Gymnase et nudité à Rome
p. 253-270
Résumé
Le « gymnase » des Romains, équipement thermal voué aux loisirs, n’est pas une copie, mais une réinterprétation complète du gymnasion hellénique. La nudité gymnique disqualifie l’éphébie aux yeux des Romains, parce qu’elle impose l’évidence du désir érotique et le risque de l’attentat sexuel au corps du citoyen (stuprum), tout en contrevenant à la norme romaine de pudeur (uerecundia). La propagation des équipements et de la pratique de la nudité balnéaires reflète la diffusion de pratiques de distinction, confort et loisirs privés, qui sont caractéristiques de l’urbanitas. C’est pourquoi, bien que ses formes soient spécifiquement romaines, la nudité balnéaire continue d’être désignée comme un usage grec, forme à la fois supérieure et corrompue de civilisation, qui ne saurait trouver de place légitime au sein de la culture romaine que dans le cadre de l’otium.
Texte intégral
1Dans l’histoire de son usage latin, le mot « gymnase » a glissé très tôt de son sens grec à la désignation d’un complexe thermal1. Concurremment, le gymnasium resta le nom de l’une des salles d’un établissement balnéaire, située entre la pièce de la distribution d’huile (l’elaeothaesium) et la palestre (palaestra)2. L’emprunt du terme aux Grecs, dans sa valeur générique ou spécifique, s’accompagna d’un détournement sémantique : le gymnase des Romains, sans recouper exactement son référent hellénique, s’imposa comme une réalité matérielle et un espace de vie sociale radicalement différents.
2Le cœur du gymnase hellénistique était en effet resté l’espace de plein air voué aux activités gymniques : la palestre, associée à des pistes, stade et piste couverte. Le type monumental le plus fréquent s’était fixé à partir du ive siècle, à mesure que le gymnase s’intégrait dans l’espace urbain. Dans le monde hellénistique, le gymnase, public, assurait une fonction intégratrice et identitaire : il était le centre de la vie éphébique où les jeunes hommes recevaient leur paideia, instruction athlétique et intellectuelle. Il constituait une pépinière de citoyens accomplis ou, lorsqu’il accueillait des étrangers, une école de formation à l’hellénisme3. Au regard des Romains, il était caractéristique d’une définition grecque de la citoyenneté et, plus largement, de l’hellénisme4.
3Quant au gymnasium proprement romain, son noyau est l’espace destiné aux bains, dont la palaestra désigne, de manière lâche, la cour à ciel ouvert, attenante aux bâtiments couverts5. L’espace consacré aux activités balnéaires se dilate, à mesure que les salles se diversifient et se spécialisent ; inversement, l’espace des entraînements gymniques se schématise. Les thermes d’Agrippa furent les premiers publics ; longtemps privatifs, ils ne devinrent une propriété du peuple romain qu’après la mort du gendre d’Auguste. L’activité thermale et gymnique qu’abritaient les thermes, mêmes publics, continua de relever du domaine de l’otium sans jamais contribuer à la fabrication d’une identité collective officielle ou à la perpétuation d’un modèle civique ; le « gymnase » romain ne sécréta pas d’éphébie romaine sur le modèle hellénistique. Il restait perçu comme un espace grec. Quand Vitruve présente les « palestres » juste après le chapitre qu’il consacre aux bains à la romaine, il garde ses distances avec un usage donné pour étranger :
« Bien que les palestres soient étrangères aux habitudes italiennes, elles y ont été quand même transmises ; je crois bon d’expliquer à présent et de montrer comment elles se construisent chez les Grecs »6.
4Le nom de palestre souligne sans ambiguïté la vocation sportive et agonistique du bâtiment. Vitruve défend sa compétence d’architecte italien : son ars englobe un domaine purement grec. Ce n’est pas par inaptitude qu’il refuse de traiter le sujet : il fait appel au slogan d’une consuetudo italica, fort discutable quant à la réalité archéologique, mais parfaitement conforme à la position attendue d’un Romain de bon aloi. Malgré leur proximité en somme, bains romains et palestres grecques ne participent pas du même principe et n’expriment pas la même société.
5Le gymnase romain n’a aucune dimension agonistique ; la composition spatiale et la fonction sociale du gymnase hellénistique s’y trouvent inversées. Il ne s’agit pas de nier le lien entre les complexes thermaux romains et le gymnase grec, dont le vocabulaire désignant les bains romains suffirait à témoigner (balneum, balneae, thermae). Mais à l’évidence, ce phénomène d’interaction culturelle est énigmatique, d’autant plus que les thermes romains deviennent, dès le premier siècle de l’Empire, une signature caractéristique de l’espace romanisé, tout comme les gymnasia l’étaient de l’hellénisme.
Du gymnasion aux bains romains
6L’énigme de l’« acculturation » du gymnase a, jusqu’ici, principalement suscité des études typologiques en quête de chaînons manquants entre les monuments conservés et fouillés, qui montrent le passage d’un plan bipartite, avec cour/palestre et, sur un côté, les pièces thermales en enfilade, vers les grands complexes impériaux7. Chronologiquement, l’intégration des infrastructures balnéaires au quotidien romain peut être située, d’après un fragment attribué à Caton, dans les dernières décennies du iiie siècle av. J.-C.8. Pour cette première phase, les seuls équipements conservés sont situés en Campanie, région à la fois profondément liée à l’hellénisme de la Grande Grèce et précocement exposée à l’influence romaine.
7L’évolution formelle des établissements de bains et leur multiplication a été rapportée à des facteurs techniques, financiers et sociaux récemment rappelés par Garrett Fagan9. Un facteur en particulier, l’hellénisation démographique – par afflux de populations hellénophones – et culturelle, s’avère inconséquent, parce que le monde romain produit son propre modèle de gymnase comme l’inversion d’un référent grec, non comme un modèle importé tel quel ou décalqué. Cette difficulté importante est généralement contournée, quand archéologues et historiens décomposent l’évolution des gymnases en situant en Grande Grèce, puis en Campanie les mutations aboutissant aux thermes à la romaine10. Le gymnase romain serait issu de modèles déjà altérés ailleurs. Ce schéma explicatif présente un inconvénient majeur, en déplaçant à l’infini le problème et le moment du changement. La médiation des emprunts culturels n’est pas la cause, mais un simple facteur de l’apparition des thermes romains. La question importante, dans le champ de l’histoire et de l’anthropologie, est d’analyser la façon dont les Romains exploitent et dénaturent un référent grec pour produire une nouveauté qui leur est propre, mais ne trouve pas de langage dans les termes de leur propre culture.
