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Chapitre I. La terre indivise

p. 3-30


Texte intégral

1Pourquoi terre indivise ? Y a-t-il, dans les œuvres de la première géographie arabe, un sentiment quelconque d’une communauté de destin qui lie les uns aux autres les habitants du globe, et tous les hommes ensemble à l’être même de celui-ci ? Ce serait trop sans doute que de parler, avant la lettre, d’un humanisme. Car il est vrai, comme en matière de jugements portés sur les nations1, que la conviction de la prééminence de l’Islam gêne la perception et l’énonciation, noir sur blanc, d’une destinée humaine globale. Gardons-nous cependant de nous enfermer dans les insuffisances de la conscience claire. A l’ombre de l’héritage grec, vaille que vaille réassumé, et aussi de la cosmogonie coranique, la terre est bien, d’entrée de jeu, présentée comme un tout inscrit dans cet autre tout qu’est l’univers. Avant que de répartir les hommes à sa surface2, elle se doit de rassembler ses fils en oubliant leurs différences et, peut-être, en les oubliant eux-mêmes dans cette unité qu’elle prétend être. Aucun doute : il existe bien une terre compacte, indivise, que les auteurs proposent à leur public dans le cadre d’une étude globale de l’univers3 : et cette étude est de droit divin4.

2Entendue ainsi, la géographie, qui n’est qu’une fille de la très noble astronomie5, se dégrade avec les auteurs, sous l’effet de trois influences. D’abord, l’évolution même de la géographie arabe, vers une description du domaine du seul Islam, fait de plus en plus reléguer la vieille ūrat al-ar à quelques pages de prologue ou de conclusion. La littérarisation des thèmes scientifiques accentue le mouvement, en les polissant aux moules de Yadab : déjà perceptible chez un Mas‘ūdī6, l’incertitude des données techniques se ressent davantage dans la géographie de bonne compagnie à la manière d’un Ibn al-Faqīh ou dans l’empirisme d’un autodidacte comme Muqaddasī7. Enfin et surtout, la cosmographie grecque ou hindoue se gauchit au contact de la tradition iranienne sous ses deux aspects géopolitique et cartographique : nul doute qu’en substituant à la vision linéaire, par zones ou « climats », de l’héritage hellénistique une vision étoilée des grands ensembles humains autour de la Perse, et en représentant les terres et les mers sous la forme d’objets ou d’animaux familiers, l’Iran a pesé très fort sur la dilution des concepts reçus de la Grèce, sur leur adaptation à des œuvres qui se sont voulues, dans le goût de Yadab, plus littéraires, mieux conformes au plaisir de l’honnête homme du temps8.

La terre et l’univers

3La terre, c’est l’énigme par excellence de la création divine9 : on ne s’étonnera donc pas de voir des croyants sacrifier, sur ce point, à leur religion. Pas une terre en réalité, mais sept, nombre dégagé par la tradition pour répondre aux sept cieux coraniques. Terres inconnues, et pour cause, imprécises, dont l’ensemble repose sur un taureau, le taureau sur un poisson, le poisson sur l’eau, l’eau sur un roc, le roc sur un ange, l’ange sur un roc encore, et ce roc sur le vent. Au gré des auteurs, l’architecture hésite ; certains la complètent avec l’image du coq, dont la tête soutient le trône de Dieu, les ailes couvrant les deux horizons et les ergots enserrant l’ensemble du monde terrestre et infernal. Mais voici qui est plus net : le poisson bougeant trop, Dieu créa les montagnes pour stabiliser la terre : ainsi le dit expressément le Coran. Autour de notre globe, les sept cieux : dans l’ordre, l’émeraude, l’argent, le rubis, la perle, l’or, la topaze et, sommant le tout, la lumière. La palette du Créateur, terre et ciel, baigne à son tour dans l’eau, l’élément premier10.

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Fig. 1. — Mouvement diurne des astres (v. légende p. 9, n. 2 ; d’après RST, 8 et 14-15)

4Les géographes ne se préoccupent guère d’harmoniser les systèmes : imagerie musulmane et cosmographie étrangère coexistent sans interférer11. Mais au moins se retrouvent-elles d’accord sur trois thèmes essentiels dont le principe, une fois posé, permet à la tradition grecque et indienne de développer librement ses données : car tout le monde sait que la terre est fixe, qu’elle est ronde et qu’elle marque le centre de l’univers.

5Fixe : les montagnes, on l’a dit, en sont la preuve divine. A peine laisse-t-on entendre, avec Ibn Rusteh, qu’on a eu vent d’un mouvement du globe autour de son axe12. Mais ce sont là arguties de savants, et la tendance générale, quasi unanime, est à l’immobilité absolue. Même accord sur une terre ronde : on ne peut si facilement récuser les données de l’expérience. Ibn al-Faqīh lui-même, dont la science est pourtant si prudente, s’enhardit sur ce point jusqu’à parler du bombement des mers : « On a pu dire que la mer, elle aussi, est sphérique et arrondie : la preuve en est que si vous gagnez le grand large, la terre et ses montagnes finissent par disparaître tout à fait à vos yeux, sans que vous puissiez rien voir des plus hautes cimes ; mais si vous revenez vers la côte, ces mêmes montagnes réapparaissent peu à peu avec leur relief, et lorsque vous vous rapprochez encore, vous percevez le sol et les arbres13. »

6Bien sûr, il y a rotondité et rotondité : celles du disque, du cylindre, de la sphère ou de la demi-sphère. Mais la sphère l’emporte tout de même, et de très loin : la symétrie exige en effet qu’elle puisse répondre à cette autre sphère, l’universelle, qui l’englobe. A une différence près cependant : le monde est creux, mais la terre est pleine14.

7Terre centrale, enfin15, perdue comme un point dans l’immensité de l’espace16, mais un point privilégié : à l’envi, les auteurs se transmettent l’image du « jaune dans l’œuf », réceptacle médian de la vie. Maqdisī renchérit sur la comparaison : la terre représenterait le jaune, le blanc de l’albumine l’air et la coquille le ciel, mais un ciel ovoïde, alors qu’il est rond dans la réalité17. L’équilibre du système est assuré par l’attraction universelle, antidote du vide : c’est elle qui, associée à l’argument coranique, réputé du reste prioritaire, prouve la position centrale de notre globe18.

