, chap. IX.
41 Rel, § 31. FAQ, 15, précise le chiffre : 30.
42 Rel, § 29-32 (et notes), MAS (p), § 433-435, Hud, 61, 85 sq., 87, 93, 194, 242-243 sq.
43 MAQ, IV, 59-60. Cf. aussi ibid., IV, 89, HUR, 170, Rel, § 31-32, 73, MAS (p), § 388-390, HAW, 15, 168 (une note discordante chez YA’Q, 237). Le thème de la gaîté tibétaine est courant dans la littérature d’adab : cf. GÂH (h), IV, 135, VII, 230, HUR, 170, RST, 82, FAQ, 255, Hud, 92, 257, JA’À, 128. Sur les relations Tibet-monde turc, cf. infra, p. 225.
44 Rel, § 4, 7-8, 14, 18, HUR, 65.
45 Infra, p. 201, n. 6.
46 Rel, § 6, MAS (p), § 371.
47 Rel, § 15, RST, 137-138, Merv, 276, MAS (p), § 376, 378, (t), 91.
48 Rel, § 5 (et n. 7) ; FAQ, 10, porte le chiffre des rois à trois : cf. MUQ, trad., § 33 (et n. 26). Une note discordante, pour Ceylan, chez MAQ, IV, 91.
49 HUR, 70.
50 HUR, 66-67, RST, 133, FAQ, 15-16, MAS (p), § 178.
51 MAS (p), § 388-390, MAQ, IV, 59-60, HAW, 15, Hud, 93 (sur la dévolution du pouvoir royal au Tibet).
52 FAQ, 15.
53 Rel, § 72, FAQ, 14.
54 HUR, 69, Rel, § 72, FAQ, 14-15, MAS (p), § 315, 435, MAQ, IV, 57, WAṢ, 118.
55 Rel. § 72, Hud, 86. L’affirmation sur le manque de villes est corrigée toutefois par les renseignements de MAS (p), § 414 sq., et par HUR, 68, qui cite quelques villes célébrés : cf. aussi MUH (f), II, 120.
56 FAQ, 15, RST, 132-133, MAS (p), § 169, 178.
57 Sur ce pays, cf. S. Maqbul Ahmad, dans El (2), II, p. 361-362.
58 HUR, 67-68, Rel, § 25-30, 54, RST, 132-135, FAQ, 15, MAS (p), § 185-186, 414-415, 425-428, 433, 441, HAW, 320, Hud, 62, 72, 80, 86, 87-89, 91, 196-198, 210, 222, 236-239, 241-242, 249-250, 259, WAṢ, 108-109. Sur la signification exacte de ballaharā (ya), « le roi bien-aimé », cf. Sauvaget, Rel, § 25, n. 1, et S. Maqbul Ahmad, « balharā », dans El (2), t. I, p. 1022.
59 HUR, 69, IST, 16, HAW, 11, 15, 50, MAS (p), § 169, MUH ( !), II, 116.
60 Références supra, p. 61, n. 3, et 62, n. 1.
61 Le Qurayšite que MAS (p), § 342 sq., met en scène fait bien reconnaître à l’empereur de Chine la suprématie du roi d’Irak, mais il ne voit pas, dans sa naïve assurance, le piège que lui a tendu l’empereur en affirmant que le Déluge était inconnu de la Chine et de l’Inde : c’est une façon habile de rappeler le thème du centre éminent et hors d’atteinte.
62 Mais en est-il si différemment, sinon de l’Inde, du moins de la Chine ? On a dit (supra, p. 76-77) que, même si le phénomène est moins net dans la Relation que dans les œuvres postérieures, c’est surtout la façade portuaire que l’on connaît de plus en plus ; le phénomène sera d’autant plus net, pour la Chine, que le commerce musulman y connaîtra, on l’a dit, des vicissitudes et des conditions historiques infiniment plus aléatoires et discontinues que celles qui prévalent pour le trafic avec l’Afrique.
63 Infra, chap. IV.
64 Il faut souligner, ici encore, la différence avec les petites îles de l’océan Indien : les habitants des Andāmān (Rel, § 8) ont ce qu’on tenait alors pour une des caractéristiques essentielles de la race noire : les cheveux crépus. Et le mot de Sud ou Sudān (Noirs) est avancé pour ces mêmes îles et pour les Mergui (Rel, § 18) : comparer avec infra, « Les thèmes raciaux ». Le thème du pygmée apparaît lui aussi, mais pour la mer, il est vrai : FAQ, 13, MAS (p), § 379. A noter enfin, à propos des îles de la Sonde, qu’on peut dire intermédiaires entre les petites îles d’une part et Inde ou Chine de l’autre, cette phrase révélatrice de Hud, 164 (trad.) : « Tliis country and its inhabitants are ail like the Zang, but they are somewliat nearer to humanity. »
65 MAS (p), § 382.
66 Rel, § 16 (et n. 1 et 3), RST, 133, FAQ, 15-16, MAS (p), § 178. Le Cambodge, il est vrai, représente un cas spécial : son roi est volontiers rangé au nombre de ceux de l’Inde, mais des influences auraient joué, en matière de religion, dans le sens Cambodge-Inde. L’Annam et le Cambodge sont carrément rangés dans le domaine indien par Hud, 86-87.
67 RST, 132, MAS (p), § 178, 441.
68 Témoin le mot même de fā’ida : utilité, intérêt, profit, mais aussi : documentation : cf. MUQ, trad., index, p. 413, et Dozy, Supplément, II, p. 292-293.
69 MAS (p), § 899.
70 MAS (p), § 414 : sur les villes, cf. supra, p. 83, n. 10.
71 WAṢ, 62-63 (démarqué de SĪR, 96-97) ; cf. aussi Merv, 276.
72 Noter la référence implicite aux déserts et aux ruines que les géographes du ive/xe siècle signalent çà et là, à propos des villes et des campagnes du monde musulman.
73 MAS (p), § 368 : texte traduit infra, « La nature : des arbres et des plantes utiles », i. f.
74 Rel, § 72, MAS (p), § 383, Merv, 247, WAṢ, 59.
75 WAṢ, 43-44. Comparer avec ibid., 346-350, MAQ, IV, 42, 56, MUQ, trad., § 56 et n. 114.
76 Thème courant de l’adab que cette association Nil-Indus : cf. YA’Q, 336, FAQ, 61-63, MAS (p), § 217, 412, (t), 82-83, MUQ, 23, WAṢ, 43-44. Le thème remonte à Ğāhiz, qui le développe dans un passage, malheureusement perdu, de ses Amçār : GÂII (a), 192, n. 6, et MAS (p), § 217, (t), loc. cit. Autre indication sur la puissance de l’Indus : « son cours est pareil à celui du Tigre et de l’Euphrate en période de crue » : Merv, 254.
77 MAS (p), § 227, (t), 83 ; la distance équivaut à 2 300 ou 2 900 km, selon les deux estimations (pour un cours réel de 3 100 km). Cf. aussi, sur la puissance des fleuves de l’Inde, Rel, § 72 ; pour ceux des îles de la Sonde, Merv, 301-302.
