Chapitre 8. Les dynamiques de métropolisation en Israël
p. 189-213
Texte intégral
1Ce chapitre est consacré aux caractéristiques des 4 aires métropolitaines, aux processus de métropolisation et à ses effets sur le changement politique en Israël. Nous analyserons d’abord leur prédominance car dans un avenir proche la grande majorité de la population et la plus grande partie du territoire, à l’exception du Sud aride et éloigné, ne formeront plus qu’une seule région mégalopolitaine, composée de plusieurs métropoles. Puis nous décrirons le processus de suburbanisation qui s’accélère et conduit à une transformation progressive d’Israël en un État-nation métropolitain.
2Nous poursuivrons avec une présentation des attributions du gouvernement local dans les aires métropolitaines israéliennes, en montrant que, bien que ce système ne soit pas particulièrement fragmenté, l’absence d’une coordination et d’une coopération suffisantes, ainsi que l’érosion des mécanismes de réduction des inégalités de l’État-providence, créent de réels problèmes. L’analyse de la polarisation économique et sociale à l’intérieur des aires métropolitaines d’Israël et entre elles révèlera des convergences et des différences avec le modèle des États-Unis. Des disparités importantes entre villes-centres et banlieues persistent au niveau national, mais les 2 principales villes que sont Tel-Aviv et Haifa conservent leur poids, malgré la suburbanisation des entreprises et de la classe moyenne.
3Enfin, l’étude de la relation entre l’évolution métropolitaine et le comportement politique fera ressortir l’influence du néoconservatisme et de la recentralisation sur les disparités socio-économiques et la crise de la démocratie locale. Nous nous intéresserons également aux particularités des clivages politiques en Israël, où l’opposition gauche-droite ne renvoie pas seulement à l’attitude par rapport au secteur public mais aussi au conflit israélo-arabe, et où les minorités tendent à voter selon des orientations ethnoreligieuses.
Les aires métropolitaines en Israël : définition et croissance
Définition
4Le Bureau central des statistiques d’Israël (CBS) définit les aires métropolitaines comme incluant des zones d’habitat adjacentes qui forment une seule entité fonctionnelle en termes de liens économiques, culturels et sociaux. Les délimitations ne résultent pas de l’analyse formelle d’un ensemble spécifique de critères, mais reposent minimalement sur des données portant sur les trajets domicile-travail, le volume de transports et les migrations.
5On compte 4 aires métropolitaines dont la population est supérieure à 200 000 habitants : Tel-Aviv, Haifa, Jérusalem et Beer Sheva (tableau 1). Seules 3 d’entre elles sont délimitées par le CBS. La carte 1 présente les définitions du CBS pour les aires métropolitaines de Tel-Aviv et de Haifa. Le découpage des aires de Jérusalem et de Beer Sheva est fondé sur notre propre estimation. Le CBS ne propose pas de définition formelle de l’aire métropolitaine de Jérusalem, en raison du caractère très sensible du point de vue géopolitique d’une telle tentative, et sa définition de l’aire métropolitaine de Beer Sheva est extrêmement large puisqu’elle englobe de larges fractions de désert à peine habité.
Tableau 1. Population des 4 aires métropolitaines d’Israël, 1989-2002
Aire métropolitaine | ||||||||
Tel-Aviv | Haifa | Jérusalem | Beer Shevab | |||||
1989 | 2002 | 1989 | 2002 | 1989 | 2002 | 1989 | 2002 | |
Population total (en milliers) | 2 090,0 | 2 889,8 | 697,8 | 971,3 | 589,6 | 906,4 | 275,1 | 457,6 |
Juifs | 1 995,0 | 2 626,1 | 653,8 | 442,3 | 662,0 | 209,1 | 303,0 | |
Arabes (y compris les Druzes)c | 95,0 | 138,0 | 264,8 | 147,3 | 229,8 | 65,9 | 127,1 | |
Autres | – | 125,7 | 52,7 | – | 14,6 | – | 27,5 |
La population : taille et composition
6La métropole de Tel-Aviv – le principal cœur économique et culturel d’Israël – frôle les 3 000 000 habitants. Dans son découpage actuel, son poids par rapport à la population d’Israël a décliné lentement (tableau 2), mais si l’on tient compte du fait que les limites actuelles tendent à agrandir sur le plan fonctionnel l’aire métropolitaine des décennies précédentes, et peut-être aujourd’hui à la réduire légèrement, on peut supposer que la proportion de la métropole de Tel-Aviv dans la population totale d’Israël demeure assez stable, autour de 44-45 %. Plusieurs implantations juives de Cisjordanie qui, fonctionnellement, font partie intégrante de la métropole, sont exclues parce que les unités spatiales officielles du CBS n’incluent pas les zones n’appartenant pas à Israël.
Tableau 2. Population de l’aire métopolitaine de Tel-Aviv, 1961-2002, en milliers
1961 | 1972 | 1983 | 1990 | 1995 | 2000 | 2002 | |
Aire métropolitaine | 1 110,9 | 1 527,2 | 1 896,7 | 2 210,4 | 2 488,1 | 2 785,7 | 2 889,7 |
Total Israël | 2 179,5 | 3 147,7 | 4 037,6 | 4 821,7 | 5 612,3 | 6 369,3 | 6 631,1 |
% métro. Tel-Aviv | 51,0 | 48,5 | 47,0 | 45,8 | 44,3 | 43,7 | 43,6 |
7Tel-Aviv est une métropole dont la population est essentiellement juive (tableau 1). Moins de 5 % de la population y est arabe, composée essentiellement de communes pauvres comme Jaffa, Lod et Ramla, et de quelques villages devenus des villes dans la couronne extérieure au nord-est. La catégorie « autres » inclut des non-Juifs qui ne sont pas Arabes, essentiellement des immigrants de l’ancienne Union soviétique et des travailleurs étrangers légaux ou illégaux (dont le nombre est sous-estimé). La métropole de Tel-Aviv est aussi majoritairement laïque, bien qu’il existe une enclave importante de juifs ultra-orthodoxes dans la banlieue intérieure de Bene Beraq et qu’une nouvelle ville ultra-orthodoxe se développe à l’est de la couronne extérieure.
8Haifa est la deuxième aire métropolitaine en taille (tableau 1), et constitue le centre du Nord d’Israël. L’importance relative d’Haifa a progressivement décliné depuis la création de l’État en 1948. Elle a perdu son statut de plus grand port national, une partie de son industrie lourde a déménagé vers des communes périphériques, où des incitations financières étaient proposées, et la métropole dominante de Tel-Aviv l’a quelque peu éclipsée en tant que premier centre d’affaires pour la Galilée. Cependant, un groupe d’entreprises de haute technologie ainsi que d’autres industries ont maintenu la viabilité économique de cette métropole. Son centre et sa couronne interne sont peuplées en majorité par la classe moyenne juive, mais sa couronne extérieure, en particulier au nord-est, comprend un nombre substantiel de localités arabes plus pauvres. Les Arabes comptent pour plus de 27 % de la population métropolitaine, et une population arabe encore plus importante réside au-delà des limites métropolitaines, en particulier dans les zones de Nazareth, Sakhnin et Umm Al Fahm. La Galilée centrale formera-t-elle dans l’avenir une aire métropolitaine distincte, ayant peut-être Nazareth pour centre, ou bien sera-t-elle absorbée par l’aire de Haifa ? L’analyse des liens internes à la Galilée centrale et des relations externes avec Haifa depuis le milieu des années 90 ne permet pas de trancher en faveur de tel ou tel scénario (Said, 2001).
