La prononciation du français entre 1880 et 1914
p. 23-40
Texte intégral
Le système phonologique
1L’ouvrage où Gile Vaudelin propose, pour la langue de son époque, le français de Paris, vers 1700, ce qu’on est en droit d’appeler une graphie phonologique1 a été redécouvert par Marcel Cohen2 et on en a donné, en 1947, une interprétation3. Nous possédons, de ce fait, un jalon précieux sur la voie qui mène du rétablissement, esquissé dès le xve siècle, des syllabes fermées par chute du « e féminin », jusqu’au parler directement observable de la seconde moitié du xxe siècle. Le témoignage de Vaudelin, connu des historiens de la prononciation du français, ne jouissait auprès d’eux d’aucun crédit, tant sa façon de justifier sa tentative orthographique, fondée, non sur une observation des productions phoniques, mais sur le sentiment qu’il avait des oppositions du système, paraissait celle d’un illuminé décrivant en termes incompréhensibles une vision strictement subjective des faits de langue. Il a fallu attendre les années trente de ce siècle, la théorie phonologique et la formulation hardie de Josef Vachek4 déniant à « e muet » le statut de phonème pour donner un sens à la présentation de Vaudelin.
2Pour nous en tenir, pour l’instant, au seul vocalisme, le système que nous présente Vaudelin est aux antipodes de celui qu’on peut poser dès aujourd’hui pour les usages les plus dynamiques de la langue. L’opposition des voyelles longues aux voyelles brèves est, à l’aube du xviiie siècle, le trait fondamental du vocalisme. Avec l’élimination en cours de l’opposition de maître à mettre5, les jeunes locuteurs parisiens d’aujourd’hui n’y pratiquent plus que des oppositions de timbre. En trois siècles une mutation s’est produite qui a affecté, moins peut-être la réalité physique des sons produits que la façon dont sont sentis les rapports entre les unités distinctives. Sans doute y a-t-il, aujourd’hui même, en Bourgogne et ailleurs6, des Français qui, pour l’essentiel, continuent à opérer avec le système fondamentalement quantitatif que décrit Vaudelin. Les échanges linguistiques ne semblent guère affectés en ce domaine par les différences structurelles : un jeune Parisien peut trouver pittoresque la prononciation d’un paysan bourguignon, mais ce ne sont pas les divergences phoniques qui pourraient mettre en péril leur compréhension mutuelle : à l’audition de [ʒurne:] avec un [r] roulé apical et un [e] long, notre Parisien perçoit [r] comme linguistiquement identique à sa spirante vélaire [Я], encore que socialement marqué, et fait automatiquement abstraction de la durée insolite de la deuxième voyelle. L’apprentissage d’une langue suppose l’accoutumance à certaines gammes de variation. Tant que Parisiens et Bourguignons restent en contact ils s’habituent, les uns et les autres, à donner les mêmes valeurs langagières à des réalités physiques variables. Le drame de l’incompréhension commence lorsque, les contacts étant interrompus, l’accoutumance n’est plus possible : le Français dans les rues de Montréal est placé soudainement en face de divergences imprévisibles et a des chances de ne plus comprendre sa langue. Le Montréalais, pour sa part, comprend le Français parce que les médias, avec leurs annonceurs frais émoulus de stages parisiens, lui ont permis d’identifier leur [pətit fij] « petite fille » avec son propre [ptsIt fIj].
3Pour se prononcer sur la nature du système phonologique de l’époque qui retient ici notre attention, il faut le replacer dans la dynamique qui retire progressivement, en français central, toute fonction distinctive à la durée vocalique, éliminant cette durée elle-même là où elle est conditionnée par le contexte. En d’autres termes, nous devons nous demander quel rôle joue encore la quantité dans le français parlé à Paris, au passage du xixe au xxe siècle, par ceux qui paraissent à l’avant-garde du processus évolutif.
4Pour nous aider en la matière nous disposons, pour la première fois dans l’histoire de la langue, d’un répertoire complet de formes prononcées du lexique français, le Dictionnaire de Michaelis et Passy7. Sa préface, rédigée par Gaston Paris, est datée de 1896, l’avant-propos de la première édition, de 1897, celui de la deuxième de 1913. Cette deuxième édition n’est sortie à Hanovre qu’en 1924 pour des raisons qu’on devine aisément.
5La diffusion de l’ouvrage a souffert du parti-pris des auteurs de partir des formes en notation phonétique pour aboutir aux formes orthographiées, c’est-à-dire, en fait, de ce sur quoi les utilisateurs vont vouloir se renseigner vers ce qui est parfaitement établi, en d’autres termes de l’inconnu au connu. Un co-auteur de Hermann Michaelis, Daniel Jones, a ultérieurement rectifié le tir en ce qui concerne l’anglais, d’où les innombrables éditions de l’English Pronouncing Dictionary où l’on part systématiquement des formes de l’orthographe. Le Michaelis-Passy ne pouvait, du fait de cette erreur initiale, devenir l’ouvrage général de référence en matière de prononciation du français, et les successeurs, Barbeau et Rhodes, Grammont, et les autres ont pu assez facilement faire pratiquement abstraction de ce témoignage capital.
6Le Michaelis-Passy a, sur la plupart de ses concurrents ultérieurs, un avantage marqué, celui d’indiquer précisément la source des informations fournies. On nous y dit expressément que les prononciations données dans l’ouvrage sont celles de Paul Passy lui-même et de ses proches. Il s’agit d’une famille d’intellectuels libéraux établis de longue date dans la région parisienne, dont il est difficile de récuser le témoignage. Elle semble toutefois avoir été de tradition protestante et cela, des recherches récentes l’ont montré, n’est peut-être pas sans effet sur les jugements qui sont portés sur les formes langagières et ces formes elles-mêmes : parmi les divergences signalées, soit dans le dictionnaire lui-même, soit dans les appendices8, les formes de Suisse et, en général, de l’est du domaine apparaissent avec une particulière fréquence. Alfred Barbeau, co-auteur du Dictionnaire phonétique de la langue française9, dont ce dictionnaire reproduit l’usage, accuse Michaelis et Passy de laxisme (indulgence pour des formes populaires) et d’archaïsme (conservation de formes vieillies). Mais ce jugement reflète en fait le normativisme de son auteur et son inconscience de l’évolution de l’usage entre les années 80 et 90 du xixe siècle et les années 20 du xxe. Lorsque Passy donne [ɛsprɛ] pour exprès au lieu de l’[ɛksprɛ], de Barbeau, il reproduit sans doute un usage, normal à cette date dans toutes les classes de la société, mais qui, sous la pression de la graphie, a été éliminé de celui des classes cultivées. Sans doute, pour quiconque a pris conscience de la variété des usages en matière de prononciation du français, est-il clair que les prononciations présentées par M.-P. n’étaient pas les seules en usage dans la bourgeoisie parisienne au passage d’un siècle à l’autre, et que ceci vaut, non seulement de la prononciation des mots individuels, mais également de l’inventaire des phonèmes et de leurs rapports mutuels. Toutefois, ce que nous savons de l’évolution de la langue, de son sens et de son rythme, de la personnalité de Paul Passy comme homme et comme chercheur, des talents d’observateur des deux auteurs de l’ouvrage, nous convainc pleinement de la validité du témoignage. Il doit bien s’agir des habitudes phoniques en usage dans un milieu de bourgeoisie intellectuelle et progressiste, établie, depuis des générations, dans Paris ou ses environs immédiats.
