2. Correspondance. Tristan Tzara - Francis Picabia Francis Picabia - Tristan Tzara
p. 445-486
Texte intégral
[Pièce n° 42]
1MOUVEMENT DADA
2Zurich
le 21 août 1918.
Monsieur,
Monsieur Valloton m’a communiqué votre adresse, et je me permets de vous faire savoir que je dirige à Zurich une publication d’art moderne Dada qui compte parmi ses collaborateurs Reverdy, Dermée, Soupault, P. A.-Birot, Savinio, Moscardelli, Prampolini, Delaunay, Janco, Arp, Lüthy, etc., etc. Chef rédacteur et représentant pour la France est le poète Paul Dermée. Sitôt que je rentre à Zurich (en une semaine environ), je ferai paraître un cahier à grand tirage et grand format pour lequel je serais fort heureux d’avoir votre collaboration. Ce cahier ne paraîtra pas sur du papier lisse, et ne contiendra (pour la partie picturale) que des dessins et des bois. Comme nous n’avons pas beaucoup de moyens, nous sommes forcés de vous prier de laisser vous-même faire les clichés. Dans quelque temps je vous enverrai les cahiers parus, et j’espère que ses tendances vous plairont assez pour que nous puissions nous réjouir d’un travail en commun. J’attends votre réponse et vous prie de recevoir l’assurance de mes meilleurs sentiments.
Tristan Tzara.
3Mon adresse ici est :
4Hertenstein (Lac des Quatre-Cantons)
5Schloss-Hotel
6à Zurich :
7Hotel Seehof, Schifflände
8[A.I.1 (8), p. 11]
[Pièce n° 43]
9M. Tristan Tzara
10Hertenstein (Lac des Quatre-Cantons)
11Schloss-Hotel
29 août 1918.
Monsieur,
Votre lettre m’arrive à Bex. C’est avec le plus grand plaisir que je compte recevoir les cahiers parus « Mouvement Dada ». Un de nos amis m’a parlé dernièrement de votre publication d’art moderne aussi je suis vraiment très curieux d’en avoir les exemplaires.
Étant très fatigué pour le moment je ne fais rien, mais cet état ne peut durer, aussi j’espère au reçu de votre revue pouvoir vous donner ma collaboration.
En vous remerciant, Monsieur, je vous prie d’agréer mes plus sincères salutations.
Francis Picabia.
12Bains et Grand Hôtel des Salines
13Bex-les-Bains
14[TZR.C.2969]
[Pièce n° 44]
15M. Tristan Tzara
16Hertenstein (Lac des Quatre-Cantons)
17Schloss-Hotel
Mardi 3 septembre 1918.
Monsieur,
Je m’empresse de vous dire que j’ai lu avec grand intérêt vos poèmes et les deux numéros de Dada que vous m’avez envoyés. Je collaborerai très volontiers à votre revue. Dites-moi seulement à quel moment vous devez faire une publication. Je vous envoie mon dernier volume de poèmes et dessins. Je serai heureux de vous rencontrer si l’occasion se présente.
Croyez je vous prie à ma plus vive sympathie.
Francis Picabia.
18Bains et Grand Hôtel des Salines
19Bex-les-Bains
20[TZR.C.2970]
[Pièce n° 45]
21Schloss-Hotel Hertenstein
22Vierwaldstättersee
23G. Berger
Hertenstein, le 7 septembre 1918.
Cher Monsieur Picabia,
Reçu votre aimable lettre, le livre aussi. Je me permets de vous dire la joie que j’ai eue en le lisant. Je suis heureux d’avoir votre collaboration ! Lorsque je partis de Zurich, une publication était en préparation : Dada 3. Comme nous n’avons que très peu de moyens, notre publication paraît assez rarement, par la contribution de quelques amis de Zurich et d’Italie. La pensée qui me tourmente jusque dans les entrailles (qui sont en cristal) est de lui assurer une parution régulière. Malheureusement mes ressources ne le permettent pas. Dada 3 aura le format 27 x 37 et sera imprimé en 2 000 exempl. Le cahier devait premièrement avoir huit pages. M. Janco et H. Arp ont pris sur leur compte l’impression de quatre pages en plus. Si vous voulez m’envoyer quelques poèmes et quelques clichés pour ce numéro, je vous prie de le faire assez vite, car je pars (frais et décidé) la semaine prochaine à Zurich, et de les adresser à : l’Hotel Seehof, Schifflände. Je vous remercie de l’envoi des deux numéros de 391, revue très intéressante et d’esprit vraiment nouveau.
Je me demande si c’est la même revue que M. de Zayas m’envoya d’Amérique, il y a une année, mais qui ne me parvint pas. J’aimerais aussi vous rencontrer : on pourrait mieux parler sur tant de choses.
Croyez à mes meilleurs sentiments de confraternité.
Tristan Tzara.
24[A.I.1 (4), p. 4]
[Pièce n° 46]
9 septembre 1918.
Cher Monsieur,
Je vous envoie un dessin et un poème. C’est tout ce que j’ai actuellement. Je vous prie de faire vous-même le cliché et de me dire combien je vous dois pour cela. Car je suis à la campagne encore pour quelque temps et ne puis m’en occuper. Je vous envoie un autre numéro de 391. C’est bien le journal que de Zayas avait voulu vous envoyer. Il se peut que j’aille à Zurich, et en ce cas je vous ferai signe certainement.
Croyez-moi très sympathiquement à vous.
Francis Picabia.
Dites-moi je vous prie à quelle époque votre revue paraîtra.
25Bex - Hôtel des Salines
26[TZR.C.2971]
[Pièce n° 47]
27M. Tristan Tzara
28Hotel Seehof
29Schifflände
30Zurich
Mercredi 18 septembre 1918.
Monsieur,
Je veux vous raconter une histoire qui vient de m’arriver à Zurich. « Le salon d’art » Wolfsberg avec une grande insistance m’avait demandé de lui envoyer quelques tableaux pour une exposition de peinture moderne, ce à quoi j’ai consenti étant donné les conditions avantageuses qui m’étaient offertes. Or quand mes tableaux sont arrivés il y eut probablement consternation à la galerie et un coup de téléphone m’apprit qu’il était impossible d’exposer de pareilles œuvres. Je n’ai naturellement pas insisté et me suis fait renvoyer mes tableaux1. Mais je serai curieux de savoir quel genre de scandale auraient-ils pu provoquer, car ils ne me paraissent pas si loin de mes œuvres d’il y a cinq ans, et puisque vous habitez Zurich je vous serai reconnaissant de faire une petite enquête là-dessus.
