Précédent Suivant

Le français dans les « colonies » et « territoires français

p. 397-413


Texte intégral

1La période qui s’étend de 1880 à 1914 est caractérisée précisément par l’expansion coloniale de la France1 : cela légitime assez bien un chapitre consacré à l’extension de la langue française dans les territoires coloniaux à cette même époque.

2Si l’on se réfère aux définitions données par les dictionnaires, on peut dire qu’une colonie, au sens politique large, est un pays étranger annexé à la suite d’une conquête militaire ou lié par un traité à une nation, dite métropole, qui y envoie des colons destinés à le peupler partiellement, à lui fournir son encadrement administratif, technique ou social et à mettre ses ressources en valeur.

3Les pays coloniaux ont porté des noms administratifs divers selon le régime juridique et législatif qui les a régis, d’après les traités qui ont présidé à leur naissance comme tels ; ainsi, la France a eu sous son égide des colonies proprement dites, dont certaines sont devenues des départements ou des territoires français d’outre-mer, et des pays de protectorat. Sans doute la situation d’un « colon » et d’un « colonisé » était-elle différente, au point de vue juridique, dans une colonie régie par des lois spéciales, dans une colonie devenue département où s’appliquaient, avec certaines adaptations, les lois de la métropole, et dans un pays de protectorat qui gardait en principe ses propres lois ou calquait celles de la France. Mais, du point de vue linguistique, tout se passait de la même façon, que ce fût en Algérie, en Tunisie ou au Sénégal. Aussi inclurons-nous dans notre étude ces trois types de pays coloniaux. Et nous en exclurons la Réunion, les Antilles – et du même coup la Guyane –, les comptoirs de l’Inde, la Réunion parce que cette île – l’île Bourbon – était déserte quand les premiers Français vinrent s’y installer à partir de 1643, et que le français que l’on y parle est celui de leurs descendants et des immigrants divers qui sont venus à leur suite ; les Antilles parce que ces îles ont été peuplées très tôt par des Français qui y ont fait souche et ont fait venir des Africains, d’abord esclaves, pour les mettre à leur service ; les anciens comptoirs de l’Inde parce qu’ils sont aussi de peuplement ancien.

4Le cadre ainsi défini pour notre étude est évidemment très vaste si l’on regarde la carte en 1914 de ce que l’on a appelé plus tard l’ « Empire colonial français ». Il faut distinguer, nous semble-t-il :

  1. les pays qui avaient été occupés avant 1880 et étaient déjà en cours de colonisation ;

  2. ceux qui ont été conquis militairement, annexés ou associés d’une autre façon à partir de 1880 et dont certains commençaient à peine à être organisés administrativement vers 1910-1914.

5Ce sont les premiers, c’est-à-dire ceux dont la francisation linguistique était bien commencée, qui retiendront avant tout notre attention. A cette première catégorie appartenaient d’abord et surtout l’Algérie, puis le Sénégal (où un établissement français existait depuis le xvie siècle et où l’expansion vers l’est a été commencée par Faidherbe dès 1854), la Cochinchine et le Cambodge (annexés ou « protégés » en 1862 et 1867), la Nouvelle-Calédonie (annexée en 1863) et Tahiti (traité de protectorat dès 1842, annexion finale en 1882). Dans les Comores, Mayotte avait été occupée dès 1841.

6La seconde série comprend les pays annexés ou associés par la IIIe République sous l’impulsion de ministres dont le plus connu est Jules Ferry. Elle comprend la Tunisie (traité de protectorat, dit traité de la Marsa, conclu en 1883), les territoires qui devaient être rattachés au Sénégal et constituer ce qui a été appelé, en 1895, l’Afrique Occidentale Française, à savoir la Guinée (détachée du Sénégal en 1890), la Côte-d’Ivoire (prise de possession en 1883), le Soudan (à partir de 1882) et les territoires occupés par cette voie (Niger, Haute-Volta) et enfin le Dahomey, occupé définitivement en 1900. Suivirent un peu plus tard, et à des dates diverses, les territoires qui devaient être groupés en 1910 sous le nom d’Afrique Équatoriale Française : le Gabon (où, il est vrai, des Français avaient commencé à s’implanter dès 1839), les pays acquis à partir de 1890 : futur « Moyen Congo », Oubangi-Chari et « territoire militaire du Tchad ». A ces pays on pourrait même rattacher l’ex-Congo belge et les territoires adjacents (Ruanda, Burundi) dont la colonisation a commencé après la conférence de Berlin (1884-85) et où la langue enseignée a été surtout le français.

7La grande île de Madagascar est devenue un protectorat en 1885 (le traité a dû être confirmé par la force en 1895) puis une colonie à la fin de 1896. Au nord-est de l’Afrique, autour d’Obock (comptoir acheté en 1862), s’est constituée une petite colonie ; par la suite, une nouvelle capitale mieux située, Djibouti, devait être créée de toutes pièces dans un désert pierreux, en pays Issa, en 1888.

8Le Maroc (traité de protectorat signé en 1911) entrait à peine dans l’orbite française à la fin de l’époque qui nous occupe, mais il allait bénéficier de l’expérience acquise ailleurs.

9Dans tous ces territoires, à des degrés divers selon l’ancienneté de l’annexion ou de l’association et selon la densité d’un peuplement colonial, les mêmes problèmes linguistiques se sont posés – et se posent aujourd’hui à l’historien de la langue française. Ils sont de trois ordres :

  1. Comment le français s’y est-il implanté et quels étaient les résultats acquis en 1914 et les perspectives entrevues ?

  2. Quelles influences le français a-t-il subies dans le pays ?

  3. Quels ont été les apports de la langue ou des langues indigènes au français commun de la Métropole ?

I) L’Algérie

10C’est évidemment l’Algérie – suivie à cinquante ans d’intervalle par la Tunisie – qui offre le meilleur champ d’observation linguistique pour la période considérée. En 1880 la colonisation était déjà très avancée, après avoir connu des débuts incertains et pénibles marqués par des résistances, des soulèvements et des campagnes de répression et pacification. Les « colons » étaient plus de 300 000 en 1876, venus pour parties à peu près égales de France – surtout de la France méridionale et de la Corse – et, d’autre part, d’Espagne et d’Italie, voire de Malte2.

11La francisation linguistique se faisait du côté de ces Étrangers et, d’autre part, en direction des Autochtones : la population indigène était elle-même diverse : Musulmans (Maures des villes, Arabes des plaines et des Hauts Plateaux, Berbères de Kabylie, des Aurès et des oasis du sud) et Juifs citadins3.