8L’ordonnancement de l’espace autour de la terre laisse en suspens, on s’en doute, plus d’un problème. Maqdisī, par exemple, s’interroge sur la Voie lactée : amas d’étoiles, autre sphère céleste, nuage, ancienne orbite du soleil ou simple illusion d’optique19 ? Tous ou presque, en tout cas, paient tribut au système ptoléméen des cercles : concentriques au zodiaque, excentriques, ou épicycles. L’orientation de base est fournie par les quatre secteurs cardinaux20, distribués de part et d’autre d’un point central nommé Coupole (qubba). Ce lieu éminent de la voûte céleste se situe au zénith de son correspondant ici-bas : pour la géographie arabe, héritière en cela de la tradition indienne, le milieu de notre globe, entre sud et nord, entre est et ouest, porte le nom d’une ville du Mālwā, Arīn21.

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Fig. 2. — Mouvement annuel du soleil sur l’écliptique (v. légende p. 9, n. 3 ; d’après RST, 14-17).

9Sur ce cadran idéal s’inscrivent, de l’Orient vers l’Occident, les mouvements diurnes des astres ; mais trois points échappent, comme en toute sphère qui tourne, à la mobilité : les deux pôles et le centre, à savoir le point-Terre. Le système fait de Dieu un maître-tourneur ou, selon d’autres, un maître-meunier22 : la meule en question, celle d’Orient, est faite de deux hémisphères superposés, l’un fixe et l’autre mobile, ce qui permet à Ibn Rusteh de dire que « la sphère tourne comme la pierre de la meule pour qui se trouve sous le pôle, et passe comme le manche de la meule pour qui se trouve sous la coupole »23.

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Fig. 3. — Organisation des sphères célestes (d’après IHW, 11, 28 sq.)

10L’ensemble se complique au jeu apparent et annuel de certains astres allant d’ouest en est, soleil en tête sur son écliptique : mais, une fois encore, ce sont là constructions marginales de savants24. La base du savoir reçu par les honnêtes gens est faite de la vieille tradition des sept sphères planétaires, la huitième étant réservée aux étoiles, notamment aux constellations du Zodiaque, et la neuvième étant l’enveloppe universelle (al-muī)25. Les Iẖwān aṣ-Ṣafā’ donnent du système une des meilleures illustrations26. Portant à onze le nombre des sphères, par adjonction de la terre et de l’atmosphère, ils peuvent ainsi, selon leurs tendances illuministes, réserver une place de choix au soleil, promu milieu du monde avec cinq sphères au-dessous de lui et cinq au-dessus. Et ils concluent, jouant des mot de markaz (place, ou centre) et de wasat (milieu) : « Puisque le soleil est dans la sphère universelle (falak) comme le roi sur la terre, que les étoiles (kawākib) lui sont ce que les troupes, les auxiliaires (a‘wān) et les sujets sont au roi, que les sphères (aflāk) sont comme les provinces (aqālīm), les zones du Zodiaque (burūğ) comme les pays (buldān), les degrés et les minutes comme les villages (qurä), il suit de là, par la nécessité de la sagesse divine, que le soleil a reçu pour place le milieu du monde... cependant que la terre en recevait le centre pour sa place à elle »27. Ainsi soleil et terre peuvent-ils poursuivre à égalité leur duo, le premier marquant le milieu de la dimension universelle et l’autre le point privilégié et unique, le centre commun de tout le système.

L’ensemble Terre : vie, mort et résurrection

11Pour nombre de géographes, familiarisés avec les conceptions grecques, c’est l’Océan, la mer verte, environnante et ténébreuse, qui joue le rôle de limite continue de notre globe28. Pour d’autres, plus sensibles aux traditions orientales, s’étale, sur tout l’horizon de la terre, mais hors de portée des hommes, la montagne Qāf, nouvel avatar de la cime cosmique, dont le ciel nous renvoie la couleur. Au delà sont des mondes connus de Dieu seul, ou peut-être la vie future elle-même. Montagne-mère et d’apparence humaine, avec une tête et un visage, Qāf voit passer le soleil dans sa course ; plongeant dans l’émeraude cosmique, elle transmet, par les autres montagnes, ses filles, les mouvements telluriques lorsque Dieu décide de bouleverser, sous les pieds d’un peuple à châtier, les principes premiers de la stabilité29.

12La vie, on le voit, n’est pas l’apanage des hommes sur un globe inerte. Au reste, tout, l’expérience et les assertions des anciens, invite à croire aux transformations de la surface de la terre, et notamment aux mouvements des mers et des cours d’eau, « dans la suite des âges »30 : les flots jadis en plein Irak, les incertitudes des grands fleuves mésopotamiens, ou celles de l’Oxus, ne sont que quelques-uns des signes prouvant que la terre abrite un lent travail de mutation31. Et comment, à la réflexion, s’en étonner, quand on sait que notre globe est, à partir des quatre éléments, le produit de combinaisons successives et changeantes ? La terre et l’eau, sous l’effet de la vapeur suscitée par le feu solaire, sont en transformation perpétuelle, et ces quatre éléments à leur tour ne traduisent, selon les vieilles théories de la Grèce, qu’une situation d’équilibre entre des principes antagonistes, ainsi que l’expose excellemment Kindī32. A deux éléments chauds, l’air et le feu, s’opposent deux éléments froids, la terre et l’eau ; à deux éléments secs, terre et feu, deux éléments humides, eau et air ; à deux éléments lourds (ou centripètes), terre et eau, deux éléments légers (ou centrifuges), air et feu ; enfin, à deux éléments vifs, terre et feu, deux éléments lents, eau et air33. Les résultats peuvent être consignés selon le modèle de la figure 4, où → note l’association et #→ l’opposition.

