Alexandre le Grand au IVe siècle apr. J.-C. : entre païens et chrétiens
p. 271-288
Résumé
Il s’agit d’aborder la réception du mythe d’Alexandre au ive s. sous l’angle de l’opposition entre païens et chrétiens. L’abondance des références littéraires et iconographiques au Macédonien va paradoxalement de pair avec leur faible poids idéologique. Les païens, comme Julien l’Apostat ou ses admirateurs, ne semblent pas donner au personnage valeur de modèle religieux ou culturel. La littérature chrétienne lui fait peu de place, et lorsqu’elle le prend pour cible c’est au nom d’arguments souvent déja utilisés par les Stoïciens. Mais la fiction qui entoure de plus en plus la figure du héros permet de dépasser le clivage païen-chrétien, et de donner naissance à un Alexandre dont la légende, capable de séduire l’imaginaire des uns et des autres, devient éventuellement utilisable même par les chrétiens.
Texte intégral
1La vitalité du mythe d’Alexandre au ive siècle, loin de s’affaiblir avec l’émergence de l’Empire Chrétien, semble animée d’un renouveau tel qu’on a pu évoquer à son propos « une nouvelle floraison »1 et « une recrudescence de curiosité multiforme »2 autour de la geste du héros. De fait, parallèlement aux témoignages d’une iconographie encore très variée, plusieurs ouvrages paraissent, dans le courant du siècle, qui viennent s’ajouter au corpus abondant de l’historiographie d’Alexandre : sept3 au total, parmi lesquels la traduction latine, par le clarissime Julius Valerius Polemius, du « roman » attribué au Pseudo-Callisthène, qui connaitra un succès considérable au Moyen Âge. Textes d’auteurs pour la plupart inconnus, parfois simples traductions d’originaux grecs, ils visent un public difficile à cerner sur le plan du recrutement social mais qui dépasse les seules élites cultivées et semble se caractériser par le goût des résumés, de l’exotisme et du romanesque. Certains ont peut-être un parfum d’actualité à l’époque des dernières expéditions romaines contre les Perses (sous Constance II et sous Julien)4 et à celle où l’ascétisme des brahmanes interlocuteurs d’Alexandre vient faire écho à celui que prônent certains chrétiens éminents5. L. Cracco-Ruggini, a montré dans un article qui a fait date6, comment s’y développe une approche nouvelle de la légende alexandrine : la lecture politique (réflexion sur le pouvoir royal) où la tradition romaine sur le héros7 s’était révélée partagée entre l’admiration pour la geste flamboyante du conquérant et la dénonciation de la démesure orientalisante du tyran, tend à s’effacer pour laisser place à la fascination de l’exotisme et du merveilleux. Elle a également mis en lumière le processus d’adaptation à un public chrétien que subit, dans plusieurs de ces œuvres8 l’histoire d’Alexandre. Cela signifie-t-il que la figure du Macédonien n’a pas de place dans l’argumentaire des confrontations entre païens et chrétiens ? Sous cet angle un survol rapide des différents types de références textuelles ou iconographiques au héros permettra peut-être d’éclairer la diversité des cultures alexandrines et de mesurer les limites du « renouveau » de l’image du prince.
L’image d’Alexandre au service des païens ? Autour de Julien l’Apostat
2L’empereur Julien9 peut servir de point de départ : à partir de ses écrits personnels comme de la vision qu’ont eue de son action ses contemporains les plus admiratifs. On s’attendrait en effet, de la part de l’organisateur de la dernière grande expédition orientale romaine, du promoteur d’un hellénisme conçu comme antithétique avec le christianisme, à ce qu’Alexandre tienne une place très significative dans son œuvre. Une lecture attentive ne permet pas de l’affirmer. Les références, assez nombreuses dans les deux Panégyriques de Constance ii (355 et 361), se partagent de manière inégale entre quelques notations positives sur les talents militaires, la grandeur du conquérant10 et un plus grand nombre d’allusions critiques à l’homme d’orgueil, incapable de maîtriser ses passions11, manquant à la piété filiale12 et qui « en vint jusqu’à dédaigner son père et la condition humaine. Il prétendit se faire passer pour le fils d’Ammon et non point de Philippe »13. L’ensemble reste prisonnier d’une vision très rhétorique et livresque14. Dans sa Lettre à Thémistius (nov.-déc. 361), écrite peu avant l’entrée triomphale à Constantinople, Julien évoque l’angoisse éprouvée depuis longtemps à l’idée d’avoir à rivaliser avec Alexandre et Marc Aurèle, modèles, l’un du courage l’autre de la parfaite vertu15 : « Depuis longtemps je pensais avoir à rivaliser avec Alexandre et Marc-Aurèle… mais un frisson me saisissait joint à une crainte prodigieuse ». Mais c’est pour terminer par une comparaison entre Alexandre et Socrate, où le philosophe source de sagesse et de salut l’emporte nettement sur le conquérant16. La lettre 111, adressée en nov. 362 aux habitants d’Alexandrie pour leur reprocher d’avoir demandé le rappel de leur évêque Athanase, revêt un ton un peu plus polémique : l’empereur s’indigne du comportement des Alexandrins et les accuse d’avoir trahi la gloire de leur fondateur, homme pieux, en devenant esclaves des autorités ecclésiastiques chrétiennes17. Alexandre prend ainsi place pour la première fois dans la campagne de reconquête païenne entreprise par Julien. En décembre 362, celui-ci compose à Antioche, Les Césars18, récit fantaisiste d’un concours entre les différents imperatores de Rome pour savoir lequel méritait de rejoindre le banquet des Dieux de l’Olympe. Il y accorde apparemment une belle place au fils de Philippe : parmi des concurrents romains, il n’avait pourtant pas sa place mais l’auteur prend soin de faire légitimer sa participation au concours par le patronage prestigieux d’Héraclès19. De fait, face à César, Alexandre peut se vanter d’avoir vaincu tous ses adversaires, y compris les Perses que jamais aucun Romain n’avait pu réellement soumettre20 ; sa gloire ne fait que mieux ressortir la mollesse et les exploits risibles de Constantin21, le premier empereur chrétien. Elle ne vaudra pas pour autant au Macédonien, trop identifié à la seule valeur militaire, au seul désir de tout vaincre22, la palme du concours. Le jury divin donne la préférence à Marc Aurèle le prince philosophe qui s’est donné comme principe d’action, celui d’imiter les Dieux23. À la veille de partir en campagne, Julien reste fidèle au choix exprimé dans la Lettre à Thémistius. La plupart des écrits de l’empereur reprennent les thèmes critiques, d’inspiration stoïcienne, présents dans toute une tradition romaine sur le personnage d’Alexandre. À l’exception de la lettre 111, Julien n’en fait nulle part l’incarnation de l’hellénisme dont il se veut lui-même le champion. Ses écrits ne sauraient justifier l’hypothèse d’une imitation consciente24 ou de l’obsession du modèle alexandrin que lui prêtent certains modernes25.
