26. Les bassins versants
p. 144-145
Texte intégral
Une très grande variabilité
1Le bassin versant*, en une section donnée d'un cours d'eau, est constitué de l'espace qui collecte l'ensemble des écoulements des eaux de pluie et de neige, qui ruissellent ou s'infiltrent, des eaux souterraines, des eaux de fonte de glacier et des eaux de sources et de rivières situées topographiquement en amont du point considéré. Il peut arriver que le bassin versant topographique diffère quelque peu du bassin versant réel lorsque la géologie induit des transferts d'eau souterrains entre bassins voisins. La superficie du bassin versant d'un cours d'eau croît de l'amont vers l'aval : moins d'un hectare (0,01 km2) pour les têtes de bassin*, près de 100 000 km2 pour le Rhône à son exutoire* en Méditerranée, jusqu'à quelques millions de km2 pour les plus grands fleuves (Congo, Amazone), à leur débouché dans l'océan.
2Le comportement d'un bassin versant varie fortement selon les contextes géologique, pédologique* et climatique dans lesquels il se situe. En construisant des ouvrages sur les cours d'eau, comme les barrages, en modifiant l'occupation des sols, par le développement urbain, le changement des pratiques agricoles, la déforestation, les activités humaines peuvent modifier de manière sensible ce comportement, pour produire de l'énergie, fournir de l'eau pour l'irrigation, développer des activités économiques. Pour répondre à ces mêmes besoins, des aménagements peuvent être réalisés pour transférer de l'eau hors des limites naturelles d'un bassin versant pour en alimenter un autre. En France, citons les transferts par conduites forcées entre l’Arc et l’Isère pour la production d’électricité. Limitée sous climat tempéré, cette pratique s'est historiquement développée en contextes plus arides pour couvrir des besoins en eau excédant les ressources locales. De nombreux exemples existent dans le monde, comme les aménagements sur les fleuves Colorado en Amérique, Amou Daria en Asie, ou encore le fleuve Orange en Afrique. Cette politique d'aménagements lourds se heurte désormais aux logiques environnementales et de développement durable, une des raisons pour lesquelles le projet de transfert d'eau du Rhône à Barcelone n’a finalement pas vu le jour dans les années 2000.
3Le fonctionnement d'un bassin versant peut être approché par une représentation détaillée de tous les processus d'évapo-transpiration*, de transferts de l'eau et des solutés intervenant, en surface et en souterrain, à la fois sur les versants et dans le réseau hydrographique, depuis les lignes de crêtes* jusqu'à l'exutoire* du cours d'eau. Une autre approche, plus probabiliste, s'intéresse au régime hydrologique* à différentes échelles d'espace et de temps. Elle vise à décrire le comportement du bassin versant par un ensemble de descripteurs caractéristiques. Ainsi, la série des valeurs de débit observées en un lieu depuis plusieurs décennies se résume à quelques descripteurs (valeur moyenne, dispersion autour de la moyenne, courbe des valeurs classées*, valeurs extrêmes), qui permettent de repérer les périodes et les valeurs caractéristiques des étiages ou des crues (figure 1). Dans le cas des températures, ces descripteurs permettent de distinguer les situations moyennes des situations « hors norme » de canicule ou de grand froid.
Fig. 1 – Cartographie des régimes hydrologiques en métropole. Régime hydrologique décrit par les douze coefficients mensuels de débits, définis comme les rapports des débits mensuels moyens au débit annuel moyen. Ces courbes renseignent sur les périodes de hautes et moyennes eaux. En gris, noir et vert : régimes pluviaux ; en violet : régimes nivaux ; en bleu régimes glaciaires ; en jaune, orange et rouge : régimes mixtes pluviaux-nivaux. D'après E. Sauquet, 2013
De la connaissance du fonctionnement à la gestion des ressources en eau et des risques
4Un bassin versant est le lieu de nombreux processus élémentaires d'écoulement dont l'agrégation est complexe. À l'échelle de plusieurs dizaines de km2, il n'est pas possible de décrire précisément toutes les caractéristiques de ces processus. Leur caractère non linéaire accroît également la complexité de la réponse du bassin versant à un événement hydro-climatique. La représentation de ce fonctionnement est simplifiée grâce à un découpage macroscopique du bassin versant en mailles hydrologiquement homogènes de quelques hectares à quelques kilomètres carrés, s'appuyant sur l'imagerie satellitaire associée à des techniques statistiques de classification. Les modélisations ainsi développées, qu’elles soient physiques ou statistiques, sont ajustées et validées sur des jeux de données disponibles. Il est indispensable pour ce faire de disposer d’observations nombreuses, fiables et suffisamment longues. Elles sont acquises, en particulier, sur des bassins versants densément instrumentés et observés sur le long terme (plus de 10 ans, voire davantage pour l’analyse des extrêmes).
