Alastores et elasteroi : à propos de la loi sacrée de Sélinonte
p. 277-308
Résumés
Cet article est consacré à la colonne B de la « loi sacrée » de Sélinonte, qui prescrit un rituel de purification, objet d’interprétations variées. L’étude est basée notamment sur la signification des termes elasteros et alastôr. La comparaison entre les sources littéraires et les sources épigraphiques permet de proposer une nouvelle lecture de ce rite purificatoire.
This paper will examine column B of the Selinuntine «lex sacra», a variously interpreted purification prescription. The study is based on the meaning of the terms elasteros and alastôr. The comparison between literary and epigraphical evidence leads us to a new interpretation of the ritual.
Entrées d’index
Mots-clés : elasteros, alastôr, entité vengeresse, criminel, Zeus, purification
Keywords : elasteros, alastôr, vengeful spirit, criminal, Zeus, purification
Texte intégral
1La fameuse loi sacrée de Sélinonte a été publiée en premier lieu par Michael H. Jameson, David R. Jordan et Roy D. Kotansky en 19931. Il s’agit d’une inscription sur feuille de plomb, écrite sur deux colonnes et datée de la décennie d’avant le milieu du Ve s. avant notre ère2. Depuis sa publication, ce document extrêmement intéressant pour notre connaissance de la religion grecque a suscité de nombreuses réflexions. Toutefois, il ne nous a toujours pas livré tous ses secrets, malgré le nombre d’études qui lui est consacré.
2À cette série, nous venons ajouter une nouvelle tentative de lecture de la colonne B du document. Cette colonne fournit des prescriptions de purification pour des individus poursuivis par des êtres nommés ἐλάστεϱοι, terme sur lequel est fondée en grande partie l’interprétation de l’ensemble de la colonne3.
̓Ελάστεϱος et ἀλάστωϱ/ἀλάστοϱος
3Il est communément admis que les ἐλάστεϱοι sont des esprits vengeurs qui persécutent les humains coupables de quelque faute ayant entraîné une souillure. Le terme provient du verbe ἐλαύνειν, « pousser, conduire » mais aussi « chasser, pourchasser, poursuivre »4.
4̓Ελάστεϱος est connu par ailleurs comme épiclèse de Zeus à Paros. Or, certaines inscriptions de Thasos mentionnent un Zeus ̓Αλάστοϱος, épithète du dieu connue également par les sources littéraires : Zeus est appelé ̓Αλάστωϱ ou ̓Αλάστοϱος selon Phérécyde5. L’étymologie du terme ἀλάστωϱ n’est pas certaine : la plus généralement acceptée le fait dériver du thème λαθ- du verbe λανθάνω avec un α privatif ; étymologie fort appropriée aux passages où ἀλάστωϱ signifie « vengeur, qui n’oublie pas », et où l’adjectif verbal ἄλαστος s’associe à ἄχος (douleur morale ou physique) ou à πένθος (deuil, affliction, malheur)6.
5Nous avons donc les termes ἐλάστεϱος (à Sélinonte comme substantif et à Paros comme épiclèse de Zeus) et ἀλάστωϱ/ἀλάστοϱος (comme substantif dans les sources littéraires et comme épiclèse de Zeus à Thasos, colonie parienne), termes à première vue d’étymologie différente. Or, déjà Spyridon Marinatos comparait ἐλάστεϱος à ἀλάστωϱ et considérait le Zeus des inscriptions pariennes comme « celui qui poursuit les criminels ». Récemment, Angelos Matthaios a établi la relation étymologique entre les deux termes qui, en réalité, n’en forment qu’un seul : l’ἐλάστεϱος de Paros est devenu, suite à deux assimilations, l’ἀλάστοϱος de Thasos7. Ainsi, il faudrait reconsidérer l’opinion du philosophe Chrysippe qui faisait provenir ἀλάστωϱ de ἔλασις8, c’est-à-dire du verbe ἐλαύνειν, et abandonner l’étymologie courante qui fait provenir le terme de λανθάνω avec α privatif. À l’appui de cette hypothèse vient un texte de Suétone dans lequel sont mentionnés à la fois ἀλάστωϱ et ἐλάστωϱ9.
6Suétone attribue aux deux termes des étymologies différentes : l’ἀλάστωϱ est celui qui a commis un acte qui ne peut être pardonné dans les prières (ὁ πϱάττων τι μὴ δυνάμενον ἐν λιταῖς συγχωϱηθῆναι), mais cela se dit aussi ἐλάστωϱ, celui qui mérite d’être chassé, poursuivi, parce qu’il a commis un meurtre ou un acte semblable (τις ὢν ἄξιος ἐλαύνεσθαι, διὰ φόνον ἤ τι τοιοῦτον). Ces deux étymologies ainsi que quelques autres sont mentionnées par plusieurs lexicographes : l’ἀλάστωϱ est celui qui mérite la poursuite, l’expulsion parce qu’il a commis un meurtre (ὁ ἄξιος ἐλάσεως διὰ φόνον), ou celui qui commet des actes qu’on ne peut oublier (ὁ ἄλαστα δϱῶν), ou celui qui, à cause de l’énormité de ses actes, ne mérite pas la prière (ὁ λιτῆς μὴ καταξιούμενος). Le terme vient du verbe ἀλᾶσθαι, c’est-à-dire « errer » (πλανᾶσθαι), ou encore du verbe ἀλιτεῖν, c’est-à-dire « commettre une injustice de manière impitoyable » (ἀλιτανεύτως ἀδικεῖν)10.
7Outre ces essais d’étymologie qui nous informent sur le cadre sémantique du terme, les lexicographes en donnent de nombreuses significations : le coupable de quelque faute (ἁμαϱτωλός), ou le meurtrier (φονεύς), ou le « Zeus surveillant les meurtres » (ὁ ἐφοϱῶν τοὺς φόνους Ζεύς) ; ce Zeus protège ceux qui souffrent de maux qu’on ne peut oublier (τοῖς τὰ ἀλαστὰ πάσχουσιν ἐπαμύνειν). Il existe aussi des démons nommés ἀλάστοϱες. Le terme désigne encore le mort (νεκϱός), l’impie (ἀσεβής) et le malfaisant (κακοποιός)11. Chez Hésychius il désigne, outre Zeus, le démon cruel (πικϱὸς δαίμων) et s’applique à ceux qui sont souillés (οἱ μιάσμασι ἐνεχόμενοι), à ceux qui ont les mains teintes de sang (παλαμναῖοι) et à ceux qui ont commis des fautes graves (οἱ μεγάλα ἁμαϱτάνοντες). La Souda ajoute que c’est un démon punisseur (τιμωϱῶν), tandis que Galien précise que l’on nomme ἀλάστοϱες aussi bien les hommes qui ont commis des actes inoubliables (οἱ τὰ ἄληστα ἐϱγασάμενοι) que les démons qui les punissent (οἱ τιμωϱοὶ αὐτῶν δαίμονες). Eustathe décrit ces démons comme appartenant au type des Érinyes, « qui n’oublient pas » (δαίμονές τινες ἐϱιννυώδεις, οἳ οὐκ ἂν λάθοιντο). Pour Erotianus sont désignés comme ἀλάστοϱες ceux qui commettent des actes impies et impurs, même s’ils ne sont pas des meurtriers (τοὺς ἀνόσιόν τι καὶ μιαϱὸν εἰϱγασμένους, κἂν μὴ ὦσι φονεῖς)12.
Les entités surnaturelles
8Le terme désigne donc aussi bien le criminel, l’impie (et pas seulement le meurtrier13) que le démon vengeur qui le poursuit. En admettant qu’ἀλάστωϱ/ἀλάστοϱος et ἐλάστεϱος constituent un seul et même terme, il nous semble pertinent, pour mieux comprendre l’inscription de Sélinonte, de passer en revue les attestations littéraires du terme.
9Chez les tragiques, l’ἀλάστωϱ — en tant qu’être surnaturel punisseur — suscité par un crime peut devenir héréditaire et s’attacher à une famille à travers les générations provoquant en son sein de nouveaux crimes. Ainsi, l’ἀλάστωϱ s’attache-t-il aux Pélopides : dans l’Agamemnon d’Eschyle, Clytemnestre se déclare innocente du meurtre de son époux, en affirmant que c’est l’« âpre ἀλάστωϱ d’Atrée » qui a pris sa forme pour venger des enfants. Le chœur lui répond que l’ἀλάστωϱ de la famille est peut-être son complice (συλλήπτωϱ)14. En effet, « faute de critiquer l’oracle, Agamemnon se faisait le complice du destin »15, ce « destin intolérable » (μόϱον ἄφεϱτον) que Thyeste, après le meurtre de ses enfants par Atrée, avait appelé sur les Pélopides16. Chez Euripide, à propos du sacrifice d’Iphigénie, Clytemnestre demande à Agamemnon lequel des ἀλάστοϱες le pousse à commettre cet acte17. L’ἀλάστωϱ attaché à une famille à la suite d’un crime initial peut donc susciter de nouveaux crimes dont il punira les auteurs : chez Eschyle, il devient l’« auxiliaire », le complice de Clytemnestre. Chez Euripide, ce n’est plus la malédiction de Thyeste qui le suscite, mais le meurtre de Myrtilos par Pélops. En effet, l’ἀλάστωϱ des Pélopides ne semble pas avoir été suscité par le premier crime perpétré dans la famille, le meurtre de Pélops par son père18.
10Les Labdacides disposent aussi de leur propre ἀλάστωϱ familial : celui d’Œdipe poursuit ses fils, qui sont d’ailleurs δαιμονῶντες19. Le crime à l’origine de cet ἀλάστωϱ fut probablement le parricide perpétré par Œdipe, lui-même « maudit dès sa naissance à cause de la faute de Laïos », selon Henri Grégoire et Louis Méridier qui considèrent l’ἀλάστωϱ comme l’âme de la victime qui poursuit le meurtrier, ainsi que sa famille20. Cependant, à l’exception de l’Etymologicum Gudianum qui définit l’ἀλάστωϱ, entre autres, comme « le mort » (νεκϱός)21, l’ἀλάστωϱ n’est jamais assimilé à la victime elle-même : il désigne le criminel et l’être surnaturel qui se charge de la vengeance de la victime, une entité vengeresse provoquée par le crime22. Lorsqu’il est héréditaire, il peut user de ruse pour susciter de nouveaux crimes dans la famille : Oreste craint que l’oracle d’Apollon, lui signifiant de tuer sa mère, ne soit le fait d’un ἀλάστωϱ se faisant passer pour Apollon pour mieux le perdre23.
11L’ἀλάστωϱ ne se transmet pas seulement de génération en génération à l’intérieur d’une même famille, mais également entre proches, même si ceux-ci ne sont pas du même sang : Jason accuse Médée de lui transmettre son ἀλάστωϱ, suscité par l’assassinat de son frère. De plus, des ἀλάστοϱες semblent susciter le meurtre perpétré par Médée contre ses propres enfants24. L’ἀλάστωϱ peut donc se transmettre entre époux mais aussi entre amis25. Il peut également affecter un pays : l’ἀλάστωϱ d’Œdipe risque de s’attacher à Athènes26. C’est aussi un ἀλάστωϱ qui provoque la perte de l’armée perse, car Xerxès a transgressé les lois du destin en traversant la mer et en s’attaquant à la Grèce : les dieux l’en punissent, ainsi que d’avoir brûlé leurs temples et renversé leurs statues. D’ailleurs, « quand un mortel s’emploie lui-même à sa perte un dieu vient l’y aider »27.
12Les ἀλάστοϱες ne se limitent pas à poursuivre les vivants, ni à venger les meurtres. Une faute envers les dieux peut provoquer leur poursuite et, même dans l’Hadès, ils ne lâchent pas le mort. Ils peuvent encore provoquer le suicide de leur victime28, mais, aussi, être suscités par un suicide comme l’atteste le récit de la fondation de l’autel d’Antéros à Athènes. Ce dernier fut dédié par les métèques en l’honneur du démon Antéros, ἀλάστωϱ (vengeur) de Timagore, un métèque méprisé en amour qui se précipita dans le vide pour obéir à son bien-aimé (suite à quoi, ce dernier, pris de remords ou poussé par Antéros, s’y jeta à son tour)29.