9La dimension de l’aire métropolitaine de Jérusalem est globalement similaire à celle de la métropole de Haifa (tableau 1). Il n’existe pas de définition formelle de cette région urbaine. Elle se compose d’une ville-centre dominante (la plus grande d’Israël) qui compte près de 700 000 habitants, dont 66 % sont Juifs et 33 % Arabes (tableau 3). À l’intérieur des limites formelles de l’État d’Israël, cette métropole correspond à peu près au district de Jérusalem. Néammoins, une grande partie des flux de suburbanisation s’est faite depuis les années 80 en direction des implantations juives adjacentes de Cisjordanie. En 2002, la population de ces implantations était à peu près équivalente à celle du district de Jérusalem (Jérusalem non comprise), mais les deux parties suburbaines incluaient seulement 25 % de la population métropolitaine. Traditionnellement, Jérusalem a servi de centre à la Cisjordanie palestinienne, et près de 500 000 Arabo-Palestiniens habitent des localités que l’on peut considérer comme faisant partie de la métropole de Jérusalem (outre les Palestiniens vivant à l’intérieur de la ville de Jérusalem) (tableau 3), y compris les villes de Ramallah et de Bethléem. Pour les résidents de ces localités, l’accès à Jérusalem est devenu de plus en plus difficile depuis le début de la première Intifada en 1987. Depuis 1994, elles font partie de l’Autorité nationale palestinienne (ANP). Leurs liens avec la métropole israélienne de Jérusalem sont plutôt limités.
Tableau 3. Population de l’aire métropolitaine de Jérusalem par zones, 2002
Total Population | Juifs | Arabes | Autres | Nombre d’unités locales | |
Ville de Jérusalem | 680 400 | 447 900 | 221 800 | 10 700 | 1 |
Banlieues à l’intérieur d’Israël | 113 700 | 102 000 | 7 900 | 3 800 | 5 |
Implantations juives en Cisjordanie | 112 300 | 112 100 | 100 | 100 | 8 |
Localités palestiniennes - ANP | 470 000 | 0 | 470 000 | 0 | 90 |
Total | 1 376 400 | 662 000 | 699 800 | 14 600 | 104 |
10La métropole de Beer Sheva est reconnue comme telle depuis les années 90 seulement, et il lui manque encore un attribut commun à la plupart des aires métropolitaines : une zone construite en continu incluant la ville-centre et au moins quelques-unes de ses banlieues. La population de la métropole de Beer Sheva a considérablement augmenté à cette époque. La métropole a absorbé un grand nombre de nouveaux immigrants en provenance de l’ex-Union soviétique, attirés par les logements abordables disponibles dans cette région. La population arabo-bédouine s’est également rapidement développée, et forme à présent environ 28 % de la population métropolitaine.
Les taux de croissance : vers un système métropolitain à deux niveaux
11La croissance de la population dans les 4 aires métropolitaines (dans leurs délimitations actuelles) a été rapide entre 1989 et 2002, variant de 38 % pour l’aire métropolitaine de Tel-Aviv à 66 % pour celle de Beer Sheva (tableau 4). Les taux de croissance de la population ont augmenté avec la distance par rapport au centre dans les 4 aires métropolitaines, les couronnes extérieures croissant le plus rapidement (carte 2). Les villes-centres de Tel-Aviv et de Haifa et la couronne intérieure de l’aire de Tel-Aviv ont enregistré les plus faibles taux de croissance, en raison d’une pénurie relative de réserves foncières. L’expansion a par contre été spectaculaire dans la couronne extérieure de cette dernière, dont la population a pratiquement doublé entre 1989 et 2002, ainsi que dans la banlieue de Jérusalem, qui a connu des taux de croissance encore plus élevés mais une augmentation de la population plus modeste en valeur absolue.
Tableau 4. Population (en milliers) et pourcentage de croissance de la population dans les 4 aires métropolitaines par couronne, 1989-2002
1989 | 2002 | % croissance 1989-2002 | |
Tel-Aviv | |||
Total aire métropolitaine | 2 090,0 | 2 889,8 | 38,3 |
Ville-centre | 321,7 | 360,4 | 12,0 |
Couronne intérieure | 721,9 | 800,7 | 10,9 |
Couronne médiane | 631,4 | 914,4 | 44,8 |
Couronne extérieure | 412,5 | 814,3 | 97,4 |
Haifa | |||
Total aire métropolitaine | 697,8 | 971,3 | 39,2 |
Ville-centre | 223,6 | 270,8 | 21,1 |
Couronne intérieure | 199,7 | 265,3 | 32,8 |
Couronne extérieure | 274,5 | 435,2 | 58,5 |
Jérusalem | |||
Aire métropolitaine (ANP non incluse) | 589,6 | 906,4 | 53,7 |
Ville-centre | 504,1 | 680,4 | 35,0 |
Banlieues à l’intérieur d’Israël | 51,8 | 113,7 | 119,5 |
Implantations juives | 33,7 | 112,3 | 233,2 |
Beer Sheva | |||
Total aire métropolitaine | 275,1 | 457,6 | 66,3 |
Ville-centre | 113,7 | 181,5 | 59,6 |
Banlieues | 161,4 | 276,1 | 71,1 |
12Les 4 aires métropolitaines (tableau 1) incluaient en 2002 environ 79 % de la population totale et 27 % de la superficie d’Israël (sans compter la partie cisjordanienne de la métropole de Jérusalem). Étant donné la petite taille d’Israël, et le fait que la métropole de Tel-Aviv en expansion se rapproche des limites des aires métropolitaines de Jérusalem et de Haifa, un système métropolitain à deux niveaux apparaîtra probablement dans un futur proche. La plus grande partie du centre d’Israël et de celle du nord constitueront progressivement une région métropolitaine continue, avec un centre principal à Tel-Aviv et des noyaux secondaires à Jérusalem et Haifa. Il se peut que l’aire de Beer Sheva soit également peu à peu absorbée au sein de cette région métropolitaine en développement.
Les processus de suburbanisation
13Les 4 aires métropolitaines ont été soumises à des processus de suburbanisation, dont les caractéristiques sont cependant spécifiques à Beer Sheva. La croissance rapide de la population dans les années 90 a été marquée par le développement de nouvelles couronnes extérieures aux limites des métropoles (carte 2). Le « front de l’expansion métropolitaine » s’est rapproché des territoires des conseils de région ruraux, dominés par des coopératives rurales – les kibboutzim et les moshavim – qui ont résisté à l’urbanisation jusqu’au début des années 90. Ces nouvelles couronnes extérieures incluent par conséquent des conseils de région ruraux, de nouvelles communes périurbaines, des petites villes, et des municipalités auparavant considérées comme des centres régionaux non métropolitains.
14Les processus qui ont contribué à cette nouvelle vague d’expansion métropolitaine ont été influencés par des mécanismes soit de demande, soit d’offre (Shachar, Razin et Felsenstein, 2003). La croissance rapide de la population, en particulier l’immigration d’environ un million d’immigrants de l’ex-Union soviétique depuis l’automne 1989, a été un important facteur lié à la demande. La popularité croissante de quartiers à faible densité (Gonen, 1995) constitue un deuxième facteur de demande. Depuis la fin des années 70, la classe moyenne israélienne a de plus en plus opté pour le nouveau rêve israélien de la maison individuelle, sans vis-à-vis ou mitoyenne, avec un jardin à l’arrière et un toit rouge. Ce changement de goût résulte à la fois de l’influence de la culture et du mode de vie anglo-saxons, et de l’amélioration du niveau de vie.