78 Merv, 192, 213, 266-267. Voir aussi SĪR, 119, MAS (p), § 218, WAṢ, 63.
79 MAS (p), § 434-435.
80 Rel. § 31-32, MAS (p), § 383-386, Merv, 260, HAW, 168, 347, Hud, 91, WAṢ, 37. Cf. aussi infra, fig. 21.
81 Merv, 261.
82 MUII (f), I, 26, WAṢ, 40, 59 ; comparer avec Rel, § 16 (et n. 6), FAQ, 13, el Merv, 301-302 (pour les îles de la Sonde).
83 Rel, § 72.
84 Rel, § 10. Cf. aussi Merv, 244, qui compare le nuage à un minaret.
85 Rel, loc. cit.
86 . WAṢ, 37.
87 SĪR, 122.
88 MAS (p), § 492.
89 . Et dans les chapitres suivants (IV-IX), la réflexion de Mas’ūdī étant finalement valable pour chacun des mondes étrangers.
90 Qu’on décrira dans le volume qui doit faire suite à celui-ci.
91 Cf. n. précédente.
92 HUR, 66-67, Rel, § 5, 6, 28, 34, SĪR, 131, FAQ, 10, MAS (p), § 256, 375, Merv, 193-194, 216, 235-238, MUH (f), II, 120, MUQ, 14, Hud, 84, 86, 92, 164.
93 HUR, 65, Rel, § 9.
94 FAQ, 16, Merv, 235 ; comparer avec MAS (p), § 796 (pour la Nubie).
95 HUR, 64, GÂH (t), 156-158, Rel, § 5, SĪR, 118, 131, FAQ, 16, RST, 84, Merv, 304, MUH (f), II, 120, MUQ, 13, Hud, 57, 84 (n. 3), 86, WAṢ, 54-55. Pour l’Extrême-Orient en général, cf. MAS (p), § 256, 891, 899.
96 SĪR, 118-119, MUQ, loc. cit., ; Merv, 304, signale cependant l’usage de l’émeri pour la taille des pierres.
97 HUR, 65, YA’Q, 236-238, Rel, § 4, 7, 10, 14, 30, SĪR, 28-29, 93-94, 131-133, FAQ, 12, 16, MAS (p), § 256, 365, 367, 372, 899. L’ambre sera traité en détail au FAQ, 12, 16, MAS (p), § 256, 365, 367, 372, 899. L’ambre sera traité en détail dans le cadre du monde musulman.
98 Le thème a la vie tenace : on le retrouvera jusque chez Marco Polo. Cf. Merv, 270-271, WAṢ 44, Mille et une Nuits, 4e et 6e voyages de Sindbād le Marin, Marco Polo, éd. L. Hambis, La description du monde, Paris, 1955, p. 263.
99 HUR, 66, 71, SĪR, 96, MAS (p), § 375, 899, MUH (f), II, 131, Hud, 57, WAṢ, 56, 62. L’étain est communément désigné sous le nom de rasas qala’ī, « le plomb de Kalāh » ( ?) : cf. Dozy, Supplément, II, p. 397, et Sauvaget, Rel, § 15, n. 1.
100 Rel, § 34.
101 amwāluhum : HUR, 66, Rel, § 7, 14, FAQ, 12.
102 Merv, 247.
103 MAQ, IV, 87, Merv, 297.
104 Merv, 297.
105 Chez un Ğāhiz, par exemple, ce principe soutient toute la construction des Ḥayawān.
106 Notamment au Wāq-Wāq, dont le bestiaire et la flore seront traités au chap. IX.
107 Merv, 297.
108 Merv, 304-307.
109 Merv, 268, à propos de Sumatra, parle d’un être appelé sarabha : cf. Livre (les merveilles de l’Inde, éd. Devic-Van der Lith, Leyde, 1883-1886, p. 197.
110 FAQ, 10 ; on songe évidemment aux singes, dont l’auteur parle explicitement juste avant ce passage-ci, mais l’important reste que la référence claire et au singe et à l’homme (sûrat al-insān, dit simplement le texte) est escamotée. L’auteur de Merv, 268, est moins habile : il précise la double référence, et y insiste lourdement.
111 FAQ, 10-11.
112 Merv, 298 : ici encore, on peut penser, au delà du texte, à une observation de sens commun : les populations de ces régions (les gobb-s « de Ceylan ») savent, par expérience, que l’arrivée de l’oiseau est annonciatrice d’accalmie (tout comme, ailleurs, le retour des cigognes ou des hirondelles est signe de printemps). Mais le texte, dans le souci évident de créer un climat de merveilleux, se garde bien d’expliciter, sauf lorsqu’il s’agit, précisément, de créer ou de renforcer ce merveilleux : l’oiseau « vient faire ses petits au bord de la mer et alors le vent cesse de souffler dans toute la région pour ne reprendre qu’après quatorze jours » (souligné par nous). Ainsi nous laisse-t-on entrevoir à l’œuvre, portées par l’oiseau, des puissances mystérieuses au carrefour des trois éléments : l’air (l’oiseau), la terre (le continent indien face à Ceylan) et l’eau (l’estuaire).
113 Merv, 197, 228, 251-253, 305-308 (est-ce l’aepyornis, dont le xixe siècle consomma la disparition ?). Sur le parallélisme oiseau-éléphant, voir une position plus critique dans le Livre de Kalila et Dimna, trad. A. Miquel, Paris, 1957, 101-102.
114 D’où le couplet ‘andabīl-zandabīl : MAS (p), § 857.
115 . Merv, 253-254.
116 FAQ, 13, 62, qui modifie le signe du thème courant : la fiente, donnée comme arme (au même titre que le bec, les ergots, etc. : GÂH (h), I, 29), reste bien une arme (de défense en l’occurrence), mais une arme profitable à l’adversaire, et souhaitée par lui.
117 FAQ, 10, 16, SĪR, 131, MAS (p), § 899.
118 Merv, 268.
119 Merv, 216.
120 HUR, 65, Merv, 216-217, 219-220, 270-271, 300, 307, Hud, 164, WAṢ, 35, 44.
121 Merv, 216.
122 Merv, 221.
123 Merv, 265-266 ; cf. aussi, sur les effets des morsures et leurs traitements magiques, TA’À, 124 ; YA’Q, 369, parle, pour les Indes, d’un serpent cornu.
124 C’est une des données du parallélisme Nil-Indus : cf. supra, p. 87, n. 3.
125 FAQ, 63 (si toutefois il faut bien corriger, comme y in vile de Goeje, Zang en Zābag), MAS (p), § 217-218, (t), 82-83, Merv, 255, 261, 289-291, 302, HAW, 150.