7Il s’en faut que le Michaelis-Passy soit la seule source d’information relative à la prononciation du français au cours de la période qui retient ici notre attention. Il y a, tout d’abord, les travaux de l’Abbé Rousselot, notamment l’embryon d’un Dictionnaire de la prononciation française10, et le Précis11 produit en collaboration avec Fauste Laclotte. De cet excellent observateur, considéré de son temps comme le maître des études phonétiques en France, on aurait pu attendre un témoignage décisif. Or, son œuvre, où le souci du détail empêche en général de retrouver les grands traits du système, était certainement une de celles que les fondateurs de la phonologie avaient en tête lorsqu’ils dénonçaient l’atomisme stérile de leurs devanciers. La confiance un peu naïve, qu’on relève chez Rousselot, dans l’excellence des usages de la Bonne Société suscite quelques réserves aujourd’hui où nous pouvons constater que les usages recommandés ne se sont pas nécessairement imposés comme dignes d’imitation.
8Beaucoup plus suggestif est l’ouvrage d’Eduard Koschwitz intitulé, de façon un peu provocatrice, Les Parlers parisiens12 où nous trouvons tout l’éventail des usages relevés chez des personnalités « bien parisiennes », bien que généralement issues des provinces les plus diverses. On trouve là le produit d’une masse de contacts, de frottements réalisés dans le creuset parisien, produit qui va finalement l’emporter sur les formes géographiquement marquées, même lorsqu’elles sont celles de la Capitale. Le nationalisme aidant, les phonéticiens français ultérieurs feront, en général, peu de cas de la contribution pourtant si originale de Koschwitz.
9Les ouvrages, presque « classiques », de Philippe Martinon13, et de Maurice Grammont14 ont leurs mérites. Mais, parus respectivement en 1913 et 1914, ils illustrent des usages un peu évolués par rapport à ceux que nous avons considérés jusqu’ici et qui, en conséquence, ne permettent pas d’établir un contraste aussi net entre l’usage d’alors et celui d’aujourd’hui.
Le vocalisme
10Pour comprendre les modalités de l’évolution du système quantitatif des voyelles, il est bon de se rappeler comment il se manifestait au début du xviiie siècle. Selon le témoignage de Vaudelin, tous les timbres vocaliques oraux existent sous la forme de brèves et de longues qui sont susceptibles d’apparaître dans les mêmes contextes et qu’on doit, en conséquence, considérer comme des phonèmes distincts. Ces timbres sont [i], [y] et [u] pour les voyelles les plus fermées ; on en distingue deux parmi les antérieures non arrondies de moyenne ouverture : [c] et [ɛ], correspondant donc à quatre phonèmes : /e/, /e:/, /ɛ/ et /ɛ:/. Pour le type postérieur, nous trouvons, outre /u/, /u:/, deux phonèmes qu’on nous présente comme différenciés par la durée ; nous notons donc /o/ et /o:/ sans nous prononcer sur le degré d’ouverture réel de l’un et de l’autre. Il en va de même pour le type antérieur arrondi donc, outre /y/, /y:/, un /ø/ et un /ø:/, le choix du o barré n’impliquant rien de précis quant au degré d’ouverture. Pour l’ouverture maxima, nous trouvons de nouveau deux phonèmes différenciés par la durée : /a/ et /a:/. En laissant de côté l’opposition de longueur, on peut représenter le système des voyelles orales comme suit :
i y u
e Ø o
ɛ
a
11Nous y trouvons donc une série antérieure plus « chargée ». Cette rupture d’équilibre, qui n’est pas rare, peut trouver un début d’explication dans le fait que le jeu de la mâchoire inférieure offre plus de latitudes dans la partie antérieure que dans la partie postérieure de la bouche. Cela ne veut pas dire que la proportion de quatre à trois corresponde à un parfait équilibre, et l’on pourrait s’attendre à une évolution de /ɛ/ dans la direction de [a] et, concurremment, un recul de /a/ vers l’arrière. C’est effectivement ce que l’on constate dans le français du Canada où l’ancien /ɛ/ est devenu un /a/ et ou l’ancien /a/ a reculé vers l’arrière (avec diphtongaison en [a ṷ] de réalisations allongées). En français de France, le processus a été freiné et stoppé sauf là où la graphie était impuissante à maintenir le statu quo, c’est-à-dire dans le cas du complexe /wɛ/, noté oi, qui est passé à /wa/15.
12L’évolution du système quantitatif s’est faite souvent dans des conditions différentes à la finale absolue et dans les autres positions. Pour les timbres les plus fermés : [i], [y], [u] et [e], l’opposition de longueur à la finale permettait surtout de distinguer les formes masculines et féminines des adjectifs ou des participes : /ʒɔli/ joli de /ʒɔli:/ jolie, /kry/ cru de /kry:/crue, /ɛme/ aimé de /ɛme:/aimée ; il existait sans doute quelques oppositions lexicales (les seules dans le cas de [u]) comme /li/ lit et /li:/ lie, /ry/ ru et /ry:/ rue, /bu/ bout et /bu:/ boue. Mais presque constamment, l’opposition, qu’elle ait été grammaticale (joli ~ jolie) ou lexicale (lit ~ lie), était redondante parce que manifestée ailleurs dans le contexte : jolie fille, la lie de vin. Des redondances analogues rendaient peu nécessaire le maintien de la durée des voyelles finales née d’un allongement compensatoire déterminé par la chute des -s de pluriel. Bien entendu, l’inertie naturelle, qui se manifeste dans l’imitation, par les enfants, du parler du milieu et dans les pressions de la tradition sous la forme de corrections dans la famille et à l’école, permet de comprendre le maintien à travers des siècles, dans des sociétés conservatrices, de distinctions totalement redondantes.
13L’opposition de longueur vocalique pour les quatre timbres fermés n’est plus attestée à la finale dans la prononciation de Paul Passy. Elle est signalée expressément16 comme un archaïsme et un provincialisme parmi les divergences omises dans le corps du dictionnaire. Une distinction de longueur entre formes masculines et féminines en syllabe finale ouverte, dans /ytil/utile m. et /yti:l/ utile f., est également omise ailleurs qu’en appendice. Cette distinction vaut également, là où elle existe, pour d’autres voyelles que les timbres fermés ; dans /fijœl/ filleul et /fijœ:l/ filleule, par exemple M.-P. donne uniformément /fijœl/.
14En revanche l’opposition entre /i/ et /i:/, /y/ et /y:/, /u/ et /u:/ se maintient bien chez Passy en syllabe couverte finale. L’attestent des formes comme /sim/ cime en face d’/abi:m/abîme, /bry.l/17 brûle en face de /tyl/ tulle, /degut/dégoutte en face de /degu:t/ dégoûte ; /tus/ tousse en face de /tu:s/ tous (noté en fait [tu. s]. Ceci toutefois ne vaut pas pour [e] : on écarte, en appendice, comme archaïques ou provinciaux, les /c:/ en syllabe couverte dans /me:r/ mère ou /pje:ʒ/ piège.18 La situation est bien ici celle qui se généralise aujourd’hui où le timbre [e] n’est attendu qu’en syllabe ouverte. Il est vrai que le Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel d’André Martinet et Henriette Walter19 présente assez souvent des entorses à cette règle : [elve] y est général pour élevé(e).
15Parmi les autres timbres vocaliques posés au départ, [ɛ] a une position particulière. Sauf dans le groupe [wɛ] (cf. ci-dessus), il a, en français de France, gardé uniformément son timbre et préservé l’opposition de longueur : /mɛtr/ mettre ~ /mɛ:tr/maître. C’est bien ce que nous trouvons dans M.-P.20 L’opposition d’un /ɛ/ bref à un /ɛ:/ long est, parmi les oppositions de durée, celle qui disparaît le plus tard, car, coincé entre [e] et [a], [ɛ] peut difficilement faire perdurer, sous la forme de timbres différents, l’opposition de longueur traditionnelle comme la chose s’est réalisée pour les timbres auxquels nous allons venir ci-dessous. Il n’est nulle part fait mention, dans M.-P., d’une légère différence de timbre accompagnant l’opposition de durée, différence relevée par certains auteurs21.