3Le témoignage des contemporains ne plaide pas nécessairement non plus dans ce sens. Les références « alexandrines » reviennent certes assez souvent chez trois auteurs de culture grecque où s’expriment les différentes nuances de la religiosité païenne, qu’ils soient admirateurs (Ammien Marcellin, Libanius) ou simplement proche (Thémistius) de Julien. Mais dans le débat autour du règne de l’Apostat, où s’affrontent païens et chrétiens, on aurait pu s’attendre à ce que ce type d’évocations revête une charge idéologique plus forte.
4Les admirateurs païens de Julien n’hésitent pas à mettre en parallèle les deux princes, mais on tend trop souvent à surévaluer la portée de ces rapprochements. Les Res Gestae d’Ammien Marcellin26 contiennent ainsi dix-huit références au Macédonien, dont beaucoup, toutefois, accompagnent de simples notations topographiques ponctuelles. La majorité (dix)27 concerne l’expédition perse ou la personne même de Julien, dont l’historien a fait son héros. Mais s’il confronte les comportements, et constate éventuellement certaines similitudes, Ammien n’en conclut pas pour autant que Julien ait volontairement imité Alexandre : il n’utilise explicitement le terme imitatio que dans une seule référence, relativement anecdotique28. L’historien semble conscient que multiplier les références à Alexandre à propos d’une expédition désastreuse risquerait de porter ombrage à l’image de l’empereur29. Et de fait, lorsqu’il évoque avec admiration son courage physique et ses vertus guerrières, il le fait dans des termes et avec des modèles plus romains (César et Trajan) que grecs30. Certes, aucune des références négatives habituelles sur sa violence, sa cruauté, ne vient entacher l’image d’Alexandre ; elle a malgré tout, chez cet historien originaire d’Antioche qui se définit lui-même comme graecus et miles31, beaucoup perdu de sa grandeur et semble se réduire en fait à un certain nombre d’exempla d’école.
5Libanius, grand défenseur d’un hellénisme politique traditionnel, celui de la cité, et admirateur de l’Apostat avec lequel il entretenait des relations personnelles32, n’a pas manqué de confronter l’image des deux princes. Dans l’Epitaphios et la Monodie sur Julien, il évoque l’attache-ment de l’empereur à la mémoire du héros33, et souligne le parallélisme de ces deux destins précocement brisés34. Il va jusqu’à prêter à Julien l’intention de chercher le combat avec Sapor sur le site de la bataille d’Arbèles afin d’y remporter une victoire digne de son modèle ; comme s’il s’était préparé ensuite à s’enfoncer vers les profondeurs de l’Inde35. Ni Ammien ni Zosime ne mentionnent ce point qui ne correspond guère à l’idée que l’on peut se faire des objectifs probablement assez limités de la campagne engagée par les Romains36. Le ton général de ces discours, l’imprécision de leur contenu factuel, incitent cependant à ne voir là qu’un simple ornement rhétorique visant à donner une ampleur épique à la fin de Julien et non une information fiable sur sa stratégie ou ses motivations profondes. De fait il faut d’autant plus nuancer le poids du modèle alexandrin, de sa portée politique ou religieuse que les allusions n’y sont pas finalement si nombreuses (huit pour quatre discours !)37 et que l’orateur n’hésite pas à exprimer ses réserves sur le personnage de ce roi qui « donnait prise à la critique »38 et qui allait jusqu’à se dire fils de Dieu39.
6Le rapport de Thémistius à Julien semble plus ambigu encore. Bien que correspondant de l’empereur, il ne l’a pratiquement pas évoqué dans les discours qui nous sont parvenus : sans doute pour des raisons de divergences idéologiques et d’opportunisme politique40. L’usage que fait de la légende alexandrine cet orateur officiel bien en cour à Constantinople auprès des successeurs de l’Apostat, témoigne des formes de sa survie dans les milieux attachés à une certaine idée de la paideia classique41 mais étrangers au militantisme païen de Julien. Les discours politiques de Thémistius y recourent pour illustrer le comportement idéal du bon empereur ; mais, curieusement, ces exempla font de l’image du Macédonien un modèle à dépasser, sur deux points particulièrement chers à l’orateur. L’empereur doit savoir non seulement s’entourer de philo-sophes mais surtout se ranger à leurs avis à la différence du roi moins attentif à Aristote que Valens à Thémistius42. Conçu d’une manière plus familière aux royautés hellénistiques qu’à la tradition romaine, comme la loi vivante (et non le gardien ou le maître de la loi), le détenteur du pouvoir impérial manifeste sa toute-puissance en pratiquant la vertu de philanthropie qui consiste en un souci d’améliorer et de corriger sans cesse la législation existante et trouve dans le droit de grâce son expression la plus forte43 ; Alexandre, trop uniquement occupé faire la guerre44, ami des Macédoniens mais pas des Grecs45, qui n’a pas toujours su montrer l’indulgence nécessaire, n’incarne pas cette philanthropie universelle que Thémistius prétend voir chez Valens ou Théodose46.
7Utilisé par les chrétiens adversaires de l’Apostat, le thème de l’imitation d’Alexandre ne fait plus seulement fonction d’ornement rhétorique mais prend une tonalité critique dont les modernes n’ont pas toujours tenu compte. Ainsi l’Histoire ecclésiastique de Socrate évoque-t-elle Julien, persuadé sous l’influence des théories de Pythagore et de Platon sur la métempsychose, d’être habité par l’âme d’Alexandre47. Le ton ironique de cette notation semble évident : il s’agit de montrer, à travers l’échec de l’expédition perse, les effets catastrophiques de l’enseignement des philosophes qui entouraient l’empereur et entretenaient ses prétentions ridicules. Aucune autre source n’affirme aussi clairement que Julien prétendait s’identifier à Alexandre ; le caractère ouvertement polémique de cette présentation lui enlève beaucoup de sa crédibilité48. Déjà, dans sa Deuxième Invective contre Julien49, Grégoire de Nazianze ironisait de manière assez semblable sur la fin de l’empereur : blessé à mort celui-ci aurait tenté de disparaître en se précipitant secrètement dans l’Euphrate, de façon que l’absence de son cadavre puisse faire croire à sa montée au ciel. L’anecdote s’inscrit dans une virulente attaque contre l’hellénisme, ses philosophes, ses mythes, ses dieux ; à travers les deux personnages, Grégoire s’attaque aux prétentions des hommes d’exception à la divinisation et à la pratique officielle de l’apothéose50. Aucune autre source ne mentionne l’épisode ; on y reconnaît toutefois aisément l’écho d’un des récits de la mort d’Alexandre, rejeté par Arrien mais repris et développé dans une des versions de la recension A du Roman d’Alexandre51.
