La mémoire au coin de l’oreille
Memory and Ear Lobe
p. 55-75
Résumés
Une série d’intailles et de camées d’époque romaine portent l’image d’une main qui pince le lobe d’une oreille entre le pouce et l’index. Une inscription en langue latine ou grecque ordonne : « Souviens-toi ! », en se référant à l’une des fonctions du geste qui doit solliciter le processus mémoriel. Selon Pline l’Ancien, le lobe de l’oreille est en effet « le lieu de la mémoire ». L’intaille garantit la fermeté de ce processus, matérialisé par la pierre capable de reproduire indéfiniment une information quand elle est utilisée comme sceau. Le sens du geste ne se limite cependant pas à la mémoire. Il s’inscrit dans une géographie corporelle gouvernée par les dieux qui fait tressaillir et vibrer le corps. Le geste gravé sur la pierre indique que l’âme est imprimée par les serments et par les émotions comme la cire ou l’argile par le sceau, en reliant visible et invisible, présence et absence, selon une procédure bien connue dans les traités de divination corporelle.
A series of Roman intaglios and cameos bear the image of a hand pinching the lobe of an ear between the thumb and the forefinger. An inscription in Latin or Greek orders: “Remember” and refers to one of the functions of the gesture that must solicit the memory process. According to Pliny the Elder, the earlobe is “the place of memory”. The intaglio guarantees the firmness of this process, materialized in stone, a medium able to reproduce indefinitely the information it carries when the stone is used as a seal. However, the meaning of the gesture is not restricted to memory. It is also part of a body geography governed by the gods that makes the body tremble and vibrate. The gesture engraved on the stone suggests that the oaths and emotions are printed on the soul like the seal prints wax or clay connecting visible and invisible, presence and absence, according to a procedure that is well known in the treatises of body divination.
Entrées d’index
Mots-clés : corps, divination, main, mémoire, oreille
Keywords : body, divination, ear, hand, memory
Texte intégral
1Une série d’intailles et camées d’époque romaine, sertis en bagues ou pendentifs, portent gravées deux parties isolées du corps, une main et une oreille, reliées par un geste du pouce et de l’index qui pincent le lobe de l’oreille (fig. 1 ; iie siècle apr. J.-C.)1. La plus ancienne attestation du motif se trouve sur des crétules scellant des documents officiels de l’empire séleucide. Plusieurs exemplaires sans inscription, avec l’image d’une oreille seule ou d’une main qui pince le lobe, proviennent des bâtiments administratifs incendiés à Kédesch (Israël) en 145 av. J.-C.2, et à Séleucie sur le Tigre (Irak), prise par les Parthes en 141 av. J.-C.3 Le motif est bien attesté sur des intailles en pierre ou en verre en Italie dès le ier siècle av. J.-C. ; sa vogue se poursuit jusqu’au ive-ve siècle apr. J.-C. sur des camées. Aucun recensement systématique de ces pièces n’existe encore à ce jour, hormis les catalogues sélectifs établis par Edmond Le Blant et Georges Nachtergael4. Ce désintérêt peut s’expliquer par le fait que le motif est jugé simple, voire élémentaire, mais son évidence est trompeuse. La complexité culturelle de ce geste devient manifeste une fois replacé dans le contexte plus large de l’anthropologie du corps romain.
2Au premier abord, le motif se rapporte à une fonction mnémonique qu’indiquent les inscriptions. Les plus anciennes gemmes inscrites datent de l’époque tardo-républicaine. Elles portent d’ordinaire un verbe à l’impératif en latin, Memento, « Souviens-toi ! », gravé en négatif afin d’être lu sur l’empreinte apposée par la pierre. Une chronologie relativement précise peut être proposée pour les exemplaires en pâte de verre moulé (fig. 2 ; début ier s. av. J.-C.)5. Leur forme convexe, leur style globulaire (Rundperlstil) et la forme des lettres permettent de placer leur production dès la fin du iie siècle ou la première moitié du ier siècle av. J.-C.6 La miniaturisation du motif de l’oreille semble s’être opérée d’abord dans le monnayage. L’image d’une oreille isolée est utilisée comme marque de contrôle dans les émissions de Rome à l’époque des guerres puniques7, puis des guerres civiles (fig. 3 ; 90 av. J.-C.)8. Sur les camées, plus tardifs, la formule est d’ordinaire en grec, mnêmoneue, « souviens-toi ! », inscrite en positif pour être lue directement sur la pierre qui ne sert pas de sceau, selon un procédé qui caractérise de manière générale les gemmes exprimant un vœu (fig. 4 ; ve s. apr. J.-C.)9. L’expression grecque se décline avec des variantes, telle la forme impérative memnêso ou mnemêso10. L’injonction Mnêmoneue mou, « souviens-toi de moi ! » a un ton plus personnel. Georges Nachtergael compare cette expression aux formules conclusives de lettres sur des papyrus de la même période : « Souviens-toi de nous, comme nous nous souvenons de toi11 ».
3Sur les intailles et les camées, la main et l’oreille sont autonomes, sans rapport organique. La main est coupée au niveau du poignet et l’oreille flotte, isolée. Ces « morceaux choisis » relèvent du signe et prennent leur sens dans une combinatoire où l’inscription joue un rôle actif. Différentes manières de disposer l’injonction dans l’image peuvent être observées. Sur plusieurs exemplaires, l’inscription est utilisée comme un élément dynamique. Sur trois intailles du iie s. apr. J.-C., le mot mnêmoneue forme ainsi tantôt un demi cercle face à la main qui tient l’oreille (fig. 5 ; iie s. apr. J.-C.)12, tantôt est fractionné en deux de part et d’autre de la main (mnêmo/neue)13, ou encore se divise en trois sections (mnê/mon/eue) qui entourent le geste14. Sur certaines pierres, seul l’omicron de mnêmoneue est détaché du reste du mot et participe au geste à la fois comme lettre et comme image. Sur une cornaline de Kassel, l’omicron sépare deux doigts, l’index et le medium, qui semblent vouloir attraper la lettre tout en pinçant le lobe de l’oreille (fig. 6 ; iie s. apr. J.-C.)15. Sur une cornaline de Hannover, le poignet repose sur l’omicron (fig. 7 ; IIe-IIIe s. apr. J.-C.)16.
