Discussion

p. 45-46


Texte intégral

La chronologie

D. Binder :

1Vous avez omis, M. Evin, de signaler dans votre inventaire des dates 14C de Provence un site, Caucade, qui a été fouillé en 1978 et qui a donné un âge de 5650 pour du matériel à céramique imprimée.

J. Evin :

2La diapositive que j’ai présentée ici se référait aux dates qui étaient disponibles il y a une dizaine d’années. Effectivement depuis il y a eu des résultats en plus qui ont été ajoutés, qui sont plus anciens que 5000 B.C., mais entre temps il y en a eu 25 ou 30 qui ont tous été plus récents de 5000 B.C. ; d’autre part, effectivement, ces résultats sont sur charbons de bois.

D. Binder :

3Par ailleurs, en ce qui concerne la comparaison des datations faites sur coquille marine et celles faites sur charbons de bois, je crois qu’il y a de votre part une interprétation qui est un peu suspecte dans la mesure où vous faites référence à des coquilles provenant de cordons littoraux, alors que nous avons des coquilles marines qui viennent de foyers et qui ont été consommées, alors ça ne peut donc pas servir d’argument dans votre démonstration. En second lieu nous notons dans la série de Châteauneuf-les-Martigues, que les datations sur coquille du Castelnovien et celle que vous avez vous même effectuées sur charbons sont tout à fait cohérentes entre elles, donc il y a un problème de pure logique.

J. Evin :

4Je ne nie pas que dans quelques cas et même dans de nombreux cas il peut y avoir une concordance parfaite, mais je dis que c’est un heureux hasard et que vous ne pouvez pas choisir et savoir si c’est un hasard ou non. Vous ne pouvez pas savoir si votre date est bonne ; la première chose qu’il faut que vous ayez c’est une fiabilité totale du matériel.

N. Mills :

5Ne serait-il pas possible de tester votre hypothèse concernant le problème des datations au carbone 14 sur coquilles marines à partir d’échantillons de comparaison et en les confrontant aux datations sur charbons de sites côtiers tels que Châteauneuf, Cap-Ragnon et île Riou ? De même n’est-il pas possible, puisqu’il y a des coquilles marines qui se trouvent à l’intérieur du pays, de tester leur validité en faisant des datations sur des coquilles marines à l’intérieur du pays ?

6Il me semble qu’il y a quand même un certain élément d’interprétation qui entre dans les hypothèses que vous proposez concernant ces datations sur coquillage. C’est un peu comme si maintenant les datations des sites côtiers en Provence ne sont plus dans le courant des grandes idées, des grandes hypothèses actuelles et donc on préfère les laisser tomber.

J. Evin :

7Absolument pas. Je constate qu’en général il y a de grandes chances qu’elles soient vieillies ou rajeunies mais, en attendant, je constate qu’il est assez fréquent que les dates sur coquilles soient énigmatiques, le hasard fait que dans ce cas là les dates sont plus vieilles, mais elles pourraient être plus récentes. Je ne veux pas prendre parti sur la question de l’ancienneté de ce Néolithique, je veux prendre parti sur la valeur de l’échantillon et je vous mets en garde contre la valeur que vous pouvez attribuer à ces dates, c’est tout.

8Olive :

9Je veux revenir sur ce problème de la datation des coquilles marines. J. Evin a parlé d’un vieillissement dû à la diagénèse, c’est-à-dire une fois que la coquille est enfouie. Mais il y a aussi que les mollusques élaborent leur test de calcaire à partir de carbonates qui sont déjà âgés, qui ont déjà 80 ou 100, 120 ans : ça c’est dû au temps de circulation, au temps de séjour du CO2 ; et on ne peut pas y échapper. Au départ, les mollusques se nourrissent donc d’un produit qui a déjà 100 ou 200 ans. Ils sont donc vieillis dès l’origine et ça peut monter jusqu’à 200 ans. On va donc forcément trouver des âges plus élevés sur des échantillons de coquilles marines.