Avec mes remerciements je vous envoie cher Monsieur Tzara mes meilleurs sentiments sympathiques.
Francis Picabia.
Je ne me rappelle pas vous avoir donné la petite « Préface » de Gabrielle Buffet. Je vous en envoie donc deux exemplaires.
311. Il s’agit vraisemblablement de la trentaine de gouaches récemment retrouvées, reprises sur des épures de dessins industriels (Soupape d’admission, Palier graisseur, etc.) exécutées à Bex par Picabia. Voir infra, pièce n° 144.
32Bains et Grand Hôtel des Salines
33Bex-les-Bains
34[TZR.C.2972]
[Pièce n° 48]
Zurich, le 26 septembre 1918.
Cher Monsieur Picabia,
Lorsque je suis arrivé à Zurich, j’étais au salon Wolfsberg où j’ai vu encore accrochées vos toiles (dernières vibrations de la peinture, où vous avez trouvé la finesse et la sensibilité définitive. La plus intérieure richesse, j’ai eu la magnifique joie de pouvoir constater devant vos œuvres, après des années, la tranquillité de l’enthousiasme).
On me dit alors qu’on serait forcé de vous les renvoyer. Le Directeur du salon est un abominable et prétentieux insecte dont l’impuissance et le manque de talent se sont gravés sous forme de vermine sur sa faible qualité de penser. J’ai tenté, tant que l’énorme distance qui me sépare de lui me le permit, de lui faire comprendre le grotesque d’un tel acte. Mes amis Arp (qui aime beaucoup vos tableaux, et qui voudrait bien en acheter un, s’il n’était pas trop cher, au moins un dessin), Janco et Richter ont aussi insisté.
Il y a encore l’esprit de pudicité du propriétaire (M. Wolfsberg), personnage dans le ventre duquel on pourrait, en ouvrant une porte, trouver tout un magasin de produits alcooliques, et l’esprit purement commercial du même, qui ont contribué à cet acte. Ici il faut que vous sachiez encore : l’intention était de montrer de la peinture moderne, ensemble avec un tas de toiles médiocres et faciles à vendre. Or, Arp et les autres ont réussi au dernier moment d’expulser la sentimentalité, et de faire une certaine propreté d’intentions, dans l’exposition. De là, une rage de la direction contre l’art nouveau. Prié par mes amis d’écrire une préface pour le catalogue, j’ai accepté premièrement, mais j’ai refusé en voyant le bas esprit qui conduit ces messieurs.
Recevez, cher monsieur, une bonne poignée de main, et mes meilleures sympathies.
Tristan Tzara.
Excusez le retard de cette lettre : Dada paraîtra en une semaine, j’espère.
35[A.I.1 (1), p. 237]
[Pièce n° 49]
36M. Tristan Tzara
37Hotel Seehof
38Schifflände
39Zurich
Dimanche 29 septembre 1918.
Cher Monsieur,
Merci pour votre lettre, l’histoire Wolfsberg est très amusante – Je vous avoue que c’est la première fois que cela m’arrive – Je suis très sensible à la proposition que vous me faites vous et vos amis de m’acheter une toile – Je regrette de n’être pas en situation de vous l’offrir – Mais dites-moi lequel des dessins ou des tableaux vous avez désiré et la somme dont vous pourrez disposer, quelle qu’elle soit, en sera le prix.
Je serai ce soir à Genève, Hôtel Richemond, et c’est là que je vous prie de m’envoyer Dada – Je serai content d’en avoir plusieurs exemplaires.
Mes deux mains dans les vôtres, et toutes mes sympathies.
Francis Picabia.
Hôtel Richemond
Genève
Notre ami Wolfsberg a eu le culot de me renvoyer mes tableaux en port dû – C’est très délicat n’est-ce pas ?
40Hôtel Éden
41Avenue de la Gare
42Lausanne
43[TZR.C.2973]
[Pièce n° 50]
9 novembre 1918.
Cher Monsieur Tzara,
Cela m’a fait plaisir de recevoir cette jolie carte postale me donnant de bonnes nouvelles de votre santé, vous avez eu probablement cette terrible grippe cosmopolite qui devient chaque jour plus terrible, heureusement vous en êtes sorti indemne, et je vous en félicite. Je ne suis plus à Genève depuis une semaine, des amis m’ayant indiqué un très joli petit pays à trente minutes de cette ville ; connaissez-vous Bégnins ? C’est vraiment agréable comme endroit, avec cela ce qui n’est pas à dédaigner un hôtel très bon marché et une cuisine comme il n’y en a plus en Suisse. J’ai l’impression que je suis chez des amis qui font beaucoup de frais pour me recevoir, si le cœur vous en dit vous devriez venir passer quelques semaines ici. J’attends avec beaucoup d’impatience le cahier Dada 3, plusieurs de mes amis se réjouissent aussi. Écrivez-moi, je vis assez isolé de tout, et vos lettres sont pour moi un contact sympathique qui me fait du bien.
Mes mains dans les vôtres.
Francis Picabia.
Hôtel du Château
Bégnins, Vaud
Je ne crois pas pouvoir aller à Zurich, comme je vous en avais fait part dans une de mes lettres, étant fatigué et appréhendant ce voyage un peu long.
44[TZR.C.2975]
[Pièce n° 51]
45M. Tristan Tzara
46Hotel Seehof
47Schifflände
48Zurich
19 novembre 1918.
Cher Monsieur,
Je m’empresse de vous répondre pour que nous puissions nous rencontrer avant mon départ pour la France car je ne compte pas rester plus de quinze à vingt jours encore en Suisse. Les prix de pension de l’hôtel du Château à Bégnins sont de huit francs par jour tout compris, les chambres sont très spacieuses, la nourriture très bonne, avec cela très peu de monde, enfin le grand calme au milieu d’une campagne et d’un petit pays beaucoup plus latin que suisse. J’ai beaucoup travaillé ces derniers temps je viens de terminer un livre composé de vingt-cinq dessins et poèmes Le Mâcheur de pétards. Votre troisième cahier Dada doit être paru maintenant, surtout si cela vous est possible envoyez-m’en plusieurs exemplaires.
