Les grammaires françaises et l'histoire de la langue
p. 577-600
Texte intégral
« Avez-vous remarqué une chose, me dit un jour G. Paris : on ne fait plus de grammaire française. C'est un genre perdu. L'observation était vraie ; ce qu'il ne disait pas — mais il le savait comme moi — c'est que de cette disparition les études dont nous étions les patrons étaient en grande partie la cause. »
M. Bréal dans La Revue bleue, 26 déc. 1903.
I) 1880. Quelques tendances
1En 1880, Ferdinand Brunot a vingt ans.
2C’est le moment où se répandent les thèses des néogrammairiens ; et des thèmes nouveaux. S. Auroux les recense d’après Ziemer (1882) : « Ils (les néogrammairiens) s’interrogent sur le sujet du langage alors qu’avant eux on considérait la langue, abstraction faite des individus ; ils réclament d’abord qu’on porte attention à la langue parlée ; ils font du concept d’analogie quelque chose de fondamental1. » Mais ce qui se dégage surtout des querelles engagées par les néogrammairiens et particulièrement de la querelle sur les « lois phonétiques », c’est la nécessité d’instituer la langue en général comme objet-théorie.
3Conjointement au bruit que font les néogrammairiens, la France entend parler d’une tradition comparatiste parfois beaucoup plus ancienne. Coup sur coup, les grands classiques sont traduits ; c’est d’abord Bopp, puis en 1874 sur une « 3eédition, refondue et augmentée », la Grammaire des Langues romanes de Fr. Diez, dont la 1re édition est de 18362. Le contournement par les Français au xixe siècle de la nouvelle linguistique leur vaut donc de se voir déverser presque en même temps la tradition et l’anti-tradition du comparatisme.
4Car, après le vif éclat du début du siècle, du temps où l’on venait à Paris pour apprendre le sanskrit, l’arabe ou le chinois, la France s’est consacrée à des études qui, sous la forme d’un déchiffrage minutieux des textes ou de vastes synthèses, mettent en cause les textes — et particulièrement les textes littéraires — et leur société. C’est l’époque d’Auguste Comte, Renan, Littré. Brachet, en tête de sa Grammaire historique (1867), qui est une des premières du genre, écrira : « Le temps n’est plus où l’on considérait l’étude des langues comme bonne tout au plus à servir de préparation aux études littéraires. « (Préf.3).
5De nombreux indices attestent que pourtant cette tradition ne se perd pas ; l’un des moindres n’est pas que le jeune Brunot consacre son gros travail de thèse à la Doctrine de Malherbe (1891) qui définit les rapports entre l’œuvre d’un poète et la langue de son temps. Comme si, dans la lacune ouverte en France par la faiblesse des études comparées, restait indéfectiblement logé un autre type d’analyse des réalisations de langue. Comme dit Alain Rey (1972, 4) : « Les retards de la linguistique y sont une critique implicite de la grammaire comparée, une reconnaissance vague de ses limites. »
6Mais il est un lieu où se publient des centaines de grammaires dont certaines enrichissent fabuleusement leurs auteurs (ainsi Chapsal) : c’est le lieu pédagogique4. Tradition qui ne s’interrompt pas avec la grammaire historique : le novateur Brachet s’allie avec J. Dussouchet, professeur au lycée Henri-IV, pour publier un Cours complet de Grammaire française fondé « sur l’histoire de la langue » dont les éditions se succéderont. Depuis les Principes de grammaire générale (1799), destinés aux enfants par le grand orientaliste Silvestre de Saci, la ligne ne se brise pas, mais elle est considérablement infléchie, le dispositif est remodelé selon les besoins pédagogiques, mais aussi en conformité avec les nouvelles tendances linguistiques.
7Il n’est évidemment pas dans nos intentions d’engager ici une réflexion sur l’évolution des théories linguistiques à la fin du xixe siècle : ces points initiaux servent seulement d’amarrage à notre propos : définir les grandes lignes de l’activité dans la grammaire française, caractérisée aussi bien par ses manques que par l’intérêt tenace qu’elle éprouve pour la pédagogie et pour les textes ; mais aussi par le prestige de la nouvelle grammaire historique.
II) Une thèse de P. Clairin
8Comment celle-ci est adaptée en France, une thèse soutenue en 1880 devant la Faculté des Lettres de Paris nous en donnera une idée. L’auteur, P. Clairin, jouera un rôle dans les débats grammaticaux des environs de 1900. Pour l’heure il propose une thèse de grammaire historique : Du génitif latin et de la Préposition de. Étude de syntaxe historique sur la décomposition du latin et la formation du français.
9Clairin distingue nettement deux domaines : la phonétique qui est régie par des lois ; la syntaxe, mal connue, mais surtout lieu de grandes indécisions méthodologiques : on constate généralement, mais on n’explique pas :
10« La grammaire constate ces changements, sans prétendre imposer ses lois à l’intelligence : elle s’arrogerait ainsi un droit qui ne lui appartient pas. » (Du génitif, p. 12).
11C’est que toute analyse syntaxique est au centre d’un paradoxe. Le langage doit pouvoir exprimer toutes nos pensées et par là il engage des rapports innombrables : s’ils étaient tous codés à l’avance, le langage serait un monstre impossible à manier ; mais n’en coder que quelques-uns serait renoncer, tant sur le plan linguistique que sur le plan métalinguistique, à la richesse même de la « vie ». Une comparaison avec la chimie — comme le fait Bréal que cite Clairin — est illuminante :
12« La nomenclature chimique est une sorte de catalogue parlé où tout changement dans la composition d’un corps entraîne un remaniement de son nom. Mais il faut considérer que parmi la quantité infinie de rapports que peuvent avoir entre eux les objets du monde extérieur, la langue de la chimie choisit seulement un petit nombre et néglige de donner une expression aux autres : c’est un idiome qui n’arrive à la précision que par la plus stricte spécialité5. »
13Ce sacrifice à faire, ce prix à payer, Bréal et, bien plus, Clairin le refusent pour le langage. Simplifier, c’est se contenter de raccourcis obscurs (comme lorsque Bopp dit que « l’essence du génitif est de personnifier un objet en y attachant une idée secondaire de relation locale », ou lorsque Madvig trouve trois espèces principales de génitif : le possessif, l’objectif et le partitif) ; mais c’est surtout refuser la multiplicité des relations marquées dans les réalisations du discours. Accepter ces dernières, c’est faire confiance à l’intelligence, interprète et organisatrice de la signification : « Elle aime à chercher, à lutter, à deviner le sens qu’un suffixe ajoute à un radical, la valeur propre d’un mot placé à côté d’un autre ; elle perfectionne les éléments imparfaits du langage ; elle éprouve une véritable jouissance à triompher des obstacles. » (Du génitif, p. 13). Cette part que prend l’intelligence devient plus grande au fur et à mesure de l’aventure humaine ; Clairin cite encore Bréal :
14« A mesure que les langues avancent en âge, les suffixes, auxiliaires de la pensée, loin d’augmenter en nombre tendent plutôt à diminuer. On les abandonne comme inutiles : « L’esprit devine ou sait par tradition des rapports qui ne sont nullement exprimés par les mots, et notre entendement achève ce qui est seulement indiqué par le langage » (Du génitif, p. 14 [Des idées latentes, p. 11].)
15Derrière ce volontarisme triomphant s’esquisse une problématique qui pourrait recourir à des axes comme langue/parole ou mieux ici comme : sémantique/sémiotique. Mais surtout se dessine une méthodologie : si la phonétique peut donner lieu à une étude immanente et, au besoin, recourir à des explications physiologiques comme celles que va proposer l’abbé Rousselot, la syntaxe ou doit se résoudre à une simple juxtaposition des faits, suffisante pour défricher les textes ou doit, si elle veut expliquer, recourir non seulement à un interprétant psychologique, mais aussi à un interprétant sociologique puisqu’aussi bien le cours de l’histoire justifie les transformations du langage. Ce sont ces courants qu’on va retrouver plus ou moins répartis dans les grammaires françaises.
III) Les premières grammaires historiques
16Les grammairiens du français de la fin du xixe siècle ambitionnent d’abord d’écrire une grammaire historique6. Dès avant 1880, comme Brachet ou Ayer, après 1880, comme Clédat ou Brunot, ils écrivent des précis qui s’appellent Grammaire comparée de la langue française (Ayer, 1876), laquelle reprenait une ébauche de 1851, Grammaire historique de la langue française (Brachet, 1867), la Nouvelle grammaire historique du français (Clédat, 1889), le Précis de grammaire historique de la langue française, avec une introduction sur les origines et le développement de cette langue (Brunot, 1887). D’autres encore. Ces grammaires, apparemment simples et claires, ne sont pourtant pas exemptes de contradictions :
171) Elles se présentent comme des ouvrages scientifiques (à la différence des ouvrages qui les précédaient).
« Aujourd’hui la révolution est faite et tout le monde est d’accord que l’on peut et que l’on doit traiter la grammaire comme une science et non plus comme un art7. »
18— mais leur brièveté de précis leur interdit toute « explication » ; elles se contentent d’énumérer des faits. Et d’autre part, quelque mépris qu’elles aient pour l’« art » précédent, elles reprennent le disposotif des grammaires scolaires antécédentes ou, pire, des grammaires latinisantes — à quoi les poussaient l’arrimage au latin et l’importance de l’enseignement du latin. Pour plaire à la pratique, ces enfants de la révolution sont un peu bâtards.