4Le sens du geste de toucher ou tirer l’oreille, tangere, uellere, peruellere, est d’ordinaire expliqué par un passage de Pline l’Ancien qui concerne les propriétés des différentes parties du corps. Au sujet de l’oreille, il rapporte :
Au bas de l’oreille est le lieu de la mémoire, nous le touchons en invoquant un témoignage17.
5Cette expression est bien attestée, notamment en contexte juridique, quand il s’agit de solliciter une personne comme témoin de ce qu’elle a vu ou entendu18. Elle semble n’apparaître dans les sources écrites qu’à l’époque tardo-républicaine, à la même époque que le motif sur les intailles. Chez Horace, on tire ainsi l’oreille pour convoquer un témoignage :
« Puis-je te prendre à témoin ? » Moi, alors, de lui présenter l’oreille. Il traîne l’autre à l’audience19.
6Le commentaire d’Acron précise le sens :
On avait coutume de tenir les oreilles des témoins et de dire : « Souviens-toi que tu seras mon témoin dans ce procès »20.
7Dans tous ces textes, l’oreille et la mémoire sont mises en relation par ce geste qui doit solliciter, rappeler, admonere, la mémoire. Parfois le dieu lui-même sollicite le mortel oublieux en lui tirant l’oreille. Le berger des Bucoliques de Virgile évoque le geste dans un passage qui constitue un jeu poétique et littéraire, avec Apollon personnifiant la poésie élevée :
Alors que je voulais chanter les rois et les combats, le dieu du Cynthe [Apollon] me tira l’oreille et m’admonesta : « Un berger, Tityre, doit engraisser des moutons mais étirer un chant menu »21.
8Dans un jeu poétique similaire de Calpurnius Siculus, un autre berger est admonesté de cette manière par la personnification de la Pauvreté :
C’est alors, Mélibée, qu’ils sonneraient haut, si un jour on disait de moi que je possède un foyer dans ces alpages, si un jour j’avais le bonheur de voir mes pâturages ! Car trop souvent la Pauvreté jalouse me tire l’oreille et me dit : « Occupe-toi de tes bergeries !22 »
9La sollicitation peut avoir une dimension prémonitoire plus menaçante : « La mort nous tire l’oreille : “Vivez, dit-elle, je viens23 !” ». Dans une fable d’Avianus (ive-ve s. apr. J.-C.), le geste est traité sur le mode parodique et se transforme en véritable mutilation : le fermier dont les cultures sont dévastées par un sanglier avertit l’animal en lui coupant une oreille, puis les deux, enfin le tue24.
10Il est même possible de tirer sa propre oreille, comme l’explique Sénèque :
Innombrables sont les cas où le langage usuel nous scinde en deux personnes ; nous disons : « Laisse-moi m’entretenir avec moi-même » et encore : « Je vais me tirer fortement l’oreille. » Si ces expressions et les autres sont exactes, autant que de s’en vouloir à soi-même on est tenu de se rendre grâces aussi ; autant que de s’adresser des reproches, de se louer aussi ; autant qu’une cause de dommage on peut être aussi pour soi une cause de profit25.
11Sur une sardoine conservée au département des Monnaies, médailles et antiques à Paris, l’inscription mnêmoneue borde le motif de la dextrarum iunctio, formé de deux mains qui se serrent pour marquer la prise d’un serment dont le contexte est inconnu26. S’agit-il de rappeler un serment de loyauté politique ou amoureux ? Marie-Louise Vollenweider a suggéré de donner un sens politique au motif sur les intailles (fig. 2) et sur les monnaies (fig. 3) de l’époque républicaine. Selon elle, la pâte de verre de Genève (fig. 2) serait ainsi une « probable allusion aux guerres civiles du début du ier s. av. J.-C. », une injonction à se rappeler la mission de Rome27. Cependant, aucun indice supplémentaire ne conforte cette interprétation, comme l’inscription d’un nom ou d’un symbole en relation avec la vie politique. Monnaies et gemmes participent à une culture visuelle commune, mais à des fins différentes28. L’ajout de la main semble ne s’être produit que dans la glyptique, avec un sens spécifique. Le geste de pincer l’oreille manifeste une façon de penser la mémoire de manière performative, en accomplissant un acte physique, comme dans une prière ou une supplication associée à une gestuelle particulière29.
12Il reste à comprendre le choix du motif et du support. Pourquoi la mémoire réside-t-elle dans l’oreille ? D’autres sites corporels ont-ils aussi une mémoire ? Le geste met-il en jeu uniquement la mémoire ou plus encore ? Pourquoi le motif est-il gravé sur une pierre ?
La physiologie de la mémoire
13Le choix du support, une pierre gravée, peut être mis en relation avec une façon culturelle de penser le processus mémoriel. Comme Catherine Baroin l’a démontré, la mémoire est associée à Rome à différentes fonctions physiologiques, sans séparer le corps (corpus) de l’âme (animus, mens, ingenium)30. Pour Quintilien, l’orateur doit ainsi prendre soin de sa mémoire comme l’athlète de son corps, en veillant à observer une hygiène physique et mentale, comme un régime frugal et un sommeil de qualité. Ces mesures raffermissent la mémoire dont le fonctionnement est comparé à celui de la digestion :
Il est étonnant, et difficile à expliquer, à quel point un intervalle d’une nuit apporte de la fermeté à la mémoire, soit qu’il la repose de son travail, dont la fatigue était pour elle un obstacle, soit que la remémoration (recordatio), qui est la partie la plus ferme de celle-ci soit mûre et digérée31.