15Un troisième facteur induit par la demande est lié aux gouvernements locaux. Depuis le milieu des années 80, ceux-ci dépendent de plus en plus de leurs ressources propres et sont en concurrence acharnée pour attirer commerces et industries afin d’accroître leur base fiscale (Razin, 1998). Le développement de nombre de parcs industriels, de centres commerciaux et d’immeubles de bureaux a été encouragé par les collectivités locales dans le cadre de ce qui est appelé aux États-Unis le « zonage fiscal ». L’extension des constructions a également été encouragé dans certains cas pour bénéficier de plus-values, en particulier sur des surfaces agricoles converties en zones constructibles.
16Les préférences des consommateurs peuvent aussi être considérées comme un facteur lié à la demande. Les galeries marchandes et les centres commerciaux à la mode des banlieues nord-américaines sont devenus extrêmement populaires en Israël depuis le succès de leur introduction au milieu des années 80, car ils offrent le confort d’un accès facile pour les voitures individuelles et d’un environnement climatisé. Les centres commerciaux situés aux limites des métropoles, en particulier ceux qui se trouvent à l’intérieur des territoires des conseils régionaux, présentent un avantage supplémentaire : une ouverture plus facile de leurs commerces le samedi (shabbat) grâce à des tensions moindres avec la population religieuse. Les problèmes croissants de terrorisme et d’insécurité en 2001-2003, associés au conflit israélo-palestinien, ont donné aux centres commerciaux aménagés un avantage supplémentaire : un environnement plus surveillé et sécurisant.
17Une cause majeure de l’expansion métropolitaine liée à l’offre a été au début des années 90 la levée des obstacles au reclassement des terres agraires (Razin, 1996b ; Feitelson, 1999), associée à la crise de l’agriculture et au déclin de la puissance des coopératives rurales, les kibboutzim et les moshavim. Ces derniers ont en grande partie cessé de servir de gardiens des terres cultivées et se sont de plus en plus intéressé aux profits immobiliers tirés de la constructibilité de leur patrimoine foncier. Ces obstacles avaient déjà commencé à être supprimés lorsque des implantations non coopératives et non agricoles avaient été créées dans les années 80 (Newman et Applebaum, 1995).
18Mais il existe également en Israël un certain nombre d’éléments qui tendent à freiner les processus de déconcentration ; la rareté de la terre, qui explique le coût élevé du foncier ; un groupe de fonctionnaires de l’urbanisme encore relativement puissant au niveau de l’État, contrôlant la planification nationale et territoriale ; un lobby « vert » qui a pris une influence considérable, bien que l’agenda public soit dominé par les enjeux liés au conflit israélo-palestinien.
19Par leur ampleur conduisant à une progressive fusion avec les aires de Jérusalem et de Haifa, les processus de suburbanisation sont particulièrement spectaculaires dans l’aire métropolitaine de Tel-Aviv. Dans celles de Haifa, Jérusalem et Beer Sheva, la suburbanisation est davantage conditionnée par des facteurs géopolitiques (les relations entre Juifs et Arabes) et géographiques (la topographie, le climat). La part de la population résidant dans la ville de Tel-Aviv est passée de 50 % en 1970 à 13,3 % en 2002 (tableau 5). La proportion des habitants de la couronne intérieure a également baissé depuis 1980, alors que la part de la population métropolitaine vivant dans la couronne intermédiaire et la couronne extérieure a régulièrement augmenté. Le district central (couronnes intermédiaire et extérieure) a absorbé plus de la moitié de la population métropolitaine depuis le début des années 90.
Tableau 5. Population et emploi dans l’aire métropolitaine de Tel-Aviv, 1970-2002
Ville de | 1970 | 1980 | 1990 | 1995 | 2000 | 2002 |
Nombre d’habitants (% de la zone métropolitaine) | ||||||
Tel-Aviv | 27,0 | 18,7 | 16,0 | 14,8 | 13,6 | 13,3 |
Couronne intérieure | 35,1 | 37,3 | 35,5 | 33,6 | 30,6 | 29,6 |
Couronnes intermédiaire et extérieure | 37,8 | 44,0 | 48,5 | 51,6 | 55,8 | 57,0 |
Total aire métropolitaine | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Total aire métropolitaine (en milliers) | 1 420,1 | 1 795,1 | 2 126,5 | 2 358,3 | 2 611,5 | 2 702,2 |
Nombre d’habitant (% du total d’Israël) | ||||||
Total aire métropolitaine (%) | 47,3 | 45,8 | 44,1 | 42,0 | 41,0 | 40,8 |
Nombre d’actifs – lieu de travail (% de l’aire métropolitaine) | ||||||
Tel-Aviv | 49,2 | 39,6 | 37,7 | 34,6 | 31,6 | 28,8 |
Couronne intérieure | 18,8 | 21,0 | 24,5 | 24,9 | 22,9 | 23,3 |
Couronnes intermédiaire et extérieure | 32,0 | 39,4 | 37,9 | 40,5 | 45,5 | 48,0 |
Total aire métropolitaine | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
Total aire métropolitaine (en milliers) | 480,7 | 587,4 | 707,2 | 949,1 | 1 065,4 | 1 106,3 |
Nombre d’actifs – lieu de travail (% du total d’Israël) | ||||||
Total aire métropolitaine | 49,9 | 46,8 | 47,4 | 48,2 | 48,0 | 48,4 |
20Dans la métropole de Tel-Aviv, la déconcentration de l’emploi est plus rapide de la ville vers les couronnes extérieures que vers celle intérieure (tableau 5). En général, les villes de la couronne intérieure ne peuvent pas offrir de prix de terrain compétitifs, et elles n’ont pas les avantages d’accessibilité de la ville de Tel-Aviv ou des banlieues extérieures. La déconcentration du commerce, et des services financiers et d’affaires de la ville-centre vers les banlieues extérieures est un phénomène particulièrement significatif de ces dernières années. Tel-Aviv perd sa position de centre commercial de la métropole, et la place de ses services financiers et d’affaires pourrait aussi s’éroder.
21Un dilemme politique majeur concerne les mécanismes de contrôle de l’étalement urbain – en particulier en ce qui concerne le reclassement de terres agricoles appartenant à l’État louées aux kibboutzim et aux moshavim – et leurs implications en termes de justice sociale. D’une part, la ville compacte est supposée bénéficier aux plus défavorisés, car elle est plus accessible par les transports en commun et favorise moins la ségrégation. On reproche par ailleurs aux kibboutzim et aux moshavim de réaliser des profits grâce à la reconversion de terres appartenant à l’État en transférant des ressources publiques à un petit nombre aux dépens des pauvres qui résident dans des villes et localités adjacentes (Barak-Erez, 2004). D’autre part, les politiques de contrôle de l’étalement et de reclassement des terres agricoles peuvent conduire à une augmentation des prix du terrain, et donc réduire l’offre de logements abordables pour les personnes défavorisées. Il est également vraisemblable que de telles politiques transforment de plus en plus l’espace rural en domaine exclusif de la classe moyenne supérieure.
