9. Capteurs de la qualité des eaux
p. 218-219
Texte intégral
Des capteurs pour la qualité de l’eau
1Que ce soit pour une meilleure connaissance et compréhension du cycle de l’eau et des chemins de l’eau dans la zone superficielle de l’écorce terrestre ou pour une gestion plus « intelligente » de la qualité des eaux naturelles ou potables et des effluents urbains, industriels et agroalimentaires, la mise au point de capteurs en continu et, si possible, à faible coût, est un des défis du XXIe siècle. Si les procédés de traitement des eaux et d’épuration des effluents (cf. V.15) sont associés depuis longtemps à la mise en œuvre de méthodes analytiques instrumentales rendues de plus en plus performantes et sophistiquées du fait des progrès scientifiques et technologiques associés à une législation normatives de plus en plus contraignantes et une exigence croissante de qualité de la part des consommateurs, la surveillance des eaux par des capteurs in situ est devenue une nécessité dans le cadre des changements environnementaux auxquels cette ressource précieuse est soumise.
2Les capteurs sont des dispositifs de mesure composés d’un récepteur et d’un transducteur*. Le récepteur, qui peut être physique, chimique ou biologique, permet la mesure de paramètres physiques, chimiques ou biologiques via la reconnaissance spécifique d’une cible ou d’une famille de cibles. L’interaction entre le récepteur et la cible est mise en évidence par un transducteur qui transforme le signal de l’interaction en un signal mesurable et quantifiable (figure). L’instrument de mesure dans son ensemble, constitué du capteur et du système, permet de traiter le signal jusqu’à une valeur numérique.
3Le capteur est dit « passif » si la source d’énergie délivrant un signal est extérieure, et « actif » lorsqu’il délivre lui-même le signal. Un capteur est « dynamique » si les mesures sont faites à des fréquences élevées, de l’ordre de la seconde, ou moins, à quelques minutes, par rapport à un capteur passif qui nécessite le plus souvent des temps d’acquisition relativement longs. Les performances des capteurs sont caractérisées par la gamme de mesure, la résolution, la précision, la sélectivité, la rapidité, la fréquence des mesures et la durée de vie. La grandeur de sortie peut varier de manière binaire (tout ou rien), très utilisée pour déclencher des alarmes, de façon progressive (capteur analogique) ou par échelon de tension ou de courant (capteur numérique).
Récepteur composé de nanoparticules d’or (AuNP) électrodéposées (image a – diamètre moyen des AuNP : 15 nm) ou synthétisées par voie organométallique (image b – diamètre moyen des AuNP : 7 nm) sur du carbone vitreux pour l’analyse électrochimique du mercure dissous dans l’eau à des concentrations de l’ordre du ng/L. D'après T. HEZARD et al., 2012, K. FAJERWERG et al., 2013. © Photo a) ELSEVIER. © Photo b) LCC/P.-J. Debouttière
4Les principaux capteurs physiques utilisés pour le contrôle de l’eau sont les capteurs de température, de pression, de vitesse et de salinité. Ils permettent en particulier de caractériser une ressource ou une alimentation en eau. La turbidité* est mesurée soit grâce à la lumière infrarouge, soit grâce à des fréquences ultrasonores atténuées. Il existe aussi des capteurs de radioactivité et de conductivité électrique* sans contact, reposant sur des mesures d’induction.
5La panoplie des capteurs chimiques est très large. Les plus utilisés sont les capteurs de mesure du pH, basés sur la potentiométrie à courant nul avec des électrodes indicatrices de verre ou des matériaux semi-conducteurs solides, et les capteurs de mesure des concentrations en oxygène dissous. Ces derniers sont des capteurs électrochimiques passifs (cellule électrochimique de Clark) ou actifs (pile de Hersch) basés sur des mesures d’intensité ou des capteurs optiques fonctionnant sur des mesures de luminescence. Les capteurs de conductivité électrique avec contact reposent sur la mesure d’impédances. Une électrode inattaquable permet quelquefois de donner quelques indications sur l’état global de l’état d’oxydoréduction de l’eau. Cependant, les valeurs fournies sont à prendre avec beaucoup de précautions, dans la mesure où elles dépendent fortement, d’une part des temps caractéristiques des réactions d’oxydoréduction par rapport au temps caractéristique de l’électrode utilisée et, d’autre part, de la réactivité d’un couple d’oxydoréduction par rapport à l’électrode considérée.