12La langue française s’est d’abord répandue empiriquement par les contacts sociaux de tous les jours. En 1830 un éditeur marseillais opportuniste a pensé que les Français utiliseraient le jargon international, dit langue franque, employé traditionnellement dans le bassin méditerranéen entre les Européens et les Musulmans d’Afrique et du Moyen-Orient. Son dictionnaire de la langue franque ou petit mauresque4 ne paraît pas avoir eu un très grand succès ; cependant Faidherbe notait en 1884 encore, à ce propos, dans un article de revue5 : « Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’en se servant de ce langage le troupier est persuadé qu’il parle arabe et l’Arabe est persuadé qu’il parle français. » En fait la langue franque n’a fourni que quelques mots à la langue française commune et populaire (tels mouquère, mercanti, roumi, douro, carrossa, papas), car c’est bien cette dernière qui a été employée dans les ports, sur les chantiers, dans les casernes, dans les villages de colonisation. Et naturellement la langue régulière a été répandue par les textes administratifs, par la presse et par l’école qui a enseigné à peu près exclusivement en français, surtout après la publication du décret de 1883 et la disparition des « écoles arabes-françaises » à programme mixte6. Mais en matière d’enseignement et d’apprentissage de la langue, il faut distinguer :

  1. Le monde des Européens et des Juifs.

  2. Le monde musulman.

13Le monde des Européens et assimilés était au moins triple en 1880 et composé :

  • des Français, surtout méridionaux comme nous l’avons dit ;

  • des Espagnols, des Italiens et des Maltais, pour retenir les éléments les plus nombreux ;

  • des Juifs d’origine européenne, dits Juifs livournais, et des Juifs indigènes, qui ont tous bénéficié de la nationalité française en vertu du décret Crémieux de 1871.

14Une loi de 1889 a accordé la naturalisation automatique – sauf récusation – aux fils d’immigrés nés en Algérie ; si en 1876 il y avait équilibre entre Français (plus Juifs assimilés) et Étrangers, en 1911 les effectifs étaient très différents (562 000 Français contre 189 000 Étrangers).

15Dans les cinquante premières années de la colonisation, les Étrangers arrivaient, généralement illettrés, d’Espagne, d’Italie et de Malte ; ils ignoraient presque tous la langue française ; dans les villes ils se groupaient par nationalités, mais entraient inévitablement en contact avec les Français qui administraient et dirigeaient le pays. Les écoles françaises, d’abord peu nombreuses, étaient arrivées en 1900-1901 à scolariser la plupart des petits Européens : elles comptaient alors 40 468 enfants étrangers contre 60 137 français ou « néo-français ».

16Ainsi la politique de la France en Algérie a-t-elle été une politique d’assimilation civile et linguistique des Étrangers et des Juifs. V. Demontès écrivait môme en 1906 que « la politique de la France était de plus en plus une politique scolaire7 ».

17Les Juifs, dès l’arrivée des Français qui les avaient libérés d’une oppression certaine8, avaient été très désireux de s’instruire dans les écoles françaises et avaient rapidement donné une bonne proportion des bons élèves des lycées ou collèges et des Écoles de droit, de médecine ou de lettres créées à Alger dès 1879.

18L’attitude des Musulmans a été bien différente et le géographe Marcel Larnaude a écrit à leur sujet : « Les Musulmans d’Algérie ont suivi une ligne de conduite diamétralement opposée et ont résisté de toutes leurs forces aux offres d’assimilation9 ». Ce jugement résume assez bien ce qui s’est passé jusqu’en 1914, et qui a été décrit avec une grande précision par Ch.-R. Ageron dans sa thèse sur les Musulmans algériens et la France (1871-1919)10. Malgré des tentatives diverses des Français, depuis la création d’écoles à programme mixte dites « écoles arabes-françaises » et de trois médersas secondaires (sous le Second Empire), le nombre des écoliers musulmans était faible à l’aube de la période qui nous occupe : en 1878 on n’en comptait guère que 1 200 à 1 300 dans les écoles (du premier degré) et 216 dans les médersas11. Après l’établissement d’un enseignement purement français dû à Jules Ferry (1883) les effectifs ont tout de même progressé : en 1907, 32 517 enfants musulmans (dont 2 281 filles) étaient scolarisés12. La création d’écoles auxiliaires en 1908 (dites par la suite, péjorativement, « écoles-gourbis ») a permis une accélération du rythme de la scolarisation : en 1916 on comptait 42 263 écoliers musulmans ; ils ne constituaient toutefois que 5 % des enfants scolarisables13. L’enseignement était donné en français. Le plan d’études, établi en 1892, écrivait même : « la raison d’être de l’école indigène : répandre notre langue ».

19Les résultats au niveau supérieur étaient minces : « l’enseignement secondaire français n’accueillait en moyenne que 84 élèves musulmans par an avant 1900 et 150 avant 1914. En 1914 la Faculté d’Alger avait couronné au total (depuis ses débuts) 34 bacheliers musulmans et 12 licenciés (en droit)14. Elle avait délivré un seul diplôme de docteur en médecine et fait aussi un pharmacien.

20Les gens du peuple apprenaient un peu de français utilitaire dans les zones où ils étaient en contact avec les Européens. Mais en 1914, il est probable que plus de 95 % des Musulmans ignoraient le français et que, parmi les autres, une minorité savait le lire et l’écrire.

21Si le français s’était alors assez largement répandu dans la colonie, c’était donc chez les colons d’origine étrangère et chez les Juifs assimilés : il s’était même constitué un dialecte français, colonial ou régional, dont les premières notations littéraires datent des années 1898-1907 : on les trouve dans les romans de Louis Bertrand, professeur d’origine lorraine, ou dans « Les Colons » de Robert Randau (1907), qui fondera plus tard une école algérianiste, et surtout dans les fascicules publiés à la même époque par un chroniqueur humoriste, Gabriel Robinet, et qui racontaient les aventures d’un personnage appelé Cagayous.

22Ce « français vulgaire »15 – comme on dit « latin vulgaire de Gaule » pour désigner le latin parlé en Gaule aux temps de l’Empire romain – était caractérisé non seulement par une syntaxe simplifiée ou fautive (ainsi la généralisation de l’emploi du conditionnel après si) et surtout par un grand nombre d’emprunts aux vocabulaires arabe, espagnol, italien, au français populaire et régional et à l’argot métropolitain. Il avait en outre un accent original qui rappelait ceux du Midi de la France mais s’en distinguait par un débit plus énergique ou moins traînant.

23Dans un monde africain coupé de la métropole il est certain que ce langage se serait vite séparé de la langue régulière, mais la présence progressive de l’école, surtout depuis 1883, et l’influence constante de la presse ont contribué à rétablir les normes. Très tôt, en effet, des journaux ont été publiés sur le territoire de l’Algérie, qui recevait aussi la presse métropolitaine. Il reste des collections partielles de ces journaux que les historiens ont consultées16 : l’un au moins (l’Akbar) était bilingue. Nous possédons une liste précise des organes de presse qui paraissaient en 190117, avec l’indication de leur tirage : elle montre qu’ils étaient nombreux et avaient leur siège jusque dans de petites villes comme Blida, Sétif, Batna, Mostaganem, Djidjelli ou Souk-Ahras.

24Ainsi on peut dire qu’en 1914 il y avait une assez nombreuse colonie française ou francisée linguistiquement – peu ou prou –, en Algérie : elle comprenait :

  • les Français de souche et les Européens francisés (environ 570 000 au total) ;

  • les Juifs assimilés (environ 50 000) ;

  • la majorité des Étrangers (environ 190 000) ;

  • une petite partie de la population musulmane (peut-être 230 000, sur une population totale de 4, 5 millions).