16Il n’y a aucune vraisemblance que les deux phonèmes /a/ et /a:/ de Vaudelin aient présenté, dans tous les contextes, exactement le même timbre. L’opposition, encore largement attestée aujourd’hui, entre barrage avec un a d’arrière et parage avec un a d’avant, ou entre lassé et lacé réalisée de la même façon (/baraʒ/ ~ /paraʒ/, /lase/ ~ /lase/) remonte, la première, à une époque où rr était déjà passé à [R], alors que l’r simple conservait son articulation roulée antérieure, la seconde à celle où s(s),issu de (s)s latin, était une apico-alvéolaire comme le s castillan d’aujourd’hui, alors que c (issu d’un ancien ts) notait la dorso-alvéolaire, généralisée depuis lors22. On doit donc supposer que /a/ combinait brièveté et antériorité et /a:/ longueur et articulation légèrement plus profonde, un peu comme le fait l’allemand standard contemporain pour opposer kann et Kahn. Mais dans un système où tout s’ordonnait en termes de quantité, c’est l’opposition de longueur qui s’imposait nécessairement à un homme comme Vaudelin, plus introspectif qu’observateur.
17Ce qu’on vient de dire pour [a], valait également pour [ø] et [o] : il y a toute chance pour que /ø/ et /o/ brefs aient été plus ouverts que /ø:/ et /o:/, c’est-à-dire proches de ce que nous noterions respectivement [œ] et [ɔ]. Mais c’est le trait de longueur qui, dans le cadre du système, s’imposait à l’attention des usagers.
18Considéré sous l’angle des besoins distinctifs, le problème se pose de façon fort différente pour les trois timbres en cause. Aussi longtemps que le « e muet » demeure une voyelle centrale phonétiquement distincte des antérieures arrondies de moyenne ouverture, les unités de timbre [ø], [œ] restent peu nombreuses dans le lexique français, même si la fréquence des suffixes -eur, -eux et -euse augmente leur pourcentage d’occurrence dans les textes. Il n’existe aucune nécessité fonctionnelle de distinguer deux phonèmes /ø/ et /ø:/. C’est sans doute la contrainte du système, plus précisément l’existence partout ailleurs de phonèmes vocaliques appariés, qui a abouti à la fixation, au départ conditionnée par le contexte, ultérieurement plus ou moins indépendante de l’environnement phonique, de différences de timbre ou de longueur. On peut estimer que dans peur, la voyelle a été, très tôt, longue et ouverte, et, dans le suffixe -euse, longue et fermée. Devant /l/ et /n/, une longueur a pu s’établir dans des éléments le plus souvent finals de groupe comme jeûne ou veule, alors que la voyelle devenait phonologiquement brève ailleurs, par exemple, dans jeune ou veulent qui figureraient moins fréquemment en position allongeante prépausale. Les conditions étaient donc réunies d’une opposition /ʒøn/ ~ /ʒø:n/, /vøl/ ~ /vø:l/ que le délabrement progressif du système quantitatif va finalement faire tendre vers /ʒœn/ ~ /ʒøn/, /vœl/ ~ /vøl/, la différence de longueur restant perceptible à l’observation attentive, mais n’intervenant plus réellement dans l’identification des unités de sens. C’est bien là la situation qui se reflète dans M.-P. (où toutefois la possibilité d’opposer /ʒœ:n/ jeûne à /ʒœn/ jeune n’est pas exclue). C’est également elle qui prévaut à la fin du xxe siècle, mais sans qu’il y ait accord général sur la répartition des deux phonèmes dans le lexique. A la finale, la distinction entre une brève dans le singulier feu et une longue dans le pluriel feux a eu le sort de toutes les distinctions rendues inutiles par le contexte. Elle n’est pas reflétée dans M.-P.
19Les voyelles postérieures moyennes sont beaucoup plus fréquentes et une opposition de brèves à longues a permis de distinguer de nombreuses paires comme pomme ~ paume, cote ~ côte, botté ~ beauté, mais aussi pot ~ peau, mot ~ maux, mort ~ maure, et, sans doute, croc singulier ~ crocs pluriel. Les différences de timbre, concomitantes mais longtemps mal perçues, se sont graduellement imposées.
20Les 66 Parisiens de l’enquête de 194123 distinguent tous entre sotte et saute. A une exception près (il faut compter avec une marge d’erreur possible de 5 %), ils déclarent qu’il s’agit d’une différence de timbre ; il n’y a guère plus que la moitié d’entre eux pour, après s’être auscultés, identifier, en outre, une différence de durée. Dans M.-P., les deux traits, en position non finale, sont toujours parfaitement explicités : /pɔm/ ~ /po:m/, kɔt/ ~ /ko:t/, etc. A la finale, la confusion est donnée comme possible, mais le maintien également : /po/ ou /pɔ/ pot en face de /po/ peau, et, de même, /kro/ ou /krɔ/ pour croc. Mais, comme on le constate, seul le timbre est censé alors assurer la distinction24. Ce qui est définitivement acquis, pour M.-P., c’est la brièveté des voyelles finales, la confusion des timbres en cette position n’étant qu’esquissée, alors qu’on peut la considérer comme acquise dans les usages parisiens contemporains (100 % de /po/ pot et de /mo/ mot dans M.-W.). La situation est analogue en ce qui concerne la distinction devant /r/ de la même syllabe : seul /mɔ:r/ est donné pour maure, mais, pour saur, /so:r/ est offert comme possible en face du normal /sɔ:r/. Ici M.-W. donne 15 /sɔr/ en face de 2 /sor/.
21En français de France, où [ɛ] n’est passé à [a] que dans le contexte particulier [wɛ] > [wa], la tendance à l’élimination de la quantité a abouti à accentuer la différence de timbre entre /a/ et /a:/ et à opposer un /a/ d’avant à un /a/ d’arrière. Mais se manifestent ici, plus nettement que dans le cas de /ɔ/ et /o/, quelques conflits internes : comme nous le verrons ci-dessous, certaines continues sonores finales exercent sur la voyelle précédente un pouvoir allongeant. Au cours de la flexion verbale, un /v/, par exemple non final à l’infinitif, dans laver ou paver, se trouve, dans ce cas, précédé d’un [a] antérieur bref. Mais quand le radical apparaît sans désinence, dans je lave ou je pave, la voyelle va s’allonger : en face de [lave], nous aurons [la:v] ; si [a] et [a:] sont sentis comme les variantes d’un même phonème /a/ antérieur, aucun problème ne se pose ; si, au contraire, l’opposition est entre /a/ et /a:/, nous avons une alternance dans la flexion que les locuteurs seront tentés d’éliminer en généralisant l’un ou l’autre phonème. La voyelle brève, celle des formes à désinences, plus fréquentes que le radical nu, va tendre à s’imposer. On aura donc /lave/ « laver » et /lav/ avec une voyelle brève bravant l’allongement imposé par /v/, mais, dans le nom (la) lave, où n’existe aucune pression analogique, /la:v/ se maintient avec son phonème long. Si maintenant l’opposition /a/ ~ /a:/ fait place à /a/ ~ /a/, par exemple, chez un provincial établi à Paris, le nom lave se fixera en /lav/, mais le radical verbal de (je) lave risque d’hésiter entre /lav/, où le /a/ peut désormais s’allonger en [a:] sans perdre son identité phonologique, et /lav/ où l’on peut sans inconvénient conserver au /a/ une certaine longueur. C’est ce que l’auteur de ces lignes relève dans son propre usage : /lav/ plus fréquent que /lav/, mais, automatiquement, /pav/ dans le rare (il) pave, en face des sensiblement plus fréquents paver, pavé. M.-P., où l’allongement devant /v/ est toujours respecté, présente uniquement /pav/, mais donne /la:v/ comme possible à côté de /la:v/. C’est là un des traits qui laissent entrevoir dans l’ascendance de Paul Passy, une influence provinciale, probablement de l’Est.