192) Même si certaines se présentent comme des grammaires comparées, ce sont en réalité des grammaires du français. L’intérêt des grammaires comparées était de dégager de grandes tendances par comparaison des évolutions de diverses langues romanes. F. Diez n’avait pas tort de critiquer un article d’E. Egger en écrivant :
« Malheureusement l’auteur ne s’est jamais élevé au-dessus de l’horizon français, et sans l’application de la méthode comparative, on ne peut arriver à des résultats satisfaisants8. »
20Tirer de Diez et de ses élèves la part française, c’était renoncer à l’intérêt le plus évident de ces essais comparatifs. Comment parler de « loi » dans un seul idiome ? Chez Diez, elle est généralement d’une forme apparentée à cette formulation :
« On peut indiquer cette abréviation systématique après la syllabe tonique comme la loi principale de formation de ces langues, et comme le signe qui les distingue de leurs sœurs9. »
21Et quelle joie quand on trouve, dans une autre langue, germanique par exemple, confirmation d’une de ces tendances10 ! On peut alors se contenter de constater, puisque constater des identités ou des oppositions, c’est spécifier :
« La grammaire historique n’a point à rechercher les causes d’une disposition si opposée des organes vocaux, qui tantôt tendent à prononcer un p originaire comme un b ou un v, tantôt un b originaire comme un p ; le grammairien a pour seule tâche de suivre le fait jusqu’à ses origines et dans toute son étendue.
22Ces grammaires françaises seront le plus souvent condamnées à enregistrer... sans spécifier.
233) Ce sont des grammaires pratiques, qui visent un public déterminé. Les grammaires historiques visent le français moderne, pas forcément un public avide de déchiffrer les textes médiévaux. Ceci contraint les grammairiens à un découpage particulier :
« Dans ma Grammaire élémentaire du vieux français, j’ai exposé les règles successives de la langue française depuis ses origines jusqu’au xvie siècle, signalant au besoin les traces laissées dans la langue actuelle par les anciennes tournures disparues, mais négligeant à dessein les particularités grammaticales qui se sont identiquement conservées jusqu’à nos jours. Mon but était en effet de faciliter l’intelligence des anciens textes français en donnant les règles tombées en désuétude, et non d’expliquer la formation des règles que nous appliquons encore. La présente Grammaire historique part au contraire de la langue moderne pour remonter jusqu’aux origines. Je néglige les particularités de l’ancienne langue qui ont disparu sans laisser de traces et que l’on trouvera signalées dans la Grammaire du vieux français, mais j’insiste sur l’explication historique de toutes les règles de la grammaire moderne11. »
24Si l’on ajoute que ces grammairiens ont écrit aussi des grammaires plus centrées sur le français contemporain et des grammaires à l’usage des classes, on voit que cette activité polygraphique s’oppose à la composition des énormes machines venues d’au-delà du Rhin : Diez, Meyer-Lübke, Nyrop, pour ne citer que les figures de proue. Face à ces savants, les grammairiens français apparaissent engagés profondément dans un activisme social qui attache une importance plus remarquable au fonctionnement des livres de vente courante qu’à un esprit de recherche érudit, mobilisé ailleurs, comme on le verra.
254) On signalera enfin un dernier paradoxe : ces grammaires sont orientées par l’axe Rome-Paris, l’axe latin. Mais, comme grammaires de vulgarisation, elles s’adressent aussi à des lecteurs qui ne savent pas le latin et, en particulier, à ces jeunes filles dont l’éducation prend tant d’importance depuis plusieurs dizaines d’années12 ; aussi certaines présentations du latin sont-elles étrangement discrètes et même parfois simplificatrices, crainte d’apparaître comme barbares :
« S’il est nécessaire de connaître l’organisme du latin, il n’est pas indispensable d’avoir fait de cette langue une étude approfondie. Ce qu’il en faut savoir est bientôt appris : la déclinaison réduite à deux cas, la conjugaison réduite à quelques temps de la voix active13. »
26Aussi ces grammaires sont-elles étrangement ambiguës. Bien souvent elles promettent plus qu’elles ne donnent. Les Préfaces, l’appareil explicatif débordent de plus d’ambition que n’en attestent les analyses de la langue. Et cette érudition fièrement proclamée fait masque. Brunot cite pour sources Littré, Godefroy, Brachet, Chabaneau, Darmesteter, G. Paris, L. Gautier, Clairin, Benoist, de Meyer, Ayer, Scheler en France, en Suisse et en Belgique ; Diez, Tobler, Ebering, Koerting, Foth, Mätzner, Budsinsky, Otto Knauer en Allemagne (F. Brunot, Précis de grammaire historique de la langue française, Paris, Masson, 1899, p. VII). La liste que Clédat place en tête de sa Grammaire élémentaire n’est pas moins éloquente.
27Et cette fierté des Préfaces, chez Brunot comme chez Clédat : on s’exalte, on rêve de saisir toute la richesse du phénomène « langue », sa richesse psychologique :
« La série des bruits ainsi produits acquiert l’étrange pouvoir de traduire notre âme au dehors, dans l’infinie variété de ses sentiments et de ses pensées. » (F. Brunot, Précis, p. IV.)
28— sa richesse sociale :
« [La linguistique] détruit en nous cette idée fausse qu’une langue est une œuvre volontaire et arbitraire, en nous prouvant que, malgré les influences individuelles qu’elle peut subir, elle reste, dans son ensemble, une création spontanée et naturelle de la collectivité humaine. » (F. Brunot, Précis, p. IV.)
29Entraîné par son enthousiasme juvénile (Brunot a alors vingt-sept ans), il voit l’organisation du langage s’inscrire dans le grand jeu des lois naturelles et la grammaire prendre sa place dans la vaste machinerie des sciences :
« Elle nous montre cette création soumise à des forces instinctives, dont l’ensemble constitue son caractère et son génie, qui la dominent et la dirigent, et qui, exerçant leur action dans certaines circonstances historiques où elle se détermine, entraînent une série ininterrompue de phénomènes qui forment un développement continu et régulier. Ainsi expliqué, le langage retrouve sa place dans l’ensemble des choses ; fonction de l’espèce humaine, il apparaît comme l’espèce même, comme la nature tout entière, dans un perpétuel devenir, dans une évolution sans fin, dont on peut découvrir sinon les causes, du moins les lois qui font partie des lois naturelles. » (F. Brunot, Précis, p. IV.)
30Cet enthousiasme qui anime F. Brunot, c’est la voix même de la patrie qui parle, bouche à bouche, au linguiste :
« Qu’est-ce en effet que notre langue, cette langue que les plus ignorants d’entre nous aiment, tout en la défigurant, d’un amour irraisonné, exclusif, mais profond, que les plus cultivés considèrent comme la voix même de la patrie ? » (F. Brunot, Précis, p. III.)
31— et lui enjoint de la faire plus digne encore de notre peuple : en la ressourçant dans ses couches vives, en la simplifiant pour la débarrasser du dogmatisme, en en faisant l’expression même de la loi naturelle :
« Indulgente aux prononciations populaires, favorable aux néologismes, c’est-à-dire aux barbarismes quand ils sont bien faits, protectrice des patois, frères méprisés du français qu’elle réhabilite, elle jette un jour souvent défavorable sur les dogmes les plus vénérés de l’orthographe, discrédite bon nombre des règles de la syntaxe en les montrant en contradiction avec les lois naturelles, en un mot elle n’est point faite pour former des puristes. » (F. Brunot, Précis, p. IV.)
32On pourrait s’étonner s’il n’y avait là le programme de l’énorme activité que ces grammairiens s’apprêtent à développer — et F. Brunot de façon privilégiée — dans les années à venir : la création de revues, l’Histoire de la Langue française, l’innovation grammaticale qui conduira, plus tard, à la Pensée et la Langue, le dévouement inépuisable à l’amélioration de l’enseignement ; en un mot ce travail de citoyen qui va faire du futur maire du XIVe arrondissement un grand linguiste.
33Pour l’heure, les grammaires de Brunot ou de Clédat sont en deçà de ce programme, même si elles constituent d’excellents outils de travail. Fondées sur un plan simple (chez Brunot : Histoire de la langue. Phonétique. Lexique. Formes et Syntaxe), elles accordent une place considérable aux sons et aux graphies et pour les Formes et la Syntaxe reviennent au vieux plan latinisant des Parties du discours qui privilégie les différences de formes, leurs accords et désaccords.
34Tout l’effort de regroupement des grammaires générales a disparu. On suit les formes et le jeu des constructions ; on en explique le destin soit par le poids des « lois » phonétiques ou de ce qu’on appelle les « tendances » syntaxiques, soit par le jeu de l’analogie qui vient à la traverse de ces évolutions. Ainsi l’évolution phonétique a fait que le futur se serait confondu avec le parfait « à la suite de la transformation régulière des sons qui les composaient » (Clédat, Grammaire historique, p. 167) ; il a donc été refait et « Le nouveau futur se compose de l’infinitif du verbe soudé à l’indicatif présent de l’auxiliaire avoir ». Ainsi l’article, d’abord spécifique de certains emplois, devient « envahissant, il a fini par s’introduire aussi devant les noms employés avec cette valeur générale ». (Clédat, Grammaire historique, p. 202.) Mais, comme on le voit, par exemple dans les formes verbales « l’analogie simplifie et embrouille à la fois tout cela en confondant des verbes que le latin ou l’ancien français conjuguait suivant des systèmes distincts ». (Brunot, Précis, p. 385.) Jeu composé des uns et des autres : la régularité des lois qui nous ramènent au latin, le nivellement de l’analogie qui forme des micro-systèmes, il faut tout le génie d’une langue et du poids social qui pèse sur elle pour en faire un ensemble ordonné :
« Nulle part mieux que dans cette histoire particulière du verbe on ne voit en présence les forces destructives et recomposantes du langage, nulle part en particulier on ne distingue mieux le développement de l’esprit analytique qui a fait la langue francaise. » (Brunot, Précis, p. 385.)
