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Présentation

p. 353-358


Texte intégral

1Cette troisième partie n’a pour prétention que de rassembler quelques textes importants (et parfois méconnus) autour d’enjeux dont la portée d’ensemble resterait à préciser pour elle-même. On est déjà, peut-être, en mesure de repérer des continuités mais aussi des déplacements dans les débats qui s’esquissent ici ; on pourra vérifier si le thème de la protection permet ou non de les caractériser ; plus qu’ailleurs encore, on sera amené à prolonger cette « coupe » ou ce « parcours », jusqu’aux questions qui sont encore les nôtres, ou par lesquelles quelque chose de « nôtre », c’est-à-dire de commun, peut se découper aujourd’hui autour des « droits de l’homme », entre leur protection et leur violation, la résistance et l’espérance.

1. Droits de l’homme, libertés publiques et solidarité sociale

2Sous ce titre, c’est encore du statut juridique propre aux droits de l’homme qu’il est question. Les textes que l’on propose ici (on se reportera aux notices consacrées à leurs auteurs respectifs pour un aperçu de leur contenu propre), dessinent ce que serait le régime des « libertés » déjà énumérées en partie dans la déclaration de 1789, dans un régime consacré à les garantir ou à les protéger, et quelle serait la justification d’une telle protection.

3Le débat tourne alors sur la nécessité de reconnaître ou non ces libertés, qui ne vont pas de soi et suscitent chacune un débat et une histoire propre (selon les circonstances et par exemple les dimensions techniques de leur exercice) ; mais aussi de les reconnaître en tant que droits subjectifs, comme le montre le texte représentatif de la pensée de Duguit.

4Il intègre alors le débat sur les droits sociaux, lui-même.

5C’est en entrant dans les controverses qui accompagnent la mise en place de « l’État providence » (les premières grandes lois datent en France de 1898), que le « droit social » en tant que tel (indépendamment des « droits sociaux » que déterminent des activités spécifiques de revendication), trouve sa dimension propre. Les textes très proches, mais qui intègrent les objections qui leur ont été adressées, de Bourgeois et Bouglé, sont là pour en témoigner ; là aussi, ce serait de nombreux autres textes qu’il aurait fallu convoquer pour approfondir ces questions.

6On a notamment laissé de côté ici (comme mieux connues aussi) les interprétations que donnent des droits de l’homme les grands sociologues de l’époque, Émile Durkheim, et Max Weber (dans sa Sociologie du droit) surtout. On n’a pas évoqué non plus les débats internes aux libéralismes et aux socialismes (la polémique entre Bernstein et Kautsky dans ce dernier cas), et la place qu’y tient le droit en tant que tel. Il s’agissait seulement, pour ainsi dire, de rappeler les soubassements philosophiques de la notion de solidarité, et des débats qui l’entourent, qui restent ceux mêmes de la protection et de la justice sociales.

2. Droits de l’homme et idéal d’humanité

7Sous ce titre inspiré d’un des textes qui composent cette partie du recueil (celui de Masaryk), il s’agissait essentiellement de rendre compte de deux débats qui ont marqué le « tournant du siècle », l’un autour de l’Affaire Dreyfus, l’autre autour de la Raison d’État, des relations internationales, et de l’idée d’humanité, à la veille de la Première Guerre mondiale.

8Sans être entré dans le vif de la polémique politique autour de l’Affaire Dreyfus, qui donna lieu d’ailleurs à la formation de ligues concurrentes (dont celle « des droits de l’homme », sur laquelle on n’a pas pu s’étendre, et qui préfigure tout en s’en distinguant précisément par ses origines les « associations » que nous pouvons connaître aujourd’hui), on a seulement tenté d’en dégager dans deux directions les ambiguïtés quant au recours, critique ou positif, aux droits de l’homme. Les textes de Jaurès et Péguy indiquent à quel point la référence aux droits en tant que tels, loin de faire l’objet d’un consensus ou d’une évidence reconnue appelle une justification.

9Le second extrait de Péguy, avec sa critique du « jugement juridique », rend compte de la complexité de sa pensée, et amènerait à repenser la question des rapports entre droit et histoire.

10Quant à l’idéal d’humanité, on en lira deux approches qui peuvent paraître complémentaires, par la reformulation des droits de l’homme qu’elles appellent, chacune différemment : Masaryk par la reprise du droit de l’individu et du droit des peuples sous la figure commune d’un idéal d’humanité dont la force et non le défaut vient peut-être de son caractère d’idéal ; Hermann Cohen enfin (le grand philosophe néo-kantien de l’école de Marbourg) par la mise en place conceptuelle des différentes significations de l’humanité, et leur portée polémique devant les risques de l’État nation et de l’autonomie du concept de politique.

3. L’acte de déclarer : enjeux rétrospectifs

11Sans clore cette histoire (comme on l’a souligné plus haut), on peut cependant, comme on dit, « boucler la boucle », en rendant compte des débats qui divisent juristes et historiens du droit, quant aux sources et à la portée de la déclaration de 1789, plus de cent ans après. Précisons cependant que nous n’avons pas cherché à rendre compte des polémiques proprement historiques qui n’ont cessé de se développer, jusqu’en 1914 et au-delà, autour de la Révolution et de la place qu’y tient cette déclaration. On devrait pour cela, à la fin du siècle, faire appel aux Histoires de Jaurès (Histoire socialiste de la Révolution française), de Taine (Origines de la France contemporaine), de Aulard (Histoire de la Révolution, qui se place tout entière sous l’égide de la Déclaration de 1789), de Cochin, d’autres encore. Ce n’en était pas le lieu.

12On trouvera cependant des extraits de la polémique célèbre qui opposa le juriste allemand Georg Jellinek, au Français Émile Boutmy, polémique concernant à la fois les sources (anglo-saxonnes et religieuses pour l’un, françaises et issues des Lumières pour l’autre), et le contenu (qui confirme selon le premier sa théorie des « droits subjectifs publics »). L’importance de ces débats en est confirmée par le texte du philosophe russe Kistiakovski, écrit au début de l’année 1905, au début de la première Révolution russe, et qui résume très simplement la portée juridique et sociale de ce que l’on appellerait aujourd’hui l’État de droit, aussi bien que le poids des objections que lui adressent la sociologie et la jurisprudence.

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