Enfin la fin de la guerre, et j’espère aussi la fin de toutes les autocraties du monde. Je serai très heureux de causer de tout cela avec vous cher ami, tâchez de venir le plus tôt possible.
Très sympathiquement et amicalement à vous.
Francis Picabia.
49Hôtel du Château
50à Bégnins, Vaud
51[TZR.C.2976]
[Pièce n° 52]
52Museumgesellschaft Zürich
53Société du Musée à Zurich
Le 23 novembre 1918.
Cher Monsieur Picabia,
Je vous remercie de votre lettre. Vous pouvez bien vous imaginer que j’aimerais bien venir à Bégnins : mais il y a eu bien des choses inattendues, ces derniers temps. Lorsque je vous ai écrit que je viendrai à Genève, je pensais finir ce Dada 3 en quelques jours. Mais après tant de péripéties, on a arrêté l’imprimeur, quelques jours avant la grève, pour avoir dépassé les lois militaires. Comme cette imprimerie est très petite, je suis maintenant forcé de continuer le travail avec un autre imprimeur qui a pris sur son compte la boutique. Je dois y être tous les jours. Et après tant d’intensité j’espère finir en une dizaine de jours. Si vous êtes encore en Suisse lorsque le cahier sera prêt, je viendrai tout de suite vous rencontrer. Mais il m’est (à cause de ma situation matérielle) impossible de partir et de revenir à Zurich. Je vous ai écrit que j’avais l’intention de rester quelque temps à Genève.
Savez-vous la triste nouvelle de la mort d’Apollinaire ? J’étais bouleversé lorsque je l’ai reçue. Si vous voulez écrire quelques lignes sur lui, je pourrais encore trouver une place dans ce cahier.
J’aimerais bien venir aussi à Paris, mais comme je ne puis rien recevoir de mon pays (la Roumanie) (depuis deux années déjà), je dois attendre. Vous m’écrirez, n’est-ce pas, quand vous partez ? Et vous me donnerez aussi votre adresse à Paris. Je me réjouis de l’apparition de votre livre. Communiquez-moi je vous prie le titre et le prix, pour que je puisse l’annoncer.
Lorsque ce cahier sera fini, j’ai l’intention de faire paraître, dans un délai très court, ce qui est sûr parce que je change d’imprimerie :
Un album format 25 x 40
Dada 4)
)format des deux premiers cahiers
Dada 5)
Voulez-vous m’envoyer pour l’album un grand cliché en zincographie, pour une page (25 x 40) ou une lithographie si vous voulez.
Pour les deux cahiers de Dada je vous prie de m’envoyer quelques poèmes et deux clichés (plus petits) en autotypie ou zincographie. Je vous assure que ces trois publications paraîtront très vite. Je suis aussi très content que la guerre soit finie, et plus content encore qu’elle soit finie de cette façon.
Je regretterais beaucoup si je ne pouvais pas vous rencontrer avant votre départ ; mais soyez assuré de la grande sympathie que j’ai pour vous. Je vous serre cordialement la main.
Tzara.
Hotel Seehof
Schifflände
Êtes-vous en bonnes relations avec Max Jacob ? Moi je l’étais il y a deux années, lorsqu’il cessa subitement de répondre à mes lettres – sans que je sache la cause. Sa collaboration à Dada me serait très agréable, car c’est vraiment un grand poète.
54[A.I.1 (1), p. 193]
[Pièce n° 53]
26 novembre 1918.
Cher Monsieur Tzara,
Oui je savais la mort de mon vieil ami Guillaume Apollinaire, j’ai su cette nouvelle à Lausanne. Vous devez penser le choc que cela m’a donné, nous étions très liés depuis de longues années, nous vivions ensemble à certains moments à Paris. C’est très dur de perdre ses véritables amis ; je suis chaque jour de plus en plus seul et cela ne fait qu’aggraver mon état de santé très neurasthénique depuis trois ans. J’accepte avec joie d’écrire quelques lignes sur Guillaume Apollinaire. J’espère pouvoir vous envoyer ce petit article dans trois ou quatre jours au plus tard1. Je pense être encore en Suisse pour au moins un grand mois, donc nous pourrons certainement nous rencontrer avant mon départ pour la France. J’ai un petit livre-poème en cinq chants, L’Athlète des pompes funèbres, qui va paraître dans quelques jours à Lausanne, le prix de ce petit volume est de 2,50 F. Un autre livre beaucoup plus important, Le Mâcheur de pétards, va paraître à Paris, édité par Jean Cocteau. Le prix cela m’est impossible de vous le dire, cette décision sera prise par l’éditeur. Je suis toujours en bonnes relations avec mon ami Max Jacob, si cela peut vous être agréable je lui écrirai un mot au sujet de Dada, dites-moi ce que je dois faire ?
Connaissez vous Ribemont-Dessaignes ? Il habite à Paris, 18, rue Fourcroy, vous devriez lui écrire de ma part pour lui demander de vous envoyer quelque chose. Je me permets, cher Monsieur Tzara, de vous parler de cet ami étant donné sa très grande valeur, à mon avis.
Dès que L’Athlète des pompes funèbres sera paru je vous en enverrai un exemplaire. Pensez-vous que ce petit livre puisse intéresser quelques personnes à Zurich ?
Je vous envoie ma photo pour en avoir une de vous. Dans l’attente de vous lire je vous serre les deux mains très sympathiquement, votre
Francis Picabia.
551. Voir pièce suivante.
56Hôtel du Château
57Bégnins, Vaud
58[TZR.C.2977]
[Pièce n° 54]
Guillaume Apollinaire
Je ne sais rien encore sur la mort de Guillaume Apollinaire que ce que m’en ont appris les journaux. Il est mort en quelques jours, terrassé par la grippe. Ce dut être bien court, car ma femme revenant de France en Suisse une semaine avant avait dîné le soir de son départ à la gare de Lyon avec Mme Apollinaire et lui-même. Elle m’avait apporté les amitiés de ce vieux compagnon. Il semblait paraît-il actif comme à son ordinaire, en parfaite santé, ayant en train de nombreux projets. Il fut même question de passer ensemble quelques semaines dans la montagne.