IV) Simplicité et Raison
35Ces principes, Clédat les exploite et les élargit dans sa Grammaire raisonnée de la langue française (1894)14. Raisonnée, c’est-à-dire justifiée et simplifiée. Justifiée par l’histoire du jeu de l’étymologie et de l’analogie qui « explique » des états de langue apparemment désordonnés. Simplifiée parce que la langue du peuple, incarnée par ses grands écrivains, est pervertie soit par la populace qui la défigure, soit par les demi-savants qui l’obscurcissent et la rendent barbare — dont le signe le plus hideux est la complexité de l’orthographe. Il est significatif que la nouvelle Revue de philologie française et provençale dont Clédat prend la direction à partir de 1889 succède à la Revue des patois de 188715. Significatif que le numéro d’ouverture affiche un grand débat sur « L’accord du participe passé » qui publie les positions de Clédat, Brunot, Bréal, Thomas,, etc. visant à une simplification parfois radicale de cet accord. La langue est encore tenue par certains pour un organisme vivant, explicable par les avatars de la lutte pour la vie :
« Dans le langage comme dans la matière organisée, nous assistons à cette lutte pour l’existence, à cette concurrence vitale qui sacrifie des espèces à des espèces voisines, mieux armées pour le combat de la vie. Souvent dans une langue, le hasard de la formation met en présence des expressions, des formes, identiques d’emploi ou de signification. La langue choisit l’une d’entre elles pour la faire triompher, et abandonne les autres qu’elle condamne à disparaître, à moins que l’adaptation à des fonctions nouvelles ne les rappelle à la vie16. »
36— mais plus généralement pour un organisme social dont le but est la communication :
« Une orthographe nationale est en réalité une des formes de la vie publique : plus elle est commode, simple et claire, plus il est facile aux citoyens de communiquer ensemble par l’écriture et de communiquer avec les étrangers. » (Grammaire raisonnée, p. XI.)
37Aussi une grande partie de la Grammaire raisonnée est-elle consacrée à la Phonétique (77 pages sur 236) et aux problèmes de l’orthographe ; car c’est là qu’on voit à l’œuvre les lois d’évolution et les abus d’une graphie qui contredit les grandes « tendances » de la langue. Le même système interprétatif se retrouve dans la* Deuxième Partie « Flexions et Syntaxes ». L’étymologie permet regroupements et simplifications :
« On remarquera que les pronoms personnels lui, elle, eux, elles sont identiques à nos pronoms démonstratifs, sauf adjonction du préfixe ce ou ç : (ce) lui, (c) elle, (c) eux, (c) elles. C’est qu’ils viennent des mêmes mots latins » (p. 133).
38L’auteur est conduit à tenter, au milieu de tant de complexité, de définir un fonctionnement simple de la syntaxe : telle cette étude du « Pronom personnel sujet ou régime d’un infinitif », remarquable par le classement attentif des faits et que justifie un problème d’héritage : « Le français a laissé perdre les tournures latines dans lesquelles on exprimait le sujet de l’infinitif » (p. 149).
39Ce désir de simplification et de rationalisation, on le retrouvera chez tous ces grammairiens éminents membres de la Commission ministérielle, qui préparent ce qui sera l’arrêté du 31 juillet 1900 instituant des tolérances « syntaxiques » visant l’orthographe et la syntaxe17. Il s’agit à la fois de respecter la logique du passé et de préserver la nature de la langue. Comme le rapporteur P. Clairin l’écrit de la règle d’accord des participes passés :
« La règle générale, logique à l’origine, est pour ceux qui réfléchissent, une de celles qui doivent disparaître dans le développement naturel du français ». (Revue des lettres [1900], p. 272).
40Ce que commente C. Jullian :
« La langue va nettement vers sa suppression. Nous ne proposons pas de le supprimer, de déclarer le participe invariable. Nous demandons qu’on laisse la langue suivre son cours. Ce qui s’est passé pour le futur se passe pour le participe. Laissons faire ». (Ibid., p. 279).
41Désir de simplification qui n’est pas contradictoire avec l’admiration maintenue pour les richesses du discours. Clairin, reprenant en écho ses propositions de vingt ans antérieures, écrit :
« La Commission ne prétend nullement restreindre l’étude du français. Les maîtres qui s’adressent à un auditoire assez avancé [...] resteront libres de donner à l’étude du français toute l’étendue qu’ils jugeront nécessaire, de relever, de signaler toutes les finesses du langage ». (Ibid., p. 273).
42Ce qui fait tomber la proclamation trompettée par Brunetière dans la Revue des Deux-Mondes (1900) :
« L’idée seule de prétendre simplifier systématiquement la syntaxe est le contraire d’une idée libérale, d’une idée scientifique, et d’une idée de progrès, si l’on sait qu’en tout ordre de choses et particulièrement dans les choses naturelles, le progrès se définit par la spécialisation, la différenciation et la complexité croissantes » (p. 152).
43On perçoit que tous ces gens sont d’accord, plus ou moins, sur l’économie du dispositif, d’accord pour admirer les richesses des réalisations du discours du français. Mais les uns, comme Brunetière, voudraient que la grammaire épousât ces richesses ; les autres, comme Clédat, qu’elle les simplifie pour les mettre à la portée du plus grand nombre ; certains même, comme Gaston Paris, préfaçant le même Clédat, vont jusqu’à envisager un sabordage plutôt que d’y renoncer :
« Je suis parfois tenté de dire que si Pascal, La Fontaine, Bossuet, Voltaire ont si admirablement écrit le français, c’est qu’il n’avaient pas eu à apprendre la grammaire ». (Grammaire raisonnée, p. VII).
V) Théorie et Idéologie
44Le fond du débat est que ces grammairiens sont incapables d’articuler analyse grammaticale et analyse de discours, par leur refus d’une syntaxe de type logico-discursif comme celle qui découlait de la grammaire générale. Il en résulte que l’analyse sera transférée ailleurs. L’itinéraire de Brunot est à cet égard exemplaire : ou elle débordera vers un sociologisme historique qui explicite les faits du langage par les conditions de la société où ils ont été proférés ; c’est la direction de l’Histoire de la Langue française ; ou elle s’aventurera dans les conditions psychologiques de la parole socialisée : parler, c’est agir pour se définir dans une situation ; c’est la direction prise dans les travaux pédagogiques qui s’élargiront et se systématiseront dans la Pensée et la Langue (1927). Ce qui rôde derrière ces détournements, c’est une ligne de pensée française qui culmine avec Renan et que résume A. Rey18 :
« Il ne s’agit plus de découvrir sous les mots le pouvoir de la raison discourante, mais de restituer la force signifiante d’une chaîne d’occurrences concrète et unique, témoin d’un acte d’énonciation non moins unique. A travers la structure qu’il manifeste, on choisit de ne voir dans le discours que la trace de l’homme ».
45De ce statut fuyant des analystes de la langue, amalgame des nouvelles tendances comparatistes et de la tradition française porte témoignage un curieux article de Bréal « La grammaire française au xxe siècle19. L’article commence par cette déclaration de G. Paris que nous avons placée en exergue :
« Avez-vous remarqué une chose ? on ne fait plus de grammaire française. C’est un genre perdu ».
46De cette carence, dit Bréal, le linguiste est responsable : il a envahi le domaine de la langue quotidienne et terrorise le grammairien : « Là où le linguiste s’établit, le grammairien se retire peu à peu et rentre sous terre » (p. 801) et voici pourquoi :
« Pour le grammairien, il y a une idée de correction qui demeure présente dans ses leçons, dans ses livres, du premier paragraphe au dernier [...]. Le linguiste, lui, ne prescrit rien, ne condamne rien, ne préfère rien ; toutes les façons de parler méritent son attention, du moment qu’elles viennent d’un groupe de population qui les a naturellement créées. Il est inutile de le nier : le solécisme naïvement commis lui fait un secret plaisir, parce qu’il espère en tirer quelques enseignements au lieu qu’une prose correcte n’a pas grand chose à lui apprendre ».
47Le couple est donc : descriptiviste (le linguiste)/normatif (le grammairien). La honte du grammairien vient de ce qu’il s’identifie comme castrateur ; pour lui redonner bonne conscience et l’inciter à l’action, Bréal drape cette disqualification dans la loi et dans l’intérêt public :
« Il y a intérêt public à ce que les jardiniers du langage continuent leur travail [...] il faut une loi si l’on ne veut pas que nous glissions doucement à l’anarchie » (p. 802).
48Et il montre tous les vices qui s’insinuent au début de ce siècle : travestissement des valeurs des prépositions (« Il refuse dans la cruauté de son rire »), le vocabulaire abstrait (« les vibrances »), le bouleversement de l’ordre (« la Cour avec à sa tête le Président »), etc. Vices désolants, car ils sont l’anti-nature ; la langue est niée dans son fondement social même :
« Mal parler sa langue est une disgrâce qui peut arriver à tout le monde. Mais la mal parler à dessein, c’est un acte blâmable, et presque une ingratitude, car c’est la langue qui nous a aidés à penser, elle a été notre nourrice intellectuelle » (p. 803).
49Sous et dans le vocabulaire idéologique le religieux perce : le grammairien prend place dans la symbolique du Bon pasteur :
« Le grammairien est le bon serviteur qui, dans la maison patrimoniale, explique les usages, prévient les innovations mal entendues, éloigne les nouveautés dangereuses » (p. 803).
50Et la conclusion de son homélie, c’est que les linguistes peuvent intervenir, vont intervenir dans le champ de la grammaire. Description ne doit pas signifier abstention civique :
« L’arrivée subite de la linguistique dans le domaine paisible des maîtres d’autrefois ressemblait [...] à une inondation [...]. Les règles réputées les plus sûres étaient contestées. L’idée même de la correction grammaticale paraissait révoquée en doute... [Mais les linguistes] ont appris à ne plus parler du langage comme d’une fonction naturelle, ni de la langue littéraire comme d’une dégénérescence [...]. L’observation a laissé voir la part qui, dans le travail collectif, revient aux individus, et, dans l’œuvre confuse des masses, aux esprits d’élite ».
