Chapitre 6. L’installation des Russes dans les provinces françaises : des trajectoires méconnues
p. 155-184
Texte intégral
1L’arrivée des Russes dans les provinces françaises des années vingt s’inscrit dans un mouvement massif d’immigration. En l’espace d’une décennie plus d’un million d’étrangers franchissent la frontière pour fournir au pays les bras qui lui font défaut. Les réfugiés russes, loin d’être distingués de la main-d’œuvre étrangère comme on le pense parfois, lui sont au contraire étroitement assimilés. Et la plupart d’entre eux disent clairement être venus en France « pour travailler »1. Par leur taux d’actifs, ils représentent, proportionnellement à leur nombre, l’une des minorités étrangères les plus impliquées dans la vie économique du pays. Leur arrivée, concomitante de celle des Polonais ou des Yougoslaves, se situe le plus souvent dans le cadre d’une immigration « organisée ». Les années 1920 sont en effet marquées par la mise en place, à grande échelle, du recrutement à distance des ouvriers et de leur placement collectif dans les grands centres industriels du pays. Ces pratiques entraînent l’installation des « nouveaux » groupes nationaux qui ne sont plus seulement des voisins, italiens belges, mais désormais aussi des Slaves. L’extension géographique de l’immigration (en particulier aux pays d’Europe centrale et du sud-est européen) a ainsi favorisé, voire déterminé, la venue des réfugiés russes et arméniens à partir du milieu de la décennie. La majorité des Russes installés en province font partie de ces contingents importants « d’immigrés placés » auprès des entreprises françaises et dont il est difficile de dissocier le destin des autres étrangers, tout aussi démunis, venus pallier la carence de main-d’œuvre.
2Les organisations russes jouèrent un rôle non négligeable d’intermédiaire dans la sélection des candidats à l’embauche et dans leur suivi. Dès le début de la décennie, les acteurs sociaux de l’émigration mirent en place des projets de colonisation agricole, en particulier dans le Bosphore, qui préfiguraient les placements collectifs qui allaient suivre en France. Très vite les organisations russes surent s’adapter aux nouvelles formes de recrutement et intégrer les réfugiés dans les opérations de transfert de main-d’œuvre. Cet aspect de l’histoire des réfugiés est pourtant absent de la mémoire collective russe et méconnu dans l’historiographie de l’immigration de l’entre-deux-guerres en France où les réfugiés russes demeurent dissociés des politiques de recrutement collectif censées ne les avoir que peu concernés.
3Si l’on excepte les noyaux de réfugiés auprès des centres industriels de province, le tour de France des colonies russes fait apparaître des configurations historiquement et sociologiquement différenciées la plus remarquable étant indéniablement la concentration russe sur la Côte d’Azur. L’histoire, la géographie, les modalités d’arrivées et les activités exercées font apparaître quelques grandes tendances de la nouvelle « province russe » dans la première décennie d’installation. Mais, si l’on met à part les recensements de population et quelques rares études et témoignages, il reste peu de traces tangibles de ces « réfugiés ordinaires » de province. Leur histoire ne peut donc être qu’esquissée.
Une dissémination sur l’ensemble du territoire français
4Comparée à la configuration de l’immigration étrangère dans son ensemble, la géographie de l’implantation russe de l’entre-deux-guerres présente quelques traits distinctifs majeurs dont le plus important (la concentration des réfugiés dans le département de la Seine) a déjà été mentionné.
5Analysant leur localisation, Georges Mauco constate « qu’avec les Russes, on arrive au maximum de dispersion à travers le pays. Aucune influence ni climatique, ni ethnique ne semble avoir agi sur eux. Il y en a dans tous les départements et ceux qui en comptent le plus se trouvent aux quatre coins de la France »2. Ce qui caractérise en effet la nouvelle géographie des Russes des années vingt est leur très forte dissémination sur le territoire en 1926, 56 départements comptent plus de 100 Russes3. En revanche, il en est peu où leur présence soit numériquement très significative, allant au-delà des 1 000 personnes. En dehors des Alpes-Maritimes, c’est le cas dans trois départements la Moselle, le Loiret et le Rhône. Dans les années vingt s’esquissent progressivement de nouveaux « territoires russes ». Le plus important est la région Rhône-Alpes, véritable melting-pot de nationalités dans l’après-guerre où l’installation ancienne et récente des Italiens ne peut masquer la part de plus en plus grande des nouveaux venus, Arméniens, Russes, mais aussi Grecs et Africains.
6Compte tenu de leur forte dispersion sur le territoire, les Russes apparaissent comme des minorités marginales. Dans la région lyonnaise en 1926 ils sont à peine 2 000 pour plus de 60 000 étrangers où dominent très largement les Italiens. La même remarque peut s’appliquer à presque tous les départements où ils sont présents. Peut-on en ce sens parler de « concentrations » de Russes ? La caractéristique de leur implantation est plutôt d’être très resserrée. En Saône-et-Loire la quasi-totalité des Russes enregistrés dans le département (400 environ) sont employés dans les usines Schneider du Creusot. Autrement dit, ces regroupements reflètent bien les politiques de recrutements collectifs mises en place dans les années vingt. Dans un rapport de 1925 le Bureau International du Travail chargé du placement des réfugiés mentionne clairement cette stratégie de localisation : « L’établissement d’un petit nombre de réfugiés dans une région déterminée s’est révélé, en règle générale, un moyen propre à préparer l’établissement de parents et amis dans un avenir rapproché et il a été démontré, poursuit le rapport, qu’une méthode de placement très efficace consiste à organiser des transports par petits groupes comprenant de 10 à 300 réfugiés4. »
7Comparée à la région parisienne la « province russe » se présente donc sous des traits différents qui sont propres à l’immigration de l’entre-deux-guerres dans son ensemble, à une exception près cependant : les Alpes-Maritimes.
La Côte d’Azur une implantation ancienne Marseille une ville de transit
8Depuis la fin du xixe siècle, les statisticiens français, lorsqu’ils commentaient la présence des Russes en France, évoquaient immanquablement la Côte d’Azur et, dans une moindre mesure la côte Basque, régions de « villégiature » très prisées des sujets de l’Empire5. À la veille de la Première Guerre mondiale, Ils étaient plus de 3 à résider, temporairement ou non, dans le département des Alpes-Maritimes. Cette présence saisonnière, initialement liée au mode de vie de l’aristocratie, a finalement entraîné des installations permanentes. Un noyau de Russes aisés, bénéficiant directement ou indirectement des séjours réguliers des grandes familles de l’Empire, s’était constitué avant la Grande Guerre et allait être naturellement sollicité lors des arrivées massives de la décennie suivante. Mais les traits distinctifs de cette présence russe régionale ne se sont pas pour autant effacés avec l’installation des réfugiés de la guerre civile. En 1926, l’observation des statisticiens n’a pas varié les Alpes-Maritimes constituent toujours pour les Russes une région de villégiature dont plusieurs indicateurs socio-démographiques font apparaître les caractéristiques propres la représentation des deux sexes y est très équilibrée (contrairement aux autres centres de la province russe où les hommes sont très majoritaires), ce qui signale une installation essentiellement familiale le taux des actifs y est peu élevé. De plus, la proportion de ceux qui sont enregistrés dans les professions libérales y est encore plus importante qu’à Paris même6.
9D’après le recensement de 1926, la Côte d’Azur n’a pas connu en ces années-là un accroissement spectaculaire de la présence russe7. Mais ce recensement ne pouvait rendre compte du rôle, semble-t-il singulier, de cette région qui fut un passage très fréquenté par les nouveaux venus et qui s’imposa dans l’entre-deux-guerres comme le lieu principal des séjours de vacances des réfugiés. À leurs yeux, Cannes, Menton et surtout Nice, constituaient, après Paris, les principales villes russes de France, la noblesse d’ancien régime y avait matérialisé sa présence dans les pierres églises, sanatoriums, cimetières, riches villas de vacances rappelaient l’existence d’un passé prestigieux8. L’installation définitive de l’aristocratie déchue dans ses anciens lieux de villégiature a fait perdurer cette représentation. Le grand duc Nicolas Nicolaevitch achève ainsi son exil à Antibes dans une demeure de famille où il meurt en 19289.
10L’émigration russe sur la Côte d’Azur ne s’est pas limitée à l’installation permanente des nantis de l’ancien régime mais le rôle de ces notables dans l’accueil des plus démunis et leur implication dans la mise en place des organisations de bienfaisance, d’entraide et de loisirs, a contribué à accroître leur notoriété. Le développement des activités caritatives et culturelles paraît avoir été dans cette région particulièrement important c’est à Nice que fut organisé, à l’instigation du prince Galitsine, le comité d’assistance aux réfugiés de Russie10. Dans cette même ville était localisée la société de secours par le travail pour les émigrés russes de la Côte d’Azur, association fondée sous le patronage du Grand Duc André de Russie qui sollicita à plusieurs reprises les représentants de la SDN dans sa recherche d’emplois pour les réfugiés au chômage11 et la Croix-Rouge russe y créa l’une des premières maisons de repos, la Villa Konak. Se remémorant l’histoire de son institution, la responsable de la bibliothèque de Nice rappelait qu’elle contenait 25 ouvrages, qu’elle avait abrité un petit atelier d’édition et qu’elle avait été très fréquentée par des émigrés « dans une misère noire », à tel point que furent organisés chaque jour des repas gratuits dans la salle de lecture12.