14D’autres comparaisons associent la mémoire à un contenant ou à un réservoir qui se remplit. Des métaphores alimentaires décrivent le processus d’absorption de l’information, des émotions ou des sensations. Les oreilles sont ainsi « remplies », « farcies » ou « chargées »32. Cette image se retrouve dans la façon de penser l’activité d’une catégorie de spécialistes, les nomenclatores, qui apparaissent à l’époque tardo-républicaine et soufflent aux candidats aux élections les noms des personnes qu’ils doivent connaître33. Ils « remplissent » les oreilles de leurs maîtres comme le suggère leur nom, fartores, qu’ils partagent avec les fabricants de saucisses et les gaveurs de volaille34.
15Une métaphore contiguë est celle des oreilles comparées à une matière perméable absorbante, et de l’âme à une cire imprimée par un sceau35. L’image se trouve déjà dans le Théétète de Platon. Socrate y explique le fonctionnement de la mémoire en le comparant à celui des tablettes de cire. Mnémosyné en a offert à chacun, de taille et qualité variable selon les individus. Les souvenirs s’y impriment, comme avec un cachet36. Cette image de la cire s’inscrit dans une représentation plus large du processus de mémorisation dans l’éducation :
La jeunesse est en effet malléable et fluide, et dans ces âmes encore tendres les leçons s’imprègnent tandis que tout ce qui est durci est difficile à assouplir. Car de même que les sceaux s’impriment dans les cires tendres, de même les connaissances acquises marquent leur empreinte dans les âmes des très jeunes enfants (paidiôn)37.
16La mémoire est cependant un bien délicat dont la vulnérabilité est reconnue :
Rien n’est aussi fragile dans l'homme [que la mémoire] : les maladies, une chute, et même la peur peuvent lui porter atteinte, soit partiellement, soit totalement. Frappé d'une pierre, un homme oublia seulement les lettres ; tombé du haut d'un toit très élevé, un autre ne reconnut plus ni sa mère, ni ses parents par alliance, ni ses proches ; un autre ne reconnut plus ses esclaves pendant une maladie ; l'orateur Messala Corvinus oublia jusqu’à son propre nom. Ainsi, la mémoire essaie et entreprend de nous faire défaut, même quand notre corps est exempt de troubles et en bonne santé38.
17Son importance et sa fragilité lui valent d’être vénérée à l’égal d’une divinité, comme le suggère Servius dans son commentaire à l’Énéide :
Les naturalistes disent que les parties du corps sont chacune consacrées à des divinités, comme l'oreille à la mémoire […], le front au génie, genius, d’où le fait que, quand nous rendons un culte à ce dieu, nous nous touchons le front [?], la main droite à la fides […], les genoux à la commisération, de là le fait que ceux qui font une demande les touchent39.
18En somme, une intaille constitue le support idéal pour matérialiser ce processus invisible. Le bijou met en acte la notion de mémoire en tant qu’empreinte dans l’âme, comparée à l’empreinte d’un sceau, reproductible à l’infini. La pierre, un matériau qui se souvient de manière permanente, contrairement à la cire, augure ainsi de la fermeté du fonctionnement de la mémoire dans sa dimension de recordatio, remémoration répétée40. Portée en bague ou pendentif, elle garantit le bon fonctionnement de cette physiologie délicate, tout en se référant au concept de mémoire d’action, visualisé par le geste de la main qui pince l’oreille.
L’oreille et l’âme
19Pourquoi isoler l’oreille sur les pierres et pas un autre site corporel ? En quoi cet organe possède-t-il un statut à part ? Catherine Baroin a bien montré que l’oreille n’est pas le lieu exclusif de la mémoire. D’autres parties du corps ont une mémoire, comme les mains, le cœur ou l’estomac41. Sur une série de camées, l’inscription précise le contexte amoureux du geste. L’injonction mnêmoneue, « souviens-toi ! », est complétée au génitif par tês kalês psuchês, « de la belle âme », qui se réfère à la personne aimée. Sur un camée conservé au musée Getty, le nom de l’amant est gravé avec un vœu de chance ou bonheur selon une formule répandue dans les lettres et les épitaphes : « Souviens-toi de moi, belle âme, kalê psuchê, bonne chance, eutuchi, Sophronios » (fig. 4)42. Pour Georges Nachtergael, l’expression est en grec, la langue galante par excellence, parfois utilisée de manière abusive. Martial se moque ainsi d’une Romaine précieuse qui emploie cette formule pour paraître plus attractive43.
20Cependant, l’association de kalê psuchê, « belle âme », avec le motif de l’oreille possède un sens encore plus profond ancré dans une anatomie imaginaire où le conduit de l’oreille serait physiquement relié à l’âme, psuchê. Plutarque le suggère tout en indiquant que chez les bavardeurs impénitents, l’oreille communique avec la langue :
Assurément, le conduit auditif de ces gens-là n’est point percé en direction de l’âme, mais de la langue44.
21Relevons que la notion latine de recordatio / recordari met de plus en jeu le mot cor – cordis, à savoir le cœur. La mémoire qui se réactive par l'oreille stimule ainsi cette partie anatomique et “rappelle au cœur” (re - cordari) ce qui s'est passé, avec une dimension d'intériorité que nous pourrions nommer “âme” ou “esprit”45.