La militia leuis de l’éphèbe
8Le point focal du regard distancié que les Romains jettent sur le gymnase est la nudité11. Les Romains ont pleinement conscience que le gymnasion grec est le cadre où les jeunes gens des cités accomplissent la militia qui fait d’eux des citoyens à part entière. Mais ils disqualifient le lieu de formation comme école civique et les apprentis citoyens qui y sont formés comme guerriers. Pour Cicéron, la nudité athlétique introduit dans un moment fondamental de la vie publique un élément qui n’y a que faire, le désir érotique :
« [***lacune] un jeune homme se montrer nu. Si profondément faut-il aller chercher, pour ainsi dire, les fondations de la pudeur. Mais chez la jeunesse, quel entraînement incohérent dans les gymnases ! Quel manque de sérieux dans l’exercice militaire des éphèbes ! Les attouchements, les amours, comme ils sont relâchés et incontrôlés ! Je ne parle pas de l’Élide ni de Thèbes, où la concupiscence a l’autorisation, sans contrôle, de se permettre d’aimer des hommes libres de naissance ; mais les Lacédémoniens eux-mêmes, quand ils laissent tout faire, dans l’amour des jeunes hommes, sauf l’attentat sexuel, ne dressent qu’une mince barrière en rempart autour de l’interdit stipulé, et acceptent qu’on couche ensemble, embrassés, pourvu qu’on ait interposé un manteau12 ».
9Cicéron stigmatise l’intrusion du désir dans le champ d’exercice militaire pour en dénoncer l’aboutissement inévitable : le stuprum, l’atteinte sexuelle à l’intégrité physique constitutive de l’homme libre et du citoyen. Née au gymnase, la camaraderie militaire conduit à des étreintes quasi conjugales : au lieu de construire l’ordre social, le gymnase renverse les valeurs13. L’expert de Platon qu’est Cicéron n’ignore aucun des arguments de la philosophie grecque en faveur des amitiés masculines. La référence grecque sert de repoussoir à une conception romaine du citoyen. Quelles que soient les performances athlétiques qu’il développe en fréquentant la palestre, l’homme grec est incapable de rivaliser avec le Romain dans le domaine militaire, parce que sa formation au gymnase ne fait pas de lui un uir14.
10La disqualification du gymnase comme école du citoyen, chez Cicéron, contamine même l’éducation intellectuelle qui y est dispensée15. Le gymnase, lieu de nudité, ne saurait former des hommes ; l’éloquence épidictique qu’on y enseigne n’est pas, comme celle du forum, une discipline de combat.
Le Romain et les danseurs de charme
11Le récent livre de Florence Dupont et Thierry Eloi a bien établi l’évidence culturelle de l’érotisme masculin à Rome16. Au dossier que cet ouvrage a constitué, ajoutons deux pièces qui soulignent l’évidence et l’immédiateté du désir inspiré aux Romains par les corps nus des jeunes hommes. Le premier est un extrait de la Germanie de Tacite, qui décrit la danse des jeunes guerriers germains :
« Un seul genre de spectacles, le même dans toutes leurs réunions : de jeunes hommes nus, par jeu, se jettent en dansant entre les glaives et les framées dardées. L’exercice a fait naître l’art, l’art la beauté, mais sans recherche de profit ou de récompense ; d’une si intrépide lasciveté cependant, le prix est le plaisir des spectateurs (quamuis audacis lasciuiae pretium est uoluptas spectantium) »17.
12Tacite souligne à plaisir la saine rusticité et la moralité préservée des barbares nordiques. Mais le vocabulaire trahit brusquement le Romain, qui ne retient de la scène que la lasciuia et la uoluptas. Le combat dansé, forme d’exercice militaire bien connue du monde grec, était parfaitement identifiable comme telle par des aristocrates Romains, eux-mêmes amateurs de pyrrhique18. Pourtant, la scène glisse de la description au commentaire : les évolutions des jeunes Germains ne sont qu’un loisir (ludicrum) pour les danseurs et un spectacle pour l’assistance (spectantium). C’est que la seule exhibition de la nudité en mouvement excite le désir et transforme les sujets danseurs en acteurs ; la nudité dynamique rabaisse l’exercice militaire au rang de spectacle, parce qu’elle érotise le corps. Un passage de Cicéron évoque également la puissance érotique de la nudité en mouvement :
« J’en viens à Lysanias, de la même cité, le témoin qui t’appartient en propre, Décianus. Tu l’avais connu éphèbe à Temnos, et tu avais tant de plaisir à le voir nu (nudus) que tu as voulu que nu (nudum) il restât »19.
13Décianus a conçu une passion pour un jeune Grec, qu’il a vu à l’entraînement des éphèbes, affairé à ses exercices gymniques. Il manœuvre alors pour le tenir à sa disposition en captant son patrimoine, d’où le jeu sur l’adjectif nudus, qui, à la fin de la phrase, signifie à la fois « dépouillé de son patrimoine » et « tout nu ». Ce désir impérieux conduit à la transgression des catégories sociales et au désordre : Décianus, dans sa passion, s’approprie un homme libre, le garde à sa merci et le transforme en objet sexuel. La condamnation de la nudité comme uniforme civique au gymnase repose bien sur l’évidence du désir. Ce qui est en jeu dans la condamnation du gymnase, c’est la promotion de la retenue, la uerecundia, traduction comportementale et garantie d’un concept donné par les sources latines pour spécifique de l’identité et de l’ordre social romains, le pudor.
« Verecundia »
14Lorsque Cicéron s’interroge sur l’attrait érotique des jeunes hommes, il en trouve le principe historique dans un usage grec :
« Pourquoi personne n’aime-t-il un jeune homme sans beauté ni un vieillard beau ? À mon avis, cette pratique est née dans les gymnases de Grèce où ces amours-là sont libres et autorisées. Ennius a donc eu raison de dire : “La racine du scandale, c’est de se mettre nu en présence de concitoyens”. En admettant, et je vois que c’est possible, qu’ils soient chastes, ils n’en sont pas moins mal à l’aise et angoissés, et cela d’autant plus que leur contenance et leur maintien ne repose que sur leur seule personne »20.