11L’arrivée des réfugiés suscita également un mouvement de soutien important dans les milieux catholiques. À l’initiative de Mgr Caloen, fut créée l’Association d’aide aux émigrés russes de la région des Alpes-Maritimes qui mit en place une école, un orphelinat, etc.13 Les centres d’accueil de la Riviera russe contribuèrent ainsi à pérenniser le pouvoir d’attraction de la région, en particulier auprès des réfugiés arrivés à Marseille.
12La multiplication rapide de lieux d’accueil temporaire contribua grandement au renom et donc à la fréquentation de la Côte d’Azur. Le développement de centres de vacances, de maisons de retraite et de colonies d’enfants réfugiés fut au départ le fait d’initiatives privées et prit ensuite beaucoup plus d’ampleur. La qualité du climat, la tradition de villégiature, l’existence de plusieurs grands domaines russes dans lesquels les propriétaires concédaient volontiers une partie de leurs champs pour des campements d’été, facilitèrent l’organisation de séjours estivaux collectifs, progressivement institutionnalisés par des associations de jeunesse, des associations caritatives ou professionnelles. Le groupe académique russe, par exemple, était devenu propriétaire d’un terrain près du Lavandou et, à son initiative, des maisonnettes furent construites pour accueillir pendant l’été les intellectuels émigrés14. Cette présence temporaire mais régulière explique pour beaucoup le décalage existant entre la représentation de cette région comme pôle important de l’émigration en France et la réalité de l’implantation russe permanente qui n’y a guère dépassé quelques milliers de personnes. Autrement dit, la Côte d’Azur se présente davantage comme un lieu de premier accueil, de passage et de circulation, qu’un lieu d’installation définitive. Dans un contexte très différent, ce fut aussi le cas de Marseille où nombre de réfugiés ont fait leurs premiers pas sur la terre française avant de circuler dans les régions du sud ou de remonter la vallée du Rhône.
13Les importantes vagues d’arrivées de Russes et d’Arméniens en provenance de Turquie, de Grèce et du Proche-Orient font de Marseille l’un des premiers lieux d’accueil des réfugiés. « Le port phocéen, écrivent des spécialistes de l’immigration régionale, devient l’une des plaques tournantes d’une migration qu’il faut bien qualifier de politique, même si les réfugiés (…) sont surtout victimes de phénomènes qui les dépassent15 ». Marseille est à vrai dire le seul endroit qui porte la trace d’une infrastructure « moderne » d’accueil pour les réfugiés le camp.
14Le camp Victor-Hugo constitué de baraquements plantés dans un terrain vague près de la gare Saint-Charles fut d’abord créé pour les Russes par la Croix-Rouge française. En 1923, il abritait environ 600 personnes16. La fille du vice-directeur de cet établissement (un ancien officier de l’armée Wrangel) rappelait, avec ses mots, le melting-pot social qu’il a été « Il y avait de tout là-dedans, des gens très bien mais aussi des gens dont on pouvait se demander pourquoi ils étaient là. Ils ne savaient pourquoi ils avaient émigré, c’était parce que les Alliés embarquaient, embarquaient… Mais ces gens ils n’étaient pas plus blancs que rouges et ils auraient très bien pu rester de l’autre côté de la barrière17… »
15Contrairement aux Arméniens qui s’installent en nombre à Marseille les Russes ne font généralement qu’y passer. Au début de la décennie ce sont les officiers évacués vers Bizerte qui constituent les premiers flux d’arrivées dans la ville. Quelques uns ont déjà en tête une destination précise, un contrat de travail en poche, ou un objectif d’études. Le Bureau de travail et d’assistance créé en Tunisie par le Comité directeur du Zemgor a déjà orienté certains trajets. À Marseille même, le Zemgor a fondé un bureau de travail, le seul de l’organisation existant en province et qui accueille surtout les premiers évacués en provenance de Turquie et de Grèce. En mai 1922, le bilan d’activités de ce bureau faisait état de plus de 4 000 réfugiés placés dans différents travaux et emplois sur les 5 qui avaient sollicité cette organisation18. Mais il s’agissait généralement d’emplois peu rémunérés, acceptés le temps d’épargner avant d’aller plus loin.
16Les Bouches-du-Rhône qui en 1921 représentaient le deuxième « département russe » de France devient minoritaire dans le courant de la décennie. Il est vrai que les étrangers y étaient réputés pour être quasiment « invisibles » aux yeux des autorités… Dans son enquête sur l’émigration russe de Marseille M. précisait que parmi les 3 Russes de la ville, il fallait distinguer deux groupes d’un côté les travailleurs en usines et de l’autre les travailleurs du port, jugés, eux, peu recommandables, dépourvus de papiers en règle, vivotant d’emplois précaires et de petits trafics19. Mais la majorité des Russes arrivés à Marseille n’ont fait que transiter en ce lieu20.
17À partir de Marseille les émigrés se dispersent, la plupart du temps par petits groupes, dans les régions du Sud-Est ou du Sud-Ouest et plus encore vers le Nord, en passant d’abord par Lyon. Marseille, cité de transit, est bien souvent le début d’un chemin qui mène aux grandes régions industrielles de l’intérieur.
Le recrutement à distance : de l’improvisation à une organisation concertée
18Bien que l’immigration organisée représente par son étendue la grande innovation des années vingt, les spécialistes s’accordent à reconnaître l’importance des arrivées individuelles non contractuelles, en premier lieu celles des ressortissants des pays voisins (Belgique, Suisse, Espagne et Italie) et ensuite celles des réfugiés. « L’immigration spontanée, lit-on sous la plume de Jean-Charles Bonnet, fut renforcée par des êtres fort dissemblables, d’ex-minoritaires opprimés comme les Arméniens et d’ex-hommes libres appartenant à la classe privilégiée comme les Russes blancs21. » Les arrivées « spontanées » de réfugiés russes furent importantes mais les arrivées organisées à partir des pays d’Europe centrale, orientale et Balkanique, le furent également et ces dernières ont concerné près d’un tiers des réfugiés22. Comparés à d’autres groupes de nouveaux immigrés en provenance de pays dits « lointains » (tels les Polonais dans leur grande majorité embauchés par contrats à partir de Pologne), les Russes n’ont pas été aussi massivement « importés »23. Ils ont été pour l’essentiel recrutés à partir de cinq pays la Bulgarie, la Turquie, la Yougoslavie, la Pologne et, dans une moindre mesure, la Grèce24. Ils sont arrivés tout au long de la décennie, à l’exception notable de l’année 1927 où a cessé la politique d’embauche de tous les étrangers.
19Cette forme de recrutement à distance semble avoir été assez populaire parmi les réfugiés les frais de transport étaient le plus souvent avancés, l’assurance était donnée d’un emploi sûr une fois à destination, et, surtout, les contrats étaient la plupart du temps assortis de la promesse, rassurante, d’un hébergement à proximité de l’entreprise25. Comment s’est donc organisé ce placement ? Plusieurs phases peuvent être distinguées : la première, jusqu’en 1923, fut celle de l’improvisation, on se saisissait de l’occasion, on se laissait porter et déporter par les hasards, mais les organisations russes y jouèrent un rôle régulateur de premier plan.
20Lors de sa fondation en 1921, le Haut-Commissariat aux Réfugiés s’était surtout montré préoccupé de la situation matérielle des émigrés russes. Face à une offre de travail importante, en particulier venue du Brésil, F. Nansen avait d’abord envisagé d’orienter massivement les réfugiés vers le continent sud-américain. Grâce à l’entremise du gouvernement français un premier accord fut passé avec les autorités brésiliennes pour envoyer des contingents de réfugiés de Turquie dans les plantations de café. Mais, nous l’avons dit, le premier bateau en partance pour Sao Paulo, le Rion, qui avait à son bord 3421 Russes venus des camps de Constantinople, de Gallipoli et de Lemnos, échoua lamentablement en Corse26. Après ce signe de mauvaise augure, les obstacles au projet s’amoncelèrent et il fut provisoirement abandonné avant d’être repris dans la seconde moitié de la décennie27.
21Se tournant alors vers les possibilités de placements en Europe, le Haut-Commissariat se borna à signaler les situations les plus urgentes, à faciliter les déplacements à travers le continent avec la délivrance des premiers certificats d’identité et à solliciter les gouvernements. Il était moins concerné par l’organisation même du recrutement que par la facilitation de son effectuation. La modestie des moyens attribués au Haut-Commissariat était justifiée, selon la Société des Nations, par les aides qu’offraient les services administratifs des institutions genevoises. Dès 1921 Fridtjof Nansen sollicita donc les représentants du Bureau International du Travail (BIT) et ceux-ci participèrent aux réunions de concertations intergouvernementales portant sur le sort les réfugiés russes. Le BIT mobilisa son réseau d’agents installés dans plusieurs des capitales européennes et leur transmit les propositions d’embauche qu’il recevait, notamment du service de la main-d’œuvre étrangère du ministère du travail français. Cependant la part prise par le BIT dans les recrutements fut jusqu’en 1925 relativement limitée ; c’est à partir de cette année-là qu’il fut officiellement chargé par la SDN de s’occuper du placement des réfugiés.