5Ces modèles, représentatifs du fonctionnement réel, sont ensuite utilisés pour simuler et améliorer les stratégies de gestion des ressources et des risques associés. Il s'agit là de s'intéresser à la répartition des ressources en eau sur le territoire, à leur disponibilité par rapport aux besoins locaux et à la prévention des risques, notamment d'excès (inondations) ou de pénurie (sécheresse). Des éléments de réponse déterminants sont ainsi apportés à de nombreuses questions relevant de l'aménagement des territoires. Quel est le risque, en termes de probabilité de défaillance, que telle retenue atteigne un niveau de remplissage insuffisant pour le soutien d'étiage* ? Sur tel espace à vocation agricole, quels seraient les impacts, et à quel terme, de la réduction ou de l'augmentation des sources de pollution sur la qualité future des eaux en rivière et dans les nappes ? De nombreux travaux récents ont abordé le thème de l'impact du changement climatique et permettent de mieux appréhender les tensions futures probables pour l'alimentation en eau potable et agricole du fait du réchauffement global en marche. D'autres se sont attachés à préciser les impacts du développement de l'urbanisation, thème lui aussi préoccupant, aussi bien par l'augmentation des enjeux exposés en zone inondable que par l'aggravation des conditions d'écoulement notamment (figure 2).
Fig. 2 – Haut : Image aérienne du bassin versant périurbain de la Chaudanne dans l’ouest lyonnais IGN BD Ortho® et contours du bassin en vert. Bas : maillage du modèle hydrologique distribué. En vert, les parcelles naturelles ou agricoles et les haies ; en rouge, les parcelles urbaines ; en bleu, les lacs et le réseau hydrographique naturel complété par le réseau de fossés ; en jaune, les déversoirs d’orage. D'après S. Jankowfsky, 2011
6Pour conclure, la notion de bassin versant est très féconde, car le bilan d'eau prend sens sur cet espace et permet d’intégrer les conséquences de nouvelles conditions climatiques ou évolutions sociétales qui peuvent y être simulées et quantifiées. Croisée avec la notion de territoire et d'enjeux géopolitiques associés, elle permet d'aborder les questions émergentes de gestion des ressources en eau et des situations extrêmes (cf. III.14) et de développer la recherche de solutions opérationnelles à toutes les échelles.
Bibliographie
Références bibliographiques
• P.-L. BERGER et E. SERVAT – 100 réponses sur l'eau, Tournon, 2006.
• M. LANG et D. COEUR – Les inondations remarquables en France. Inventaire 2011 pour la directive Inondation, Quae, 2014.
• G. BLÖSCHL, M. SIVAPALAN, T. WAGENER, A. VIGLIONE et H. SAVENIJE – Runoff Prediction in Ungauged Basins - Synthesis across Processes, Places and Scales, Cambridge University Press, 2013.
Auteurs
Hydrologue, Ingénieur-chercheur à l’Irstea, Unité de recherche Hydrologie-Hydraulique, Villeurbanne, p. 144.
michel.lang@irstea.fr
Hydrologue, Chargé de recherche à l’Irstea, HHLY, Villeurbanne, p. 144.
eric.sauquet@irstea.fr
Hydraulicien, Ingénieur-chercheur retraité de l’Irstea, Président du conseil scientifique du Comité de Bassin Rhône Méditerranée, p. 144.
bernard.chastan@free.fr
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2012