1 Le NCI est l’un des vingt-cinq instituts et centres de recherche regroupés au sein du National Institute of Health, lui-même l’une des huit health agencies du US Department of Health and Human Services. Au sein du NIH on trouve par ailleurs l’agence qui mènera, des années 1985 à nos jours, l’ensemble des recherches sur le virus du sida et ses traitements, le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID).
2 Pour une présentation plus détaillée de la découverte de l’AZT, voir S. Epstein (1996), Β. Nussbaum (1990) ainsi que P. S. Arno et Κ. Feiden (1992).
3 En effet, l’AZT fut découverte en 1964 par J. Horowitch, chercheur au NCI. Les tests démontrèrent que cette molécule était trop toxique pour devenir un traitement contre le cancer. La molécule tomba dans le domaine public quelques années plus tard et fut ensuite « redécouverte » par le NCI et finalement commercialisée par Burroughs Wellcome en 1987. Cette histoire de la découverte de l’AZT est d’ailleurs à l’origine d’une longue bataille juridique concernant les droits de propriété (Ackiron, 1991).
4 La tolérance correspond à la faculté de l’organisme à supporter les effets auxquels il est exposé lors de la prise d’un médicament.
5 Ce comité, Data and Safety Monitoring Board, composé de personnalités externes à l’essai et rompues aux essais thérapeutiques, examine périodiquement les résultats décodés afin de s’assurer de son bon déroulement, notamment sur le plan éthique.
6 Le dossier d’enregistrement fut déposé par le laboratoire le 26 janvier et M. Barzach, ministre déléguée chargée de la Santé, demanda que ce dossier soit « examiné en urgence » {Le Monde, 22 janvier 1987). En moins de deux mois, un nouveau médicament contre le virus du sida fut donc enregistré, ce qui correspond à des délais très courts.
7 Le Monde, 7 mars 1987.
8 La pneumocystose est une infection, le plus souvent pulmonaire, due à un parasite, le Pneumocystis carinii, se manifestant seulement en cas d’immuno-dépression.
9 New York Time, E. Eckholm, « Test group for AIDS drug is broadened to include 7,000 »,1er octobre 1986.
10 Président du Commerce Committee’s Subcommittee on Health and the Environment de 1979 à 1994.
11 R. W. Stewart, « House Votes to Provide $4.5 Billion for AIDS », Los Angeles Times, 14 juin 1990, p. 24.
12 Au travers du programme Medicaid, le gouvernement était en effet le plus important acheteur d’AZT aux États-Unis. Unis. Faire baisser le prix de l’AZT était pour Waxman le seul moyen de permettre non seulement aux programmes d’aide des différents États américains d’offrir cette molécule à leurs patients sans restriction, mais aussi aux malades couverts par des assurances privées d’en bénéficier. La polémique suscitée par l’AZT fut d’ailleurs à l’origine d’un débat sur la possible nécessité de contrôler le prix des médicaments aux États-Unis. Des juristes travaillant pour le gouvernement rappelèrent que ce dernier avait la possibilité juridique de remettre en cause un brevet lorsque la dispensation par « l’État » d’un produit stratégique était menacée par une position de monopole. Wall Street Journal, M. Chase, « Burroughs-Wellcome Cuts Price of AZT Under Pressure From AIDS Activists », 19 septembre 1989.
13 Sous la présidence de G. Bush.
14 San Francisco Chronicle, R. Shilts, « Health official’s pledge on AIDS restrictions to curb drug profiteering », 14 octobre 1989.
15 Los Angeles Times, V. F. Zonana, « Aids Groups Urge Firm to Lower AZT Price », 31 août 1989.
16 Pour une analyse des différentes législations sur les médicaments orphelins dans le monde, voir A. M. Garber (1994) et M. Thamer et al. (1998).