22Dans les premières années de la décennie ce sont surtout les organisations russes qui se mobilisèrent pour placer les réfugiés en France. À partir de 1922 le gouvernement français accorda plus de facilités dans la délivrance des visas la Croix-Rouge russe et le Zemgor se consacrèrent alors à l’organisation de migrations à partir de l’Europe centrale et orientale et, d’autre part, à la recherche d’emplois en France en s’appuyant en particulier sur les Bureaux de travail créés par le Comité28. Cette organisation « interne » de l’immigration et du placement professionnel, presque exclusivement redevable aux organisations russes, n’eut qu’un temps. Fin 1923 le gouvernement français (par l’intermédiaire du chef du service de la main-d’œuvre étrangère du ministère du Travail) intervint pour suspendre ces pratiques « D’après les lois, les contingents ouvriers étrangers ne peuvent être introduits en France qu’avec l’autorisation du ministère du Travail et c’est lui seul qui est compétent pour la répartition de ces ouvriers dans les diverses industries. Or (…), les œuvres privées russes établies sur notre territoire interviennent constamment auprès des employeurs pour obtenir le placement de leurs nationaux et entravent ainsi son action29. »
23La décision du gouvernement français fut motivée, selon le délégué du BIT à Vienne, par l’afflux considérable des réfugiés russes d’Allemagne qui fuyaient les effets désastreux de l’inflation30. Bien qu’ils aient contribué à placer 30 000 réfugiés dans la plus parfaite légalité, les agents du Zemgor furent alors contraints de suspendre leur activité, du moins temporairement31.
24D’après le nouvel ordre instauré par les pouvoirs publics, seuls les réfugiés en possession d’un contrat d’embauche ou justifiant de moyens d’existence suffisants pouvaient obtenir le visa d’entrée en France32. Les réfugiés recrutés par le biais du ministère du Travail devaient obligatoirement passer par le Centre des étrangers de Toul qui procédait à des vérifications sanitaires et administratives et les dispersait ensuite dans les différentes entreprises en attente de main-d’œuvre33.
25À la suspension, fin 1923, de l’activité de placement des organisations russes, succéda une phase transitoire au cours de laquelle le ministère du Travail, par le biais du service de la main-d’œuvre étrangère, commença à intervenir plus directement dans les recrutements des réfugiés en invitant les sociétés privées de placement à les sélectionner. De ce point de vue, la création en 1924 de la Société Générale d’Immigration (SGI), issue de la fusion de plusieurs entreprises, (dont le Comité des Houillères), fournit aux Russes de nouvelles perspectives d’embauche. Au cours de cette même année, comme nous l’avons signalé, le Haut-Commissariat réorganisa ses tâches et décida de déléguer au Bureau International du Travail l’action de placement des réfugiés. Cette redéfinition des fonctions permit de clarifier le rôle que pouvaient jouer les organisations russes dans l’aide au recrutement. Après avoir reconnu que la suspension des activités du Comité du Zemgor avait été « un véritable gâchis » le président du BIT affirma « désormais c’est à nous et à nos agents que devront s’adresser les sociétés russes et, pour éviter concurrence et désordre, les employeurs français passeront par notre intermédiaire, soit qu’il s’agisse d’un recrutement administratif direct34, soit qu’il s’agisse de sociétés privées comme la SGI35 ».
Le placement : une collaboration efficace entre le BIT et les comités locaux de réfugiés
26L’atout du BIT était de disposer d’un réseau d’agents dans les capitales d’Europe centrale et orientale qui œuvraient en étroite collaboration avec les comités locaux de réfugiés russes36. Le BIT avait nommé quelques délégués « régionaux » dont la fonction principale était d’organiser et d’harmoniser le travail des sous-délégations localisées dans les capitales. Celles-ci étaient constituées d’un responsable accrédité par le BIT, assisté de quelques adjoints administratifs. Les sous-délégués étaient, en règle générale, des émigrés russes, comme à Belgrade (Yourieff), à Sofia (Serafimov), en Estonie (Rogoschnikov). Ils restaient à l’écart de toute responsabilité communautaire mais assuraient la liaison avec les différentes colonies russes locales, répondant aux demandes, sélectionnant les candidats et organisant les départs.
27Le responsable de la sous-délégation faisait bien souvent appel aux associations militaires ou professionnelles. À Sofia, Serafimov s’adressa ainsi à l’association des cosaques de Bulgarie lorsqu’il reçut du ministère français de l’Agriculture des propositions de placement dans des exploitations du sud-est et du sud-ouest du pays37. L’association des agronomes russes de Tchécoslovaquie participa à la désignation de ces candidats comme à la désignation de ceux qui correspondaient à d’autres offres similaires parvenues à Prague38. Autrement dit, le processus de recrutement local était essentiellement aux mains des représentants communautaires et s’appuyait sur les vastes réseaux associatifs et interpersonnels présents dans chacun des pays. Le succès des opérations de placement était largement redevable à cette prise en charge « interne » des réfugiés-candidats qui s’en remettaient, en quelque sorte, à leurs autorités naturelles.
28Mais, contrairement au recrutement des Polonais ou des Yougoslaves effectués par des contrats bilatéraux qui engageaient l’état « donateur » (notamment à rapatrier ses ressortissants si besoin était), l’une des principales difficultés, quand il s’agissait des Russes, était de garantir une main-d’œuvre constituée d’hommes « sains de corps et d’esprit ». Contrôles sanitaires et justificatifs de toutes sortes (notamment lettres de recommandations d’associations russes) étaient donc exigés comme en témoignent les rapports très circonstanciés adressés par les correspondants locaux sur l’état des opérations de transferts et le choix des candidats39.
29Le BIT de Genève et ses agents régionaux avaient dû, de leur côté, conduire de multiples négociations avec des interlocuteurs très divers : des directeurs de compagnies de chemin de fer en position de réduire les frais de voyages, des agents consulaires à même de diminuer les frais de visas ou d’en faciliter la délivrance, des fonctionnaires en mesure d’assurer les conditions de transit par tel ou tel pays ou de faire reconnaître comme documents d’identité valables les certificats Nansen, etc. Le BIT ne cessait par ailleurs, de faire pression pour maintenir l’offre d’emploi, voire l’accroître.
30Dans son rapport d’activité de l’année 1925, le BIT signalait avoir placé 15 000 personnes, pour la plupart en France et en Belgique, comme ouvriers d’agriculture et d’industrie40. Mais, « il est à craindre, soulignait le rapport, que malgré l’attitude bienveillante adoptée par le gouvernement français et ses services techniques, il ne soit pas possible de maintenir indéfiniment un taux aussi élevé d’évacuations vers la France et qu’il est devenu nécessaire de prendre des mesures pour étudier la possibilité de placement en Amérique du Sud et dans les pays d’Outre-Mer »41. Le recrutement à destination transatlantique allait une fois encore se révéler très marginal, non seulement en raison du coût du transport, mais aussi des exigences imposées par les gouvernements argentins et brésiliens concernant le contrôle et la sélection des réfugiés et leurs documents d’identité42. C’est donc la France, essentiellement, que le Bureau International du Travail continua inlassablement de solliciter.
31Le BIT prétendait, selon Albert Thomas, centraliser l’ensemble des offres de travail. En réalité l’activité de la Société Générale d’Immigration (SGI) lui échappait en grande partie. Cette puissante société fut dans certains cas associée aux actions du BIT à Constantinople par exemple où en l’absence de service sanitaire ayant autorité pour vérifier l’état de santé des candidats, le BIT fit appel à la SGI, présente en ce lieu43. Mais, d’une manière générale, la SGI chercha surtout à recruter les réfugiés dans le pays même où elle embauchait des nationaux et, dans la plupart des cas, elle n’en avertissait pas le BIT. Les rapports de certains sous-délégués apportent sur ce point des informations intéressantes Yourieff à Belgrade signalait en 1926 que sur 1400 ouvriers recrutés l’année précédente dans le pays par la SGI, 350 étaient des réfugiés russes44. Tout comme le BIT, la SGI développa son activité de placement en étroite collaboration avec certains représentants des colonies locales à Belgrade, par exemple, elle agissait de concert avec le « Technopomotch », un comité d’assistance aux réfugiés russes de Yougoslavie, créé par l’ancien attaché militaire russe de Belgrade, qui sélectionnait prioritairement des groupes d’anciens militaires. Peu après la SGI étendit son recrutement aux émigrés d’Allemagne par l’intermédiaire d’une organisation russe de Berlin, le Zentralbüro russischer Arbeitsgenossenschafffen, qui collabora au recrutement des Russes jusqu’alors réfugiés dans les Pays Baltes45.
32Les opérations de placement à distance des réfugiés se poursuivirent jusqu’en 1929 à un rythme qui reste difficile à apprécier en l’absence de tout bilan d’ensemble et en raison de la diversité des acteurs impliqués. Elles cessèrent très brutalement par décision des pouvoirs publics français, anticipant de quelques mois seulement la fermeture officielle des frontières aux immigrés.