126 HAW, 150.
127 Rel, § 52, 68, Merv, 261, où transparaît le caractère de « mangeur d’hommes ». Le mot de nimr est d’ailleurs souvent imprécis : tigre, léopard ou panthère (cf. Sauvaget, Rel, § 52, n. 1). GÀH (h), VII, 134, signale le tigre comme particulièrement abondant au Gāna, en ajoutant toutefois qu’on le trouve « en de nombreux pays » ; en réalité, bien qu’il soit connu du monde musulman (son habitat commence en Perse), il est, pour l’essentiel, un animal exotique, et la discrétion de nos textes à son égard reste remarquable.
128 MAS (p), § 853.
129 Rel, § 68.
130 Dans un autre volume, avec la description du monde musulman.
131 Merv, 231-242, 268, les localise, bien que l’ouvrage traite en principe des pays de l’océan Indien, aussi bien dans le monde musulman qu’en Extrême-Orient.
132 FAQ, 10.
133 GĀH (h), à l’index, s. v., HUR, 65, 67-68, Rel, § 28, 34, FAQ, 10, 77 (il est « comme un veau » : thème de la licorne ? Il est vrai que la description des deux cornes va là contre. La précision est intéressante, en tout cas, venant d’un auteur qui ajoute, un peu après, que l’ongle de l’animal est « comme celui du bœuf » ; mais il est vrai que ces indications renvoient sans doute à la licéité de la viande de rhinocéros : infra, p. 120, n. 5 ; îJUR, 65, précise la taille d’une autre façon : inférieure à celle de l’éléphant et supérieure à celle du buffle), MAS (p), § 430-432, 901, NAD, 349, 377, Hud, 57, 84, 86, WAṢ, 55.
134 Hud, 92.
135 Rel, § 28, et MAS (p), § 429, parlent du samar (éamar), chasse-mouches fait en crin de yak, mais aussi en soie ou en plumes de paon : cf. référ. dans Sauvaget, Rel, loc. cit., n. 6. Les textes cités situent l’origine du samar dans l’Inde du nord et du nord-nord-est (cf. Sauvaget, loc. cit., n. 1). Le yak, quant à lui, habite le Tibet, l’Himalaya et le Sikkim : il est expressément cité, en tout cas, sous le nom de giz-gāv, par Hud, 85.
136 HUR, 64, SĪR, 131, FAQ, 11, MAS (p), § 899, Hud, 87 sq. ; HUR et FAQ distinguent, du zabād (zibet), un autre genre de civette qui produirait, elle, non le parfum appelé zabād, comme l’animal correspondant, mais le musc.
137 YA’Q, 365, SĪR, 109-111, MAS (p), § 391-394, 434, 902.
138 Balayer, par exemple : Merv, 238.
139 Utilisé (supra, n. 2) pour son crin, mais aussi comme bête de somme ou de trait.
140 FAQ, 16, qui l’appelle « poule du Sind ». Il s’agit en réalité d’un gallinacé distinct de l’espèce commune, originaire d’Amérique : soit une espèce locale, soit la pintade importée d’Afrique (cf. E. Ghaleb, op. cit., II, 202).
141 RST, 138, SĪR, 96-97, 121, WAṢ, 62-63.
142 RST, 135, Hud, 249-250. Donnés généralement comme originaires de l’Arabie du Sud.
143 Rel, § 73, FAQ, 10. Sauvaget (Rel, § 31, n. 3) signale que MAS (p), I, 388-389, les donne comme animaux des régions intermédiaires entre Inde et Chine : je n’ai pas retrouvé trace de cette indication.
144 Et peut-être aussi par le perroquet, dont on a parlé plus haut.
145 SĪR, 131, FAQ, 10, MAS (p), § 899, Hud, 86.
146 Rel, § 25, 26, 34, 72, SĪR, 54, FAQ, 14, MAS (p), § 433-434.
147 Rel, § 34.
148 Rel, § 26, MAS (p), § 433.
149 HUR, 64, 68, Rel, § 28, FAQ, 10, MAS (p), § 870, WAṢ, 55.
150 MAS (p), § 865 : il n’existe qu’en Inde et en Afrique (pour l’éléphant d’Afrique, cf. chap. IV).
151 HUR, 64, 67, Rel, § 6, 25, 30, 72 (et n. 8), SĪR, 52, MAS (p), § 415, 421, 425, 428, 433, 865, MUH (f), If, 120, Hud, 84 (qui signale l’animal en Chine), 86 sq.
152 HUR, 67, RST, 134, MAS (p), § 421, 430, 852, 862, 865, Merv, 294.
153 GĀH (h), index, s. v. « fil », MAS (p), § 852, 859, 862-864, 899, 901-902, Merv, 214. A noter qu’en ce qui concerne l’habitude de troubler l’eau, l’originalité est moins affirmée : parmi les grands animaux, lesquels d’ordinaire se complaisent à contempler leur image dans une eau claire, l’exception que l’éléphant représente lui est commune avec le cheval et le chameau. A noter également que les données relatives à ce thème, ainsi qu’au « musc » et à l’attitude au moment du rut, sont courantes dans Yadab ; un exemple : celui de Kalita et Dimna, op. cit., 78, 85,164-166.
154 Rel, § 26, Merv, 219-220, MAS (p), § 428, 430, 852-853, 855, 862, 864-865.
155 MAS (p), § 864. La classification est empruntée à GĀH (h), I, 27.
156 MAS (p), § 855, 862-865, 903.
157 MAS (p), § 852.
158 Op. cit., 57.
159 MAS (p), § 852.
160 MAS (p), § 859.
161 MAS (p), § 421 : sd’is, pl. suwwās, littéralement : son « palefrenier ». Ailleurs [ibid., § 416), Mas’ūdī emploie le mot de « cavalier » (fāris) : les mêmes habitudes mentales se retrouvent dans la confrontation éléphants-chevaux, signalée plus haut.
162 HUR, 67, Rel, § 26, RST, 134, Merv, 293-294, MAS (p), § 416, 421-422, 852, 862-865.
163 . GĀH (t), 159, SĪR, 96, 131, MAS (p), § 256, 853, 899
164 Merv, 298, MAS (p), § 256. Je me demande s’il ne s’agit pas de la version fabuleuse d’un thème réel : l’arbre kādī (pandanus), dont l’écorce est utilisée pour les correspondances des rois de la Chine et de l’Inde : MAS (p), § 623, et Ghaleb, Dictionnaire des sciences de la nature, op. cit., II, p. 342.
165 GĀH (t), 158, Rel, § 51, SĪR, 96, 131, FAQ, 16, Merv, 263, MAS (p), § 899, Hud, 57, WAṢ, 57.
166 HUR, 65, Rel, § 6, SĪR, 34, 95-96, 131, FAQ, 10, 16, MAS (p), § 372, 899, MUQ, 14, Hud, 57.
167 . GĀH (t), 157, HUR, 61, 63-64 sq., YA’Q, 367, 368, Rel, § 5, 16, 28, SĪR, 33, 50, 96, 98, 124-126, 131, Merv, 263, MIS (a), 24, MAS (p), § 376, 417, 899, Hud, 86-87, WAṢ, 57.