8La figure classique du fils de Philippe paraît ainsi prendre plus facilement sa place dans la diatribe chrétienne que dans l’argumentaire des défenseurs de la culture traditionnelle.
Alexandre le Grand pour tous
9Mais, comme l’ont montré L. Cracco-Ruggini52 et plus récemment J. P. Callu53, l’imaginaire latin du Bas Empire se nourrit d’une autre « culture alexandrine », qui cherche à rompre avec les cadres classiques, à effacer la distinction entre le fictif et l’événementiel, à humaniser les personnages d’exception tout en les confrontant aux mondes les plus exotiques. Allégée de son contenu idéologique, cette nouvelle culture « alexandrine » a développé, par le biais de supports variés, une imagerie capable de séduire des publics socialement et religieusement très divers. En témoigne le succès du thème de la naissance d’Alexandre, fruit des amours d’Olympias et d’un serpent monstrueux : au lieu de le traiter selon la tradition transmise par Plutarque et d’y évoquer l’origine divine du héros, il semble que les artistes se soient inspirés du Pseudo-Callisthène qui modifiait l’esprit de l’anecdote54 en la traitant conformément au goût tardif pour le merveilleux et l’irrationnel. Une mosaïque dans la villa romaine de Soueidé près de Baalbeck55, datée de la fin du ive s., représente ainsi une femme assise, avec tout contre son bras droit un serpent dressé dont la tête se trouve à la hauteur de son propre visage, comme prêt à l’embrasser ; à sa gauche un homme regarde dans la direction opposée. Il s’agit d’Olympias et de Philippe dans une scène inspirée d’un passage précis du Roman d’Alexandre (I, 10) : Nectanébo, le pharaon magicien, avait prédit à la reine la visite nocturne d’Ammon, et, sous le déguisement du dieu, s’était uni à elle ; il réapparaît ensuite aux côtés d’Olympias, sous le même aspect (en serpent à tête de bélier) pour faire taire les soupçons de Philippe et le persuader que c’était vraiment d’un être divin qu’elle avait reçu les faveurs56. La dimension religieuse cède la place ici aux plaisirs de l’imaginaire.
10C’est peut-être le même épisode qu’évoquent certains revers des contorniates57. Ces médaillons de bronze frappés à Rome entre le milieu du ive siècle et le milieu du ve s. font une place importante à Alexandre et à sa légende, aux côtés de figures impériales romaines et de représentations liées au cirque ainsi qu’à ses spectacles. Au droit figure le portrait d’Alexandre avec ou sans léontè, ainsi que celui d’Olympias-Omphale ; au revers, le héros à cheval terrassant un barbare ou Olympias au serpent58. A. Alföldi a cru voir dans ces pseudo-monnaies un outil de propagande antichrétienne mis en œuvre par l’aristocratie romaine fidèle à ses traditions religieuses ; l’intérêt pour Néron premier persécuteur du christianisme pouvait y faire penser59. Une meilleure connaissance du matériel et de ses conditions de production a remis en question cette lecture et l’on tend plutôt, du fait de l’importance donnée au cirque, à la course de char et à ses acteurs, aux figures symboliques de la victoire, à conférer à ces médailles une fonction de porte-bonheur, de talisman magique60. Et de fait, l’auteur de l’Histoire Auguste rappelle que dans la famille romaine des descendants de l’usurpateur Macrien, on aimait porter des parures ornées de l’image d’Alexandre, conçue comme un gage de succès dans les entreprises61 ; de son côté Jean Chrysostome reproche aux chrétiens antiochéens de son auditoire le soin mis par nombre d’entre eux à s’envelopper de la tête aux pieds de médailles d’Alexandre62. Ces pratiques de superstition ou de magie échappent à une qualification religieuse explicite, y compris dans la législation qui les poursuit mais ne les range pas pour autant parmi les coutumes païennes ; elles imprègnent la vie quotidienne des chrétiens comme des païens63 et s’accordent avec le goût du merveilleux qui fait le succès du Roman d’Alexandre.
11Les biographies de l’Histoire Auguste si souvent tentées par la « mythistoria »64 s’inscrivent dans un contexte culturel identique. Ce recueil composé dans une atmosphère païenne65 mais destiné à un public largement pénétré par le christianisme, n’accorde pas une place considérable à la figure d’Alexandre : les allusions au Macédonien sont très rares dans les premières biographies, les plus sérieuses, ainsi que dans les dernières, les plus fantaisistes, qui omettent par exemple de signaler l’influence du modèle alexandrin sur l’empereur Aurélien66. L’essentiel des références concernent le règne de Caracalla et surtout celui de Sévère Alexandre67. Difficile d’y trouver un contenu politique cohérent. Parmi les modèles que se donne Caracalla, prince très décrié par la tradition historiographique sénatoriale, Alexandre voisine avec Tibère et Sylla : à vouloir l’égaler, le prince n’en devient que plus tyrannique68 ! Le discours change à propos d’Alexandre Sévère idole de la tradition sénatoriale. Le même comportement mimétique que chez Caracalla échappe à la critique : « il s’efforçait de se montrer digne du nom qu’il portait et même de surpasser le Macédonien »69. Même lorsque Sévère Alexandre va jusqu’à introduire dans l’armée une unité de type macédonien, une phalange de trente mille hommes, il ne suscite pas de la part de l’auteur les critiques habituelles à toute une tradition romaine contre les imitateurs d’Alexandre accusés de trahir la romanité70. Le biographe, en faisant, contre toute attente, de la campagne romaine contre les Perses, en 231, un succès, rend légitime le rapprochement entre l’empereur et le héros71. Mais cet érudit, amateur de supercheries littéraires, se plaît surtout aux jeux de mots et aux énumérations, comme celle des très nombreux présages72 de l’arrivée au pouvoir d’Alexandre Sévère fondés sur la parenté de nom et l’identité de date entre la naissance d’Alexandre Sévère et la mort du Macédonien. Et le biographe de rappeler que le jour où Alexandre Sévère venait au monde une étoile de première grandeur avait brillé très longtemps sur Arca Césarée73 : lointain écho de la comète apparue au-dessus du bûcher de César ou plutôt clin d’œil subtilement provocateur en direction d’un public qui connaissait les Évangiles ? Christianisme et paganisme se réconcilient dans le merveilleux d’une naissance extraordinaire ; tout comme dans le laraire de l’empereur où cohabitent parmi les bienfaiteurs de l’humanité Alexandre le Grand, Abraham, Orphée et le Christ74.