L’insertion dans le monde industriel des secteurs privilégiés
33Le mode du recrutement à distance des réfugiés entraîna une relative sectorisation de leur insertion au sein du monde industriel français. La première branche d’activité où ils ont été sollicités fut la métallurgie lourde, en particulier en Lorraine et en Normandie. La Société métallurgique de Knutange, la société lorraine des aciéries de Rombas, la société métallurgique de Normandie, les entreprises Schneider au Creusot, les Usines de Decazeville dans l’Aveyron furent les principales entreprises où ils furent collectivement embauchés46. Ce recrutement « préférentiel » des Russes dans la métallurgie était d’autant plus visible qu’ils étaient quasiment absents dans les mines pourtant souvent situées à proximité, comme en Lorraine. Ceci s’expliquerait par la réaction de rejet des réfugiés pour ce type de travail. À une offre d’embauche collective dans ce secteur, le correspondant du BIT à Belgrade répondait qu’il n’avait pas l’espoir « de pouvoir trouver des candidats, étant donné que les recrutements pour les carrières et les travaux souterrains n’ont jamais eu aucun succès parmi nos réfugiés »47. Si la métallurgie a été le principal secteur du placement collectif des réfugiés, les nouvelles industries textiles, chimiques, celles du caoutchouc et du carton firent également appel à la main-d’œuvre russe en provenance d’Europe centrale et orientale48.
34Dans le souci de limiter les frais de voyage, d’hébergement, etc. les entreprises françaises se montrèrent, en règle générale, très réfractaires à l’embauche des réfugiés mariés. La plupart d’entre elles n’acceptaient qu’un quota limité de familles car leur venue compliquait considérablement les négociations engagées avec le BIT (modalités de remboursement des frais de voyage, hébergement, etc.). Ainsi, la compagnie AFC de Rioupéroux précisait dans son offre d’embauche qu’elle n’accepterait que 25 % d’ouvriers mariés49. De même la Société D’An-zain et Denain, en présentant sa demande de 30 ouvriers russes, se disait prête à en embaucher 9 mariés50. Ces quotas, à peu près comparables en différents lieux, correspondaient à la volonté délibérée de créer des communautés locales en les fixant autour de quelques familles minoritaires qui assureraient un ancrage. Tel a bien été souvent le cas.
Une polarisation sur trois départements la Moselle, le Loiret, le Rhône
35La description que l’on peut faire de la « province russe » est conditionnée par l’information, en premier lieu statistique, livrée par les sources françaises, et les traces très inégales (églises, bibliothèques, archives, témoignages personnels, etc.) laissées par les différentes « colonies » qui se sont formées sur le territoire. Mais ces traces, ou leur absence, sont en elles-mêmes révélatrices des diverses formes d’implantation, passagères ou durables. Certaines régions industrielles sont rapidement désertées mais d’autres, au contraire, restent attirantes malgré la dureté du travail, telles les vallées alpines où la pétrochimie était en plein développement. Il est donc difficile de diagnostiquer chez les Russes une tendance affirmée à fuir le monde de la grande industrie et la condition ouvrière. Le fait est, en revanche, qu’ils se sont plus volontiers fixés dans les nouveaux centres industriels, grands ou petits, de l’après-guerre que dans les vieilles régions ouvrières. Ils y ont bénéficié des politiques sociales de placement et d’encadrement, de la modernité des installations et des logements et, bien souvent, comme à Rioupéroux ou à Montargis, de la bienveillance affichée d’employeurs qui ont favorisé le développement d’une vie communautaire et multiplié les signes de protection.
36La nouvelle province russe qui s’esquisse dans la seconde moitié des années vingt est nettement dominée par les trois « centres » numériquement importants que sont les départements de la Moselle, du Loiret et du Rhône.
37L’arrivée des Russes dans les provinces frontalières de l’est, en particulier en Moselle, s’effectue sur les traces des prisonniers de guerre de l’armée tsariste, massivement transférés des camps d’Allemagne au cours de la Grande Guerre pour servir de main-d’œuvre dans l’industrie lourde de Lorraine. Plusieurs d’entre eux y finirent leur vie comme en témoignait, dans l’entre-deux-guerres, le carré russe du cimetière de Thionville51. Au recensement de 1921 près de 800 Russes étaient enregistrés dans le département et il s’agissait majoritairement de ces anciens prisonniers, désormais libres, mais demeurant les ouvriers qu’ils étaient devenus au cours de leur captivité52. Cinq ans plus tard, le nombre des Russes résidant en Moselle avait plus que triplé. Leur arrivée fut en partie spontanée (la région frontalière accueillant les réfugiés russes d’Allemagne où la crise économique incitait à une nouvelle migration) et en partie organisée par un recrutement à distance en provenance de Bulgarie, de Yougoslavie et de Pologne. Il y eut également des embauches collectives faites à partir du centre d’accueil de Toul où avaient été regroupés des contingents de l’Armée blanche qui devaient être dispersés par petits groupes dans les centres industriels français53. Leur arrivée dans la région fut concomitante de celles des nombreux groupes « d’étrangers lointains », Tchèques, Polonais (ces derniers furent surtout embauchés dans le Nord et le Pas-de-Calais) et Yougoslaves. Cependant, malgré la proximité culturelle « slave » supposée ou réelle, confessionnelle parfois (notamment entre Yougoslaves et Russes), aucune trace ne permet, en l’état actuel des données, de repérer l’existence de solidarités spécifiques entre ces groupes immigrés.
38En Moselle les Russes se répartissent entre les centres industriels d’Hagondange, de Rombas et de Knutange-Nilvange où ils sont pour la plupart employés dans l’industrie métallurgique. À Nilvange, le directeur de l’usine nommé en 1924 est un Français qui a passé 17 ans en Russie à la tête d’un important complexe métallurgique et qui, fort de cette expérience personnelle, favorise autant que possible l’embauche des Russes. Il leur concède un lieu de culte, d’abord improvisé dans une simple baraque en bois mais bientôt transféré dans un bâtiment en pierre. Il met un logement à disposition du prêtre desservant, arrivé de Varsovie avec un groupe d’anciens militaires de l’armée Bredov, (il avait tout d’abord été interné en Pologne à la fin de la guerre civile et avait ensuite gagné la France54). Bien accueillie, la main-d’œuvre russe de Moselle est pour l’essentiel constituée d’anciens soldats et officiers ; elle se distingue de celle recrutée dans d’autres centres de province, presque exclusivement formée « d’évacués » de l’Armée Wrangel. Ceux qui arrivent en Moselle ont des origines très diverses anciens prisonniers de guerre partis de Russie avant la Révolution, « Brédoviens » et, minoritairement « Wrangelistes » Le taux d’actifs russes du département en 1926 (78 %) et le taux de masculinité (90 %), indicateurs clés de l’immigration, donnent une image relativement nette de cette implantation russe.
39Si l’on met à part la Moselle, les Russes se répartissent par petits groupes du Rhin au Pas-de-Calais, parfois sur les traces de compatriotes (soldats de la Grande Guerre employés après l’armistice dans les chantiers de reconstruction de la Marne et de la Meuse), parfois regroupés en petites unités dans les mines de Meurthe-et-Moselle ou d’autres départements. Aucune des grandes villes de la région ne devient véritablement un pôle d’attraction, même si certaines sont fréquentées par les Russes. C’est le cas de Nancy qui, dès avant la Première Guerre, avait attiré un nombre significatif d’étudiants russes et qui demeura, dans l’entre-deux-guerres, une ville prisée des Russes pour son offre de formation55 ; mais il ne s’ensuivit pas d’installations durables.
40La venue des Russes dans les régions de l’Ouest a été pour l’essentiel le résultat des politiques de recrutement collectif menées par les entrepreneurs français. Ce fut le cas dans le Loiret, département qui comptait plus de 1 000 Russes en 1926, presque tous localisés à la Chalette près de Montargis. Le directeur de l’usine Hudchinson Rubber de Montargis qui, au lendemain de la guerre, avait commencé à embaucher d’anciens soldats du corps expéditionnaire russe envoyés en France en 1916, privilégia par la suite le recrutement des Slaves (Polonais, Tchèques) et plus particulièrement des Russes. Il mit à leur disposition un bâtiment pour en faire une « maison de la culture », avec bibliothèque, salle de théâtre, etc.56. Un processus similaire d’implantation peut être observé dans le Calvados où près de 800 Russes avaient été recrutés par la Société métallurgique de Normandie (dont un nombre important d’anciens membres de l’Armée Wrangel)57. Installés à quelques kilomètres de Caen, à Colombelles près de l’usine Schneider, ils formèrent une colonie fortement soudée, bénéficiant de logements mais aussi d’un stade, d’un hôpital et, par la suite, d’une véritable église (toujours existante) construite avec des fonds provenant de l’usine58. D’autres placements dans des lieux où les conditions de vie étaient précaires, comme à Ferrières-les-Etangs, ne furent, pour cette raison même, que des lieux de passages59. Mais, dans la majorité des cas, les Russes se montrèrent plutôt heureusement surpris de l’accueil qui leur fut réservé.