168 HUR, 65, Rel, § 6, 34, 51, SĪR, 34, 55, 95-96, 131, FAQ, 16, MIS (a), 25, MAS (p), § 371, 375, 376, 899, MUH (f), II, 131, MUQ, 14 (qui porte à 200 le chiffre de 100 personnes donné par 0UR, loc. cit.), Hud, 57, 86-87, WAṢ, 55-56.
169 HUR, 62, 66, 69, 71, Rel, § 6, 14, 18, 22, SĪR, 34, 40, 44-45, 116, 131, FAQ, 10, MAS (p), § 256, 372, 899, (t), 82, MUH (f), II, 113, 131, (y), V, 211, Hud, 57, 88, WAṢ, 56, 62.
170 FAQ, 16 (littéralement : drogues, saydala), MAS (p), § 256.
171 FAQ, 16, SĪR, 76 (avec indications sur le ver à soie ; repris dans MAS (p), § 331), Hud, 87.
172 HUR, 66, 70, YA’Q, 368-369, FAQ, 15, 16, SĪR, 109, Hud, 57. Le bétel et la noix d’arec sont donnés par Merv, 263, comme employés dans les rites funéraires.
173 HUR, 70, YA’Q, 369, Rel, § 51, SĪR, 131, FAQ, 10, 16, MAS (p), § 376, 899, Hud, 57, WAṢ, 44-45.
174 HUR, 62-63, 64, 70, Rel, § 30, 56, FAQ, 16, MIS (a), 19, Hud, 88.
175 MAQ, IV, 70.
176 HUR, 69
177 HUR, 63, 66, Rel, § 22 (et n. 1), 62, SĪR, 45-46, 68, 114, 122-123, 127, FAQ, 14.
178 Rel, § 41 (et n. 2), repris dans SĪR, 58.
179 Rel, § 22, repris sur SĪR, 45. Autres références : HUR, 64, 66, 70, Rel, § 4, 6, 14, 18, 72, SĪR, 31, 33, 34, 35, 40, 44, 45, 71, 126, FAQ, 10, 12, 14, MAS (p), § 368, 371-372.
180 FAQ, 14.
181 Rel, § 72, repris par SĪR, 71. Cf. aussi Rel, § 22, et MAS (p), § 352. Le palmier se trouve dans la province musulmane du Sind : MUH (f), II, 113 (mais non MUH (y), V, 211), HAW, 320.
182 Rel, § 14 (SĪR, 40-41),
183 SĪR, 126.
184 MAS (p), § 368 (c’est nous qui soulignons).
185 Rel, § 8, 18.
186 Les traits en question (Rel, loc. cil.) se retrouvent en effet dans d’autres populations asiatiques : la nudité aux Nicobar, dont les habitants sont donnés pour blancs (Rel, § 7, 14) ; cette nudité peut s’expliquer du reste par le climat (ibid., § 7), ou encore (ailleurs que dans les îles, en l’occurrence aux Indes) par des raisons religieuses : ibid., § 52, à propos des ascètes. Les cheveux crépus se retrouvent au Tibet (YA’Q, 237). L’anthropophagie enfin existe, sous la forme de pratiques de magie politique, en Chine (Rel, § 56 ; cf. également infra, p. 108 et 120).
187 Le jaune, comme on va le voir, est très rare. Dans la graduation des effets de « cuisson » du soleil sur l’embryon, ce sont, dans l’ordre, le blanc, le brun, le rouge et le noir qui composent l’échelle de base : GÀH (h), III, 244-245 et 251-252.
188 Rel, § 49, 65, FAQ, 14, HAM, 29, MAQ, IV, 57, WAṢ, 119.
189 Rel, § 73.
190 Rel, § 16.
191 Rel, § 32, à propos des peuples du Yunnan, du Se-Tchouan et du Tibet oriental. Pour le Tibet proprement dit, voir infra.
192 RST, 135, MAQ, IV, 59, Hud, 87.
193 MAS (p), § 170, Hud, 91.
194 Rel, § 27, 29, RST, 135, Hud, 91 ; MAQ, IV, 59, dit que les Indiens sont bruns et jaunes.
195 Rel, § 65, FAQ, 14 ; une exception signalée par Hud, 88 (n° 22).
196 Rel, § 27, Merv, 193.
197 Supra, p. 82.
198 Il faudrait ajouter, compte tenu de ce qu’on a dit plus haut : et des Chinois aussi. Le texte relatif à toutes ces indications, y compris au nez chinois, est MAQ, IV, 57-59.
199 YA’Q, 237, trad., 8 (légèrement modifiée).
200 HUR, 65, Rel, § 8, 18, MAS (p), § 372 (où la longueur d’une coudée est rapportée non plus au sexe, mais au pied), 375.
201 HUR, 65, Rel, § 14, FAQ, 12, MAS (p), § 372 (« une figure bizarre »).
202 MAS (p), § 377 (traduction légèrement modifiée).
203 Supra, p. 82.
204 La terre, la plante et la bête se prêtent évidemment davantage à la notation brute.
205 MAS (p), § 899.
206 Pour une liste de produits d’un même pays : MAS (p), § 376, à propos des îles de la Sonde, SĪR, 96, à propos du marché malais. Pour des produits isolés : Rel, § 16 (bois d’aigle venant de l’Annam), YA’Q, 365 (musc importé du Tibet dans le Sind, et de là réexporté par mer). A noter que n’est pas précisée, ici non plus, la destination du produit.
207 Rel, § 34, FAQ, 11 ; SĪR, 139, cite, comme importations de l’Inde, des dinars du Sind, du corail et de l’émeraude d’Égypte, en ajoutant que ces importations ont cessé. Voir aussi Rel, § 14, où le fer est signalé, pour les Nicobar, comme instrument de troc, contre ambre, canne à sucre, bananes, noix et vin de coco.
208 Encore faut-il relever que le Tabassur ne note que les importations, et qu’au surplus rien ne dit que son destinataire ait été un commerçant : ce pouvait être un fonctionnaire : cf. Géographie 1, 110.
209 Un exemple dans TA’À, 127-128.
210 La Relation, on le voit, manque à l’appel : on s’en étonnera moins — et, dans tous les cas, on réservera son jugement — si l’on se rappelle les graves lacunes qui affectent l’ouvrage et « dont rien ne permet de mesurer l’importance » (Sauvaget, Rel, XVI).
211 HUR, 70-71.
212 Y compris les bois odoriférants comme le santal.
213 Selles, fourrures, noix de coco, éléphants, étain, etc.
214 FAQ, 16. Cf. également SĪR, 96 (à propos de la Malaisie) : sur 9 produits d’exportation, 6 ressortissent au poste aromates-épices. Autre réduction éclairante : MAS (t), 91, cite 7 produits seulement pour les îles de la Sonde : tous sont des aromates ou épices.
215 HUR, 62-70, où se retrouvent (p. 64, en bas) deux formules reprises ensuite, littéralement, dans la liste des importations musulmanes que l’on vient d’étudier.