22Pline rapporte un autre geste, de l’annulaire cette fois, qui fait passer des lèvres à l’oreille, d’une ouverture du corps à l’autre, les propos que la divinité, ici Némésis, doit pardonner :
C’est également derrière l’oreille droite qu’est le lieu de Némésis, déesse qui n’a pas de nom latin, même au Capitole ; nous y portons l’annulaire après avoir touché des lèvres, comme pour y enfouir les propos dont nous demandons pardon aux dieux46.
23Ce rapport privilégié entre l’oreille et l’âme ne fonctionne pas uniquement à l’intérieur du corps d’une seule personne. Il permet aussi de relier de manière invisible et immatérielle un cercle d’individus éloignés. Plusieurs gemmes font allusion à la relation entre absent et présent par le biais de l’oreille. Sur un camée conservé à Londres l’inscription « Souviens-toi de mon amour ! » est complétée par « où que tu sois », opoupote ei (fig. 8 ; IIe-IIIe s. apr. J.-C.)47. L’oreille vibre pour manifester le lien entre deux personnes distantes. De nombreux auteurs romains décrivent ce phénomène. Pline l’Ancien rapporte ainsi que :
[…] les absents sont avertis qu’on parle d’eux par un tintement d’oreilles (tinnitu aurium)48.
24Chez Stace, la vibration des oreilles est une manière de participer à une conversation lointaine :
En tout cas s’il est près de toi, avec toi, je ne suis pas à présent bien loin de votre conversation ; le fait est certain, car voici que mes deux oreilles tintent49.
25Le phénomène ne concerne pas uniquement la mémoire. Une vive émotion en contexte amoureux produit le même effet. Chez Catulle, la vue de la personne aimée cause un bourdonnement ou tintement de l’oreille :
[…] à peine t’ai-je aperçue, Lesbie, que ma voix expire dans ma bouche, ma langue est paralysée, un feu subtil coule dans mes membres, un bourdonnement intérieur fait tinter mes oreilles (sonitu suopte tintinant aures) et une double nuit s’étend sur mes yeux50.
26Les oreilles peuvent aussi tinter à distance de manière involontaire chez Lucien de Samosate :
Fidèle, est-ce que les oreilles ne vous tintaient pas en votre absence ? Ma maîtresse ne parlait que de vous et toujours en versant des larmes, surtout quand il arrivait quelque courrier d’un combat où l’on disait qu’il y avait beaucoup de morts. Elle s’arrachait les yeux, se meurtrissait la poitrine et fondait en pleurs à la moindre petite nouvelle51.
27Elles résonnent aux accents désespérés de l’amoureuse d’Aristénète qui espère ainsi manifester sa présence insistante auprès de l’homme qui l’a quittée :
Tu es parti en m’abandonnant pendant mon sommeil. Toutes les femmes vont m’appeler Ariane : tu es pour moi Thésée et Dionysos. Est-ce que les oreilles ne te sonnaient pas lorsque je pleurais en songeant à toi52 ?
28Sur plusieurs camées le lien invisible entre les amants est manifesté par un motif additionel qui souligne la dimension magique de l’incitation au souvenir. Autour de la main et de l’oreille se déroule une sorte de cordelette présentant quatre nœuds (fig. 4), dont l’entrelac est parfois indiqué de manière très marquée (fig. 8). Il est tentant d’associer ces nœuds à une procédure rituelle dont la performance complèterait le geste de pincer l’oreille. Les nœuds sont pratiqués pour fixer et contrôler53, notamment en contexte amoureux. Le nœud est associé à Vénus chez Virgile. Amaryllis prononce une formule tout en nouant des fils sous le patronage de la déesse :
Noue trois fois chacun des trois couleurs, Amaryllis ; noue, Amaryllis, tout de suite, et dis : « Je noue les liens de Vénus »54.
29Georges Nachtergael relève que les nœuds sont toujours au nombre de quatre sur les camées, un nombre qui pourrait implicitement se référer à Vénus/Aphrodite qui gouverne les quatre éléments55.
Les dieux au coin de l’oreille
30L’image de la main qui touche l’oreille n’est pas réductible à une pensée analogique et physiologique. Le sens et la fonction de ces pierres gravées doivent être replacés dans le contexte élargi de la dimension religieuse et mantique du langage corporel dans le monde gréco-romain. C’est par l’oreille aussi que se mettent en œuvre des forces supérieures. Toucher l’oreille permet d’entrer en contact avec les dieux, comme le suggèrent les offrandes votives d’oreilles qui représentent une demande d’attention56. La plus ancienne attestation du motif miniaturisé de l’oreille dans le monnayage semble avoir eu ce sens. Une oreille isolée se trouve sur le revers d’une émission en argent de Judée (380-332 av. J.-C.)57. Elle y fait probablement symboliquement référence à l’écoute divine, un thème très présent dans la tradition juive58.
31La communication avec la divinité s’opère parfois en portant la pierre gravée à l’oreille. Dans les Papyrus magiques grecs, une formule recommande :
Sur une agate semblable au jaspe, grave Sarapis assis, de face (?), tenant un sceptre royal égyptien et sur le sceptre un ibis, et sur le revers de la pierre, le nom [magique de Sarapis], et garde-le enfermé. Quand le besoin [s’en fera sentir], prends l’anneau dans ta main gauche […] Et quand tu auras déposé [l’anneau] à l’index de ta main gauche avec la pierre à l’intérieur, [garde-le] ainsi, et, allant [au lit] sans adresser la parole à quiconque, couche-toi en tenant la pierre sur ton oreille gauche59.