13En réalité, oppositions et associations sont plus subtiles que ne le laisserait croire le simple classement. Des quatre catégorisations retenues en effet, deux seulement sont d’ordre purement qualitatif et absolu : le classement par chaud-froid ou par sec-humide isole chaque fois deux paires irréductibles l’une à l’autre et à l’intérieur desquelles chaque élément possède toutes les qualités de la définition :

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Fig. 4. — Les quatre éléments d’après les données de Kindī

14Les deux autres classements, au contraire, font intervenir la notion de quantité, mais selon des modèles différents. Le classement par centripète (lourd) et centrifuge (léger) emprunte encore à l’esprit des deux classements précédents en ce qu’il oppose fermement les deux catégories considérées ; mais à l’intérieur de chacune de ces deux catégories, une relation quantitative intervient entre les deux éléments, l’air étant moins centrifuge que le feu et l’eau moins centripète que la terre :

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15D’où vient la relation quantitative à l’intérieur de chacun des ensembles ? Il faut se référer, pour la comprendre, au quatrième classement. Les notions de vif et de lent traduisent en effet l’intensité plus ou mois grande de la force, centripète ou centrifuge, à laquelle sont soumis les éléments. De ce point de vue, la terre subit les forces centripètes aussi puissamment que le feu les forces centrifuges, l’eau et l’air recevant, chacun dans son ordre, lesdites forces de façon plus molle. On a donc :

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16où le signe = traduit cette fois non plus une identité qualitative, mais une égalité quantitative. Il est clair par ailleurs que, la terre subissant les forces centripètes plus vivement que l’eau, et le feu les forces centrifuges plus vivement que l’air, on peut écrire :

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17par où l’on retrouve la formule du troisième classement.

18Ainsi les troisième et quatrième classements sont-ils aussi indissolublement liés qu’aujourd’hui, dans la physique moderne, les notions de poids et de gravitation. Cette liaison peut se transcrire selon une hiérarchie verticale qui, du plus lourd au plus léger, combine continu et discontinu. Il y a continuité, dans l’ordre du poids, entre les quatre paliers où se situent les quatre éléments, et discontinuité, rupture, entre les deux niveaux de l’ordre centripète et de l’ordre centrifuge :

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19Dans l’échelle ainsi constituée, distinguons une zone médiane (P 2 — P 3) et une zone marginale (PI — P 4) :

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20On voit alors que le système des quatre classements (fig. 4 et 5) revient à poser, pour chaque élément d’un niveau et d’une zone donnés : 1) que cet élément est en opposition totale avec l’élément qui se différencie de lui à la fois par le niveau et la zone (terre-air et eau-feu) ; 2) que le même élément combine, avec les deux éléments qui diffèrent de lui soit par le niveau seul, soit par la zone seule, deux associations et deux oppositions : tel est le cas pour terre-eau, terre-feu, eau-air et air-feu.

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Fig. 5. — Autre présentation des quatre éléments d’après les données de Kindī

21Tout le système tend ainsi à distinguer une opposition absolue (entre intermédiaires et extrêmes d’un ordre différent) et une opposition tempérée par l’identité (entre les extrêmes, entre les intermédiaires, entre intermédiaires et extrêmes de même ordre) : souci de ménager la liberté, l’invention du monde et de la création34, que confirme, par la négative, l’inexistence de l’identité absolue. A la différence de l’éternité pure, mais désincarnée, celle des sphères célestes, de la cinquième essence, le monde sublunaire, le nôtre, est celui de la vie toujours recommencée : « Tandis que la sphère tourne, entraînant les étoiles fixées sur elle, les qualités essentielles se produisent, et les quatre éléments, le feu, l’eau, l’air et la terre se répandent... Les qualités essentielles se meuvent, emportées par le mouvement des substances supérieures et des corps célestes, se réglant sur leurs rotations, sur leur marche, sur la trace qu’ils décrivent dans les cieux. Le mouvement des qualités essentielles se transmet aux éléments d’en haut, et celui des éléments d’en haut, aux éléments d’en bas... Selon cette disposition, tous les mondes se tiennent, s’enchaînent, ils sont unis l’un à l’autre en acte, ils se renferment l’un l’autre en puissance, et ils portent le cachet de l’art divin, la marque de la sagesse, les signes évidents de la puissance suprême. Les effets s’ordonnent à leurs causes, rendant témoignage du Créateur dans ses œuvres et dans la suite admirable de ses lois »35.

22Ainsi la terre est-elle, au vrai, un grand corps qui vit. Son printemps est comme le sang, chaud et humide : soumise à l’air, douce et portée sur les activités digestives, elle vit alors à l’Est, surtout pendant les trois premières heures du jour, en subissant la loi du vent du Sud et la tutelle de la Lune, de Vénus, du Bélier, du Taureau et des Gémeaux. Puis vient la bile de l’été, chaude et sèche, synonyme de feu, de Sud, d’amer, de forces mentales et animales : le vent est à l’Est, le jour culmine en ses quatrième, cinquième et sixième heures, Mars, le Soleil, le Cancer, le Lion et la Vierge font la loi. Avec l’automne, froid et sec, on entre au royaume de l’atrabile, du Nord, de la terre, de l’âcreté, des tendances préhensives ; le vent est au Nord lui aussi, le temps aux septième, huitième et neuvième heures, les influences à Saturne, à la Balance, au Scorpion et au Sagittaire. Et le cycle se referme sur le cortège de l’hiver, sur le froid et l’humide, l’eau, la pituite, l’Ouest, le sel, les forces répulsives, les dixième, onzième et douzième heures, Jupiter, Mercure, le Capricorne, le Verseau et les Poissons36.

23On dira peut-être que le macrocosme n’est pas seul responsable des destinées de la terre : l’histoire que font les hommes, pour le mal généralement, explique notamment que le désert vienne si souvent remplacer les jardins et l’eau vive : « Je me souviens dit un personnage cité par Mas‘ūdī37, de l’époque où une femme de Ḥīra pouvait prendre son panier, le placer sur sa tête et n’emporter qu’un seul pain comme provision parce que, jusqu’à son arrivée en Syrie, elle ne traversait, sans interruption, que des villages florissants, des champs continus et des vergers couverts de fruits, arrosés par des étangs abondants et des canaux d’eau vive. Tu le vois aujourd’hui, ce n’est plus qu’un désert aride. C’est ainsi que Dieu en use avec le monde et ses habitants. » Ne nous y trompons pas : le Créateur, le Juste, le Vivant ne saurait opter pour la mort que lorsqu’il est forcé au châtiment de ses fds, responsables du cataclysme en dernière analyse. Le cas est plus net encore, du souvenir de l’ancienne Arabie Heureuse : c’est pour punir ses peuples infidèles que Dieu a réduit au désert l’admirable paysage dont la verdure et l’ombre sans faille pouvaient défier un cavalier pendant tout un mois de marche38.