13Enfin, on peut attacher un ἀλάστωϱ à quelqu’un si l’on se suicide sur son foyer : dans ce but, Cicéron aurait songé à se glisser dans la maison d’Octave qui l’avait trahi, pour s’y tuer sur son foyer (ἐπὶ τῆς ἑστίας). Le suicide est donc doté d’une importante puissance vengeresse30. On peut par ailleurs attacher un ἀλάστωϱ à quelqu’un en l’obligeant à commettre une injustice : Marius se vantait d’avoir attaché un ἀλάστωϱ à Metellus, en le forçant à prononcer une injuste sentence de mort contre son hôte héréditaire31.
14Plutarque rapporte que, selon certains, les sacrifices humains n’étaient pas accomplis sur l’ordre des dieux, mais qu’ils avaient pour but d’apaiser la colère et le ressentiment d’ἀλάστοϱες « au caractère féroce et intraitable » (χαλεπῶν καὶ δυστϱόπων... ἀλαστόϱων). Ici, les ἀλάστοϱες ne sont que des êtres surnaturels mauvais, pouvant envoyer des maux aux cités et réclamer des âmes humaines, sans autre motif que leur bon plaisir. Pourtant, l’auteur mentionne leur fonction punitive un peu plus loin, en affirmant qu’il est ridicule de penser qu’après le meurtre de Python, Apollon a dû se purifier et « faire ce que font les hommes pour détourner et apaiser la colère des démons, démons qu’on appelle ἀλάστοϱες et παλαμναῑοι, parce qu’ils poursuivent le souvenir de certaines souillures anciennes et non oubliées » (οὓς ἀλάστοϱας καὶ παλαμναίους ὀνομάζουσιν, ὡς ἀλήστων τινῶν καὶ παλαιῶν μιασμάτων μνήμαις ἐπεξιόντας)32.
15Enfin, quelques rares sources attribuent aux ἀλάστοϱες une demeure et une position dans la hiérarchie surnaturelle. Lucien, dans sa description des enfers, les place à côté du trône de Minos, avec les Érinyes et les Poinai. Chez Philon d’Alexandrie, les ἀλάστοϱες, en compagnie des Poinai, attendent le criminel dans l’Hadès pour lui infliger sa punition. Notons que, chez Flavius Josèphe, le frère d’Hérode, Phéroras, se repentant sur son lit de mort d’avoir projeté l’assassinat de son frère, enjoint à sa femme de détruire le poison qu’il s’était procuré à cet effet, afin de ne pas emmener l’ἀλάστωϱ avec lui dans l’Hadès. L’ἀλάστωϱ semble pouvoir s’activer contre Phéroras, même sans qu’il ait mis son projet à exécution : si le poison subsiste, son intention d’assassiner pourrait être punie33.
16Les ἀλάστοϱες sont donc des êtres surnaturels vengeurs suscités par un premier crime qui, outre le meurtre, peut consister à provoquer un suicide, à projeter un assassinat ou encore à prononcer une sentence injuste. Le texte de Plutarque qui les assimile à de mauvais démons ordinaires reste une exception. En général, les ἀλάστοϱες apparaissent comme des entités surnaturelles diffuses et impersonnelles, mais à prérogatives précises.
Les criminels
17Le terme ἀλάστωϱ désigne également un être humain criminel34. Oreste, qui avait peur que l’ordre d’Apollon ne soit le fait d’un ἀλάστωϱ, se qualifie lui-même de tel (dans le sens de « criminel » cette fois-ci) en se rendant en suppliant au sanctuaire d’Athéna à Athènes, pour qu’elle décide de son sort : « accueille l’ἀλάστωϱ avec bienveillance » (δέχου δὲ πϱευμενῶς ἀλάστοϱα), supplie-t-il la déesse35. Chez Euripide, la maison des Pélopides est qualifiée de « maison de criminels » (δόμον ἀλαστόϱων). Chez Sophocle, Ajax, en se rendant compte que, aveuglé par Athéna, il a tué le bétail des Grecs au lieu de leurs chefs, s’écrie : « j’ai laissé échapper de ma main les ἀλάστοϱες (scélérats) ». Chez Démosthène, Philippe est qualifié de barbare et d’ἀλάστωϱ, et Eschine et ses amis d’« hommes impurs, flatteurs et criminels » (ἄνθϱωποι μιαϱοὶ καὶ κόλακες καὶ ἀλάστοϱες). Ménandre qualifie de la sorte un jaloux, Pausanias un juge de conflits territoriaux et Héliodore une femme adultère36.
18Il n’est pas toujours possible d’accorder avec certitude au terme l’une de ses deux acceptions, celle de vengeur surnaturel ou celle de criminel mortel. Par exemple, lorsque Achille affirme à Clytemnestre (à propos du sacrifice d’Iphigénie), qu’il ne serait pas le fils de Pélée mais celui d’un ἀλάστωϱ (entité vengeresse ? criminel ?), si son nom servait à Agamemnon comme instrument d’un meurtre37.
19La signification du terme est également ambiguë dans un passage du traité hippocratique De la maladie sacrée. L’auteur y fustige les charlatans qui considèrent l’épilepsie comme un mal envoyé par les dieux et qui emploient des purifications pour la guérir : « ils purifient les personnes atteintes de la maladie avec du sang et autres choses de ce genre (καθαίϱουσι γὰϱ τοὺς ἐχομένους τῇ νούσῳ αἵματί τε καὶ ἄλλοισι τοιούτοισιν) comme si elles étaient souillées, ou comme si elles avaient ou si elles étaient des ἀλάστοϱες, ou comme si on leur avait administré une drogue ou comme si elles avaient commis un acte contraire aux lois des dieux (ὥσπεϱ μίασμά τι ἔχοντας, ἢ ἀλάστοϱας, ἢ πεφαϱμαγμένους ὑπὸ ἀνθϱώπων, ἤ τι ἔϱγον ἀνόσιον εἰϱγασμένους)38.
20Ce passage a été interprété de manières diverses. Émile Littré considère les ἀλάστοϱες comme des êtres humains criminels, des « scélérats », mais le texte est difficile à restituer à cause des leçons, fort diverses, des manuscrits. Christian A. Lobeck lit καθαίϱουσι τοὺς ἐχομένους τῇ νούσῳ, αἵμασί καὶ τοῖσι ἄλλοισι μιάσμασι ἔχοντας ἀλάστοϱας ἢ πεφαϱμαγμένους, et il compend qu’on purifie le malade comme s’il était agité par les démons vengeurs d’un ancêtre assassiné, ou comme s’il était victime d’une malédiction, ou encore tourmenté pour un crime qu’il aurait commis. Louis Moulinier considère que Lobeck « est obsédé par le désir de voir dans les ἀλάστοϱες des esprits vengeurs » et souligne, avec raison, que le but de ce texte n’est pas d’énumérer les différentes causes de souillure mais de dire que les charlatans purifient les malades comme s’ils étaient souillés39. Toutefois, à la lumière des sources examinées, nous pouvons constater qu’être ἀλάστωϱ ou être persécuté par un ἀλάστωϱ revient, en grande partie, au même. Les deux concepts (l’entité vengeresse et le criminel) sont liés par un seul terme, et chacun d’eux fait nécessairement penser à l’autre (le criminel à son entité vengeresse, l’entité vengeresse au criminel qu’elle poursuit).
21Ainsi, à propos de l’épithète de Minos ὀλοόφϱων, une scholie à l’Odyssée précise « le terrible (ὀλοόφϱων) contre les impies (κατὰ τῶν ἀσεβῶν), comme l’ἀλάστωϱ (vengeur) contre les ἀλάστοϱες (criminels) (ὡς ἀλάστοϱα κατὰ τῶν ἀλαστόϱων) ». Il est significatif que le terme soit en rapport avec Minos, à côté du trône duquel se tenaient les ἀλάστοϱες vengeurs dans l’Hadès chez Lucien, et que Philon d’Alexandrie précise que le véritable Hadès est la vie du méchant, « la vie criminelle et teinte de sang » (βίος ἀλάστωϱ καὶ παλαμναῖος)40.
Zeus
22Phérécyde atteste l’épithète de Zeus ̓Αλάστωϱ ou ̓Αλάστοϱος qu’il associe à ̔Ικέσιος41. Des sources tardives expliquent qu’il est nommé ainsi parce qu’il punit les ἀλάστοϱες, eux-mêmes appelés de la sorte « parce qu’ils ont commis des fautes dont on s’indigne et gémit » (ἀπὸ τοῦ τοιαῦτα ἁμαϱτάνειν, ἐφ᾽ οἷς ἔστιν ἀλαστῆσαι καὶ στενάξαι). C’est aussi le Zeus qui surveille les meurtres et qui protège ceux qui souffrent de maux qu’on ne peut oublier (ὁ τοῖς τὰ ἄλαστα πάσχουσιν ἐπαμύνων), et le Zeus qui n’oublie rien (ὃν ἐλάνθανεν οὐδέν)42.
23Selon Lewis R. Farnell, Zeus aurait reçu cette épithète en souvenir du premier meurtrier de la légende grecque, Ixion. Ce dernier, poursuivi par les Érinyes, fut également le premier suppliant à faire appel à Zeus ̔Ικέσιος, le Zeus des suppliants qui le purifia et le délivra ainsi des Érinyes. C’est à lui que penserait Phérécyde en associant les deux épithètes, ̔Ικέσιος et ̓Αλάστωϱ, le Zeus « des suppliants » et « celui qui surveille les meurtres ». En revanche, Arthur B. Cook considère Zeus ̓Αλάστωϱ comme « celui qui apporte une malédiction », une qualification d’abord appliquée au coupable et puis au dieu concerné par son crime. Selon Spyridon Marinatos, Zeus réprime certains crimes sous les appellations de Παλαμναῖος, ̓Αλάστωϱ, etc., ce qui le rattache à des divinités inférieures attachées aux crimes comme les ἀλάστοϱες43.
24Pour Claude Rolley, « le dieu qui poursuit le criminel, protège sa victime ». Il relie les épiclèses de Zeus ̔Ικέσιος (l’épiclèse la plus fréquente de Zeus dans les inscriptions des phratries trouvées à l’Asclépieion de Cos), et ̓Ελάστεϱος (attestée sur des inscriptions pariennes) à l’épiclèse ̓Αλάστοϱος des inscriptions des patrai thasiennes44. Claude Rolley considère que les termes ἀλάστοϱος et ἐλάστεϱος ont le même sens et le même emploi dans les cultes civiques ; ils signifient « celui qui repousse », d’où « celui qui protège » (les membres de la phratrie), et le Zeus qualifié ainsi serait un Zeus protecteur des phratries (comparable à Zeus ̔Ικέσιος)45. En effet, sur une inscription parienne et sur deux thasiennes, Zeus est qualifié à la fois de ̓Ελάστεϱος/̓Αλάστοϱος et Πατϱῷος, « ancestral »46.
25En revanche, Franciszek Sokolowski, à propos de l’inscription de Paros relative au culte familial de Zeus ̓Ελάστεϱος par les descendants de Mandrothémis, suit l’hypothèse de François Salviat, à savoir que ce Zeus est un protecteur du patrimoine, l’équivalent d’un ̔Εϱκεῖος ou d’un Κτήσιος, tout en acceptant la signification de l’épithète comme « celui qui repousse ». Henri van Effentere considère, lui, que ἔλασις a le sens de chasse et même de battue, où l’on pousse devant soi (ἐλαύνειν) le gibier pour le rabattre vers l’endroit où les chasseurs l’attendent pour le capturer. Ainsi, le Zeus ̓Ελάστεϱος de Paros ne serait pas un dieu chasseur de criminels, mais un rassembleur de troupeaux pour les descendants d’un Mandrothémis au nom prédestiné. En revanche, Pierre Ellinger considère ce Zeus ̓Ελάστεϱος des descendants de Mandrothémis (nom qui évoque la « justice des bergeries ») comme un « pourchasseur de criminels »47.
26Le culte de ce Zeus qui chasse les criminels pourrait être celui d’une phratrie qui craindrait une souillure interne (provenant du crime d’un ancêtre ou d’un membre ayant provoqué un ἀλάστωϱ) ou externe (contractée par contact avec un criminel dont l’ἀλάστωϱ se serait attaché à la phratrie) ou encore ayant souffert d’un crime, attendant la vengeance de celui-ci de la part du Zeus qu’elle vénère. Il pourrait donc s’agir d’un Zeus qui protège la phratrie et ses membres48. Cependant, selon Robert Parker, le Zeus ̓Αλάστοϱος Πατϱῷος de Thasos, tout comme le Zeus ̓Ελάστεϱος Πατϱῷος de Paros et le Zeus ̔Ικέσιος de Cos, auraient plutôt le rôle d’accueillir et de purifier les étrangers voulant être admis dans une phratrie. Ainsi, en tant que dieux ancestraux des phratries, ces Zeus seraient vénérés, à l’époque archaïque, par des groupes susceptibles d’accueillir en leur sein des étrangers exilés de leur pays d’origine pour meurtre ou sacrilège et ayant besoin d’être purifiés49. L’hypothèse de Parker pourrait expliquer la raison de ces épiclèses de Zeus en tant que divinités des phratries, mais elle ne nous semble pas exclure que ces Zeus puissent aussi protéger les φϱάτοϱες de la souillure de l’un d’eux ou encore venger la phratrie d’une atteinte extérieure50.