D. Geddès :

10Que pouvez-vous dire sur les différences entre les datations sur os et sur os brûlé ?

J. Evin :

11Théoriquement, il ne doit pas y avoir de différence si l’on arrive à bien nettoyer au laboratoire l’os brûlé, ce qui est couramment faisable. D’ailleurs nous avons fait récemment une série de datations sur le Périgordien supérieur du site de Villerest et les datations sur os brûlés étaient excellentes, les datations sur collagène également.

P. Marinval :

12Est-ce que les graines sont un matériel intéressant ou est-il préférable de prendre des individus qui ont vécu plusieurs années ? Car je me suis laissé dire que la graine étant annuelle ce ne serait pas un bon élément de datation.

J. Evin :

13Oui, bien sûr, parce que vous voulez raffiner la datation, mais est-il nécessaire de raffiner à ce point la datation, compte tenu de l’erreur statistique que vous obtenez sur le résultat - il est déjà lui-même très approximatif- ? Si la teneur en radiocarbone annuel n’est pas très bien déterminée, évidemment il vaudrait mieux tenter de faire la synthèse de plusieurs années à la fois. Mais je ne suis pas très convaincu que, au bout de 5000 ans, ça joue beaucoup.

14Théoriquement, c’est vrai si l’on veut faire des corrections, mais ce n’est pas très réaliste pour l’archéologie telle qu’on la fait.

J. Courtin :

15Juste un mot pour rappeler tout de même les datations sur charbons de Caucade que l’on a évoquées et celle de Basi en Corse qui, toutes deux, s’inscrivent aussi vers 5700 B.C. Vous faites abstraction des dates très hautes sur coquilles qui, malheureusement, sont en Provence. Si on les avait trouvées en Languedoc, je pense qu’on les aurait acceptées depuis longtemps. Mais que pensez-vous de la date de Basi ?

J. Evin :

16Je n’ai, moi, rien à penser de la date de Basi puisque je me situe au point de vue matériel ; il s’agit d’une datation sur charbon de bois, que je sache. Il me semble que c’était du charbon de bois relativement gros : de mon point de vue de dateur et de celui qui a nettoyé dans le laboratoire, l’échantillon a priori est bon pour ce qui est de la datation, mais c’est à vous, archéologues, de voir s’il est représentatif de l’horizon archéologique de cette époque.

G. Camps :

17M. Evin met en doute les datations obtenues sur les gisements néolithiques les plus anciens, lorsque ces datations sont obtenues sur coquilles. J’ai sous les yeux plusieurs sites dont les datations sont antérieures à 6000 B.C. (non corrigé) et qui ne sont pas sur coquilles : Nerja, Camprafaud, la Poujade, la grotte de l’Uzzo en Sicile, Coppa Nevigata, date mystérieuse qui n’a jamais été vraiment publiée. D’autre part je peux vous donner des dates antérieures à 5500 au moins pour l’Afrique du Nord et je peux vous affirmer que c’est sur charbon.

J. Evin :

18Mais la conclusion de mon article n’est pas de dire que le Néolithique ancien n’est pas antérieur à 5000, ce n’est pas à moi de dire cela, ce sera peut-être le colloque qui le dira. Je veux simplement que vous éliminiez de votre discussion un certain nombre de résultats sur lesquels il ne faut pas vous fonder, mais trouvez-en d’autres, dont le matériel est fiable, et alors d’accord.

R. Montjardin :

19Ce n’est pas la méthode que, pour ma part, je mets en cause, mais la correspondance des dates entre les laboratoires et pas uniquement français. On cite des dates du Sud de l’Espagne, mais je crois savoir qu’elles sont faites par un laboratoire de Tokio ou par des laboratoires américains. Alors le problème est là ; c’est une question de corrélation entre laboratoires internationaux.


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