216 On compte dans ce chiffre, comme il est normal, les répétitions de l’énonciation d’un même produit au hasard des différents pays.
217 GĀH (t), 156-160.
218 Hud, 84-93 (le Wāq-Wāq étant, dans nos comptes, extrait de la Chine, dans laquelle le range l’auteur ; sur ce pays, cf. chap. IX), 163-164 (§ 56).
219 Hud, XIV-XV.
220 Rel, § 14, SĪR, 41, FAQ, 12, MAS (p), § 372, Merv, 269-270, Hud, 57.
221 Rel, § 4, 28, SĪR, 31, 33, 50, MAS (p), § 370, 429, Merv, 293, WAṢ, 58.
222 HUR, 67, Rel, § 26, RST, 135, MAS (p), § 425-426, MUH (y), V, 211.
223 Rel, § 34.
224 Merv, 269 : parages sud de Sumatra (cf. Rel, § 34, n. 1).
225 Merv, loc. cit.
226 SĪR, 81 ; comparer avec Rel, § 34 (n. 1) et 44 (avec une autre information : 1 000 pièces de cuivre pour 20 dinars).
227 SĪR, 98-102 (repris dans MAS (p), § 179-183).
228 Rel, § 38, SĪR, 56, MAS (p), § 174, NAD, 351.
229 Rel, § 39, MAS (p), § 174.
230 Rel, § 28, MAS (p), § 317, 850, Merv, 191, 260, 286-287, NAD, 350.
231 Merv, 191, 260. Cf. également infra, p. 118, n. 5.
232 SĪR, 82-83, Merv, 263-264, 280, WAṢ, 119 ; cf. Rel, § 39, où est soulignée la nécessité de cette « morgue » (tağabbur).
233 Rel, § 39, SĪR, 83, 92, MAS (p), § 174, 351-352.
234 Rel, § 38, 42, SĪR, 58-59, 105, MAS (p), § 337, WAṢ, 119.
235 Rel, § 38, SĪR, 57.
236 Rel, § 51, SĪR, 64-65, MAS (p), § 175 ; FAQ, 10, reprend seulement l’indication de la crémation du cadavre, qui suit la cérémonie.
237 Voir par exemple, pour la Chine, l’insistance de SĪR, 106-107, et MAS (p), § 317-324, 327, 329, 336 (et 425, pour l’Inde, à comparer avec Rel, § 25), ou la formule de MIS (a), 17 : « ils ont une politique respectable et un gouvernement parfait. » Cf. également supra, p. 64.
238 Rel, § 46, 47, SĪR, 62-63. Sauvaget (§ 47, n. 1) rectifie en disant que les vieillards étaient bien dégrevés d’impôts, mais non titulaires de pensions. Il reste que la notation, dans son exagération même, est bien l’indice de l’intérêt porté à ces mesures sociales. Comparer avec YA’Q, 371, où la distribution (en Irak, à Médine et à la Mekke) de 5 millions de dinars en cadeaux et œuvres charitables apparaît bien comme le fait du prince (le calife al-Wāṯiq), noté comme tel pour son caractère exceptionnel (ou, à tout le moins, pour l’ampleur de son montant). Cette dernière conception, au reste, n’est évidemment pas l’apanage de l’historiographie musulmane ; toute histoire traditionnelle a sa galerie des bons et des mauvais princes.
239 Rel, § 28 (n. 3), 53, 54 (et n. 1), 56, SĪR, 114, MAS (p), § 176. Voir une énumération détaillée chez HUR, 71. Cf. également MIS (a), 10 (le roi est désigné par le sort au Tibet).
240 A plus forte raison l’argumentation est-elle valable dans le cas de Persans d’origine.
241 HUR, 67, Rel, § 25, 26, 27 (exception représentée par le paisible Cachemire), 54, 56, 72 (SĪR, 48-50, 66-67), RST, 134, MAS (p), § 178, 185-186, 415-416, 425-429 (avec l’exception du Cachemire, § 427), 854, 859, Hud, 89. A noter que la guerre est l’affaire des hommes, et des hommes seuls : les femmes ne les suivent pas en campagne : RST, 133 (à propos du Cambodge, considéré comme relevant de l’Inde).
242 Cf. infra, p. 464, n. 6 (MAS (p), § 344, cité partiellement supra, p. 61).
243 Les soldats se recrutent notamment parmi les fils de prostituées : MAS (p), § 322.
244 Rel, § 72, FAQ, 15, MAS (p), § 324, MAQ, IV, 57.
245 Rel, § 33 (et n. 1 et 3), SĪR, 53, MAQ, IV, 19. Le nombre des villes principales varie : 300 (HUR, 69, NAD, 350), plus de 300 (WAṢ, 117), 360 (MAQ, IV, 57), le dernier chiffre permettant de dire que chacune d’elles « fournit au roi l’impôt d’un jour de l’année » : même chiffre, mais à propos de régions, dans Hud, 84.
246 Rel, § 32, 33 (et n. 2), 38, SĪR, 52-53, NAD, 350 (4 gouverneurs, dont un gouverneur en chef et un commandant de l’armée).
247 Rel, § 37 (et n. 4), SĪR, 82-83, MAS (p), § 337, WAÇ, 118-119.
248 Rel, § 43, SĪR, 59-60, 82, 104, MAS (p), § 337, WAṢ, 119.
249 SĪR, 104-107, MAS (p), § 337-340.
250 Rel, § 47 (SĪR, 62-63), MAS (p), § 330, MAQ, IV, 18.
251 Mulets à queue coupée, « comme ceux de la poste officielle en pays arabe » : SĪR, 111, MAS (p), § 340.
252 Exemple d’enquête chez SĪR, 86.
253 Rel, § 45 (SĪR, 62), MAS (p), § 334, NAD, 350, HUW (m), 116, 120, Hud, 84. Sur la dévolution du pouvoir impérial, cf. Rel, § 54, n. 1.
254 Rel, § 33 (n. 4), SĪR, 77, 86, 92, 105, MAQ, IV, 57, Hud, 84 ; MAS (p), § 315, 324, donne comme capitale Yang-tcheou (Ansu), qu’il conserve aux § 331 et 337 (où l’éditeur corrige en Humdān) ; Humdān apparaît au § 342. MIS (a), cité dans Hud, 232, donne pour capitale Sandābil : sur celle-ci, cf. W. Barthold, dans El, IV, p. 153-154.
255 Voir la contre-épreuve avec la description de l’État au moment de la révolte de Huang-Tch’ao : MAS (p), § 335.
256 Rel, § 37 (SĪR, 56) : le nom même de l’empereur se trouve dans quelques-uns de ces titres (Sauvaget, Rel, loc. cit., n. 1 et 2), mais l’auteur de la Relation ignore leur sens exact.