17 ARC, Aids related complex, terme abandonné qui désignait une forme intermédiaire de l’infection.
18 The New York Times, T. Riordan, « Patents, A Court Ruling Burroughs-Wellcome’s Monopoly on the AIDS drug AZT », 1994, section D, Financial Desk, p. 2. Le brevet de l’AZT fut en réalité contesté deux fois. La première action en justice fut menée par une association, The Public Citizen Litigation Group, qui s’appuyait sur le fait que la découverte avait été faite par des chercheurs travaillant dans des institutions financées par l’État. La seconde fut menée par un industriel qui désirait produire un générique de l’AZT, action qui fut publiquement soutenue par le NIH (Griffin, 1991, p. 394). Aucune de ces deux actions n’aboutit et le laboratoire Wellcome conserva son brevet protégeant l’AZT jusqu’en 2005.
19 Wall Street Journal, M. Chase, « Burroughs-Wellcome Cuts Price of AZT Under Pressure From Aids Activists », 19 septembre 1989. Malgré le titre, la journaliste note bien que la pression associative n’est pas le seul élément favorisant cette baisse et qu’il est plus raisonnable de penser que l’élargissement notable du marché de l’AZT est l’élément déterminant.
20 Un membre du laboratoire, Thack Brown, déclarait ainsi à l’agence de presse AP, le 19 septembre 1989, « That means more patients will be using the drugs, which broadens de financial risk ».
21 Le réseau ACTG, Aids Clinical Trials Group, correspond à une association de chercheurs et d’institutions soutenues financièrement par le NIH américain afin de favoriser la recherche clinique sur le sida. C’est en quelque sorte l’équivalent de la partie recherche clinique de l’ANRS.
22 Le Monde, J. -Y. Nau, « L’AZT sous les projecteurs », 30 octobre 1989.
23 Il s’agissait en fait à l’époque de l’« embryon » de l’ANRS.
24 Une collaboration avec le MRC représentait pour une institution scientifique récente comme l’ANRS une véritable opportunité. Rappelons que c’est au sein du MRC que Bradford Hill initia le premier essai clinique contrôlé moderne afin de tester l’efficacité de la streptomycine dans le traitement de la tuberculose.
25 Dans une dépêche APM du 2 avril 1993, le Dr J. -P. Aboulker, l’un des responsables français de l’essai, déclarait que le coût hors-médicament de l’essai Concorde pour la France avait été de 15 millions de francs, partagés à parts égales entre l’ANRS et le laboratoire Wellcome. Le don des molécules aurait quant à lui coûté à Wellcome entre 60 et 70 millions de francs. Pour comparaison, signalons que le budget pour la recherche clinique de l’ANRS en 1995 était de 27 millions de francs (HT).
26 Ils étaient « joint chairmen of the Concorde International Coordinating Committee ».
27 L’Action coordonnée n° 5 (AC5) est chargée d’assurer la sélection, l’organisation et le suivi scientifique des essais thérapeutiques dont l’ANRS est le promoteur.
28 La résistance aux médicaments correspond à l’aptitude d’un micro-organisme ou d’un parasite à survivre et à se reproduire en leur présence alors que ceux-ci devraient normalement les détruire ou empêcher leur multiplication. Dans le cas du VIH, la résistance à certains antiviraux est souvent due à l’apparition de mutations.
29 Les CD4 sont des protéines de surface caractéristiques de certaines cellules comme les lymphocytes T4, lesquels ont un rôle important dans le fonctionnement du système immunitaire. Le VIH utilise cette protéine pour pénétrer à l’intérieur de ces cellules et les détruire. On emploie souvent le terme CD4M pour désigner les lymphocytes T4. Nous n’avons pas abordé jusqu’ici ce résultat de l’essai Concorde, mais en effet, cet essai semblait remettre en cause l’utilisation du taux de CD4 comme « marqueur de substitution » permettant £ d’anticiper les effets cliniques d’une molécule. Dans l’essai Concorde, une remontée des taux de CD4 chez les malades n’avait pas pour autant engendré, 5 comme espéré, des effets cliniques positifs à long terme et notamment au niveau de la survie des malades. Le taux de CD4 était à l’époque le marqueur de substitution sur lequel les essais étaient basés pour obtenir un enregistrement. En 1996, la charge virale permettant de mesurer la quantité de virus circulant dans le sang devint le critère premier d’enregistrement, permettant H de raccourcir encore la durée des essais cliniques.