25Bref, environ un million de gens parlaient le français, constamment ou à l’occasion ; combien pouvaient le lire et l’écrire ? La moitié, peut-être.

26Intéressante, du point de vue de l’histoire de la langue, serait l’étude des apports qu’elle a reçus de l’Algérie et de l’Afrique du Nord en général. « Par l’intermédiaire de l’armée d’Afrique, écrivait Ferdinand Brunot, un nombre considérable de mots, de zouave à toubib, a pénétré dans le français18. » L’armée n’a évidemment pas été le seul véhicule de ces mots. S’il n’y a pas eu encore, en 1914, une littérature algérienne de langue française (mis à part les romans de L. Bertrand et R. Randau), l’Algérie a reçu un grand nombre de Français qui ont écrit des récits de voyage, des mémoires, des romans, des livres d’histoire et de géographie et, naturellement, des articles de journaux et de revues19 qui ont répandu des mots indigènes, ou les ont rendus plus familiers s’ils étaient déjà apparus. S’il fallait en dresser une liste elle comprendrait assurément ceux qui désignent :

27a) le cadre naturel et l’habitat :

28Ainsi bled (admis par l’Académie Française en 1952), djebel (montagne), oued (rivière, fleuve), gourbi (habitation rudimentaire de terre et de chaume), douar (village ou groupe de tentes, puis division administrative), casbah (forteresse, citadelle, et, par extension, quartier de la citadelle), médina (ville musulmane), derb (impasse, puis quartier périphérique), fondouk (caravansérail), souk (marché) ; ajoutons pour compléter le paysage les chotts du sud algérien, les sebkkas, ou lacs salés, les hammadas sahariennes et le simoun (ou vent de sable) dont la version italienne est sirocco.

29b) les vêtements, les tissus, les coiffures :

30Burnous (grand manteau de laine), mot introduit dès le xvie ou le xviie siècle et retenu finalement au xixe siècle avec sa graphie anglaise, haïk (lainage léger, et vêtement fait avec ce lainage), gandoura (longue tunique blousante), cachabia (manteau à manches), chèche (mousseline qui s’enroule autour du turban), chéchia (coiffure des zouaves, des spahis), tarbouche (mot turc : bonnet rouge entouré par un cordon ou un voile).

31c) la guerre, les équipements militaires :

32Baroud (littéralement : poudre, puis combat, guerre), razzia (incursion de gens de guerre, opération de pillage), zouave (nom tiré de celui d’une tribu kabyle), spahi (mot apporté par les Turcs), goum (troupe supplétive, d’où : goumier), harka (troupe auxiliaire indigène, d’où : harki), mehari (chameau, d’où : méhariste), guitoune (tente), barda (bât de mulet, d’où : chargement du fantassin), bordj (fort, d’où : poste militaire).

33d) les fonctions publiques, les métiers :

34Caïd (chef de tribu, puis de circonscription), cheikh (chef de fraction de tribu ou de douar), cadi (juge), djema (assemblée des notables de douar). Plusieurs mots usuels avaient été apportés par l’administration turque : baylick (ou beylick) (gouvernement, qui s’était substitué en Algérie à l’arabe maghzen), bey (gouverneur de province ou souverain vassal du sultan), dey (chef d’une garnison), agha (originellement : chef de janissaires et, dans la hiérarchie, chef administratif au-dessus du caïd) et bachaga (agha en chef), chaouch (huissier, planton). Ce sont aussi les Turcs qui ont apporté le mot bakhchich (gratification, pot-de-vin), d’origine persane.

35Les tolbas étaient les étudiants des médersas (écoles secondaires ou de l’université de Tunis), mais dans la pratique un taleb était – et est – un écrivain public.

36À cette liste il faut ajouter toubib (médecin) et naturellement fellah (laboureur, paysan), même si le mot est employé aussi en Orient.

37e) la religion et les pratiques religieuses :

38Le ramdam (jeûne) est sans doute plus souvent nommé en France sous la forme qu’il avait avant la conquête de l’Algérie (ramadan).

39Marabout est certes un mot d’origine portugaise, mais c’est parce que le marabout (tombeau d’un saint) fait partie du paysage algérien que le mot s’est répandu.

40Baraka (bénédiction, influence bienfaisante d’un saint) est devenu courant dans l’expression « avoir la baraka ».

41f) les objets de civilisation. On peut citer :

42Couscous (semoule de blé dur, et plat préparé avec cette semoule et de la viande, etc.), diffa (littéralement : invité, d’où : réception), méchoui (littéralement : grillé d’où : [mouton] grillé), flouss (argent monnayé et... papier-monnaie).

43Même si tous ces mots ne sont pas arabes ni d’origine algérienne, c’est surtout après la colonisation de l’Algérie qu’ils ont été connus dans la métropole et qu’ils ont pénétré dans les dictionnaires français.

44Nous avons parlé jusqu’ici de la colonie par excellence du fait de son ancienneté, de son importance relative et de son peuplement de « colons ». Cela ne saurait faire oublier les autres, occupées plus tard en général – et d’abord la Tunisie.

II) La Tunisie

45 a été, comme on sait, placée sous la tutelle de la France à partir de 1881 et surtout de 1883. L’administration française a bénéficié de l’expérience, positive ou négative, faite en Algérie. Sans doute le peuplement français n’y a-t-il pas été très dense en comparaison de l’importante colonie italienne qui a généralement gardé sa nationalité et même des écoles, et du fort contingent anglo-maltais : l’auteur, nationaliste français, d’un petit ouvrage bien documenté20 évaluait, à la fin de 1906, le nombre des Italiens à 105 000, celui des Étrangers à 13 000 contre 34 600 pour les Français ; il déplorait qu’on ne trouvât point les 2 000 émigrants métropolitains qu’il aurait fallu chaque année. La scolarisation française n’a pas été très poussée pendant la période qui nous occupe : « Le Protectorat, écrit André Raymond21, s’était montré d’abord peu favorable à un développement massif de l’instruction génératrice d’agitation et lui avait assigné un objectif pratique. » Néanmoins, à en juger par le budget de l’Instruction Publique (120 000 F en 1885, 4 244 465 F en 191422, de nombreuses créations de classes ont été faites. Bien que les Italiens eussent gardé les écoles qu’ils possédaient en 1881, les établissements français avaient une majorité d’élèves italiens : « les cinq principales écoles françaises de Tunis, déplore J. Saurin en 1909, renferment 674 Français pour 1 136 Italiens » et il ajoute que, dans le bled, « nombreuses sont les écoles où un ou deux petits Français sont noyés au milieu de 15 à 20 petits Italiens ». Cela indique du moins que les enfants italiens de ces écoles, même s’ils étaient repris par le milieu familial, devenaient bilingues. Il en était de même pour les autres Étrangers et, naturellement, pour une partie des Autochtones : sans doute les Musulmans avaient-ils gardé leurs écoles traditionnelles coraniques (23 000 élèves en 1913) et l’Alliance Israélite avait-elle les siennes, mais nombre de Musulmans et de Juifs fréquentaient les écoles françaises primaires et supérieures : « au total en 1913, écrivait J. Ganiage23, la direction de l’Instruction Publique recensait 36 516 élèves dans les écoles publiques (de type français), 6 278 dans les écoles privées, sans compter les 8 000 élèves des écoles italiennes. »

46Il semble donc que la francisation linguistique du pays, à la veille de la guerre, ait été comparable à celle de l’Algérie : forte chez les Européens (encore que nombre d’Italiens aient pu rester entre eux) et les Israélites, faible pour la masse musulmane.