257 Voir une phrase révélatrice de la comparaison ainsi faite dans MAS (p), § 335.
258 Rel, § 43 (SĪR, 59-60), NAD, 350.
259 Rel, § 40 (SĪR, 58).
260 Rel, § 41 (SĪR, 58). Le monopole du vin (Sauvaget, Rel, loc. cit., n. 3) n’est pas relevé.
261 Rel, § 34 (SĪR, 54), MIS (a), 16-17, NAD, 351.
262 Rel, § 32, 40 (et n. 1), 47 (SĪR, 57-58, 62-63), MAQ, IV, 18.
263 Rel, § 34 (et n. 6-7) (SĪR, 54-55).
264 Rel, § 44-45 (SĪR, 60-62), MAQ, IV, 18.
265 MIS (a), 19.
266 Merv, 264-265.
267 Cf. supra, p. 105 i. f.
268 Rel, § 25-27 (SĪR, 48-49), RST, 134 (qui est d’un avis contraire sur le roi des Gourjara, ce qui prouve bien le caractère variable des situations), MAS (p), § 425, 426 (hostilité du roi des Gourjara), 427, Hud, 238.
269 Rel, § 23, 58, 69, SĪR, 79-80, Merv, 291, 299, MAQ, IV, 10, 18 ; RST, 133, indique comme peines, pour des délits non précisés, l’amende ou l’amputation. Au chapitre du vol, Merv, 285, signale l’existence de bandes organisées aux Indes.
270 Rel, § 50, RST, 138-139, MAQ, IV, 10.
271 Rel, § 66, FAQ, 14 : la notation semble viser (mais le texte ne le précise pas) la prison pour dettes. Sauvaget (Rel, loc. cit., n. 1) en conteste d’ailleurs la véracité historique.
272 Rel, § 37, SĪR, 107-108.
273 Rel, § 38 i. f. (et n. 6), 67 (n. 1).
274 Rel, § 67, SĪR, 108 (c’est le grand juge qui nomme les juges de villes).
275 Rel, § 12, Merv, 291.
276 Rel, § 45 (et n. 2).
277 RST, 133.
278 RST, 134-135.
279 MAQ, IV, 19.
280 MAS (p), § 321.
281 Rel, § 38.
282 SĪR, 108, MAS (p), § 337.
283 SĪR, 107-108, qui insiste sur la formation intellectuelle et morale des juges.
284 La première formule est de SĪR, 109 ; la seconde est extraite de MAS (p) § 320 : cf. ibid., § 321, 324, 327 et 349 : sans doute cette équité, cet ordre sont-ils représentés comme relevant des anciens âges, avant les désordres de Huang-Tch’ao (cf. § 335 i. f.), mais la déploration pour l’état présent ne compromet pas la validité du modèle.
285 Exemples dans Rel, § 38, 43.
286 Sauvaget, Rel, § 38, n. 5.
287 Rel, § 36, 48.
288 Les grandes îles de la Sonde relèvent de l’Asie du Sud-Est (leur autorité s’étendant sur la péninsule malaise : Rel, § 15), ouverte aux influences indiennes. Ceylan leur est pleinement soumise (encore que Hud, 57, 86, la range, dans la description, avec la Chine, dont elle constitue comme « une frontière avec l’Inde »). Le Japon (Wāq-Wāq) est à part : cf. chap. IX. Les Laquedives et Maldives, gouvernées, on l’a vu, par une femme, relèvent du domaine civilisé : bâteaux, maisons, vêtements élaborés (Rel, § 4). Par îles sauvages, il faut donc entendre les petits archipels ou îles de l’océan Indien oriental : Nicobar, Andāmān, Mergui, Nias.
289 Rel, § 7, 14. La fabrication des navires en bois de cocotier (supra, p. 100) est expressément rapportée aux marins venus de l’Oman : SĪR, 126. La plantation de cocotiers dans les îles est attribuée aux Indiens : SĪR, ibid. Dès lors, ce qui est indiqué de l’usage des cocotiers par les habitants des îles (Rel, loc. cit.) semble relever de la pure économie de cueillette, réserve faite du vin de coco, obtenu du reste sans préparation, par simple fermentation à l’air (« si on le laisse quelque temps », se contente de dire le texte de Rel, § 14).
290 Pour cette dernière, en particulier, l’aptitude aux formes supérieures de la civilisation est pratiquement érigée en principe : MAS (p), § 319, 324 (rôle essentiel des Chinois dans le développement du commerce mondial), MAQ, IV, 17, WAṢ, 118 (les Chinois sont savants, policés, éduqués et artistes). L’Inde est décidément, avant tout, le pays de la sagesse : MAS (p), § 152, et supra, p. 64.
291 MAS (p), § 311-315, WAṢ, 117 ; cf. une autre tradition supra, p. 60, n. 3.
292 Rel, § 72, FAQ, 14, MIS (a), 20-21, MAS (p), § 152-153, MAQ, IV, 9, 59, WAṢ, 108-109.
293 Pour le calcul, cf. MAQ, IV, 9 (Inde), 59 (Tibet), MAS (p), § 165 sq. (Inde). La Chine marque peut-être un léger avantage pour la mesure du temps : Rel, § 33, SĪR, 53 ; en ce dernier domaine, l’Inde est signalée comme utilisant un comput fondé sur les règnes des divers rois, usage « contraire à la coutume des Arabes » (Rel, § 25).
294 Rel, § 46, 72 (et notes), FAQ, 14, MAS (p), § 167, 436 sq., 696, (t), 92, MAQ, IV, 9, Merv, 265-266, WAṢ, 108-109. MIS (a), 23-24, fait exception : il déclare que l’Inde n’a pas de médecine, sauf à Kūlam (Kfilam-Malaya, Quilon, sur la côte sud-ouest de l’Inde).
295 Rel, § 55 (et n. 1), MAS (p), § 177, 388 (Tibet), MAQ, IV, 9.
296 Rel, § 36, NAD, 16-17.
297 Rel, § 4, 60 (les Indiens bâtissent en pierre, terre, brique et plâtre, les Chinois aussi, mais surtout en bois), FAQ, 14, Merv, 301-302 (maisons de bois flottantes aux îles de la Sonde).
298 Voir ci-après, à propos de l’artisanat et des vêtements.
299 SĪR, 121-122, MAS (p), § 161-165, 851, WAṢ, 108-109.
300 Il est courant dans l’adab : cf. supra, p. 64, 66, et MAS (p), § 318, Hud, 84.
301 Merv, 273.
302 Rel, § 34 (et n. 5).
303 SĪR, 84-85, MAS (p), § 353-354.
304 Cf. références supra, p. 83, n. 8, et 9.
305 Rel, § 33 (et n. 4), FAQ, 15, MIS (a), 17, MAQ, IV, 19, 57, WAṢ, 118. Sur les trompes et les tambours, cf. supra, p. 110, n. 3.
306 Rel, § 7-8, 18.
307 Rel, § 15. Signalé aussi aux Indes : SĪR, 138.
308 HUR, 67-68, Rel, § 28, MAS (p), § 429.
309 Rel, § 24, 29, 72, SĪR, 138, FAQ, 15.
310 Rel, § 21, 34, SĪR, 83-84, FAQ, 13-14, MAQ, IV, 57, WAṢ, 120.
311 HUR, 67-68, Rel, § 28, 34, MAS (p), § 431 (Inde et Chine), WAṢ, 119 ; avec ivoire d’éléphant importé des Indes : ISH, 460.