Sa mort me semble encore impossible. Guillaume Apollinaire est l’un des rares qui ont suivi toute l’évolution de l’art moderne et l’ont complètement comprise, il l’a défendue vaillamment et honnêtement parce qu’il l’aimait, comme il aimait la vie, et toutes les formes nouvelles d’activité. Son esprit était riche, somptueux même, souple, sensible, orgueilleux et enfantin. Son œuvre est pleine de variété, d’esprit et d’invention1.
Francis Picabia.
591. Seul le dernier paragraphe de ce texte a paru dans Dada 3, p. 12. Voir pièce suivante, 2e alinéa. Il a été reproduit intégralement à la suite de cinq phrases extraites de la lettre précédente, dans Parade pour Picabia, n° 31-32-33 de la revue Temps mêlés, Verviers, mars 1958, p. 67-68.
60[TZR.C.2978]
[Pièce n° 55]
Zurich, le 4 décembre 1918.
Cher Monsieur Picabia,
Je viens de recevoir votre livre. Permettez-vous que je vous nomme mon ami ? Car j’y trouve le sang divers et cosmique, la force de réduire, de décomposer et d’ordonner ensuite en une unité sévère ce qui est chaos et ascétisme en même temps. Cela m’est très proche (vous verrez mon manifeste) et je cherche depuis longtemps d’y arriver. Votre livre me plaît beaucoup. Il sera parmi les meilleurs de ceux qui ont quelque chose de nouveau (absolu) à dire.
Merci aussi de votre photo, malheureusement je n’ai pas de photo pour vous envoyer, mais je serais content si mon visage vous plaisait autant que le vôtre m’est sympathique. Reçu l’article sur Apollinaire, il est un peu trop long pour le mettre sur une des pages qui ne sont pas encore imprimées : me permettez-vous que je passe seulement la seconde partie ?
Je vous remercie infiniment de l’adresse de Dessaignes, je le prierai d’envoyer quelque chose à Dada. J’aimerais faire de DADA une revue où toutes les nouvelles tendances soient représentées (naturellement d’après un critérium dont la composition est secrète) et mon plus vif désir est de la faire paraître régulièrement. Malgré mes efforts, sacrifices, etc., je n’ai pas encore réussi. Maintenant nous avons définitivement le papier pour trois cahiers. C’est pourquoi je vous prie de m’indiquer encore des littérateurs ou peintres qui pourraient y collaborer (adresses aussi de personnes qui s’intéressent et auxquelles il faut que j’envoie Dada 3).
Vous ne me dites rien relativement à vos clichés (petit format) et poèmes. Voulez-vous écrire à Max Jacob ? Je n’ai rien de précis à lui communiquer ; l’assurer seulement de ma grande sympathie et s’il ne veut pas envoyer quelques poèmes ou proses pour Dada. – Oui, il y a ici des personnes qui s’intéresseront à votre livre, si je puis vous être utile, écrivez-moi de quelle façon. Envoyez une vingtaine d’exemplaires aux suivantes librairies :
Rascher & Co – Rathausquai
Ebell & Co – Bahnhofstr.
Crès & Co – Rämistr. 5
avec factures, etc., ou envoyez-les à mon adresse, je les donnerai aux libraires et vous enverrai l’argent et les exemplaires restés aussitôt que vous me les demanderez.
J’écrirai quelque chose sur L’Athlète et je le laisserai traduire pour un journal d’ici.
J’aurai beaucoup de choses à vous dire et vous pouvez comprendre comme j’aimerais venir à Bégnins. Pour le moment il m’est impossible. Mais j’espère toujours. Recevez en attendant une poignée amicale de main.
Tristan Tzara.
61[A.I.1 (1), p. 280]
[Pièce n° 56]
62M. Tristan Tzara
63Hotel Seehof
64Schifflände
65Zurich
14 décembre 1918.
Cher Monsieur et ami,
Excusez-moi de n’avoir pas répondu plus vite à votre lettre qui m’a pourtant donné le grand plaisir de sentir en vous un vrai compagnon de pensée et de travail. Puisque vous êtes assez gentil pour vous occuper de mon Athlète je vais vous en envoyer vingt exemplaires à titre de revanche bien entendu. Je serais heureux de vous rendre service quand l’occasion se présentera. J’espère recevoir prochainement Dada. Je vous enverrai aussi plus tard quelque chose pour les autres numéros, car pour le moment je suis très fatigué et il ne m’est guère possible de travailler. Très sympathiquement et affectueusement à vous.
Francis Picabia.
Écrivez-moi je vous prie à Lausanne à l’Hôtel Éden, avenue de la Gare.
66[TZR.C.2979]
[Pièce n° 57]
67M. Tristan Tzara
68Seehof, Schifflände
69Zurich
7 janvier 1919.
Mon cher ami,
DADA 3 vient d’arriver, bravo, ce numéro est épatant, il m’a fait un bien énorme, enfin voir et lire en Suisse quelque chose qui ne soit pas une connerie. L’ensemble est très bien c’est vraiment quelque chose, votre manifeste est l’expression de toutes les philosophies qui cherchent la vérité, quand il n’y a pas de vérité, il n’y a que conventions. Je suis désolé de partir d’ici sans vous avoir davantage connu, enfin j’espère bien que vous allez venir en France, à Paris où je compte être dans quelques jours. J’ai un appartement assez grand et s’il vous était agréable que je vous offre l’hospitalité cela serait pour moi un bien grand plaisir. Pouvez-vous m’envoyer trois ou quatre numéros de Dada que je puisse en donner à plusieurs camarades ? Je vous envoie une petite chose écrite pendant que j’étais à Bégnins, si elle vous plaît vous pouvez la mettre dans un de vos prochains cahiers étant vraiment ravi de collaborer avec vous. Répondez-moi bien cher ami par retour pour que j’aie votre lettre avant mon départ.
Mes mains dans les vôtres très fraternellement.
Francis Picabia.
Je compte partir dans trois ou quatre jours.
Hôtel Éden à Lausanne
Avenue de la Gare
Si cela m’est possible je vous enverrai encore un dessin.
Avez bien reçu Rateliers platoniques ?
Adresse à Paris :
32, avenue Charles-Floquet
70[TZR.C.2980]
[Pièce n° 58]
71MOUVEMENT DADA
72Zurich
Le 8 janvier [1919].