27La différence entre Zeus et les puissances comme les ἐλάστεϱοι/ἀλάστοϱες se situe, selon nous, dans leur fonction quant au traitement du crime51. Ces puissances ne sont que vengeresses, ce sont des entités fonctionnelles, tandis que Zeus peut aussi bien poursuivre le criminel que le purifier, il peut changer d’attitude, et surtout, c’est lui qui peut mettre fin à la persécution de la part de ces entités.
Les ἐλάστεϱοι de Sélinonte
28À la lumière des sources passées en revue, nous pouvons examiner le cas des ἐλάστεϱοι de Sélinonte mentionnés sur la colonne B de l’inscription, qui porte des prescriptions de purification pour l’individu qui est persécuté par eux. Le document décrit le processus à suivre qui comprend, en premier lieu, une proclamation, une annonce de la purification, de l’eau pour se laver, un repas et du sel, le sacrifice d’un porcelet à Zeus, une marche circulaire, et une permission de se voir adresser la parole, manger et dormir où l’on veut. Suit une énumération des cas nécessitant une purification et devant être traités comme celui d’un αὐτοϱέκτας (terme controversé), le sacrifice d’une victime adulte sur l’autel public à la suite duquel la personne est déclarée pure, le marquage d’une limite avec du sel, une aspersion faite au moyen d’un récipient en or et un départ. Finalement, l’inscription précise que le sacrifice à ̓Ελάστεϱος doit être accompli comme celui destiné aux immortels, mais de manière à ce que le sang de la victime coule à terre.
29Ce qui constitue le véritable intérêt du document est l’association concrète à un rituel d’entités vengeresses connues, jusqu’à sa publication, uniquement par les sources littéraires. Toutefois, l’inscription est fragmentaire et toutes les interprétations proposées incertaines.
30Selon nous, le sens du texte dépend pour beaucoup de l’interprétation des trois premières lignes, et surtout de la première, malheureusement la plus fragmentaire. Les lettres restantes sont :
…] ι κ ανθϱοπος […] τα […] αστεϱον […] αποκα […
ce qui est restitué
... α] ι κ᾿ ἄνθϱοπος [αὐτοϱέκ] τα [ς ἐλ] αστέϱον ἀποκα [θαίϱεσθ-
[αι].52
31Les éditeurs considèrent qu’il est question d’un homme αὐτοϱέκτας voulant se purifier d’un ἐλάστεϱος53. Ainsi ils interprètent la suite du texte comme étant la procédure que doit suivre ce même αὐτοϱέκτας : il doit proclamer où et quand il souhaite le faire (l. 2-3), accueillir l’esprit vengeur (l. 4), sacrifier (l. 5), etc. Cette interprétation se fonde sur une étroite relation établie avec la grande loi de Cyrène, où il est question de la purification d’un ἱκέσιος ἐπακτός, un esprit hostile ( ?), dont on reçoit la statuette (κολοσός) à laquelle on offre de la nourriture54. Cependant, il n’y a pas d’équivalent de ces représentations figurées mentionné à Sélinonte55. En outre, selon les sources grecques, la purification requiert un purificateur et un purifié56. Le purificateur serait celui qui accueillerait la personne à purifier chez lui et qui lui offrirait l’hospitalité à la ligne 4. Nous proposons donc de comprendre qu’à la première ligne, il est question d’un homme qualifié d’αὐτοϱέκτας qui souhaite être purifié de son ἐλάστεϱος.
32Ensuite vient l’annonce de la purification (lignes 2-3 : πϱοειπὸν hόπο κα λει καὶ τõ ϝέ[τ]εος hόπο κα λει καὶ [τõ μενὸς]/ hοπείο κα λει καὶ <τᾶι> ἀμέϱαι hοπείαι κα λ<ε>ι, π{ο}ϱοειπὸν hόπυι κα λει, καθαιϱέσθο)57. Ces lignes ont reçu des interprétations diverses : soit l’αὐτοϱέκτας ( ?) annonce où58 il souhaite être purifié, à quel moment de l’année, quel mois et quel jour, et vers quelle direction, le temps et le lieu de la purification donc ; soit ces précisions concernent le temps et le lieu de la proclamation elle-même, c’est-à-dire qu’il annonce son intention d’être purifié où, quand et vers la direction qu’il veut59. Si l’on adopte la première explication (annonce du temps et du lieu de la purification), alors la proclamation pourrait servir d’avertissement pour que les gens se tiennent à l’écart de l’homme impur et de sa souillure. Si l’on adopte la deuxième explication (proclamation de l’intention de purification), nous pourrions penser que le but de l’annonce de l’αὐτοϱέκτας est de trouver un purificateur : dans ce cas, le π{ο}ϱοειπὸν hόπυι κα λει de la ligne 3, pourrait être compris par « vers qui il veut »60, c’est-à-dire qu’il annonce son besoin de purification en direction de personnes parmi lesquelles il pourrait trouver un purificateur61. Cette annonce rituelle pourrait donc être à la fois un avertissement du danger que représente l’homme impur et une demande d’aide pour que quelqu’un accepte de le purifier. En tout cas, la liberté qui lui est donnée, soit à propos de la proclamation de purification soit à propos de la purification elle-même, semble dénoter un souci de la cité de permettre à l’individu de se débarrasser au plus rapidement de son ἐλάστεϱος et d’éviter par conséquent que sa souillure n’infecte la cité62.
33Que l’intéressé proclame qu’il cherche un purificateur nous semble mieux convenir à ce qui suit. Si, aux lignes 3-4, on restitue hο δὲ hυ]/ποδεκόμενος ἀπονίψασθαι δότο κἀκϱατίξασθαι καὶ hάλα τõι αὐ[τοϱέκται], on peut expliquer le changement de sujet par rapport aux lignes précédentes63 : que l’αὐτοϱέκτας, après son annonce, « soit purifié » (καθαιϱέσθο) et que celui qui l’accueille (le purificateur) « lui fournisse de quoi se laver, de quoi déjeuner et du sel », des rites d’hospitalité courants ; l’eau est par ailleurs le moyen purificatoire par excellence64.
34Il existe encore une hypothèse selon laquelle le sujet du participe πϱοειπόν de la l. 2, n’est pas la personne qui souhaite être purifiée, mais plutôt le purificateur. Cette hypothèse a l’avantage de ne pas supposer de changement de sujet. Le sujet des lignes 1-5 serait le purificateur, tandis que celui des lignes 6-13 serait le coupable65.
35Aux lignes suivantes (5-7 : [κ]αὶ θύσας τõι Δὶ χοῖϱον ἐξ αὐτõ ἴτο καὶ πεϱιστ{ι}ϱαφέσθο/ καὶ ποταγοϱέσθο καὶ σῖτον hαιϱέσθο καὶ καθευδέτο hόπε κ-/α λει), il est question du sacrifice d’un porcelet à Zeus, sacrifice que d’aucuns considèrent comme purificatoire (le porcelet étant la victime purificatoire par excellence)66, tandis que d’autres soulignent — avec raison — que rien ne le qualifie de tel67. Ces lignes sont interprétées diversement selon le sujet adopté. Selon une première interprétation, le sujet de ces lignes serait l’αὐτοϱέκτας, qui accomplirait le sacrifice du porcelet et qui, ensuite, s’éloignerait de son hôte (ἐξ αὐτõ ἴτο)68, et procéderait à une marche circulaire69. La deuxième interprétation attribue le sacrifice du porcelet et la marche circulaire au purificateur (qui s’éloignerait ainsi de l’αὐτοϱέκτας), ce qui serait plus adéquat à un sacrifice purificatoire, effectué en général par l’hôte70 ; cependant, il n’est toujours pas nécessaire de postuler un sacrifice purificatoire, puisque nous avons l’exemple d’hôtes qui purifient un homme impur et, ensuite, offrent un sacrifice, avant de le recevoir chez eux71.
36Cette deuxième interprétation implique un changement de sujet entre les lignes 5 et 672, car à la ligne 6, c’est bien l’individu concerné par la purification (et non son purificateur) qui va pouvoir se voir adresser la parole, prendre de la nourriture73 et dormir où il veut74. Cela implique qu’il ait reçu les rites préliminaires et pris l’eau, le repas et le sel offerts par l’hôte, en silence75. Nous avons un exemple mythique de cette hospitalité qui-fait-comme-si-elle-n’en-était-pas-une : les habitants d’Athènes en offrirent une semblable à Oreste, sans échange de parole, dont la mémoire se perpétua dans le concours de boisson du deuxième jour des Anthestéries, où chacun buvait seul et sans parler à ses voisins76.
37Dans les lignes suivantes (7-9 : αἴ τίς κα λει ξενικὸν ἒ πατϱõιον, ἒ’πακουστὸν ἒ’φοϱατὸν/ἒ καὶ χὄντινα καθαίϱεσθαι, τὸν αὐτὸν τϱόπον καθαιϱέσθο/hόνπεϱ hοὐτοϱέκτας ἐπεί κ’ἐλαστέϱο ἀποκαθάϱεται) le rituel de purification précédemment décrit est appliqué à d’autres cas de personnes poursuivies par des ἐλάστεϱοι. C’est ici qu’est mentionné le terme αὐτοϱέκτας : si quelqu’un souhaite être purifié d’un ξενικός ou d’un πατϱῷος, ἐπακουστός ou ἐφοϱατός ou καὶ χὄντινα, qu’il le fasse comme l’αὐτοϱέκτας. Certains chercheurs voient en ces adjectifs diverses qualifications appliquées aux ἐλάστεϱοι77, tandis que d’autres préfèrent les appliquer à des humains78. À notre avis, cette question n’est pas très importante, puisque celui qui souffre d’un ἐλάστεϱος est lui-même nommé ainsi. Qu’on purifie un ἐλάστεϱος (criminel) ou un homme de son ἐλάστεϱος (esprit vengeur) revient plus ou moins au même. Le sens du terme αὐτοϱέκτας est également controversé79 : une majorité de chercheurs y voit un meurtrier tandis que d’autres considèrent qu’il désigne le coupable, l’agent responsable, bref, celui qui a provoqué son ἐλάστεϱος par son action propre80. À notre avis, il serait plus prudent de retenir le deuxième sens, car nous avons vu qu’il n’est pas besoin d’un meurtre pour susciter un ἀλάστωϱ, mais que le crime peut consister en un sacrilège ou une autre faute81. Il n’est donc pas nécessaire de postuler un meurtrier pour rendre le sens de notre document82.
38En outre, le sens de « coupable, responsable », convient parfaitement à l’énumération d’autres types d’ἐλάστεϱοι aux lignes 7-9 : de quelque manière qu’on ait contracté un ἐλάστεϱος, il faut en être purifié selon les mêmes procédures que celui qui l’a contracté de lui-même, qui l’a provoqué par ses propres actes, qui en est responsable. Les quatre adjectifs qualifiant l’ἐλάστεϱος ont reçu des interprétations variées ; le ξενικός a été interprété soit comme « étranger » soit comme celui d’un hôte assassiné83 ; le πατϱῷος comme « ancestral, familial » ou comme celui d’un membre consanguin de la famille assassiné (partageant donc les mêmes ancêtres que l’αὐτοϱέκτας)84. Dans les deux cas, les dernières solutions présupposent que l’αὐτοϱέκτας est un meurtrier et que la loi continue en énumérant des cas de meurtre spéciaux : assassinat d’un hôte plus grave puisqu’on brise la loi de l’hospitalité et assassinat de parent consanguin encore plus grave. Les chercheurs qui adoptent cette solution considèrent que le sacrifice d’une victime adulte « sur l’autel public » mentionné dans la ligne suivante (10 : hιαϱεῖον τέλεον ἐπὶ τõι βομõι τõι δαμοσίοι θύσας καθαϱὸ-/ς ἔστο), concerne seulement ces cas très graves de meurtre et non celui du simple meurtrier d’un étranger (l’αὐτοϱέκτας). Il y aurait donc une gradation, du simple meurtre à des cas de meurtre plus graves qui nécessiteraient une victime plus importante qu’un porcelet85. D’autres chercheurs considèrent que ce sacrifice de victime adulte concerne les deux cas de purification, celle de l’αὐτοϱέκτας et celle des autres types d’ἐλάστεϱοι. Les prescriptions sur le rituel à suivre ont été interrompues un moment pour préciser qu’il faut agir de même dans les autres cas de poursuite par les ἐλάστεϱοι, et elles continuent après cette parenthèse86.