22Cette lointaine influence explique peut-être également la tolérance qu’on relève pour des formes qui n’appartiennent certainement pas au fond parisien traditionnel, celles d’ailleurs que l’élimination prévisible de l’opposition des deux a va imposer à quelque échéance : /tas/ tasse est donné comme possible à côté du /ta:s/ que laisse supposer la graphie par s25; dans le cas du groupe -arr- de la graphie (ou assimilés, comme -ar- dans baron et carotte), la même tolérance est acquise ; elle va jusqu’à une préférence donnée à /a/ dans baron, carosse, carotte. Dans tous ces cas, sauf dans tasse, M.-W. donne une nette majorité à /a/, mais les deux informatrices d’ascendance totalement parisienne (x et y) manifestent ici une préférence marquée pour /a/.
23En résumé, l’opposition de longueur a, dans l’usage reflété dans M.-P., été éliminée à la finale par abrègement pur et simple des anciennes longues dans le cas de [i], [y], [u], [e], [ɛ], et par différenciation de deux timbres pour [a]. Pour [o], la confusion n’est pas acquise dans ce sens qu’on peut distinguer entre les mots où la voyelle finale est constamment /o/ fermé, dans /bo/ beau, /ʃo/ chaud, par exemple, et ceux où /o/ est en compétition avec /ɔ/, comme /mo/ ou /mɔ/ mot, /tro/ ou /trɔ/trop, trot. En ce qui concerne [ø], la situation se complique du fait du comportement de certains « e muets » que nous retrouverons ci-dessous.
24Là où l’opposition traditionnelle se maintient, c’est donc au profit du timbre, et ceci incite à donner la priorité au timbre là où, ailleurs qu’à la finale, timbre et longueur se combinent pour assurer la distinction, pour [sɔt] sotte ~ [so:t] saute, par exemple, qu’on notera donc phonologiquement /sɔt/ et /sot/. Ceci d’autant plus que l’opposition se maintient parfaitement là où chez nos auteurs la longueur est automatique, c’est-à-dire, devant les fricatives sonores et /r/ de la même syllabe, avec une longue dans [lɔ:ʒ] loge comme dans [o:ʒ] auge.
25L’allongement automatique devant fricative tautosyllabique en syllabe finale est un trait qu’on retrouve chez les orthoépistes subséquents. Pour le mettre en doute, il faut attendre des chercheurs décidés à observer les faits sans parti-pris prescriptif et, dans le choix de leurs informateurs, à donner la priorité, plutôt qu’aux personnes de longue ascendance parisienne, à celles dont on constate que la prononciation sert effectivement de modèle. Les observations sur lesquelles se fonde M.-W. ont montré que la longueur vocalique reste générale devant r final, mais que, devant les fricatives sonores, la durée vocalique ne s’impose plus guère à l’attention. La tendance à réduire cette durée se manifeste déjà dans M.-P. où en appendice on présente, par exemple, [asaj] à côté d’ [asa:j] pour assailel26.
26Le statut d’« e muet » reste un peu ambigu dans M.-P. La lettre ə ne figure pas dans le tableau des sons du français (p. XVII). Elle n’apparaît que parmi les « voyelles faibles » (p. XXI) où elle est présentée comme intermédiaire entre [œ] et [ø]. Mais alors que les autres « voyelles faibles » ne sont pas notées comme telles dans le corps de l’ouvrage, le ə apparaît chaque fois où la tradition reconnaît un « e » instable prononcé : dans un contexte identique, nous trouvons [ə] dans [brəvɛ] brevet, mais [œ] dans [brœva:ʒ] breuvage. Ceci incite à croire que [ə] note une voyelle qui n’est ni aussi avancée, ni aussi arrondie que [ø] et [œ]. L’enquête de 1941 où l’on a demandé aux informateurs s’ils prononçaient à la finale de bois-le, un [ø], un [œ], ou autre chose, montre que le quart des sujets parisiens choisissent « autre chose ». Ce même -le, présenté chez M.-P. comme « (forme) forte de lə », est noté [lœ] ou [lø], mais alphabétiquement sous [lœ], ce qui est symptomatique d’une préférence. Les auteurs qui ont suivi se partagent entre ceux qui identifient physiquement le « e » instable prononcé et les antérieures arrondies de moyenne ouverture et ceux qui maintiennent la distinction. Les recherches relatives à la dynamique des phénomènes en cause donnent des résultats peu concluants : l’enquête de 1941 semblerait indiquer chez les jeunes Parisiens une tendance à favoriser un timbre distinct, alors que les recherches ultérieures d’Henriette Walter donnent le timbre central comme le fait de sujets généralement plus âgés27. Pour l’époque qui nous intéresse ici, tout semble indiquer que la situation était sensiblement celle que nous observons aujourd’hui et, en tout cas, tout autre que celle qu’on doit poser pour l’époque de Vaudelin où l’identité physique distincte de « e muet » ne saurait faire de doute.
27On peut représenter comme suit le système des phonèmes oraux qui se dégage de l’examen de M.-P. :
28A la finale, nous avons un système de voyelles de réalisation brève qui échappent aux oppositions quantitatives. Dans le tableau qui suit, apparaissent entre parenthèses les phonèmes de statut douteux, soit qu’ils n’existent vraisemblablement pas chez tous les représentants de la population considérée (cela vaut pour /ɔ/), soit qu’ils ne se manifestent que dans des conditions très particulières (comme le /œ/ de le après un impératif) :
29i y u
30e ø o
31ɛ (œ) (ɔ)
32a a
33En syllabe finale et position couverte, ce qui est certainement la position de différenciation maxima, nous trouvons, pour quatre timbres, un maintien de l’opposition de quantité. La situation, à cet égard, est confuse dans le cas des antérieures arrondies de moyenne ouverture, mais on tend évidemment vers l’opposition de deux timbres où le plus fermé s’accommode mieux de la longueur. On a donc :
34i i: y y: u u:
35ø o
36ɛ ɛ: œ ɔ
37a a
38Tous les phonèmes non phonologiquement longs de ce tableau sont susceptibles d’être allongés dans certains contextes.
39Le phonème /e/ du tableau des voyelles finales se retrouve dans les syllabes ouvertes non finales, dans /peʃe/ péché par exemple. Il s’y oppose très normalement à /ɛ:/, dans /peʃe/ péché ~ /pɛ:ʃe/ pêcher, par exemple, mais les deux timbres sont admis dans maison et raisonner. On ne relève pas de traces de l’harmonisation vocalique à laquelle des auteurs ultérieurs ont fait un sort. Les observations faites à partir de 1941 ne voient, dans la tendance à faire dépendre l’ouverture de e/ɛ de celle de la voyelle de la syllabe suivante, que le fait d’une minorité de locuteurs. Elle entre, dans tous les cas, en conflit soit avec la tendance à fermer les timbres en syllabe ouverte, soit avec celle au maintien d’un même timbre au cours de la flexion : [repɛte] au lieu de [repete], du fait de [repɛt].