Alexandre le Grand et la littérature chrétienne
12La littérature chrétienne latine ne semble pas accompagner ce processus d’exorcisme et d’assimilation de l’histoire alexandrine à laquelle elle ne fait guère de place. Le Macédonien est peu présent chez Jérôme, qui donne de son règne un commentaire symbolique dans l’exégèse des prophéties de Daniel : il correspondrait au troisième royaume, celui d’airain, auquel succède le royaume de fer, celui de Rome, dont la chute ouvre la voie au règne de Dieu75. En revanche Augustin et Orose s’attaquent à la figure du conquérant retrouvant à son propos les jugements très négatifs déjà présents dans toute une partie de la tradition romaine chez Lucain ou Sénèque76. La Cité de Dieu, qui se réfère rarement à Alexandre, assimile ses succès militaires à une forme massive de ce qui reste avant tout du brigandage : l’histoire en a fait un « empereur » pour la seule raison qu’il disposait de grands moyens et non d’un simple navire de pirate77. Un pouvoir sans légitimité politique ni légitimité morale, un déploiement de puissance d’une ampleur surprenante mais éphémère78, c’est à quoi se résume l’aventure du héros. Mais il récuse aussi les tentatives de « récupération » que semblaient autoriser certaines versions consensuelles du Roman d’Alexandre. Il se refuse ainsi à interpréter le sacrifice offert dans le temple de Jérusalem comme le signe d’une véritable allégeance au Dieu véritable car, non suivi d’une renonciation aux faux dieux, cet acte porte en fait la marque de l’impiété79. Orose, à sa suite, reprend certains de ces thèmes de manière systématique dans ses Histoires contre les Païens80. Il faut maudire le Macédonien d’avoir prétendu soumettre l’univers entier à sa seule volonté au travers d’une conquête animée principalement par la soif de sang81. La valeur militaire incontestable du chef trouve son revers tragique dans le désespoir des populations victimes de ces conflits82. Rien de bien neuf dans ces invectives qui doivent beaucoup à Justin dont s’inspire Orose83 ; elles tranchent clairement néanmoins, au-delà de leur caractère rhétorique, avec l’Alexandre du Roman.
13En Orient le discours des Pères ne fait guère de place à une figure sans doute trop populaire dans la région ou bien l’aborde sur le mode polémique.
14Certes, l’affirmation publique par Constantin de son appartenance à la foi chrétienne a coïncidé avec le développement, à partir de 325, d’une iconographie monétaire empruntant souvent aux anciennes représentations d’Alexandre : l’empereur y figure la tête entourée du diadème et le regard tourné vers le ciel. Par ce modèle ancien s’exprime la nouvelle théologie d’un pouvoir impérial qui tire de plus en plus sa légitimité de sa relation avec Dieu. Et de fait, dans la Vie de Constantin qu’il compose vers 337, Eusèbe de Césarée choisit comme seuls dignes d’être mis en parallèle avec son héros, Cyrus et Alexandre84. Mais l’évêque compare pour mieux faire ressortir la supériorité du prince chrétien. Celui-ci l’emporte par le caractère durable comme par l’étendue de ses conquêtes où il diffuse en même temps la vraie religion85, par les vertus dont il a fait preuve dans l’exercice du pouvoir86, et surtout par les conditions de sa fin : alors que le Macédonien meurt sans enfant, en territoire étranger et hostile, comme si la mort l’arrachait pour « l’empêcher de nuire d’avantage à la race humaine »87, Constantin s’éteint vêtu d’un étincelant habit blanc, marque du baptême tout récent qui lui ouvre la voie de la vie éternelle88.
15À la fin du siècle, devant son public d’Antioche, Jean Chrysostome n’évoque le personnage d’Alexandre qu’en termes négatifs89. L’orateur récuse la figure d’un prince ouvertement associé à des pratiques superstitieuses, comme la croyance à l’efficacité protectrice des médailles à son effigie : comment mettre l’espoir de son salut dans l’image d’un roi païen90 ? Et dans un curieux passage de l’Homélie sur la 2e épitre aux Corinthiens, c’est la prétention à la divinisation des hommes d’exception que Jean Chrysostome met en cause91. Il évoque à ce propos une anecdote (née de la confusion entre des traditions légendaires empruntées à Clément d’Alexandrie et à Eusèbe de Césarée)92 selon laquelle le Sénat romain qui considérait Alexandre comme le treizième dieu aurait, en réponse à une question de Pilate, refusé de reconnaître la divinité du Christ ; et l’orateur d’ironiser sur le dieu Alexandre, sur sa mort misérable malgré toutes ses victoires, sur l’absence de toute forme de sa survie, sur l’ignorance du lieu de sa tombe, face à la gloire du Christ que ses multiples triomphes et surtout sa résurrection proclament dieu aux yeux de tous, hors de tout décret humain. Ce long développement surprend, dans une œuvre qui mentionne assez rarement le héros macédonien ; à en croire J. Straub93, il ferait écho aux polémiques sur la consecratio des empereurs morts, entretenue par le cas de Julien que certains de ses proches avaient associé à l’image d’Alexandre. Il faut surtout y voir une réaction contre la popularité persistante du roi et contre toute une tendance à neutraliser son image pour la faire échapper au discours païen et à « cautionner la marchandise par une légère teinte de christianisme »94.