32Ces exemples suggèrent qu’une intaille ou camée portant une injonction mnémonique a pu être utilisée de manière similaire pour solliciter l’aimé sous le patronage de Vénus/Aphrodite qui préside à l’union amoureuse. Némésis est aussi convoquée par le geste. Sur un jaspe rouge conservé à Vienne, l’inscription « Souviens-toi d’Agathameros ! » est associée à deux figures féminines qui se font face debout devant un autel en pinçant chacune un pan de son chiton (fig. 9)60. Elles peuvent être identifiées aux deux Némésis, une dyade qui se rapporte à la chance, à la justice distributive et à la vengeance. Elles opèrent aussi dans le domaine érotique dès l’époque hellénistique61. Comme nous l’avons dit plus haut, Pline conclut sa description des sites corporels par la description d’un geste qui convoque leur puissance en portant l’annulaire à l’oreille après avoir touché les lèvres62.
Au-delà de la mémoire
33L’image de la main qui pince une oreille délivre un discours sur une représentation culturelle du corps et du divin qui va au-delà de la mémoire proprement dite. Le motif s’inscrit dans la série des pierres votives, également gravées en positif, qui témoignent à leur manière de la recherche du bien être personnel, de ce « soin de soi » grandissant qui caractérise l’époque romaine. Les pierres mnémoniques expriment un souhait individuel de chance et de bonheur. Sur un onyx autrefois à Paris, l’expression tês kalês psychês est modifiée, Tychê remplace psychê pour convoquer la chance63. Sur le camée de la collection Derek J. Content (fig. 10), l’inscription demande non pas la mémoire, mais la grâce, charis : « Accorde la grâce, charis, à celle qui le porte64 ». La pièce est sertie avec la main tournée vers le bas, de manière à laisser lire facilement l’inscription par la personne qui porte le pendentif, soulignant l’usage privé du bijou.
Pincements, vibrations et tressaillements
34De nombreux textes rapportent les signes que le corps émet de manière involontaire, du tressaillement de paupière au nez qui chatouille ou à l’éternuement. Ces signes manifestent une présence invisible, parfois avec une valeur prémonitoire, selon le principe que toute perte de maîtrise du corps peut constituer un signe divin. Comme sur les pierres gravées, ces signes se produisent dans des parties isolées du corps, qui fonctionnent de manière autonome, sans la combinatoire complexe de la technê physiognomique. Les traités de divination corporelle les passent en revue de la tête aux pieds. Les signes qui se produisent dans l’oreille ont aussi une valeur prémonitoire. Dans les traités de divination corporelle attribués à Pseudo-Mélampous, ils peuvent annoncer toutes sortes d’événements, heureux ou malheureux, qui concernent le destin individuel :
Si l’oreille droite tressaille, cela signifie du plaisir ; si elle siffle, c’est le signe de douleur. Si la gauche tressaille et siffle, c’est le signe de nombreux biens65.
35Ce savoir est également véhiculé dans les papyrus magiques66. Les tressaillements associés à l’émotion amoureuse peuvent aussi se produire dans d’autres parties du corps, chargés d’une valeur divinatoire explicite. Avec l’oreille, la paupière apparaît comme un site corporel privilégié chez les poètes, tel Théocrite :
Mon œil droit qui tressaille ! Vais-je donc la voir, elle67 ?
36Une dimension plus fortement magique apparaît sur une petite série de pierres caractérisées comme « magiques » par des éléments formels (minéral opaque, gravé sur les deux faces, inscription en positif)68. Une intaille conservée à Munich porte gravée l’inscription « Souviens-toi ! l’espoir est invincible », associée à l’image d’Aphrodite debout, du type anadyomène, essorant ses cheveux mouillés (fig. 11 ; ier s. av. J.-C.)69. Ce type est particulièrement répandu dans la glyptique magique à cause du double sens du geste : la déesse effectue un mouvement de torsion avec ses cheveux qui évoque aussi l’acte de lier magiquement l’être aimé70. Sur deux intailles de type « magiques », l’incription memento a disparu. Une inscription incompréhensible en alphabet grec entoure la main qui touche l’oreille sur la cornaline de Madrid71. Sur l’intaille conservée à Copenhague, la main a disparu, l’oreille est devenue un signe, détachée de tout geste, avec au revers une invocation incompréhensible, XIEXE ZAΣE (fig. 12)72.
Conclusion
37Le geste de la main à l’oreille est l’un des témoins d’une histoire du corps romain. Il participe à une manière culturelle de convoquer rituellement les forces divines au travers d’un corps instrumentalisé. D’autres parties du corps sont autonomisées sur des intailles et sous forme d’amulettes, comme l’œil, le phallus, la jambe et le pied73. D’autres gestes à valeur protectrice sont figurés, comme la main, ouverte ou fermée dans le geste de la fica74. À la différence de ces exemples, le geste de la main pinçant l’oreille a la particularité de n’être représenté que sur le support miniaturisé des pierres gravées. Le motif de l’oreille a peut-être été emprunté au monnayage hellénistique et tardo-républicain (fig. 3). Sur les intailles, il se développe en prenant un sens nouveau spécifique avec l’ajout du geste de la main75. Ce geste met en acte le processus mémoriel, mais pas uniquement. La mémoire n’est pas que dans l’oreille et l’oreille ne concerne pas que la mémoire. Le geste dépasse l’enjeu mnémonique en établissant un circuit entre l’extérieur et l’intérieur, en liant l’absence et la présence, le visible et l’invisible, l’humain et le divin. Comme dans les traités de divination corporelle, ce corps morcelé est traversé de forces divines. La dimension magique et divinatoire du geste invite à abolir la distinction moderne entre pratique votive et magique76.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Henig, Whiting 1987, no 321.