30 Le protocole de l’essai Concorde fut en effet amendé en octobre 1989 à la £ suite des résultats des essais américains. Les patients ayant une chute confirmée du nombre de lymphocytes CD4 (inférieur à 500) pouvaient après cet amendement et si l’investigateur le jugeait opportun, se voir offrir de l’AZT dans le cadre de l’essai.
31 Fin 1993, seulement 4,1 % des patients étaient sous bithérapie (source DMI 2). Ajoutons que le 7 avril 1993, Wellcome organisa une conférence de presse S à Londres, à destination des associations de malades et des milieux financiers, « où des données non publiées (et en principe non publiables) furent utilisées ο pour remettre en cause l’interprétation du CE.
32 La probabilité estimée de survie à trois ans était de 92 % (intervalle confiance 90 % à 94 %) dans le groupe « administration immédiate » et de 94 % (92 % à 95 %) dans le groupe « administration différée » (p = 0,13). Le taux de progression vers le sida ou la mort était de 18 % dans les deux groupes, et celui de progression vers l’ARC, le sida ou la mort de 29 % dans le premier groupe et de 32 % dans le deuxième groupe ; cette différence n’est pas significative (p = 0,18) bien qu’il soit constaté un effet bénéfique précoce et transitoire de l’administration immédiate de la zidovudine.
33 Dépêche d’agence de presse APM du 9 juin.
34 « Malgré les résultats de Concorde – qui arrivent tardivement et ne reflètent plus la pratique actuelle – certains progrès ont été enregistrés. [...] Les résultats de Concorde sont obsolètes. Comme je vous le disais, la pratique a beaucoup évolué depuis la mise en route de cet essai. Actuellement, aucun praticien ne laisse un patient trois ans sous AZT si l’effet du traitement décline. Ce n’est pas tant un bilan négatif de l’intervention précoce que l’échec d’un protocole caduc. », Le Quotidien du Médecin, 16 juin 1993.
35 Il est possible de voir des images de cette réunion : le reportage proposé par la chaîne BBC dans le cadre de sa célèbre émission Panorama intitulée « A ray of hope », diffusée en 1995, fut consacrée entièrement à l’AZT.
36 Minutes de la réunion rédigées par le secrétariat de l’essai.
37 Le clinicien américain Douglas Richman, très engagé dans l’évaluation de l’AZT à l’époque des faits, déclarait ainsi, après la parution des résultats intermédiaires de Concorde : « Il s’agit d’une infection chronique et persistante. Pour moi, il est inconcevable que la voie à suivre soit de ne pas traiter » (Epstein, 2001, p. 185).
38 La formulation du résultat (et non pas des recommandations) de Concorde fut elle aussi au centre de discussions acharnées. Pour ne donner qu’un exemple, alors que les cliniciens penchaient pour une formulation du type « Concorde... shows that there is no significant clinical benefit in terms of... », formulation utilisée dans le communiqué de presse du MRC du 2 avril 1993, le laboratoire pour sa part parvint à faire accepter au CE de l’essai Concorde d’adopter une formulation plus « molle » : « Concorde has not shown any significant benefit » (Aboulker & Swart, 1993). Ces décalages sémantiques peuvent paraître minimes, mais il furent pourtant largement commentés par les activistes les plus experts Qames, 1993) à la tête de journaux associatifs très largement lus et distribués, notamment sur Internet.
39 Cette simple exigence de la part d’un haut responsable scientifique montre que l’autonomie de ces revues ne va pas de soi.
40 Communiqué de presse du laboratoire Wellcome Grande-Bretagne du 29 juillet 1993 (idem citations suivantes).
41 Richard Peto fut annobli en 1999 « for services to epidemiology and to cancer prevention ». Ses travaux dans le domaine du cancer, des maladies cardiovasculaires et son leadership dans le domaine des méta-analyses font de lui un statisticien internationalement reconnu.
42 Communiqué de presse du laboratoire Wellcome Grande-Bretagne du 29 juillet 1993.
43 Lettre de la filiale française de Wellcome du 28 juillet 1993, signée du directeur médical et de la recherche clinique.