15Cicéron cite à l’appui Ennius, gage d’authenticité romaine et de vénérable antiquité. La phrase est véritable argument d’autorité : le vers – un septénaire trochaïque – appartenait à un passage de canticum et il constitue à l’évidence une sententia, un énoncé indépendant, intelligible par lui-même, qui ne prenait de valeur contextuelle dans la pièce qu’une fois dansé par l’histrion et, de la sorte, intégré à tel ou tel rôle. Les sententiae étaient traitées par la tradition comme de véritables proverbes21.
16Le terme de flagitium suggère que, sans impliquer nécessairement l’infamie du coupable, la nudité en public suscitait une réaction violente de contrôle social22. C’est pourquoi, chez le Romain de bon aloi, l’exhibition du corps devait s’accompagner d’une attitude de malaise et d’anxiété : la uerecundia. Le contrôle que les jeunes gens nus doivent exercer sur leur personne (continent et coercent) rappelle curieusement un passage de Cicéron sur la toge des tirones23 : l’attitude de pudeur fige les membres, tout comme les vêtements drapés de la vie publique.
17De manière frappante, un grand nombre d’exemples de uerecundia romaine sont présentés en miroir avec la pratique grecque de la nudité, aussi bien chez le Grec Plutarque que chez Cicéron ou Valère-Maxime :
« Voilà quelle était la pudeur (uerecundia) entre époux. Et, entre tous les autres relations, ne se manifeste-t-elle pas à l’unisson ? Ainsi, pour représenter sa puissance sans rien qu’une petite preuve, pendant une certaine période, un père et son fils pubère ou un beau-père et son gendre évitaient de se laver ensemble. Il est donc manifeste qu’il y avait autant de révérence pour le sang et la parenté par alliance que pour les dieux eux-mêmes, puisqu’au milieu de liens aussi saints pas plus que dans quelque lieu consacré il n’était conforme à l’ordre du monde de se mettre nu »24.
18En des termes plus précis que ceux de Cicéron, Valère-Maxime illustre curieusement la uerecundia romaine. Il est question de règles d’évitement (l’avoidance des anthropologues anglo-saxons) liées à la prohibition de l’inceste. Bien que Valère-Maxime détourne le propos de la uerecundia vers un système de normes plus exigeant, la prohibition de l’inceste, son changement de sujet n’est pas délibéré. Le commentaire qui clôt cet exemple (nudare se [ne]fas esse credebatur) revient à la nudité et révèle que l’auteur ne retient de l’ancienne coutume que la séparation des nudités, sans s’arrêter aux termes qu’il a lui-même énoncés. Là où, selon ses propres termes, l’ancienne coutume interdisait le bain en commun seulement avec certains parents et pour un temps limité (aliquandiu), Valère-Maxime retient que les anciens Romains se défiaient de la promiscuité physique même avec la parentèle proche. Il retient une idée dominante : les précautions prises pour écarter le désir. Défini comme l’inverse de la gymnasia grecque, l’usage romain de ne pas se baigner avec son père, son gendre ou son beau-père, manifeste l’importance de la uerecundia, intériorisation de la contrainte sociale du pudor25. Le malaise et l’angoisse des jeunes Romains nus vient de ce qu’ils sont conscients d’être, dans leur nudité, des objets de désir, et craignent d’avoir l’air complaisants : la gêne affichée est ici autant une obligation sociale qu’une donnée psychologique. On observera en tout cas que, pour trouver une formulation positive, le pudor romain doit se soumettre à l’épreuve de la nudité grecque. Le désir transgressif inspiré par le corps des jeunes ingenui révèle en effet un défaut dans la cuirasse identitaire romaine. Pour affronter la contradiction, les Romains identifient dans ce désir un phénomène d’aliénation, la contamination d’un usage étranger. Pour formuler la norme idéale du pudor, le référent grec est un outil précieux : il permet, au sein du soi, de circonscrire en une bulle d’étrangeté des contradictions autrement clandestines, incorporées et diffuses, et de leur assigner une place et une fonction dans le système des représentations identitaires romaines. C’est l’altérité incluse.
Glissements progressifs de la nudité
19Une inconnue demeure : comment les Romains expliquent-ils concrètement qu’ils puissent, devant un jeune homme nu, éprouver la tentation de l’attentat au corps ingénu (stuprum) ? Les Tusculanes fournissent le principe de la réponse : la nudité rend le corps illisible en le présentant dégagé d’un emballage social qui le situe dans la hiérarchie des statuts et des dignités. Dans cette tenue, les iuuenes ne sont protégés par aucun des insignes de leur condition et ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Le corps nu est un corps vulnérable : dépourvu de notice explicative, il prête à confusion26. Le vêtement est un mode d’emploi social. Les jeunes ingénus au bain, quant à eux, n’ont plus cette ressource après la déposition de la bulla. L’angoisse et le malaise que trahit leur attitude composent un langage gestuel censé les habiller de pudor. Un corps jeune, à l’aise dans sa nudité est une véritable provocation. Aux bains, le jeune Romain est tenu de faire son possible pour avoir l’air emprunté, sous peine de compromettre sa réputation. La diffusion des thermes romains et, avec eux, de vastes espaces monumentaux voués à la nudité collective et d’un type spécifique au monde romain cadrent mal avec ces représentations. Examinons les facteurs culturels endogènes qui expliquent cette diffusion.