III) Le Sénégal et l’Afrique Occidentale Française

47L’introduction du français sur la côte sénégalaise avait commencé bien avant les années 1880-81 : « l’ouverture de la première école de garçons à Saint-Louis du Sénégal fut contemporaine de la reprise de possession en 181724. » Destinée surtout aux enfants métis de religion chrétienne, elle végéta jusqu’en 1841, année où les Frères de Ploermel s’installèrent à Saint-Louis puis en 1843 à Gorée. On avait même créé un petit collège auquel avait succédé – faute d’effectifs européens suffisants – une classe latine annexée à l’école des Frères.

48L’influence française était restée cantonnée dans le secteur de Saint-Louis et Gorée. Puis Faidherbe était venu en 1854 et avait entrepris de conquérir le pays le long des rives du fleuve Sénégal. Ce polytechnicien, fort de son expérience algérienne, intéressé par les questions de linguistique25 s’était préoccupé de l’enseignement du français qui n’était donné jusque-là qu’aux fils de chrétiens (ils étaient alors 12 000 sur 50 000 sujets français) par les écoles religieuses susdites. Il avait ouvert des écoles laïques et avait voulu réglementer les écoles coraniques indigènes en forçant les marabouts, qui les tenaient, à envoyer leurs élèves suivre des cours de français dans les écoles françaises. Il avait créé enfin une « École des fils d’otages », plus décemment appelée ensuite « École des fils de chefs », destinée à former des fonctionnaires qui collaboreraient avec la France. A cette époque, écrit Hubert Deschamps, « à Saint-Louis esclaves libérés et mulâtres forment une population de citoyens français [qui] affirme son patriotisme français et dont Faidherbe tirera les premiers éléments des tirailleurs sénégalais qui conquerront l’Afrique26 ».

49La situation a évolué ainsi jusqu’à la période qui nous occupe et même jusqu’à l’aube du xxe siècle : dans les quatre communes de la côte (c’est-à-dire Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque) la population chrétienne, en grande partie métisse, était complètement scolarisée ; il y avait même, depuis longtemps, des écoles de filles27. A la fin du xixe siècle, dans cette même région, les jeunes musulmans avaient eux aussi commencé à apprécier le mérite de l’instruction française, « mais le reste du Sénégal n’avait pratiquement pas été touché (par l’école)28 ». En 1903 un décret fut pris pour réorganiser l’enseignement dans toute l’A.O.F. qui venait d’être créée : il s’agissait de l’unifier dans tous ces pays en le laïcisant – ce qui n’alla point sans difficultés dans les « quatre communes ». Les progrès furent lents : cependant, en 1912, 1 879 élèves étaient inscrits dans les écoles de village et les écoles régionales du Sénégal, non comprises celles des communes de la côte.

50Dans les autres territoires annexés à partir de 1878 l’enseignement a dû être petit à petit instauré : ainsi que le note D. Bouche, au moment où fut fondée l’A.O.F. seul le Sénégal avait un service de l’instruction publique régulièrement organisé. Si « les autres colonies du groupe n’ignoraient pas tout à fait l’école » (elles avaient cependant reçu des missions catholiques), « elles ne l’inscrivaient au budget que pour des sommes quasi symboliques » ; « les colonies côtières s’étaient montrées les moins pressées par le besoin. (...) Au Soudan au contraire les militaires qui dirigeaient la colonie de 1880 jusqu’à 1899 eurent une véritable politique scolaire mais manquèrent du principal : un personnel enseignant spécialisé29. »

51A la fin de 1912 on comptait 13 544 garçons et 1 725 filles inscrits dans les écoles de langue française, plus ou moins bien installées, de toute l’A.O.F., mais cela ne représentait qu’un taux de scolarisation de 0,85 %30. C’était un début. Les écoles du premier noyau sénégalais étaient destinées à fournir des fonctionnaires à l’administration, des instituteurs et des moniteurs, des cadres subalternes à l’armée, des employés de commerce, toutes gens qui allaient répandre partout le français, d’autant plus nécessaire que les langues indigènes, très différentes, n’avaient pas un grand rayon d’action, si l’on peut ainsi dire. Cependant si le but de l’administration était, comme le disait en 1910 le gouverneur W. Ponty, « d’éduquer la race entière », et si elle avait réussi, à la fin de la période 1880-1914 et même 1920, à « obtenir » des résultats remarquables dans la formation d’une élite, « sur le reste de la population l’influence de l’école française avait été faible31 ».

52Dans les villes de la côte une société complexe employait le français à tous les niveaux ; comme dans tous les pays colonisés on allait observer dans la colonie ce que l’on appelle un « continuum », allant du français des administrateurs métropolitains jusqu’à celui des tirailleurs ou des domestiques. On peut avoir une idée de la complexité des sujets sur la côte même : dans les quatre communes il y avait, en 1911, 4 500 Européens, 6 000 métis, un millier de Syro-Libanais32, et la population non assimilée.

53Si, d’autre part, on cherche les mots désignant des sujets ou des objets africains qui ont pu pénétrer dans la métropole, on s’aperçoit qu’ils ont presque tous été relevés depuis le xvie ou le xviie siècle33 et, en tout cas, avant 1880 : ainsi de griot (sorte de poète et de musicien) daté de 1647, de baobab, daté de 1747, de grigri, daté, au sens actuel d’ « amulette », de 1647, d’igname venu par l’intermédiaire du portugais et de l’italien.

54Certains ne sont même pas d’origine africaine : ainsi cacahuète34 qui est aztèque, apparu au début du xixe siècle, marigot qui est dans les textes au xviie siècle et serait issu d’une contamination de mare et d’un mot caraïbe. Mais tous ces termes ont évidemment été rendus familiers à la suite de la colonisation de l’A.O.F.

IV) L’Afrique Équatoriale Française (A.E.F.)

55Nous ne nous arrêterons guère, pour la période considérée, aux territoires qui ont été groupés, en 1910, sous le nom d’Afrique Équatoriale Française, parce que le français commençait seulement à y être introduit – exception faite pour le Gabon. Mais il ne nous échappe pas que les progrès de notre langue allaient y être très importants par la suite, car dans la jeunesse autochtone, notamment au Congo, « la soif du savoir a été particulièrement ardente35 ».

V) Madagascar

56Le cas de Madagascar est bien différent, car dès 1820-1824 des missionnaires anglais avaient créé des écoles avec l’appui actif du roi Radama Ier ; l’enseignement y était donné dans la langue indigène transcrite phonétiquement en caractères latins36. Après une période d’interdiction (à partir de 1836), leur œuvre put être reprise en 1862 si bien qu’en 1894 on comptait à Madagascar, surtout dans l’Imerina, 137 000 élèves dans les écoles protestantes et 27 000 dans les écoles des missions catholiques, arrivées plus tard37.