40Parmi les traits qu’on trouve rappelés en annexe chez M.-P. figure ce qui est désigné comme les « interversions des sons a et a », c’est-à-dire la possibilité de trouver dans un mot donné tantôt [a] tantôt [a] selon les gens. Ces variations se manifestent avec une extrême fréquence dans toutes les enquêtes faites depuis 1941. Mais ce que l’on y constate et qui manque chez M.-P., c’est, chez un nombre croissant de sujets, l’inexistence de la distinction entre les deux a, en général au profit du timbre [a], et une quantité entièrement dépendante du contexte. Il y a certainement un rapport entre les « interversions » relevées par M.-P. et l’élimination de l’opposition qu’on note un peu plus tard : si des gens prononcent [a] là où les autres ont un [a] il vaut mieux, pour comprendre ce qui est dit, se référer au contexte et, quand on parle pour être compris, éviter des énoncés comme je suis las qui pourraient être compris comme je suis là. Avant de faiblir, toutefois, l’opposition des deux a a eu la vie dure. On a tour à tour, pour mieux accuser la distinction, poussé le [a] vers l’avant, d’où [æ], puis poussé [a] vers l’arrière et [å]. Pierre Delattre qui a écouté un disque enregistré par Passy signale le caractère très antérieur de ses /a/28. Immédiatement avant la première guerre mondiale, [æ] pour [a] caractérisait, pour les provinciaux, les prononciations « parigotes » dont on se moquait. C’est après cette guerre qu’on relève le mouvement inverse de /a/ vers [å] qui tend à faire de câline presque [kɔ.lin] d’où une répercussion possible sur la prononciation de colline et, de façon générale, la réalisation du phonème /ɔ/, dont l’articulation s’avance vers [œ]29. S’il y a effectivement un rapport entre le recul de /a/ vers [å] et l’avancée de /ɔ/ vers [œ], on doit supposer que le recul de /a/ pour mieux le différencier de /a/ a dû se manifester à plusieurs reprises et antérieurement à l’après-guerre de 1918, puisque l’avancée de /ɔ/ est mentionnée ou suggérée antérieurement à cette date. Dans les conditions identifiées comme les plus favorables, c’est-à-dire devant une antérieure fermée ([i] ou [y]) de la voyelle suivante, elle est attestée chez M.-P. qui offre [apsœly] parallèlement à [apsɔly] et [ʒœli] à côté de [ʒɔli].
41L’effectif des voyelles nasales, chez M.-P. est le même que celui que nous trouvons chez Vaudelin, mais il n’est pas sûr que les réalisations de ces phonèmes aient été les mêmes de part et d’autre. Il est très possible, par exemple, que le timbre de an ait été, chez Vaudelin, un [ā] plutôt que le [ā] indiqué par tous les auteurs phonéticiens. Par rapport aux usages de la seconde moitié du xxe siècle, on peut penser que le timbre des in, ain de la graphie était vers la fin du xixe siècle sensiblement moins ouvert. Aujourd’hui la notation de cette voyelle comme [ε͂] est parfaitement inexacte : lorsque la nasalité n’en est pas perçue, c’est généralement /a/ et non /ɛ/ qu’on identifie : une graphie [ǣ] serait certainement plus proche de la réalité contemporaine que [ε͂].
42Mais ce qui distingue l’usage d’aujourd’hui de celui de Passy est la généralisation, à Paris, de la confusion en [ǣ] des in et un de la graphie. On peut, dès aujourd’hui, classer /œ /parmi les provincialismes, alors que, pour M.-P., la confusion est un « néologisme » de Paris et de ses environs.
43Ce dont on ne trouve pas trace, dans l’ouvrage en cause, c’est la distinction entre les voyelles de pin et pain ou de tente et tante que des observations attentives ont relevée chez certains sujets cultivés de résidence parisienne30. Il est certain que si ces distinctions avaient correspondu à l’usage personnel d’au moins un des phonéticiens qui se sont occupés de la prononciation du français, elle auraient fait l’objet d’enquêtes qui auraient probablement révélé qu’elles ne sont plus que des survivances isolées ou des affectations d’originaux.
Les « semi-voyelles »
44C’est ainsi qu’on désigne le plus souvent des productions phoniques qui peuvent être ou bien, quant à leur degré d’ouverture, de pures voyelles comme [i], [y] ou [u], mais dans une position où elles ne représentent pas le sommet d’une syllabe, dans, par exemple, [i̯a] ou [ai̯], ou bien des consonnes fricatives bien caractérisées, comme celle qu’on note [j] et qui est le partenaire sonore du [ç], le ich-Laut de l’allemand à qui nul ne penserait à dénier son caractère consonantique. Dans la plupart des langues, le degré de fermeture (vocalique ou constrictif) importe peu et dépend largement du contexte. C’est pourquoi on a peu l’occasion de mettre à profit la distinction offerte par les systèmes de notation entre une voyelle non syllabique comme [i̯] et une consonne comme [j]. Noter que la distinction graphique est aisément réalisable entre [ṷ] et [w], mais pour le timbre [y], on se contente de [ɥ] pour toute voyelle non syllabique quelle qu’elle soit.
45En français, il existe, traditionnellement et généralement, une opposition entre un /i/ syllabique et un /j/ de réalisation nettement consonantique qui se manifeste à la finale ou devant consonne. Ainsi dans abbaye /abei/ en face d’abeille /abej/, pays /pei/ en face de paye /pej/, caïman /kaimā/ en face de caillement /kaimā/. Le rendement de cette opposition s’est renforcé lorsque l’ancienne latérale palatale, notée -ill-, s’est confondue avec le /j/ traditionnel, noté y. Cette confusion, fait acquis à Paris dès le xixe siècle, est générale chez M.-P., le «l mouillé » n’apparaissant que parmi les divergences omises et présenté comme un archaïsme.
46Pour les deux autres « semi-voyelles » et pour [i], [i̯], [j] devant voyelle, il n’existe pas, entre syllabiques et non syllabiques, d’opposition de validité générale. Il y a des sujets qui distinguent entre lion [ljō] et (nous) lions [li-ō] ou [lijō], du verbe lier et appartenant au même paradigme que (je) lie [li]. Mais, même chez ceux-là, l’opposition est souvent peu stable. De même, beaucoup distingueront entre loi [lwa] et (il loua) [lua], mais surtout, pour certains, parce que loua est une forme lue plutôt que produite spontanément. Ceci implique que les Français en général sont dressés à identifier Lyon, par exemple, aussi bien dans la bouche d’un Parisien qui dit [ljō] que dans celle d’un Lyonnais qui marque deux syllabes et prononce [liō] ou [lijō]. Au départ, la distinction était nette entre, d’une part, les produits de diphtongaison, comme [wa] de ē, í latins, ou de palatalisations comme le ui [ɥi] de puis, nuit, et, d’autre part, la rencontre de deux voyelles antérieurement séparées par une consonne disparue, dans ouïr [uir] de audire ; écuelle [ekyɛl] de scūtella, par exemple, ou apparaissant dans les emprunts écrits, comme le suffixe -tion [siō], La diction traditionnelle des vers reproduit encore cette différence : ... dompter les nations,... prends ton sceptre, Lou-is, etc. Dans bien des cas, au cours de l’époque moderne, la diérèse, c’est-à-dire le maintien de deux syllabes distinctes, fait place à une articulation monosyllabique. Les usages parisiens ont été jusqu’au bout dans cette voie : un [i], un [y] ou un [u] devant voyelle perd sa syllabicité, sauf après les groupes consonne + [l] ou [r], dans sanglier [sāglije], ouvrier [uvrije] par exemple, où apparaît, dans le cas de [i], une consonne de liaison [j] qui s’identifie absolument avec le phonème /j/ traditionnel. L’identification de brillant et de Briand est à peu près générale à Paris : en 1941, 9 Parisiens sur 10 déclarent ne pas faire de différence ; dans M.-W., on ne relève que des cas isolés ou /j/ n’apparaît pas : un cas sur 17, par exemple, pour brioche ; unanimité pour /j/ dans crier, ouvrier. Dans le cas de [y] et de [u], la voyelle reste, dans ce cas, syllabique ; dans M.-W. : unanimité pour cruel /kryɛl/, trouer/true/ ; l’élément de liaison est ici l’exception : dans M.-W., deux sujets sur 17 ont [truwe] pour trouée. Font exception, les groupes [wa] et [wε͂] qui, en général, ne sont pas soumis à la diérèse : dans M.-W., unanimité pour [krw-] dans croire ; pour groin, deux sujets sur 17 pratiquent une diérèse en [-ɔε͂].