41L’implantation des Russes dans la région Rhône-Alpes est déjà sensible lors du recensement de 192660. Ils s’installent principalement dans le département du Rhône mais se répartissent déjà alentours et sont loin d’être les seuls étrangers à arriver dans la région. Les immigrés sont nombreux dans les nouvelles entreprises de filatures lyonnaises et dauphinoises où Décines et Argentières deviennent de véritables melting-pot de nationalités diverses. Le développement de la soie artificielle a fortement accru les besoins en main-d’œuvre et, au milieu de la décennie, les usines de soieries de la banlieue lyonnaise attirent plus de 25 Arméniens, 4 000 Africains, etc. Les Russes, qui sont près de 1 500, sont mêlés à tous les étrangers que les industriels embauchent désormais en masse, faute de main-d’œuvre locale, mais ils sont surtout considérés comme un complément de main-d’œuvre61. À Décines, un bourg de la banlieue de Lyon où s’est implantée une usine de la SLSA (Société Lyonnaise de Soie Artificielle), les étrangers s’installent dans de telles proportions qu’en 1931 les Français de la commune sont devenus minoritaires. Face aux Arméniens (33 des étrangers) ou aux Italiens (16 les Russes ne forment qu’un petit groupe (5 %) où presque tous sont employés « par la soie »62. Certains ont fait l’objet d’un recrutement collectif comme les « Decineki », ces jeunes filles de Décines anciennes élèves d’un institut noble, évacuées vers la Serbie, et qui arrivèrent munies de contrats à la SLSA au milieu des années 192063. D’autres étaient « descendus » après avoir terminé un premier contrat de courte durée dans la métallurgie lorraine ou en Côte d’Or, tel cet ancien officier de l’armée russe ayant répondu à l’appel d’un compatriote de Décines qui lui écrivait : « laissez tomber ça, venez ici. Ici on travaille en blouse blanche64 En dépit de leur faible représentativité dans la population étrangère de Décines et de leur nombre réduit, les Russes, comme dans bien d’autres petites villes de province, s’organisèrent localement, obtinrent du directeur d’avoir leur église, fêtèrent le nouvel an russe dans la maison arménienne, etc.
42Il existe à Lyon même une véritable colonie de Russes avec son consulat, (devenu après 1924 une représentation de l’Office des réfugiés russes), ses paroisses, ses comités caritatifs, comptant quelques centaines d’étudiants intégrés dans les universités et un certain nombre de familles de notables ayant pignon sur rue. Pour la plupart médecins, avocats, intellectuels, ces émigrés installés à Lyon dès avant la guerre, donnent de la colonie lyonnaise une image un peu semblable à celle qui domine à Paris où la visibilité des élites masque la réalité de la main-d’œuvre émigrée65. À Lyon, comme à Paris, se trouve ainsi conforté le sentiment d’une « spécifité russe » quand il s’agit de se représenter la place des étrangers dans la région.
43Grenoble a également sa place dans l’histoire des implantations russes de province. De nombreux réfugiés y sont employés dans plusieurs entreprises dont la Coopérative des Travaux en Béton Armé, la COTRAB (dont ils avaient détourné le sigle en « Compagnie Ouvrière des Travailleurs Russes de l’Armée Blanche »), qui embaucha environ 300 Russes. Véra L. se remémore les jeunes années passées dans les baraquements avoisinant l’usine où la précarité du cadre de vie était compensée par une vie communautaire intense : des concerts, bals, conférences avaient lieu dans la salle des fêtes mise à la disposition des ouvriers, ou dans l’église, aménagée dans une simple pièce en location, qui était desservie par un prêtre, ouvrier à la COTRAB66. Grenoble devint ainsi une petite capitale pour les nombreux groupes de réfugiés disséminés dans les environs, ceux de Rioupéroux, de Rives, d’Argentières ou de Pont de Chéruy…
44À Riouperoux, c’est la création, en 1921, de la puissante compagnie Alais-Froges et Camargue (AFC), et la mise en service de 50 cuves coulant l’aluminium qui suscitent l’arrivée de nombreux étrangers. Les réfugiés russes en représentent, en 1931, 32 %67. Le directeur de l’AFC de l’époque, P. Torchet, avait travaillé dans le passé en Sibérie et se disait très sensible à la « cause russe »68. À Rioupéroux la politique patronale a le souci de fidéliser une main-d’œuvre réputée instable, et en 1929 cette crainte va se voir confirmée. Alors que l’entreprise compte 129 Russes sur 240 employés, leur effectif chute en quelques jours pour descendre à quelque 50 personnes. La plupart des « fuyards » étaient partis s’embaucher dans l’usine de soie artificielle de Vizille qui payait 2, 40 frs de l’heure contre 2, 30 à l’AFC69 Pour fixer la main-d’œuvre, le patronat multiplie les initiatives allocations pour les enfants (40 frs pour un garçon mais 30 pour une fille embauches groupées des vétérans de l’Armée blanche, construction de logements, etc. Les deux immeubles, des « multicellulaires » de l’AFC, qui possédaient tout le confort moderne (chauffage central, électricité, cave, jardin), devinrent la « petite Russie » de Rioupéroux. Bien qu’ici comme ailleurs les Russes, « anciens militaires ne sachant que faire la guerre », occupent surtout des postes pénibles d’ouvriers subalternes, certains sont recrutés comme ingénieurs et ils habitent alors la Salinière, quartier réservé à la direction et aux cadres. Le premier Russe à s’y installer est un Petersbourgeois dont les études, interrompues en 1917, se sont finalement achevées à Grenoble avec l’obtention d’un diplôme d’ingénieur en électrochimie70.
L’installation dans les campagnes une collaboration fructueuse entre les pouvoirs publics, le BIT et le Zemgor
45Comparés aux autres étrangers, et surtout aux Italiens et aux Espagnols, les Russes furent très marginalement employés dans l’agriculture. Mais leur présence dans ce secteur se distingua autant par la position qu’ils y occupèrent que par les lieux où ils s’implantèrent. Ce fut la résultante d’une politique volontariste du gouvernement français menée en étroite collaboration avec le Zemgor71.
46L’émigration comptait dans ses rangs de nombreux cosaques et d’anciens propriétaires terriens particulièrement peu préparés à une existence hors du milieu rural. La création en Bulgarie et en Tchécoslovaquie d’écoles russes d’agronomie montrait déjà l’intérêt porté à cette formation. Ceci fut pris en compte par le ministère de l’Agriculture français qui cherchait à stopper la désertification des régions du sud-ouest en encourageant l’installation d’étrangers. Dans un premier temps, les autorités françaises avaient surtout porté leur dévolu sur les Italiens, déjà très présents dans les exploitations agricoles de Provence et des côtes méditerranéennes, mais ces derniers furent peu nombreux à répondre à l’appel.
47À partir de 1925 le chef du service de la main-d’œuvre étrangère au ministère de l’Agriculture, Marcel Paon, décida de lancer une vaste opération de recrutement à distance des Russes dans les régions du sud-ouest. D’abord modeste, le projet de M. Paon devint rapidement très ambitieux. Constatant la réticence des agriculteurs à une embauche individuelle des réfugiés, le responsable du ministère préconisa de les installer en France comme métayers et choisit le Gers comme département d’expérimentation72. L’originalité de ce projet consistait à favoriser des installations durables, motivées par l’autonomie accordée dans le développement de l’exploitation ; la contrainte étant, comme dans tout métayage, le partage du bénéfice de la récolte entre le propriétaire et l’exploitant. Ce projet présentait aussi l’avantage d’encourager l’immigration des familles alors que, dans l’industrie, l’offre d’embauche préférentielle allait vers les célibataires.
48Le projet de M. Paon reçut un accueil enthousiaste des différentes colonies russes d’Europe centrale et Balkanique, comme en témoignèrent les sous-délégués du BIT qui transmettaient les offres. La proposition cependant n’allait pas sans obstacles financiers. Au coût du voyage s’ajoutait celui de la subsistance nécessaire jusqu’à la première récolte, évaluée pour une famille de 5-6 personnes à 4 000 francs73. Or aucun candidat au métayage n’était en possession d’une telle somme. Cette difficulté servit paradoxalement les objectifs du BIT qui cherchait alors à obtenir des gouvernements un fonds de roulement. La nécessité d’un système de crédits pour le placement agricole des réfugiés venait donc à point nommé pour légitimer l’existence de ce fonds74. Les nombreux courriers entre le ministère et Genève en disent long sur les innombrables ajustements administratifs nécessaires à la mise en œuvre du projet.
49L’originalité du projet de M. Paon fut d’associer étroitement les dirigeants du Zemgor à son initiative. Sa suggestion de collaborer avec une organisation privée était inédite dans l’administration française. Mais il la défendit ardemment, arguant du sérieux de ses interlocuteurs, de leur convergence de vues et de leur compétence75. Des réformes administratives dans les services locaux de la main-d’œuvre, avec introduction d’un personnel ad hoc (autrement dit russe), s’imposaient76. Le Zemgor fut ainsi associé au projet dès ses débuts, aussi bien dans les modalités de gestion financière (remboursements des prêts), que dans le suivi de l’installation des réfugiés77.
50La participation du Zemgor aux recrutements effectués par le ministère de l’Agriculture s’est concrétisée par la création, en novembre 1926, d’une commission pour l’établissement dans l’agriculture des réfugiés russes. Dirigée par N. Avksentiev, membre du Comité directeur du Zemgor et intellectuel reconnu dans l’émigration, elle disposait d’un bureau à Paris et de quelques employés un ingénieur agronome (russe), basé à Toulouse, accueillait les nouveaux arrivants et servait de correspondant local pour toutes sortes de démarches.