2 Lesperance 2010, p. 168-169, EAR1, et p. 164-173, avec deux autres sceaux : EAR2 oreille seule, avec boucle d’oreille ?, EAR3 oreille seule ; Ariel, Herbert sous presse.
3 Invernizzi et al. 2004, 15 sceaux avec main et oreille (Og217-8, Og231-243), 48 sceaux avec un oiseau sur l’oreille (en référence à la formule homérique des « paroles ailées » ? Og179-216, Og219-230) ; Lesperance 2010, p. 165-166, fig. 3.5-3.6.
4 Le Blant 1898, p. 39-45, nos 90-119 (29 exemplaires) ; Nachtergael 1982 (10 exemplaires, dont 7 avec une inscription en grec, 3 avec une inscription latine). Voir aussi CIG IV, Pars XXXIX Inscriptiones locorum incertorum, sect. IV, Gemmae, nos 7346-7356 (10 exemplaires).
5 Vollenweider 1979, p. 499-500, no 564, pl. 140, 2. Voir ibid. trois exemplaires similaires nos 564-567 ; Nachtergael 1982, p. 117-118, pl. I, 1-3.
6 Vollenweider 1979, p. 500 (extrémité des lettres terminées en pointe, contraction de N et T) ; Zwierlein-Diehl 2007, p. 133-134.
7 La plus ancienne émission, anonyme, daterait de 187-155 av. J.-C. ; Vollenweider 1979, p. 500-501 ; CRR 30/286. Grueber 1910, p. 214, no 304, note 2, pl. LXXXVIII, 2, fait l’hypothèse d’un cognomen Auricula.
8 Monnayage de L. Calpurnius Piso Frugi, tête d’Apollon laurée ; RRC 340/1. Vollenweider 1979, p. 500, signale aussi le motif dans les marques du monnayage de M. Porcius Cato, C. Vibius Pansa, L. Iulius Bursio, C. Marcus Censorinus et P. Crepusius.
9 Boardman 1968, p. 43, 102-103, no 79 (ill.) ; Dasen 2014, p. 187, fig. 8. Voir aussi Henig 1990, p. 29-30, nos 52-56 ; Spier 1992, p. 163, no 452. Sur les gemmes votives, gravées en positif, Van Den Hoek et al. 2015.
10 Voir par exemple le camée de Flamersheim (iiie s. apr. J.-C.) ; Henkel 1913, no 2124 ; Nachtergael 1982, no 2.
11 Antinoopolis P.Ant. I 44 (ive-ve s. apr. J.-C.) : μέμνησο ἡμ̣ῶ̣ν̣ ὡς κὲ̣ ἡμεῖς σου ; Nachtergael 1982, p. 118.
12 Hannover, AGDS IV, no 1652.
13 Berlin, AGDS II, no 562 ; Zwierlein-Diehl 2007, p. 451, fig. 733. Voir aussi Kassel, AGDS III, no 96 (l’omicron manque ; iiie s. apr. J.-C.).
14 Hannover, AGDS IV, no 1653.
15 Kassel, AGDS III, no 94 ; voir aussi ibid., no 95 et à Genève Vollenweider 1979, no 567, pl. 140, 5 = Nachtergael 1982, p. 118-119, no 3, pl. I, 4 (début iiie s. apr. J.-C.).
16 Hannover, AGDS IV, no 1654.
17 Pline l’Ancien, Histoire naturelle XI, 250-251 : Est in aure ima memoriae locus, quem tangentes antestamur (trad. A. Ernout et R. Pépin, CUF).
18 Baroin 2010, p. 60.
19 Horace, Satires I, IX, 74-78 : Licet antestari ? Ego uero oppono auriculam ; rapit in ius ; clamor utrimque, undique concursus (trad. F. Villeneuve, CUF).
20 Acron, comm. ad loc. : Solebant enim testium aures tenere et ita dicere : Memento quod tu mihi in illa causa testis eris (trad. Baroin 2010).
21 Virgile, Les Bucoliques VI, 2-6 : Cum canerem reges et proelia, Cynthius aurem uellit, et admonuit : « Pastorem, Tityre, pinguis pascere oportet ouis, deductum dicere carmen » (trad. E. de Saint-Denis, CUF).
22 Calpurnius Siculus, Bucoliques IV, 155-163 (trad. J. Amat, CUF). Voir aussi Sénèque, Dialogues, De la vie heureuse X, 3 : « Tout cela, la vertu le secoue, elle tire l’oreille, elle pèse les voluptés avant de les admettre ; en approuve-t-elle quelques-unes, elle en fait peu de cas ; de toute façon en effet elle ne les admet avec réserve et aime non à en jouir, mais à les tempérer » (trad. A. Bourgery, CUF).
23 Virgile, Copa 38 (trad. M. Rat, Garnier) : Mors aurem uellens : « uivite » ait, « uenio ».
24 Avianus, Fables 30 ; Scanzo 2004. Je remercie Marco Vespa de cette référence.
25 Sénèque, Des bienfaits V, VII, 6 (trad. F. Préchac, CUF) ; Baroin 2010, p. 62.
26 Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, médailles et antiques ; Babelon 1897, p. 187, n° 346 bis, pl. XXXVII.
27 Vollenweider 1979, p. 564-566.
28 Sur les rapports entre glyptique et monnayage, Bricault, Veymiers 2018.
29 Sur la notion de « mémoire d’action », Baroin 2003 et 2010, spéc. p. 60-62. Sur les gestes associés aux différents actes rituels (prière, supplication), p. ex. Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXVIII, 25 : « Lorsque nous marquons notre faveur, le proverbe nous enjoint de nous serrer les pouces. Pour saluer les dieux, nous portons la main droite à la bouche, et nous tournons tout le corps <à droite>, ce que les Gaulois croient plus religieux de faire à gauche » (trad. A. Ernout, CUF). Bettini [2000] 2011, p. 38-39.