51On a cité assez au long cet article parce qu’il est un exemple éclatant de théorie travaillée, comme on dit, par l’idéologie et parce qu’il explicite clairement les directions prises par les grammairiens français. Le passage de la notion d’organisme biologique, métaphore du premier comparatisme, à celle d’organisme social, autorise à moraliser une interprétation qui n’est défendue par aucune théorie : car ces notions de lois phonétiques et d’analogie ne sont que faiblement systématisées. Qu’il soit reconnu que l’utilisateur de l’idiome est dominé par l’institution sociale qu’est la langue invite les membres les plus distingués de l’institution universitaire à se faire les régents du langage, pour défendre la société contre l’anarchie, le grand cauchemar depuis la Commune. L’analyse sociologique se fait loi morale. Mais aussi prescription opérationnelle : elle invite le grammairien à se porter en première ligne, en le couvrant d’une autorité suprême, l’Académie, à qui on donne juridiction sur le langage vivant en lui infusant la légitimité de la science. Bréal, en conclusion, en appelle à elle non seulement pour qu’elle décide, mais aussi pour qu’elle recrute en son sein « de jeunes disciples de G. Paris et P. Meyer ».
VI) Les Monuments d’Outre-Rhin. Meyer-Lübke
52Ces opérations de syncrétisme idéologique reposent sur le prestige de la science linguistique. Celle-ci tire une grande partie de sa gloire des travaux publiés Outre-Rhin que l’on fait maintenant connaître au public français. Meyer-Lübke aussitôt publié est traduit ; l’édition française suit de très près l’édition allemande et les trois tomes de la Grammaire des Langues romanes sont achevés en 190020. Ils dominent de leur poids monumental l’immense travail porté par la philologie et sur les patois et sur les textes du Moyen Age, par l’école française dont les productions sont diffusées par la Romania et par la Revue des Langues romanes, mais aussi par les écoles de langue allemande dont les productions incessantes sont souvent traduites (les Mélanges d’A. Tobler, les Grammaires de Schwan-Behrens, de Suchier). Mais ils apportent aussi un essai de méthode.
53Pourtant ce n’est pas chez Meyer-Lübke qu’on trouvera davantage cette syntaxe logico-fonctionnelle, articulée au discours, fondée sur un sujet énonciateur dont on vient de dire la censure. Bien que Meyer-Lübke ait intitulé les 857 pages serrées de son tome III Syntaxe, bien qu’il ait longuement justifié ses choix en tête de ce tome (dans l’Avant-Propos) et particulièrement le privilège donné aux évolutions d’ensembles :
« Mon but était avant tout d’exposer le développement de la langue et non son emploi à telle ou telle époque ; aussi ai-je porté plus particulièrement mon attention sur les phénomènes qui nous en montrent les modifications diverses, qui nous enseignent quelles sont les voies que suit la langue pour arriver à prendre, au cours des siècles, une physionomie entièrement nouvelle » (p. V).
54— bien qu’il ait laissé la question ouverte en renvoyant à Gröber et à Ries, bien qu’il ait innové de manière particulièrement ingénieuse en regroupant les éléments de proche en proche, il n’en reste pas moins que c’est une combinatoire de termes qui s’agrippent de façon de plus en plus complexe, à la manière des grammaires latines, sans solution de continuité aucune entre la morphologie et la syntaxe. On ne peut être plus clair qu’il l’est dans l’Introduction :
« La première partie a été consacrée à l’étude des sons en eux-mêmes, la deuxième à celle des mots considérés dans les éléments formels qui les constituent ; la troisième aura pour objet d’exposer les combinaisons de mots entre eux. Elle aura donc à montrer quels sont les mots susceptibles d’être ainsi combinés, comment s’opère leur groupement (par des procédés flexionnels ou par des mots spéciaux ?), quelle est leur place respective et leur accentuation ? Il n’y a pas de délimitation bien tranchée entre la matière de cette partie et celle des deux précédentes » (p. 1).
55On passera donc dans ce tome III des Mots à flexion au Groupe de mots, puis à la Proposition, puis au Groupe de propositions en ordonnant à chaque fois la matière isolée selon la grille des Parties du Discours. Que le terme de « proposition » ne fasse pas illusion. Très explicitement, toute interprétation de type « grammaire générale » est exclue ; et comme il n’ose pas se contenter des parties du discours — bien qu’elles œuvrent en sous-main —, il recourt à une intéressante notion : celle d’unité de communication qui marque comme il se rallie facilement aux interprétations psychologiques21 Ce texte qui réorganise des notions traditionnelles pour les faire entrer dans un schéma de communication vaut d’être cité :
« Le terme « proposition » est emprunté à la logique... Or la langue et la logique n’ont entre elles que des rapports très éloignés. (...) Si l’on reste purement et simplement sur le terrain de la grammaire, on pourra dire que le mot et le groupe de mots sont, comme les sons et les syllabes pris à part, des abstractions conçues par le grammairien et qui ne se rencontrent pas séparées de la sorte dans la langue parlée, tandis que la proposition est un mot ou un groupe de mots qui apparaissent formant un tout dans la langue parlée, qui se présentent comme une communication de celui qui parle à un autre individu. Personne ne dira « ton frère », sauf peut-être dans une interrogation provoquée par la surprise ou dans l’exclamation (...). Au centre de la grande majorité des manifestations linguistiques se trouve un verbe à un mode personnel ; c’est pourquoi l’on peut dire que la proposition se compose d’un verbe à un mode personnel ou d’un groupe de mots qui se constitue autour d’un verbe de cette espèce. Certes, il existe en roman de nombreuses locutions qu’on pourrait considérer comme des propositions bien qu’elles ne renferment pas de verbe à un mode personnel. Beaucoup peuvent être considérées tout simplement comme des propositions abrégées sous le coup d’une émotion » (III, pp. 319-20).
56Mais les opérations de détail reposent sur la comparaison de formes ou de configurations formelles et sur les diverses hypothèses que peut soulever le jeu des variantes par rapport aux lois, hypothèses qui peuvent être ramenées à des analyses de fonctionnement de la langue : l’analogie, bien entendu, le rôle de la fréquence (qui justifie par exemple le maintien de est et sunt, II, p. 2), mais aussi tout ce qui est apparenté à la pression de la signification, comme le besoin de précision :
« Le datif regi, par exemple, n’indique que d’une façon toute générale l’intérêt que le roi prend à une action ; mais, si on le remplace par ad regem ou pro rege, l’on revêt, de deux espèces différentes d’expression, deux espèces différentes aussi d’intérêt. C’est donc le besoin d’une tournure précise, non amphibologique, qui fait que les cas dont le rapport est peu déterminé, succombent rapidement sous l’étreinte des prépositions » (II, p. 3).
57Ce n’est pas le discours qui est visé, c’est le jeu des formes et de la signification, même si la théorie sémantique est généralement contournée et les concepts ramenés au jeu des configurations formelles :
« La sémasiologie peut établir une distinction entre un génitif subjectif et un génitif objectif, entre un génitif qualificatif et un génitif de prix etc., mais elle introduit alors dans le génitif une nuance étrangère, qui ne se trouve pas dans une terminaison, mais bien dans la signification que prennent les deux substantifs en s’unissant. Aussi un exposé purement grammatical n’aura-t-il à s’en occuper que si certaines catégories de signification ont, précisément à cause de leur signification, adopté une forme nouvelle » (III, p. 53).
58On peut ainsi définir chaque forme par sa signification (le chapitre des temps a, à cet égard, une valeur exemplaire : l’imparfait marque la durée, le parfait un état résultant d’une action antérieure ou la valeur d’un acte momentané), établir des dérivations à l’intérieur d’une langue ou d’une langue à l’autre et fonder des apparentements. Remarquant ainsi que les parfaits sont le lieu d’intenses altérations et de créations de types nouveaux, il ajoute :
« Un exposé qui montrerait quels verbes ont, grâce à leur signification, entraîné les autres, quels autres ont été entraînés, hâterait beaucoup sans nul doute l’intelligence des sens de ce temps et de l’évolution de ses formes » (III, p. 130).
VII) E. Bourciez
59Meyer-Lübke vise donc à confronter des configurations de langues articulées sur le rapport des formes et des significations. En accentuant les différences plus que les ressemblances, se distinguant par là des fondateurs du romanisme comme Raynouard et Diez. Ce dispositif, on le retrouve dans un ouvrage de vulgarisation français, les Éléments de Linguistique romane de Bourciez (1910)22, à une différence importante près : Bourciez rapproche beaucoup plus nettement que ses devanciers systèmes linguistiques et événements historiques, instaurant une causalité qu’il estime mettre de l’ordre dans les descriptions. Il situe les phénomènes linguistiques :
« plus que ne s’étaient préoccupés de le faire jusqu’ici les ouvrages généraux de Philologie romane, où les faits sont rapprochés uniquement d’après leurs affinités grammaticales et où ceux qui datent de l’époque latine voisinent volontiers avec d’autres qui ne se sont produits qu’au xviiie ou au xixe siècle. De là résulte parfois un peu de confusion dans l’esprit » (p. V).
60— et marque un causalisme sans problèmes :
« Si elle (l’évolution) est lente à certaines époques, quand prédomine un type de langage littéraire enseigné dans les écoles, il y en a d’autres où les changements s’accélèrent et où à une dissolution des anciens liens sociaux correspond une désorganisation plus prompte des idiomes » (p. 15)
61Il précise que ces changements, constants « dans un groupe de population uni par des liens sociaux étroits » (p. 18) sont orientés en quelque sorte selon le génie des peuples et le génie de l’homme. Ainsi les langues romanes sont animées par une tendance à l’analytique :
« Il faut observer que la plupart de ces changements se sont faits au profit de l’expression la plus développée, celle qui était la plus analytique et par conséquent la plus claire ».