24Il s’agit là pourtant de phénomènes discontinus, qui ne relèvent pas du cycle universel et régulier de la mort et de la résurrection. Car le vieillissement de la terre lui appartient en propre : non seulement il n’a rien à voir avec une quelconque influence humaine, mais il échappe à tout modèle analogique que pourrait fournir le microcosme : si le lit des fleuves, par exemple, « a ses périodes de jeunesse et de déclin, de vie et de mort, de dessèchement et de résurrection, comme l’animal et la plante », c’est néanmoins à cette différence près, qui creuse la distance, que toutes les parties de l’animal et de la plante se développent, vieillissent et meurent ensemble, tandis que la terre « décroît et vieillit portion après portion », ce qui assure les renouvellements indispensables : mourante ici, elle fleurit ailleurs39.

25Y aurait-il finalement deux histoires sur terre, celle des hommes et celle du globe ? En réalité, les astres — et Dieu — remettent de l’ordre dans tout cela. Un texte essentiel des Iẖwān as-Ṣafā’40 nous démontre que ni la biosphère ni la noosphère n’échappent à ces influences et que la civilisation, sous la forme des villes, des cultures, du nombre des prophètes, de la justice des rois et du croît de la démographie, obéit, en des phases alternées de bonheur et de catastrophe, aux sphères qui nous gouvernent. L’éternel retour embrasse ainsi toute l’histoire de la terre et, avec elle, de l’univers : vieille, au temps où vit Mas‘ūdī, de six mille ans, et gouvernée alors par la conjonction de Jupiter et de la Vierge, cette histoire est promise ensuite à de nouvelles rencontres astrales : au total, soixante-dix-huit mille années, qui chiffrent le cycle complet de la naissance des mondes à leur résurrection41.

L’espace Terre : formes, dimensions, représentation

26Disque ou sphère, et quoique simple point perdu dans l’immensité universelle, la terre est encore trop vaste pour se ranger tout entière sous le regard des hommes. De cette grandeur, la marche donne une première approximation : selon certains, on mettrait cent vingt ans pour parcourir seulement le quart du globe, dont soixante-dix sur le territoire des peuples de Gog et Magog. D’autres auteurs estiment à cinq cents années de marche l’étendue totale du globe, dont un tiers est cultivé et habité, un tiers désertique et un tiers sous les eaux ; les Noirs représenteraient à eux seuls un soixantième de la terre entière et l’Égypte un soixantième du pays des Noirs42.

27Un pas de plus, et l’on aspire à la délimitation même des terres habitées, par référence à leur contraire : les solitudes se situent à l’extrême sud et à l’extrême nord, là où le soleil pèche par excès ou par défaut. Et l’on essaie de préciser les choses, soit vers 60° au nord, tandis qu’au sud les chiffres sont beaucoup plus flottants : de 16° 35’ à 51°, la vie se ralentissant, de toute façon, au delà de 19°43.

28La méthode se raffine encore avec l’introduction de la dimension est-ouest. La répartition, ainsi obtenue, des terres par quarts est une des divisions majeures de la géographie arabe : on y reviendra au chapitre suivant. Ici, à propos de la terre indivise, on se contentera de signaler qu’il y a bien, comme on le disait en commençant, présentation globale non seulement de la terre entière, mais, à un échelon plus réduit, de la terre des hommes. Après Ptolémée, on en donne quelques évaluations : ce quart privilégié où nous vivons abrite 7 mers, 25 lacs, 200 montagnes, 240 ou 290 cours d’eau, 230 sources, 7 climats, 4 200 à 17 000 et même 24 600 villes, gouvernées par quelque 1 000 rois, ces chiffres ne touchant que l’essentiel à l’intérieur de chaque catégorie visée. Et Maqdisī de définir le phénomène de cette terre vivante : par l’agriculture, la science, une société policée et la croyance à un Créateur44.

29Mais revenons à toute la terre : car c’est elle que se propose, au plus haut de son effort, l’ambition du chiffre héritée de Ptolémée, d’un Ptolémée revu et corrigé par les savants du siècle d’al-Ma’mūn. De l’équateur aux pôles et depuis la longitude zéro, à l’extrême Occident, on hésite, pour le plus grand cercle du globe, entre 6 400 et 9 000 parasanges ; pour son diamètre, entre 2 100 et 2 54545.

30De la mesure de la terre découle, comme le nôtre, le système des longueurs. On en devine, au vu des chiffres donnés ci-dessus, les hésitations. C’est que les unités de base, mille et parasange, l’un et l’autre en rapport théorique de un à trois46, varient considérablement : de 19 à 25 parasanges, par exemple, pour un degré terrestre47. L’incertitude s’accroît du fait que la terre est une sphère non pas parfaite, mais tassée sur ses pôles et renflée en sa partie centrale : le même chiffre de 19, pris à l’équateur, tombe à 3 pour les régions septentrionales48. Étrange terre, en vérité, que celle qui se dessine sous ces chiffres, ou alors il faut, pour en sauver l’image et plus juste et plus ronde, que l’unité de longueur soit extensible ou réductible quasi à merci : ce sont là, on le voit, des bases bien mouvantes pour l’établissement d’un système de mesures49.

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Fig. 6. — Le système des mesures

31On a pris le mille comme unité de base. Les chiffres désignent selon les cas le multiplicateur ou le diviseur de l’opération à effectuer pour passer d’une unité à l’unité voisine

32Ces variations sur la forme exacte du globe interfèrent avec un autre thème, celui de la montée ou de la descente, qui se situe lui-même à plusieurs niveaux d’interprétation. Pour les Iẖwān as-Ṣafā’, le terme d’asfal (bas) doit s’entendre comme le centre du globe, dont la visée donne l’axe vertical du corps de chaque individu, debout sur la terre et la tête vers le point correspondant du ciel, le haut (fawq)50. Mais cette explication scientifique se croise avec une autre, beaucoup plus répandue et pour ainsi dire d’expérience, qui fait du nord, le pays des montagnes plus ou moins inconnues, la région haute de la terre : ainsi descend-on des régions iraniennes vers l’Irak, la Syrie, l’Egypte et le Magrib51. De là vient que les fleuves sont réputés couler du nord au sud, à l’exception du Nil, de l’Indus et de quelques autres moins notables, comme l’Halys ou l’Oronte, le rebelle (āṣī), l’inversé (maqlūb)52. Enfin, les traditions relatives au centre du monde53 amènent parfois tel auteur à faire coïncider cime et milieu de la terre ; de l’Arabie, où cette perfection se réalise, on descend alors vers l’Egypte ou vers l’Irak, comme du goulot d’une outre vers son fond54.