312 Rel, § 4.
313 Rel, § 16, 72, HAW, 325.
314 MAQ, IV, 57.
315 Rel, § 31 (et n. 2), 72 (et n. 12).
316 Rel, § 21, FAQ, 14.
317 Merv, 283, signale que certains Hindous ramassent leurs cheveux sur le haut de leur tête, d’autres les laissant pendre ; HAW, 325, que les Hindous laissent flotter leur chevelure (cf. Hud, 88).
318 Rel, § 21, 23, SĪR, 112, FAQ, 14.
319 SĪR, 112-113.
320 Rel, § 23, FAQ, 14.
321 Supra, p. 101.
322 Rel, § 28 (et n. 6), SĪR, 138, MAS (p), § 429, 850-851.
323 Bétel et hydromel notamment : MAS (p), § 513-514, Merv, 264, SĪR, 110.
324 MIS (a), 20-21.
325 Rel, § 22, 62 (et n. 1), SIB, 122, FAQ, 14, MAQ, IV, 59.
326 Ceux-ci tranchant sur la grisaille et la misère de la masse.
327 Cf. références supra, p. 108, n. 1. On y ajoutera Rel, § 26, 38 i. f., 44-45, RST, 135, MAS (p), § 152, et tout ce qui est dit infra sur la répression de l’ivrognerie et de l’adultère.
328 MAS (p), § 427.
329 Merv, 292.
330 HUR, 66.
331 SĪR, 97-98, MAS (p), § 184.
332 MAQ, IV, 9.
333 Rel, § 6 (SĪR, 34) ; Merv, 269, parle des crânes sans les relier aux rites du mariage.
334 Rel, § 57, 61 (et n. 1).
335 SĪR, 113, MAS (p), § 328.
336 MAQ, IV, 18-19, 21 : le texte, assez elliptique, donne à penser que les filles seules peuvent émigrer avec le père, les enfants mâles restant en Chine avec la mère.
337 Rel, § 65 (SĪR, 69), FAQ, 14.
338 Rel, § 51 (et n. 2), FAQ, 10. Merv, 286, généralise : « on dit que, dans l’Inde supérieure, la coutume de brûler les vieillards, hommes ou femmes, est encore observée. »
339 Rel, § 35 (critiqué par SĪR, 74-75), NAD, 350-351.
340 MAQ, IV, 18.
341 MAQ, IV, 17.
342 Rel, § 57, SĪR, 79-80, FAQ, 15, RST, 132, 134 (qui note le contraste entre le châtiment de l’adultère et la sensualité de la société indienne), MAS (p), § 178, 322, MAQ, IV, 10-11, 19 ; WAṢ, 63, déclare qu’à Ceylan, un homme convoite une femme au vu et au su de sa famille à elle (le thème de la licence cinghalaise est connu : SĪR, 122) ; Hud, 86-87, donne l’adultère comme licite aux Indes, mais interdit au Cambodge.
343 Rel, § 59, FAQ, 14, RST, 133, MAQ, IV, 10.
344 Rel, § 59, SĪR, 80-81, 122, 124, FAQ, 14, MAS (p), § 322, WAṢ, 108-109.
345 Merv, 284. Il est vrai que l’histoire peut tout aussi bien être rapportée aux côtes de l’Afrique orientale : cf. Livre des merveilles de l’Inde, éd. Devio-Van der Lith, op. cit., supra, p. 91, n. 4, 212-214. Je me décide pour les pays de l’Inde et de la Sonde en fonction des contes qui précèdent et suivent celui-ci — et qui se rapportent précisément à ces pays — mais sans attacher, il est vrai, de valeur absolue à ce critère, compte tenu du caractère spontané de l’organisation du texte.
346 Cf. supra, p. 115, n. 10, et SĪR, 116-117, RST, 138. Les pratiques de mutilation se retrouvent aussi, aux Indes, dans certains rites de vassalité : Merv, 262.
347 Rel, § 55, SĪR, 98, FAQ, 15, RST, 132-133, MAS (p), § 177, 518-519, Merv, 289, MAQ, IV, 10, Hud, 86.
348 Rel, § 63.
349 Rel, § 22 (et n. 3), 28 (le rhinocéros, lui, est « licite » (halāl) : on relèvera le terme), 71, FAQ, 14, 77 (le rhinocéros est un ongulé comme les bovins : indication sur la licéité de sa chair), 187-188, RST, 132-133, MIS (a), 19-20, Merv, 292 ; comparer avec Laoust, Le précis de droit d’Ibn Qudāma, Reyrouth-Damas, 1950, 225 sq.
350 Rel, § 6, 8, 18, MAS (p), § 372, Merv, 269, MAQ, IV, 92, WAṢ, 60, 70.
351 Rel, § 56 (ennemis publics et condamnés de droit commun) ; supra, p. 108, références en n. 3.
352 SĪR, 78, 80 ; autre trace dans Hud, 85.
353 Rel, § 71 (et n. 6), SĪR, 100, FAQ, 14, MAS (p), § 178, 347 ; ici encore, le thème passe dans l’adab : WAṢèā’, 210-218. On ajoutera à ces pratiques celle qu’indique SĪR, 138 : certains Hindous ne mangeant jamais à deux au même plat ni à la même table, cela crée des problèmes inextricables lorsqu’un de leurs confrères marchands de Sīrâf les invite.
354 Supra, p. 78, n. 3 ; Hud, 87, signale un autre exemple de royauté féminine, aux Indes.
355 Supra, p. 117, n. 7 ; cf. également Rel, § 49.
356 Rel, § 14.
357 SĪR, 139.
358 Rel, §23, 71, SĪR, 112, FAQ, 14, Merv, 264. Comparer avec Laoust, op. cit., 3 sq.
359 Rel, § 71, FAQ, 14 ; cf. Laoust, op. cit., 12 sq.
360 WAṢ, 70.
361 Rel, § 64, 70, FAQ, 14, MAS (p), § 325 (qui assimile cette situation à celle qui régnait en Arabie avant l’Islam : cf. infra, à propos de Maqdisī), MAQ, IV, 18, 57, Hud, 85, 92 (Tibet), MIS (a), 10 (Tibet).
362 MIS (a), 21, Hud, 86.
363 MAQ, IV, 9, 17, 59 ; revue de différentes sectes hindoues : MAQ, IV, 11-14, NAD, 347-349. Sur l’histoire du Bouddha, MAS (p) § 1371 ; HUR, 71, insiste, pour l’Inde, sur la multitude des croyances (milal).
364 MAQ, I, 133, 186.
365 Rel, § 23 (n. 4, où l’on signale la conception cosmogonique chinoise, avec sa distinction du yin et du yang), 72, FAQ, 14, MAS (p), § 317-325, MAQ, I, 133, IV, 9, 17, 57, Hud, 84-85,’226, NAD, 350, WAṢ, 118.
