28. Les outils pour détecter les ressources hydrologiques
p. 148-149
Texte intégral
Ce n’est pas so(u)rcier !
1Qu’il soit sourcier ou géophysicien, l’homme a depuis toujours cherché à localiser les ressources en eau souterraine. Quel que soit le moyen utilisé, ce défi passe d’abord par la connaissance du milieu dans lequel cette eau est stockée, ou peut circuler (géométrie du sous-sol, et propriétés physiques pour décrire les couches/structures constituant ce sous-sol), mais également par celle des flux actifs dans ce milieu (variation temporelle et déplacement d’eau, transport et dégradation de polluants). Ces données sont obtenues par une combinaison d’informations géologiques et hydrogéologiques, et de résultats de prospection géophysique. Cette exploration intégrée du sous-sol, dite « hydrogéophysique », nécessite la recherche de toutes informations complémentaires (indices de surface, affleurements*, puits…) pouvant permettre de choisir les outils géophysiques en adéquation avec la cible recherchée (milieu, profondeur, dimensions), puis d’optimiser les mesures (orientation, fréquence temporelle et spatiale), et enfin de compléter l’analyse de l’ensemble des données.
Caractéristiques des outils géophysiques
2Les méthodes géophysiques peuvent être employées à partir de la surface – que ce soit sur le sol, sur l’eau (en mer et en rivière) ou dans les airs (par hélicoptère, avion, drone ou satellite) – et en forage (diagraphie*). Ces méthodes sont non intrusives et non destructrices, car elles n’ont pas d’impact sur la vulnérabilité de la ressource. Elles sont indirectes, c’est-à-dire qu’elles ne donnent pas accès directement à une image du sous-sol ; c’est l’analyse des données collectées qui permet ensuite de proposer une image du sous-sol à partir des mesures. Elles sont également incertaines à cause de bruits provoqués par des structures géologiques, ou des activités anthropiques, qui peuvent induire un signal qui se superpose au signal cible, rendant sa détection plus compliquée. Des phénomènes d’équivalence peuvent aussi se produire lorsque plusieurs sous-sols différents provoquent des mesures identiques. Par ailleurs, des paradoxes peuvent avoir lieu lorsque des sous-sols proches provoquent des mesures très différentes. Enfin, ces méthodes sont limitées par la profondeur d’investigation, définie comme étant la profondeur jusqu’à laquelle une couche/structure peut se situer pour être détectée par les mesures géophysiques. L’hydrogéophysicien a à sa disposition plusieurs méthodes pour sonder le sous-sol. Tout d’abord les méthodes électriques à courant continu, avec notamment le sondage électrique et la tomographie de résistivité électrique (ERT*) ; les méthodes électromagnétiques basse fréquence, avec notamment les cartographies électromagnétiques en domaine fréquentiel (slingram* et VLF*) ; et le sondage électromagnétique transitoire ou temporel (TDEM*) sont tous sensibles à la conductivité électrique* du sous-sol (ou son inverse, la résistivité) liée à la présence et à la qualité de l’eau. Il est aussi possible d’utiliser la résonance magnétique des protons (RMP*), car elle est directement sensible à la teneur en eau dans le sous-sol. La polarisation spontanée est, quant à elle, sensible au phénomène électrocinétique*. Les méthodes électromagnétiques haute fréquence (radar et TDR*) visent la permittivité diélectrique* principalement liée à la teneur en eau. Les méthodes sismiques étudient la propagation des ondes acoustiques dans le sous-sol, sachant que l’état de saturation en eau* d’un milieu modifie cette propagation. Les méthodes gravimétriques permettent, quant à elles, de renseigner, suivant le type de mesures, sur des contrastes de densité (et donc de remplissage des vides par de l’eau) à l’échelle locale ou globale. Enfin, il existe aussi des méthodes thermiques, car l’eau intervient dans la convection.
Prospection géophysique sur le site de l'observatoire hydrogéologique de Ploemeur (Morbihan). © S. Pasquet
3Les informations obtenues par toutes ces méthodes peuvent être qualitatives, lorsque la mesure présente une différence entre plusieurs points, permettant ainsi de localiser une anomalie ; ou quantitatives, lorsque l’analyse des mesures permet d’obtenir une image du sous-sol à l’origine des mesures. À noter que la mesure géophysique correspond à une valeur apparente englobant plusieurs informations : propriétés physiques et propriétés géométriques de plusieurs matériaux « affectant » le signal mesuré. Ces valeurs apparentes sont souvent cohérentes avec des propriétés physiques, mais n’en sont pas directement.
Pour quelle cible ?
4Les outils géophysiques sont adaptés pour répondre chacun (ou en combinaison) à des questions hydrologiques différentes. Ils permettent d’abord de localiser le « toit » et le « mur », l’alimentation et l’exutoire* des hydrosystèmes pour des aquifères* sédimentaires, alluviaux ou volcaniques stratifiés et aussi de localiser les lieux de circulation pour les aquifères de socle et karstiques (fractures, failles, conduits). Ils sont également très utiles à la caractérisation physique du réservoir (porosité, perméabilité…) et à son évolution temporelle, ainsi qu’à la qualité de l’eau. Ils ciblent des propriétés physiques (électriques, mécaniques, hydrauliques…) qui dépendent de plusieurs paramètres, tels que la porosité, le contenu en eau et en argile… Dans tous les cas, il n’existe pas de technique de mesure géophysique miracle qui permet d’identifier à coup sûr une ressource hydrologique ciblée. Il n’y a pas non plus bijection entre une question hydrologique et une méthode géophysique. La combinaison de plusieurs méthodes avec l’utilisation d’informations extérieures est souvent un gage de reconnaissance plus sûr, en raison d’une possibilité de contraindre l’interprétation d’une méthode par l’interprétation de l’autre.
Avenir de l’hydrogéophysique
5Il reste beaucoup de défis à relever en hydrogéophysique. Il faudrait tout d’abord améliorer la connaissance des fonctions de transfert entre les mesures géophysiques et les propriétés hydrologiques, et ceci à différentes échelles (échantillons, cuves contrôlées, parcelles expérimentales, bassin hydrologique). Par ailleurs, il est nécessaire de développer des outils d’inversion/modélisation géophysique conjointe aux outils de modélisation hydrodynamique, d’optimiser les mesures avec des appareils permettant d’acquérir plus de données en moins de temps et d’améliorer des procédures d’acquisition et de traitement (imagerie 3D et 4D, inversion jointe…). La mise au point de certaines techniques de mesure permettant d’atteindre des informations complexes sur le milieu et l’eau (polarisation provoquée spectrale*, électromagnétisme aux fréquences intermédiaires, sismique en onde de surface) est également un enjeu majeur. Enfin, les progrès du domaine reposent également sur l’avancée instrumentale, avec le développement de capteurs par fibre optique, et des méthodes employées depuis les airs ou l’espace.
Bibliographie
Référence bibliographique
• ACF – Eau-Assainissement-Hygiène pour les populations à risque, Hermann, ch. 5, Prospection des eaux souterraines, 2006.
Auteurs
Hydrogéophysicien, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, METIS, Paris, p. 148.
roger.guerin@upmc.fr
Hydrogéophysicien, Maître de conférences à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, EMMAH, Avignon, p. 148.
konstantinos.chalikakis@univ-avignon.fr
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2012