39Les deux autres adjectifs concerneraient soit la manière dont l’ἐλάστεϱος se manifeste, par l’ouïe (ἐπακουστός) ou par la vue (ἐφοϱατός) ou « de n’importe quelle autre manière » (καὶ χὄντινα), soit, en les mettant sur le même registre que les deux adjectifs précédents, les manières de contracter un ἐλάστεϱος par contact auditif ou visuel ; la précision καὶ χὄντινα est une précaution de la loi soucieuse de comprendre tous les types possibles d’ἐλάστεϱοι87.
40Il nous semble que la solution qui considère le sacrifice d’une victime adulte comme concernant tous les cas de purification d’un ἐλάστεϱος est préférable. D’abord, elle ne présuppose pas que l’αὐτοϱέκτας soit nécessairement un meurtrier, et nous avons vu que l’ἀλάστωϱ/ἐλάστεϱος peut être provoqué par d’autres crimes. Ensuite, elle prend en compte les divers types d’ἐλάστεϱοι énumérés : de quelque manière qu’on ait contracté son ἐλάστεϱος, il faut se purifier comme si on l’avait provoqué par ses propres actions. Enfin, c’est seulement après ce sacrifice de victime adulte que le coupable est qualifié explicitement de pur (καθαϱὸς ἔστο)88. Le sacrifice du porcelet ne lui donne, en effet, que la possibilité de se voir adresser la parole, prendre de la nourriture et dormir où il veut. On peut postuler que c’est seulement après ce premier sacrifice qu’il peut en accomplir un sur l’autel public duquel il ne pouvait probablement pas s’approcher auparavant. Ce deuxième sacrifice apparaît comme une obligation et une marque qui met fin à la purification89 ; la personne se doit de terminer la procédure par un sacrifice plus grand et plus officiel que le premier, par un geste qui marque que, désormais, elle peut s’approcher de l’autel public90. Une fois ce geste accompli elle se doit d’effectuer les derniers rites avant de s’en aller (ligne 11 : διοϱίξας hαλὶ καὶ χϱυσõι ἀποϱανάμενος ἀπίτο) : marquer une délimitation avec du sel et faire une aspersion en utilisant un récipient en or, ou alors procéder à une délimitation et à des aspersions d’eau de mer avec un récipient en or91. Jameson, Jordan et Kotansky pensent que ce marquage de délimitation est fait dans le but de séparer le sujet de l’autel ; l’usage du sel et particulièrement de l’eau de mer est bien attesté comme moyen purificatoire92.
41La loi se termine par une précision (lignes 12-13 : hόκα τõι ἐλαστέϱοι χϱέζει θύεν, θύεν hόσπεϱ τοῖς/ἀθανάτοισι· σφαζέτο δ’ἐς γᾶν) : « lorsqu’il est nécessaire de sacrifier à ἐλάστεϱος, que l’on sacrifie comme pour les immortels, mais en égorgeant en direction de la terre ». L’égorgement de la victime vers la terre montrerait que l’entité à laquelle on sacrifie serait à situer dans le monde d’en bas93. En effet, nous avons vu que certaines sources situent les ἀλάστοϱες dans l’Hadès94. Selon certains, l’ἐλάστεϱος en question serait Zeus Ἐλάστεϱος95. On a pensé aussi que cette précision finale du texte pourrait se référer au deuxième sacrifice du document, celui de la victime adulte96. Cependant, dans ce cas, on n’utiliserait pas l’expression hόκα τõι ἐλαστέϱοι χϱέζει θύεν (lorsqu’il est nécessaire de sacrifier à ἐλάστεϱος). Le motif de ce sacrifice n’est pas donné, mais nous serions tentée d’y voir un sacrifice destiné à apaiser le courroux de l’esprit vengeur, un troisième sacrifice donc, complémentaire aux deux autres, une précaution supplémentaire ajoutée à la purification97. Bien que nous n’ayons pas rencontré dans les sources littéraires de sacrifice adressé à un ἀλάστωϱ, nous en avons vu un qui a reçu un culte, avec l’exemple de l’autel d’Antéros. En outre, chez Plutarque, Apollon aurait fait des libations pour apaiser la colère des ἀλάστοϱες qui le poursuivent après le meurtre de Python98. Le sacrifice à l’ἐλάστεϱος de l’inscription, en tant que précaution supplémentaire complétant la purification, peut être accompli ou non, selon le choix de l’intéressé.
42Pour finir, il est légitime de s’interroger sur le rapport que ces entités vengeresses entretiennent avec Zeus Ἐλάστεϱος/ Ἀλάστοϱος. Il a été soutenu que, avec le temps, le rôle des ἐλάστεϱοι comme vengeurs de crimes a été attribué en Grèce à Zeus Ἐλάστεϱος ou Ἀλάστοϱος dès la deuxième moitié du VI e siècle, tandis qu’à Sélinonte, au même moment, ces entités surnaturelles gardaient leurs prérogatives99. Cependant, une telle évolution ne peut pas être établie avec certitude ; rien dans notre documentation ne la suggère, et le rôle des entités de vengeance est clairement démarqué du rôle du dieu qui peut aussi bien punir que protéger. Ces entités sont des instruments de la justice de Zeus, des manifestations impersonnelles et implacables qui, contrairement à Zeus, ne peuvent changer d’attitude à leur gré100. Ces entités fonctionnelles s’occupent uniquement du crime et de sa punition, ils sont suscités par lui et lui sont immanents. Ce que l’inscription de Sélinonte nous apprend de particulier sur leur compte, c’est qu’on peut s’en débarrasser par un rituel de purification et qu’elles peuvent recevoir un sacrifice. Quant à Zeus ̓Ελάστεϱος/̓Αλάστοϱος, qu’il soit celui qui protège des ἐλάστεϱοι/ἀλάστοϱες (esprits vengeurs) ou qui les envoie, ou encore celui qui protège ou qui punit les ἐλάστεϱοι/ἀλάστοϱες humains, ou très probablement qu’il ait à la fois toutes ces fonctions, il a sous cette épiclèse le pouvoir de débarrasser une personne poursuivie de l’ἐλάστεϱος qui la hante, une fois que celle-ci a accompli les rites de purification101. Cependant, nous ne présupposons pas un Zeus ̓Ελάστεϱος sous-entendu dans notre inscription : Zeus peut remplir ces fonctions sous d’autres épiclèses102.
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1 Jameson, Jordan & Kotansky 1993 (désormais JJK 1993).
2 On la date aussi de la première moitié du Ve siècle (Graham 1995, p. 367 ; Giuliani 1998, p. 67), ou entre la fin du VIe et le milieu du Ve (cf. Cordano 1996, p. 137-138, et Cordano 1997, p. 424, qui la situe plutôt au début du Ve siècle).
3 JJK 1993, p. 52, 61, 80-81, 113-114, 116-117, font dépendre l’interprétation de la col. B de celle de la col. A du document ; ils pensent qu’il y a une relation thématique entre les deux colonnes, à savoir que toutes deux traitent de souillure et de purification, celle des groupes sur la col. A et celle des individus sur la col. B (ils sont suivis par Curti & van Bremen 1999, p. 32-33, Camassa 1999, p. 145, et Brugnone 2003, p. 13).Dimartino 2003, p. 333-334, 345-347, pense que les deux colonnes traitent plutôt de deux moments de la même procédure de purification (cf. infra, n. 82). En revanche, selon Clinton 1996, p. 162-163 et 172, la purification n’est pas un thème central de la col. A ; la relation entre les deux colonnes serait plutôt chronologique : le document décrirait d’abord les rituels annuels, puis les bisannuels, etc., et enfin ceux qui ne sont pas accomplis à date fixe (comme ceux de la col. B). L’aspect purificatoire des rituels de la col. A est également nié par Dubois 2003, p. 117, Georgoudi 2001, p. 157-158, et Scullion 2005, p. 34 (qui les considère comme concernant la famille et sa prospérité). Lupu 2005, p. 366, que nous suivons sur ce point, pense qu’il est plus prudent de traiter chaque colonne pour elle-même.
4 Les Érinyes poursuivent (ἠλάστϱουν) Oreste (Euripide, Iphigénie en Tauride 934, 970) ; cf. également Eschine, Contre Timarque I, 190 (Ποινὰς ἐλαύνειν), et Dénys d’Halicarnasse, Antiquités romaines I, 23, 1 (δαιμονίοις… ἐλαστϱηθέντες). Notons que des mots apparentés, comme ἐλατήϱιον, ont aussi un aspect purificatoire : cf. JJK 1993, p. 116-117 ; Eschyle, Choéphores 966-968 ; Eustathe, ad Iliadem XVIII, 564, vander Valk (§ 1163, l. 40, vol. IV, p. 257, l. 13) ; Hésychius, s. v. ἐλατήϱιον ; LSCG 56 A 1 (ἐλατήϱιον en tant qu’eau purifiante en toute probabilité) ; Scholia vetera in Aeschylum, Choephoroi 968 a et b, où ἐλατήϱιον désigne à la fois « ce qui poursuit les impies ou ce qui doit être chassé » (τὸ ἐλαῦνον τοὺς ἀσεβεῖς ἢ τὸ ἀπελαθῆναι ὀφεῖλον) et la « drogue purifiante » (τὸ ϰαθαϱτιϰὸν φάϱμαϰον).
5 Pour les inscriptions de Paros et de Thasos, cf. infra, n. 44. Phérécyde 3 F 175, Jacoby : ̓Αλάστωϱ ; idem F 114a, Müller : ̓Αλάστοϱος. Cette épithète de Zeus est également attestée dans l’Hymne orphique 73, 3, Quandt. Selon Chantraine 1999, s. v. ἐλαύνω, la forme ἐλάστεϱος correspondrait à l’épithète ἐλατήϱ, le « conducteur » (cf. également Nilsson 1951, p. 163, n. 48, et Dubois 1995b, p. 138). Pour Ellinger 2005, p. 119, cette forme met l’accent sur la poursuite du meurtrier. La proposition étymologique de Kontoleon 1948-1949, p. 1-5, suivi par Kalitsounakis 1965, p. 145-147, faisant provenir le terme de ἐλαύνω et ἀστήϱ, n’est généralement pas retenue. Le suffixe -τωϱ, -τοϱος d’ἀλάστωϱ désigne l’auteur d’un acte, par opposition aux termes en -τηϱ, désignant l’agent d’une fonction (cf. Benveniste 1948, p. 55 et 62).
6 Prellwitz 1892, s. v. ἀλάστωϱ ; Gernet 1917, p. 324. Selon Chantraine 1999, s. v. ἀλάστωϱ, le terme était aussi employé dans des contextes où « l’idée d’un dieu vengeur n’était plus sentie ». Meyer 1901, p. 293-294, s. v. ἄλαστος et ἀλάστωϱ, relie ἄλαστος à la racine verbale λαθ- mais considère l’étymologie d’ἀλάστωϱ comme inconnue. Curtius 1873, p. 547, faisait provenir ἀλάστωϱ du verbe ἀλάομαι, « errer », une étymologie qui n’est généralement pas retenue. Prévot 1935, le faisait provenir du verbe λάω (cf. également Müller 1929) auquel il attribuait la signification de « regarder, mais avec une acception mauvaise », et le reliait à la notion de « mauvais œil » (une acception d’abord admise par Chantraine 1933, p. 325, § 260 [puis rejetée, Chantraine 1999, s. v. ἀλάστωϱ] où ἀλάστωϱ serait celui « qui jette le mauvais œil »).
7 Marinatos 1950-1951, p. 182-183 (opinion adoptée également par Rolley 1965, p. 455-456). Matthaios 1999. Le terme ἀλάστοϱος est également attesté chez Eschyle F 294, Nauck.