Métropolisation et gouvernement local
Les niveaux de fragmentation
22On pourrait supposer que cette suburbanisation rapide a conduit à une accentuation de la fragmentation municipale, dans la mesure où une grande partie de l’expansion suburbaine touche de petites ou de nouvelles communes. Cependant, le gouvernement local en Israël et dans ses aires métropolitaines n’est pas aussi fragmenté qu’on l’affirme fréquemment. La taille moyenne de la population des communes est supérieure à celle que l’on trouve dans la plupart des États européens (Razin, 2004). Elle est passée de moins de 11 000 habitants au tout début des années 50 à près de 26 000 en 2004, en grande partie grâce au rythme très rapide de croissance démographique, ainsi qu’aux effets d’une modeste réforme de regroupement qui s’est déroulée en 2003, réduisant le nombre d’unités locales de 266 à 255.
23Le décompte du nombre de collectivités locales en Israël est controversé. Les conseils ruraux de région incluent plus de 980 villages, chacun doté de son propre conseil. On pourrait arguer qu’ils ne sont pas moins influents ou coûteux que les petites communes de bien des pays européens tels que la France ou la Suisse. Si l’on intègre ces conseils locaux au lieu des conseils régionaux, la taille moyenne des unités locales diminue considérablement, mais demeure cependant plus élevée que dans des pays particulièrement fragmentés comme la France, la République tchèque et la Suisse. Néammoins, l’équilibre du pouvoir entre les conseils de village et les conseils régionaux a eu tendance à pencher en faveur de ces derniers au cours des deux dernières décennies.
24Avec une taille moyenne de plus de 40 000 habitants (tableau 6), le gouvernement local dans la métropole de Tel-Aviv est encore moins fragmenté que dans le reste d’Israël. Plus d’un tiers des communes de l’aire métropolitaine de son comptent moins de 10 000 habitants, et près de 60 % de la population métropolitaine habite dans des villes de plus de 100 000 habitants. La ville-centre – Tel-Aviv – comprend 360 000 habitants, soit 12,5 % seulement de la population métropolitaine.
25La métropole de Jérusalem (sans l’ANP) apparaît comme l’aire métropolitaine la moins fragmentée, où 75 % de la population réside encore dans la ville-centre (tableau 6). En dépit d’une suburbanisation croissante, et de problèmes complexes à l’intérieur de la ville de Jérusalem, aucune entité suburbaine n’a réussi jusqu’à présent à devenir un noyau concurrentiel en taille, en concentration d’emploi et en bien-être économique. Une concurrence plus sérieuse vient de l’aire voisine de Tel-Aviv.
Tableau 6. Les caractéristiques institutionnelles des 4 aires métropolitaines d’Israël, 1989-2002
Aire métropolitaine | ||||||||
Tel-Aviv | Haifa | Jérusalem | Beer Shevaa | |||||
1989 | 2002 | 1989 | 2002 | 1989 | 2002 | 1989 | 2002 | |
Nombre de localités | 247 | 258 | 125 | 132 | 114 | 114 | 70 | 71 |
Nombre de communes | 64 | 69 | 43 | 47 | 9 | 14 | 18 | 21 |
Villes | 20 | 28 | 10 | 13 | 1 | 4 | 2 | 6 |
Conseils locaux | 31 | 28 | 27 | 28 | 5 | 7 | 9 | 10 |
Conseils régionaux | 13 | 13 | 6 | 6 | 3 | 3 | 6 | 10 |
Conseils industriels locaux | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 |
Population moyenne des communes | 32 595 | 41 628 | 16 881 | 21 477 | 65 511 | 64 743 | 14 329 | 21 210 |
% de communes < 5 000 habitants | 35,9 | 20,3 | 23,3 | 12,8 | 33,3 | 21,4 | 29,4 | 5,0 |
% de communes < 10 000 habitants | 54,7 | 37,7 | 58,1 | 48,9 | 33,3 | 35,7 | 70,6 | 55,0 |
% > 100 000 habitants | 12,5 | 13,0 | 2,3 | 2,1 | 11,1 | 7,1 | 5,9 | 5,0 |
Nombre de communes /100 000 habitants | 3,1 | 2,4 | 6,2 | 4,8 | 1,5 | 1,5 | 6,5 | 4,6 |
Population ville-centre/population aire métropolitaine (%) | 15,4 | 12,5 | 32,0 | 27,9 | 85,5 | 75,1 | 41,3 | 39,7 |
Indice de fragmentation géopolitiqueb | 20,0 | 1,9 | 1,9 | 1,7 | 0,2 | 0,2 | 1,6 | 1,2 |
26La métropole de Haifa est plus fragmentée à l’échelle municipale, en grande partie à cause de la petite taille de la plupart des communes de ses couronnes extérieures. Haifa est la seule métropole dont la population dépasse 50 000 habitants. Cependant, ses 271 000 habitants représentent seulement 28 % de la population métropolitaine.
27La taille moyenne de la population des communes de l’aire métropolitaine de Beer Sheva est assez semblable à celle de Haifa, mais avec un niveau plus bas de fragmentation, de par la plus petite dimension de sa métropole.
28L’indice de fragmentation géopolitique (tableau 6) indique que Tel-Aviv est l’aire métropolitaine la plus fragmentée d’Israël, bien que son niveau de fragmentation soit très bas par rapport à la plupart des aires métropolitaines françaises et américaines. L’indice de Tel-Aviv n’est supérieur à celui d’Haifa et de Beer Sheva qu’en raison de la faible proportion de population de sa ville-centre par rapport à celle de la métropole. Alors que la dimension réduite semble avoir un impact négatif sur la viabilité des villes-centres aux États-Unis, comme par exemple Cleveland ou Saint-Louis (Rusk, 1995), le cas de Tel-Aviv apparaît différent. Cette ville maintient en effet un taux extrêmement élevé d’usage commercial et non résidentiel du terrain, malgré une suburbanisation importante du secteur des affaires. Cela renforce sa viabilité financière, car les entreprises tendent à payer des impôts fonciers à un niveau supérieur au coût des services municipaux qu’elles utilisent, contrairement à un usage résidentiel.
29L’évolution de l’indice entre 1989 et 2002 révèle que la fragmentation municipale est en baisse dans les aires métropolitaines israéliennes. Ceci est imputable en partie à la croissance démographique extrêmement élevée, et par ailleurs au fait que, bien que le territoire métropolitain de 1989 soit moins étendu qu’en 2002, le tableau 6 se réfère aux définitions actuelles des aires métropolitaines, dont l’expansion a essentiellement entraîné l’inclusion (en termes de population) de petites communes dans les espaces métropolitains.
Les problèmes de fragmentation
30Les données ci-dessus montrent que le problème du gouvernement local israélien ne tient pas à une fragmentation excessive. C’est plutôt le manque de mécanismes efficaces de coordination et de coopération qui semble agraver les problèmes résultant de la division des aires métropolitaines en différentes unités locales. Il n’existe pas en Israël d’organismes intercommunaux spécialisés – comme les EPCI français (établissements publics de coopération intercommunale) – ou de gouvernements régionaux qui pourraient prendre en charge les tâches qui ne sont pas remplies par les petites collectivités locales de façon efficace (Razin, 2004). On doit par ailleurs reconnaître que la culture politique ne favorise pas particulièrement la recherche de consensus, de compromis et de coopération.
31La seule tentative de créer une municipalité métropolitaine de niveau supérieur pour la partie intérieure de la métropole de Tel-Aviv a échoué en 1973 (Razin, 1996a). Des projets de constitution d’un gouvernement métropolitain à Jérusalem ont été élaborés à la fin des années 90 (Hasson, 1997). Les propositions faites par la municipalité prévoyaient une annexion, tandis que d’autres initiatives préconisaient une institution métropolitaine en tant qu’élément de solution politique au gouvernement d’une aire métropolitaine binationale. Mais la prédominance de la ville vis-à-vis de ses banlieues, l’incapacité d’établir légalement des municipalités qui incluent à la fois des parties d’Israël et de la Cisjordanie, ainsi que le contrôle actuel de la ville par des partis ultra-religieux sont autant de facteurs qui rendent improbable une telle structure.