33On devine, à cette dernière image, un des soucis de cette géographie : rendre la terre sensible. Mais comment ? Les comportements scientifiques, ici encore, doivent compter avec le souci de vulgarisation. Les premiers, dont on relève de ci de là les traces55, procèdent, en leur méthode, de la Grèce et s’expriment par le chiffre, la ligne et les figures simples : longueur, largeur, cercle, triangle et carré inspirent la démarche56. Mais, comme on vient de le dire, cette réduction de l’espace à des formes géométriques n’est pas exclusive d’autres préoccupations originaires, elles, de la Perse, qui se proposent une terre non seulement sensible, mais familière, sans pour autant refuser, au demeurant, toute référence à la géométrie. Que Ptolémée lui-même soit appelé, par ignorance ou naïveté, à la rescousse57, peu importe : c’est bien l’Iran qui, massivement, impose ici sa tradition, parfois à travers son vocabulaire propre. Rehaussés par la couleur, sous des dominantes bleues, rouges, vertes et bises, voici les cinq emblèmes privilégiés : la rondelle (quwāra), le manteau court (taylasān), attaché aux épaules, les boyaux (murān), la šābūra (trompette ?) et l’oiseau58. Bien sûr, tout cela est stylisé, car il ne s’agit pas, on y insiste, de rompre avec la géométrie : aussi bien les images citées ont-elles été choisies pour évoquer, dans l’ordre, le cercle parfait, le cercle imparfait ou le croissant, la spirale ou la volute ou toute autre courbe, le triangle ou le secteur de cercle, et enfin, avec l’oiseau, la panoplie de tous ces thèmes. Il reste cependant que, même si le dessin est simplifié jusqu’à retrouver les figures essentielles, sa simple annonce par une formule comme « cela ressemble à un aylasān » ou « telle province est représentée par un oiseau » ramène l’espace terrestre à une géométrie domestiquée et familière. Et cette adéquation peut aller si loin qu’elle aspire à évoquer bien autre chose que de simples analogies de forme : la vie, l’air qu’on respire, le charme même d’un pays. Ainsi la Transoxiane, qu’Iṣṭaẖrī et Ibn Hawqal célèbrent comme un jardin enchanteur, suscite-t-elle, par le jeu combiné des divers thèmes à mi-chemin entre le géométrisme et le figuratif, en guise de carte ce jardin lui-même59.

Le domaine Terre : limites réelles et mythiques60

34La terre meurt, en principe, là où commence l’océan qui l’environne. Mais parfois, bien avant de toucher l’eau, elle se perd elle-même avec les connaissances des hommes. Atteint ici, l’océan recule ailleurs, loin au delà d’un sol tout autant mystérieux. Ainsi la terre se dérobe-t-elle sous l’eau ou dans les espaces infinis des continents perdus : la masse africaine, les steppes asiatiques, le grand Nord.

35Vraies ou non, les limites sont plus stables, mieux ordonnées dans le sens est-ouest que dans le sens nord-sud. En longitude, une symétrie assez poussée oppose, au pays extrême-oriental de Kankadiz, la région sud-marocaine du Sus al-aqsä ; au peuple mythique de Ğābulqā, celui de Ğābulsā ; au Wāq-Wāq, le Japon peut-être, et à la Corée, pays d’énigmes et d’enchantements, les îles Fortunées de l’extrême Occident. En ces derniers lieux, réalités et légendes s’interpénètrent : à l’est, les marins des mers de Chine font de la Corée le pays des faucons blancs, la terre si douce et salubre qu’elle garde tous ceux qui y touchent. Mais d’autres, plus soucieux de secret, laissent entendre qu’il existe, après la Chine, « un peuple qui se tient caché dans des tanières à cause de la violente chaleur du soleil », ou encore un pays de l’or, avec des fourmis géantes et des arbres étranges, tandis que, plus au nord, personne, hormis Dieu, ne sait ce qui se passe. Même mélange des genres dans les récits relatifs à l’Occident du bout du monde : le thème des îles Fortunées ou Éternelles trouve un éclat nouveau avec le voyage, qui paraît bien réel, des Maġrūrūn. Si l’on en croit ces « Fils de l’aventure », embarqués à Lisbonne, ils auraient navigué onze jours par vent d’est pour arriver à une « mer aux vagues énormes, aux nuées épaisses, aux écueils nombreux, à peine éclairée par une faible lumière ». La peur les fait piquer vers le sud, pendant douze jours, jusqu’à l’île des moutons : Madère ? Encore douze jours, dans la même direction, et c’est une autre île (dans l’archipel des Canaries ?), où nos héros sont faits prisonniers par « des hommes blonds, presque roux, aux cheveux non crépus, de haute taille ». Entre-vue avec le roi, désireux de connaître les raisons de cette équipée.

36Il en rit, car il a lui-même lancé sur cette mer quelques-uns de ses esclaves, qui y ont navigué tout un mois « jusqu’à ce que la lumière du jour leur fît défaut ». Après quoi, les Maġrūrūn, yeux bandés, sont placés, par vent d’ouest, dans une embarcation : ils voguent pendant ce qui leur paraît être trois jours et trois nuits et abordent « chez les Berbères », dans le sud du Maroc61.

37Au nord, on ne pose guère que quelques jalons vers l’inconnu. A Bordeaux, une statue semble arrêter du geste toute entreprise sur la mer : ainsi dit Ibrāhīm b. Ya’qūb, qui semble connaître le littoral français de l’Atlantique et de la Manche. Sans doute n’est-il pas le seul en son temps : au niveau des textes en tout cas, c’est bien la tradition de la géographie antique, et non l’expérience vécue, qui fait fixer aux îles Britanniques — douze, précise Ibn Rusteh — la limite du monde. On ne sait guère si Thulé la mystérieuse, noyée dans les brumes de son lac, relève de cet archipel ou doit être placée plus à l’est : le même Mas‘ūdī, d’un livre à l’autre, change d’avis et finit par opter pour les confins du Maeotis (la mer d’Azov), car il est bien connu que « celui-ci s’avance en direction du pôle »62.