8 Chrysippe de Soles F 156, Stoicorum Veterum Fragmenta, Arnim.
9 Suétone, Des termes injurieux IV, l. 3-5, Taillardat. Cf. également Photius, Lexicon, s. v. ἀλάστωϱ, § 897, Theodoridis. Par ailleurs, une épigramme (Epigrammatum Anthologia Palatina, vol. III, Appendice, III, 175, Cougny) mentionne des ἐλάστοϱας ἐλαυνομένους.
10 Cf. par ex. Etymologicum Magnum Genuinum, Symeonis Etymologicum una cum magna grammatica, Etymologicum Magnum Auctum, s. v. ἀλάστωϱ, Lasserre et Livadaras.
11 Etymologicum Magnum, s. v. ἀλάστωϱ. Chrysippe de Soles F 156, Arnim. Hésychius, s. v. ἀλαστόϱων. L’Etymologicum Gudianum, s. v. ἀλάστωϱ, ajoute que c’est le Zeus qui surveille ceux qui commettent des actes terribles qu’on ne peut oublier (ὁ Ζεύς, ὁ ἐποπτεύων τοὺς ἄλαστα ϰαὶ χαλεπὰ ποιοῦντας). Photius, Amphilochia 31 (H. Diels, « De Dionysii et Photii Lexicis », Hermes 26, 1891, p. 243-261, p. 259), et Lexicon, s. v. ἀλάστωϱ (§ 899) précise qu’outre le criminel, le terme désigne également « celui qui a commis un assassinat de sa propre main » (τὸν αὐτοχειϱίᾳ φόνον εἰϱγασμένον).
12 Hésychius, s. v. ἀλαστόϱων et ἀλάστοϱες. Souda, s. v. ἀλάστωϱ. Galien, Linguarum seu dictionum exoletarum Hippocratis explicatio, t. 19, p. 74, l. 6, Kühn (cf. également Photius, Lexicon, s. v. ἀλάστωϱ [§ 899 et 904]). Eustathe, ad Iliadem XX, 463, van der Valk (§ 1213, l. 44, vol. IV, p. 423, l. 21). Eustathe, ad Iliadem III, 277, van der Valk (§ 415, l. 21, vol. I, p. 652, l. 33), donne aussi une nouvelle acception d’ἀλάστωϱ, celui « à qui rien ne demeure caché car il regarde tout avec une curiosité indiscrète » (οὐϰ ἄν τι διαλάθοι τὸν οὕ τω πεϱιέϱγως πάνθ᾽ ὁϱῶντα). Erotianus, Vocum Hippocraticarum collectio 47, Nachmanson.
13 Cf. infra, n. 80.
14 Eschyle, Agamemnon 1501-1508 ; au vers 1476, Clytemnestre appelle cet esprit δαίμονα γέννης, « démon de naissance, de famille », tandis qu’au vers 1470, le chœur accuse ce « démon » de se servir des femmes de la famille. Au sujet du rapport entre Clytemnestre et l’ἀλάστωϱ, cf. les opinions de Fraenkel 1950, vol. 3, p. 711, et de Thomson 1966, p. 30. Sur la culpabilité héréditaire en général, cf. Parker 1983, p. 199-206. Dimartino 2003, p. 321-323 et 345, insiste sur l’aspect héréditaire de l’ἀλάστωϱ pour appuyer son hypothèse selon laquelle l’individu purifié sur la col. B de notre inscription est un meurtrier involontaire poussé par un mauvais démon (cf. infra, n. 65 et 82). À notre avis, cette hypothèse ne tient pas compte du fait qu’il faut toujours un premier crime pour susciter un ἀλάστωϱ, crime que, forcément, celui-ci n’a pas provoqué ; le chœur répond à Clytemnestre que l’ἀλάστωϱ de la famille est peut-être son complice dans l’assassinat de son époux, et ne met pas en question sa liberté d’action.
15 Vernant et Vidal-Naquet 1989, I, p. 66 ; cf. également Saïd 1987, p. 157.
16 Eschyle, Agamemnon, 1600.
17 Euripide, Iphigénie à Aulis, 878.
18 Euripide, Oreste, 1547 (meurtre de Myrtilos). Pindare, Olympiques I, 48-49 (meurtre de Pélops).
19 Euripide, Phéniciennes, 1556 et 888.
20 Euripide, Phéniciennes, p. 217, n. 3, CUF, Grégoire et Méridier. Cette croyance à une faute se transmettant de génération en génération est mentionnée aussi par Platon, République II, 364c.
21 Cf. supra, n. 11.
22 Contrairement à ce que soutiennent Detienne 1998, p. 230-231, et Johnston 1999, p. 47, qui assimilent l’esprit vengeur à la victime. Dans les sources, les ἀλάστοϱες ne semblent s’occuper que du criminel, et en second lieu de sa descendance. Cela rend la vengeance du crime commis à la fois immédiate et indirecte, puisque ce n’est pas la victime qui se charge de se venger, ni quelqu’un de sa famille dans un cas de meurtre, ni la divinité offensée en cas de sacrilège, mais une entité surnaturelle immédiatement suscitée par le crime qui ne tient compte ni de l’intention, ni des circonstances dans lesquelles il a été perpétré.
23 Euripide, Électre, 979 ; Oreste, 1669 (Alcméon est un autre matricide, poursuivi par l’ἀλάστωϱ de sa mère : cf. Pausanias VIII, 24, 8).
24 Euripide, Médée, 1333 et 1059 ; au vers 1260, Médée est qualifiée par le chœur d’« Érinys suscitée par des ἀλάστοϱες » (̓Εϱινὺν ὑπ᾽ ἀλαστόϱων). Elle est d’ailleurs qualifiée d’ἀλάστωϱ de ses enfants (τὴν ἐπὶ παισὶν ἀλάστοϱα) : cf. Anthologie de Planude, 141. Hélène, ayant apporté le malheur aux Troyens, est qualifiée, entre autres, de fille d’ἀλάστωϱ (Euripide, Troyennes, 768) et de souffrance (οἰζύς) provoquée par un ἀλάστωϱ (Euripide, Hécube, 948).
25 Euripide, Héraclès, 1234.
26 Sophocle, Œdipe à Colone, 788 ; Euripide, Phéniciennes, 1593.
27 Eschyle, Perses, 354, 102-107 et 809-831 (crimes de Xerxès), 742.
28 Eschyle, Suppliantes, 415. Euripide, Hippolyte, 820 (à propos du suicide de Phèdre). Selon Euripide, F 866, Nauck, on peut même lancer un ἀλάστωϱ contre soi-même, en ourdissant de mauvais plans contre ses ennemis (cf. également Photius, Lexicon, s. v. ἀλάστοϱα πϱοσβαλεῖν, § 901, Theodoridis). L’ἀλάστωϱ peut aussi provoquer la folie : lorsque Héraclès demande, sur son lit de mort, à son fils Hyllos d’épouser Iole, celui-ci se demande si un ἀλάστωϱ ne l’a pas rendu fou (Sophocle, Trachiniennes, 1235). Cette entité vengeresse peut également être associée au deuil : Hécube, en apprenant la mort de son fils Polydore, verse des pleurs que lui enseigne un ἀλάστωϱ (Euripide, Hécube, 675-676).
29 Pausanias I, 30, 1 ; cf. également Hermias, In Platonis Phaedrum Scholia, 231 E, 77, Couvreur (p. 37, l, 20-21) ; Souda, s. v. Μέλητος. Antéros est également mentionné à propos de l’amour entre Charitôn et Mélanippe : cf. Élien, F 202, Hercher, et de celui entre Poséidon et Neritês : cf. Élien, NA XIV, 28, 34. Notons que cet ἀλάστωϱ prend une forme précise, celle d’Antéros, frère d’Éros et fils d’Aphrodite ou bien créé par Némésis, qui reçoit un culte non seulement à Athènes mais aussi dans deux gymnases de la ville d’Élis (Pausanias VI, 23, 3 et 5). Pour Antéros, cf. Anthologie grecque, Épigrammes descriptives 252 et 251 ; Cicéron, De natura deorum III, 23 (59) ; Ioannes Lydus, De mensibus IV, 89, l. 15 et 20, Niebuhr (p. 78, l. 20 et 79, l. 5) ; Themistius, Orationes XXIV, 304d-305c. Pour des représentations figurées d’Éros et Antéros, cf. LIMC III, 1 et 2, nos 388-395.
30 Plutarque, Cicéron, 47, 6. Notons que l’ἀλάστωϱ attaché à Médée est généré également par le meurtre de son frère sur le foyer : Euripide, Médée, 1333-1334. Sur la puissance du suicide, cf. Glotz 1904, p. 64-67.
31 Plutarque, Marius 8, 5 : Metellus était consul en 109 avant notre ère. Les condamnations injustes provoquent des entités vengeresses aussi chez Antiphon, Tétralogie III a 4 ; III b 8 ; III d 10.
32 Plutarque, Sur la disparition des oracles 14, Moralia, 417 D et F. L’auteur reprend ici la doctrine de Xénocrate, qui a introduit la distinction entre les bons et les mauvais démons en attribuant à ces derniers les « fables dégradantes » de la mythologie : cf. Xénocrate, F 230 et 228. Ellinger 2005, p. 116, remarque que dans ce passage Plutarque joue sur l’assonance de παλαμναῖος avec à la fois παλαιός (ancien) et μνήμη (le souvenir) et rabat le sens du mot sur celui d’ἀλάστωϱ (qui venge des crimes non oubliés) ; une étymologie erronée mais qui rappelle des expressions comme παλαιὸς ἀλάστωϱ qualifiant celui des Atrides (Eschyle, Agamemnon, 1500-1502). Pour le rôle des démons dans ce traité de Plutarque, cf. Brenk 1977, ch. 6, p. 85-112.
33 Lucien, Ménippe, 11. Philon d’Alexandrie, In Flaccum, 175. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs I, 596. Euripide, Médée, 1059, situait déjà les ἀλάστοϱες dans l’Hadès.
34 Notons que c’est également un nom propre, par ex. celui d’un guerrier lycien (Iliade V, 677), ou le nom d’un fils de Nélée (Apollodore I, 9, 9). Un homme nommé ̓Αλάστωϱ participant à une course de chars est figuré sur le cratère d’Amphiaraos de Berlin : cf. Fürtwangler et Reichhold 1932, pl. 121-122.
35 Eschyle, Euménides, 236 (sur la purification d’Oreste dans les Euménides, cf. Sidwell 1996). Sur cet usage du terme qui est traduit de diverses manières (suppliant, maudit, ou personne polluée), cf. Parker 2008, p. 206, n. 32.
36 Euripide, Oreste, 338 (chez Euripide encore [Les Troyennes, 941], lorsque Hélène explique son aventure à Ménélas, elle traite Pâris d’ἀλάστωϱ). Sophocle, Ajax, 373. Démosthène, Sur les forfaitures de l’ambasssade (XIX), 305 (pour ce type d’expression dans des contextes similaires, cf. par ex. Aelius Aristide, Discours IX, 44, et infra, n. 40). Démosthène, Sur la couronne (XVIII) 296 (Eschine). Ménandre, Pericheiromenê, 868. Pausanias VII, 11, 2. Héliodore, Les Éthiopiques VIII, 9, 12, 6 ; 10, 10, 5 et 13, 4, 4. D’autres usages du terme, plus généraux, sont attestés : Nicocharès, F 23, Kassel et Austin, qualifie ainsi la Sphinge ; Sophocle, Les Trachiniennes, 1092, le lion de Némée, mais aussi (idem, Antigone, 974) les orbes des yeux aveuglés des fils de Phinée ; Lycophron, Alexandra, 529, se réfère à un ποιμνίων ἀλάστοϱα : « fléau des troupeaux » ; Nonnos, Dionysiaques, 48, 385 parle d’un « oiseau vengeur » qui vole autour du trône de Némésis, mais aussi d’un bruit (δοῦπον) ἀλάστωϱ (46, 104).
37 Euripide, Iphigénie à Aulis, 946.
38 Hippocrate, De la maladie sacrée iv, t. VI, p. 362, Littré.
39 Littré, ibid. p. 363. Lobeck 1829, I, p. 634, n. 8, suit de plus près que Littré les mss. F, G, I, J, K, Z, ainsi que la vulgate, mais ces mss. sont quasiment incompréhensibles. Moulinier 1952, p. 135, n. 3.
