Annexe 2. Étude des impressions végétales d’un plat à pain chasséen du gisement des Rivaux I, Espaly-Saint-Marcel (Haute-Loire)
p. 120-124
Texte intégral
1Note portant sur l’auteur*
2Monsieur J. P. Daugas1 nous a confié en 1982 pour l’analyse paléocarpologique, le « plat à pain » chasséen de l’ensemble 5 (G.C. 13) du site des Rivaux I dont une face est intégralement couverte d’empreintes végétales.
A) Le site et le contexte archéologique
3Le gisement des Rivaux, situé dans le bassin tectonique du Puy en Velay, présente une importante stratigraphie néolithique. Le « plat à pain » provient d’un contexte chasséen du Velay daté vers 4000 B.C. (en plein optimum atlantique). Il est à remarquer que ce Chasséen est fort ancien et qu’il comprend déjà des « plats à pain » ou disques de terre cuite (Daugas et coll., 1980).
B) Méthode d’étude
4Nous avons procédé, avant l’analyse, à un moulage de la face comportant les empreintes, car nous désirions disposer d’une empreinte en relief (fig. 1 a). Pour ce faire, nous avons employé un élastomère silicone : le Rhodorsil RTVS 335 à rétraction négligeable (de l’ordre du 1/100e de mm).
5L’étude fut effectuée sous une loupe binoculaire au grossissement x 10. Les mensurations ainsi que les documents photographiques furent réalisés à partir du moulage.
C) Analyse
6Nous avons relevé :
- les empreintes de plus de 50 épillets ou bases d’épillets (furca) de Triticum monococcum (l’Engrain) (fig. 1 b et c).
- une « furca » de Triticum dicoccum (Amidonnier) (fig. 1d)
- l’impression d’une graine de Linum cf. usitatissi-mum (Lin), (fig. 2 a).
7Nous n’avons pu mesurer, selon les critères établis par Helbaek en 1952 (fig. 2B), que 40 bases d’épillets de Triticum monococcum :
- 32 largeurs de « furca » (A)
- 8 largeurs de glume (B).
8Nous avons également mesuré la largeur de la « furca » de Triticum dicoccum, ainsi que les « furca » et bases de glume d’Engrain provenant de notre collection de référence. Toutes ces mesures sont regroupées dans le tableau 1.
9Les empreintes fossiles présentent des dimensions assez proches de celles de l’échantillon récent. Toutefois, les mesures « A » sont légèrement inférieures à celles des « furca » actuelles.
10Cette différence traduit certainement le fait que les semences de référence ne proviennent pas de culture biologique. Elles ont bénéficié de l’apport d’engrais et sont donc mieux développées.
D) Commentaires et discussions
a) L’Engrain (Triticum monococcum) au Néolithique moyen
11Les paléo-semences de seize gisements chasséens (fig. 3) ont été étudiées. Ils montrent que les Orges polystiques nues et vêtues (Hordeum vulgare) étaient cultivées ainsi que les trois espèces de Blés (Triticum aestivo-compactum, T. dicoccum et T. monococcum2.
12L’Engrain n’est mentionné que sur trois sites seulement : l’un est situé dans la zone méridionale : la Baume Fontbrégoua (n° 15) analyse Erroux (Courtin et Erroux 1974), les deux autres en Alsace Rosheim (n° 2) (détermination Geissert) (Thévenin 1970) et Entzheim (n° 1) (étude Hopf) (Schmitt 1975). Il n’est présent qu’en petite quantité (3 caryopses à Entzheim et 15 % du total à Fontbrégoua), sauf à Rosheim où c’est la seule céréale mentionnée. Il est, d’ailleurs, souvent considéré durant la Protohistoire comme une céréale mineure (Erroux 1976, Van Zeist 1980, Marinval 1983).
13La découverte des Rivaux atteste sa culture réelle au Néolithique moyen dans la partie méridionale du Centre de la France.
b) La réalisation du « plat à pain »
14La présence de ces empreintes sur l’une des faces du « plat à pain » nous laisse envisager que celui-ci fut réalisé sur une surface plane sur laquelle était disposée de la menue paille d’Engrain.
15Le potier a réalisé le disque de terre par enroulement en spires concentriques d’un long colombin : cette technique est décelable par l’examen des trois cercles concentriques visibles sur le moulage en lumière rasante (fig. 2a), seule la face supérieure a été lissée, l’autre gardant la marque de la paille et des grains.
E) Conclusions
16Les études d’empreintes de semences dans la céramique protohistorique sont assez rares en France. Quatre seulement ont, jusqu’à présent, été analysées.
17Or, les empreintes permettent dans leur ensemble une identification assez précise (espèce) lorsque les parties caractéristiques de l’individu sont visibles. En outre, elles apportent de précieuses indications morphologiques (mensurations) sur les semences puisqu’elles subissent peu de déformations pendant la calcination par rapport aux éléments eux-mêmes, seule une légère rétraction de l’argile lors du séchage et de la cuisson se produit.
18Le gisement des Rivaux est un nouvel exemple de l’importance relative de l’Engrain dans l’agriculture au Chasséen, en raison du grand nombre d’éléments de ce Blé présents sous forme d’empreintes.
19En conséquence, l’attention particulière portée sur les céramiques offrant des empreintes végétales n’est pas à négliger.
Bibliographie
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F) Bibliographie
Courtin (J.) et Erroux (J.), 1974. Aperçu sur l’agriculture préhistorique dans le Sud-Est de la France. Bull. Soc. Préhistorique Française, 71 (1), p. 321-334.
Daugas (J.P.), Raynal (J.P.), Paquereau (M.M.), Courty (M.A.) et la collaboration de Caillat (B.), Chaix (L.), Evin (J.), Kerguelen (M.), Puis-segur (J.J.), Vernet (J.L.), Vital (J.), 1980. Chronostratigraphie, trait culturel et paléo-milieux du Chasséen du Velay, d’après l’étude du gisement des Rivaux I, Espaly Saint Marcel (Haute-Loire), in. Le Néolithique de l’Est de la France. Acte du colloque de Sens 27-27 septembre 1980., 1, p. 95-111.
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10.1017/S0079497X00018326 :Helbaek H., 1952. Early Crops in Southern England. Proc. Préhist. Society, 18, p. 194-233.
Marinval (P.), 1983. Approche de l’alimentation végétale en France, du Néolithique au Second Age du Fer d’après les macro-restes végétaux. Mémoire de diplôme de l’E.H.E.S.S. Paris, 284 p., 51 fig., 8 Tabl.
Schmitt (G.), (1975). La transition entre le Néolithique moyen et le Néolithique final en Basse-Alsace. Revue Archéol. de l’Est. 26 (1) n° 99, p. 69-117. appendice M.Hopf. Fosses Néolithiques d’Entzheim (Bas-Rhin).
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Van Zeist (W.), 1980. Aperçu sur la diffusion des végétaux cultivés dans la région méditerranéenne, in : Colloque de la Fondation L. Ember-ger. « La mise en place, l’évolution et la caractérisation de la flore et de la végétation circum-méditerranéenne » Montpellier, avril 1980, Naturalia Monspeliensia, n° hors série 1980, p. 129-145.
Notes de bas de page
Notes de fin
* Laboratoire de Paléobotanique (U.A. 275 du C.N.R.S.), Musée de l’Homme, 75116 Paris.
Auteur
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