32Le mécanisme de coopération le plus développé dans l’aire métropolitaine de Tel-Aviv est le Syndicat municipal d’assainissement Dan, dont quinze communes sont membres, tandis que les autres ont recours à ses services à la demande. Il existe d’autres syndicats municipaux qui exercent leurs activités dans le domaine de l’assainissement, du contrôle de l’environnement, etc., mais la plupart d’entre eux sont dans le domaine organisationnel faibles et dépendent financièrement de collectivités locales. L’aménagement du territoire, les transports et les infrastructures régionales sont coordonnés par des administrations centrales. Le ministère de l’Urbanisme et celui de l’Intérieur ont ainsi élaboré dans les années 90 des plans d’aménagement pour chaque aire métropolitaine. Cependant, il n’existe pas de structures organisationnelles engagées en priorité dans des actions métropolitaines (comme par exemple une administration des transports métropolitains).
33Un autre problème lié à la fragmentation municipale concerne les finances locales. Les petites communes représentent un véritable fardeau pour le budget du gouvernement central. Afin d’assurer à leurs citoyens un niveau suffisant de services, d’importantes subventions étatiques compensent l’absence d’économies d’échelle.
34Officiellement une plus grande équité territoriale est recherchée par le gouvernement central, qui considère que cet objectif sera plus facilement atteint par la constitution de grandes collectivités métropolitaines ou régionales (Razin, 1996a). Mais les mesures prises dans le contexte de la crise économique et politique de 2001-2003 vont à l’encontre de ce but. Les coupes sans précédent des subventions opérées par le gouvernement en 2003-2004 ont surtout pénalisé les communes : qui se caractérisent par un statut socio-économique faible, une localisation en périphérie, une pénurie d’entreprises payant des impôts fonciers élevés, ou une petite taille. Ces coupes n’ont pas seulement été un effet de la crise économique et des pressions exercées sur le budget du gouvernement central, elles reflétaient également une démarche idéologique favorable à un secteur public « dégraissé » et plus efficace. La principale conséquence de cette politique a été une aggravation des disparités fiscales entre les communes disposant de ressources propres suffisantes et celles dépendant des subventions. Ainsi, la fragmentation municipale est devenue une source d’inégalités bien plus significative que par le passé.
35Les données sur la part des ressources propres dans le total des revenus des communes – considérée comme un bon indicateur de santé financière en Israël – révèlent que les disparités fiscales entre villes-centres et banlieues ne constituent pas encore un problème (carte 3). Les villes-centres de Tel-Aviv et de Haifa et la plupart des banlieues proches de Tel-Aviv sont financièrement saines (bien que certaines enregistrent des déficits substantiels), grâce à de larges concentrations de terrains à usage commercial (la taxe foncière non résidentielle constitue près de 80 % des revenus des impôts fonciers à Tel-Aviv), et à un statut socio-économique relativement élevé. La situation de la ville de Jérusalem est plus complexe, en raison des concentrations importantes d’habitants arabes pauvres et de juifs ultra-orthodoxes.
36Cependant, les administrations versent des taxes foncières à Jérusalem, et la ville reçoit un soutien important du gouvernement en tant que capitale. Il existe d’importantes variations de capacité fiscale des banlieues des 4 aires métropolitaines. Les communes de petite taille, caractérisées par un statut socio-économique défavorable, les localités arabes, et celles qui ne perçoivent guère de taxes foncières non résidentielles ont tendance à être fragiles. Les municipalités de la métropole de Tel-Aviv tendent à être les plus solides financièrement, contrairement à celles de la région de Beer Sheva. Bien que les cartes de disparité fiscale de la carte 3 portent sur 2001, soit avant que ne soient adoptées les mesures de réduction des subventions en 2003-2004, elles montrent clairement quel les communes les mieux placées pour affronter ce changement.
La structure spatiale et les caractéristiques de polarisation socio-économique
Tel-Aviv
37Un trait distinctif de la géographie sociale de la métropole de Tel-Aviv est la division nord-sud. À l’intérieur de la ville, les quartiers les plus aisés tendent à se concentrer au nord, et les plus pauvres au sud, bien que quelques endroits se soient embourgeoisés. Jusqu’en 1990, les quartiers pauvres du sud étaient presque entièrement habités par des Juifs issus de pays arabes. Au cours des années 90, des immigrants en provenance de l’ex-Union soviétique se sont installés dans ces quartiers, et certaines parties du sud intérieur sont devenues des enclaves de travailleurs étrangers généralement pauvres. La communauté arabe pauvre est concentrée dans quelques quartiers de Jaffa. Cette division nord-sud s’étend aux banlieues : celles du nord ont tendance à être plus riches que celles du sud (carte 4), et cette distinction se reflète aussi dans les coûts de l’immobilier commercial et industriel.
38En dépit de la division nord-sud, le Tel-Aviv suburbain est hétérogène dans chacune de ses parties (carte 4). Il forme une mosaïque complexe (Gonen, 1995), de la petite banlieue aisée de Savyon aux communes défavorisées de Lod et Ramla, en passant par la ville juive ultra-religieuse de Bene Beraq et les localités largement peuplées d’immigrants de l’ex-Union soviétique. Une caractéristique des années 5060 fut la construction d’importants quartiers d’immigrants aux confins des banlieues. Ceux du début des années 50 n’étaient pas très denses, à la différence de ceux aménagés dans les années 60 et au début des années 70 avec de grands immeubles collectifs. Une transition marquée s’est produite à la fin des années 70 et dans les années 80, au moment où la classe moyenne commença à migrer vers les localités suburbaines et périurbaines à faible densité. Les collectivités rurales, y compris les coopératives kibboutzim et moshavim, se suburbanisent également. Ce changement ressemble quelque peu à la transition encore plus radicale qui s’est produite depuis la fin des années 90 dans des aires métropolitaines postcommunistes comme Prague (Sykora et al, 2000), où des banlieues, auparavant dominées par des ensembles d’immeubles et de tours, sont devenues la destination privilégiée des classes moyennes attirées par les logements de faible densité.
Haifa
39La topographie est la caractéristique majeure qui influence la structure spatiale de la métropole d’Haifa. La ville-centre, à prédominance juive depuis 1948, a une population qui appartient essentiellement à la classe moyenne. Les habitants les plus riches habitent au sommet du Mont Carmel et les moins aisés vivent plus bas. Les banlieues intérieures sont surtout de classe moyenne inférieure, et se composent des villes juives de la baie d’Haifa, de deux villes druzes (fusionnées en 2003) au sommet du Mont Carmel, et d’une ville juive à l’entrée sud-ouest de Haifa. Les banlieues extérieures sont un mélange complexe de villes juives plus ou moins importantes, d’implantations juives périurbaines et rurales, et de localités arabes de toutes sortes. Elles sont surtout de classe moyenne et inférieure (carte 4), en dehors de quelques colonies juives périurbaines et de localités rurales.