57Après l’établissement du protectorat français en 1895 (suivi dès 1896 d’un régime proprement colonial), la société des missions protestantes de Paris reprit une assez grande partie de l’œuvre des missions protestantes anglaises et étrangères. Comme l’enseignement devait être donné désormais en français – dans le plan de Gallieni l’école devait être le moyen principal de franciser Madagascar38 –, les missionnaires étrangers restés dans le pays se mirent courageusement à l’étude de notre langue. Le nombre des élèves des écoles confessionnelles avait encore augmenté en 1904 (210 000 dont 65 000 pour les missions catholiques). Gallieni avait fait créer des écoles laïques et, dès 1905, elles avaient 23 500 élèves ; des écoles privées non ecclésiastiques en avaient de leur côté 16 00039. Quand, en 1906, le gouverneur Augagneur décida d’appliquer brutalement les lois métropolitaines sur la laïcité, cela fut considéré par les missions comme « une machine de guerre contre elles et leurs écoles » ; si certaines de celles-ci furent reprises par le gouvernement, d’autres devinrent de simples garderies et « des milliers d’enfants furent privés de tout enseignement40 ».

58Les gouverneurs semblent s’être surtout préoccupés, après 1895, de la formation d’un corps de fonctionnaires subalternes connaissant le français. Mais ils ont accepté et même favorisé la formation d’une petite élite, commencée par les missions : la London Mission Society avait créé une École Normale en 1862, et en 1869 un collège pour les études secondaires. Les catholiques avaient fondé le collège St Michel en 1888. « Une élite malgache d’une centaine d’élèves était ainsi formée chaque année, avec des connaissances en français ou d’anglais suffisantes pour permettre à certains de ces élèves de suivre les cours des Universités en Europe », dit H. Deschamps41. Par la suite des élèves malgaches furent admis dans les lycées et collèges fondés pour les « colons » français et étrangers. Gallieni avait créé une École de Médecine dès 1897.

59Cependant, comme en tout pays colonial, le français était répandu par les Français occupant des fonctions publiques ou privées et par les soldats. Étaient aussi arrivés dans l’île des Réunionnais, citoyens français, en qualité d’employés ou de petits colons – « colons marécageux » aux petites ressources, dit H. Deschamps42 – : même s’ils parlaient « un mauvais français », comme a dit quelqu’un, ils contribuaient à l’expansion de notre langue. Mais c’est évidemment surtout parce que l’île avait été dotée par les missions, au cours du xixe siècle, d’un appareil scolaire – qui a été francisé après 1895, s’il ne l’était pas – qu’elle possédait en 1914 une très forte avance dans la pratique du français sur l’Afrique Noire, mises à part les « quatre communes » du Sénégal. On cite par exemple le cas de Laurent Rabimanisa qui, envoyé en France par son gouvernement en 1886 avec onze autres jeunes gens pour y faire des études supérieures, fonda dès son retour un hebdomadaire de langue française. La décennie 1880-90 vit paraître aussi un journal en français, le Progrès de l’Imerina43.

60La langue française de la métropole ne paraît guère avoir adopté parmi les mots malgaches que raphia (première apparition en 1804 au sens de « palmier », et bien plus tardive – en 1928, dit-on – au sens de « fibre de palmier ») et rabane (1877, au sens de « tissu fait avec des fibres de raphia »).

VI) L’Indochine

61A leur arrivée en Indochine, dans des pays de vieille civilisation, les Français trouvèrent une organisation scolaire bien établie depuis longtemps : « Au Cambodge la fréquentation des écoles de bonzes était obligatoire. (...) Dans les pays annamites l’instruction, source unique des honneurs, était universellement respectée et recherchée44 ».

62Comment, dans ces conditions, allait-on enseigner le français ? Le problème ne s’est pas posé partout de la même façon. En Cochinchine, l’enseignement traditionnel, donné en chinois, écrit en caractères chinois, « se trouva subitement désorganisé par l’exode de tous les mandarins45 ». Les premiers enseignants français, des missionnaires, s’étaient proposés sous le Second Empire, d’enseigner d’abord la langue indigène, jusque là uniquement parlée, et de l’écrire en caractères latins selon le système inventé dès le xviie siècle par l’avignonnais Alexandre de Rhodes. On avait donné le nom de quoc ngu à la langue ainsi écrite. Dans le reste de l’empire annamite et particulièrement au Tonkin, par la suite, l’enseignement traditionnel était demeuré en place. « Si beaucoup de gens compétents en la matière se sont trouvés d’accord pour convenir qu’il fallait déchinoiser progressivement l’ancien empire annamite, du jour où il s’est agi de discuter les moyens préparatoires pour arriver à ce but, toute entente est devenue impossible. Pendant que les uns préconisaient, en remplacement des études chinoises, l’étude intermédiaire du quoc ngu, les autres demandaient l’application immédiate de l’enseignement direct du français46 ». Ces lignes ont été écrites en 1904 ou 1905 et le débat durait toujours. Le gouverneur général Paul Doumer avait tracé, quelques années plus tôt, une certaine ligne de conduite : « Si la substitution générale de l’enseignement français à l’enseignement indigène, impossible dans le présent, paraît dangereuse dans un avenir prochain, il n’en est pas de même de la superposition de l’un à l’autre, non pour la masse des enfants, mais pour l’élite, pour ceux qui sont appelés à occuper les emplois publics, à servir sur les chantiers, dans l’industrie et le commerce47 ». Il ajoutait : « Les auxiliaires de notre civilisation, les intermédiaires entre la population et nous, doivent rester moralement attachés aux hommes de leur race, avoir reçu au village le même enseignement, mais ils doivent entrer ensuite dans les écoles françaises ouvertes à leur intention dans tous les centres importants. Cette connaissance de notre langue, ces notions élémentaires, pourront leur être données avec fruit. Des écoles supérieures recevront ceux qu’une nouvelle sélection désignera pour être plus tard des chefs dans l’administration, dans les services techniques ou les entreprises privées. (...) Pour l’enseignement du français, constatait-il, un effort avait été fait depuis 1897, des écoles avaient été créées à Hanoï et à Hué pour donner un enseignement complémentaire aux futurs mandarins déjà pourvus des diplômes annamites, des écoles franco-annamites existaient antérieurement (à 1897), d’autres avaient été créées (entre 1897 et 1901) dans les principaux centres du Tonkin, avec des instituteurs français, d’autres étaient projetées avec des instituteurs indigènes formés à Hanoï. La Cochinchine avait déjà une École Normale d’instituteurs, à Saïgon ».

63Petit à petit aussi des élèves annamites, cambodgiens, laotiens ont été admis dans les lycées créés pour les Français dans les principales villes, mais ces établissements n’ont vraiment été ouverts aux Autochtones que par Albert Sarraut48. Enfin une École de Médecine créée à Hanoï et une École Française d’Extrême-Orient, destinée à la recherche locale, jetaient les bases d’une université.

