1 Luhmann (1992, chap. 3) renvoie à la position du mouvement des Critical Legal Studies, représenté par Elisabeth Mensch (1982, p. 18) : « Le message le plus corrosif pour l’histoire du droit est le message de la contingence. »
2 Pour le premier congrès de droit comparé qui eut lieu à Paris en 1900 se réunirent des juristes provenant de toute l’Europe (Congrès, 1900).
3 La théologie et le droit partagent la méthode laborieuse, odieuse aux humanistes français du mos gallicus, qui repose sur des figures telles que la prolectio (lecture du passage et choix de ses meilleures versions), la divisio (décomposition du problème), le casum figurare et le dare causas (mode d’exemplification), la summatio et la connotatio (généralisation par comparaison), distinctio, amplificatio et limitatio pour résoudre les objections (Calasso, 1954, p. 594).
4 Yan Thomas (2011) a rendu compte de ce fonctionnement paradigmatique du cas limite. Sa démonstration privilégie un usage évolutif et ouvert de la casuistique, à l’exact inverse de la clôture systématique à laquelle elle fut condamnée par la pensée dogmatique inaugurée par Savigny au xixe siècle. Quand la première préfère la forme du récit, la seconde adopte celle du traité ; l’une trouve sa raison d’être dans les multiples manifestations de la technique, et dans ses transpositions toujours inédites ; l’autre dans la confirmation ou l’infirmation d’une identité conceptuelle valide a priori.
5 Raymond Saleilles l’exprime en termes limpides : « Les constructions juridiques ne doivent pas être au début, mais à la fin ; je m’explique. Il ne faut pas partir d’une construction a priori, pour en déduire les résultats logiques ; mais il faut d’abord aller aux résultats, en les envisageant uniquement par leur but et leur concordance pratiques ; et, une fois d’accord sur le fait, construire la théorie, chacun, cette fois, suivant sa mentalité propre » (cité dans Congrès, 1900, p. 12).
6 Le Liber Extra de Grégoire IX (1234), compilation de cinq livres, suivi par le Liber Sextus de Boniface VIII (1298), et enfin les Clementinae de Clément V (1305-1314).
7 Franciscus Zabarella, Consilia, Venise, Porta 1581, cons. 95, n° 4. Pour Albericus de Rosate, « Administratio praelatorum maior & liberior est, quam aliorum administratorum », Dictionarium iuris, tam Civilis, quam Canonici, Venise, 1601, fol. 12r.
8 Une littérature se développera sur les différences entre droit canonique et droit civil depuis le Moyen Âge tardif : Portemer (1946) ; Wolter (1975, p. 23-52). Le droit lombard, qui s’était constitué dès le haut Moyen Âge (l’édit de Rothari est de 643) en Italie, devient objet de comparaison systématique avec le droit romain depuis l’Appa- raturatus à la Lombarda composé au début du xiiie siècle par Carolus de Tocco (Venise 1537, réimpr. Turin 1964). Voir les traités des xiiie et xive siècles respectivement d’Andrea Bonello, Differentiae inter ius romanum et ius longobardum (Venise, 1537, réimpr. Turin, 1964), et de Biagio da Morcone, De differentiis inter jus Longobardorum et Jus Romanorum (Naples, 1912).
9 Le pandectisme est ce courant de la pensée juridique qui a exercé une véritable hégémonie en Allemagne, mais aussi dans plusieurs pays étrangers, pendant la dernière partie du xixe siècle. Ce courant a élaboré une histoire dogmatique (la Dogmengeschichte) du droit, qui emploie un outillage conceptuel rigoureusement codé, plongeant ses racines dans le droit romain classique et médiéval, remodelé par les savants « pandectistes ». Grâce à ces catégories rigides, les juristes se comprennent entre eux, mais leur langage auto-référentiel les condamne souvent à ne pas dialoguer avec le reste du monde. Dans la perspective de l’histoire dogmatique, le droit subit un processus de décantage qui lui fait perdre sa dimension primaire de mode de faire et le transforme en objet abstrait et savant.
10 Raymond Saleilles l’explique en ces termes : « Étude critique de chacune des législations étrangères envisagées au point de vue économique et social ; recherche des points de contacts susceptibles de correspondre à un courant d’évolution commun à plusieurs pays ; détermination d’un ou de plusieurs types juridiques, pour une institution donnée, vers lesquels doive s’orienter la politique juridique des différents pays à état social sensiblement similaire » (cité dans Congrès, 1900, p. 174-175).
11 Congar s’appuie sur Grillmeier (1970). La question est posée explicitement dans Alberigo et Jossua (1985).
12 Citant Paul Hinschius (1879, p. 349) : « La réception n’est pas un acte qui procure la validité et la constitue dès le principe ; elle déclare seulement que les décisions ont été valides depuis le début ; la non-réception, par contre, n’empêche pas la perfection de la validité (juridique), elle constate bien plutôt que les décisions ont été frappées de nullité dès leur formation. »
13 Comme il en va notamment pour la lex mercatoria, l’un des axes porteurs du processus de la globalisation juridique (Galgano, 2005, p. 199 sq.).
14 Le terme est pris ici comme métaphore physiologique, même si le sens juridique précis n’est pas à écarter. De ce point de vue, le phénomène des juristes commis voyageurs, qui se déplacent d’un bout du monde à l’autre – généralement d’Occident vers les pays en voie de développement – afin de rédiger un document tel que la constitution, c’est-à-dire un produit souvent étranger à la culture juridique du pays récepteur, apparaît remarquable. De même, il est courant que les consultants de droit des affaires ou de droit commercial transmettent des modèles issus de leur droit domestique dans les pays où ils sont appelés. Pour une cartographie mondiale des influences normatives et de leurs canaux de diffusion, voir Spamann (2009), qui contient des indications bibliographiques riches et détaillées. D’un autre côté, l’histoire est pleine de crises de rejets, lorsque la greffe exotique ne parvient pas à trouver de bonnes conditions historiques d’accueil (Berkowitz, Pistor et Richard, 2003).
15 Comme on a pu l’observer à juste titre, un legal transplant doit permettre à la loi d’être efficace : « Il doit avoir un sens pour le contexte dans lequel il est appliqué, ainsi les citoyens seront motivés à se servir du droit et à exiger des institutions qu’elles travaillent à son application et à son développement » (Berkowitz, Pistor et Richard, 2003).
16 « Ideas, attitudes, values and opinions about law, the legal system and legal institutions in any given population. »
17 Les propositions fondamentales du matérialisme, telles que Marx les exprime dans la première thèse à Feuerbach, restent valides à nos yeux.
18 Sur les implications réciproques entre le for interne et le for externe, entre la sphère de la conscience (le secret) et celle de la politique, entre le confesseur et le juge, on lira Chiffoleau (2006).