47Chez maints sujets la diérèse peut réapparaître à la frontière de deux unités signifiantes : dans M.-W., 3 sujets sur 17 la présentent dans jouable. Elle se manifeste avec une certaine fréquence dans certains mots courts, auxquels elle semble donner un peu plus de corps : pour buée, 6 [bye] pour 11 [bɥe] ; pour boueux, où brièveté se combine avec frontière d’unité, 15 [buø], 1 [buwø] et un seul [bwø].
48En ce qui concerne le maintien de la diérèse après consonne + r ou l, M.-P. offre un stade antérieur à celui qu’on vient de présenter : Briand y est donné comme [bria] et non comme [brija]. Pour le verbe crier, on n’a que [krie] ; pour sanglier et ouvrier, le [j] de liaison est donné en italique, c’est-à-dire comme une simple possibilité. On notera, pour groin, [gruε͂] et [grwε͂] à égalité, mais à l’ordre alphabétique du premier.
49En matière d’élimination ou de maintien de la diérèse dans les autres positions, il n’y a pas chez M.-P. de différences très sensibles avec ce que présente M.-W. La prononciation monosyllabique du groupe est la règle, ici comme là. Les rares déviations ne sont pas toujours les mêmes : pour bouée, [bue], tout à fait minoritaire dans M.-W., est la seule forme indiquée ; [bye] pour buée qui est en assez bonne place dans M.-W. n’apparaît pas chez M.-P. La coïncidence intéressante est [buø] qui est la seule forme donnée dans M.-P. pour boueux et également celle de 15 sujets sur 17 dans M.-W. Il semble que la dynamique du système phonologique contemporain ne touche guère au statut des (semi-)voyelles prévocaliques : leur réalisation, monosyllabique ou dissyllabique, n’affecte pas la compréhension mutuelle entre Français. Dans un mot un peu long, comme intellectuel, prononcé avec une rapidité d’élocution normale, il n’est pas facile, à l’audition, de se prononcer sur la nature syllabique ou non syllabique du [y]. C’est là un des points de la prononciation française qui rend largement illusoire toute analyse en syllabes des énoncés. Bien que les recherches en la matière n’aient pas, jusqu’ici, donné des résultats convaincants, on retient l’impression que la pression exercée par les usages parisiens n’est pas de nature à éliminer, même à longue échéance, les diérèses qui subsistent dans les provinces.
Les consonnes
50Le système consonantique du français est resté, depuis des siècles, remarquablement stable dans son ensemble. La corrélation de sonorité qui présente douze unités de grande fréquence, c’est-à-dire plus des deux-tiers du total des consonnes, est largement garante de cette stabilité. C’est ailleurs que certains phonèmes ont disparu et que de nouveaux venus cherchent à s’installer.
51La latérale palatale /λ/ ne subsiste plus que chez des personnes âgées et dans de lointaines provinces. Nous avons vu que sa confusion avec /j/ était un trait parfaitement acquis du français normal avant que commence l’époque qui nous concerne.
52Il y a longtemps que la question ne se pose plus, à Paris, de distinguer entre -r- et -rr-, que ce soit par la durée de l’articulation, par l’assibilation de -r- qui nous a valu la chaise et les bésicles, ou par le transfert au niveau de la luette des vibrations de -rr-. On peut simplement se féliciter de ce que l’étude phonologique des patois et des français locaux de la moitié sud du territoire nous ait permis de relever des témoignages du transfert de l’articulation de -rr- au fond de la bouche31
53On peut certainement considérer que le phonème /h/ n’appartient plus aujourd’hui au français normal. Le coup de sonde pratiqué sur ce point dans l’enquête de 1941 semble indiquer l’existence de traces d’aspiration chez 9 % des sujets. Ceux-ci ne proviennent pas tous de régions comme l’Est, la Normandie, la Bretagne ou la Gascogne où l’on en attendait. Mais, si les chiffres obtenus en la matière ont un sens, la fréquence du phénomène diminue des plus anciens aux plus jeunes. Sur ce point M.-P. nous présente une situation certainement dépassée aujourd’hui. Le h, italique il est vrai, c’est-à-dire facultatif, apparaît partout où l’étymologie le laisse attendre. Il est autre chose que la marque de l’absence de liaison et d’élision, qui est ici une barre verticale devant la voyelle et qu’on relève, par exemple, dans la notation de onze et de huit. Dans la liste des divergences, ce n’est pas [h] qui est donné comme telle, mais sa suppression, et ceci suggère que l’informateur principal, Paul Passy, articulait effectivement un [h] à l’initiale de hardi ou de hibou. Il y a certainement là un trait, sinon particulier à la famille Passy, tout au moins minoritaire dans la bourgeoisie parisienne de l’époque, et qui suggère de nouveau des attaches anciennes avec les régions de l’est. Lorsque Koschwitz nous présente Paul Desjardins, Parisien d’ascendance normande, il nous signale chez lui « une habitude particulière... de prononcer les h aspirés... avec une véritable aspiration gutturale », c’est-à-dire un trait inattendu de la part d’un de ses informateurs. Il n’en reste pas moins que ce double témoignage suggère une situation langagière où il paraissait acceptable de ne pas chercher à se défaire d’un trait qui serait jugé aujourd’hui absolument provincial ou marginal. La production de nombreux [h] chez un des informateurs de M.-W. a été perçue, par les chercheurs qui les relevaient, comme une affectation. Il s’agit d’un sujet qui parle bien allemand, mais dont les origines géographiques excluent l’aspiration comme la conservation d’un trait familial.
54La solidité du phonème /ŋ] chez M.-P. oppose également son époque au dernier quart du xxe siècle. La confusion de [ŋ] et de [nj] y est notée parmi les divergences non signalées dans le corps de l’ouvrage. Elle n’est, il est vrai, classée ni parmi les néologismes, ni les provincialismes, ni les vulgarismes. Cela veut-il dire qu’elle est de celles qui pourraient affecter l’usage d’un peu n’importe qui, qu’elle touche à une distinction que les enfants, en général, ont une certaine difficulté à acquérir ? De la part d’un auteur aussi peu normatif que Paul Passy, le maintien régulier de la distinction semble en tout cas indiquer un état de fait fort différent de celui qu’on peut constater un siècle plus tard. Il semble que la confusion se soit étendue rapidement et qu’elle se généralise dans les nouvelles générations32, mais, successivement, selon deux modalités différentes. Tout d’abord en ramenant les [nj] à des [ŋ], puis au contraire en prononçant les -gn- de la graphie comme [nj], et ceci même à la finale. La plupart des [nj] apparaissant à la frontière d’unités signifiantes, un enfant qui, pour tournions, entend autour de lui [turŋō], peut toujours reconstituer [turnjō] en associant, de son propre chef, le radical [turn-] et le complexe désinentiel [-jo]33. Il faut noter que M.-P. mentionne simplement la possibilité d’une confusion, sans en suggérer le sens.
55En 1980, on peut poser, dans l’usage parisien, l’existence d’un phonème nasaldorsal /ŋ/. Des enfants de six ans qui écrivaient à l’aide de l’alphabet phonologique alfonic où ce phonème n’avait pas été prévu, ont réclamé un caractère pour le noter lorsqu’ils ont voulu écrire parking. Dans le M.-W., ce mot est prononcé avec [ŋ] chez 15 sujets sur 17, et il n’y a pas un sujet sur les 17 qui ne prononce [ŋ] quelque part. De ce [ŋ] on n’a pas trouvé trace dans M.-P. Le mot pourtant ancien de smoking n’y figure pas et il n’est fait aucune allusion au son lui-même dans l’Introduction.