30 Baroin 2003 et 2010.
31 Quintilien, Institution oratoire XI, 2, 43 : mirum dictu est nec in promptu ratio, quantum nox interposita adferat firmitatis, sive requiescit labor ille, cuius sibi ipsa fatigatio obstabat, sive maturatur atque concoquitur, quae firmissima eius pars est, recordatio (trad. J. Cousin, CUF).
32 Plaute, Le soldat fanfaron 33-34 : « Il faut que mes oreilles absorbent tout », auribus perhaurienda sunt (trad. A. Ernout, CUF). Charger l’oreille : Plaute, Le Persan 182.
33 Moatti 2003.
34 Baroin 2010, p. 62-63 ; Bettini [2000] 2011, p. 37-38. Voir par exemple Paulus Festus 78 (ed. W. M. Lindsay). Cf. Diderot 1751, p. 415 : « Farteurs, fartores, ou engraisseurs, s. m. pl. (Hist. anc.) valets destinés à engraisser de la volaille. Il y en avoit aussi d’employés dans la cuisine sous le même nom : c’étoient ceux qui faisoient les boudins, les saucisses, & autres mets de la même sorte. »
35 Aulu-Gelle, Nuits attiques I, 26, 5 : « les oreilles imprégnées de livres et de discussions philosophiques » libris disputationibusque philosophiae aures imbutas habenti (trad. R. Marache, CUF) ; Baroin 2010, p. 63.
36 Platon, Théétète 191 c-192c. Sur la reprise du motif chez Cicéron, Baroin 2010, p. 55.
37 Plutarque, De l’éducation des enfants 5, Moralia 3E (trad. J. Sirinelli, CUF).
38 Pline, Histoire naturelle VII, 90. Cf. les inscriptions à Minerva medica memor à Rome ; Scheid 2008, p. 85-91 ; Baroin 2010, p. 66-67.
39 Servius, Ad Aen. III, 607 (trad. Baroin 2003, p. 170).
40 Cf. la variante gravée sur un camée de la Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, médailles et antiques, Froehner 2050 (Froehner XIV.25), sans doute pour exprimer une recordatio sans fin : « Souviens-toi de ta belle cinq, six fois », μνημόνευέ μου τῆς καλῆς <σου> πέντ᾽ ἕξ(ι).
41 Baroin 2010, p. 69-72.
42 L’expression au vocatif kalê psuchê, ou nominatif ê kalê psuchê, ou génitif tês kalês psuchês se trouve aussi dans les épitaphes funéraires. Gemmes avec psuchê /psuchê kalê : Le Blant 1898, p. 48, nos 124-136 et p. 51, no 136. Avec main touchant l’oreille, ibid., p. 60-61, nos 159-160 : kalê psychê mnêmoneue mou.
43 Martial, Épigrammes X, 68. Chez Juvénal, Satires VI, 195, ces mots sont mis dans la bouche d’une vieille femme lascive.
44 Plutarque, Œuvres morales, Du bavardage (VII), 35, 1 : μήποτε γὰρ αὐτοῖς οὐκ εἰς τὴν ψυχὴν ἀλλ᾿ εἰς τὴν γλῶτταν ἡ ἀκοὴ συντέτρηται· διὸ τοῖς μὲν ἄλλοις ἐμμένουσιν οἱ λόγοι, τῶν δ᾿ ἀδολέσχων διαρρέουσιν (trad. J. Dumortier et J. Defradas, CUF) ; Bettini [2000] 2011, p. 38.
45 Sur le verbe recordari et le processus de remémoration avec le cœur comme siège des facultés mentales, Bettini 2009.
46 Pline, Histoire naturelle XI, 251 (trad. A. Ernout et R. Pépin, CUF). Cf. l’expression moderne « mon petit doigt m’a dit » (Molière, Le malade imaginaire [1674], acte II, scène 8, entre Louison et Argan).
47 Nachtergael 1982, no 7, p. 121-122.
48 Pline, Histoire naturelle XXVIII, 24 (trad. A. Ernout, CUF).
49 Stace, Silves IV, 4, 26 : inde sonus geminas mihi circumit aures (trad. H. J. Izaac, CUF).
50 Catulle, Poésies 51 (trad. G. Lafaye, CUF). Ces strophes sont la traduction librement adaptée d’une ode de Sappho, fr. 31 Voigt : ἐπιρρόμβεισι δ᾽ἄκουαι.
51 Lucien de Samosate, Amours IX, 2 (trad. P. Maréchaux, Arléa).
52 Aristénète, Lettres d’amour II, 13 (trad. J.-R. Vieillefond, CUF). Sur les références à ce phénomène dans la littérature de l’Antiquité au xixe siècle, voir le riche dossier réuni par Costanza 2015.
53 Tupet 1976, p. 46 ; Annequin 1973, p. 19-22. Cf. Tibulle, Élégies I, 8, 5 : « Vénus elle-même, en m’attachant les bras derrière le dos avec des liens noués selon les rites magiques, m’a donné l’expérience, non sans que j’aie reçu bien des blessures » (trad. M. Ponchont, CUF). Sur les cordelettes portant des nœuds magiques en Égypte, Koenig 1994, p. 210, et plus largement sur le pouvoir des différentes sortes de nœuds, Wendrich 2006.
