18. Le thermalisme
p. 194-195
Texte intégral
Repères historiques
1Le thermalisme, connu dès l’Antiquité, a été introduit en France par les romains au Ier siècle avant J.C. ; et depuis cette époque, il n’a cessé d’être utilisé. Au XVIe siècle, Ambroise Paré observait l’intérêt des eaux thermales pour le traitement des séquelles de plaies par armes à feu. Au XVIIe siècle, Madame de Maintenon redonnait de l’éclat à l’utilisation des « eaux ». Au XVIIIe siècle, le développement de la chimie minérale aboutissait à la classification des eaux minérales naturelles ; et Bordeu mettait en relation les propriétés thérapeutiques avec le faciès hydrominéral des eaux. Au XIXe siècle, la création du réseau ferré permettait à un plus grand nombre de curistes d’aller prendre les eaux. Les stations du continent européen connurent un véritable âge d’or et un patrimoine architectural d’une très grande qualité fut alors édifié : établissement de bains, hôtels, résidences particulières. À la différence des médecins universitaires, qui conservaient une démarche non spécialisée, les praticiens thermalistes acquéraient une expertise spécialisée contribuant à la naissance de diverses spécialités (maladies des voies urinaires et digestives, affections rhumatismales, ORL, dermatologie…). La création de la Sécurité Sociale en 1945 mit en place le thermalisme social : remboursement, pour tous les assurés, des dépenses sanitaires (1947) et octroi, pour les revenus les plus modestes, d’une aide financière au déplacement et au séjour (1950). La France, l’Allemagne, l’Italie et les pays d’Europe centrale conservent la médecine thermale dans le panier de soins des assurés sociaux.
La cure thermale et ses propriétés thérapeutiques
2Lorsque l’eau minérale naturelle est ingérée, elle a des effets pharmacologiques reconnus, qui dépendent du volume et de la minéralité. Les produits thermo-minéraux peuvent également être mis au contact des tissus lésés (affections cutanées, gynécologiques, digestives, respiratoires en particulier) ; ils agissent alors par leurs propriétés physiques et les effets des minéraux. Dans les autres cas, le corps est mis au contact des produits thermo-minéraux à travers la peau (bains généraux ou locaux, douches, applications de boues…) et ils agissent par les effets biologiques des propriétés physiques (thermalité, immersion…) et de la minéralité (perméabilité de la peau aux éléments minéraux) sans qu’il soit possible, dans l’état actuel de la science, d’établir la part exacte de ces divers facteurs, ni d’en appréhender tous les mécanismes. Dans ce dernier cas, le rôle spécifique de l’élément minéral fait débat (cf. V.3) : les études tendent à montrer qu’il accroît l’efficacité thérapeutique, mais le niveau de preuves est limité. Les recherches se poursuivent pour légitimer l’utilisation de produits thérapeutiques naturels, dont le coût est très inférieur à celui de soins comparables délivrés dans les établissements de santé.
3Les bénéfices cliniques connus de la médecine thermale sont illustrés par les études scientifiques (115 essais cliniques avec tirage au sort et comparateur, ainsi que 32 reviews, publiés ces 25 dernières années dans des revues avec facteur d’impact). La plupart de ces études concerne des domaines de la médecine thermale et nombre d’entre elles présentent des limites méthodologiques. Les travaux les plus récents, de meilleure qualité méthodologique, valident les résultats plus anciens. La démonstration du service médical rendu, ainsi apportée, est la clé du maintien dans le panier de soins remboursés. La cure thermale rend le corps plus confortable : elle améliore les douleurs d’origine musculo-squelettique (arthrose, rachialgies chroniques, spondylarthrite, fibromyalgie, suites de chirurgie orthopédique), vasculaires (artérites chroniques des membres inférieurs, insuffisance veineuse chronique, lymphœdèmes des membres), intestinales (syndrome du colon irritable, colopathies inflammatoires), gynécologiques, elle réduit le prurit de certaines affections cutanées (dermatite allergiques, séquelles de brûlures). Elle accroît les capacités fonctionnelles des rhumatisants, des artéritiques, des parkinsoniens, dans les suites de cancer. Elle réduit le stress des états anxieux, des cancers, le burn-out professionnel ou familial ; elle améliore le sommeil et favorise la récupération après fatigue musculaire. Elle contribue à de bonnes fonctions métaboliques en aidant à contrôler le poids dans les états de surpoids ou d’obésité, le syndrome métabolique, en optimisant le contrôle de la pression sanguine artérielle. Elle renforce la protection qu’exercent la peau et les muqueuses, en particulier respiratoires (rhino-sinusites et pharyngites chroniques, asthme, broncho-pneumopathies chroniques) et digestives dont elle améliore le fonctionnement. Elle favorise les mécanismes de défense de l’organisme : système immunitaire, anti-oxydatif, anti-inflammatoire en particulier. Le séjour thermal offre des opportunités pour éduquer les patients chroniques ; l’intérêt en a été démontré dans les rhumatismes, le syndrome métabolique et le surpoids, l’insuffisance veineuse chronique, le sevrage de psychotropes, les suites de cancer. La médecine thermale répond ainsi à un besoin de santé publique* devenu majeur avec le développement des maladies chroniques.
Séance collective d’exercices réalisée en piscine d’eau minérale. © G. Piel et E. Perdu
Sociologie de l’aménagement du territoire
4Les stations thermales se situent dans les zones où la géologie fait apparaître les eaux minérales naturelles, essentiellement dans les vallées des divers massifs montagneux (Pyrénées, Alpes, Vosges, Massif Central) ou bien dans les piémonts de ces chaînes. En France, 89 stations fonctionnent, elles permettent l’activité de 105 établissements thermaux qui utilisent les eaux minérales naturelles de 400 sources autorisées à l’exploitation dans un établissement thermal par l’Académie Nationale de Médecine. Elles constituent un réseau de professionnels (850 médecins, 300 masseurs-kinésitérapeutes, 150 infirmiers, ainsi que des diététiciens, éducateurs physiques, techniciens de soins et de maintenance, personnels administratifs et de gestion) au bénéfice des 550 000 curistes. La part des soins de remise en forme et du thermo-ludisme représente environ 5 % de l’activité globale des établissements. L’emploi direct, indirect et induit concerne 110 000 personnes pour environ 60 000 équivalents temps plein. Pour l’Assurance-maladie, les frais liés à la médecine thermale représentent 0,14 % de la dépense totale de santé ; ils sont compensés à environ 70 % par les contributions fiscales et sociales générées par l’activité des établissements et leurs retombées économiques, dont le produit global est évalué à 1 milliard d’euros.
Bibliographie
Références bibliographiques
• P. QUENEAU et al. – La médecine thermale, faits et preuves, Collection « Abrégés de Médecine », Masson, 2000.
• C.-F. ROQUES – Le thermalisme, la médecine que la terre nous a donnée, Géosciences, 2007.
• P. LANGÉNIEUX-VILLARD – Les stations thermales en France, Presses universitaires de France, Collection « Que sais-je ? » 1990.
Auteurs
Médecin, Professeur émérite à l’Université Toulouse-Sabatier, Président du conseil scientifique de l’Association Française pour la Recherche Thermale, Paris, p. 194.
cf.roques@gmail.com
Économiste, Membre du Cercle des Économistes de la Santé, Délégué général du Conseil National des Établissements Thermaux, Paris, p. 194.
claude-eugene.bouvier@medecinethermale.fr
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L'archéologie à découvert
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2012