62Interprétation psychologisante qui est confirmée plus loin — et passim :
« En définitive, l’évolution linguistique envisagée dans son ensemble paraît se produire sous l’empire d’une double tendance : l’une qui est d’économiser l’effort ; l’autre de mettre en relief ce qui est nécessaire » (p. 24).
63Tradition de culture française, mais aussi écho naïf de clarifications théoriques qui sont en train de se définir. Avant d’aborder le monument de Ferdinand Brunot, l’Histoire de la Langue française dont le tome I paraît en 1905, on voudrait préciser ces efforts en regardant les travaux de Meillet et de Séchehaye qui paraissent à cette époque ; même s’ils dépassent très largement le terrain de la linguistique française, ils alimentent certaines tendances marquantes de l’époque.
VIII) Les théoriciens. A. Meillet
64Ce qui domine la pensée de Meillet, c’est l’idée qu’on peut « expliquer » et que, pour cela, on peut dégager des lois en linguistique, des lois générales23 :
« On déterminera ainsi, non plus des lois historiques, telles que sont les lois phonétiques ou les formules analogiques qui emplissent les manuels actuels de linguistique, mais des lois générales [...] qui sont de tous les temps [...] qui s’étendent également à toutes les langues » (L’État actuel, 1906, p. 19).
65On répondra ainsi à la critique faite si souvent au comparatisme que l’on accuse d’atomiser les faits, d’« aboutir à une poussière d’explications » (p. 14), d’isoler chaque élément du système d’ensemble. Ce qui n’est pas à dire qu’on véhicule, sous la notion de système qui l’a si longtemps caractérisé, l’ennemi, la grammaire générale :
« L’ancienne grammaire générale est tombée dans un juste décri parce qu’elle n’était qu’une application maladroite de la logique formelle à la linguistique où les catégories logiques n’ont rien à faire. La nouvelle linguistique générale, fondée sur l’étude précise et détaillée de toutes les langues à toutes les périodes de leur développement, enrichie des observations délicates et des nuances précises de l’anatomie et de la physiologie, éclairée par les théories objectives de la psychologie moderne, apporte un renouvellement complet des méthodes et des idées : aux faits historiques particuliers, elle superpose une doctrine d’ensemble, un système » (L’État actuel, pp. 24-25).
66La netteté de la proclamation qui s’appuie sur une réflexion personnelle autant sans doute que sur les enseignements du maître (l’Introduction à l’Étude comparative de Meillet comme le Programme et Méthode de Séchehaye sont dédiés au même maître, F. de Saussure), occulte un certain flottement : le refus d’une grammaire logique, certes discréditée par son abâtardissement dans les grammaires scolaires du xixe siècle, est un peu léger et la part faite au psychologique insuffisamment motivée. Même si Meillet est au courant de théories comme celles de Wundt, même s’il établit l’importance du psychique dans le domaine :
« Il n’y a pas de fait linguistique qui ne repose sur quelque activité psychologique, et dans l’étude duquel on ne puisse profiter des découvertes de la psychologie » (p. 12),
67il conseille cependant prudence et discrétion.
68Ce qui est mieux fondé, c’est le recours au physiologique étudié par la phonétique expérimentale dont dès le début presque tous les linguistes ont compris l’intérêt (Bréal a partagé ses cours avec Rousselot). Grâce aux instruments, on peut justifier les hypothèses portant sur les transformations de sons en les reproduisant :
« [La phonétique] demande à l’organisme de lui en (des données) révéler les conditions physiologiques ; elle dégage les éléments actifs, qui, à un certain moment de l’évolution, ont été mis en présence, puis elle cherche à les reconnaître dans le trésor du parler humain ; enfin, quand elle a été assez heureuse pour les rencontrer dans une même bouche, elle les réunit ; et alors, aussi sûrement que s’il s’agissait d’une manipulation de chimie, elle voit se reproduire le phénomène attendu24.
69Mais elle peut aussi déceler des schémas de rapport entre l’organique et la parole et découvrir les bases même du fonctionnement de la langue parlée, aussi bien dans la langue courante que dans les langues littéraires (et l’on sait l’importance des travaux de Georges Lote sur l’alexandrin français).
70L’articulation fondamentale pourtant, c’est l’articulation au social :
« Le langage est un fait éminemment social » (Meillet, L’État actuel, p. 27).
71On reconnaît généralement ici l’influence de Durkheim. La langue appartient à un ensemble défini de sujets parlants ; elle est en eux et les domine tout à la fois. Moyen de communication entre les membres d’un même groupe, il n’appartient à aucun d’entre eux de la modifier :
« la nécessité même d’être compris impose à tous les sujets le maintien de la plus grande identité possible dans les usages linguistiques » (L’État actuel, p. 27).
72Considérations qui permettent à Meillet d’esquisser une théorie des médiations sociales :
« Ce ne sont jamais les faits historiques eux-mêmes qui déterminent directement les changements linguistiques, ce sont les changements de structure de la société qui seuls peuvent modifier les conditions d’existence du langage. Il faudra déterminer à quelle structure sociale répond une structure linguistique donnée et comment, d’une manière générale, les changements de structure sociale se traduisent par des changements de structure linguistique » (L’État actuel, p. 29).
73On voit alors se dessiner deux grands types d’articulation :
741) Les lois linguistiques ouvrent seulement des possibilités, « elles énoncent des conditions constantes qui règlent le développement des faits linguistiques » (L’État actuel, p. 26), mais les configurations formelles sont réglées par les mouvements structurels de la société : les problèmes de l’âge (Introduction, p. 15), des classes sociales etc. sont déterminants dans la mesure où chaque individu, chaque groupe n’imite pas, mais réinvente cette réalité qui le domine (et Meillet rappelle la vieille opposition : ergon/energeia). Ainsi l’enfant
« ne reçoit pas des autres des procédés d’articulation ; il parvient à articuler comme eux après des tâtonnements qui durent de longs mois [...] Il ne reçoit pas des paradigmes grammaticaux : il recrée chaque forme sur le modèle de celles qu’on emploie autour de lui ». Il refait « le système entier des associations », mais avec des modifications ; et cet ensemble de modifications, c’est l’évolution du système » (Introduction, p. 6).
752) Cette double articulation constitue la linguistique en science sociale et lui permet d’entrer en rapport avec l’ensemble des sciences sociales qui se font :
« Le xixe siècle a été le siècle de l’histoire, et les progrès qu’a réalisés la linguistique en se plaçant du point de vue historique ont été admirables ; les sciences sociales se constituent maintenant, et la linguistique y doit prendre la place que sa nature lui assigne » (L’État actuel p. 29).
76Ce que Meille pressent, énonce, c’est qu’une théorisation d’ensemble est en train de se faire et que la linguistique, surtout si elle se définit comme science sociale, doit y jouer un rôle important.
IX) A. Séchehaye
77Souci de théorisation qu’exprime avec autant de vivacité, mais en un autre domaine Séchehaye dans Programme et Méthode de la linguistique théorique (1908) sous une forme un peu aiguë qui déconcertera certains lecteurs si l’on en juge par le compte rendu un peu froid qu’en fait H. Yvon25. Sans entrer dans le détail du système, on dira juste à quelles préoccupations le livre se rattache.
78Ce que Séchehaye réclame, c’est une théorie du langage : la linguistique historique en se découvrant comme science des faits (historiques) entraîne comme corollaire qu’il y ait quelque part une science des lois. La grammaire, dit Séchehaye,
« considère les langages comme des phénomènes humains qui méritent d’être décrits et analysés scientifiquement, sans autre but que la satisfaction d’une curiosité intelligente » (p. 14).
79Science qui implique une mentalité des peuples et des individus, une meilleure connaissance de la genèse des réalisations du langage :
« En théorie, chacun est enclin à avouer qu’il ne saurait y avoir de document plus riche et plus exact sur la mentalité des peuples et des individus que leur langage. Le style c’est l’homme, et si le caractère d’un individu se dévoile par les traits de son écriture, comme d’ailleurs par tout ce qui porte l’empreinte de son activité, à plus forte raison se dévoilera-t-il dans ce langage qui est comme l’émanation directe de son âme, le miroir fidèle de sa vie psychique » (pp. 16-17).
80Ici évidemment Séchehaye rencontre un psychologue dont le dernier livre, La Psychologie des Peuples vient de susciter chez les linguistes allemands une discussion passionnée, pour son premier tome surtout « La Langue » : c’est Wundt26. Certes, Wundt n’est pas linguiste et trop de ses développements laissent de côté le fonctionnement du langage organisé ; mais il étudie profondément les phénomènes dus à l’activité de l’homme intervenant pour créer ou modifier son langage, ce qui lui permet de définir les traits du langage lui-même comme organisme linguistique :
« On peut appeler problème grammatical celui qui se pose quand on cherche derrière la grammaire le fondement psychophysiologique de ses origines, de ses lois et de son fonctionnement. L’objet du problème grammatical, ce n’est plus l’homme parlant et agissant sur son langage, mais le langage lui-même comme organisme linguistique ou si l’on aime mieux c’est l’homme parlant, en tant qu’il subit les lois de son langage » (p. 24).
81Ainsi situé, grâce à Wundt, Séchehaye peut définir le langage comme « l’ensemble des moyens dont un être psychophysique se sert pour exprimer ses pensées » (p. 48) avec cette contrainte : « Pour qu’il y ait langage, il faut qu’il y ait réflexion sur soi-même ». Génétiquement parlant, cette définition entraîne une interdépendance entre le perfectionnement de l’intelligence et l’évolution de la langue et renvoie premièrement à un sujet libre :
« Toute parole suppose à côté de la disposition à laquelle elle doit sa forme l’intervention libre du sujet, sa volonté et son attention qui seules la réalisent » (p. 52).