Mon cher ami. Je voulais depuis longtemps vous écrire, mais le travail mécanique de ces derniers jours m’a pris la tranquillité sur laquelle j’aurais voulu me reposer en vous écrivant : la ferveur de liberté transchromatique de vos Rateliers platoniques, j’aime de plus en plus vos choses et surtout la vitalité du principe individuel de dictature, qui est simplicité, tourment + ordre. Mais qu’importe l’explication, car je vous dis, la seule affirmation du travail destructif (que tout art rayonne) est la productivité, et ceci n’est que chez les fortes individualités. Je croyais que vous alliez maintenant venir à Zurich, voir l’exposition de la Kunsthaus (où il y aura aussi vos œuvres de Bâle). Je me réjouis de voir vos choses, j’avais déjà vu, il y a quelques mois, quelques grandes peintures ; j’irai demain, on arrange l’exposition, et je prendrai garde à l’arrangement de vos peintures. D’ailleurs l’exposition sera intéressante. Je prévois une suite de démissions et combats bourgeois, une sorte de hangar populaire, visité par 10 000 citoyens par mois (c’est vrai !), entreprise demi-officielle – horribile dictu – je démoralise, je ferai peut-être une conférence sur les œuvres exposées. Je n’ai jamais perdu l’occasion de me compromettre, et à part la démonie, c’est un plaisir efficace et récréatif d’agiter des mouchoirs prestidigitateurs devant les lampions d’yeux de vache. Je pense maintenant sérieusement venir à Paris, votre invitation me donne des nouvelles forces. Je vous remercie de tout cœur et soyez sûr que je saurai l’apprécier. Dessin bien reçu, merci, prose aussi, très belle, paraîtront Dada 4. Mais je vous prie de ne pas oublier à Paris : que moi aussi je suis ravi de collaborer avec vous, c’est-à-dire de m’envoyer aussi pour les autres cahiers photos, dessins, proses, poèmes. Car je fais maintenant DADA 4, 5, 6. Parlez aussi, je vous prie, à vos amis d’envoyer clichés, poèmes, et saluez ces hommes de talent, d’antiphilosophie et de génie majeur, qui sont aussi mes frères, en attendant que je puisse leur serrer la main à Paris. Vous verrez que ce n’est pas un conte, vous recevrez un matin un télégramme par T.S.F. que j’arrive ! Nous pourrons peut-être faire de belles choses, puisque j’ai une envie stellaire et folle d’assassiner la beauté – l’ancienne naturellement – avec clairons et étendards ou près du feu, tranquillement.
Écrivez-moi, je vous prie, je suis vraiment triste de ne pas vous avoir vu, je suis très touché de l’amitié que vous me montrez, soyez sûr de la mienne.
Je vous souhaite une bonne productive saison.
Votre Tzara + amitié.
Merci encore une fois.
Avez-vous reçu les cinq exemplaires Dada que j’avais envoyés avant-hier. Sinon je les enverrai de nouveau, à Paris.
73[A.I.1 (1), p. 221]
[Pièce n° 59]
74[Télégramme]
759 janvier 1919. Lausanne.
76Tristan Tzara Hotel Seehof
77Schifflände Zürich
78Pouvez écrire à Lausanne compte rester encore cinq jours.
79Picabia.
80[TZR.C.2981]
[Pièce n° 60]
81M. Tristan Tzara
82Seehof, Schifflände
83Zurich
11 janvier 1919.
Mon cher ami,
Par ma dépêche vous avez su ma nouvelle décision, maintenant j’en ai une autre celle d’aller à Zurich pour y passer quelque temps avant d’aller à Paris. Je ne vous cache pas que la raison est de passer quelques jours près de vous. C’est si rare de rencontrer un esprit indépendant intelligent et avec cela optimiste. Peut-être à bientôt à Zurich.
Votre amicalement Francis Picabia.
84Inclus « une robe chargée » pour Dada.
85Hôtel Éden
86Lausanne
87[TZR.C.2982]
[Pièce n° 61]
88MOUVEMENT DADA
89Zurich
16 janvier 1919.
Cher ami,
Je suis fort occupé (est-ce un signe d’optimisme ?) car je fais ce soir la conférence dont je vous ai écrit ; c’est-à-dire je croyais jusqu’au dernier moment que je pourrais travailler à cette exégèse, mais cela m’a paru trop bête, j’emploierai une conférence que j’ai faite il y a deux ans. Le travail consiste donc dans le mélange au hasard des pages, car la chose la plus amusante sera les projections.
Mille fois merci de votre lettre. Je vous attends avec grande joie. Écrivez-moi je vous prie d’avance quand vous venez. Si je puis vous être utile, je le fais avec plaisir. Je vous remercie aussi des paroles réconfortantes que vous m’avez adressées. Vos peintures sont très belles, je les aime beaucoup. Malheureusement je n’ai pas réussi à pendre plus de quatre peintures et quatre dessins. Le cœur du bon monsieur ne pouvait pas supporter davantage, il serait mort et c’est dommage il a une si grande barbe. Et pour ces quelques choses il y eut tant de difficultés, mais j’espère me venger ce soir en leur lisant certains propos sur la beauté si je n’emploie pas le pissat à la manière des futuristes, ils restent pourtant les plus formidables imbéciles du règne des insectes.
Votre poème me plaît beaucoup et paraîtra. Avez-vous reçu les cinq exemplaires Dada 3 ? Si vous voulez encore d’autres, je peux bien vous en envoyer.
Bien amicalement,
Tzara.
R. Dessaignes m’a écrit. Il veut attendre DADA qui ne lui est pas arrivé. Ce que j’ai vu de lui dans 391 me plaît bien, mais je ne connais pas ses dessins.
90[A.I.1 (1), p. 226]
[Pièce n° 62]
91M. Tristan Tzara
92Hotel Seehof
93Schifflände
94Zurich
9 février 1919.
Mon cher Tzara,
Neuf heures et demie de chemin de fer pour venir ici, c’est vraiment un voyage terrible, enfin je suis heureux d’être arrivé ; mais je regrette bien Zurich : ces trois semaines ont passé rapides comme un éclair. Ici j’ai l’impression d’être le prisonnier des montagnes, ou bien d’être un peu plus malade et d’avoir besoin de grand air. Ma chambre est grande comme une cabine de bateau, le lit et la table sont à l’échelle. Les femmes de chambres ont les yeux bleus et clairs. Tout l’hôtel donne l’impression d’un foyer bien médiocre de la race humaine, la supériorité du mâle est absente. Ce n’est que huit jours à passer ; heureusement sous un très beau soleil.