16De fait, parmi les aventures du Macédonien, la rencontre fictive avec les brahmanes représentés par leur chef Dindimus (ou Dandamis)95, a donné lieu à des versions, sinon christianisées, du moins intéressantes pour un public chrétien. L’épisode qui tient une bonne place dans le Roman d’Alexandre, fait à lui seul, l’objet de deux textes : la Collatio Alexandri et Dindimi datée de la fin ive - début ve siècles96, et le Commonitorium, plus tardif, attribué, pour partie au moins, à l’évêque d’Hélénopolis, Palladius, auteur par ailleurs de la collection de biographies des principales figures du monachisme appelée l’Histoire Lausiaque97. L’intérêt pour les sagesses orientales de la part d’un public chrétien ne surprend pas : au siècle précédent Hippolyte de Rome et Tertullien montraient déjà leur connaissance de la doctrine des gymnosophistes98. Le premier traité, traduction probable d’un original grec païen, se présente sous forme d’un échange de lettres qui offre l’occasion à Dindimos d’exposer longuement ses critiques à l’égard des pratiques grecques et d’exalter le genre de vie, la morale et les croyances des sages indiens99. L’éloge d’une ascèse rigoureuse100, y va de pair avec le refus du polythéisme101, des sacrifices sanglants102, du culte des morts103, ainsi qu’avec l’affirmation d’un dieu unique104. Les brahmanes se déclarent non des habitants mais des étrangers de passage sur la terre, en des termes qui rappellent toute une thématique chrétienne déjà présente dans les épîtres de Pierre et de Paul105. Autant de sujets bienvenus pour des lecteurs chrétiens, même si la manière dont ils sont traités rappelle peut-être davantage l’enseignement des cyniques que celui des Évangiles106. L’auteur donne toutefois le dernier mot à Alexandre et prend donc peut-être par là implicitement son parti : le roi justifiant la culture grecque au nom de l’exercice d’une liberté capable de choix et de modération dans l’usage des choses de la vie. Mais il conteste surtout, non sans ironie, les mérites de l’ascèse des brahmanes : le dépouillement dont ils se montrent si fiers leur est tout simplement imposé par les contraintes du milieu physique107 ! Il ne va pas cependant jusqu’à prendre la défense du polythéisme mis en cause par Dindimus et n’assume donc pas la tradition culturelle dans sa totalité. Le débat concerne en fait les excès et les illusions de l’ascétisme. Ce dernier triomphe dans le deuxième traité qui met directement en présence les deux hommes et laisse le dernier mot à Dindimus108. Le roi y fait figure d’interlocuteur constamment mis en situation d’infériorité, incapable de s’opposer véritablement à son hôte. Ses cadeaux sont refusés et il se trouve contraint de reconnaître sa faiblesse et les menaces qui pèsent sur son pouvoir ; face à lui triomphe l’ascète dont les propos sur le dieu unique créateur universel, sur la condamnation des sacrifices sanglants et de la guerre, ne diffèrent de ceux transcrits par la Collatio que par leur christianisation plus poussée. Dans sa rhétorique simplificatrice, le dialogue donne gain de cause au discours de l’ascète qui convenait parfaitement à des oreilles chrétiennes. La légende alexandrine vient indirectement alimenter un débat fondamental pour la communauté chrétienne en cette fin du ive siècle : celui qui se développe autour de l’ascétisme. On a pu ainsi prétendre que la Collatio prenait son sens dans le contexte des protestations de Jovinien contre les excès de l’ascétisme monastique encouragé par Jérôme109, alors que le Commonitorium apparaissait au contraire comme un plaidoyer en faveur de cette rigueur.
17Certains s’efforcent toutefois de lutter contre ces confusions, et d’affirmer la spécificité de l’attitude chrétienne : c’est le cas d’Ambroise grand défenseur des exigences de l’ascétisme et bon connaisseur en même temps des pratiques « indiennes ». Son correspondant, le prêtre Simplicianus, avait évoqué la réponse de Calamos refusant de se soumettre à la volonté d’Alexandre et proclamant qu’aucune forme de violence ne pouvait s’imposer à l’âme des sages indiens. L’évêque de Milan lui répond qu’il ne voit là que de belles paroles ; la vraie liberté, la vraie sagesse se trouvent ailleurs, en Christ, dans l’Évangile. Suivre le Christ a donné même aux jeunes vierges la force de marcher volontairement sans faiblir vers la mort110. Pas plus que les philosophes, les sages indiens ne peuvent accéder à cette liberté transcendante : les uns comme les autres n’appartiennent pas au même monde que les saints martyrs.
18Le nombre et la variété des sources concernant Alexandre ne doit pas faire illusion sur la prégnance idéologique de son image. À l’époque de la confrontation, moins radicale qu’on ne l’a dit, entre chrétiens et païens, le Macédonien ne semble pas tenir une place significative dans l’argumentaire des deux camps, même si les auteurs ecclésiastiques tendent plus facilement que d’autres à le prendre pour cible : Augustin condamne comme Thémistius ses excès guerriers, et Jean Chrysostome s’accorde avec Julien pour lui reprocher ses prétentions à la divinité. Les sources tardives ne traduisent pas de véritable regain de vitalité du modèle alexandrin tant sur le plan politique que culturel. Julien ou Thémistius, dans des optiques très différentes, développent une réflexion sur le pouvoir impérial qui lui est en partie opposée. Le temps de l’empire ouvert et de l’expansion universaliste de Rome s’éloigne, les menaces gothiques s’accumulent aux frontières danubiennes : autant de facteurs qui vont enlever à la grande conquête orientale un peu de son actualité111. A l’extrême fin du siècle, le poète Claudien, pourtant formé dans les écoles grecques d’Alexandrie, ne mentionne que rarement le fondateur de sa cité d’origine112. Mais dans le même temps, aux dépens du personnage « historique » tend à s’imposer la figure d’un Alexandre « imaginaire » enrichie par les multiples versions de l’œuvre attribuée au Pseudo-Callisthène, les descriptions d’un Orient de fantaisie, les relations d’entretiens fictifs avec des brahmanes si proches des chrétiens. La fiction lui confère des traits assimilables par tous, au-delà des appartenances religieuses, ceux d’un héros universel.
Notes de bas de page
1 Lellia Cracco-Ruggini, « Sulla cristianizzazione della cultura pagana : il mito greco e latino di Alessandro dall’eta antonina al Medioevo », Athenaeum, 43, 1965, p. 15.
2 Jean-Pierre Callu, « Alexandre dans la littérature de l’Antiquité tardive », in Alexandre le Grand dans les littératures occidentales et proches orientales, Colloque de Paris 1997, Université de Paris Nanterre, 1999, p. 35.
3 Il s’agit de : 1) Res Gestae Alexandri Macedonis (traduction du « Roman d’Alexandre ») par Iulius Valerius Alexander Polemius (1er tiers du ive s.). 2) Itinerarium Alexandri (vers 340). 3) Epitoma Rerum Gestarum Alexandri Magni (fin ive début ve s.). 4) De morte testamentoque Alexandri Magni (fin ive s.). Sur ces quatre ouvrages et leur datation voir Reinhart Herzog ed., Handbuch der lateinischen Literatur der Antike, V Restauration und Erneuerung, 284-374 p. Chr., München, 1989, pp. 212-217, et R. Stoneman, « The Latin Alexander », in H. Hofman ed., Latin Fiction, Londres, 1999, pp. 167-86. 5) « La lettre d’Alexandre de Macédoine à Aristote, son maître, sur son expédition et la description de l’Inde », cf. W. Walther Boer éd., Epistola ad Aristotelem, Beitr. z. klass. Philologie, vol. 50, Meisenheim, 1973. 6) Collatio Alexandri et Dindimi. 7) Commonitorium Palladii. Sur ces deux derniers textes, cf. infra, n. 96 et 97.
4 L’Itinerarium Alexandri est daté du règne de Constance II, aux alentours de 340, cf. R. Herzog, op. cit., p. 215 et J. P. Callu, op. cit., p. 44.