Le Romain en costume de bains
20La formation dispensée dans le cadre du gymnase hellénistique n’est pas une militia, mais une activité qualifiée de leuis. Cette opposition est reprise, sous des formes différentes, lorsqu’il s’agit d’évoquer le séjour d’un personnage officiel romain dans un gymnase en pays grec27. Les divers commentaires consacrés à ces sources soulignent avec raison la charge polémique de telles situations, qui discréditent l’acteur comme un Graeculus, mais ils négligent le fait que, pour les anecdotes républicaines au moins, le Romain au gymnase y figure toujours habillé d’un pallium, c’est-à-dire uniquement occupé aux activités intellectuelles de la paideia ; pour la fin du iiie siècle, c’est le cas de Scipion chez Tite-Live et chez Valère-Maxime :
« Quand Scipion, en Sicile, s’occupait à renforcer son armée et à la faire passer en Afrique, en cherchant à installer la base apte à ce projet, il ne songeait qu’à détruire Carthage, mais au milieu des réflexions et des préparatifs d’une si grande entreprise, il a fréquenté le gymnase, en pallium et sandales […]. Il n’y venait pourtant que lorsqu’il avait amplement et longuement fatigué ses bras, lorsqu’il avait contraint tout le reste de son corps, par des exercices militaires, à prouver sa robustesse et c’est en cela que consistait l’effort qu’il fournissait, le reste étant la détente après cet effort »28.
21Si, chez Tite-Live, Scipion est coupable d’un comportement « qui n’était ni d’un Romain ni même d’un soldat » (non Romanus modo sed ne militaris quidem cultus), Valère-Maxime s’ingénie à justifier le comportement de celui-ci en invoquant la catégorie de l’otium, bien que le contexte soit analogue. Le prestige de Scipion ne suffit pas à justifier l’argument principal : Scipion pouvait s’autoriser la fréquentation des lieux de ramollissement que sont les gymnases, une fois remplies les obligations du labor romain. Dans le cadre de l’otium, et conçu comme un délassement (remissio laboris), le gymnase devient fréquentable parce que le Romain n’est pas soupçonnable de venir y chercher du sérieux. Scipion, le devoir accompli, a le droit de jouer au Grec parce qu’il est désormais bien clair qu’il ne s’agit que d’un jeu. Le décalage entre le point de vue de Tite-Live et celui de Valère-Maxime est significatif : une génération sépare les deux auteurs. L’ordre augustéen a redéfini les frontières de l’otium et du negotium et inauguré de nouveaux espaces destinés à héberger ces deux temps de la vie civique. Valère-Maxime détache le gymnase grec de sa fonction sociale en le réduisant à une activité de loisir. Ce point de vue était déjà l’une des conséquences implicites de la leuitas que Cicéron reprochait au gymnase grec. Mais ici, la disqualification du centre de formation éphébique rend excusable et, pour ainsi dire, légitime la fréquentation du gymnase. Ce renversement doit être rapproché de l’évolution formelle des installations balnéaires romaines, qui les conduit de la structure binaire des thermes de Stabies aux grands complexes balnéaires d’Agrippa à Rome, prototype des thermes impériaux29.
Neutralisation du gymnase et naissance des thermes romains
22Le Romain sourcille devant la nudité athlétique des éphèbes. La réduction de la palestre à une simple cour attenante aux bains, lisible dans les différents états romains des thermes de Stabies, procède probablement de cette attitude. Les Romains n’escamotent pas la palestre simplement par horreur des amitiés viriles : la schématisation, en Italie, des agencements complexes du gymnase hellénistique et leur constriction dans l’espace traduisent des représentations identitaires, le souci de ne pas importer telle quelle la structure hellénique. Le terrain de sport et d’entraînement militaire (campus) italien reste dissocié de l’infrastructure balnéaire, même s’il comprend occasionnellement une piscina, et ne peut être considéré comme un équivalent du xyste hellénique qu’en vertu d’un raisonnement typologique rétrospectif. Le rapprochement des deux ne s’opère qu’à partir de l’époque augustéenne, et au prix d’une double mutation : la schématisation de l’espace de plein air d’un côté et, de l’autre, le bourgeonnement des pièces couvertes affectées aux bains soulignaient de manière explicite l’usage qui serait fait du « gymnase » à l’italienne ; non pas le champ d’exercice où se forgerait le corps des soldats-citoyens, mais un lieu de délassement. La nudité, tenue du loisir, des jeux et des soins hygiéniques, y prendrait une autre dimension30. Sur cette base, la diversification des installations balnéaires et la séparation progressive des balnea romains avec leur référent hellénistique, le gymnase, pouvaient aller croissant. Cette évolution est un effet indirect de l’enrichissement des élites romaines et italiennes par la conquête de la Méditerranée, qui suscite l’émergence de nouveaux usages sociaux. Les balnea et leur confort, initialement privés et payants, quand ils ne sont pas réservés à un usage privatif, relèvent de la distinction sociale. Le crescendo des techniques de chauffage et de bâti accompagne la diffusion des bains. C’est dans ce cadre qu’il faut situer le débat romain sur le « gymnase », qui perturbe tant les valeurs aristocratiques romaines. Quand les thermes du Champ de Mars sont donnés au peuple Romain, Auguste octroie à la plèbe de l’Vrbs un privilège comparable aux seules frumentationes. Comme les distributions frumentaires, le confort des bains était une marque d’estime dispendieuse, un bienfait qui crée un lien privilégié et personnel entre le donateur et les bénéficiaires. Dès le début du Haut Empire, la jouissance, dans l’otium, de somptueux bains publics offerts par l’empereur est un privilège de l’urbanité qui marque nettement la suprématie de la capitale d’Empire : un signe de statut. Seules quelques grandes villes comme Alexandrie ou Antioche jouissaient du même privilège ; le reste des cités devait s’équiper sur ses propres fonds31. Mais Rome seule offrit à ses habitants, pendant un temps, un accès gratuit aux bains.
23À mesure que les bains, lieux de dénudation, deviennent l’expression voyante d’un privilège social, la nudité acquiert droit de cité32. Les Épigrammes de Martial montrent comment se met en place un langage du corps nu, fait de signaux de conformité ou de déviance (les zones d’épilation, la démarche, l’haleine, les organes affaissés ou hyper-trophiés) ; à l’instar de Martial, d’autres auteurs, souvent plus tardifs, montrent quelles stratégies déployer pour afficher sa position sociale en dépit de la nudité : accompagné de cinquante serviteurs, l’homme important accapare le champ sonore et les filles chez Ammien Marcellin33.