56La distinction entre sourdes et sonores est sujette à s’atténuer et à disparaître à la finale des mots dans maintes langues et, en ce qui concerne le français, dans les usages de l’Est et du Midi. Dans l’Est, où les -e de la finale ont disparu depuis longtemps, la confusion peut affecter des paires comme rate~rade où l’occlusive est finale en dépit de la graphie. Mais, en l’absence d’enquêtes poussées en la matière, on peut se demander si la confusion totale est jamais acquise chez les unilingues français. Dans le Midi, la neutralisation de l’opposition atteint effectivement les consonnes finales, mais celles-ci sont rares dans une forme de langue où le -e est conservé. Ce qu’on constate c’est, par exemple, que le mot sud s’entend comme [syt]34.
57Rien de tout cela n’apparaît chez M.-P. En revanche, les assimilations de sonorité entre consonnes de la corrélation en contact sont régulièrement relevées, dans absent /apsā/, dans gibeciere [ʒipsjɛ:r], comme dans anecdocte [anɛgdɔt]. Il n’est nulle part explicitement fait état d’assimilations incomplètes qui, par exemple, font disparaître les vibrations glottales d’un /b/ sans lui faire perdre son caractère de douce, donc son identité phonologique. Ce n’est que plus tard, avec Grammont, que tout cela sera mis en valeur. Cependant certaines notations indiquent bien l’existence d’assimilations imparfaites : médecin est présenté comme [mɛtsε͂] ou [metsε͂], mais précédemment, on nous a offert « [meds-] ou [mets-] = [mɛts-] ». Or, seuls, médecin et médecine apparaissent avec [mɛts...]. Ceci indique que l’existence, dans de tels contextes, d’un son identifiable comme /d/ n’avait pas échappé aux auteurs. Mais il faut un cadre phonologique, qui n’existait pas alors, pour présenter aisément et clairement des cas de ce type. Il est difficile, dans ces conditions, de se prononcer sur le degré d’avancement du processus d’assimilation par rapport à ce que livre l’observation contemporaine. L’ensemble des notations suggère néanmoins que l’usage décrit favorise les assimilations, et cela rappelle, si l’on en croit l’enquête de 194135, le comportement des régions de l’Est.
58Nous ne trouvons, sur la réalisation du phonème /r/, aucune indication précise relative à l’usage noté. On nous fait savoir une fois pour toutes (p. XIX) que r note aussi bien la « roulée vélaire (uvulaire) » que la « roulée linguale », que cette dernière est employée par la grande majorité des Français, mais que la « vélaire » domine dans les grandes villes et surtout à Paris, où elle est « même » souvent remplacée par une fricative vélaire « à peine roulée ». Sur ce point, la situation a évolué rapidement. Aujourd’hui, la linguale est restreinte aux usages ruraux, sauf peut-être dans quelques provinces, comme la Bourgogne. La seule prononciation qui s’impose socialement et se répand est la spirante uvulaire sans vibrations, celle qui, il y a un siècle, était encore flétrie comme le grasseyement. L’absence de distinction graphique entre des r, dans M.-W., résulte, non d’une négligence, mais de l’uniformité de la réalisation grasseyée36.
59Les prononciations géminées correspondant aux lettres doubles de la graphie ne sont pas d’une grande fréquence dans M.-P. Elles sont en général données comme une possibilité (marquée par l’italique de la première consonne du groupe) à la frontière de deux éléments signifiants, dans [illisit] illicite ou [irremedja-bl] irrémédiable, par exemple, et dans quelques mots « savants », comme [sommite] sommité ou [ebyllisjɔ] ébullition. Mais sommet, addition, efficace n’apparaissent qu’avec la simple. En contraste, dans l’enquête de 1941, la gémination, à Paris, est majoritaire pour sommet et affecte le quart des sujets pour addition37. Dans M.-W., il y a 10 sujets sur 17 pour géminer dans sommet et, dans addition, 3 sujets pour réagir au -dd- de la graphie. Pour irrémédiable(ment), trois Parisiens sur quatre présentent, en 1941, la géminée, et ceci est le fait de 11 sujets sur 17 dans M.-W. Tous ces chiffres sembleraient indiquer une tendance accrue à géminer. Mais il y a là un domaine où doit jouer le tempérament de chacun, et ce que chacun estime être une marque de culture : chez les uns la conformité à la graphie, chez les autres, au contraire, une volonté de se démarquer des cuistres. Koschwitz38 nous permet de comparer, sur ce point, l’usage de Paul Passy et celui de Gaston Paris, son aîné de 29 ans : dans les 16 premières lignes du texte lu par ce dernier, on relève quatre géminées (indiquées par un trait d’allongement suscrit) ; dans tous les mots en cause, Passy, cité par Koschwitz, offre la consonne simple. Mais il n’est pas certain que, dans une conversation, Gaston Paris aurait réellement fait sentir les quatre géminées.
60Une prononciation que les orthoépistes du début du xxe siècle dénoncaient volontiers est la réduction de la succession [lj] à [j], dans soulier [suje] ou escalier [ɛskaje], par exemple. M.-P. ne la relève pas expressément et, pour ces deux mots, ne donne que des notations qui conservent le [l]. Mais on y donne un [l] facultatif (en italique) dans des formes fréquentes où [lj] est précédé de [i], comme milliard, million, milieu, sans parler de il y a qui fait l’objet de trois entrées sous les formes [ja], [ija] et [ilja]. Nous avons relativement peu de données en la matière. L’enquête de 1941 a révélé que la chute généralisée du [l] dans [lj] a dû être d’une particulière fréquence dans ce qu’on appelle, par rapport à Paris, le Sud-Est (Bourgogne, Jura, Alpes du Nord) et n’a probablement jamais affecté les usages proprement parisiens39. Mais l’évolution d’il y a [ilija] > [ilja] > [ija] (> [ja]) étayé par la fréquence de [mijø] pour milieu suggère que le passage [ilj] à [ij] a dû être général à Paris. M.-W. n’offre pas, pour milieu, de données originales, mais témoigne, dans le cas de milliard et million d’une désaffection pour les formes sans [l]. Seules des formes apprises très tôt dans l’enfance peuvent échapper à la pression de l’école et des graphies.
61L’influence de la graphie sur la prononciation est expressément dénoncée dans l’avant-propos de M.-P. On n’y trouve à leur ordre alphabétique que les formes étymologiques [gaʒy:r] pour gageure, [argɥe] pour arguer. Mais [ʃətɛl] et [ʃɛptɛl] pour cheptel sont des entrées distinctes, sans renvoi de l’une à l’autre, et, pour dompter, [dɔpte] figure à côté de [dɔte]. Dans M.-W. [gaʒyr] est légèrement majoritaire (9 sujets sur 17), arguer avec [y] ou [ɥ] minoritaire (7, pour 10 [arge]) ; [dɔte] l’emporte sur [dɔpte], [dɔmte] (10 sur 17), mais [ʃɛptɛl] s’impose (15 sur 17). Dans la pratique, on constate que [Jətɛl] n’est pas compris. Il est intéressant de relever que les Français sont généralement peu sensibles aux accents de la graphie : dans M.-W., assener ne connaît entre [s] et [n] que [c] ou [ɛ]. Ce sont également les prononciations qu’on relève dans M.-P. où on ne trouve aucune mention de la forme orthographique assener. Pour événement, toutefois, pour lequel M.-P. n’a que [evɛnmā], on rencontre, dans M.-W., trois sujets qui, avec [evenmā] semblent faire violence à l’habitude générale d’ouvrir, en syllabe couverte, la voyelle moyenne d’avant.