Je compte que l’imprimeur va m’envoyer les épreuves le plus vite possible, j’ai hâte de les coller. Quelle destruction ! Très bon souvenir à votre ami Harp, [sic] et pour vous, bien cher ami, toutes mes amitiés affectueuses.
Votre Francis Picabia.
Tous les gens qui font du ski ont des gueules de poissons frits.
Ribemont-Dessaignes vous a-t-il envoyé des dessins ?
Adresse Hotel Oldenhorn
à Gstaad
M.O.B.1
1. Cette lettre est surchargée de cinq dessins à l’encre, représentant trois systèmes d’engrenages et deux pièces d’échecs.
95[TZR.C.2983]
[Pièce n° 63]
96M. Tristan Tzara
97Hotel Seehof
98Schifflände
99Zurich
Gstaad, 14 février 1919.
Cher ami,
Bien reçu votre lettre. Je compte vous renvoyer l’article dans ma prochaine lettre, cela m’a amusé de le lire. Je travaille beaucoup. Harb colle les deux reproductions pour 391. J’ai reçu un mot de Ribemont-Dessaignes, il est un peu souffrant pour le moment, il m’a envoyé tout de même quelque chose pour le journal. Il me dit que la vie à Paris est sans intérêt. Je voudrais déjà voir le DADA 5. Envoyez-moi quelques exemplaires du 3 je pourrai les donner ici à plusieurs personnes.
Si vous pouviez venir passer une ou deux semaines à Gstaad je crois que cela vous ferait un bien énorme, moi qui n’aime pas la vie dans les montagnes je suis obligé de reconnaître qu’au point de vue physique cela me réussit.
Bonnes amitiés à ARP et à vous très affectueusement.
Francis Picabia.
100Pension Oldenhorn
101Gstaad
102[TZR.C.2984]
[Pièce n° 64]
Zurich, le 15 février 1919.
Mon cher Picabia,
Votre lettre m’a suggéré une idée vraiment extraordinaire. C’est peut-être la seule que j’ai eue en ces trois ans, en Suisse. Je viendrai samedi à Gstaad pour une semaine. Voulez-vous donc m’écrire si les prix à l’Oldenhorn ne sont pas très élevés, si je pourrais avoir, dans une autre pension, de meilleures conditions. Merci bien d’avance, surtout parce que je sais qu’il vous est très difficile de faire cette commission. Je me réjouis beaucoup d’être encore quelque temps avec vous et avec Mme Picabia.
J’ai reçu aussi deux poèmes et un dessin de Dessaignes. Je passerai dans Dada 4 un poème de lui. Je garde les autres choses pour les publications prochaines. Poèmes vraiment très intéressants.
Pour Dada 5 projeté, on a demandé un prix fou, pas du tout en rapport avec le travail, etc. Donc Dada 4 est en travail et contient votre dessin1, deux poèmes de vous, celui de Mme Picabia, etc. J’espère qu’il sera très joli et j’ai fait des notes assez vivantes et acides. Réclames, huit ou neuf couleurs différentes (papier).
C’est dommage qu’on ne pouvait [sic] pas faire la grande feuille, Arp demandera encore à d’autres imprimeurs les conditions. 391 plaît beaucoup. Je l’ai montré à quelques gens. Il est dans les librairies. Mlle Alice Bailly était ici, samedi, très vivante et pleine d’espoir, elle croit à une sorte de victoire de la peinture moderne, mais elle est très sympathique. Je lui ai envoyé à Winterthur les 391. Cocteau m’écrit une lettre (pseudo)- enthousiasmée par Dada. Le quatrième sera vite fini.
Au revoir et toutes mes amitiés.
Tzara.
Bien des salutations à Mme Picabia.
Dix exemplaires de Dada suivront demain.
Un M. Benjamin (écrivain-journaliste), Marcellistr. 22, Berne, aimerait avoir votre Fille née sans mère qu’il a vu quelque part et qui l’intéresse. Je me réjouis beaucoup de vous voir.
Arp vous envoie ses hommages et j’envoie à Harb tranquillité du salut grec.
1. Reproduction graphique de deux dessins « mécanomorphes » de Picabia.
[Pièce n° 65]
103M. Tristan Tzara
104Hotel Seehof
105Schifflände
106Zurich
Gstaad, 18 février 1919.
Mon cher Tzara,
Demain soir nous partons pour Lausanne, vraiment je suis désolé que nous ne passions pas une semaine ensemble ici. Quelle vie nomade que la mienne, nomade à bien des points de vue. Demain soir plus de neige, enfin je l’espère, d’un côté je suis content, cela me donne froid de voir de la neige, et la chaîne blanche des montagnes me fait peur : j’aime mieux les pyramides d’Égypte. Comme je ne suis pas encore certain de partir pour Paris, dans ce cas viendriez-vous à Lausanne pour une ou deux semaines ? Dada 4 sera-t-il terminé samedi prochain ? Je suis heureux que les poèmes de Dessaignes vous intéressent. Ceux qu’il m’a envoyés sont très bien. J’ai beaucoup travaillé, j’ai terminé une poésie commencée il y a plusieurs mois, la poésie Ron-Ron :
Les pyramides fleurissent
d’un képi galonné sous la lumière triste du soleil
ce voisinage me bouleverse
Je n’en veux pas, etc., etc.
et puis
La terre est une boîte
dont le fond est pourri
et tous les hommes sont des cercueils abominables
dont l’odeur
n’a ni geste ni pensée
Je suis dans le pays de la phtisie
consciencieusement les malades
font des cures de soleil
jusqu’à leur mort
ce pays fait du bien
aussi aux anémiques
incomplets
infirmes
nerveux
la petite lumière du soleil
affole les gens
ce qui m’étonne
c’est que ce soleil n’est pas un feu de joie.
–
J'ai visité Paris. New York. Londres. Berlin. Zurich. Bruxelles. Moscou,
Je vivrai dans ces villes
mais je n'y retournerai jamais.
etc., etc.....
Écrivez-moi cher ami à l'Hôtel Éden, avenue de la Gare, Lausanne.