24À cause de cette évolution, la nudité du « gymnase » romain continue d’être donnée comme une contagion d’origine grecque. Agrippa évite le terme de gymnasium pour désigner le complexe balnéaire qu’il édifie. Mais c’est pour adopter thermae, qui insistait sur le luxe du chauffage ; suivant un usage attesté dès les thermes de Stabies à la salle de sudation à rotonde, il reprend le nom de Λακωνικόν34, comme si la vertu des Lacédémoniens gommait le caractère scandaleux d’un espace voué à une nudité et à des onctions trop émollientes pour être honnêtes35. De cette façon, la question de la mutation interne de la société romaine est esquivée.
Les Grecs et le gymnase romain
25Le commentaire du terme de Λακωνικόν, chez Dion Cassius, insiste curieusement sur le référent grec de cette salle, pour resserrer le lien entre les thermes d’Agrippa et le gymnase grec36 :
« Et il construisit le pyriaterion lakonikon. Il appela en effet le gymnase lakonikon parce que les Lacédémoniens étaient en grande réputation en ce temps-là pour se déshabiller et se frotter d’huile »37.
26La définition et sa glose, contournées et étranges, ont suscité l’embarras des commentateurs. Pour le même espace, Dion utilise trois mots différents, πυριατήριον, Λακωνικόν et γυμνάσιον. Il ne s’agit pas d’un simple effet de variatio. Par souci d’atticisme, il recourt, pour désigner une étuve, au terme spécifique πυριατήριον, suivant un usage répandu38. Bien que Λακωνικόϛ soit un adjectif bien attesté chez les modèles de l’atticisme, il désigne ici une réalité étrangère à la langue de puriste affichée par Dion : si l’auteur mentionne l’adjectif Λακωνικόϛ, un mot grec, c’est pour citer le nom romain de cette salle de sudation (Laconicum). Ce nom n’apporte rien à l’information, mais appelle un développement sur l’origine du Laconicum latin, dont le grec n’est ici que la translittération. L’explication, de type antiquaire, attribue à l’étuve romaine un modèle grec valorisant39. L’exemple lacédémonien permet de rattacher le bâtiment à la catégorie des gymnases (γυμνάσια). Dans le contexte de la narration, l’assimilation de l’étuve des thermes d’Agrippa à un gymnase rend culturellement légitime la pratique des bains romains. Si Agrippa, dans la nomenclature de ses Thermes, justifiait l’étuve et les onctions du Laconicum par la référence à Lacédémone, Dion Cassius se sert de la même référence pour excuser la dissociation de la nudité et du gymnase, en soulignant que le modèle de l’étuve romaine, inspirée d’un modèle lacédémonien, peut entrer dans la catégorie hellénique du γυμνάσιον. Il absout ainsi les Thermes d’Agrippa des soupçons qu’une tradition moralisatrice faisait peser sur les bains chauds40. Le silence de Dion sur la très mince proportion des espaces gymniques au sein des thermes d’Agrippa, qui n’étaient, malgré leurs 10 000 m2, qu’un équipement privé, ne doit pas surprendre : par anticipation, la présentation du Laconicum l’intègre à l’inventaire de l’œuvre monumentale construite par Agrippa pour un usage public. C’est que Dion met toujours en valeur les grands travaux édilitaires, même lorsqu’ils sont dus à des personnages qu’il dénigre par ailleurs41. Mais si Dion Cassius apprécie l’utilité des équipements urbains, preuves d’une bonne police, il réprouve sévèrement l’institution par Néron d’un gymnase grec à Rome : en insérant l’institution hellénique telle quelle au sein de la capitale d’Empire, Néron outrepasse ses devoirs de princeps :
« Pour la durée et le salut de son pouvoir (c’étaient les termes de son édit) il institua des jeux quinquennaux auxquels il donna le nom de Néroniens ; il construisit, à cette occasion, un gymnase et distribua gratis, pour sa dédicace, de l’huile aux sénateurs et aux chevaliers »42.
27La distribution gracieuse d’huile est dénoncée ailleurs comme une compromission politique dangereuse43 ; la participation des sénateurs et des chevaliers à la mise en scène de Néron revêt un caractère dégradant et scandaleux. L’élite de la société romaine était en effet tenue d’en incarner les valeurs constitutives. Ici, le Princeps en personne les entraîne à singer les expressions d’une citoyenneté étrangère et à brouiller les catégories en mêlant à la vie officielle de Rome des usages des cités helléniques. L’empereur lui-même se comporte en basileus. Dion Cassius ne cherche ni à prôner une fusion des Grecs et des Romains, ni même à situer ces peuples sur une échelle de valeurs. S’il adopte à l’occasion des postures hellénisantes, c’est pour mieux défendre l’ordre qui s’incarne dans le système impérial romain. L’attitude de l’historien n’a rien d’inconséquent : il prône la défense des valeurs coutumières et des modes d’être romains, parce que leur maintien est la meilleure garantie d’une stabilité politique durable.
28Le gymnase de Néron avait suscité en son temps une réaction inverse de celle de l’historien sévérien. Philostrate rapporte les imprécations d’un farouche partisan de l’hellénisme le jour de l’inauguration du gymnasium :
« Lorsque Néron fit construire un gymnase, le plus admirable de ceux de Rome, que Néron en personne, le prestigieux Sénat et les chevaliers de Rome célébrèrent ce jour heureux, que Démétrius vint à entrer dans ce gymnase, prononça tout un discours contre les baigneurs, les traitant de ramollis qui se barbouillaient et montra que ce genre de réalisations n’était que gabegie ; il aurait sur-le-champ payé ces propos de sa vie si Néron ne s’était ce jour-là surpassé comme chanteur – il chantait dans un cabaret aménagé au gymnase, nu avec une simple ceinture, comme les plus impudiques des cabaretiers […] »44.