82La collectivité et l’être particulier sont articulés par l’analyse comme l’alliance d’une nécessité et d’une liberté. D’un côté la langue, organisme social, peut évoluer en fonction des initiatives des parleurs, de l’autre le parleur marque sa trace en utilisant le langage. Si l’on retrouve dans ces analyses de Meillet et de Séchehaye des dispositifs qui constituent l’argumentation saussurienne, elles constituent aussi comme un horizon d’involution pour des grammairiens français tel Ferdinand Brunot. Que la société pour fonctionner ait besoin d’un langage obligé et d’un utilisateur libre, cette situation paradoxale hante Brunot et rôde dans les soubassements de la double entreprise à laquelle il va désormais se vouer : l’histoire de la langue et l’innovation pédagogique.
X) L’Histoire de la Langue française
83Le premier tome de l’Histoire de la Langue française paraît en 1905. Mais c’est l’aboutissement d’une réflexion et d’une érudition déjà anciennes puisque Brunot reprend les contributions qu’il a fournies à Petit de Julleville pour son Histoire de la Langue et de la Littérature françaises (1894-1900), puisqu’il se réfère comme à un manifeste, en tête du Tome I, à sa Leçon d’Ouverture au Cours d’Histoire de la Langue française, prononcée en 190127. En cette période traversée de courants linguistiques nouveaux, parfois divergents, Brunot creuse son sillon avec une lente obstination et ne développe que peu à peu, quand il affronte des nécessités nouvelles, comme celles de la pédagogie, des idées ouvertes sur l’avenir.
84On aura l’occasion de reprendre les idées marquées dans cette Préface ; on voudrait surtout retenir trois traits qui nous permettront d’établir la liaison avec l’étude menée dans les pages précédentes sur les grammaires :
851) L’évolution de la société entraîne une évolution de la langue. Mais l’axe vecteur est bien un axe de progrès : les grands hommes, les découvertes techniques, les mouvements de société entraînent un perfectionnement de la langue.
862) La méthode érudite de F. Brunot a droit au titre de science, si l’on veut bien admettre que la science se définit par l’observation et le classement des faits. Brunot proclame le lieu et les thèmes sinon la conceptualisation réglée d’une réflexion épistémologique. Proclamation qui est en même temps un règlement de compte avec la grammaire générale ; mais l’absence, le refus de la grammaire générale créent un grand vide théorique dont on va redire l’importance et auquel Brunot est sensible :
« Étudier les faits grammaticaux n’est pas les compiler, comme certains affectent de le croire. Si cela était, la substitution de la grammaire historique à la grammaire dogmatique n’eût pas valu le bruit qu’elle a fait. Il faut savoir, sans doute, découvrir et analyser, il faut savoir classer aussi, mais surtout savoir ne rien recevoir pour assuré sans avoir fait la critique des sources, ce qui suppose déjà du jugement et n’est pas d’un compilateur... (Leçon, p. 22.) Énumérant les qualités nécessaires à un jeune linguiste qui lui permettront d’aborder cette discipline multiforme, il ajoute : « Etes-vous logiciens ? Vous ne sauriez avoir plus beau champ que la syntaxe. Sans vouloir la refaire d’autorité, comme au siècle dernier, vous disposez du moins de l’instrument indispensable pour l’analyser ou formuler des règles critiques. J’ose dire qu’il n’est rien dont vous ne puissiez tirer profit, si vous avez l’esprit d’observation. » (Leçon, p. 23.)
873) L’envolée finale conjoint l’éloge d’une langue et de son peuple :
« Le rôle glorieux qu’elle a joué en répandant dans le monde depuis dix siècles des idées [...] autrefois idées d’amour et de vaillance généreuse, aujourd’hui idées de fraternité et de justice [...] par ces qualités si précieuses qui à travers les âges constituent son génie permanent. » (Leçon, p. 23.)
88La permanence grandiose de cette langue (« notre langue française est de celles qui ne cesseront jamais, même mortes, d’éveiller l’intérêt des hommes ») dicte au grammairien son devoir : un devoir de fidélité à l’idéal qu’elle a incarné et de soin pour une langue qui a si bien mérité de la patrie et pour un peuple qui a si bien mérité de l’humanité.
89Le tome I se réclame ouvertement de la méthode des premiers comparatistes et spécialement de Diez. Mais les valeurs culturelles entrent à plein dans l’horizon des éléments comparants :
« La suite de cette histoire montrera comment, pour devenir la langue que nous écrivons, le français eut à subir les diverses actions et réactions que toute langue éprouve lorsque son domaine grandit et englobe des territoires où un autre idiome était primitivement parlé, qu’elle rencontre des langues étrangères, enfin qu’elle devient l’instrument d’une haute culture littéraire. » (H.L.F., t. I, p. 16.)
90Certes il est bien précisé que l’influence culturelle a beaucoup moins joué dans la langue étudiée au t. I que dans la suite ; et Brunot s’en explique :
« On distingue bien, au moyen âge, chez certains écrivains comme Chrestien de Troyes le désir de donner aux usages, sur quelques points essentiels, une allure de règle, jamais on ne reconnaîtrait chez un groupe ou chez une série d’écrivains une volonté persistante et consciente de réformer l’idiome. Cette volonté, quand elle se manifesta, ne pouvait guère produire à l’époque autre chose que ce qu’elle a produit, c’est-à-dire un désir de rapprocher l’idiome vulgaire de la langue qui portait toute la culture. » (H.L.F., t. I, p. 585.)
91Aussi retrouve-t-on dans ce tome I le dispositif traditionnel dans les grammaires historiques : une étude de la langue aux époques successives (les sources latines et les transformations romanes, l’ancien français ixe-xiiie siècles, le moyen français) rapportée à un pointage historique des événements et disposée selon le plan ordinaire : Phonétique/Morphologie/Syntaxe/Vocabulaire. La démarche, c’est « l’application rigoureuse et scientifique de la méthode historique et comparative », laquelle montre l’entrelacement d’une évolution naturelle régie par des lois et d’évolutions divergentes régies par l’analogie. Décrivant ces causes d’évolution, il écrit :
« Il y en a une qui n’est faite ni de raison, même inconsciente, ni d’analyse, même instinctive, et qui n’est à vrai dire, là comme ailleurs, qu’un entraînement imitatif vers des unifications qui sont loin de simplifier les conceptions syntaxiques : c’est l’analogie. » (H.L.F., t. I, p. 218.)
92Prenant l’exemple du parfait, il ajoute :
« Quand, amatus fuit étant considéré comme un passé analogue à bellus fuit, amatus est est devenu un présent analogue à bellus est, la langue n’y a rien gagné, tant s’en faut. Sous l’apparence de la régularité s’est constitué un état de choses tout à fait défectueux qui dure encore et qui, confondant l’attribut qui résulte de l’accomplissement d’une action par un sujet avec un attribut quelconque, a amené dans la conjugaison passive un grand désordre. » (H.L.F., t. I, p. 219.)
93Le désordre résultant de ce libre développement des lois et de l’analogie est prédominant pendant une très large partie de l’époque considérée. Il correspond à un état de confusion dans les institutions :
« Ce caractère, sensible dans la littérature, l’est aussi dans la langue. L’âge du moyen français est l’âge où la vieille langue se détruit, où la langue moderne se forme. Il s’ouvre peu après l’avènement des Valois, et ne se ferme qu’après celui des Bourbons. Entre ces deux dates, pourtant bien éloignées, la langue n’atteint jamais un de ces états d’équilibre où les langues se tiennent en apparence fixées pour un temps. » (H.L.F., t. I, p. 421.)
94Ce qui est donc le plus significatif, c’est le mouvement interne de la langue et cette considération justifie le plan d’un tome fondé sur la mutation des formes de langue. Il en va tout autrement à partir du xvie siècle : l’organisation forte des Institutions conditionnera une langue fortement organisée. Selon la formule de Brunot :
« Il y aura désormais une langue française, comme une France. » (H.L.F., t. I, p. 586.)
95Le mécanisme de l’évolution de la langue en sera profondément transformé, mais aussi la méthode de l’historien :
« Ce seront tour à tour les poètes, les grammairiens, les gens des cercles, les philosophes, les hommes d’État qui prétendront la conduire. Mais le libre développement de la langue littéraire est fini en France au seuil du xvie siècle, si bien que la méthode même de l’historien doit changer. Depuis cette date, les faits généraux seront sans doute déterminés par des lois, mais à chaque instant des interventions arbitraires, des influences de personnes ou de groupes venant contrarier ces lois naturelles, non seulement en arrêteront l’application déjà commencée, mais jetteront au milieu des phénomènes spontanés une masse de faits issus de la fantaisie, du raisonnement, de l’erreur, partout d’une volonté consciente. Et cette volonté ayant, dans une foule de cas, réussi à s’imposer à l’usage, il y a lieu d’en rechercher les manifestations et d’en expliquer l’action. Par là l’histoire de la langue se trouve en contact plus étroit encore avec l’histoire de la grammaire, de la littérature et de la société. » (H.L.F., t. I, p. 586.)
96Par là est bouleversé le plan des tomes de l’H.L.F. qui vont se succéder et particulièrement de ceux qui vont paraître avant 1914, les tomes II, III et IV28. Là un très important développement sur la vie de la langue dans les Institutions précède la triade : Phonétique-Morphologie-Syntaxe, et l’envahit largement.