6Le deuxième groupe de capteurs chimiques rend possible l’estimation des concentrations des ions fluorure par potentiométrie avec une électrode à membrane* solide et d'autres électrodes de nouvelle génération. Le dioxyde de chlore (ClO2) et l’ozone (O3) peuvent être estimés par ampérométrie, l’huile dans l’eau peut être détectée grâce à la fluorescence. Après avoir mesuré le carbone inorganique total (CIT), le carbone organique total (COT) est déterminé par différence entre le carbone total et le CIT.
Des capteurs de plus en plus performants
7L’inventaire sommaire précédent montre que plusieurs capteurs peuvent être utilisés pour la même cible. Un même capteur peut être aussi multifonctionnel, c’est-à-dire être capable de diagnostiquer si une eau est acide, chaude, saline ou dure. Par ailleurs, l’association de plusieurs capteurs fonctionnant simultanément donne accès à l’estimation d’indices de qualité des eaux, souvent en fonction de leur utilisation et du pays où ils sont employés. Des indices sont définis, par exemple, grâce aux déterminations simultanées du pH, de l’oxygène dissous, des nitrates ou des phosphates, quelquefois des mesures de pH, d’ions fluorures ou de conductivité électrique et salinité.
8Actuellement, la détection de certains polluants dits « émergents », tels que les éléments traces et de leur spéciation, les pesticides, les herbicides, les hydrocarbures polyaromatiques, les antibiotiques, les toxines, les « xénobiotiques* » et les radioéléments, s’avère nécessaire. En effet, ces cibles, associées à des directives de plus en plus drastiques, justifient l’amélioration des capteurs existants et le développement de capteurs innovants utilisant de nouvelles technologies issues de différentes communautés scientifiques, telles que la micro et la nanoélectronique, la physico-chimie, les nanosciences et la nanotechnologie. La dérive dans le temps des mesures, ainsi que la biosalissure et la corrosion des capteurs font partie des verrous importants limitant l’utilisation de capteurs sur le long terme dans des lieux isolés. Enfin, un nombre croissant de projets porte sur la mise au point de capteurs couplés aux smartphones, pour multiplier les observations et les mesures, et dresser des cartographies plus fines des sites analysés.
Des réseaux de capteurs
9Une fois développés, ces capteurs et autres instruments d’analyses peuvent être déployés sur le terrain, avec une résolution spatiale et temporelle (fréquence des mesures) appropriée aux besoins. Il n’y a qu’un pas vers une application « en temps réel », par exemple, à des activités industrielles et agricoles plus respectueuses des cycles et des rythmes naturels. La multiplication des capteurs pose néanmoins le problème de la gestion des réseaux de capteurs, afin de maîtriser les très grosses bases de données nécessitant de nouveaux algorithmes d’intelligence artificielle pour l’aide à la décision, associant ainsi la mesure locale à des mesures à plus grandes échelles spatiales et temporelles comme la prévision météorologique, afin d’ajuster des modifications, en temps réel, de procédés de production ou d’émissions de polluants.
Bibliographie
Référence bibliographique
• P. BEHRA (dir.) – Chimie et environnement, Dunod, 2013.
Auteurs
Chimiste, Maître de conférences à l’Université Toulouse 3, LCC, Toulouse, p. 218.
katia.fajerwerg@univ-tlse3.fr
Chimie et environnement, Professeur à l’Université à l’Institut National Polytechnique de Toulouse, LCA, Toulouse, p. 208, p. 218.
philippe.behra@ensiacet.fr
Géochimiste, Professeur à l’IPGP, Paris, p. 154, p. 218.
gaillardet@ipgp.fr
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