44 Le Monde, « Le directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida répond à la firme Wellcome », F. Nouchi, 10 avril 1993.
45 Les investigateurs français avaient notamment prévu d’annoncer les résultats en « avant-première » aux associations ainsi qu’aux trente-cinq centres participant à l’essai sur le sol français. En se donnant ainsi des relais locaux, ils pensaient échapper à tout dérapage.
46 Il s’agit de la première phrase du premier paragraphe de l’article de première page.
47 Le directeur de l’association Sida Info Service déclarait dans Libération du 2 avril 1993 : « Et voilà que le vendredi 26 mars (sic), à l’heure du laitier, la radio leur annonce que l’AZT constitue un “espoir déçu pour les séropositifs”. Certains se précipitent sur le journal du matin. Libération pour nombre d’entre eux : ils ont confirmation de l’espoir déçu. [...] Ces auditeurs, ces lecteurs sont dans un état qui ressemble à celui de l’annonce du résultat positif d’un test de dépistage. [...] Certains ont pensé au numéro vert et les plus chanceux ont réussi à y joindre quelqu’un en dépit de la saturation chronique du standard parisien. [...] Les auditeurs et les lecteurs ont retenu la disqualification du produit : qu’on en prenne ou pas l’infection évolue de la même façon. »
48 Cette intervention dans Le Figaro permet de juger de l’ambiguïté des propos du professeur : « Rien ne permet dans cette étude de contredire le bénéfice indiscutable, clinique et biologique, de l’AZT ». Selon ce médecin, ce bénéfice est démontré « dans plusieurs travaux d’importance au moins équivalents à ceux de Concorde, non seulement sur les malades asymptomatiques mais aussi chez ceux dont le bilan immunologie est altéré même s’ils sont dépourvus de symptômes du sida. Ces résultats ne vont donc strictement rien changer à la façon que nous avons actuellement de traiter les malades en France et en Europe. Il est cependant admis », a-t-il reconnu, « que les effets limités de l’AZT contre-indiquent son utilisation précoce, c’est-à-dire sur des patients dont le bilan immunitaire est peu ou pas perturbé », 5 avril 1993.
49 Le Monde, 10 avril 1993.
50 L’analyse des archives de l’essai Concorde confirme que c’est bien le professeur Rozenbaum qui est ici la cible de ces propos sur l’objectivité.
51 Réunion du 21 juin 1993. Les références à cette réunion sont tirées des « minutes » réalisées par le secrétariat de l’essai.
52 Le 10 avril 1994 à 17 heures.
53 L’importance de ce travail de synthèse, dans une perspective d’efficience des prescriptions et de qualité des soins, est parfaitement décrite par P. Castel et I. Merle (2002) et P. Castel (2002) dans le cas de la cancérologie française.
54 Voir également l’article de K. Garrety (1997), dont la thèse fut dirigée par E. Richards.
55 Dans le cas étudié par l’auteur, il s’agit de médecins « alternatifs » convaincus de l’utilité de la vitamine C dans le traitement du cancer.
56 Après avoir qualifié les ECC de mythe de l’objectivité au service du pouvoir médical, l’auteur conclut, dans un article réflexif, à l’impossibilité d’une sociologie « neutre » (« The myth of the neutral social researcher in contemporary scientific controversies ») et à l’inévitable « capture » du chercheur.
57 En ce sens, les travaux de Richards nous semblent pâtir du même biais que ceux de H. Collins et T. Pinch (1979). Au nom du principe méthodologique de symétrie, les arguments et le point de vue des opposants, ou devrions-nous dire des victimes de la science orthodoxe, sont privilégiés. Il s’agit là d’un réductionnisme sociologique (Darmon, 1986) ne laissant aucune place à la nature (Gieryn, 1999) et où les protocoles expérimentaux ne sont plus que des outils de domination.
58 C’est ici la politique de la FDA qui était visée. La mobilisation associative américaine donnera lieu à des innovations historiques dans l’histoire de l’enregistrement des médicaments aux États-Unis (Edgar & Rothman, 1990).