8. Industrie minière et environnement
p. 174-175
Texte intégral
1L’eau est omniprésente dans l’origine et l’exploitation des richesses minérales. Elle est le vecteur des transferts de métaux au cours des temps géologiques et de leur accumulation sous forme de gisements. Elle est extraite des mines pour accéder au minerai, et peut être réutilisée ou rejetée en surface. L’eau sert aussi au traitement des minerais, avec l’individualisation des grains minéraux utiles (par concassage et broyage), puis leur concentration le plus souvent en milieu aqueux (par gravimétrie*, flottation*, lixiviation*…). Ces opérations aboutissent à trois fractions : un concentré qui alimente la métallurgie, de l’eau polluée et un résidu solide gorgé d’eau avec des teneurs encore élevées en métaux. Après l’exploitation, l’eau ennoie les travaux souterrains, en provoquant des désordres mécaniques, et en surface disperse la pollution accumulée dans les déblais (cf. IV.7).
Demande croissante en métaux, donc en énergie et en eau
2Au début de l’ère industrielle, l’extraction répondait à une demande limitée et les problèmes environnementaux restaient locaux. La croissance exponentielle de la consommation a contraint les industriels à se tourner vers le recyclage et vers les gisements à basses teneurs, avec d’autres conséquences.
3Dans le cas du cuivre, la production primaire mondiale annuelle a atteint 17 Mt (figure 1a) et le métal issu du recyclage correspond à environ 30 % du métal consommé (25 Mt), un taux qui ne cesse de progresser. Si le recyclage nécessite beaucoup moins d’énergie, la consommation croissante des métaux n’est assurée que par l’exploitation de minerais à basse teneur, qui demandent plus d’énergie et utilisent plus d’eau. Pour les gisements de porphyres cuprifères* (figure 1b), les carrières exploitées aujourd'hui ont une teneur en moyenne 10 fois plus faible que celles exploitées il y a un siècle ; les consommations d’énergie et d’eau ont alors été multipliées par beaucoup plus de 10. La satisfaction des besoins multiplie les besoins.
Contamination de l’environnement autour des mines
4La mine de Carnoulès (Gard) est un exemple de pollution locale sur le long terme. Cette mine de plomb argentifère est située à 8 km d’Alès. La minéralisation de galène (PbS), accessoirement de blende (ZnS) et de barytine (BaSO4), est portée par une barre de grès imprégnés de pyrite arséniée (FeS2, avec de 0,5 à 2 % d’arsenic). Le minerai a été et au exploité au XIXe siècle et au début du XXe siècle, essentiellement par des travaux souterrains. Le plomb présent à une teneur de 3,8 à 8 % était concentré sur place ; les centaines de milliers de tonnes de résidus produites sont aujourd’hui très largement érodées. Le gisement a ensuite été exploité en carrière et a produit de juillet 1957 à août 1962 1,25 Mt de minerai à 2,8 % Pb, concassé, broyé à 0,2 mm, puis flotté dans une laverie au Nord-Est des carrières. L’opération a concentré les trois quarts de la galène et accumulé deux stocks de résidus, le plus important en amont, le second en contrebas. Les crues cévenoles* ont raviné ces retenues à plusieurs reprises (1961, 1976, 2002…) et si la retenue inférieure est désormais peu visible, le volume du stock supérieur remodelé, drainé et couvert d’une couche d’argile végétalisée atteint environ 550 000 m3 (en rouge, figure 2). Ce stock amont est constitué de quartz, de feldspaths, d’argiles*, avec 0,7 % de plomb, et de l’ordre de 10 % de pyrite contenant autour de 1 % d’arsenic.
Fig. 2 – Schéma de l’exploitation « moderne ». Les carrières sont situées sur le coteau en contrebas de Carnoulès, la laverie en tête du vallon a laissé un important stock de résidus, en rouge. D'après Leblanc, 2001
5Le problème pour l’environnement vient du drainage minier acide, processus spontané d’oxydation* des sulfures, qui libère des sulfates, des métaux et de l’acidité dans les eaux de ruissellement et souterraines. Les études du laboratoire « Hydrosciences Montpellier » ont montré l’ampleur de ce processus, en particulier sur le cas de l’arsenic. Les eaux prélevées dans le stock montrent des teneurs en arsenic jusqu’à 12 g/l (la norme eau potable étant de 10 µ g/l). La source qui draine ce stock (S, figure 2) débite 1 à 5 m3/h, avec une teneur en arsenic de 100 à 300 mg/l, une teneur en fer autour de 1 g/l et un pH compris entre 2,5 et 5. Plus bas, le long du ruisseau Reigous, 90 % de l’arsenic est précipité avec des hydroxydes de fer dans des sédiments stromatolitiques. En aval du confluent avec l’Amous, et malgré la dilution, la teneur est encore plusieurs dizaines de fois supérieure à la norme.
6Les taux d’arsenic sont stables depuis 20 ans et il faudrait 500 ans pour épuiser l’arsenic contenu dans le stock. L’activité minière est donc en mesure, même avec des tonnages moyens, d’affecter durablement l’environnement d’une vallée entière.
Contamination des océans
7Le processus de drainage minier acide est le même pour les gisements de sulfures exploités ailleurs dans le monde. C’est le cas de la ceinture pyriteuse ibérique (sud ouest de l’Espagne), exploitée plus ou moins intensément depuis près de 4 000 ans. Dans cette zone, près de 100 mines sont abandonnées et ont produit des stériles dont le tonnage est estimé à plus de 200 Mt. Les eaux de drainage de ces mines et de leurs déblais sont captées par quatre bassins versants principaux (Guadiana, Odiel, Tinto et Guadiamar). Les chercheurs de l’Université de Huelva ont estimé que près de 8 000 t de fer, 1 700 t de zinc et 1 600 t de cuivre sont transférées annuellement par les eaux du Rio Tinto et du Rio Odiel dans l’estuaire de Huelva. Ces valeurs représenteraient près de 60 % et 20 % des flux annuels mondiaux de zinc et de cuivre dissous. Même si ces estimations sont à considérer avec précaution, elles témoignent de l’importance du drainage minier acide dans l’exportation des métaux vers les océans.
Bibliographie
Références bibliographiques
• M. LEBLANC – Bio-oxydation de l’arsenic dans les eaux acides minières. Un exemple de décontamination naturelle : le site minier de Carnoulès, Les Techniques de l’Industrie minérale, 2001.
• P. ROUTHIER – Where are the Metals for the Future? BRGM Orléans, 1983.
Auteurs
Métallogéniste, Maître de Conférences à l’Université Pierre et Marie Curie, METIS, Paris, p. 174.
jacques.thibieroz@upmc.fr
Géochimiste, Professeur à l’Université Paul Sabatier, Géosciences Environnement Toulouse, Toulouse, p. 28, p. 174.
jerome.viers@get.obs-mip.fr
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L'archéologie à découvert
Hommes, objets, espaces et temporalités
Sophie A. de Beaune et Henri-Paul Francfort (dir.)
2012