29Démétrius retourne de manière cocasse les préjugés des Romains contre le gymnase grec. Aux yeux de l’orateur, le gymnase de Néron est une caricature : la paideia du gymnase y est corrompue, parce que les Romains ont détaché les bains et les onctions d’huile de la discipline vertueuse des athlètes grecs. En dépit de ses prétentions, le complexe néronien ne peut pas être conforme à son prétendu modèle hellénique. C’est un gymnase à l’envers, puisque tout y est fait à contre-emploi : au lieu d’y acquérir force et fermeté, les baigneurs s’y ramollissent, au lieu d’y faire des onctions, ils ne savent que se barbouiller d’huile. Le gymnase à salles chaudes de Néron n’est pas un phénomène unique : dans les cités grecques, les bains romains les plus anciens sont édifiés à l’occasion de travaux effectués dans des gymnases antérieurs, comme à Tarente ou à Milet45. Philostrate reprend ici, bien sûr, des griefs bien attestés dans la tradition grecque contre les bains chauds, par trop émollients. Mais l’altérité incluse des Romains, une fois exportée, fournit à la refondation de l’identité grecque que la seconde sophistique s’efforce d’opérer, un motif d’« altérité incluse grecque ».
30Le modèle romain des thermes se diffuse dans les cités de l’Empire, atteint les marges orientales du monde méditerranéen, foyer du gymnase hellénistique et gagne jusqu’aux sites des sanctuaires46. En dehors même de l’univers hellénophone, la terminologie des sources talmudiques montre la contamination progressive des bains grecs et des bains romains47. Dès Plutarque, la diffusion des bains romains chez les Hellènes est donnée pour un détournement de la nudité athlétique :
« Il ajoute […] qu’il ne se baigna jamais avec lui [son fils]. Cela paraît avoir été une coutume générale chez les Romains. Les beaux-pères, en effet, évitaient de se baigner avec leurs gendres : ils eussent rougi de se déshabiller et de paraître nus devant eux. Par la suite cependant, quand ils eurent appris des Hellènes à se montrer nus, à leur tour ils corrompirent les Hellènes en leur donnant l’exemple de se baigner même avec des femmes »48.
31L’ancienne pudeur des Romains, corrompue au contact d’un usage dévoyé de la nudité athlétique grecque, a disparu. La nudité, prérogative de l’éducation masculine dans l’immense majorité des cités, est dépouillée de la παιδεία qui la justifiait et lui donnait un sens dans la culture grecque. Elle se réduit à l’exhibition de corps nus pour le plaisir – pour le désir. La confusion des genres traduit l’évolution de la nudité, d’une pédagogie de la vertu, la relation entre érastes et éromènes, à un usage passionnel, la consommation du corps érotique. Plutarque reste ici fidèle à la hiérarchie platonicienne des deux Aphrodites49.
32L’entreprise de résurrection de l’hellénisme menée à bien par la seconde sophistique aboutit, dès le iiie siècle apr. J.-C., à une réhabilitation de la παιδεία hellénique. L’éducation d’Alexandre Sévère telle que la présente Hérodien l’atteste :
« Mais Mamaea, sa mère, le détourna de ces actions honteuses et indécentes pour des empereurs et, après avoir secrètement recruté des maîtres dans toutes les disciplines, elle lui donna une éducation raisonnable, l’habitua à la palestre et aux exercices physiques virils et lui apprit la culture des Grecs et des Romains »50.
33La formation du jeune empereur à son métier de chef d’État passe, pour Hérodien, par la palestre, école de vertu, et le parallélisme remarquable des deux membres de phrase qui définissent l’éducation grecque et romaine d’Alexandre esquive avec virtuosité la question sensible de la supériorité éventuelle d’un modèle sur l’autre : on peut lire παιδείαν τε τὴν ̔Ελλήνων comme un rappel de παλαίστραιϛ τε καὶ τοῖϛ ἀνδρῶν γυμνασίοιϛ comme l’annonce de καὶ ̔Ρωμαίων. Cette présentation est en tous points conforme au point de vue romain, qui revendique pour Rome le monopole de la virilité. Mais les deux segments peuvent également se lire comme un couple indissociable ; l’éducation virile apparaît alors comme l’effet conjoint d’une παιδεία hellénique et d’une exercitatio romaine.
Notes de bas de page
1 Cf. Pierre Grimal, Les jardins romains à la fin de la République et aux deux premiers siècles de l’Empire, Paris, 1943, p. 202 ; Jean-Louis Ferrary, Philhellénisme et impérialisme. Aspects idéologiques de la conquête romaine du monde hellénistique de la seconde guerre de Macédoine à la guerre de Mithridate, Rome (BEFAR n° 271), 1988, pp. 524-526.
2 Cf. René Rebuffat, « Vocabulaire thermal. Documents sur le bain romain », Les thermes romains. Actes de la table ronde organisée par l’EFR (Rome, 11-12 novembre 1988), Rome (CEFR, 142), 1991, pp. 1-34.
3 Jean Delorme, Gymnasion, Paris (BEFAR, 196), 1960 ; Andreas Mehl, « Erziehung zum Hellenen – Erziehung zum Weltbürger. Bemerkungen zum Gymnasion im hellenistischen Osten », Nikephoros, 5, 1992, pp. 43-73.
4 Strabon, Géographie, V, 4, 7 ; Pline, Lettres, X, 40, 2.
5 Inge Nielsen, Thermae et Balnea. The Architecture and Cultural History of Roman Public Baths, 1, Aarhus, 1990, s.v. palaestra, pp. 163-164.
6 Vitruve, De Architectura, V, 11, 1 : « Nunc mihi videtur, tametsi non sint Italicae consuetudinis palaestrarum aedificationes, traditae tamen, explicare et, quemadmodum apud Graecos constituantur, monstrare ».
7 Cf. aussi les remarques de Paul Zanker, Pompei. Public and Private Life, Cambridge (Mass.), 1998, pp. 49-51.
8 Nonius, 108, 23-26 M ; cf. Garrett G. Fagan, Bathing in Public in the Roman World, Ann Arbor, 1999, pp. 46-82 pour la datation du fragment, qui est discutée.
9 Cf. Garrett G. Fagan, op. cit. (note 8), p. 214.
10 Cf. Inge Nielsen, op. cit. (note 5), p. 29.
11 Cf. Nigel B. Crowther, « Nudity and Morality : Athletics in Italy », CJ, 76, 1980-1981, pp. 119-123.
12 Cicéron, République, 4, 4 : « […] nudari puberem. Ita sunt alte repetita quasi fundamenta quaedam verecundiae. Iuventutis vero exercitatio quam absurda in gymnasiis ! quam levis epheborum illa militia ! quam contrectationes et amores soluti et liberi ! mitto apud Eleos et Thebanos, apud quos in amore ingenuorum libido etiam permissam habet et solutam licentiam ; Lacedaemonii ipsi, cum omnia concedunt in amore iuvenum praeter stuprum, tenui sane muro dissaepiunt id, quod excipiunt ; conplexus enim concubitusque permittunt palliis interiectis ».