51Ainsi, à la fin de l’année 1926, la coopération entre les différents acteurs du placement agricole paraissait bien établie. Par rapport aux conditions de recrutement dans l’industrie, les réfugiés embauchés dans l’agriculture bénéficiaient d’un double encadrement communautaire, aussi bien lors de la sélection des candidats dans les pays de départ qu’à leur arrivée en France. Cette configuration prometteuse fut cependant rapidement contrariée par la nouvelle donne en matière d’immigration. Dès le début de 1927 la récession de l’économie française eut pour effet l’arrêt brutal des entrées en France. Tous les contrats de recrutements à distance furent gelés, entraînant un fort désarroi parmi les responsables du placement. Pour sauver le projet de M. Paon, le Zemgor suggéra la reconversion vers l’agriculture des réfugiés employés en France dans l’industrie et dont certains, en raison de la crise, avaient été licenciés78. Cette réorientation fit apparaître le Zemgor comme l’organe central de coordination entre l’offre et la demande, tandis que le BIT se trouvait par la force des choses écarté de l’action de placement. L’immigration des Russes vers la France reprit en 1928 à un rythme relativement soutenu durant plus d’un an avant que les entrées soient à nouveau suspendues. Dans cette dernière période l’action de placement parut très efficace et donna lieu aux premières formes de recrutements internes un certain nombre de métayers russes établis dans la région du Sud-Ouest commencèrent à solliciter du BIT l’embauche comme ouvriers agricoles de compatriotes venant de Bulgarie, de Yougoslavie ou d’ailleurs79.
52En décembre 1928, par l’intermédiaire du BIT, une convention fut signée entre le Haut-Commissariat aux Réfugiés et la caisse nationale du Crédit Agricole pour l’attribution de prêts aux réfugiés. « Par cette constitution, le HCR garantit, disait le texte, jusqu’à un million de francs, les prêts à court et moyen terme accordés par les caisses françaises du Crédit Agricole aux réfugiés russes80. » La commission agricole du Zemgor fit officiellement état de cet accord lors de la conférence des fermiers et métayers russes qu’elle organisa durant trois jours à Toulouse en février 1929. Participaient à cette conférence M. Paon, des responsables administratifs et politiques de la région du Sud-Ouest et quelques centaines d’exploitants. Annoncée sous forme de « bilans et perspectives » la conférence présenta le projet du Zemgor soutenu par les partenaires français et genevois la création d’une ferme modèle (aussi appelée centre de rééducation). Il s’agissait d’acquérir une vaste propriété qui serait à la fois lieu d’accueil pour les nouveaux arrivants, lieu de formation aux techniques d’exploitation en France, lieu d’apprentissage de la langue et d’initiation au fonctionnement administratif et fiscal français, etc81. Cette proposition marqua le point d’orgue des ambitions qu’avait fait naître l’organisation de la colonisation agricole dans le Sud-Ouest. Celle-ci, en effet, ne dépassa pas le stade du projet. L’année 1929, chargée de menaces, allait porter un coup à l’optimisme des responsables russes du placement agricole le bulletin de liaison destiné aux agriculteurs russes et créé cette année-là ne connut que deux numéros82. Le numéro deux annonçait l’arrivée prochaine en France de 300 fermiers russes en provenance d’Estonie, mais ces fermiers n’obtinrent pas leur visa d’entrée83.
53Le partenariat établi entre le BIT, le Zemgor, et le ministère eut cependant pour résultat le placement de 3 réfugiés environs, principalement dans les départements de Haute-Garonne, du Gers et du Lot-et-Garonne, mais aucun document à ce jour disponible ne permet de donner le nombre exact de ceux qui obtinrent effectivement des exploitations en métayage.
54De toutes les actions engagées avec la coopération active des organisations russes pour favoriser l’installation des réfugiés en France, c’est à l’évidence cette opération qui fut la plus réussie (même si elle ne concerna directement que quelques milliers de personnes). Elle illustrait l’émergence d’une politique d’accueil conçue en collaboration entre les pouvoirs publics, une institution européenne et une organisation privée, qui alliaient des intérêts différents mais complémentaires.
Le profil de la colonie Russe de Province les formes de « L’entre soi »
55Dispersés dans tout le pays, les groupements de Russes présentent cependant d’étonnantes ressemblances manifestes en particulier dans les « lieux clés », existants dès lors que s’installent durablement plusieurs dizaines ou centaines de réfugiés. L’église, la bibliothèque, la salle commune destinée aux manifestations conviviales et culturelles sont les formes repérables de cet « entre soi » que l’on peut voir aussi bien à La Chalette, qu’à Knutange ou à Décines.
56Le rôle de la vie religieuse dans la réaffirmation de l’identité collective russe est un fait bien connu dans l’histoire de l’émigration. Alors qu’à la veille de la Révolution l’Eglise orthodoxe était confrontée à une véritable crise et que les pratiques religieuses étaient de plus en plus délaissées, l’exil semble avoir stimulé ce que d’aucuns ont appelé une renaissance spirituelle84. Le fait est que la création d’une paroisse fut l’un des réflexes de survie des groupes tout juste installés. Pour les Russes résidant en France, pays de tradition catholique, la conscience d’une différence confessionnelle les amenait à affirmer, par distinction, une identité propre homogène la revendication d’appartenance à l’orthodoxie reconstituait le groupe tout en redonnant à chacun un espace de ressourcement85. De plus, face à l’athéisme militant des dirigeants soviétiques, cette affirmation devenait constitutive de l’identité même de l’émigration.
57À Paris et dans la région parisienne, les fidèles bénéficièrent de divers soutiens des associations ou de mécènes pour trouver un local où pratiquer le culte86. Mais en province, les réfugiés étaient souvent beaucoup plus isolés et démunis. Or, comme cela a été plusieurs fois évoqué, ce sont les directeurs d’entreprises qui la plupart du temps ont répondu aux demandes en mettant à disposition un lieu (hangar, bureau désaffecté, etc.) réservé au culte. Pour ces dirigeants l’existence d’une vie paroissiale constituait l’un des gages de fixation durable des ouvriers russes. Le patronat français contribua ainsi à la territorialisation d’une expression confessionnelle minoritaire dans nombre de communes de province où les paroisses orthodoxes, comme à Ugine ou à Colombelles, existent encore de nos jours87. La multiplication des paroisses fit rapidement apparaître la nécessité de former des prêtres c’est pour répondre à ce besoin que fut fondé en 1925 l’institut de théologie orthodoxe Saint Serge à Paris88. Pour les colonies russes de province la vie paroissiale n’était pas limitée au service religieux du dimanche, c’était aussi la chorale, l’enseignement catéchétique aux enfants, les activités caritatives et les cérémonies et les sacrements assuraient cette formalisation des rôles et des liens qui créent la solidité d’un groupe. Le parrainage d’enfants par les célibataires permettait, par exemple, d’associer plus étroitement les « solitaires » à la vie des familles dont ils devenaient par ce biais, un membre reconnu89. Le prêtre et la « matouchka90 », le diacre, le chef de chœur, le marguillier étaient des autorités dans la collectivité où ils jouaient le rôle de conseillers, voire d’arbitres des conflits. Face à « l’étrangeté française », la paroisse représentait une entité symbolique qui reliait la colonie locale à Paris et à la diaspora. En 1946, le recensement ne mentionne plus que quelques implantations russes de province, devenues trop minoritaires pour figurer dans les résultats. Seuls les lieux de culte permettent encore d’attester l’existence de la quasi-totalité de ces colonies formées dans l’entre-deux-guerres91.
58Les bibliothèques, leur approvisionnement en livres et périodiques étaient le plus souvent le résultat du militantisme des grands organismes d’assistance de la diaspora qui souhaitaient à la fois stimuler l’appétence de savoir et préserver le patrimoine culturel. Pour remédier aux troubles du déracinement, les acteurs sociaux parisiens misaient sur la littérature classique ou sur les œuvres nouvelles le livre pourrait peut-être atténuer ce « désœuvrement intérieur » propre à la condition même d’exilé92… La diffusion de bulletins d’associations ou de revues politico-littéraires publiées à Paris (mais aussi à Prague ou Berlin) donnait existence à une « Russie hors frontières », d’autant plus vaste et puissante qu’elle atteignait justement les lieux les plus reculés et improbables de la diaspora. Ce souci d’une assistance culturelle concerna bien sûr les enfants manuels d’apprentissage de la langue russe, de la géographie et de l’histoire du pays (en nombre souvent trop réduits) circulaient de mains en mains durant « l’école du jeudi » animée par quelque institutrice improvisée ou, plus rarement, par d’anciennes enseignantes93. Certaines communautés locales transmettaient l’enseignement de la culture d’origine par des cours de musique, de danse ou de chants, et partout la crainte de la « dénationalisation » des jeunes générations suscitait des initiatives soutenues et encouragées par la capitale. C’est dans les colonies russes de province que la force du lien communautaire est sans doute le mieux perceptible (même si l’étude minutieuse de ce lien reste encore à faire). C’est bien ce lien qui a facilité pour beaucoup l’acceptation de la condition d’ouvrier en apportant, entre autres, la possibilité de mener une double vie. À défaut de racines ici et maintenant, il était possible, solidairement, de cultiver celles d’antan…
59Ce tour de France est fait de trajets « en pointillé » mais la « province russe » présente tant de traits similaires dans les régions françaises qu’un inventaire exhaustif ne paraît pas nécessaire. Ce premier cliché de la répartition des Russes en France et de leurs activités dans la première décennie de leur arrivée fait apparaître des traits connus la dichotomie Paris/province et l’importance d’une émigration d’élites, mais il en rend aussi visibles quelques autres, ignorés ou sous-estimés. Ce qui frappe l’observateur c’est l’étonnante capacité d’adaptation des réfugiés qui ont su créer de multiples formes de soutien pour pérenniser l’activité des uns et des autres dans leur domaine de compétence ou inventer une participation originale aux nouveaux modes de recrutement. Entre, d’un côté, l’intellectuel protégé et réinvesti dans la vie communautaire et, de l’autre, le réfugié pris dans le flot des innombrables travailleurs immigrés il existe nombre de trajectoires atypiques qui, tributaires du hasard ou orientées par une forte volonté personnelle, défient toute catégorisation. Ce qui est certain c’est que les grandes tendances observées amènent à conclure à la réussite de l’insertion des réfugiés russes en France dans les années vingt bien qu’incomplètes les statistiques disponibles sur le chômage des Russes en 1926 donnent, pour l’ensemble de la communauté, un chiffre qui n’est pas supérieur à quelque 3 %.