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62Il y a donc bien des points où la comparaison des usages, à près d’un siècle de distance, n’indique pas de réelles différences dans le comportement des locuteurs. Il n’est pas exclu que des données statistiques plus fournies nous permettraient d’esquisser, dans certains cas, un sens de l’évolution. Mais, dans plusieurs d’entre eux, il semble qu’on échappe en fait à la dynamique du système phonologique, celle qui, par exemple, fait tendre à l’élimination des oppositions quantitatives. Même lorsque le rapprochement de certaines données pourrait suggérer une modification du comportement linguistique de la communauté, on hésitera à conclure lorsque la modification présumée ne paraît pas avoir de « sens » dans le système en général. C’est ainsi que M.-P. ne reconnaît comme normal que [begɛjmã] pour bégaiement à l’exclusion de [begɛmā]. Or, dans M.-W., il n’y a qu’un sujet sur 17 pour prononcer ici le [j]. On pourrait faire valoir dans ce cas l’influence de la graphie, mais nous venons de voir qu’il n’y a, sur ce point, guère de différence entre les deux époques que nous rapprochons ici.
63Sur d’autres traits de la prononciation, comme la nature et le degré de précision de la mise en valeur accentuelle, les courbes intonatives, le rythme du discours, nous pourrions peut-être comparer avec les formes contemporaines celles qu’on commençait à enregistrer à la fin du xixe siècle. Mais lorsqu’il ne s’agit plus de grandeurs discrètes, comme celles qui fondent les oppositions phonologiques, il est très difficile de faire le départ entre ce qui est particulier à l’informateur et ce qui est caractéristique des usages généraux ou particulier à une province ou une classe. Avant de tenter de tels rapprochements, il serait indiqué de déterminer par l’examen de comportements contemporains divergents quelle est, en ces matières, la dynamique de la langue. Y a-t-il ou non tendance à réduire, voire à éliminer, tous les traits, quantitatifs ou autres, qui donnaient et donnent encore chez certains, un relief particulier à la syllabe prépausale ? Bien que la langue évolue, au moins à notre époque, sensiblement plus vite que ce qu’on s’est longtemps imaginé, nous avons pu constater que, sur cent ans, nous n’avons pas relevé un seul trait qui apparaisse sans qu’on en puisse retrouver précédemment quelques antécédents. Cela veut dire qu’une considération dynamique des éléments phoniques fournis par l’observation synchronique, telle qu’elle est illustrée dans La dynamique d’Henriette Walter, doit précéder toute recherche proprement diachronique réalisée par la comparaison d’états de langue séparés par une période d’évolution.
Notes de bas de page
1 Nouvelle manière d’écrire comme on parle en France, Paris, 1713.
2 Cf. son ouvrage Le Français en 1700 d’après le témoignage de Gile Vaudelin, Paris, 1946.
3 André Martinet, « Note sur la phonologie du français vers 1700 », BSL 43 (1947), p. 12-23.
4 « Der ǝ-Vokal hat im Französischen keine phonologische Funktion », Uber die phonologische Interpretation der Diphtongue, Studies in English, 4th vol., Prague, 1933, p. 166, note 64.
5 Voir, par exemple, Henriette Walter, La dynamique des phonèmes dans le lexique français contemporain, Paris, 1976, chap. 4 et sa conclusion IV-21 ; le livre est ci-après cité comme La dynamique.
6 Cf. notamment, André Martinet, La prononciation du français contemporain, Paris, 1945, pp. 79, 92, 95, 97, 100, 104, 107, 128. Cet ouvrage présente les résultats de l’enquête de 1941. On y fera référence, ci-après, soit sous la forme « Martinet, Prononciation », soit en parlant de « l’enquête de 1941 ».
7 Hermann Michaelis et Paul Passy, Dictionnaire phonétique de la langue française, désigné ci-après au moyen du sigle M.-P.
8 Celui des divergences indiquées dans le corps de l’ouvrage, p. 319 et celui des divergences omises, p. 320-321.
9 Paru à Stockholm en 1930.
10 Paru en 1912 dans la Revue de phonétique, I, fasc. 1, p. 80-85, et II, fasc. 2, p. 260-265, 276-277, 280-283.
11 Précis de prononciation française, Paris-Leipzig, 1903.
12 Paris-Leipzig, 1896.
13 Comment on prononce le français, Traité complet de prononciation pratique, avec les noms propres et les mots étrangers, Paris, 1913.
14 La prononciation française. Traité pratique, Paris, 1914.
15 Sur l’ensemble de ces processus, voir d’Alexander Hull, « Note on the Development of the Modern French System », Word 13, 1957, p. 60-64. Sur la conception fonctionnelle du conditionnement de l’évolution phonétique, on renvoie, une fois pour toutes, à André Martinet, Economie des changements phonétiques, Traité de phonologie diachronique, Berne, 1955.
16 M.-P., p. 320.
17 L’utilisation, par l’ensemble des phonéticiens de l’ère préphonologique, d’une quantité mi-longue marquée par un seul point postposé à la notation du son, ne doit pas faire supposer l’existence de l’opposition de trois durées distinctives. Une notation comme [my.l] pour mule laisse supposer des usages hésitant entre /myl/ et /my:l/.
18 On relève toutefois [lje:ʒ] pour la ville de Belgique dont l’orthographe officielle est encore – ou est longtemps restée (?) – Liége ; M.-P. donne Liège avec le grave.
19 Paris, 1973. Il sera cité ci-après sous la forme abrégée M.-W.
20 On s’étonnerait que mètre, noté /mɛ:tr/ ait été réellement, chez un sujet déterminé, distinct de maître ; cf. ci-dessus, note 17.
21 On renvoie, sur ce point, aux résultats assez étonnants de l’enquête de 1941 ; cf. Martinet, Prononciation, p. 127-128.
22 Sur tous ces points, cf. André Martinet, Le français sans fard, Paris, 1969, p. 138-143.
23 Cf., ci-dessus, note 6.
24 Il faut signaler les termes de « brusque » et de « tendre » que Damourette et Pichon, dans leur Essai de grammaire de la langue française I, p. 174 et 198, utilisent pour opposer les deux voyelles finales en cause. Il s’agirait d’une survivance attestée dans l’usage de la haute bourgeoisie.
25 Cf., ci-dessus, au niveau de la note 22.
26 On se référera à l’Introduction, dans M.-W., p. 17 à 19.
27 La dynamique, IX-15.
28 La tendance est certainement plus ancienne ; cf. Henriette Walter, La dynamique, p. 50
29 Cf. André Martinet, Le français sans fard, p. 191-208.
30 Emile Benveniste affirmait qu’il distinguait entre pin et pain.
31 Cf. Le Français sans fard, p. 131-143.
32 Cf. Henriette Walter, La dynamique, p. 399.
33 Les deux modalités de la confusion sont bien distinguées dans André Martinet, « Le sort de n mouillé en français », World Papers in Phonetics, Tokyo, 1975, p. 341-351.
34 On trouvera quelques indications en ces matières dans André Martinet Prononciation, p. 151-162.
35 Prononciation, p. 160.
36 Voir ce qui y est dit, p. 34.
37 L’enquête, tout à fait parallèle à celle de 1941, réalisée vers 1965, par Guiti Deyhime, dont les résultats sont donnés dans La linguistique, 1967, fasc. 1, p. 97-108 et fasc. 2, p. 57-84, a, pour Paris, 84 % de géminées dans sommet, 15,5 % dans addition.
38 Les parlers parisiens, p. 44 et 45.
39 Prononciation, p. 168-170.
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