40 Scholia in Homeri Odysseam XI, 322. Pour Lucien, cf. supra, n. 33. Philon d’Alexandrie, De congressu eruditionis gratia, 57. Dans les Scholia graeca in Aeschinem II, 10, § 27, Dilts (récit repris à Timée, 566, F 29, Jacoby ; cf. aussi la Souda, s. v. ἱεϱείας ἐνύπνιον), l’ambiguïté du terme est également bien illustrée : une femme qui rêve des demeures des dieux, remarque près du trône de Zeus un homme enchaîné qui est « l’ἀλάστωϱ de la Sicile et de l’Italie » et qui détruira ces pays, s’il réussit à s’enfuir. Plus tard, cette femme identifie Denys le tyran à l’ἀλάστωϱ dont elle a rêvé.
41 Cf. supra, n. 5.
42 Cornutus, Theologiae graecae compendium, p. 10-11, Lang (Zeus punissant les criminels). Etymologicum Gudianum, s. v. ἀλάστωϱ, Etymologicum Magnum, s. v. ἀλάστωϱ et Hérodien, De prosodia catholica, t. I, 3, 1, p. 49, Lentz (Zeus protégeant des maux). Eustathe, ad Iliadem IV, 295, van der Valk (§ 474, l, 22-23, vol. I, p. 750, l, 2-3. Zeus qui n’oublie rien). Selon Eustathe (ibid. et IX, 454, van der Valk [§ 763, l, 2-3, vol. II, p. 759, l, 5-6] ; idem, ad Odysseam, Leipzig, 1825, I, 253 [§ 1415, l, 13, vol. I, p. 55, l, 39] ; supra, n. 12), Zeus ̓Αλάστωϱ, le démon ἀλάστωϱ et le φθόνος (qui désigne aussi bien l’envie que le mauvais œil) auraient été inventés en référence aux Érinyes « qui n’oublient pas » (ἄλαστοι). Eustathe semble associer le terme à la notion du mauvais œil (étroitement liée à l’envie) et appuyer ainsi l’hypothèse étymologique de Prévot (cf. supra, n. 6), mais son témoignage est, bien sûr, tardif.
43 Farnell 1977, vol. I, p. 67. Pour Ixion, cf. Diodore de Sicile IV, 69, 4 ; Pindare, Pythiques II, 31-33. Pour Phérécyde, cf. supra, n. 5. Cook 1925, p. 1098. Marinatos 1950-1951, p. 183.
44 Rolley 1965, p. 455. Cinq inscriptions de Paros des VIe et Ve s. mentionnent Zeus ̓Ελάστεϱος, (cf. Kontoleon 1948-1949, p. 1-5, et Matthaios 1992-1998, p. 423-430). L’une d’elles (IG XII suppl. 208) mentionne Διὸς [̓Ελα/στέϱο Π/ατϱώιο, alors qu’une autre est inscrite sur l’autel des descendants de Mandrothémis (IG XII 5 1027 ; LSCG 62 ; Kontoleon). Pour Kontoleon 1948-1949, p. 4 (cf. supra, n. 5), à l’origine de la fondation du culte de Zeus ̓Ελάστεϱος se trouverait l’apparition d’une étoile filante considérée comme un signe de Zeus par les descendants de Mandrothémis, ou encore la chute, réelle ou imaginaire d’une météorite dans leur propriété. Pour les inscriptions thasiennes, sur les autels des patrai des Phastades et des Péléides consacrés à Zeus ̓Αλάστοϱος Πατϱῷος, cf. Rolley 1965, p. 441-442, n° 1, et p. 445-446, n° 4.
45 Rolley 1965, p. 455-456.
46 Cf. supra, n. 44. « Zeus Vengeur Ancestral » est le sens adopté par Duchêne 1992, n° 27, p. 126-127, pour celui de l’autel thasien des Phastades. Sur la signification de πατϱῷος, cf. Rolley 1965, p. 458-459, qui distingue πατϱῷος, « ancestral », de φϱάτϱιος qui désigne le rôle précis, institutionnel du dieu protecteur de la phratrie en tant que telle, garant de l’inscription de ses nouveaux membres sur les listes. En revanche, dans les sources littéraires, πατϱῷος désignerait ce qui appartient au père personnel : cf. Benveniste 1969, p. 272-274.
47 Sokolowski, LSCG 62 (cf. supra, n. 44). Salviat 1958, p. 220, n. 3. van Effentere 1961, p. 549, n. 1. Ellinger 2005, p. 119.
48 Selon JJK 1993, p. 119, ce serait le rôle du Zeus ̔Ιϰέσιος de Cos.
49 Parker 2008, p. 207 (pour Zeus ̔Ιϰέσιος, cf. également idem 1983, p. 181-182). En tout cas, le terme commun ἐλάστεϱος/ἀλάστοϱος établit un lien entre Sélinonte, les Cyclades et l’Égée septentrionale : cela suggère que soit des gens des Cyclades ont rejoint les colons originaux (des Mégariens de Megara Hyblaia ont fondé Sélinonte), soit que les Mégariens faisaient partie d’une koinê religieuse de l’Égée centrale et occidentale (cf. JJK 1993, p. 111, Cordano 1996, p. 140-141, et Antonetti et De Vido 2006, p. 433).
50 Point de vue que Parker 2008, p. 207, n. 33, semble exclure tout en admettant que le sien pose des difficultés : il implique que Zeus ̓Ελάστεϱος était vénéré uniquement par des groupes qui auraient le pouvoir d’admettre des étrangers ayant besoin de purification. Il faudrait donc admettre d’emblée que les descendants de Mandrothémis de l’inscription parienne constituaient une phratrie et, d’autre part, ce point de vue n’explique pas la dédicace individuelle d’un autel à Zeus ̓Ελάστεϱος sur une autre inscription parienne (cf. Matthaios 1992-1998, p. 424-426 ; SEG 48, 1136).
51 Cf. Ellinger 2005, p. 138-139.
52 Restitution proposée par JJK 1993, p. 12, 40, acceptée par Dubois 1995b, p. 138 ; Clinton 1996, p. 176 ; Lupu 2005, p. 361. La proposition de restituer αὐτοϱέϰτας se base sur sa mention à la l. 9 du document. Burkert 2000, p. 209, propose de restituer αι [ϰ᾿ ἄνθϱοπος ἀνθϱόπο ἐλάστεϱον ἀποϰαθαίϱεσθαι, ce qu’il traduit par « if a man wishes to get purified against the ghost of a man ». Maffi 1997, p. 210-213, doute de la lecture ἄνθϱοπος et propose de lire plutôt αι [τίς ϰα λει ou αἴ [ϰα hο αὐτοϱέϰτας.
53 JJK 1993, p. 80-81.
54 Cf. par ex. Stukey 1937 ; Dobias-Lalou 1997 ; SEG 9, 72 ; LSS 115. Selon Clinton 1996, p. 176, la ressemblance entre les deux lois est seulement superficielle. JJK 1993, p. 80-81, 199-120, ont établi le parallèle entre l’ἐλάστεϱος de Sélinonte et l’ἱϰέσιος ἐπαϰτός de Cyrène, tout comme Cordano 1997, p. 427, qui considère ces esprits comme protecteurs de l’intégrité de la famille qu’ils purifient des crimes de sang survenus en son sein. Contra : Dobias-Lalou 1997, p. 268, et Clinton 1996, p. 179, qui préfère établir un parallèle entre les ἐλάστεϱοι et les Érinyes, suivi par Lupu 2005, p. 383 (cf. déjà Rohde 1901, p. 235, n. 2). À notre avis, ces parallèles ne rendent pas compte des particularités de l’ἐλάστεϱος/ἀλάστωϱ, à savoir l’aspect « humain » du terme désignant le criminel, et l’aspect héréditaire de l’entité vengeresse. Contrairement aux ἐλάστεϱοι/ἀλάστοϱες, les Érinyes sont des entités surnaturelles bien identifiées par les sources, avec une généalogie, des noms, un aspect précis, une demeure ; les ἐλάστεϱοι/ἀλάστοϱες, eux, sont des entités indéterminées, imprécises et impersonnelles, uniquement liées aux crimes ; seule leur fonction est précise, ce sont des entités fonctionnelles, des manifestations de la justice divine et c’est probablement là qu’il faut chercher leur lien avec Zeus ̓Αλάστοϱος ou ̓Ελάστεϱος.
55 Dubois 1995b, p. 140-141, suppose à Sélinonte aussi une représentation de l’ἐλάστεϱος, un objet-substitut auquel on offre l’hospitalité. Contra : Maffi 1997, p. 211.
56 Cf. Paoletti 2004, p. 35.
57 Suivant le texte tel que donné par Lupu 2005, p. 361, qui sera désormais suivi.
58 Dubois 1997, p. 339, préfère considérer hόπο comme l’équivalent de l’attique ὁπόθεν, « quel que soit l’endroit d’où ».
59 JJK 1993, p. 40-41, et Lupu 2005, p. 363-364 (proclamation d’intention de purification où et quand on veut). Dubois 1995b, p. 140 (proclamation du temps et du lieu de la purification).
60 Dubois 1995b, p. 144, traduit « vers qui » mais dans un article plus récent il préfère « vers quelle direction » : cf. idem 1997, p. 335. Il émet l’hypothèse (idem 2003, p. 117, n. 25) que cette « direction » pourrait désigner la localisation géographique du clan auquel appartenait l’ἐλάστεϱος.
61 Maffi 1997, p. 212-213, objecte que si le but est de trouver un purificateur, il n’est pas logique de préciser le temps et l’espace de la purification ; ce choix reviendrait plutôt au purificateur. Il pense aussi que l’attribution de toute la procédure purificatoire à la seule décision de l’intéressé est difficilement acceptable.
62 Cf. Giuliani 1998, p. 86, et infra, n. 99. Pour JJK 1993, p. 40-41, la liberté de choix de temps, lieu et direction pour la proclamation signifie qu’elle était adressée à un auditeur surnaturel (contra : Maffi 1997, p. 213, qui considère que cette proclamation concerne toute la communauté de Sélinonte qui risque d’être contaminée par le retour d’un meurtrier qui violerait les normes juridiques et religieuses en vigueur). À notre avis, cette liberté implique justement que l’annonce peut être adressée à n’importe qui, auditeurs surnaturels compris. On pourrait aussi imaginer que l’intéressé pourrait vouloir éviter d’annoncer à toute la cité qu’il souffre d’un ἐλάστεϱος pour ne pas éveiller la crainte chez ses concitoyens ; dans ce cas, cette liberté serait une précaution de la cité pour que la purification ait effectivement lieu et ne soit pas empêchée par peur de sa publication.
63 C’est la restitution acceptée par Clinton 1996, p. 176 et Lupu 2005, p. 361 (Burkert 1999, p. 30 et 2000, p. 211, considère également qu’il y a un hôte purificateur, tout comme Chaniotis 1996, p. 235, Jordan 1996, p. 328, Maffi 1997, p. 210, Curti et van Bremen 1999, p. 33 et Dubois 2003, p. 119). En revanche, JJK 1993, p. 41, n’acceptent pas le changement de sujet ; ils restituent τȏι αὐτȏι à la fin de la ligne 4 et considèrent que c’est la personne impure qui accueille son esprit vengeur (en raison notamment du parallèle établi avec la loi de Cyrène), bien qu’ils signalent l’alternative (ibid., p. 56, n. 2) ; ils sont suivis par Dubois 1995a, p. 560, et 1995b, p. 140-141 ; Arena 1997, p. 431 ; Johnston 1999, p. 48. Lupu 2005, p. 381, n. 98, pense que le changement de sujet devient moins particulier si l’on considère les changements du pluriel au singulier et inversement ainsi que le manque de sujets pour les verbes de la col. A du document (même opinion chez Jordan 1996, p. 328). Enfin, Dimartino 2003, p. 324, n. 72, considère qu’il n’y pas assez de place que pour restituer τȏι αὐ[τοϱέϰται], et préfère l’hypothèse des éditeurs.
64 Pour un parallèle avec la loi de Lindos (SEG 39, 729) où un δεϰόμενος accueille des suppliants, cf. Lupu 2005, p. 381. Pour les rites d’hospitalité, cf. Lupu 2005, p. 383, n. 110 ; Burkert 2000, p. 211. JJK 1993, p. 42 et 74-76, considèrent que si l’on accepte cette solution la personne à purifier serait un étranger (même opinion chez Giuliani 1998, p. 69, 86). Pourtant ces rites font partie de la purification elle-même, puisqu’elle a été annoncée auparavant ; bien que dans le mythe, la personne purifiée soit en général un étranger, exilé de son pays, il n’est pas certain que quelqu’un qui souffrirait par exemple d’un ἀλάστωϱ héréditaire s’exilerait pour chercher la purification. Il nous semble plus prudent de considérer ces rites comme partie intégrante de la purification, qu’elle soit réalisée au profit d’un étranger ou d’un concitoyen de retour d’exil ou non. Pour l’eau en tant que moyen purificatoire, y compris en cas de meurtre, cf. Ginouvès 1962, p. 319-325 ; FGrHist, 356 F 1, Jacoby (= Athénée IX, 410b).