60Ce tableau « positif » se limite toutefois aux premières années de l’installation. Il sera bientôt modifié avec les changements de la conjoncture économique qui se produisent à la fin de la décennie et, inévitablement, affectent l’évolution des trajectoires professionnelles des réfugiés. De plus se font sentir, à ce moment-là, les effets psychologiques d’une installation qui se révèle durable alors qu’elle n’avait été envisagée que provisoire. Dès lors une nouvelle interrogation comment et jusqu’où, dans la « moyenne durée » de l’entre-deux-guerres, va se transformer l’image de cette collectivité ?
Notes de bas de page
1 À la question 24 du questionnaire d’enregistrement des réfugiés, « dans quelles conditions et dans quel but êtes vous venus en France ? », 50 % des Russes fournissent cette réponse (résultats de l’exploitation statistique des archives de l’OFPRA).
2 Georges Mauco, Les étrangers en France, leur rôle dans l’activité économique, Paris, A. Colin, 1932, p. 168.
3 Contre 28 départements en 1921.
4 Bulletin du Conseil du Bureau International du Travail, janvier 1925, p. 92.
5 La particularité de ces implantations fut signalée par les statisticiens dès le recensement de 1891 et sans cesse rappelée par la suite (Statistique générale de la France, dénombrement des étrangers en France. Résultats du dénombrement de 1891, Paris, 1893, p. LXXXIII).
6 Le taux d’actifs dans le département des Alpes-Maritimes est de 39 % contre 64 % pour l’ensemble des Russes en France. Résultats du recensement général de la population effectué le 7 mars 1926, op. cit., tome 1, 5e partie, p. 28.
7 3492 Russes sont enregistrés dans le département des Alpes-Maritimes en 1926 et ils étaient déjà plus de 3319 au dernier recensement d’avant-guerre (1911).
8 Ellis Leroy, Les Russes sur la Côte d’Azur, Nice, Serre, 1988.
9 Jean Delage, La Russie en exil, Paris, Delagrave, 1930, p. 26.
10 Russkij Spravočnik, Paris, 1931, p. 118.
11 ASDN, FMN, C. 1453, Rr 412/5/22/3.
12 Fonds Claude Vernick, entretien V. P., Nice, 1983.
13 Lev Gillet, moine bénédictin, grand militant de la réunion des Eglises et envoyé à Nice en 1927 pour animer cette association, constitue un témoin privilégié à ce sujet. Cf. E. Behr-Sigel, Un moine de l’Eglise d’Orient, le père Lev Gillet, Paris, Cerf, 1993, p. 131 et sq.
14 Fonds Claude Vernick, entretien (anonyme) à la maison de retraite de La Favière.
15 Marie-Françoise Attard-Maraninchi et Emile Temime, Migrance, Histoire des migrations à Marseille, tome 3, Le cosmopolitisme de l’entre-deux-guerres, 1919-1945, Aix-en-provence, Edisud, 1990, p. 43.
16 Ibid., p. 49. Malgré la décision prise de sa fermeture en 1928, le camp continua d’accueillir des réfugiés. Le guide russe de 1931 (Russkij spravočnik op. cit., p. 119) signale ainsi qu’il peut contenir 550 personnes, qu’il dispose d’un bureau d’assistance temporaire, d’aide à l’emploi, etc.
17 Entretien M. Z., Paris, septembre 1994.
18 Rossiiskij zemsko-gorodskoj komitet, Otčet o dejatel’nosti (fev. 1921-aprel’ 1922), Paris, 1922, p. 90.
19 John Hope Simpson, The Refugee problem. Report of a survey, Londres, Oxford university Press, 1939, p. 307.
20 Marie-Françoise Attard-Maraninchi et Emile Temime, Migrance… op. cit., p. 46.
21 Jean-Charles Bonnet, Les pouvoirs publics français et l’immigration dans l’entre-deux-guerres, Lyon, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976, p. 24.
22 D’après les résultats statistiques des dossiers de réfugiés enregistrés à l’OFPRA.
23 Il n’existe en effet aucune estimation sur la part de l’immigration organisée dans les arrivées de la décennie. À l’époque, déjà, la principale préoccupation des observateurs est de faire la part entre l’immigration contrôlée et l’immigration « clandestine ». Dans son étude sur les étrangers, G. Mauco estime qu’un tiers des étrangers échappe au contrôle, entrant avec un simple passeport de voyage, puis cherchant un emploi une fois arrivés sur le territoire français. Doit-on pour autant conclure que les 2/3 des arrivées correspondent à des recrutements collectifs à distance G. Mauco, op. cit., pp. 129-130.
24 Respectivement 24 % de Turquie, 21 % de Bulgarie, 20 % de Pologne, 16 % de Yougoslavie, 13 % de Grèce, 4 % d’Estonie et 2 % d’autres pays (source OFPRA).
25 Selon un compte rendu du Zemgor à propos de réfugiés qui négligeaient de solliciter les offices d’emplois locaux préférant attendre la possibilité de signer ce type de contrat. RZGK, op. cit., p. 28.
26 Ibid., pp. 98-99. C’est un problème technique de moteur qui nécessita cette « halte ». Mais le rapport fait de cet événement signale aussi les différends apparus lors de la mise en œuvre du projet avec le gouvernement brésilien sur les conditions de prise en charge et d’accueil des réfugiés.
27 SDN, J.O. sept. 1926, Rapport du 5 septembre 1926 sur les questions concernant les Arméniens et les Russes soumis à la 7e session de l’Assemblée par le Dr Nansen, haut commissaire de la SDN.
28 Ces bureaux furent organisés et dirigés non pas par le Comité directeur du Zemgor, mais par l’Association des membres des Zemstvos et Villes russes, sorte de filiale française de l’organisation dont les archives demeurent jusqu’à ce jour introuvables. L’activité de ces bureaux, et notamment les liens créés avec les entrepreneurs français, ne peuvent donc être reconstitués. Seuls, les bilans d’activités mentionnés dans les différentes brochures du Zemgor donnent une idée de l’ampleur du travail de placement effectué.
29 ADSN, FMN, C. 1437, Rr 404/3/22/1, lettre de M. Hainglaise (représentant du gouvernement français au HCR) à M. Krovopousskov, (secrétaire général de l’Association des membres des Zemstvos et des municipalités russes à l’étranger), du 8. 11. 1923.
30 ASDN, FMN, C. 1749, Rr 1749/45-29317, lettre de Reymond (délégué à Vienne) à Collins, du 7. 11. 1923.
31 ADSN, FMN, C. 1437, Rr 404/3/22/1, Rapport du Zemgor du 5 mars 1925 sur l’activité du Comité, p. 4.
32 Signalant ce fait nouveau, le délégué du BIT à Vienne sollicita le bureau de Genève pour qu’il intervienne afin d’obtenir des autorités françaises un assouplissement de la procédure (ASDN, FMN, C. 1749, Rr 1749/45-29317, courrier du 10. 12. 1923).
33 Il était fréquent que les réfugiés, tout en étant en possession de contrats, ne connaissent pas leur destination. Lorsqu’ils étaient recrutés, par exemple, par le Comité des Houillères qui possédait plusieurs centres de production, les agents veillaient soigneusement à répartir les réfugiés par petits groupes dans ces différents centres, de façon à éviter, notamment, de trop fortes concentrations d’anciens militaires.
34 Autrement dit à la suite des propositions d’embauche transmises par le service de main-d’œuvre du ministère du Travail.
35 Lettre du 13 mars 1925 d’Albert Thomas au secrétaire général du Zemgor, ASDN, FMN, C. 1437, Rr404/3/22/1.
36 Ces collaborations avaient été mises en place lors de la délivrance, à partir de 1922, des certificats de réfugiés qui incombaient aux agents locaux du BIT, lesquels s’appuyèrent alors sur les comités de réfugiés pour l’administration des papiers d’identité. Sur ce point, voir chap. VIII, 3e partie.