5 Cf. infra, p. 280.
6 Lellia Cracco-Ruggini, op. cit., passim.
7 Sur cette tradition, cf. Adrien Bruhl, «Le souvenir d’Alexandre le Grand et les Romains », Mélanges de l’École Française de Rome, 47, 1930, pp. 201-221 ; P. Ceaucescu, « La double image d’Alexandre le Grand à Rome », Studi Classice, 16, 1974, pp. 154-165 ; Gerhard Wirth, « Alexander und Rom », in Alexandre le Grand. Image et réalité (Fond. Hardt XXII), Genève, 1976, pp. 181-210 ; Pierre Vidal-Naquet, « Alexandre le Romain », en appendice à Arrien, Histoire d’Alexandre (trad. P. Savinel), Paris, 1984, pp. 330-343 ; du même, « Les Alexandres », in Chantal Grell et Charles Michel, (éds.) L’école des princes ou Alexandre disgracié, Paris, 1988, pp. 12-24 ; François de Polignac, « Alessandro o la genesi di un mito universale », in Salvatore Settis, ed. I Greci, vol. II, 3 Trasformazioni, pp. 271-92.
8 L. Cracco-Ruggini, art. cit. pp. 47-52.
9 Dans l’abondante bibliographie sur le sujet citons : Norman Baynes, « Julian the Apostate and Alexander the Great », English Historical Review, 27, 1912, pp. 759-60 ; Joseph Bidez, La vie de l’empereur Julien, Paris, 1965 ; Glenn Warren Bowersock, Julian the Apostate, London, 1978, pp. 14-15 ; Polymnia Athanassiadi-Fowden, Julian and Hellenism. An intellectual biography, Oxford, 1981 ; Jean Bouffartigue, L’Empereur Julien et la culture de son temps, Paris, 1988, pp. 397-8, 443-5, 662 ; Rowland Smith, Julians Gods, London, 1985, pp. 12-13 ; C. Franco, « L’immagine di Alessandro in Giuliano imperatore », Studi Classici e orientali, XLVI 2, 1997, pp. 637-58 ; Robin Lane Fox, « The itinerary of Alexander : Constantius to Julian », Classical Quarterly, XLVII 1, 1997, pp. 239-252.
10 Julien, Éloge de Constance ii, 17 c-d, (L’Empereur Julien, Discours de Julien César, t. I, 1, éd. Joseph Bidez, CUF, Paris, 1932).
11 Julien, ibidem, 45, d.
12 Julien, ibidem, 41, c.
13 Julien, ibidem, 45, d, et Constance ou de la royauté, 96, b (L’Empereur Julien, Discours de Julien César, t. I, 1).
14 C. Franco, art. cit., p. 641.
15 Julien, À Thémistius, 253 a (L’Empereur Julien, Discours de Julien l’Empereur, t. II, 1, éd. Gabriel Rochefort, CUF, Paris, 1963).
16 Ibidem, 264 c-d : la comparaison joue naturellement en faveur de Socrate.
17 Julien, lettre 111, 434 c (L’Empereur Julien, Lettres, éd. Joseph Bidez, CUF, Paris 1924).
18 Julien, Les Césars, (L’Empereur Julien, Discours de Julien empereur, t. II, 2, éd. Christian Lacombrade, CUF, Paris 1964) ; sur cette œuvre voir aussi Christian Lacombrade, « L’empereur Julien émule de Marc Aurèle », Pallas, 14, 1967, pp. 9-22 ; B. Baldwin, « The Caesares of Julian, » Klio, XL, 1978, pp. 449-66 ; Giuliano Imperatore, Simposio I Cesari, a cura di Rosanna Sardiello, Lecce, 2000.
19 Julien, Les Césars, 316 b.
20 Julien, ibid. 324 d.
21 Julien, ibid. 329 a-b.
22 Julien, ibid. 330 b.
23 Julien, ibid. 333 c.
24 N. Baynes, art. cit. ; G. Wirth, art. cit., pp. 203-210 (l’auteur introduit toutefois une nuance importante en opposant le rêve de l’empereur et la réalité de sa politique) ; G. W. Bowersock, op. cit., pp. 14-16 ; et surtout P. Athanassiadi-Fowden, op. cit., pp. 193, 199, 224. Critique convaincante de ce point de vue in R. Lane Fox, art. cit. supra, pp. 240-50.
25 P. Athanassiadi- Fowden, op. cit. p. 224 : « when he was identifying more and more with Alexander as a supreme model ».
26 Sur Alexandre le Grand dans les Res Gestae voir : Hans Drexler, Ammianstudien, Hildesheim, 1974, pp. 147-50 ; Rosario Soraci, « La figura di Alessandro Magno nell’opera di Ammiano Marcellino », (in W. Will, J. Heinrichs éds., Zu Alexander der Grosse, Festschrift Gerhard Wirth, 1988) pp. 1007-1022 et Joachim Szidat, « Alexandrum imitatus, Die Beziehung Julians zu Alexander in der Sicht Ammians », ibid., pp. 1023-35 ; Francisco Javier Lomas Salmonte, « Lectura helenica de las Res Gestae Juliani de Ammiano Marcellino a la sombra de Alejandro Magno », in Alejandro Magno modelo de los emperadores romanos, Actes du ive coll. intern. de la S.I.E., éd. J. M. Croisille, coll. Latomus 229, Bruxelles, 1990, pp. 306-27.
27 Ammien Marcellin, Res Gestae 16, 5, 4 ; 20, 7, 17 ; 21, 8, 3 ; 22, 8, 40 ; 23, 6, 2; 23, 6, 3; 23, 6, 8 ; 23, 6, 22 ; 24, 4, 27 ; 25, 4, 15. Certaines de ces références ne sont que géographiques, elles rapprochent néanmoins des itinéraires et suscitent ainsi des parallèles implicites.
28 Cf. J. Szidat, art. cit., p. 1026 : 24, 4, 27 et 25, 4, 15 ; un seul usage du terme imitare : 24, 4, 27 : Julien ne veut pas approcher de belles captives perses, « pour qu’on ne vît pas briser par le désir ceux qui s’étaient montrés partout invincibles aux travaux guerriers » (Ammien Marcellin, Histoire, t. IV, 1, trad. Jacques Fontaine, CUF, Paris 1977).
29 J. Szidat, art. cit., p. 1028.
30 Cf. les discours à l’armée (22, 12, 3 et 25, 4, 23) pleins de références au passé romain ; César mentionné en 25, 2, 3 et Trajan en 24, 2, 3 ; 24, 3, 9 ; 24, 6, 1 ; sur la romanité du Julien d’Ammien voir, entre autres, H. Tränkle, « Ammianus Marcellinus als römischer Geschichtsschreiber », Antike und Abendland, 11, 1962, pp. 21-33 et J. Fontaine éd., Ammien Marcellin, Histoires, t. IV 1re. p., CUF, Paris, 1977, p. 46-50.
31 Ammien Marcellin, Res Gestae, 31, 16, 9.
32 Sur l’attitude de Libanius vis-à-vis de Julien voir maintenant : Reinhart Scholl, Historische Beiträge zu den julianischen Reden, Palingenesia, XLVII, Stuttgart, 1994.