38Le nord et la nuit : quelques points seulement, et encore flottants, brillent sur ce qui, aujourd’hui, va de l’Europe du Nord-Ouest à la Sibérie orientale : ici, l’imagination se donne libre carrière et compose la carte des peuples selon ces couplets phonétiques si chers à l’arabe : Yāğūğ-Māğūğ (Gog et Magog), Manšak-Māšak, Nāsik-Mutanassik, Tāwīl-Hāwīl, ce dernier ressemblant comme un frère au Hābīl (Abel) de la tradition musulmane63. Mais le sud est-il mieux partagé ? Mas‘ūdī, pourtant auteur sérieux, pense un moment faire de l’équateur la limite du monde habité : c’est donner la mesure de l’incertitude qui va régner au delà. Dans l’immensité de la mer, on signale la légendaire île Équatoriale, l’île de jacinthe, et l’île de Bārah, non loin de la « coupole terrestre ». Après, c’est le vide, mis à part l’éternel Wāq-Wāq : ici, Madagascar64.

39La moisson, on le voit, est maigre. Sans doute n’a-t-on traité ici des limites du monde qu’autant qu’elles ne coïncident pas avec celles du domaine musulman (mamlaka), qu’on étudiera plus loin65. Sans doute aussi la description des peuples étrangers ou mythiques66 recouvre-t-elle, à l’occasion et de façon plus ou moins formulée, la perception des frontières du monde. Mais ce sont là, presque partout, presque toujours, notations éparses, de rencontre, et pas seulement pour l’étranger ou l’inconnu : le brouillard baigne même certaines bordures de la mamlaka. Concluons : si sentiment de la globalité il y a, il existe beaucoup plus dans la conception de la terre comme un point irréductible et singulier de l’univers, dans la croyance en sa vie cyclique, dans le touchant souci de la représenter comme une chose familière, que dans l’effort de préciser où elle commence et où elle finit. Aussi bien la grande question, au fur et à mesure que se développe la géographie arabe, est bien de savoir en priorité ce qui se passe sur la terre même, à portée d’une connaissance sûre : et, comme une priorité des priorités, quels sont les hommes qui y vivent, et comment ils s’y répartissent.

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’Iṣṭa. a : cercle (quwāra) et lignes : le désert de Perse (le nord est en haut à gauche ; il sera seul reproduit dans les schémas suivants)

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa b : volutes (muṣrañ) : la Haute-Mésopotamie

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Fig.7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa c : cercles, volute, triangles (Hābūra) : le Siğistān

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa d : lignes, triangles, croissants (ṭaylasān pendant) : le Kirmān

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa e : variations sur le cercle : l’Irak

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa ï : variations sur cercle, triangle et volute : le Fārs

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa g : thèmes floraux et espace rectangulaire sur le module d’un tapis : l’Arménie et les régions subcaucasiennes

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’ Iṣṭa : l’oiseau : mer Rouge, golfe Persique, océan Indien (bahr Fāris).

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Fig. 7. — Fonds de cartes d’Iṣṭa j : images de jardin : la Transoxiane

Notes de bas de page

1 Cf. infra, chap. II, « Les rois du monde... », i. f., et III sq., pass.

2 Cf. les chapitres suivants.

3 C’est à une vision totale (ğumla) qu’aspire l’astronome : cf. RST, 6.

4 Ibid., 7-8, trad. 6.

5 Outre RST, cité dans la note précédente, cf. plaidoyer pour l’astronomie pure, mère des autres sciences traitant de l’influence des astres, chez MAS (t), 19-20.

6 Comparaison éclairante, entre deux encyclopédistes sérieux : d’un côté, la mathématique, assez bien assimilée, d’un RST (7-22), de l’autre celle, codifiée et non plus raisonnée, d’un MAS (p), § 190 sq.

7 Autodidacte au moins en ce domaine : il a des lectures, mais c’est sur le terrain qu’il apprend la géographie. L’incertitude des données scientifiques est patente, par exemple trad., § 95 sq. Pour FAQ, qui fait du chiffre un objet figé, « de vitrine » (cf. Géographie I, 106), cf. p. 3 sq.

8 La cosmographie coranique pourrait constituer un quatrième facteur de littérarisation des données scientifiques. Mais il semblerait, en tout état de cause, moins net : traditions musulmanes et données étrangères apparaissent le plus souvent comme juxtaposées, sans interférence des unes avec les autres, comme si l’on évitait naturellement, avec leur rencontre, un débat déroutant et dangereux : juxtaposition patente chez RST, 3-5 sq., FAQ, 3 sq., MAS (p), § 34-36 et 187 sq. Une exception, sur un problème limité (le nombre des mers), chez MUQ, 15-19.

9 Que le problème de la connaissance et de la description de la terre est lié à celui-là même, philosophique, de la création, c’est un fait dont, plus que tous autres peut-être, Maqdisī a conscience : I, 107 sq., 126-131, II, 2 sq. : cf. également le titre de son œuvre, « Livre de la création et de l’histoire » (Kitāb al-bad’ tva t-ta’rīh)

10 Coran, XVI, 15, XXI, 9, XXIII, 88, XLI, 11, LXVII, 3 ; FAQ, 3 ; MAS (p), § 34-36, MAQ, I, 135 sq., 149 sq., II, 2-6, 44-49, 55-57, 63-64, III, 11 ; WAS, 7-8. Sur cette cosmologie, cf. T. Fahd, dans Sources orientales ; la naissance du monde, Paris, 1959, p. 249-256.

11 Cf. supra, p. 4, n. 6.

12 RST, 24.

13 FAQ, 153 ; repris dans MAS (p), § 203.

14 HUR, 4, RST, 8, 12, 23-24, FAQ, 4, MAQ, II, 38-39 (avec allusion à la théorie d’une terre concave, dont le milieu serait « comme un bol »), MAS (p), § 187, (t), 11-12, 45, HAM, 3-4, MUQ, 58, Hud, 50.

15 Ici encore, quoi qu’en dise Nallino {« Astronomie », dans El, I, p. 507 (2), 1. 45 sq.), il est possible qu’Ibn Rusteh ait fait montre d’une certaine originalité : on peut en effet soupçonner qu’il a entendu parler, mais de fort loin, des hypothèses héliocentriques d’Aristarque de Samos. Cf. p. 23 i. f. : hiya (al-ard) fï gânib as-samâ’ min as-samâ’ illâ (lire : lâ) fï l-wasaf : « la terre serait située sur un côté du ciel, et non au centre ». Le passage est altéré, mais « le sens ne paraît pas douteux » : cf. trad. Wiet, p. 21, n. 1.