64Les statistiques49 donnent pour les écoles officielles (du 1er degré), dont le français était la langue de l’enseignement, les chiffres suivants :

  • 1906 : 9 000 élèves

  • 1908 : 13 000 élèves

  • 1910 : 16 000 élèves

  • 1913 : 19 000 élèves

65Comme partout, le français s’était naturellement répandu de façon élémentaire dans les contacts sociaux quotidiens, et les francisants étaient assez nombreux : J. Ganiage donne, pour 191150 :

  • 21 956 Français et Européens

  • 4 178 Métis

66Mais dans l’ensemble le « bon français » était encore réservé à une élite, selon le vœu de l’Administration, du fait aussi de la nécessité.

67Malgré l’importance des relations avec la France, la langue indochinoise n’a pas apporté beaucoup d’éléments au vocabulaire français ; Albert Dauzat ne notait que cagna (annamite kai-nha, maison) qui a désigné un abri de tranchée pendant la guerre de 1914-1851. Si bonze et mousmé sont d’origine japonaise, si sampan est un mot chinois, bambou un mot malais, ils ont sans doute dû une grande part de leur expansion à leur emploi en Indochine ou à propos de l’Indochine.

VII) La Nouvelle-Calédonie et les Nouvelles-Hébrides

68Il faut bien distinguer le cas de la Nouvelle-Calédonie de celui des autres îles de l’Océanie. La Nouvelle-Calédonie, en effet, annexée définitivement en 1863, est devenue une terre de déportation. Nous possédons un état précis de la population française (et européenne) établi à l’occasion de l’exposition de 187852 :

69au 1er janvier 1875 on comptait :

  • 3 026 déportés

  • 17 femmes déportées

  • 174 femmes de déportés

  • 235 enfants de déportés

70soit 3 452 personnes dénombrées à ce titre.

71Face à eux, pour ainsi dire, 3 032 autres Français : militaires, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et leurs familles.

72Enfin, il y avait une population civile européenne, surtout française, de 2 703 personnes.

73En 1891 la population européenne avait notablement augmenté ; on comptait :

  • 5 164 forçats

  • 4 750 relégués ou libérés

  • 9 841 personnes libres (y compris 1 700 fonctionnaires et 1 700 soldats)

  • soit 19 755 blancs53.

74« La moitié des Européens vivaient à Nouméa, pour la plupart de petit commerce54 ». Comme l’exploitation des mines avait bien commencé (création de la société Le Nickel en 1884), on avait reçu 2 500 travailleurs asiatiques ou océaniens car « il n’y avait, dit-on, rien à tirer des Canaques55 » – ils étaient alors 33 000.

75Si au début on pouvait dire qu’il s’agissait « d’une colonie sans colons », l’administration avait fait quelque effort ensuite pour créer des fermes en donnant des concessions à des condamnés jouissant d’un régime de semi-liberté. Cependant en 1891 on pouvait dire que les Français constituaient une société à part, calquée sur la Métropole : en dehors de Nouméa, ils étaient concentrés dans quelques sites, autour des camps, dans l’Ile Nou, à Boudail, et avaient, dès 1878, 18 écoles (dont 6 de filles) et une école secondaire, avec 1 231 élèves. On nous dit aussi que des élèves de couleur y étaient admis (des métis surtout) car « on n’y avait pas de préjugés (racistes) d’un autre âge56 ».

76« Les Canaques, écrit J. Ganiage, continuaient de mener une existence primitive en marge de la société européenne et se réfugiaient de plus en plus dans les régions du centre et du nord négligées par la colonisation57 ».

77En 1911 la situation ne paraît pas avoir sensiblement évolué. Comme, « devant les protestations de l’opinion, le gouvernement s’était décidé à mettre fin à la transportation en 189658 », la population européenne s’était stabilisée (ou avait même diminué) :

  • Français (libres) 10 994

  • Élément pénal 5 663

  • Étrangers 800

  • Européens : 17 457

78Sans doute la scolarisation des Français et Européens s’est-elle systématisée et en partie laïcisée à partir de 1883. Mais cette société française homogène vivait nécessairement sur elle-même dans la grande île. Nous savons que dès 1875 elle avait deux journaux : le Journal Officiel de la Colonie et aussi un journal d’information « non politique » car « il fallait, surtout dans une colonie pénitentiaire, éviter la licence de certains journaux, en exclure rigoureusement les pamphlets, (...) les théories byzantines, la critique passionnée des actes de l’autorité59 ». Il restait certainement quelque matière aux journalistes pour entretenir la connaissance de la langue française chez leurs lecteurs.

79Nous dirons peu de chose sur les Nouvelles-Hébrides qui furent placées sous condominium franco-britannique en 1906 seulement et où des écoles catholiques avaient commencé à donner un enseignement primaire en français, tandis que des écoles presbytériennes enseignaient en anglais60.

80Aux Iles Wallis et Futuna les souverains furent convertis par des religieux français et se mirent sous la protection de la France en 1887 ; cela ne signifie pas que l’enseignement, laissé aux missionnaires, y ait été très poussé puisque, en 1949, « la langue française n’était pas encore parlée couramment par les indigènes61 » et que la langue officielle et diplomatique était restée... le latin !

VIII) Tahiti et les Établissements français de l’Océanie

81On sait qu’après une quarantaine d’années de protectorat, le dernier souverain de Tahiti, Pomaré V, remit en 1880 son territoire (qui comprenait aussi les lies sous le Vent, les Touamotu, etc.) à la France, en demandant que les lois et coutumes de son pays fussent maintenues62.

82La population polynésienne de Tahiti, accueillante aux Européens, avait commencé à apprendre le français surtout depuis que les pasteurs anglais de la Mission de Londres, sentant s’affaiblir leur pouvoir, « s’étaient résignés à passer la main (en 1862) aux protestants français » qui reprirent l’enseignement et les églises indigènes63. Puis vinrent les missionnaires catholiques et les uns et les autres, non sans rivalité, continuèrent à évangéliser et à instruire les indigènes des nombreuses îles des archipels voisins. Cela avait commencé bien avant 1880 : on cite, par exemple, le cas des Iles Gambier où le R. P. Laval avait instauré une sorte de théocratie, sous l’autorité théorique de la reine locale, et avait dû être rappelé en France en 187164.

83En 1911 la langue française s’était répandue au moins à Papeete où la population comprenait 2 600 Français en face de 1 200 Tahitiens et de 300 Chinois65. Il n’y avait cependant pas de journal dans la colonie, puisque ce sera en 1949 seulement que sera créé un bi-hebdomadaire pour succéder au « bulletin de presse » que le gouvernement faisait jusque-là publier chaque jour.

84Si l’on observe les mots que la langue française a reçus des pays de l’Océan Pacifique visités par de nombreux voyageurs, écrivains, artistes, géographes, économistes, on s’aperçoit que peu sont originaires de là-bas, même s’ils désignent des êtres, des produits ou des objets caractéristiques. On notera cependant vahiné (littéralement : femme ayant un homme) à Tahiti dont l’équivalent – moins beau, dit-on – est popinée en Nouvelle-Calédonie66 ; on retiendra également taro, nom masculin d’une plante à tubercules très répandue, qui figure dans les dictionnaires français67, et troca(s) (coquillage(s) nacrier(s)) qui n’y figure pas encore68 et qui est peut-être un mot indigène.