13 Florence Dupont, Thierry Eloi, L’érotisme masculin dans la Rome antique, Paris, 2000, pp. 33-38.
14 Cf. Lucain, Pharsale, VII, 270-272 et Quintilien, Institution Oratoire, XI, 3, 26.
15 Cicéron, Orator, 42.
16 Florence Dupont, Thierry Eloi, op. cit. (note 13).
17 Tacite, Germanie, 24, 1.
18 Cf. Marie-Hélène Delavaud-Roux, Les danses armées en Grèce antique, Aix-en-Provence, 1995 et Paola Ceccarelli, La pirrica nell’antichità greco-romana. Studi sulla danza armata, Pise-Rome, 1998.
19 Cicéron, Pro Flacco, 51 : « Venio ad Lysaniam eiusdem ciuitatis, peculiarem tuum, Deciane, testem. Quem tu cum ephebum Temni cognosses, quia tum te nudus delectaret, semper nudum esse uoluisti ».
20 Cicéron, Tusculanes, IV, 70-71 : « Cur neque deformem adulescentem quisquam amat neque formosum senem ? Mihi quidem haec in Graecorum gymnasiis nata consuetudo videtur, in quibus isti liberi et concessi sunt amores. Bene ergo Ennius : “Flagiti principium est nudare inter civis corpora.” Qui ut sint, quod fieri posse video, pudici, solliciti tamen et anxii sunt, eoque magis, quod se ipsi continent et coercent ».
21 Ennius, fr. CLXVI (= 35 Ribbek).
22 Cf. Festus, p. 190 L, s. v. occentassint ; Plaute, Mercator, 405-409.
23 Cicéron, Pro Caelio, 11 : « Nobis quidem olim annus erat unus ad cohibendum bracchium toga constitutus, et ut exercitatione ludoque campestri tunicati uteremur, eademque erat, si statim merere stipendia coeperamus, castrensis ratio ac militaris. Qua in aetate nisi qui se ipse sua gravitate et castimonia et cum disciplina domestica tum etiam naturali quodam bono defenderet, quoquo modo a suis custoditus esset, tamen infamiam veram effugere non poterat ». « Pour nous autrefois, il n’y avait de fixé qu’une seule année où nous devions maintenir le bras sous la toge et, pour l’exercice et les jeux du Champ de Mars, garder la tunique ; et, si nous commencions immédiatement le service militaire, c’était la même règle dans les camps et à l’armée. À cet âge, qui ne se défendait pas tout seul par son sérieux et sa chasteté, par la discipline domestique et surtout par de bonnes dispositions naturelles, quelle que fût la surveillance exercée par les siens, celui-là ne pouvait éviter une infamie authentique ».
24 Valère Maxime 2, 1, 7 : « Huius modi inter coniuges uerecundia : quid, inter ceteras necessitudines nonne apparet consentanea ? nam ut minimo indicio maximam uim eius significem, aliquandiu nec pater cum filio pubere nec socer cum genero lauabatur. Manifestum igitur est tantum religionis sanguini et adfinitati quantum ipsis dis inmortalibus tributum, quia inter ista tam sancta uincula non magis quam in aliquo sacrato loco nudare se [ne]fas esse credebatur » ; Plutarque, Cato Maior, 20, 7-8.
25 Florence Dupont, Thierry Eloi, op. cit. (note 13), pp. 22-23.
26 Cf. Plutarque, Questions romaines, 101 (287f).
27 Cf. Jean-Louis Ferrary, op. cit. (note 1), pp. 525-526.
28 Épisodes datés de 205 et 204 av. J.-C. : Tite-Live, XXIX, 19,12 ; Valère Maxime, Faits et dits mémorables, 3, 6, 1 : « P. Scipio, cum in Sicilia augendo traiciendoque < exercitu> in Africam opportunum quaerendo gradum Karthaginis ruinam animo uolueret, inter consilia ac molitiones tantae rei operam gymnasio dedit pallioque et crepidis usus < est> […] Ad quas tamen ueniebat, cum multum ac diu fatigasset umeros et cetera membra militari agitatione firmitatem suam probare coegisset consistebatque in his labor eius, in illis remissio laboris ».
29 Sur les bains et l’opposition negotium/otium, cf. Année épigraphique, 1928, 37 C.
30 Cf. Pierre Cordier, « Les habits grecs du baigneur romain », Façons de parler grec à Rome, Florence Dupont et Emmanuelle Valette-Cagnac (éds.), Paris, 2005, pp. 81-102.
31 Sur la gratuité, cf. Fronton, Ep. Gr. 5, qui date de 157-160 apr. J.-C. ; Histoire Auguste, Antonin le Pieux, 7, 6 et Elagabal, 8, 6.
32 Cf. Yvon Thébert, « Vie privée et architecture domestique en Afrique romaine », Histoire de la vie privée, I, De l’empire romain à l’an mil 2, P. Veyne (éd.), Paris, 1985, pp. 383-386.
33 Ammien Marcellin, XXVIII, 4, 9 : Amm. Marc. 28, 4, 9 : « Tales ubi comitantibus singulos quinquaginta ministris, tholos introierint balnearum […] apparuisse subito ignotam compererint meretricem […] certatim concurrunt ». « Quand des personnages de cette sorte ont pénétré sous les voûtes des bains, escortés chacun de cinquante serviteurs […] apprennent-ils qu’une courtisane inconnue s’est soudain montrée […] c’est à qui se précipitera ».
34 C’est la première attestation du mot thermae dans ce sens, cf. Frontin, Les Aqueducs, 9, 98 ; Pline, Histoire naturelle, XXXVI, 104, 121 ; Jürgen J. Rasch, « Zur Entstehung des Kaisertypes im römischen Thermenbau », MDAI, 103, 1996, pp. 201-230, particulièrement p. 202. Sur lakoninon, cf. CIL I3 1633 (= ILS 5706).