97Fait remarquable, certains chapitres de langue s’installent dans cette première partie. Ainsi les « Problèmes de l’Orthographe » s’inscrivent dans les « Tentatives des savants pour cultiver la langue » et dénoncent l’importance sociale que les grammairiens comme Brunot attachent à l’orthographe. De tous les faits de langue, l’orthographe est celui qui marque le plus fortement, le plus spectaculairement du moins, la prégnance de l’Institution, la force normalisante dont elle est investie ; et elle est aussi le lieu où le grammairien peut marquer avec le plus d’évidence la puissance symbolique qu’il tient de cette même institution.
98Autre déplacement révélateur : le Vocabulaire vient s’installer entre la description institutionnelle et la triade grammaticale. C’est le lieu où les gens importants de la nation, son élite, donnent une configuration à l’étendue de la parole. Ce plan porte la marque de l’ambiguïté de la position de Brunot : d’une part, il maintient fortement l’idée de la différence séparant une langue qui dépasse les individus de toute sa pesanteur et un discours où les personnes ont autorité à faire et défaire (les grands seigneurs et les grands commis, les hommes de sciences et de lettres et ces nouveaux venus si peu négligeables, les grammairiens) ; d’autre part il met au centre du système une société qui structure l’organisation linguistique, l’envahit.
99Dispositif renforcé par le fait que F. Brunot ne décrit qu’une langue, la langue écrite des gens cultivés. Curieusement ici il rencontre Meyer-Lübke ; car celui-ci, après avoir annoncé au tome I de sa G.L.R. qu’il recenserait largement les patois, reconnaît au tome III (Avant-propos, p. 6) qu’il utilise essentiellement les monuments écrits. Les deux grammairiens font coïncider une facilité de travail (l’étude systématique des patois offre des difficultés insurmontables) et un préjugé idéologique : l’organisation de la langue est l’œuvre des classes cultivées, particulièrement patente dans les œuvres littéraires ; les références aux parlers populaires sont comme la trace de ce mouvement confus de la masse auquel l’élite donne sens. Mouvement d’autant plus sensible que cette histoire de la langue au xvie siècle n’est pas une grammaire du xvie ; c’est plutôt l’histoire des différences qui se font jour au xvie, des traits sur lesquels porte l’action de ceux qui ont autorité.
100On voudrait noter, dans le même sens, un dernier aspect du dispositif en parlant de ce qui a fait l’admiration de tout lecteur de l’H.L.F., la prodigieuse érudition de l’auteur qui semble avoir mis en fiches tous les grammairiens, tous les auteurs. Certes, ici encore, il rencontre les comparatistes et Meyer-Lübke dans le style monumental. La caractéristique du savant, pour eux c’est d’inventorier et de classer ; et sans doute aussi d’espérer transformer le quantitatif en qualitatif ; entendez : tirer une valeur démonstrative de la multiplicité des documents qui établissent une causalité de leur sériation même. Mais il nous semble qu’il y a plus, un plus que nous rattachons à notre argumentation : l’organisation de langue est de partout débordée par l’emploi qu’en font les grammairiens et les élites : opération de débordement qui se fait transformation. C’est bien ici qu’est le lieu de la mutation linguistique et le livre, l’H.L.F, opère cette mutation dans sa matérialité même. Il n’est pas nécessaire d’en expliquer davantage et le grammairien n’explique à peu près jamais. On se contente de faire jouer le couple : lois d’évolution/analogie dans le tissu social qui lui apporte justification. À peine quelques exceptions comme ce tour « Les bestes que tu vois qui montrent felonie » pour lequel Brunot, s’appuyant sur d’autres grammairiens, propose quatre types d’interprétation. (H.L.F., t. II, pp. 428-429.)
101Nous nous sommes un peu arrêté aux tomes I et II, aux dépens des tomes III et IV qui paraissent avant 1914, parce qu’ils nous semblent marquer deux orientations différentes d’un même système d’ensemble. Si le rapport entre l’histoire et la langue est toujours semblablement articulé, il n’en demeure pas moins que, pour Brunot, la langue, jusqu’au xvie siècle, se développe comme naturellement dans « le travail instinctif des masses » (H.L.F., t. II, p. 1.) ; à partir de là, au contraire, apparaissent des hommes supérieurs qui, pour des raisons sociales, politiques, religieuses, vont tirer le « vulgaire » de l’obscurité et, comme dit l’un d’eux, le « magnifier » (H.L.F., t. II, p. 1.).
XI) La croisade pédagogique — Son importance théorique
102Ce que l’histoire de la langue enseigne, c’est le rôle émancipateur d’une langue bien faite et bien répandue. Le terrain d’élection, c’est l’enfant, c’est l’école. F. Brunot entre très tôt dans la croisade pédagogique si puissante à la fin du xixe siècle, avec des raisons de linguiste. Et ces raisons sont si puissantes qu’il en abandonne le cours de l’H.L.F. pour rédiger un manuel à l’intention des élèves des écoles primaires. C’est là que se noueront les efforts empiriques et théoriques du linguiste avec les devoirs du citoyen responsable ; c’est là que la science prendra sens.
103Le maître de la Sorbonne s’associe avec un inspecteur primaire pour former un couple de combat ; comme l’ont fait Brachet avec Dussouchet, Clédat avec Gougère, il y aura Brunot et Bony ; un Brunot qui se multiplie. Luttes pour la simplification de l’orthographe, conférences au Musée pédagogique, cours annuel à la Faculté professé en 1908-09 et publié29. Avec les moyens nouveaux qu’offre la science contemporaine, Brunot reprend le vieux mot d’ordre qu’ont déjà répandu les Idéologues : répandre, enraciner une bonne langue est la marque d’une société bien faite.
104Mais une grande part de la grammaire et spécialement de la française a été infectée d’une grave erreur ; de Scaliger et Sanctius à Port-Royal et à la Grammaire générale « Grammaire et Logique furent définitivement proclamées sœurs » (L’Enseignement, p. 39.). Or ce n’est pas de fixer un fonctionnement idéal qui est important, mais de montrer la langue en action, en emploi :
« Analyser les faits, les fonder en raison, parfois directement, parfois en les rapportant à une langue idéale, construite de toutes pièces, d’après les règles et les besoins de l’esprit humain, voilà à quoi ils s’attachent, et non à observer les faits eux-mêmes, tels que la vie de la langue les présente » (L’Enseignement, p. 40.).
105Certes cette grammaire n’a pas été inutile parce qu’elle a fait de notre langue un outil incomparablement raisonnable :
« Le renom universel dont elle a joui au xviiie siècle tient, en grande partie, à sa probité impeccable, à sa netteté rigoureuse, à la puissance qu’elle avait acquise d’exprimer sans défaillance les moindres nuances de la pensée abstraite. » (L’Enseignement, p. 49.)
106Mais d’abord, « la langue est un fait social » (p. 50) donc un moyen de communication et d’échange :
« Un homme n’est vraiment un citoyen, il ne peut prendre part véritablement à la vie commune, politique ou économique, sans posséder sa langue nationale ; il n’est même, à proprement parler, un homme, qu’à ce prix, et du jour où lui sont ouverts les trésors de vérité et de beauté accumulés par les penseurs, les poètes, les écrivains de sa race. » (L’Enseignement, p. 55.)
107Ces considérations socio-politiques dictent une stratégie grammaticale : il faut partir non d’une grille formalo-logique des parties du discours régentées par la proposition, mais de notions qui s’organisent en types de communication centrés sur le sujet énonçant. On partira donc du discours de l’enfant ;
« Il faut prendre à l’enfant lui-même ses exemples, de façon à lui faire analyser son propre usage et non le nôtre. » (L’Enseignement, p. 70.)
108Puis lui apprendre à grouper à l’intérieur de la phrase (et non de la proposition) des rapports notionnels, lui faire reconnaître par exemple un même rapport déterminatif dans « Je sens mon erreur » et « le sentiment de mon erreur ». Puis à ranger les idées en catégories « de façon à former des groupes naturels » (L’Enseignement, p. 160.). Voici un exemple :
« Tout d’abord on examine les cas où l’idée est indéfinie, en considérant tout aussi bien des verbes sans objet précis : « je chasse », que des noms, pronoms, ou adjectifs généralement seuls appelés indéfinis. Viennent ensuite les objets, les actes, indéterminés en quantité, et alors commence la détermination, par la quantité, naturellement. À « quelques » qui est vague, succèdent les adjectifs et noms de nombre qui sont précis : cinq, mille ou aucun, lequel n’est que l’adjectif numéral de zéro. On compare alors les quantités entre elles ; on voit comment se traduisent dans le langage les opérations arithmétiques : addition, soustraction, division, ce que veulent dire outre que, et excepté que. » (L’Enseignement, p. 160.)
109Certains chapitres sont essentiels comme la détermination ou la qualification ; ils permettent de mettre en place les modalités de l’action :
« Immédiatement à la suite de la qualification, vient l’étude de la manière d’être, des caractères de l’action, si intimement liés aux caractères de l’être. Puis on passe aux circonstances de cette même action, aux circonstances de temps, de lieu, de moyen ; on examine les tenants et les aboutissants de l’action, les origines, la cause, puis les suites, c’est-à-dire le but, les conséquences. Enfin les actions peuvent être conditionnées par d’autres, elles ont un rapport avec nous-mêmes, elles créent en nous des états de conscience, des volontés ; elles nous apportent tantôt la certitude, tantôt le doute ; elles provoquent ou nos désirs ou nos regrets. Tout cela a ses formes dans le langage. » (L’Enseignement, p. 161.)
110Psychologisme qui ne dérive d’aucune psychologie explicite et se rattache bien plutôt à une conception très haute du devoir social. C’est dans les circonstances pratiques de l’action que la grammaire s’élabore, c’est là qu’elle trouve son ordre, un ordre qui est dicté par l’ordre idéal même de la société :
« Il n’y a qu’une étude de la langue : elle commence au moment où l’enfant apprend de sa mère à balbutier, elle ne finit que le jour où l’on cesse d’analyser les textes pour apprendre d’eux les formes infiniment variées dont l’art revêt la pensée humaine. » (L’Enseignement, p. 180.)