16 MAS (p), § 187, IW, I, 166.

17 UR, 4, FAQ, 4-5, RST, 8, MAQ, II, 38, MAS (p), § 187, 197, 1326, (t), 15, UW (m), 215 sq., MUQ, 58.

18 MAS (t), 13-14,17, 47, IW. I, 162, MUQ, 58.

19 . MAQ, II, 27. Autre interrogation : sur le relief de la lune, qui reçoit sa lumière du soleil : II, 26.

20 RST, 24, MAS (p), § 187, (t), 12, 19, 37.

21 D’une mauvaise lecture pour Uzayn, lui-même déformation du nom originel : Uğğayn. Cf. Blachère, EGA, 39, n. 8, et S. Maqbul Ahmad, « Djughrāfiyā », dans El (2), II, 591, RST, 8, 22, MAS (p), § 188, HUW (m), 218.

22 RST, 8, 14-15, MAS (p), § 195, 201-202, (t), 15-16, MUQ, 58.

23 Cf. fig. 1. Légende : T : centre de la sphère céleste et de la terre, elle-même grossie pour les besoins de la clarté. W-Q-E : équateur céleste. Q : qubbat al-falak : coupole de la sphère céleste, q : qubbat al-ard : coupole de la terre. Hn : horizon du point terrestre n, cercle tangent à la terre au point n. Hq : horizon du point q, cercle tangent à la terre au point q. → : sens de rotation des astres. M : manche de la meule. La formule employée par Ibn Rusteh appelle, en son imagerie, quelques explications. Il faut d’abord supposer, pour la cohérence de la comparaison, que la sphère céleste représentée ici ne se meut, comme la meule d’Orient, que dans sa moitié supérieure, celle du nord (N), soit N-W-Q-E. Le mouvement de l’hémisphère supérieur de la meule est obtenu par un manche appelé ğanāh (littéralement : aile, mais la traduction par « aile de moulin » (cf. trad. Wiet, p. 7) fait évidemment confusion), placé latéralement sur la meule supérieure. Placé en q, sur l’équateur de la terre, le spectateur voit passer (yağrī) le manche (ğanāh), comme les astres, d’un bout à l’autre de son horizon. Au contraire, au pôle (n), le manche est invisible, ou du moins réduit à un point, lequel, comme les astres, décrit une révolution (yadūru) parallèle à l’horizon.

24 RST, 14-17, MAS (p), § 197 (simple mention, sans explication), (t), 16. Mouvement nié par IHW, II, 38-39 : cf. Nallino, dans El, I, p. 508 (2). Sur le mouvement du soleil sur l’écliptique, cf. fig. 2 ; légende : T : terre ; So : soleil ; W-P-E-A : équateur céleste ; H-P-e-A : écliptique ; N-W-S-E : cercle transpolaire (ad-dā’ira al-mahtūfa ‘alä aqfāb al-falakayn) ; P : équinoxe de printemps ; A : équinoxe d’automne ; e : solstice d’été ; H : solstice d’hiver ; I : inclinaison de l’écliptique (23°33’ d’après le calcul rectifié d’al-Ma’mūn).

25 RST, 17-18, MAS (p), § 195-198 (avec incertitudes sur la neuvième sphère), (t), 14 (et n. 1-2, avec mêmes incertitudes), 18, IHW, II, 30. A noter le parallélisme de vocabulaire, al-muhīt étant aussi le nom de l’Océan entourant la terre.

26 Loc. cit. et II, 26 sq. Cf. fig. 3.

27 āra markazuhā (aš-šams) wasaf al-’ālam, et plus loin : fasāra mawdi’uhā fï wasaf al-’ālam bihādā l-i’tibār (noter l’accent mis sur la spécificité du système proposé) kamā anna mawdi’ al-ard. fï markaz al-’ālam

28 RST, 85, QUD, 231, MAS (p), § 187, 193, 214, 272-275, 284, 289, 292-293, (t) 43, 84, 100-103, 120, 247, 437, IST, 16, 17, 33, 50, 75, ḤAW, 5, 10, 11,12, 35-36, 60-61, 158, 168, 190-191, 202, 276, 344, 347, 388, 527, MUQ, trad. § 33, 35, 38, 43 (n. 70), 47, 51, 106-108.

29 RST, 23-24, MAQ, II, 6, 35, 44, 46, III, 146. Voir les influences probables dans M. Streck, El, II, 654-656 (allusion explicite à l’Elbourz iranien dans MAQ, II, 44, et III, 146). L’association avec l’émeraude est facilitée par l’absence de distinction fondamentale entre vert et bleu : urat as-samā’ (le vert du ciel), dit MAQ, II, 6.

30 MAS (p), § 213, 234, (t), 2, 84.

31 YA’Q, 278, 309, RST, 94-95, MAS (p), § 229, 235, (t), 97.

32 KIN, II, 40 sq.

33 Je traduis par « vif » et « lent » sarī‘fī l-haraka et batī’ al-haraka, par lesquels Kindī (II, 43) exprime l’intensité plus ou moins grande de la force, centrifuge ou centripète, à laquelle sont soumis les éléments considérés : cf. infra

34 Cf. infra, p. 55-56.

35 MAS (t), 12-14. Cf aussi ibid., 11, 16-18, 22, (p), § 213, 1326,1329-1331,1336, KIN, II, 40 sq., SUR, 157, RST, 24, IḤW, II, 57-59, MUQ, 58.

36 MAS (p), § 1329-1330 (t), 20-26.

37 MAS (p), § 231.

38 Coran, XXXIV, 14-16, IS, 435-436, MAS (p), § 213, 1251 sq.

39 MAS (p), § 213 sq. ; de façon plus brève et allusive : MAS (t), 103.

40 I, 180.

41 MAS (p), § 348 (d’après Abū Zayd as-Sīrāfī), 1333-1334, WAS, 13.

42 ḤUR, 93, FAQ, 59, MAS (p), § 408, ḤAW, 527, MUQ, 62 (avec données un peu différentes), WAS, 114. Cf. également chap. II, « Les rois du monde... ».

43 RST, 9, 99-101, QUD, M 51, MAS (p), § 188, 1327 (t), 40-41, 102, IBW, I, 163, UW (m), 217, AW, 526-527, MUQ, 59, ud, 50-51.

44 UR, 5, RST, 22, MAS (p), § 191-192, 1327, IW, I, 160, 163-165, 170-179, MAQ, I, 51-52, HUW (m), 217. Les thèmes relatifs à la civilisation seront développés au chapitre II, « Les rois du monde... ».