Jérusalem
40La structure spatiale de la métropole de Jérusalem est façonnée par sa position géopolitique spécifique et les principaux clivages entre Israéliens et Palestiniens d’une part et entre juifs ultra-orthodoxes et juifs séculiers/non ultra-orthodoxes. La partie occidentale de Jérusalem d’avant 1967 est un mélange de quartiers peuplés de juifs de la classe moyenne et moyenne inférieure, religieux et ultra-religieux. La partie orientale, annexée par Israël en 1967 (et qui en réalité entoure la partie occidentale au nord, à l’est et au sud) est aujourd’hui composée de quartiers arabes divers et de grands quartiers juifs. Jusqu’aux années 80, les banlieues occidentales de Jérusalem (à l’intérieur des limites de l’État) étaient en grande partie constituées d’une population rurale de la classe moyenne inférieure et de deux villes d’immigrants pauvres. Mais un important mouvement de suburbanisation et de périurbanisation de la classe moyenne a eu lieu au cours des deux dernières décennies, si bien qu’une banlieue comme Mevasseret Ziyyon est maintenant caractérisée par un statut socioéconomique assez élevé (carte 3). La suburbanisation affecte également les villes et les villages juifs de Cisjordanie. Les petites communes ont plutôt attiré la classe moyenne (essentiellement des juifs religieux), alors que les plus grandes une population plus variée (carte 4). La population ultra-religieuse de Jérusalem s’est aussi largement suburbanisée vers des localités à croissance rapide qui se caractérisent par des niveaux de richesse relativement faibles.
41La détérioration des relations entre résidents juifs et arabes a influencé la structure spatiale de la partie palestinienne de la métropole de Jérusalem. Celle-ci a perdu une grande partie de ses fonctions de ville-centre, qui ont été pratiquement transférées à Ramallah à cause des barrages installés entre Jérusalem et la Cisjordanie, et parce que Ramallah est devenue le siège principal du gouvernement de l’Autorité nationale palestinienne. La position avantageuse des Palestiniens vivant sous contrôle israélien à Jérusalem, et leurs craintes de perdre les bénéfices de la résidence à Jérusalem, comme la sécurité sociale, a freiné la suburbanisation des Palestiniens de Jérusalem vers les banlieues de Cisjordanie, et a même encouragé une tendance d’immigration inverse de leur part.
Beer Sheva
42La métropole de Beer Sheva est située à la périphérie sud d’Israël, en grande partie dans un environnement aride et semi-aride. Le sud compte parmi les régions les plus pauvres d’Israël. Une large proportion de la population se compose d’immigrants juifs des classes moyennes basses et inférieures, et de descendants d’immigrants de pays arabes qui résident dans la ville, dans des cités pauvres (carte 4) et dans quelques localités rurales. Un grand nombre d’immigrants de l’ex-Union soviétique sont arrivés dans cette région, en particulier au cours de la première moitié des années 90, entraînant une augmentation démographique importante. Une population arabo-bédouine à croissance rapide est disséminée dans plusieurs zones urbanisées autour de la ville, caractérisées par un statut socioéconomique défavorisé (carte 4), et dans de nombreuses colonies informelles qui ne font partie d’aucune commune. La population de classe moyenne, relativement peu nombreuse, se concentre de plus en plus dans quelques communes périurbaines aisées autour de Beer Sheva (carte 4). En dépit d’une rapide croissance démographique, Beer Sheva ne constitue pas une aire métropolitaine typique. Elle fonctionne comme un centre régional de service, mais elle est dépourvue de concentration importante d’habitat construit à la périphérie. L’aire métropolitaine inclut d’importants centres d’emploi régionaux excentrés, surtout des industries chimiques lourdes, des usines d’extraction de minerai et le Centre de recherche nucléaire.
Les variations socio-économiques intermétropolitaines et ville-banlieue
43Les variations intermétropolitaines apparaissent clairement dans la carte 4 et le tableau 7. L’aire métropolitaine de Tel-Aviv est caractérisée par les niveaux les plus élevés de richesse. Celle d’Haifa en second, apparaît plus polarisée, en grande partie en raison du grand nombre de communes arabes défavorisées dans sa couronne extérieure. L’aire de Beer Sheva est à la fois la plus pauvre et assez polarisée. Trois municipalités périurbaines se distinguent par un statut socio-économique très élevé, alors que toutes les localités bédouines et quelques zones urbanisées juives se caractérisent par des niveaux particulièrement faibles de bien-être économique.
44L’indice socio-économique moyen de l’aire métropolitaine de Jérusalem est à peine plus élevé que celui de Beer Sheva. Ce niveau masque des variations considérables à l’intérieur de la ville de Jérusalem. Les quartiers de juifs ultra-orthodoxes et d’Arabes généralement pauvres ont des indices socio-économiques très bas. Ces deux groupes se caractérisent par des familles très nombreuses, qui tendent à faire baisser sensiblement le niveau de richesse par habitant. La classe moyenne est cependant beaucoup plus importante à Jérusalem qu’à Beer Sheva.
Tableau 7. Indice socio-économique des villes-centres et des banlieues des aires métropolitaines d’Israël, 2001
Aire métropolitaine | Moyenne-Total aire métropolitaine | Ville-centre | Moyenne-banlieues | Ratio banlieues/ ville-centre |
Tel-Aviv | 6,4 | 8 | 6,2 | 0,77 |
Haifa | 5,4 | 7 | 4,7 | 0,68 |
Jérusalem | 4,2 | 4 | 4,8 | 1,19 |
Beer Sheva | 4,1 | 5 | 3,4 | 0,67 |
45À l’exception de Jérusalem, l’indice socio-économique des villes-centres est nettement plus élevé que celui de leurs banlieues (tableau 7), bien que ces valeurs moyennes aient tendance à gommer des variations importantes au sein de l’espace suburbain. Cet écart est particulièrement prononcé à Beer Sheva et à Haifa, en raison du nombre important d’Arabes qui vivent dans l’espace suburbain de ces aires métropolitaines. Cependant, même à Tel-Aviv, où la population arabe est peu nombreuse, la ville-centre est plus riche que sa périphérie. À Jérusalem, la concentration de population arabe et juive ultra-orthodoxe contribue depuis 2001 au déclin de l’indice socio-économique de la ville-centre en dessous du niveau enregistré dans ses banlieues.
Les implications du changement métropolitain sur le comportement politique
46Le débat sur les effets politiques des processus de métropolisation porte sur les relations entre gouvernement central et collectivités locales, la démocratie locale, et le rôle de la société civile. Cette section ne présente qu’un aperçu et quelques propositions préliminaires sur ces enjeux.
47L’évolution contemporaine de l’État d’Israël est souvent présentée en termes de crise. La crise perturbe les pratiques et les systèmes établis ; non seulement elle conduit à des ajustements et à des réactions inéluctables, mais elle crée aussi des opportunités d’innovation politique susceptibles de provoquer un soutien peu probable dans d’autres circonstances (Polsby, 1984). Les crises récentes qui ont profondément influencé le changement métropolitain et politique en Israël ont pour origine l’immigration de masse en provenance de l’ex-Union soviétique au début des années 90 (Alterman, 2002), et l’éruption de la violence israélo-palestinienne au début des années 2000, associées à l’effondrement des accords d’Oslo. Nous évoquerons ici des évolutions liées à la seconde crise, plus récente, qui ont favorisé une recentralisation et une privatisation inspirées par des idéologies néoconservatrices, ainsi qu’une transformation de la démocratie locale qui peut être interprétée comme un élément de la crise de l’État-providence, dans le cadre de laquelle l’individu perçoit la société moderne comme le manipulant au lieu de subvenir à ses besoins (Habermas, 1984).