111Société qu’il faut préserver de l’anarchie tout en conduisant le peuple dans la voie du progrès :
« Les barbares sont à nos portes ; l’argot, cent jargons des métiers ou des sports, des façons de parler populacières s’implantent et se généralisent. L’accent tonique se déplace, menaçant de défigurer entièrement les mots. » (L’Enseignement, p. 127.)
112F. Brunot analyse admirablement ce phénomène idéologique que l’école, en nous apprenant le langage, nous apprend à obéir volontairement aux lois de la société, à faire de l’usage général l’intérêt général :
« Il s’agit de savoir si l’obéissance raisonnée à un ordre, dont on comprend la nécessité, n’est pas supérieure, moralement et pratiquement, à la soumission imposée par force à une loi qu’on reçoit, sans essayer même de la comprendre. Depuis près d’un siècle, les écrivains ont secoué le joug des grammairiens ; la masse seule doit-elle rester aveuglément soumise ? [...] Est-il impossible de lui faire comprendre que parler suivant l’usage général est le seul moyen sûr d’être entendu de ceux à qui l’on parle ? Et que la langue ne peut servir à sa fin, qui est d’être un instrument d’échange, qu’à la condition expresse d’être commune à ceux qui s’en servent, c’est-à-dire conforme chez chacun à l’usage général ? » (L’Enseignement, p. 126.)
113Le garant de cette acceptation raisonnée de la société, c’est la science qui constitue en lois l’observation des règles de communication :
« Désormais l’enfant sent qu’il est en présence d’un phénomène constant comme une loi physique et naturelle, telle que : c’est l’automne, les feuilles tombent. Il ne reste plus qu’à formuler la loi [...] Cette loi, c’est la règle [...] Cette méthode a pour elle l’autorité de la science même, qui procède ainsi, puisque les lois scientifiques de la linguistique historique ou comparée ne sont que des faits observés et généralisés. » (L’Enseignement, p. 135.)
114De nombreuses leçons du Brunot et Bony, particulièrement dans le Cours supérieur, marquent que construire un langage, c’est définir les composantes d’une situation30. D’une façon très empirique, à la manière des comparatistes, Brunot et Bony inventorient et classent les éléments linguistiques qui correspondent à différents types de communication ; ils réorganisent dans leur champ socialisé les démarches de comparaison et différence qui font la méthode de Meyer-Lübke, par exemple. Nous citerons seulement le chapitre intitulé « Les différences » (p. 318, n° 1448) :
« Quand on compare deux choses, on constate parfois entre elles une opposition, et même un contraste complet. On exprime ce contraste par des mots qui s’opposent :
L’un est riche, l’autre pauvre. Celui-ci rit, celui-là pleure.
Souvent, on marque l’opposition entre deux idées au moyen de deux propositions coordonnées par les conjonctions ou les adverbes : mais, cependant, néanmoins, par contre, au contraire :
Il était malade, mais il est rétabli.
On peut aussi marquer le contraste :
a) Au moyen de compléments précédés des locutions au lieu de, bien loin de : Bien loin d’empirer, sa situation s’améliore.
b) Au moyen d’une subordonnée à l’indicatif, au conditionnel, au subjonctif commençant par : quoique, tandis que, alors que, au lieu que, loin que, quel... que :
Au lieu qu’il s’affaiblissait, il reprend des forces. »
115Développement grammatical repris par deux réalisations de discours : un texte à analyser, un texte ayant pour motif « Le parallèle » à construire. Exercices répondant à un principe de base : « Qu’il s’agisse d’enseigner des mots ou des formes, il faut toujours montrer ces mots ou ces formes en fonction, c’est-à-dire dans un texte. » (Cours supérieur, p. 65).
116Ce que Brunot, confusément, cherche à fixer ici, c’est comment le sujet librement énonçant peut se constituer sujet d’une société de libre-échange, organisant son discours individuel dans un système général de règles et de lois. Prendre parti, c’est se donner la possibilité d’écrire une grammaire. On n’en est pas là ; on en est au moment des essais, ceux de Saussure ou de Séchehaye, au moment des tentatives de reconstruction comme chez Brunot (et La Pensée et la Langue sera bien une tentative pour prendre parti). Reste à construire une machinerie plus vaste qui réussira à reprendre en compte l’immense effort théorique de la grammaire générale. Le xxe siècle ne sera pas de trop pour cette tentative qui permettrait à la linguistique de tenir sa place dans cet ensemble organique des disciplines sociales dont rêve le positivisme.
Notes de bas de page
1 S. Auroux (1979, 4), p. 18. Voir aussi C. Normand (1978, 4).
2 F. Diez, Grammaire des langues romanes, Paris, F. Vieweg, 1874-1876. 1re éd. 1836.
3 A. Brachet, Grammaire historique de la langue française, Paris, Hetzel, 1867.
4 Voir A. Chervel (1977, 4).
5 M. Bréal, Des idées latentes du langage, leçon faite au Collège de France, Paris, L. Hachette, 1868.
6 A. Brachet, op. cit (note 3).
C. Ayer, Grammaire de la langue française, Genève, Bâle et Lyon, H. Georg, 1876.
F. Brunot, Précis de Grammaire historique de la langue française, avec une Introduction sur les origines et le développement de cette langue. Paris, G. Masson, 1887 ; VIII-692 p.
L. Clédat, Nouvelle grammaire historique du français, 4e éd. revue et corr., Paris, Garnier, 1908 ; VI-279 p. (1re éd. 1889).
7 C. Ayer, op. cit (note 6), Préface.
8 F. Diez, op. cit. (note 2), I p. 25, n. I.
9 ld., ibid., I, p. 183.
10 Id., ibid., I, p. 269.
11 L. Clédat, op. cit. (note 6), Préface.
12 F. Mayeur, L’éducation des filles en France au xixe siècle, Paris, Hachette, 1979.
13 L. Clédat, Grammaire élémentaire de la vieille langue française, Paris, Garnier frères, 1885. Préface.
14 Paris, H. Le Soudier, 2e éd.
15 La revue publiera désormais conjointement des articles sur les patois et des articles sur la grammaire française.
16 A. Darmesteter, Cours de littérature française du Moyen Age et d’histoire de la langue française. Leçon d’ouverture. Faculté des Lettres de Paris. Paris, impr. Chamerot, 1883, p. 14.
17 Des échanges très vifs à cette occasion entre grammairiens, gens de lettres, etc., on trouvera des échos principalement dans la Revue des Lettres françaises et étrangères, II, 1900, dans la Revue de philologie française, XIV, 1900, dans la Revue des Deux Mondes, 1er sept. 1900.
18 A. Rey (1972, 4), p. 110.
19 Paru dans la Revue bleue, n° 26, 26 déc. 1903, repris et discuté par H. Yvon, sous le même titre, dans la Revue de Philologie française de 1905, p. 284-299.
20 W. Meyer-Lübke, Grammaire des langues romanes, trad. fr. par E. Rabiet et G. Doutrepont, Paris, H. Welter, 1890-1906. 4 vol : I. Phonétique, 611 p. ; II. Morphologie, 734 p. ; III. Syntaxe, 857 p. ; IV. Tables générales, 499 p.
21 Ch. Bally reprendra et approfondira dans Linguistique générale et linguistique française ce qui est ici esquissé.
22 E. Bourciez, Eléments de linguistique romane, Paris, Klincksieck, 1910.
23 Les citations sont extraites de :
A. Meillet, L’État actuel des études de linguistique générale, Leçon d’ouverture du Cours de grammaire comparée au Collège de France, 13 fév. 1906, Chartres, impr. Durand.
A. Meillet, Introduction à l’étude comparative des Langues indo-européenne, Paris, Hachette, 1903.
Voir aussi J. Stéfanini (1979, 4).
24 P. Rousselot, « Synthèse phonétique », La Parole, 1901, p. 666.
25 A. Séchehaye, Programme et méthode de la linguistique théorique, Paris, Champion, 1908. Compte rendu par H. Yvon : Revue de Philologie française, 1908, p. 70 et suiv. Voir aussi G. Antoine (1958, I.3)
26 W. M. Wundt, Völkerpsychologie, eine Untersuchung der Entwicklungsgesetzte von Sprache, Mythus und Sitze. I Die Sprache. Leipzig, 1900.
27 F. Brunot, Leçon d’ouverture du cours d’histoire de la langue française. Paris, A. Chevalier-Marescq, 1901.
28 Ces tomes seront publiés respectivement en 1906, 1909-11, 1913.
29 Conférences du Musée pédagogique. L’enseignement de la grammaire, par MM. V. Henry, F. Brunot, H. Goelzer, L. Sudre, Ch. Maquet. Paris, 1906.
F. Brunot, L’enseignement de la Langue française. Ce qu’il est. Ce qu’il devrait être dans l’enseignement primaire. Cours de méthodologie. Paris, 1909.
30 Brunot et Bony, Méthode de Langue française. Livres I, II, III. Paris, Colin, 1905, 1906, 1908.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
Colloque organisé par l’IHTP les 4 et 5 octobre 1984
Charles-Robert Ageron (dir.)
1986
Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Actes du Colloque International du CNRS (Montpellier, 26-29 avril 1983)
Jean Guilaine, Jean Courtin, Jean-Louis Roudil et al. (dir.)
1987
La formation de l’Irak contemporain
Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
Pierre-Jean Luizard
2002
La télévision des Trente Glorieuses
Culture et politique
Évelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy (dir.)
2007
L’homme et sa diversité
Perspectives en enjeux de l’anthropologie biologique
Anne-Marie Guihard-Costa, Gilles Boetsch et Alain Froment (dir.)
2007