85D’autres mots, que les géographes citent constamment à propos de ces contrées, n’en sont pas originaires : c’est le cas de coprah, nom masculin de l’amande de coco, pris par les Portugais au tamoul de la côte malabare, de mangue, qui a la même histoire et d’atoll, qui vient des Iles Maldives69 : c’est que les navigateurs européens ont d’abord visité les côtes de l’Inde où ils les ont pris.

Conclusion

86L’expansion coloniale de la France, surtout à partir de 1880, est venue de la volonté délibérée de certains hommes politiques, au premier rang desquels il faut placer Jules Ferry. Sans doute celui-ci n’a-t-il pas caché ses objectifs : « La fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché... La politique coloniale est fille de la politique industrielle70 ». Mais cette colonisation économique s’est accompagnée – plus que chez les Anglais, dit-on – d’une œuvre de civilisation : les hommes de la IIIe République, héritiers de la Révolution, s’imaginaient, comme les Européens en général, qu’ils étaient détenteurs de la Civilisation. Leurs déclarations sont significatives, telle celle de Gabriel Hanotaux qui fut directeur du cabinet de Jules Ferry au ministère des Affaires Étrangères et ministre lui-même plus tard, qui a écrit quelques années avant sa mort :

Pourquoi la carence, prolongée jusqu’à nos jours, de ces peuples, loin du cortège de la civilisation et de la troupe des humains en marche71 ?

87Pour ces républicains la colonisation avait besoin de la justification d’une œuvre – qui a été réelle – de développement social : « Il ne s’agit pas de la mise en valeur, parole odieuse visant uniquement le gain et le profit ; il s’agit de créer des valeurs humaines », écrit le même Gabriel Hanotaux, en 1934 il est vrai72.

88Cette œuvre de civilisation, dans l’esprit des hommes qui ont fait les colonies à Paris, ou sur le terrain (comme Gallieni et, auparavant, Faidherbe), passait par l’école et l’enseignement de notre langue – enseignement en général direct, sauf dans certaines missions religieuses. Les administrateurs locaux des colonies ont bien suivi les directives : « Il n’est pas de poste (de brousse) où ne s’élève au moins un dispensaire ou une école. Et l’école dans l’ensemble se fait surtout en français, apporte un élargissement du monde et des idées françaises... Les indigènes évolués marchent peu à peu vers nous... » écrivait en 1953 Hubert Deschamps ; il visait surtout la période 1918-194073, mais le mouvement avait commencé bien avant 1914. Et nombre d’instituteurs métropolitains étaient allés dans le bled algérien, dans la brousse africaine, en Indochine, et ailleurs.

89Les freins venaient, dans les colonies à fort peuplement européen, des représentants des colons ; le fait est bien connu pour l’Algérie ; on l’a observé aussi en d’autres lieux : « L’opinion française en Indochine était, à vrai dire, peu favorable à une extension de l’enseignement qui lui paraissait contenir les germes d’un danger politique », lit-on dans l’Histoire des colonies de G. Hanotaux et A. Martineau74. Cependant à la fin de la période 1880-1914, l’enseignement du français se mettait partout en place. Il allait se consolider entre 1914 et 1940 et s’accélérer après 194575. Et il est bien certain qu’il allait amener des peuples ou des dirigeants à s’ouvrir à ce qu’on a appelé « la civilisation planétaire » – qui a des formes variées et évolutives. Des écrivains des peuples colonisés, entre les deux grandes guerres, allaient se servir de la langue française : le cas le plus typique est celui de Léopold Sédar Senghor, né au Sénégal en 1906.

90La langue française se répandait aussi par la voie pratique, par les contacts quotidiens entre Français (ou francisants) et Indigènes qui travaillaient ensemble, même si ce n’était pas sur le même rang. Et partout on observait l’apparition de journaux ou de bulletins d’information dont le rôle auprès des Indigènes, dans la consolidation des acquis de l’école, et leur extension même, est loin d’être négligeable76.

91Dans le sens inverse, des mots coloniaux – nous en avons relevé un certain nombre – se sont répandus à cette époque dans la langue française. La plupart n’étaient pas inconnus, en ce sens que des voyageurs les avaient déjà employés, mais ce sont les relations, désormais multipliées par le fait colonial, avec les pays exotiques, qui les ont rendus familiers aux gens de la Métropole.

Notes de bas de page

1 Un livre de J. Ganiage est intitulé : L’Expansion coloniale de la France sous la Troisième République (1871-1914), Paris, Payot, 1968. On peut consulter également : R. Cornevin, Histoire de l’Afrique, Paris, Payot, t. II : l’Afrique précoloniale (1500-1900), 1966 ; t. III : Colonisation, décolonisation, indépendance, 1975. Encyclopédie de l’Empire Français, sous la dir. de E. Guernier et G. Froment-Guiyesse, Paris, Éd. de l’Union Française, 1942-1951, 14 vol. P. Masson, La Colonisation française au début du xxe siècle, Marseille, Typographie Barlatier, 1906. A. Viatte (1969, 2.6).

2 En 1876 on comptait en effet 156 000 Français et 155 000 Étrangers.

3 Alger, avant la conquête de 1830, avait une population très composite de 30 000 habitants : 4 000 Turcs, 18 000 Maures ou Kouloughlis (i.e. métis de Turcs et de femmes indigènes), 2 000 Nègres, 1 000 Berbères et Arabes, 5 000 Juifs (chiffres donnés par Ch. -A. Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine, Paris, P.U.F., 1964, p. 10). Si des Turcs furent rapatriés, d’autres furent utilisés dans des corps de troupes spéciaux (Ibid., p. 273).

4 Marseille, Typographie de Fossat aîné et Demonchy.

5 Revue Scientifique du 26 janvier 1884, article intitulé : « La langue française dans les colonies ».

6 Cf. Ch.-R. Ageron (1968, 2.6), p. 328.

7 Le peuple algérien, Alger, 1906, p. 478.

8 Cf. Genty de Bussy : De l’établissement des Français dans la Régence d’Alger, Paris, Firmin-Didot, 1839. T. I, pp. 210-211.

9 L’Algérie, Paris, Berger-Levrault, 1950, p. 117.

10 Ch.-R. Ageron (1968, 2.6).

11 Ch.-R. Ageron (1968, 2.6), pp. 328 et 332.

12 Chiffres donnés par L. Paye (1954, 2.6), p. 124.

13 Ch.-R. Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine (coll. Que sais-je ?, p. 70).

14 ld., ibid., p. 70.

15 Nous avons essayé de le décrire dans un ouvrage intitulé Le français d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc), (1962, 2.6), réédition, Bordas, 1971.

16 Cf. Ch.-A. Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine, op. cit. note 3 (qui donne, pp. 510-511, une liste des journaux de l’Algérie sous le Second Empire). Ch. -R. Ageron (1968, 2.6) se réfère constamment à la presse algérienne de 1880 à 1919 (cf. pp. 1259-1262).

17 Cette liste établie, comme dans la métropole, à l’intention de Waldeck-Rousseau, Président du Conseil, a été publiée récemment par les éditions du C.N.R.S. (en 1973, semble-t-il).