Très bon souvenir à H. Arp.
Le salut grec veut dire plusieurs choses, vous savez, mais j'ai fait votre commission.
J'espère que si je reste en Suisse vous viendrez à Lausanne.
Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
Allez-vous mieux ? La Neu neu est une bien vilaine maladie. J’étais mieux à Zurich.
[dessin mécanique : « Tzara-Dadaïsme »]
Inclus l’article de L’Éclair.
107Hotel-Pension Oldenhorn
108Gstaad
109[TZR.C.2985]
[Pièce n° 66]
110M. Tristan Tzara
111Hotel Seehof
112Schifflände
113Zurich
25 février 1919.
Mon cher Tzara,
Je suis à Lausanne depuis trois jours, du reste vous devez le penser étant donné ma dernière lettre. Depuis mon arrivée je passe mon temps à jouer aux échecs. Demain je vais savoir définitivement si nous rentrons à Paris, je vous préviendrai de suite de la décision, dans le cas où vous auriez l’intention de venir ici passer quelque temps avec nous.
J’ai reçu les épreuves des clichés de l’imprimeur, il ne s’embête pas, 58 F pour ces deux clichés, je n’ai pas vu une maison aussi chère, je lui ai envoyé son argent, mais j’espère que vous ne lui donnerez plus rien, en tout cas pour mon compte. Dada IV est-il terminé ? Croyez-vous pouvoir m’en donner quelques numéros avant notre départ pour Paris, c’est-à-dire dans cinq à six jours.
J’ai expédié 960 391, pourvu que la censure ne les garde pas pour allumer leurs poêles. Je donne des Dada à tous les gens vraiment susceptibles de s’intéresser à votre journal.
Écrivez-moi bien vite pour que j’aie une lettre avant mon départ et, si nous ne nous revoyons pas en Suisse, j’espère que vous viendrez le plus tôt possible à Paris car n’oubliez pas que vous pouvez venir chez moi quand vous le voudrez.
Très amicalement votre
Francis Picabia.
A-t-on parlé de notre 391 à Zurich, y a-t-il eu des critiques dans les journaux, s’est-il vendu quelques numéros1 ?
Le lit canapé du salon
aux pâles souvenirs
Trouvera l’épouse congestionnée
pour écrire tous les soirs la doublure
Je suis crevée mal habillée au rabais
des chandelles romaines à joints d’or
Zigzaguer
F. P.
Hôtel Éden
Lausanne
1. Suit un dessin à la plume agrémenté de l’impression multiple d’un rouage d’horlogerie.
114[TZR.C.2986]
[Pièce n° 67]
Samedi 1er mars 1919.
Mon cher Tzara,
Merci pour vos petits dessins. 391 est arrivé à Paris, j’ai eu plusieurs lettres d’amis. J’ai beaucoup travaillé ces jours derniers, j’ai terminé la Poésie Ron-Ron, j’espère avoir des exemplaires d’ici peu, je vous en expédierai de suite. Je ne pense pas rester à Lausanne, tout me fait croire à mon retour à Paris d’ici peu ; si Dada 4 est paru avant mon départ je ne demande pas mieux que d’en emporter le plus d’exemplaires possible.
J’ai envoyé les 27 F à votre imprimeur, j’ai expédié cet argent malgré votre désir, sachant ce que vous coûtent les éditions en ce moment. Vous savez aussi combien ce que vous faites m’intéresse et le plaisir que j’ai à pouvoir y collaborer de toutes les manières.
Si vous pouviez venir avant mon départ pour Paris, j’ai bien envie de jouer aux échecs avec vous !
Bon souvenir à Arp, et pour vous, cher ami, toutes mes amitiés très affectueuses.
Francis Picabia.
Avez-vous reçu les deux petits livres ?
115[TZR.C.2987]
[Pièce n° 68]
116M. Tristan Tzara
117Hotel Seehof
118Schifflände
119Zurich
Samedi 8 mars 1919.
Mon cher Tzara,
Je suis dans mon lit depuis huit jours, crise au cœur, terrible neurasthénie. J’ai de plus en plus horreur de la vie. J’ai eu pendant trois jours une attaque de nerfs, vous savez ce que c’est, n’est-ce pas ? Je ne puis plus supporter la vie. Enfin je lutte pour aimer le soleil, cette après-midi je vais faire une horrible promenade, compensation effroyable d’aller un peu mieux physiquement. Pouvez-vous venir ici pour quelques jours ? Il me semble que cela me ferait du bien de causer avec vous ; mon cher ami vous seriez mon invité ; ce voyage peut pour vous aussi être salutaire, répondez-moi par express.
J’ai reçu les dix DADA à Gstaad ils ont été bien employés, soyez sans inquiétude ! Si vous ne pouvez venir à Lausanne je vous expédierai dix exemplaires de Ron-Ron. : huit pour la vente et deux pour ce que vous voudrez.
J’espère que vous allez venir toutes mes amitiés affectueuses.
Francis Picabia.
Avez-vous mon livre ?
120Hôtel Éden
121Lausanne
122[TZR.C.2988]
[Pièce n° 69]
Lausanne, [8 ?] mars 1919.
Mon cher Tzara,
Demain à deux heures je pars pour Paris. Cette décision a été prise très vite par le docteur Brunschweiller qui me soigne depuis mon arrivée en Suisse. Je suis vraiment désolé de n’avoir pu vous revoir avant mon départ, enfin j’espère bien que vous n’allez pas tarder à venir à Paris, n’est-ce pas ? Vous avez mon adresse mais je préfère vous la redonner encore : 32, avenue Charles-Floquet, téléphone Saxe 48-66. Vous devez avoir les dix petits volumes de la Poésie Ron-Ron. Je vous envoie aussi dix exemplaires Rateliers platoniques car il se peut que ceux que j’avais apportés avec moi soient vendus. Expédiez-moi quelques numéros de Dada 3 et 4 pour que je puisse en donner. À bientôt à Paris, croyez bien mon cher Tzara à ma plus vive sympathie, je pense beaucoup à vous et je vous aime vraiment.
Votre Francis Picabia.
Bon souvenir à ARP.
123[TZR.C.2989]
[Pièce n° 70]
12 mars 1919.