366 MAS (p), § 321-322.
367 MAQ, IV, 18, 57, Hud, 84 (n° 2).
368 Rel, § 72, SĪR, 104, FAQ, 14, MAS (p), § 154-155, 169, MAQ, I, 187.
369 MAQ, IV, 16 ; citation de Coran, XXXIX, 4/3. Cf. un rapprochement de ce genre supra, p. 121, n. 7.
370 Rel, § 52, SĪR, 123, RST, 132-133, Merv, 287-289. Les livres sacrés sont tantôt accordés, tantôt refusés aux Chinois : Rel, § 64, 72, FAQ, 14, Hud, 88. Le thème de l’ascétisme hindou passe dans Vadab : WAṢsà’, 169, qui déclare que certains Hindous s’abstiennent d’aimer, considérant que c’est là une sorte de magie et de folie (suit, p. 170, une série d’apophtegmes sur les conséquences de l’amour).
371 WAṢ, 43-44.
372 Aux îles Andāmān : Merv, 273-274, avec indication probante : le tombeau serait celui de Salomon. Cf. aussi Hud, 85.
373 HUR, 72, SĪR, 123, Merv, 254-256, 289-291.
374 Rel, § 52.
375 SĪR, 124, qui ajoute : « Remercions Dieu, le Puissant, le Grand, de ce Coran qu’il a choisi pour nous et par lequel II nous a préservés des péchés des Infidèles » ; cf. aussi MAS (p), § 1424, MUQ, 483.
376 SĪR, 114-115, RST, 136, MAS (p), § 159, 511, 513, 515-516, Merv, 193, 266-267, 283, MAQ, IV, 14-16, WAṢ, 43-44, 108-109
377 SĪR, 119.
378 SĪR, 115, Merv, 193, MAQ, IV, 14.
379 SĪR, 123-124, avec citation finale de Coran, XVII, 45/43.
380 Voir la citation de Ğāhiz, très éclairante à cet égard, infra, p. 126, n. 1 (ihtalafa l-Hind wa l-’Arab...).
381 Multān est dans le Sind, qui relève de l’Islam, mais on ne saurait la couper, dans le contexte indien, de tous les autres lieux de culte : cf. HAW, 9, i. f.
382 Rel, § 64, 70, SĪR, 119, 124-126, MAS (p), § 417, 1424, MIS (a), 27, Merv, 193, 267, HAW, 321, MUQ, 483, NAD, 346-347, Hud, 85, 88 sq. La meilleure description est celle de RST, 135-136 : précise, objective, elle laisse percevoir les interférences entre les approbations latentes (dévotion, pèlerinage) et les critiques (fausse vie de l’idole, mutilations volontaires ou suicides des pèlerins).
383 MAQ, IV, 19.
384 RST, 139, MAQ, IV, 10, Merv, 292.
385 Références supra, p. 76, n. 3 ; cf. aussi NAD, 349.
386 SĪR, 119, Merv, 190-192. A noter que les progrès de l’Islam sont liés aussi aux conditions politiques, en l’espèce aux alliances que les divers rois de l’Inde, en lutte, on l’a vu (références supra, p. 109, n. 2), les uns avec les autres, peuvent nouer avec les régions islamisées de l’Inde : cf. Rel, § 25 (et n. 5), 26 (et n. 2), 27.
387 SĪR, 90-91, repris par MAS (p), § 345-348, où peuvent se lire, en filigrane, la tolérance chinoise et même une sorte d’indifférentisme en matière religieuse (références supra, p. 121, n. 7 et 122, n. 1-3), lequel peut évidemment jouer pour ou contre tout apostolat.
388 C’est-à-dire la géographie des masdlik wa l-mamdlik, issue de l’atlas de Balbī.
389 Cf. par exemple le thème de l’ascétisme hindou, chez Wa§§â’ : références supra, p. 122, n. 6.
390 Cf. Géographie I, pass. et index, s. v.
391 Intéressant, à cet égard, est le parallèle entre Abu Zayd as-Sīrāfī, qui déclare rectifier la Relation en fonction des changements intervenus en Extrême-Orient (SĪR, 74-75), et Mas’ūdī qui reprend, quelques décennies après, sans le changer ou presque, le texte de Sīrāfī : ex. MAS (p), § 312 (n. 2), 329 (n. 5), 336 (n. 1), 342 (n. 3).
392 Qui permet, au plan de la recherche, de les étudier globalement, comme on l’a fait.
393 HUR, 70-H γ RST, 82-83 γMAS (p), § 382 γ MAQ, IV, 58
394 Références supra, p. 82, n. 3 γHud, 92 γ ṮA’Ā, 128.
395 Rel, § 72 FAQ, 13 sq.
396 Références supra, p. 115, n. 11 γ ṮA’Ā, 127 (avec détails sur cet artisanat et développement, en contrepoint, du thème des spécialités (hasā’is) de l’Inde, plus nombreuses qu’en n’importe quel pays : TA’À, 124-125).
397 Références supra, p. 107, n. 9.
398 Merv, 192 (la cruche comme symbole de la sagesse préservée).
399 L’attitude d’un Ğāhiz (cf. Pellat, dans Taqāfat al-Hind, op. cit., supra, p. 76, n. 2), même si elle est plus éclairée et vise à une connaissance du dedans (cf. l’esprit de son Kitāb al-asnām (Livre des idoles) défini dans Ḥayawān, I, 5-6), est aussi intransigeante sur le principe même de la foi : ihtalaja (al-Hind wa l-’Arab) fï gihati l-’illa ma’a tlifāqihimā ‘alā gumlati d-diyāna (« Hindous et Arabes se rapprochent sur l’attitude religieuse dans son ensemble, mais divergent sur le plan du « moteur » [de la religion]) (Ḥayawān, I, 5). Quant à la grâce, Ğāhiz en ressentait déjà la nécessité lorsqu’il opposait (Ḥayawān, V, 327-328) la haute intelligence des Grecs, des Hindous et des Arabes de la Gāhiliyya à leurs pratiques païennes fondées sur la tradition et la transmission, et concluait que l’imitation des ancêtres et l’exaltation des aînés étaient des maladies coriaces, qui requéraient un traitement de choc. On voit que l’idée qui se dégage nettement du passage est celle d’une grâce révolutionnaire accordée au Prophète de l’Islam. On tempérera en ce sens les considérations de C. Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, chap. XXXIX, i. f. et XL.
Mêmes réserves chez FAQ, 65, où, dans une optique voisine, l’auteur rapporte, à propos de la suppression, par les conquérants musulmans de l’Égypte, de la coutume de l’offre d’une vierge au Nil, la parole de ‘Amr b. al-’Āṣ : « Voilà qui ne se fera jamais plus sous l’Islam, car l’Islam abolit ce qui est venu avant lui » ; tradition de même ordre, appliquée aux transactions, chez RST, 229.
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