65 Cf. Maffi 1997, p. 210-213, selon qui le purificateur serait un représentant du groupe familial de la victime qui accueille le meurtrier à son retour d’exil, lui pardonne et fait la proclamation en indiquant à la communauté de Sélinonte le moment et le lieu de la purification. Même opinion chez Dubois 2003, p. 119-121, qui s’appuie sur Platon, Lois IX, 865d, selon qui le plus proche parent de la victime est celui qui peut pardonner au meurtrier involontaire et faire la paix avec lui, une fois que ce dernier a subi un exil d’un an. Selon Dimartino 2003, p. 345, il s’agirait d’un meurtrier involontaire, car son action résulterait de l’effet produit sur lui par l’ἐλάστεϱος/ἀλάστωϱ.
66 Pour le porcelet en tant que victime purificatoire, cf. par ex. Eschyle, Euménides 282-283 ; Sokolowski, LSS 7, 7-8 ; LSCG 156 A 14 ; Parker 1983, p. 371-373 ; JJK 1993, p. 42-43. JJK 1993, p. 81, 103, 118-120, considèrent que ce sacrifice pourrait être adressé au Zeus Εὐμενής ou Μειλίχιος mentionnés à la colonne A du document, en établissant un parallèle entre Zeus Μειλίχιος, spécialement concerné par le meurtre commis contre ou par un membre de la famille et Zeus ̓Ελάστεϱος ; Zeus Μειλίχιος protégerait le groupe familial des ἐλάστεϱοι hostiles ou en enverrait contre toute personne qui ferait violence au groupe (pour un parallèle entre Zeus ̓Αλάστοϱος, ̔Ιϰέσιος et Μειλίχιος, cf. Moulinier 1952, p. 308).
67 C’est un sacrifice purificatoire selon Burkert 2000, p. 211, Dimartino 2003, p. 325, et Clinton 1996, p. 176 ; ce dernier change d’avis dans un article plus récent (idem 2005, p. 174-176), en soulignant que le verbe θύειν, utilisé dans la loi à propos du sacrifice du porcelet, n’est jamais utilisé à propos des victimes purificatoires dans les documents officiels et les lois sacrées ; il remarque également que ce porcelet est offert à Zeus, or les sacrifices purificatoires n’avaient normalement pas de destinataire divin. JJK 1993, p. 43, considèrent également, en l’absence d’autres indications, qu’il ne s’agit pas d’un sacrifice purificatoire, et selon Lupu 2005, p. 384, si c’en était un, la loi aurait été plus explicite ; il considère que ce sacrifice marque l’accomplissement de la purification, en indiquant que l’αὐτοϱέϰτας revient maintenant à une activité normale en tant que personne pure.
68 C’est l’interprétation de Lupu 2005, p. 384, qui suit Clinton 1996, p. 176 : le sacrifice aurait lieu à la maison du purificateur ou, du moins, à un lieu choisi par lui. JJK 1993, p. 42-43, pensent que l’αὐτοϱέϰτας s’éloigne du sanctuaire où se trouve l’autel public mentionné à la l. 10 (même opinion chez Scullion 1998, p. 119), alors que Dubois 2003, p. 119, pense que c’est le purificateur qui s’éloigne de la personne purifiée ou du sanctuaire (contrairement à ce qu’il pensait auparavant, cf. idem 1995b, p. 141, à savoir que le coupable se sépare de la représentation de son ἐλάστεϱος utilisée dans le rituel ; cf. supra, n. 55). En revanche, Burkert 1999, p. 30-31 et 2000, p. 211, ne voit pas de geste d’éloignement ; il traduit le ἐξ αὐτõ ἴτο comme « de lui-même », et comprend que l’αὐτοϱέϰτας fournit lui-même le porcelet pour sa purification.
69 Sur le rôle des positions et des mouvements circulaires dans la purification, cf. Parker 1983, p. 225-226 ; Paoletti 2004, p. 29-30. Selon Dubois 1995b, p. 141, cette marche circulaire aurait lieu soit autour de la supposée représentation de l’ἐλάστεϱος soit autour de la cité selon un itinéraire convenu, position qu’il a revue (cf. infra, n. 70). Selon JJK 1993, p. 43, cela pourrait signifier que la personne tourne autour et ne se retourne pas, opinion adoptée par Johnston 1999, p. 47. Selon Burkert 1999, p. 30 et 2000, p. 210, après avoir sacrifié le porcelet, l’αὐτοϱέϰτας va pouvoir « regarder autour (de lui), se retourner » (il se réfère à une loi pythagoricienne qui prescrit de ne pas regarder autour de soi lorsqu’on voyage à l’étranger, car les Érinyes suivent : Jamblique, Protreptique, 115, 1). Cela pourrait aussi se référer à l’attitude prostrée du suppliant impur, dont le visage est couvert d’un voile ou qui regarde le sol et pas autour de lui : cf. par ex. Apollonios de Rhodes, Argonautiques IV, 697-698 ; Parker 1983, p. 371 ; Steiner 1995, p. 204-205 (sur l’attitude du suppliant en général, cf. Gould 1973, p. 94-101).
70 C’est la solution adoptée par Dubois 2003, p. 119, qui considère qu’après avoir accueilli le coupable, le purificateur offre le sacrifice du porcelet à Zeus et quitte ensuite le meurtrier ou le sanctuaire en une procession circulaire. Giuliani 1998, p. 70, rejette cette hypothèse à cause du changement de sujet entre les lignes 5 et 6.
71 Plutarque, Thésée 12, 1.
72 « Phénomène banal dans les lois archaïques » selon Dubois 2003, p. 121.
73 Il peut probablement prendre de la nourriture à la même table que d’autres personnes. En effet, selon Antiphon, Tétralogie I a 10, la personne qui mange avec un homme impur risque d’être contaminée par sa souillure ; autres ex. chez Euripide, Iphigénie en Tauride 949 ; Phanodème, 325 F 11, Jacoby ; Souda, s. v. χόες (à propos d’Oreste) ; Platon, Lois IX, 868d (à propos du meurtrier d’une personne de la famille, époux, épouse, frère ou sœur).
74 Y compris dans la maison de quelqu’un. Les croyances selon lesquelles il ne faut pas se trouver sous le même toit qu’un criminel et qu’il faut éviter tout contact avec lui sont assez fréquemment attestées : cf. par ex. Antiphon, Du meurtre d’Hérode V, 11 ; Démosthène, Contre Androtion (XXII) 2 ; Eschyle, Euménides, 285. Selon MacDowell 1963, p. 145-146, il ne s’agirait pas d’éviter la souillure, mais d’éviter de partager le même toit que son ennemi, eu égard au fait que « partager le même toit » était un symbole d’amitié. Même la femme en couches souille le « toit », c’est-à-dire la maison et tous ceux qui y habitent (cf. LSS, 115 A, 15, p. 187 et 191). Selon Giuliani 1998, p. 87-88, cette prescription assurerait l’intéressé, qu’une fois purifié, il serait à l’abri des attaques surnaturelles nocturnes. Cela nous semble improbable puisque la loi permet à l’individu de choisir l’endroit où il veut dormir, ce qui implique que certains endroits lui étaient interdits avant sa purification.
75 Pour le silence du meurtrier avant sa purification, cf. par ex. Eschyle, Euménides, 448 ; Euripide, Iphigénie en Tauride, 950-951 ; Parker 1983, p. 371 ; Dimartino 2003, p. 326-327. Burkert 2000, p. 210, remarque que l’obligation du silence contraste avec la proclamation requise au début de la cérémonie, quand la personne impure doit proclamer son intention de purification, et il propose deux solutions pour résoudre la difficulté ; soit le verbe πϱοειπεῖν n’a pas le sens de dialogue (la personne impure n’échange pas de paroles avec d’autres gens), soit la période pendant laquelle la personne impure n’est pas autorisée à parler commence justement à partir de la proclamation de son état d’impureté.
76 Euripide, Iphigénie en Tauride 958-960 ; Plutarque, Propos de table I, 613 B et 643 A-B.
77 JJK 1993, p. 44, signalent qu’on peut aussi traduire « si on souhaite qu’un ἐλάστεϱος… soit purifié », au lieu de « si on souhaite être purifié d’un ἐλάστεϱος ». Mais ils signalent aussi (ibid., p. 56, n. 2) qu’on pourrait comprendre ces adjectifs comme se référant à des personnes à purifier, hypothèse qu’ils ne retiennent finalement pas, ce qui est salué par Clinton 1996, p. 177, n. 74, car le but, dit-il, n’est pas de purifier l’ἐλάστεϱος mais la personne qu’il persécute (cf. également Giuliani 1998, p. 79, n. 5). Burkert 2000, p. 208, change la ponctuation (il met un point à la l. 9 après αὐτοϱέϰτας) et rend par « si quelqu’un souhaite être purifié..., qu’il soit purifié de la même manière que le meurtrier. Lorsqu’il a été purifié du fantôme, qu’il sacrifie... » (cf. également Giuliani 1998, p. 75) ; contra : Dimartino 2003, p. 328, n. 92.
78 Cf. Jordan 1996, p. 328, selon qui il s’agirait d’un homme étranger ou de la famille, vu ou entendu pendant qu’il commet le crime. Dobias-Lalou 1997, p. 267, traduit les l. 7-9 : « si l’on veut purifier un homme avec qui on est lié par l’hospitalité ou la famille, ou dont on connaît le cas par ouï-dire ou pour en avoir été témoin, ou quelque autre individu, qu’on le purifie de la même manière que celui qui agit pour lui-même lorsqu’il se débarrasse de la souillure d’un ἐλάστεϱος » (suivie par Antonetti et De Vido 2006, p. 430, n. 87).
79 Le terme αὐτοϱέϰτας (provenant de l’αὐτο- et ῥέζω) est un hapax, mais il existe l’adjectif αὐτόϱϱεϰτος chez Oppien, Halieutika I, 763, où le terme désigne la génération spontanée des coquillages qui « se reproduisent par eux-mêmes », tandis qu’on atteste aussi le sens de « celui qui se tue » (I. Bekker, Anecdota graeca, Berlin, 1814, I, 467, l. 24, s. v. αὐτόϱιζον · αὐτόϱεϰτον, οἷον τὸν ἑαυτὸν ἀποϰτείναντα) ; cf. également αὐτοϱέγμων chez Eschyle, F 117, Radt, avec le sens « que l’on accomplit soi-même ».
80 Meurtrier : JJK 1993, p. 40, 44-45, 54-55, 57-58 ; Clinton 1996, p. 178 ; Maffi 1997, p. 212-213 ; Detienne 1998, p. 230-231 ; Burkert 1999, p. 29 et 2000, p. 209, souligne que l’αὐτο- d’αὐτοϱέϰτας signifie meurtrier « de lui-même » et non par quelqu’un d’autre ; Brugnone 2003, p. 17 ; Dimartino 2003, p. 345 ; Dubois 2003, p. 119-120 ; Ellinger 2005, p. 132 ; Lupu 2005, p. 382. Coupable : Schwabl 1996, p. 285 ; Dubois 1995b, p. 139 (mais idem 1997, p. 345-346 : à l’origine, le sens du terme serait « auteur volontaire d’un acte », ayant pris dans le vocabulaire juridique le sens de « meurtrier ») ; selon Dobias-Lalou 1997, p. 266, l’αὐτοϱέϰτας est celui « qui agit de lui-même » ; Giuliani 1998, p. 76-78, 86, pense que l’αὐτοϱέϰτας a commis une violation des lois religieuses. North 1996, p. 299, pense que s’il y a meurtrier il ne vient que comme parallèle à la l. 9 en rapport avec la procédure de purification à adopter (p. 296-297). Aussi bien ceux qui traduisent par « meurtrier » que ceux qui traduisent par « coupable » fondent leur opinion sur le sens d’adjectifs similaires comme αὐτουϱγός, αὐθέντης et αὐτοφόνος considérés dans des sources différentes (pour le sens de « meurtrier », cf. aussi Gernet 1955, p. 48).
81 Cf. supra, n. 11, 12, 27. Sur le sacrilège et ses conséquences en général en Grèce ancienne, cf. Parker 1983, p. 144-190.