Métropolisation, décentralisation et centralisation
48Les thèses sur la nature extrêmement centralisée du système politique israélien sont quelque peu exagérées et dépassées, même si la répartition des fonctions est relativement centralisée, par rapport à la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord (Razin, 2004). Légalement, les collectivités locales ne possèdent qu’une autonomie limitée pour accomplir leurs tâches, mais une décentralisation politique substantielle s’est produite depuis la fin des années 70. Les maires ont acquis un pouvoir politique important dans les années 80 et 90, associé à l’affaiblissement de l’État dans les années 70 et 80, et à l’élection des maires non plus par les conseils municipaux mais directement par la population depuis 1978 (Razin, 1990).
49Cependant, la crise économique de 2001-2003, associée au déclenchement des violences israélo-palestiniennes, a conduit à des pressions renouvelées en faveur d’une recentralisation. Une législation sans précédent a imposé plusieurs regroupements municipaux en 2003. Quelques mois plus tard, le train de mesures voté en même temps que le budget du gouvernement 2004 accentuait cette évolution. Des amendements donnaient des pouvoirs sans précédent au ministre de l’Intérieur, d’une part pour nommer des percepteurs et des contrôleurs de gestion en charge des finances des municipalités et se substituant pratiquement aux maires élus, et d’autre part pour écourter le mandat des maires ou dissoudre les conseils municipaux dans certaines circonstances. Ces textes visaient aussi à limiter le contrôle des maires sur certains types d’entreprises municipales et de structures intercommunales. Des coupes sans précédent dans les dotations globales ont accompagné ces mesures et ont produit un impact très sévère à court terme.
50Alors que le ralentissement économique des années 70 et 80 a favorisé la diffusion d’une culture entrepreneuriale dans les collectivités locales, la crise du début des années 2000 était d’une ampleur différente et a paru avoir un impact important sur le gouvernement local. Les autorités locales confrontées à une grave crise financière et à la diminution substantielle des transferts étatiques durent s’investir dans des stratégies de survie.
51Il semble que l’action du gouvernement central du début des années 2000 a largement adopté l’approche thatchérienne de privatisation et de réduction d’un secteur public présenté comme immobile et inefficace. Cette stratégie de limitation et de contournement du gouvernement local par la privatisation a été préférée à la décentralisation de fonctions des administrations centrales aux autorités locales. Le ministre de l’Intérieur, en fonction depuis 2003, s’est abstenu de soutenir les gouvernements locaux lors des négociations avec le ministère des Finances sur la détermination des transferts. Il s’est plutôt engagé en faveur de la réduction du secteur public.
52Ces politiques et idéologies dominantes du début des années 2000 ne s’intéressent pas aux métropoles. La gouvernance métropolitaine, et ses objectifs d’équité, de durabilité et de coordination, n’ont pas été prioritaires sur l’agenda des politiques publiques. Le ministre de l’Intérieur a ainsi rejeté les propositions de regroupements qui auraient fusionné des communes aisées et des municipalités pauvres, estimant que le préjudice causé au bien-être des premières pourrait être supérieur aux bénéfices retirés par les secondes.
53En réalité, l’effet majeur de cette politique étatique, et en particulier de la réduction des subventions, a été une accentuation importante des disparités fiscales entre communes à l’intérieur des aires métropolitaines ainsi qu’entre territoires métropolitains et non métropolitains. Les municipalités riches en entreprises et en ressources fiscales versées par celles-ci ne reçoivent pas de dotations globales de toute façon, bénéficiant par contre de mesures comme la réduction obligatoire des salaires du secteur public et le droit d’augmenter la taxe foncière, alors que celles qui dépendent le plus des transferts se retrouvent au bord de la faillite. L’écart se creuse en particulier entre aires métropolitaines et non métropolitaines. Des communes éloignées qui ne paient pas de salaires pendant des mois et n’offrent que des services limités n’attirent guère l’attention. À l’inverse, les municipalités métropolitaines disposent de bien davantage d’atouts pour accroître leur base fiscale et pour ériger une éventuelle crise financière en enjeu politique majeur, notamment si la classe moyenne est concernée. De telles circonstances peuvent également entraîner une intervention encore plus importante du ministère des Finances dans les affaires métropolitaines (dans des secteurs comme les transports).
La crise de la démocratie locale
54L’exécutif municipal est incarné en Israël par des maires forts, élus directement par la population depuis 1978. En dehors des conseils régionaux ruraux, le rôle des partis nationaux dans la politique locale est important, mais tend à décliner depuis des années, l’affiliation à un parti ne représentant plus une dépendance quelconque par rapport à un pouvoir externe. Les candidats qui briguent les fonctions de conseiller municipal ou de maire sont de plusieurs sortes. Certains sont issus des partis nationaux, alors que d’autres sont des candidats indépendants, tout en étant en réalité identifiés à un parti national. Une troisième catégorie est composée de candidats totalement indépendants. Bien que l’affiliation à un parti (utile au demeurant pour financer la campagne) puisse parfois représenter un handicap plus qu’un atout, le plus grand avantage pour des maires affiliés à des partis nationaux est de pouvoir plus facilement accéder au gouvernement central. Il peut arriver que des candidats se présentent sur une liste indépendante, alors qu’ils appartiennent à un parti national, lorsque celui-ci n’est pas suffisamment populaire dans la commune concernée ; il s’agit généralement d’un candidat travailliste briguant la fonction de maire dans une ville dominée par les partisans du Likoud. Il n’est pas rare également qu’un membre d’un parti se présente en tant que candidat indépendant quand la section locale du parti a décidé d’investir un autre candidat.
55On peut supposer que les candidats vraiment indépendants sont plus nombreux dans les petites communes, où la politique locale est plus « apolitique », et où les campagnes électorales s’avèrent moins coûteuses et d’une organisation moins lourde. Cependant cette relation n’a pas encore été étudiée et nécessiterait une vérification empirique.
56Les contrepoids au pouvoir des maires sont plutôt limités. Les membres du conseil n’ont pratiquement pas la possibilité de le destituer. Comme ils ne sont pas rémunérés, ils manquent en général de temps et de ressources pour diriger efficacement les affaires municipales. Les bureaucraties municipales ont tendance à être plus faibles que celles des ministères, la participation des citoyens est plutôt faible, tandis que le contrôle étatique s’est révélé plutôt inefficace. Les services ont tendance à être plus étoffés quand les villes sont plus grandes, alors que dans les petits conseils locaux et régionaux, la gestion de la municipalité par le maire tourne parfois au « one man show ». Cependant, les cultures politiques locales et les modes d’administration varient considérablement d’une commune à l’autre, selon les caractéristiques de la population locale et la personnalité du maire (ou de maires précédents qui ont laissé une profonde empreinte sur la culture organisationnelle).
57Les divisions sociétales entre Juifs et Arabes et entre Juifs ultra-orthodoxes ou non jouent un rôle majeur dans la politique locale. De telles divisions sont fondamentales pour la politique métropolitaine de Jérusalem. L’expansion des aires métropolitaines de Haifa et de Beer Sheva amplifie également l’influence des relations judéo-arabes. Tel-Aviv apparaît comme l’aire la plus « normale », où les clivages déterminants de la politique métropolitaine sont en termes de classes sociales. La classe en elle-même est associée à des distinctions entre les Juifs venant du Moyen Orient ou d’Afrique du Nord et ceux d’origine américaine ou européenne, et entre les nouveaux immigrants de l’ex-Union soviétique et les habitants installés depuis plus longtemps. Les travailleurs étrangers, légaux ou illégaux, sont devenus un enjeu local important à Tel-Aviv, bien que n’étant pas directement impliqués dans la politique.