18 F. Brunot et Ch. Bruneau (1956, 0.2), p. XXXVI.

19 Sur ce sujet on consultera la thèse de Charles Tailliart : L’Algérie dans la littérature française, Paris, 1925, et sa thèse complémentaire (Essai d’une bibliographie...), et aussi l’article de P. Martino dans Histoire et historiens de l’Algérie, Paris, 1931.

20 Jules Saurin : L’œuvre française en Tunisie, Paris, Challamel, 1911. En 1901 il y avait 71 600 Italiens contre 24 000 Français (chiffres donnés par André Raymond : La Tunisie, coll. Que sais-je ?, p. 50).

21 A. Raymond, op. cit., p. 53.

22 Paul-Yves Sébillot, La Tunisie, Paris, Delalain, 1934.

23 L’Expansion coloniale de la France, op. cit. note 1, pp. 292-294.

24 Denise Bouche (1957, 2.6), p. 4.

25 On sait qu’il a publié des ouvrages sur les langues sénégalaises (notamment Langues sénégalaises en 1887) et des articles linguistiques.

26 Hubert Deschamps, Méthodes et doctrines coloniales de la France (du xvie siècle à nos jours), Paris, A. Colin, 1953, p. 116.

27 Cf. D. Bouche (1975, 2.6), p. 424 et suivantes.

28 D. Bouche (1975, 2.6).

29 D. Bouche (1975, 2.6), p. 434.

30 D. Bouche (1975, 2.6), p. 701.

31 D. Bouche (1975, 2.6), p. 888.

32 Ganiage, op. cit. note 1, p. 323.

33 Cf. R. Arveiller : Contribution à l’étude des termes de voyage en français, Paris, d’Artrey, 1963.

34 Et on sait qu’arachide est un mot grec, un mot de naturaliste employé pour la première fois par Boiste en 1803.

35 L’Encyclopédie coloniale et maritime : L’A.E.F., 1950, p. 204.

36 H. Deschamps, Histoire de Madagascar, Paris, Berger-Levrault, 1965 (3e éd.), p. 161.

37 Id., ibid., p. 220.

38 O. Matzfeld, Madagascar, coll. Que sais-je ?, Éd. 1952, p. 54.

39 H. Deschamps, op. cit. note 36, p. 249.

40 Id., ibid., p. 255.

41 Id., ibid., p. 221.

42 In Madagascar, coll. Que sais-je ?, Éd. 1968, p. 46.

43 Encyclopédie coloniale et maritime, Madagascar, Paris, 1947. T. II, pp. 222 et 223.

44 Un empire colonial français : l’Indochine, Paris-Bruxelles, 1930, pp. 88-90.

45 Ibid., p. 88.

46 M. Richomme : De l’instruction publique en Indo-Chine, Paris L. Larose, 1905, p. 30.

47 Paul Doumer : Situation de l’Indo-Chine (1897-1901), Hanoï-Haïphong, 1902, p. 102.

48 Gouverneur général une première fois de 1911 à 1914, une seconde fois de 1916 à 1919.

49 Voir Henri Brenier : Essai d’atlas statistique de l’Indochine française, Hanoï-Haïphong, 1914, p. 115.

50 Op. cit. note 1, p. 379.

51 Étymologie gardée par le dictionnaire de Robert. Le G.L.L.F. en fait un mot franco-provençal, dérivé de cagne (chienne).

52 In La colonisation française en Nouvelle-Calédonie, par Charles Lemire, Nouméa, imprimerie du gouvernement et Paris, Challamel, s. d. [1878], p. 256.

53 Ganiage, op. cit. note 1, p. 406.

54 Id., ibid., p. 406.

55 Id., ibid., p. 408.

56 Ch. Lemire, op. cit., p. 297.

57 Ce n’est guère qu’en 1930 que « l’administration... décide de pousser à la mise en valeur des réserves et à la transformation de l’autochtone, paysan attardé,... en petit producteur de café » (J. Bourgeau, La France du Pacifique, Paris, S d’Éditions Géographiques, Maritimes et Coloniales, p. 128).

58 Ganiage, op. cit. note 1, p. 409.

59 Ch. Lemire, op. cit., p. 293.

60 Cf. J. Bourgeau, op. cit., p. 151.

61 Id., ibid., p. 118.

62 H. Deschamps et J. Guiart, Tahiti, Nouvelle-Calédonie, Nouvelles-Hébrides, Paris, Berger-Levrault, 1957, p. 40.

63 Id., ibid., p. 40. Cependant une émission de la télévision française, le 20 mai 1979 – jour où nous écrivions cela – nous a montré dans l’île de Hua-Hiné, proche de Papeete, un pasteur indigène, prêchant en langue polynésienne et rappelant que ses prédécesseurs sont venus d’Angleterre en 1797, qu’ils avaient enseigné et prêché dans la langue polynésienne, voulant seulement extirper de ces pays le paganisme néfaste. La même émission a fait voir l’institutrice polynésienne de l’école maternelle apprenant des mots français à ses élèves de cinq ans, mais pensant qu’il vaudrait mieux attendre l’âge de huit à dix ans. Enfin on a vu aussi, après un poète, un enquêteur polynésien (francisant) interroger de vieilles personnes pour recueillir les vieilles expressions imagées qui se perdent. Nous avons cru voir certain enquêteur en pays occitan !

64 Id., ibid., p. 42.

65 J. Ganiage, op. cit. note 1, p. 42. Les métis, on le suppose, sont classés parmi les Français.

66 Cf. Huetz de Lemps, L’Océanie française, coll. Que sais-je ?, p. 19.

67 Cf. C.L.L.F., qui indique son apparition en 1858.

68 On le trouve dans la plupart des livres sur l’Océanie : cf. par exemple Bourgeau, op. cit. note 57, p. 60 ; Ganiage, op. cit. note 1, p. 400.

69 Cf. R. Arveiller, op. cit. note 33, pp. 65-67.

70 Cité par H. Deschamps, op. cit. note 26, p. 132.

71 G. Hanotaux et A. Martineau, Histoire des colonies françaises et de l’expansion de la France dans le monde, Paris, Plon, 1929-1934 ; t. VI, p. 551.

72 ld., ibid., p. 565.

73 Op. cit. note 26, p. 175.

74 Tome V, p. 542. L’ouvrage ajoute qu’Albert Sarraut, au contraire, « cut foi (dès 1915-1917) dans les bienfaits d’une instruction moderne développée ».

75 Paradoxalement c’est pendant la guerre d’Algérie, et malgré toutes les difficultés, que l’effort de scolarisation a été le plus important dans ce pays : pendant quatre ans, de 1956 a 1960, le recteur Capdecomme, homme d’action extraordinaire, soutenu alors par le gouvernement, a scolarisé plus d’enfants musulmans que l’administration antérieure pendant 125 ans.

76 « L’histoire des quotidiens spécialisés (en Métropole dans les questions coloniales) reste a faire », dit l’Histoire Générale de la presse française, Paris, P.U.F., t. III, p.384. A fortiori l’histoire de la presse dans les colonies, et sur cette question, nous n’avons que des indications fragmentaires. Melle D. Bouche nous signale que des travaux d’étudiants ont été récemment consacrés, a Dakar, a la presse au Sénégal, au Togo, etc.

Précédent Suivant

Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.