37 ASDN, FMN, C. 1455, Rr 412/110/22/3, lettre de M. Serafimov à M. Paon du 3. 8. 1927.
38 ASDN, FMN, C. 1411, R 405/2/22/1, lettre de O. Ouspensky à M. Paon du 16. 11. 1925.
39 Cf. par exemple ASDN, FMN, C. 1455 Rr 412/110/22/3 sur l’activité du sous délégué de Sofia.
40 Il existe cependant d’importantes contradictions dans les chiffres donnés par le BIT. Ainsi, d’après les résumés statistiques des placements de réfugiés pour l’année 1925, la France a accueilli 6693 réfugiés dont 2587 Arméniens (Archives GARF, collection SDN, f. 7067, op. 1, d. 175, pp. 142-143).
41 SDN, J.O. sept. 1926, Rapport du 5 septembre 1926 sur les questions concernant les Arméniens et les Russes soumis à la 7e session de l’Assemblée par le Dr Nansen, haut commissaire de la SDN.
42 Dzovinar Kévonian, « Enjeux de catégorisations et migrations. Le Bureau International du Travail et les réfugiés (1925-1929), Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 21, n° 3, 2005, pp. 95-124. En 1925, le directeur du BIT, Albert Thomas se rendit en Amérique du Sud et par la suite une mission d’experts, constituée sous la direction du colonel James Procter, passa 5 mois en Argentine, au Brésil, au Paraguay et en Uruguay pour étudier les possibilités de placement des réfugiés. Malgré des entretiens prometteurs et un intense investissement du BIT dans l’organisation de ces placements, les résultats restèrent peu concluants (env. 3500 réfugiés envoyés en Amérique du Sud).
43 ASDN, FMN, C. 1455, Rr 412/110/23 mars, Lettre du responsable du BIT en France à M. Johnson, du 20. 2. 1928.
44 ASDN, FMN, C. 1401, R 402/10/55/1, rapport du sous-délégué du BIT de Belgrade du 15. 2. 1926.
45 André Pairault, L’immigration organisée et l’emploi de la main d’œuvre étrangère en France, Paris, PUF, 1926, pp. 94-107.
46 D’après les informations collectées dans les dossiers de réfugiés (Archives OFPRA). Les réfugiés arrivés en possession d’un contrat de travail ne précisent pas toujours le nom de l’entreprise qui les a fait venir.
47 ASDN, FMN, C. 1455, Rr 412/110/22/103, lettre de Serafimov à Johnson du 18. 7. 1928.
48 Dans chacune des industries citées, les Russes constituent des effectifs d’environ 1 000 unités.
49 ASDN, FMN, C. 1455, Rr 412/110/22/103, courrier du 4. 3. 1929.
50 ASDN, FMN, C. 1455, Rr 412/110/22/101, courrier du 8. 1. 1928.
51 K. Parčevskij, Po russkim uglam, Moscou, IVI/RAN, 2002, p. 37.
52 Cf. archives OFPRA, dossiers 3411-A, 3222 – A, 8906-D, 8814 – TCH, 6234-F.
53 P. Robinson, The White Russian Army in Exile, 1920-1941, Oxford, Clarendon, Oxford University Press, 2002, p. 93.
54 K. Parčevskij, op. cit., pp. 37-40.
55 Irina Gouzevitch, « La science sans frontières : élèves et stagiaires de l’Empire russe dans l’enseignement scientifique supérieur français xixe-xxe siècles », Les cahiers d’histoire du CNAM, n° 5, février 1996, pp.
56 Entretien collectif avec des membres de la communauté orthodoxe de l’Ouest, 1984 ; John Hope Simpson, The Refugee Problem… op. cit. p. 309.
57 André Pairault, L’immigration organisée… op. cit., p. 184.
58 John Hope Simpson, The Refugee Problem… op. cit., p. 306.
59 P. Robinson, The White Army… op. cit., p. 91.
60 Au recensement de 1921 on ne comptait que 260 Russes dans le département du Rhône et quasiment aucun dans les départements avoisinants.
61 G. Mauco, op. cit., p. 264.
62 Philippe Videlier, Décines, une ville, des vies, Vénissieux, Paroles d’Aube, 1996, p. 95.
63 Florence Silve, « Des émigrés parmi d’autres. Recherches sur la colonie russe de l’agglomération lyonnaise durant la période 1920-1939 », mémoire de maîtrise, Université Lyon III, 1980, p. 62.
64 P. Videlier, op. cit., p. 105.
65 Ibid.
66 Véra L. Entretien, Kiev, juin 2002.
67 F. Sicheri, « Installation industrielle et transformation d’une commune alpestre, Livet et Gavet », mémoire de maîtrise, Université de Grenoble, 1989, p. 61.
68 Oleg Ivachkevitch, Histoire des Blancs de Gallipoli. Mémoire des Russes en Oisans, Grenoble, Belledonne, 1997, p. 51.
69 Ibid, p. 124.
70 Ibid., pp. 121-122.
71 Cf. à ce propos l’analyse détaillée e de cette action : C. Gousseff, « Le placement des réfugiés russes dans l’agriculture. L’État français et le Zemgor dans l’action internationale », Cahiers du monde russe, vol. 46/4, oct-dec. 2005, pp. 757-776.
72 ASDN, FMN, C. 1411, R 405/2/22/1, Courrier de Roques (représentant du BIT en France) à Albert Thomas du 3 novembre 1925.
73 Ibid., lettre du 12. 12. 1925
74 Ibid., Lettre du 3. 4. 1926 de A. Thomas à Roques.
75 ASDN, FMN, C. 1411, R 405/2/22/1, lettres de Paon à Thomas des 16. 3. et 25. 3. 1925.
76 Idem, compte rendu de l’entretien de M. Paon avec Roques, 2. 12. 1925.
77 Les archives de la Commission agricole du Zemgor sont conservées aux Archives russes de Leeds. Elles comprennent de nombreux cartons relatifs à ces tâches d’administration et de finances.
78 ASDN, FMN, C. 1411, R 405/2/22/1, Lettre de Paon à Johnson du 28. 2. 1927.
79 ASDN, FMN, C. 1455, Rr 412/110/22/3/1 ; C. 1401-297, R 402/10/22/1. Compte tenu de l’éparpillement de ces demandes dans les archives, il est difficile de les évaluer précisément.
80 ASDN, C. 1437, Rr 404/3/22/2.
81 Cf. à ce propos, la publication intégrale des actes de cette conférence par le Zemgor (Komissijaro trudovomu zemel’nomu ustrojstvu russkih bežencev : otcet’po soveščaniju russkih ispolščikov i arendatorov na jugo-zapade Francii, 16-18 feb. 1929 g. v Tuluze, SD, 75 pp.
82 Il s’agit du bjulleten’komissij po trudovomu zemel’nomu ustrojstvu bežencev.
83 ASDN, FMN, C. 1437, Rr 404/3/22/1, correspondances Zemgor-BIT, 1929.
84 Jean-Claude Roberti, Nikita Struve, Dimitri Pospielovsky, Wladimir Zielinsky, Histoire de l’Eglise russe, Paris, Nouvelle cité, 1989 ; Dimitri Pospielovsky, The Russian Church under the Soviet Regime 1917-1982, Crestwood-New York, St Wladimir’s seminary press, 1984 ; C. Goussef « Une intelligentsia en exil : les orthodoxes russes dans la France des années 20 », Pierre Colin (dir.),Intellectuels chrétiens et esprit des années 1920 », Paris, Cerf, 1997, pp. 116-137.
85 La vie ecclésiale fut cependant aussi un facteur de dissensions. Plusieurs schismes jalonnent en effet l’histoire de l’émigration (fondation de l’Eglise Hors frontières en 1921 et surtout rupture, à la fin des années 1920 du métropolite Euloge, archevêque des Eglises orthodoxes russes en Europe, avec le patriarcat de Moscou) qui se sont fortement répercutés sur la vie paroissiale. Sur ces schismes, cf. Dimitri Pospielovsky, The Russian Church under the Soviet Regime, op. cit.
86 On trouvera de très nombreuses informations sur le développement de la vie paroissiale dans les mémoires du métropolite Euloge (Put’moej žizni, op. cit.).
87 Elisa Jaffrennou et Bruno Giraudy, Les Russes d’Ugine et l’église orthodoxe Saint Nicolas, SL, 2004.
88 Alexis Kniazeff, L’institut Saint Serge. De l’académie d’autrefois au rayonnement d’aujourd’hui, Paris, Beauchesne, 1974 ; Donald A. Lowrie, Saint Sergius in Paris. The Orthodox Theological Institude, New York, Mc Millan, 1954.
89 Oleg Ivachkevitch, Histoire des Blancs de Gallipoli… op. cit.
90 Épouse du prêtre.
91 G. Couleru, « L’Eglise Orthodoxe en France après la Seconde Guerre mondiale », mémoire de maîtrise, INALCO, 1971. R. P. Alexis Kniazeff, « Géographie historique de l’orthodoxie d’origine russe en France », Comité orthodoxe des amitiés françaises dans le monde, Colloque sur l’orthodoxie en France (29 janvier 1983), Paris, sd.
92 Cf. à ce propos, 3e partie, chap. IX.
93 K. Parčevskij, op. cit. ; Entretiens M. L., Paris, 1993, Véra L, Kiev, 2002.
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L’exil russe
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