45 Les chiffres sont parfois donnés en milles, le mille valant un tiers de parasange (mais cf. n. suivante) ; cf. ḤUR, 4, RST, 17-20, MAS (p), § 190, 194, 200, 207, 1326, 1367 i. f. (avec chiffres extraordinairement exagérés : 72.480 parasanges pour la seule terre habitée !) (t), 43-44, IḤW, I, 160-169, MAQ, II, 40-41, MUQ, 59.

46 Mais parfois de 1 à 4 : MAS (t), 44.

47 UR, 4, RST, 17-18, MAS (p), § 190, 1326 (t), 44-45, IW, I, 169, MUQ, 58.

48 IḤW, I, 169 ; 1° = 19, 15, 13, 10, 7, 5 ou 3 parasanges, selon les climats.

49 ḤUR, 4, RST, 22, MAS (p), § 190, 1326 (avec erreur du double sur l’équation coudée-doigt) (t), 44, 61 (et n. 3), ḤAW, 526, MUQ, trad. § 115 (et n. 20). Cf. fig. 6.

50 IW, I, 161.

51 FAQ, 78, MAS (t), 69-70, 88, UW (m), 218, MUQ, 16.

52 FAQ, 225 (thème complémentaire de la circulation de l’eau sur les montagnes), MAS (t), 242, 300, HAW, 153 (avec confusion entre Jourdain et Oronte : cf. MUQ, trad. § 55 bis et n. 111), MUQ, trad., index géogr. s. v. « Maqlūb » et « Maqlūba ».

53 Cf. chap. II et X.

54 FAQ, 23, 161 : l’Irak (‘irāq) aurait reçu ce nom par comparaison avec les replis de cuir renforçant le bas d’une outre.

55 HUW (s), pass., HUR, 157-158, SER, 7, 8, 12 sq. et pass., IHW, I, 163.

56 IṢṬ, 15, MAS (p), § 193, ḤAW, 5, MUQ, 28 (attaque voilée contre le système de représentation figurative), 62.

57 Encore qu’il semble n’avoir pas proscrit tout à fait certaines présentations figuratives : cf. G. Dagron, « Une lecture de Cassiodore-Jordanès : les Goths de Scandza à Ravenne », dans Annales E.S.C., XXVI (1971), p. 296, 1. 10.

58 FAQ, 3-4, 119, SER, 51, 57, 61-64, 67, 69 et pass., MAS (p), § 191, 193, MUQ, 10-11. Ce vocabulaire, limpide alors, nous est aujourd’hui quelquefois difficile, même si les formes auxquelles il renvoie sont claires : cf. le dessin donné dans la Géographie d’Abū l-Fidā’, éd. M. Reinaud, t. II, trad., I, 1, p. 22. Sur la quwāra, cf. Dozy, Supplément, II, p. 417 (mais voir d’autres possibilités avec la racine kwr dans Lisān al-’Arab, s. c., et Desmaisons, Dictionnaire persan-français, III, p. 145). Pour šābūra, on peut penser à la trompette (cf. èabbūr, dans Lisān, éd. de Beyrouth, IV, 393, et Sabūr, dans Desmaisons, II, 357) ou [au museau d’] une variété de poisson (Dozy, I, 720, Desmaisons, loc. cit., s. v. « sapūr »). Sur cette cartographie, cf. S. Maqbul Ahmad, dans El (2), II, p. 592 (1), et la collection rassemblée par K. Miller, Mappae arabicae, 3 v., Stuttgart, 1926-1927. Cf. aussi exemples graphiques dans Abu l-Fidā’, I, 22, et HUW (s), pl. 2.

59 Cf. fig. 7 ; les cartes sont extraites de l’édition d’Istaforī par M. G. ‘Abd al-’Āl al-Hīnī, op. cit., et sont typiques de l’école de l’atlas de Balbī : cf. K. Miller, op. cit., pass., IST, 195-205, et cartes d’Iṣtaẖrī et d’Ibn Hawqal dans ḤAW, 464, 496. Sur les délices de la Transoxiane, cf.’IST, 161 sq., HAW, 473-474, 483-484, 492-494. La lecture même des cartes pourra être faite à partir des explications de G. Wiet (HAW, trad.).

60 Voir fig. 17-20.

61 Sur la Corée et l’Extrême-Orient, cf. chap. III. Sur les thèmes évoqués ici, cf. HUR, 93, RST, 85, FAQ, 3, MAS (p), § 188, 274, (t), 41, 100, MAQ, II, 64, IV, 57-58, 88 sq., MAG, 16-18 et 23-24 (ne pas confondre cette île des moutons avec celle dont parle Sallām l’Interprète, entre les Khazars et les Bulgares : cf. Abu Hāmid al-Andalusī al-Ğarnātī, Tuhfat al-albāb, éd. G. Ferrand, dans Journal Asiatique, t. CCVII, juillet-septembre 1925, p. 233-234), HUW (m), 217-218, MUQ, 14, WAS, 29-30 et 32 (avec version Ğābursā), Hud, 51, 58. Sur le thème du voyage des Maġrūrūn, voir toutefois les réserves de Kratchkovsky, op. cit., 134-135 (136-137).

62 ḤUR, 93 RST, 85, QUD, M 51, MAS (p), § 188, 297 (t), 41, 98, 100, IBR (e), 390 (trad., 1053-1054) et passim. Sur le thème des Colonnes d’Hercule ou de la statue aux approches de l’Océan inconnu, cf. chap. XI, « La mamlaka face à la mer » et « Frontière et légende ».

63 FAQ, 3, MAQ, II, 64.

64 Cf. RST, 83, MAS (t), 41 (en contradiction avec données signalées supra, p. 16, n. 3), Hud, 58, 188, IHW, I, 170, ḤUW (m), 218, M. Reinaud, Introduction..., CCXXII. Sur le Wāq-Wāq, cf. G. Ferrand, s. i>., dans El, IV, 1164-1168, la confusion des deux ou trois Wāq-Wāq étant due à la croyance, héritée de la tradition antique, en une Afrique australe très étirée en direction de l’est : cf. la mappemonde de Ptolémée dans Die Welt der Antike, Gotha, 11e éd., s. d., carte 1.

65 Chap. XI.

66 Chap. III sq., et IX.

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