35 Sur le lien entre les bains de vapeur, les onctions et l’image des Spartiates, cf. Strabon, Géographie, III, 3, 6.
36 Sur Laconicum et pyriaterion, cf. Jean Delorme, op. cit (note 3), pp. 312-315.
37 Dion Cassius, 53, 27, 1 (Boissevain) : Τοῦτο δὲ τὸ πυριατήριον τὸ Λακωνικὸν κατεσκεύασε· Λακωνικὸν γὰρ τὸ γυμνάσιον, ἐπειδήπερ οἱ Λακεδαιμόνιοι γυμνοῦσθαί τε ἐν τῷ τότε χρόνῳ καὶ λίπα ἀσκεῖν μάλιστα ἐδόκουν, ἐπεκάλεσε.
38 Cf. Thesaurus Linguae Graecae, s.v. πυριατήριον, col. 2264-2265 ; Inge Nielsen, op. cit. (note 5), p. 159.
39 Ce passage fait aussi allusion à Thucydide, I, 6, 5.
40 Cf. par exemple Aristophane, Nuées, 991, 1045, 1047 et Posidonius d’Apamée apr. Athénée, V, 210f ; id. XII, 527e (= FGH III, 258).
41 Dion Cassius, 72, 12, 5 Boissevain (= Xiphilin Dindorf, p. 274).
42 Dion Cassius, 61, 21, 1 Boissevain : ̔Υπὲρ δὲ δὴ τῆϛ σωτηρίαϛ τῆϛ τε διαμονῆϛ τοῦ κράτουϛ αὐτοῦ (οὕτω γάρ που προέγραψεν) ἀγῶνα πενταετηρικὸν κατεστήσατο, Νερώνεια αὐτὸν ὀνομάσαϛ, καὶ ἐπ᾿ αὐτῷ καὶ τὸ γυμνάσιον ᾠκοδόμησεν, ἔλαιόν τε ἐν τῇ καθιερώσει αὐτοῦ καὶ τοῖϛ βουλευταῖϛ καὶ τοῖϛ ἱππεῦσι προῖκα ἔνειμε.
43 Dion Cassius, 37, 51, 4 ; 49, 43, 3. Sur les gymnasia (distributions d’huile) associés aux bains, cf. Garrett G. Fagan, op. cit. (note 8), n. 22, pp. 267-268.
44 Philostrate, Vie d’Apollonius, 4, 42 : ̔Οπότε γυμνάσιον μὲν ἐξεποιήθη τῷ Νέρωνι θαυμασιώτατον τῶν ἐκεῖ, λευκὴν δ᾿ ἔθυον ἐν αὐτῷ ἡμέραν Νέρων τε αὐτὸϛ καὶ ἡ βουλὴ ἡ μεγάλη καὶ τὸ ἱππεῦον τῆϛ ̔Ρώμηϛ, παρελθὼν δὲ ὁ Δημήτριοϛ ἐϛ αὐτὸ τὸ γυμνάσιον διεξῆλθε λόγον κατὰ τῶν λουμένων, ὡϛ ἐκλελυμένων τε και αὑτοὺϛ χραινόντων, καὶ ἐδείκνυεν, ὅτι περιττὸν ἀνάλωμα εἴη τὰ τοιαῦτα, ἐφ᾿ οἷϛ ξυνήρατο μὲν αὐτῷ (τοῦ) μὴ ἀποθανεῖν αὐτίκα τὸ τὸν Νέρωνα εὐφωνότατα ἑαυτοῦ κατὰ τὴν ἡμέραν ἐκείνην ᾄδειν – ᾖδε δὲ ἐν καπηλείῳ πεποιημένῳ ἐϛ τὸ γυμνάσιον διάζωμα ἔχων γυμνόϛ, ὥσπερ τῶν καπήλων οἱ ἀσελγέστατοι...
45 Cf. Enzo Lippolis, « Le Thermae Pentascinenses di Taranto », Taras 4, 1984, pp. 119-153 ; Fikret K. Yegül, Baths and Bathing in Classical Antiquity, New York/Cambridge (Mass.), 1979, pp. 254, 256, ill. 301, 306.
46 Cf. John Scheid, « Sanctuaires et thermes sous l’Empire », Les thermes romains, op. cit. (note 2), pp. 205-216.
47 Cf. Y. Z. Eliav, « The Roman Bath as a jewish institution : Another Look at the Encounter between Judaism and the Greco-Roman Culture », Journal for the Study of Judaism, 41.4, 2000, pp. 416-454.
48 Plutarque Cato Major, 20, 7-8 : Συλλούσασθαι δὲ μηδέποτε. Καὶ τοῦτο κοινὸν ἔοικε ̔Ρωμαίων ἔθοϛ εἶναι· καὶ γὰρ πενθεροὶ γαμβροῖϛ ἐφυλάττοντο συλλούεσθαι, δυσωπούμενοι τὴν ἀποκάλυψιν καὶ γύμνωσιν. Εἶτα μέντοι παρ᾿ ̔Ελλήνων τὸ γυμνοῦσθαι μαθόντεϛ, αὐτοὶ πάλιν τοῦ καὶ μετὰ γυναικῶν τοῦτο πράσσειν ἀναπεπλήκασι τοὺϛ ῝Ελληναϛ.
49 Sur la dissociation des exercices athlétiques et de la formation militaire, cf. Platon, Le Banquet, 180d-e et 181 a-c.
50 Hérodien, 5, 7, 5 : ̔Η δὲ μήτηρ αὐτὸν ἡ Μαμαία ἀπῆγε μὲν τῶν αἰσχρῶν καὶ ἀπρεπῶν βασιλεῦσιν ἔργων, διδασκάλουϛ δὲ πάσηϛ παιδείαϛ λάθρᾳ μετεπέμπετο, τοῖϛ τε σώφροσιν αὐτὸν ἤσκει μαθήμασι, παλαίστραιϛ τε καὶ τοῖϛ ἀνδρῶν γυμνασίοιϛ εἴθιζε, παιδείαν τε τὴν ̔Ελλήνων καὶ ̔Ρωμαίων ἐπαίδευεν.
Auteur
Université de Toulouse II - Le Mirail
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