82 Dimartino 2003, p. 333-334, 343-347, pense que le meurtrier purifié dans la col. B, participe ensuite aux rites de sa phratrie dans la col. A ; la phratrie y serait purifiée du meurtre commis par l’un de ses membres. La totalité de l’inscription traiterait donc de la purification d’un meurtrier et de son groupe d’appartenance. L’auteur considère qu’il s’agit d’une loi sacrée complémentaire aux lois civiles ; le meurtrier involontaire revenu d’exil doit accomplir certains rituels de purification décrits dans les lois sacrées et obtenir le pardon des parents de sa victime ; la loi de Sélinonte serait l’une de ces lois, et c’est pour la même raison que Dimartino suppose que le purificateur du meurtrier est le plus proche parent de la victime. Bien que l’hypothèse de Dimartino est intéressante et présente l’avantage de proposer une vue globale de l’inscription, elle repose sur trop d’hypothèses pour qu’elle puisse être admise sans réserves. Il faudrait plutôt admettre avec Clinton et Georgoudi (cf. supra, n. 3) que la col. A ne traite pas de purification mais de rites précis à accomplir en l’honneur de plusieurs entités. De plus, pour accepter l’hypothèse de Dimartino, il faudrait admettre toute une série de points sujets à caution : qu’αὐτοϱέϰτας signifie nécessairement « meurtrier » (cf. supra, n. 80), que ce meurtrier est involontaire (cf. supra, n. 14), que le sacrifice du porcelet est un sacrifice purificatoire (cf. supra, n. 67), que l’αὐτοϱέϰτας revient nécessairement d’exil (cf. supra, n. 64), et que le meurtrier est accueilli par le plus proche parent de la victime (cf. supra, n. 65).
83 Étranger : JJK 1993, p. 54-55 ; Dubois 1995b, p. 141-142 ; idem 2003, p. 121. Hôte : Clinton 1996, p. 178. Burkert 2000, p. 209, 213, considère que cet ἐλάστεϱος ξενιϰός est envoyé par magie (même opinion chez Giuliani 1998, p. 80-81), mais aucune source n’atteste l’utilisation de la magie pour attacher un ἀλάστωϱ/ἐλάστεϱος à quelqu’un.
84 Assassinat au sein de la famille : Clinton 1996, p. 178 ; Dubois 1995b, p. 141-142 ; idem 2003, p. 121. JJK 1993, p. 44, bien qu’ils traduisent par « ancestral », ils font référence à l’assassinat d’un parent. Burkert 2000, p. 209, considère qu’il s’agit d’un ἐλάστεϱος ancestral et fait référence aux esprits héréditaires.
85 Clinton 1996, p. 177-179. North 1996, p. 296, souligne le côté particulier de ce point de vue : le meurtrier poursuivi par des esprits doit, pour se purifier, accomplir telle action ; la personne qui est poursuivie par des esprits autres que ceux spécialisés dans la poursuite des meurtriers, doit pour se purifier, accomplir la même action ; c’est pourquoi il pense qu’il ne s’agit pas de purification de meurtre. Giuliani 1998, p. 75, pense que la totalité de la procédure se réfère uniquement à la purification de l’αὐτοϱέϰτας, alors que ceux qui sont concernés par les autres types d’ἐλάστεϱοι n’accomplissent que le sacrifice du porcelet. Graham 1995, p. 366, suppose que les deux sacrifices sont purificatoires, et n’attribue que le deuxième à la purification du meurtrier. Enfin Dimartino 2003, p. 329, attribue la totalité de la procédure au meurtrier, et uniquement le deuxième sacrifice aux personnes purifiées d’autres types d’ἐλάστεϱοι.
86 JJK 1993, p. 45 ; Dubois 1995b, p. 144 ; North 1996, p. 297 ; Burkert 2000, p. 208. En effet, nous pensons qu’il n’est pas ici question de la gravité de l’acte accompli par ceux poursuivis par les ἐλάστεϱοι, mais plutôt de l’acharnement que met l’ἐλάστεϱος à les poursuivre ; la tradition littéraire nous a fait voir que l’on souffre aussi gravement d’un ἀλάστωϱ héréditaire ou contracté par contact que de celui que l’on a provoqué soi-même ; il s’agit donc de la manière de se débarrasser de l’ἐλάστεϱος et de la difficulté de ce faire, c’est pourquoi, il faut, dans tous les cas, accomplir les mêmes rites de purification. Le sacrifice final à l’ἐλάστεϱος, lorsque il y a besoin de ce faire (lorsque la procédure de purification n’a pas suffi, cf. infra, n. 97), vient à l’appui de cette hypothèse.
87 Dubois 1995b, p. 142, a pensé que ces adjectifs désignent l’ἐλάστεϱος vengeur d’un individu qui a subi une offense dont on a entendu parler ou dont on a été témoin. Toutefois, il a revu son opinion (idem 2003, p. 122) et associe ces termes à des « hallucinations auditives ou visuelles » provoquées par les ἐλάστεϱοι. Giuliani 1998, p. 80-81, signale que les quatre adjectifs sont placés sur le même registre. Ils ne font pas référence à la nature de l’acte accompli, mais à l’origine de l’impureté contractée.
88 En raison de l’absence de précisions supplémentaires, « victime adulte » est la traduction d’hιαϱεῖον τέλεον qui nous semble la plus adéquate (cf. Hésychius, s. v. ἱεϱεῖον · πᾶν τὸ θυόμενον θεῷ, et la Souda, s. v. ἱεϱεῖον), alors que les éditeurs (JJK 1993, p. 65), se basant sur la glose de l’Etymologicum Magnum, s. v. ἱεϱεῖον · τὸ πϱόβατον, et sur Sokolowski, LSCG, 88, 13-14 (ἱεϱείου ϰαὶ αἰγός), préfèrent y voir un mouton.
89 Pour Giuliani 1998, p. 76-78, 82-84, qui évoque le parallèle de la loi de Cyrène, LSS, 115 A, 33-42, l’αὐτοϱέϰτας a commis une violation des normes religieuses, c’est pourquoi il doit être d’abord purifié par le moyen d’un sacrifice purificatoire et puis offrir une victime adulte en tant que sacrifice de réparation, sa pénalité pour avoir enfreint les normes. Il en va de même pour le meurtrier involontaire à Athènes qui, une fois pardonné par les proches du mort et rentré au pays, doit, selon la loi, être purifié et sacrifier (cf. Démosthène, Contre Aristocrate [XXIII] 72).
90 Ce sacrifice serait adressé, comme le sacrifice du porcelet, à Zeus (JJK 1993, p. 45 et 65), Zeus Μειλίχιος (Giuliani 1998, p. 85) ou ̓Ελάστεϱος (Clinton 1996, p. 179). Lupu 2005, p. 386, n. 129, signale qu’un meurtrier est écarté de l’autel public avant d’être purifié (Eschyle, Choéphores 291 ; Euripide, Iphigénie en Tauride, 381-383), mais il nous semble que c’est le cas de toute personne impure, comme ceux qui ont été en contact avec une réalité impure sans pour autant avoir commis un crime (cf. par ex. Euripide, Iphigénie en Tauride, 381-383 ; Sokolowski, LSS, 91).
91 Dubois 1995b, p. 142, et 2003, p. 123, préfère la deuxième solution ; après le sacrifice sur l’autel public, l’individu qui se purifie délimite sur le sol la surface sur laquelle il fera des aspersions d’eau de mer à partir d’un vase en or.
92 JJK 1993, p. 45. Sur le pouvoir purificateur du sel et de l’eau de mer, cf. par ex. Euripide, Iphigénie en Tauride 1193 ; LSCG, 97 A, 14-16 ; JJK 1993, p. 45 ; Parker 1983, p. 227 ; Paoletti 2004, p. 20. Pour la purification au moyen d’un récipient en or, cf. Jamblique, De vita pythagorica 153 ; LSCG, 154 A, 29, B 2, 15, 26, et 156 A, 15 ; Parker 1983, p. 228, n. 118 ; Burkert 2000, p. 212 et 216, n. 30 ; Paoletti 2004, p. 22-23.
93 Un sacrifice mixte à éléments « olympiens » (comme aux immortels) et « chthoniens » (en direction de la terre, élément traditionnel du sacrifice chthonien) selon Scullion 2000, p. 169 (cf. également Scullion 1994, p. 97-98, n. 60, et Henrichs 2005 p. 56). Selon Giuliani 1998, p. 85-86, une grande quantité de défixions ont été trouvées à Sélinonte et précisément sur la colline de Gaggera (d’où viendrait notre texte : cf. Curti et van Bremen 1999, p. 24), comprenant le sanctuaire de la Malophoros, les temenê de Zeus Meilichios et d’Hécate, et le Campo di Stele ; il s’agirait d’un contexte de cultes chthoniens et de forte diffusion de pratiques magiques, dans lequel proliféreraient les occasions d’infractions aux cultes ; ces infractions seraient à l’origine de la loi qui met à la disposition des individus une procédure efficace de purification. Cependant, outre de l’interprétation « chthonienne » sujette à caution (cf. Georgoudi 2001, p. 159), aucune source n’atteste une quelconque connexion des ἀλάστοϱες avec la magie ; il faut un crime ou une contamination pour les contracter, mais on ne peut les attacher à quelqu’un que si on l’oblige à commettre une injustice ou si l’on se suicide chez lui (cf. supra, n. 31 et 30), et encore ce sont des sources tardives qui attestent ces possibilités, chronologiquement éloignées de l’inscription qui nous intéresse.
94 Cf. supra, n. 33.
95 Dubois 1995b, p. 142, et idem 2003, p. 123. Pour ce sacrifice, cf. également Schwabl 1996, p. 286, Burkert 2000, p. 211-212, Dimartino 2003, p. 329, n. 97, et Henrichs 2005, p. 56 (sacrifice à l’entité surnaturelle).
96 Lupu 2005, p. 387.
97 North 1996, p. 294, 300, suggère qu’en réalité, à la fin du texte, l’entité vengeresse ἐλάστεϱος du départ s’est transformée en figure divine ou, du moins, en destinataire de culte. Ellinger 2005, p. 133, pense que ce sacrifice est destiné à éviter une rechute de l’ἐλάστεϱος ; le rituel qui précède aurait été destiné à transformer l’esprit tout comme il aurait transformé le meurtrier, à apprivoiser donc l’esprit et à en faire un objet de culte, sans l’éradiquer et sans en faire un pouvoir favorable. Dans le même sens, cf. aussi Burkert 2000, p. 211-212.
98 Cf. supra, n. 29 (Antéros) et 32 (Apollon).
99 Marinatos 1950-1951, p. 183 ; Matthaios 1992-1998, p. 430. Selon Moulinier 1952, p. 262-263, Mikalson 1983, p. 51-52, et Parker 1983, p. 126-128, les esprits vengeurs étaient considérés comme des figures de la superstition dans l’Athènes classique. JJK 1993, p. 40, 44-45, 57-58, 118-120, supposent que dans des cités provinciales et plus isolées, comme Sélinonte, il pourrait exister une reconnaissance publique d’une croyance qui à Athènes ferait figure de superstition, et qu’on en aurait un exemple avec l’inscription de Sélinonte ; cette loi aurait été promulguée à l’occasion d’une stasis dans la cité, quand les meurtres et les sacrilèges étaient plus courants (contra : Maffi 1997, p. 210). Pour North 1996, p. 299, elle aurait été promulguée plutôt pour faire face à une épidémie ou à une période d’infertilité. Pour Giuliani 1998, p. 71, Maffi 1997, p. 210, et Georgoudi 2001, p. 157-158, il s’agit bien d’une loi de la cité qui prend position dans le domaine de la purification en définissant le rituel à suivre, tandis que pour Dimartino (cf. supra, n. 82), il s’agirait d’une loi sacrée complémentaire aux lois civiles.
100 Nous avons beaucoup parler de « vengeance » à leur propos car il s’agit de rétribution, de paiement en retour du crime, mais il faut souligner que les ἐλάστεϱοι/ἀλάστοϱες représentent surtout une sanction pénale surnaturelle. À propos de la différence entre ces entités surnaturelles et les dieux dans leur traitement du crime, cf. Ellinger 2005, p. 138.
101 Parker 2008, p. 206.
102 Comme Zeus ̔Ιϰέσιος à Cos : cf. Parker 2008, p. 207.
Auteur
Docteur en histoire ancienne (EPHE)
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