33 Libanius, or. XVII, 17 (Libanius, Selected Works, ed. A. F. N. Norman, t. I, The Julianic Orations, Londres 1969).
34 Libanius, or. XVIII, 297.
35 Libanius, or. XVIII, 260.
36 J. Szidat, art. cit., pp.1029-31 ; R. Scholl, op. cit., pp. 136-140.
37 Libanius, or. XIV, 34 ; XV, 1, 42, 80 ; XVII, 17, 32 ; XVIII, 260, 297.
38 Libanius, or. XVII, 32.
39 Libanius, or. XI, 77 ; sur les réserves de Libanius concernant la divinisation des hommes d’exception, cf. Père Jules Misson, Recherches sur le paganisme de Libanios, Louvain-Paris-Bruxelles, 1914, pp. 86-88.
40 Sur ce point cf. Gilbert Dagron, L’Empire Romain d’Orient au ive siècle et les traditions politiques de l’hellénisme, le témoignage de Thémistios (Centre de Rech. d’Hist. et Civ. Byzantines, Trav. et Mém. 3), Paris, 1968, pp.65-82 et 229-35 ; John Vanderspoel, Themistius and the imperial court, Ann Arbor, 1995, pp. 98-126. Ce point de vue est contesté par Thomas Brauch, « Themistius and the emperor Julian », Byzantion, 63, 1993, pp. 79-115 qui pour autant ne parle pas d’une proximité idéologique entre les deux hommes.
41 J. Vanderspoel, op. cit., pp. 124-6.
42 Thémistius, or. 8 (368) 107 a-b, or. 10 (370) 129 a-d et 130 a-d (cf. Themistios Staatsreden, trad. comm. Hartmut Leppin, Werner Portmann, Stuttgart, 1998).
43 Gilbert Dagron, op. cit., pp. 85-90 ; Thémistius, or. 10, 132 a-c ; or. 13 (376) 176 c-d ; or. 19, (383-4) 229 a-d.
44 Thémistius, or. 19, 229 d.
45 Thémistius, or. 10, 132 c.
46 Thémistius, or. 4 (357-8) 57 b-c.
47 Socrate, Histoire Ecclésiastique, III, 21 (Migne, P.G., 67, col. 432-3).
48 N. Baynes (art. cit., pp. 759-60) accorde trop de crédit à cette référence lorsqu’il analyse les motivations de Julien. Il utilise dans le même sens un passage de la Passio Sancti Artemii (Migne, P.G., 96, col. 1318) qui évoque la volonté de l’Apostat de s’identifier à Alexandre : mais le texte à la fois tardif et composite semble peu fiable (cf. R.J. Lane Fox, art. cit., p. 249).
49 Grégoire de Nazianze, Discours v, 14, 5 (Grégoire de Nazianze, Discours 4-5, Contre Julien, éd. Jean Bernardi, coll. S.C. 309, Paris, 1983).
50 Sur cette question cf. Johann Straub, « Die Himmelfahrt des Julianus Apostata », Gymnasium, 69, 1962, pp. 310-26 (repris ds J. Straub, Regeneratio Imperii, Darmstadt, 1972, pp. 159-76).
51 Arrien, Anabase, VII, 27, 3 ; Pseudo-Callisthène, Roman d’Alexandre, variantes, livre iii, 32, 1 (trad. G. Bounoure, Blanche Serret), Paris, 1992. Sur l’œuvre et ses différentes recensions voir maintenant : Corinne Jouanno, Naissance et métamorphoses du Roman d’Alexandre, Paris, 2002.
52 L. Cracco-Ruggini, «Sulla cristianizzazione della cultura pagana », p. 21.
53 J. P. Callu, « Propos sur l’imaginaire latin du Bas Empire », Stud. Ital. di Fil. Class., 35, 1990, pp. 392-412.
54 L. Cracco-Ruggini, « Sulla cristianizzazione », pp. 8-9 ; J. P. Callu, « Propos sur l’imaginaire », p. 398.
55 D. J. A. Ross, « Olympias et le serpent », Journal of the Warburg and Courtauld Institute, 26, 1963, pp. 1-21.
56 Pseudo-Callisthène, Roman d’Alexandre, I, 10.
57 Pour une étude globale de la question des contorniates et un état de la bibliographie, cf. Peter Franz Mittag, Alte Köpfe in neuen Händen, Urheber und Funktion der Kontorniaten, (Antiquitas, Reihe 3, Bd. 38), Bonn, 1999.
58 P. F. Mittag, op. cit., pl. 1-3 : droit (Alexandre, Olympias), pl. 15 : revers (Alexandre et barbare, Olympias et serpent). Pour D.J.A. Ross, art. cit., pp. 17-21, l’Olympias au serpent renvoie au récit traditionnel et non à celui du Roman d’Alexandre.
59 Andreas Alföldi, Die Kontorniaten, ein verkanntes Propagandamittel der städtrömischen heidnischen Aristocratie in ihrem Kampf gegen das christliche Kaisertum, Leipzig, 1942-3.
60 L. Cracco-Ruggini, « Sulla cristianizzazione », pp. 12-15 et « Un riflesso del mito di Alessandro nella Historia Augusta », in Historia Augusta Colloquium 1964-1965, Bonn, 1965, pp. 79-89 ; François de Polignac, « L’homme aux deux cornes », Mélanges de l’École Française de Rome, 96, 1984, pp. 47-8 ; P. F. Mittag, op. cit., pp. 148-178.
61 Histoire Auguste, v. Tyr. trig, 14, 3-6 ; sur ce passage voir L. Cracco-Ruggini, « Un riflesso ».
62 Jean Chrysostome, Instructions aux catéchumènes, II, 5 (Migne, P.G., 49, col. 240).
63 A. A. Barb, « The survival of magic arts », in Arnaldo Momigliano ed., The conflict between paganism and christianity in the fourth century, Oxford, 1963, pp. 101-125 et P. F. Mittag, op. cit., pp. 239-46 (avec références à la législation du Théodosien et aux Pères de l’Église).
64 J. P. Callu, « Alexandre dans la littérature », p. 40.
65 Sur l’atmosphère religieuse, cf. A. Chastagnol, Histoire Auguste, Paris, 1994, introd. pp. cxxxii-cl.
66 E. van ‘T Dack, « Alexandre le Grand dans l’Histoire Auguste », in Historia Augusta Colloquium, 1986-1989, Bonn, 1991, pp. 41-2.
67 Sur ce dernier voir C. Bertrand Dagenbach, Alexandre Sévère et l’Histoire Auguste, coll. Latomus 208, Bruxelles, 1990.
68 Histoire Auguste, v. Ant., 2, 2 : « Il ne cessait de parler d’Alexandre le Grand et de ses exploits et faisait dans les réunions publiques de fréquents éloges de Tibère et de Sylla » (trad. A. Chastagnol).
