Avant-propos
p. 43-44
Texte intégral
1Nombre de productions locales sont désignées par leur lieu d'origine, c’est-à-dire par le nom géographique de l’endroit où elles ont été élaborées. Cette association traduit le lien établi entre la qualité, l’origine et la notoriété qui en découle. On parle du beaufort, du comté ou du poulet de Bresse. Cette habitude de dénommer est à la fois ancienne et répandue. Dans l’Antiquité classique, la provenance affichée de certaines denrées leur conférait des qualités particulières. « La Gaule transalpine est devenue un grand fournisseur, avec ses magnifiques quartiers de porc venus du pays des Séquanes, les jambons et les épaules de Narbonnaise, déjà connus de Varron, les jambons du pays des ména-piens en Gaule Belgique et ceux non moins célèbres de la Cerdagne1 », indique Jacques André. Cet historien signale encore que les Romains préféraient l’huile d’olive d’Italie et, au premier rang, celle du territoire de Vénafre, dans le Samnium, aux confins de la Campanie2. Quant aux fromages de chèvre, on les appréciait fumés à Rome, et le caseus fumosus des fromageries du Vélabre était le plus réputé, du moins au temps de Martial. Pour le fumage, on poussait le raffinement jusqu’à utiliser des bois spéciaux, comme celui du pommier, ou encore le chaume3.
2Il n’est pas de pays au monde où l’origine géographique ne soit associée à des produits. Les carottes de l’oasis de Ouadane, en Mauritanie, sont considérées comme les meilleures du pays ; le piment rouge ou paprika, qui pousse dans la région de Kalocsa, en Hongrie, n’a pas son pareil ailleurs ; le stilton anglais renvoie au village du même nom dans le comté du Leicestershire ; la liste pourrait s’allonger à l’infini. Cette pratique n’est pas sans poser de problèmes, car la réputation d’un lieu encourage son appropriation abusive pour mieux vendre un produit, tricherie qui est une concurrence déloyale pour les producteurs qui s’astreignent à respecter certaines règles et en même temps une tromperie pour le consommateur. L’exemple de la feta est volontiers cité. Ce fromage à base de lait de brebis ou d’un mélange chèvre-brebis, est originaire de Grèce. Le Danemark en a développé la fabrication à l’échelle industrielle en utilisant du lait de vache, aboutissant forcément à un produit tout autre, mais vendu sous le même nom. Les Français, eux, la font au lait de brebis… mais dans l’aire du roquefort. Cela n’aurait pu se produire si le savoir-faire et l’origine de la feta grecque avaient été identifiés et protégés4.
3La protection du nom géographique d’un produit en relation avec l’identification d’un lien au terroir et de savoir-faire spécifiques existe depuis longtemps en France ; elle a été validée à l’échelle européenne en 1992. Cette réglementation rencontre le registre du culturel, avec toutes les interrogations qu’implique ce contact entre deux mondes. L’établissement des cahiers des charges, des zones de protection, la prise en compte de la profondeur historique et l’usage d’un nom sont autant d’éléments à analyser.
Notes de bas de page
1 André, 1981, L’Alimentation et la Cuisine à Rome, p. 142.
2 Ibidem, p. 182.
3 Ibidem, pp. 153-154.
4 La feta bénéficie d’une Appellation d’origine protégée (AOP) depuis le 14 octobre 2002. Voir à ce propos le texte du règlement de la Commission européenne, qui rend compte de l’historique complet du dossier (Journal officiel des Communautés européennes, L 277/10 du 15 octobre 2002, Règlement n° 1829/2002 de la Commission du 14 octobre 2002 modifiant l’annexe du règlement n° 1107/96 en ce qui concerne la dénomination Feta.
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