58Les élections locales d’octobre 2003 ont révélé plusieurs évolutions qui traduisent une crise de la démocratie locale. Tout d’abord, la participation a atteint son niveau le plus bas dans l’histoire du pays. Une baisse de la participation s’était déjà produite en 1978, quand la date des élections locales avait été dissociée de celle du scrutin national. À l’époque où les deux élections étaient organisées en même temps, c’est-à-dire avant 1978, la participation était d’à peu près 80 %, puis déclina pour atteindre entre 56 et 59 %. Le niveau sans précédent de 40 % a été enregistré en 2003.
59Cette baisse de la participation aux élections locales affecte surtout les grandes villes. À Tel-Aviv, un taux de 26 % seulement a été enregistré. La participation a été plus élevée dans les petites communes, où les liens entre citoyens et candidats sont plus forts et où des intérêts personnels spécifiques sont davantage en jeu. Elle a été forte chez les ultra-orthodoxes, et encore plus dans les localités arabes, où la participation a atteint en moyenne 87 % et plus de 90 % dans de nombreuses municipalités. Cependant, ces niveaux reflètent moins l’existence d’une société civile bien développée et d’une conscience politique locale, qu’un système de concurrence entre familles étendues pour le contrôle de ressources municipales (emplois, contrats, affectation des terrains).
60La suburbanisation ne semble pas liée a priori au déclin du niveau de participation aux élections locales. Étant donné le lien positif entre dimension de la municipalité et abstentionnisme, on peut même supposer que l’émergence de nouvelles banlieues de petite taille devrait favoriser la participation et que la création d’un gouvernement métropolitain unique entraînerait de son déclin.
61Une autre tendance, associée en partie à une participation électorale faible, a été la fragmentation sans précédent des conseils municipaux. Dans le cas extrême de localités arabes, chaque élu représentait un parti différent, rendant particulièrement délicate la formation d’une coalition stable, surtout en période d’austérité budgétaire. Même à Tel-Aviv, le parti du maire n’a obtenu que 11,4 % des suffrages (4 sièges sur 31), et le parti des personnes âgées est arrivé premier avec 16,7 % des voix. Ce cas montre clairement les conséquences d’une participation électorale faible : les petits groupes de pression bien organisés obtiennent une représentation disproportionnée.
62On soulignera enfin l’échec de plusieurs maires, très appréciés des experts et des ministères, mais qui n’ont pas été réélus. Leurs stratégies de développement à long terme et d’investissement dans l’éducation et la modernisation de la gestion publique ont été saluées au niveau national, mais pas par leur électorat, plus sensible aux promesses à court terme. De nombreux maires des régions pauvres du sud d’Israël, y compris de la région de Beer Sheva, ont payé le prix de la crise économique (qui ne peut guère leur être imputée), et ont perdu les élections de 2003, parfois au bénéfice d’inconnus.
Les processus métropolitains influencent-ils le comportement électoral au niveau national ?
63Selon plusieurs travaux effectués en Amérique du Nord, la suburbanisation favoriserait une montée du conservatisme et des partis de droite. Mais le cas d’Israël est de ce point de vue très particulier. En effet le clivage gauche-droite y est essentiellement défini par les attitudes à l’égard du conflit israélo-arabe. Les communes aisées ont généralement tendance à voter plus à gauche, alors que le soutien à la droite est particulièrement élevé dans les municipalités juives plutôt défavorisées. Les banlieues penchent ainsi en moyenne plutôt à droite, en particulier dans les aires métropolitaines de Haifa et de Tel-Aviv, non pas en raison d’une suburbanisation de la classe moyenne, mais du niveau socio-économique plus bas de leur population.
64Les déterminants des orientations politiques tiennent moins au statut socioéconomique qu’aux clivages Juif-Arabe, juif séculier/religieux-ultra-religieux, ou nouveau-ancien immigrant. Les Arabes ont tendance à voter pour des partis arabes, qui ne sont évidemment pas orientés à droite. Les juifs ultra-religieux votent pour des partis ultrareligieux qui veillent surtout à satisfaire leurs intérêts. Ces partis, généralement situés à droite en ce qui concerne les relations judéo-arabes, rassemblent des juifs religieux formant le noyau dur des colons de Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Les immigrants de l’ex-Union soviétique ont également tendance à voter pour des partis de droite. Ainsi, les villes-centres de Tel-Aviv et de Haifa, de même que leurs banlieues de classe moyenne, caractérisées par un statut socioéconomique relativement élevé, une population juive séculière et un niveau élevé d’éducation, sont orientées plutôt à gauche, tandis que la plus grande partie de l’espace périphérique penche vers la droite, à l’exception de la population arabe.
***
65Notre chapitre a décrit les processus de métropolisation en Israël, en particulier une suburbanisation rapide qui tend à la constitution progressive d’un seul espace mégalopolitain, ayant pour centre Tel-Aviv et incluant plusieurs aires métropolitaines. Ces processus ne sont pas associés à des niveaux particulièrement élevés de fragmentation municipale. Cependant, la fragmentation semble bien être un problème métropolitain, ayant pour origine de faibles structures de coordination et de coopération municipales, et l’aggravation des inégalités résultant de l’érosion de l’État-providence, en particulier par la réduction des transferts financiers.
66D’importantes disparités socio-économiques caractérisent Israël, en particulier au niveau interrégional – entre les régions centrales et périphériques. À l’intérieur des aires métropolitaines, les villes-centres semblent conserver leur influence bien que les processus de suburbanisation de la classe moyenne et des activités économiques menacent leur viabilité future. Une grande diversité et d’importantes disparités caractérisent l’espace suburbain. Les banlieues incluent des quartiers et des localités de classe moyenne de même que des populations juives et arabes défavorisées. Il apparaît que si les villes maintiennent leur force dans les régions centrales, les écarts se creusent entre ville et banlieue dans les parties plus éloignées du nord et du sud du pays, y compris dans l’aire métropolitaine de Beer Sheva. La classe moyenne de ces régions tend en effet à migrer vers des localités suburbaines et périurbaines, alors que les segments plus faibles de la population demeurent dans les villes.
67Les communes défavorisées de la périphérie ont été les plus touchées par l’évolution néoconservatrice qui a entraîné une réduction des dotations étatiques au nom de l’efficacité et de la réduction des dépenses publiques. Après le passage du managérialisme à l’entrepreneurialisme (Harvey, 1989 ; Razin, 1998), il se pourrait que le régionalisme compétitif (Brenner, 2003) devienne le nouveau maître mot de la gouvernance territoriale.
68L’impact des processus métropolitains sur les orientations politiques nécessite des analyses empiriques plus approfondies. À première vue, les petites communes ainsi que les localités caractérisées par des sociétés claniques relativement traditionnelles – surtout arabes et juives ultra-orthodoxes – enregistrent une forte participation aux élections locales. Cependant, cette forte participation ne correspond à un critère ni de bonne gouvernance ni de société civile moderne bien développée. En dehors des Arabes, qui votent essentiellement pour des partis arabes, l’espace périphérique et suburbain penche à droite, en raison surtout d’attitudes plus intransigeantes envers le conflit israélo-arabe. Les villes-centres de Tel-Aviv et de Haifa et d’autres localités de classe moyenne sont davantage orientées à gauche. Ainsi, alors que la différenciation spatiale du vote dans les aires métropolitaines israéliennes rappelle la physionomie électorale des aires américaines, ses causes et ses conséquences sont radicalement différentes.
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