69 Ibid., v. Al. Sev., 50, 4 : « il s’efforcait de se montrer digne du nom célèbre qu’il portait et même de surpasser l’illustre Macédonien » (trad. A. Chastagnol). Sur le même thème cf. aussi 30, 3. Cette imitatio n’est pas présentée comme une source de ridicule. La seule note négative se situe à la fin de la vita : 64, 3 fait allusion à des reproches faits à l’empereur de s’identifier au héros, mais l’auteur ne semble pas du tout reprendre cette critique à son compte.
70 Ibid., 50, 5 ; sur ce type de critique contre les imitateurs d’Alexandre, cf. P. Ceaucescu, « La double image d’Alexandre le Grand », p. 165.
71 Ibid., 55, 2.
72 Ibid., 13-14.
73 Ibid., 13, 5 ; cf. J. Straub, Heidnische Geschichtsapologetik in der christlichen Spätantike (Antiquitas, Reihe 3, bd. 1), Bonn, 1961, p. 145 et n. 55.
74 Ibid., 31, 5.
75 Jérôme, Comm. in Dan., III, 39 (Migne, P.L., 25, 503-4). Le commentaire reste assez ambigu : l’airain y est interprété comme symbole de puissance mais aussi du fait du caractère sonore de ce métal, comme un symbole de la beauté et de l’éloquence de la langue grecque. Pour le reste, les indices (P.L. 30) donnent une dizaine de références pour la totalité de l’œuvre ; il s’agit, pour la plupart, de mentions factuelles, exempla sans signification idéologique.
76 Lucain, Pharsale 10, 1, 52 ; Sénèque, Lettres à Lucilius, 15, 94, 2 ; De ira, 3, 17, 1.
77 Augustin, Cité de Dieu, IV, 4 (éd. G. Bardy et G. Combes, Bibl. Aug., t. 33, Paris, 1959).
78 Ibid., XVIII, 42 (Ibidem., t. 36, Paris, 1960).
79 Ibid., XVIII, 45 ; sur l’épisode fictif rapporté par le Roman d’Alexandre (variante de II, 24) cf. Marcel. Simon, « Alexandre le Grand juif et chrétien », Revue d’histoire et de philosophie religieuse, 21, 1941, pp. 177-91.
80 Orose, Histoires (contre les Païens), (éd. M. Arnaud-Lindet) CUF, Paris, 1990, III, 12-20.
81 Ibid., III, 14, 10 ; III, 18, 10.
82 Ibid., III, 20, 10.
83 Orose, Histoires (contre les Païens), (éd. M. Arnaud- Lindet), t. 1, CUF, Paris, 1990, pp. xxvi-xxvii.
84 Eusèbe de Césarée, Vie de Constantin, I, 7, 1 (Migne, P.G., 20, col. 917-8) ; à propos de ce texte voir : Eusebius, The Life of Constantine, (trad. comm. Averil Cameron, Stuart G. Hall), Oxford, 1999.
85 Ibidem, I, 8.
86 Ibidem, I, 9, 1-2.
87 Ibidem, I, 7, 2.
88 Ibidem, IV, 62, 5
89 Jean Chrysostome prêche à Antioche entre 386 et 398.
90 Jean Chrysostome, Instructions aux catéchumènes, cf. supra, n. 63.
91 Jean Chrysostome, Homélie 26 Sur la 2e ép. aux Cor., IV (Migne, P. G., 61, 581).
92 J. Straub, « Divus Alexander-Divus Christus », Festschrift Johannes Quasten, 1970, pp. 461-73, repris in Regeneratio Imperii, Darmstadt, 1972, pp. 178-194.
93 J. Straub, art. cit., p. 185.
94 J.-P. Callu, « Alexandre dans la littérature », p. 37.
95 Sur Alexandre et les brahmanes, voir Günther Christian Hansen, « Alexander und die Brahmanen », Klio, 43-45, 1965, pp. 351-380 ; Beverley Berg, « Dandamis : an early christian portrait of Indian ascetism », Classica e Mediaevalia, 31, 1970, pp. 269-305.
96 Texte de la Collatio in T. Pritchard, « The Collatio Alexandri et Dindimi : a revised text », Classica e Mediaevalia, 46, 1995, pp. 262-83 ; cf. aussi L. Cracco-Ruggini, « Sulla cristianizzazione », pp. 44-51 ; J. P. Callu, « Alexandre dans la littérature latine », pp. 34-36.
97 L. Cracco-Ruggini, « Sulla cristianizzazione », pp. 21-45 ; J. P. Callu, « Alexandre dans la littérature », pp. 34-36 ; éléments de la traduction latine du texte dans sa version ambrosienne, in T. Pritchard, « The Ambrose text of Alexander and the brahmans », Classica e Mediaevalia, 44, 1993, pp. 109-139.
98 Hippolyte, Ref. omn. haer., I, 24, 1-7 (ed. M. Marcovich, New York, 1986) ; à ce sujet voir J. Filliozat, « La doctrine des brahmanes d’après Saint Hippolyte », Revue de l’histoire des Religions, 130, 1945, pp. 58-91 ; Tertullien, Apologeticum, 42, 1.
99 Cf. T. Pritchard « The Collatio... », cf. n. suivantes.
100 Ibid., II, 11-12, p. 266.
101 Ibid., II, 18-20, pp. 268-9.
102 Ibid., II, 16, p. 267.
103 Ibid., II, 8, p. 265.
104 Ibid., IV, 1, p. 270.
105 Ibid., IV, 1, p. 270 ; Paul, Ép. aux Hébreux, 13, 14, Pierre, I ép., I, 18 ; cf. aussi Pasteur d’Hermas, Sim. I, 1 (éd. R. Joly, S.C., 53, Paris 1997), À Diognète, V, 5-6 (éd. H.I. Marrou, S.C., 33 bis, Paris 1997).
106 L. Cracco-Ruggini, « Sulla cristianizzazione », pp. 41-47.
107 Cf. T. Pritchard, « The Collatio », V, 1-6, pp. 271-73.
108 Cf. T. Pritchard, « The Ambrose text », II, 41-56, pp. 127-132.
109 C. Morelli, « Sulla trace del romanzo e della novella, I : Alessandro e Dandamis », Studi Italiani, I, 1920, pp. 73-100.
110 Ambroise, Epistulae, II, 7, 34-35 (in Sant’Ambrogio, Opera Omnia, ed. Gabriele Banterle, t. 19), Milano, 1988.
111 G. Wirth, Der Weg in die Vergessenheit, zum Schicksal des antiken Alexanderbildes, Wien, 1993, p. 30.
112 G. Wirth, op. cit. p. 54 (mais Alan Cameron, Claudian, poetry and propaganda at the court of Honorius, Oxford, 1970, pp. 342-3 est moins affirmatif sur ce point).
Auteur
Université Jules-Verne, Amiens
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