54 Virgile, Les Bucoliques VIII, 73-75 et 77-78 (trad. E. de Saint-Denis, CUF).
55 Nachtergael 1982, p. 122. Chez Hésiode, déjà, le quatrième jour du mois est propice aux mariages (Les travaux et les jours 800-801), car il est consacré à Aphrodite et Éros, comme l’explique la scholie. Vénus/Aphrodite gouverne les quatre éléments qui composent la nature selon Jean le Lydien, Les mois II, 9 et IV, 64 (ve s. apr. J.-C.). Sans oublier la fonction mnémonique des nœuds qui s’est conservée jusqu’à aujourd’hui dans l’expression « faire un nœud dans son mouchoir ».
56 Sur l’offrande votive d’oreilles et les dieux « qui écoutent », theoi epêkooi, dans le monde grec, Forsén 1996, p. 13-19 avec bibliographie antérieure ; Lambrechts, Van Den Berghe 1955. Cf. Lapidaire Orphique 39 : « Faisant ses dévotions, il touchera aussi l’oreille des immortels et sera exaucé » (trad. J. Schamp, CUF).
57 Lesperance 2010, p. 167 ; Gerson 2001, p. 112, fig. no Y-2B ; Meshorer 2001, p. 199, no 18 ; 26 pièces avec ce type au revers sont répertoriées aujourd’hui : <http://www.menorahcoinproject.org/yhd-13.htm>
58 Cf. Psaumes 17 :1, et 6 :4. L’image de l’oreille permet de s’accommoder de l’interdiction de la représentation divine. Je remercie Donald T. Ariel et Sharon C. Herbert de leurs commentaires sur ce type monétaire.
59 PGM V 447-458 (trad. M. Martin, Le Manuscrit), révisée et commentée par Veymiers 2009, p. 80. Voir aussi PGM XIV, 75 (The Demotic Magical Papyrus of London and Leiden).
60 Zwierlein-Diehl 1979, no 1217, pl. 106 ; CIG IV, 7347b. Sur la dyade dans le monnayage de Smyrne (iie-iiie s. apr. J.-C.), Karanastassi et al. 1992, nos 3-28 (monnaies et gemmes), no 227 (gemme). Sur ce geste prophylactique caractérisant l’iconographie de Némésis, Seyrig 1932 ; Stafford 2005, p. 202-203 ; Bru 2008. Cf. Anthologie Palatine XII, 229 (Straton de Sarde) : pour conjurer Némésis, on crache dans son vêtement, eis kolpon ptuein. Sur la salive qui neutralise les sortilèges, voir par exemple Pline, Histoire naturelle XXVIII, 35-39 : pour se protéger, il conviendra de cracher « sur l’urine qu’on vient d’émettre », « dans la chaussure du pied droit avant de la mettre » ou « en traversant un endroit où l’on a couru quelque danger » (trad. A. Ernout, CUF), voire trois fois sur l’enfant endormi, quand un étranger arrive.
61 Cf. Alciphron, IV, 6 : « Je t’ai raconté cette histoire pour que tu ne me critiques pas, car je vais me venger [de ces femmes], et ce ne sera pas à coups de railleries ou de médisances, mais par des moyens qui leur feront très mal – je me prosterne devant Némésis. » (trad. A.-M. Ozanam, CUF).
62 Pline, Histoire naturelle XI, 251 (trad. A. Ernout et R. Pépin, CUF).
63 CIG IV, 7347 ; Spon 1679, p. 297, no VI.
64 Henig 1990, no 56, pl. V. D’autres camées ont une disposition similaire, par exemple Babelon 1897, n° 347.
65 De palpitationibus, Version C. Voir aussi Pseudo-Mélampous, De palpitationibus, version D, « Si les oreilles tressaillent, c’est le signe de dommages » (trad. M. Casevitz). Costanza 2009 ; Casevitz, Costanza, Dasen sous presse.
66 PGM XIV 75 (The Demotic Magical Papyrus of London and Leiden).
67 Théocrite, Idylles III, 37-38 (trad. Ph. E. Legrand, CUF).
68 Dasen, Nagy 2019.
69 Munich, AGDS I, 3, no 2176, pl. 188 : (μν)ῆσθ᾽ / ἡ ἐλπὶς ἀνεί-/κητο(ς) (scil. ἀνίκητος).
70 Ficheux 2006. Voir par exemple CBd-476, 478, 480, 482.
71 Marco Simon 2002, p. 93-94, fig. 4.
72 Eitrem 1939, p. 80-82, fig. 5 ; Dasen 2014, fig. 9.
73 P. ex. pendentifs en forme de jambe : Feugère 1998. Pied de Sérapis : Veymiers 2009, p. 43-46 ; Puccio 2010. Sur le motif du mauvais œil sur les intailles, Dasen 2015, p. 286-289, fig. 10.2 ; p. ex. CBd-2221.
74 Sur ces gestes qui mettent le corps en œuvre, McKie 2018. Sur la valeur de la main (geste de la fica), Johns 1982, fig. 10 (pendentifs en or) ; CBd-1524 (pendentif en pierre verte), CBd-2533 (médaillon). Sur les antécédents égyptiens de ce type d’amulette, Herrmann, Staubli 2010 (no 72 : œil-udjat ; no 73 : main ; no 74 : phallus ; no 75 : jambe ; no 76 : deux doigts ; no 77 : oreille ? ; no 78 : cœur).
75 Sur la chaîne de transmission iconographique monnayage-gemmes, Bricault, Veymiers 2018, p. 492-493.
76 Je remercie chaleureusement Béatrice Blandin (MAH Genève), Martin Henig et Claudia Wagner (Oxford, Beazley archive), Donald T. Ariel (Coin Department, Israel Antiquities Authority) et Sharon C. Herbert (University of Michigan) pour l’envoi de photographies et d’informations.
Auteur
Université de Fribourg
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Des femmes en action
L'individu et la fonction en Grèce antique
Sandra Boehringer et Violaine Sebillotte Cuchet (dir.)
2013