Mon cher Tzara,
Suis à Paris depuis deux jours. J’espère avoir une lettre de vous d’ici peu. Si vous le pouvez, venez le plus tôt possible. Je suis un peu mieux ; [un mot illis.] ce qui me fatiguait le plus c’était la belle nature, ici au moins il n’y a ni soleil ni pluie, vivre tout simplement. Hier après-midi j’ai été à une vente de tableaux anciens et modernes, l’art pour le moment coûte moins cher que les petits pois et les œufs. Je n’ai pas encore d’impression sur ce qui se passe, peu de choses probablement, enfin cela ne fait rien au moins ici il n’y a plus la BONTÉ suisse et la ville a trois millions d’habitants. De Zayas est encore ici, il pense retourner à New York dans quinze jours, je l’ai trouvé fatigué et presque aussi neurasthénique que moi. Pour le moment je crois qu’il n’y a que Wilson qui soit persuadé de son omnipotence.
Toutes mes amitiés, votre
Francis Picabia.
124[TZR.C.2990]
[Pièce n° 71]
Zurich, le 19 mars [1919].
Mon cher ami,
J’espère que vous serez bien arrivé à Paris, et j’attends avec impatience vos nouvelles. Vous vous sentez mieux ? Les nouvelles de votre départ/si vite/ne m’ont pas tout à fait donné l’état rêveur dont on parle si joliment dans les romans, mais l’impression nette de la grande sympathie que j’ai pour vous. Aussi le sentiment que je vous verrai en peu de temps. Soyez certain, cher ami, que je ferai tout mon possible pour venir à Paris, et dès que je pourrai le faire. J’étais prêt de venir à Lausanne, le jour où vous m’aviez télégraphié, et j’avais en secret une pensée qui aurait pu vous faire venir à Zurich : une grande soirée. Maintenant elle se réalise. Le 9 avril, dans la plus grande salle d’ici (1 000 personnes). C’est la première fois que je regrette de ne pas pouvoir conduire une bicyclette ; je voulais venir sur la scène sur une bicyclette, descendre, lire, monter, partir : rideau. Maintenant j’engagerai quelqu’un qui se promènera sur la scène pendant que je lirai. Arp craint l’émotion : on fabrique un grand cône sur la scène avec inscription : Arp, et au moment où celui-ci donne un coup de revolver, une langue rouge sort d’une ouverture et le cône, c.a.d. la personne qui est dedans commence à réciter ses poèmes. Toute la représentation sera très amusante, et c’est dommage que vous ne soyez plus ici pour nous donner de nouvelles idées. Je vous enverrai le programme et l’affiche. Comment allez-vous ? Resterez-vous à Paris ? Dada 4-5 paraît encore avant la soirée, je vous enverrai plusieurs exemplaires immédiatement. Il est paru un article assez bienveillant mais bête dans une revue suisse, sur l’exposition, je vous l’enverrai, l’article sur 391 doit paraître aussi un de ces jours. Qu’est-ce qu’on dit à Paris sur Dada, en général ? Si vous voulez que je l’envoie à différentes personnes, écrivez-moi leurs adresses je vous prie. Je vous remercie beaucoup de vos Rateliers et Ronron, livre admirable que j’aime beaucoup. Vous savez bien que j’aime beaucoup vos poèmes, et vous savez pourquoi.
Est-ce qu’il y a des choses vraiment intéressantes à Paris ? Les autres, qui ne le sont pas, je les connais. Je vous écris dans une sorte de fièvre car j’ai enfin trouvé une idée qui m’amusera pour quelque temps : la soirée. Il y a des gens qui vivent d’un jour à l’autre, moi je vis d’une idée amusante à l’autre. Mais je sais que ce jeu m’ennuiera aussi dans quelque temps. Tant mieux. Je travaille même. Je vous enverrai une fois une de mes dernières proses. Le titre du livre sera :
Haute couture
Monsieur Aa l’antiphilosophe
J’aurais tant de choses à vous dire si vous étiez encore au City Hôtel. Mais qui sait ? Peut-être que je serai à Paris encore avant que je le pense moi-même. Écrivez, mon cher Picabia, et soyez sûr de toute ma sympathie + amour.
Amitiés,
votre Tzara.
Dites je vous prie toutes mes amitiés à Mme Picabia.
Arp aussi pense souvent à vous et me dit de vous saluer de sa part.
Nous savons bien que le futurisme est une imbécillité. Mais avez-vous lu « Le Fut. avant, pendant et après la guerre » ? Marinetti ne se gêne pas d’écrire : Le Futurisme, né il y a onze ans ! Imaginez-vous !! Quels idiots ! 11 ans !
125[A.I.1 (1), p. 279]
[Pièce n° 72]
126M. Tristan Tzara
127Hotel Seehof, Schifflände
128Zurich
Vendredi 28 mars 1919.
Mon cher Tzara,
J’ai reçu hier votre lettre, j’étais inquiet sur vous, n’ayant plus de nouvelles depuis bien longtemps. À Paris il ne se passe rien, potins idiots, tous les génies passent leur temps à se fâcher puis à se raccommoder. Max Jacob m’a promis de vous écrire. Picasso est de plus en plus admiré par tous, étant de plus en plus arrivé, où, je ne sais mais ceux qui l’admirent le savent. De Zayas part dans quatre jours pour New York.
Il y a des articles sur DADA, Dada veut dire au revoir chez les enfants, et pour les adultes Dada veut dire gaga, c’est tout ce qui se dit pour le moment.
Jean Cocteau très mal avec tous : Erik Satie déclare que c’est un idiot et tous les autres un morpion, enfin vous devinez la vie délicieuse que l’on peut avoir ici. J’ai l’impression d’un tas de cuisiniers qui veulent accommoder leurs plats à la sauce Boulevard des Italiens. Juliette Roche est aussi à Paris, elle va repartir le plus vite possible en Amérique trouvant impossible la vie à Panam. Enfin cela n’empêche qu’il faut que vous veniez le plus vite possible. Je suis mieux mais depuis hier j’ai une nouvelle maladie, une sciatique, cela n’est pas grave mais bougrement douloureux, et cela peut durer huit jours comme six mois, avis de mon docteur.
J’ai bien reçu les trois numéros de DADA, envoyez bien vite le 4 et 5 d’abord un numéro puis plusieurs pour que je puisse en donner. J’aurais été avec joie voir votre soirée à Zurich ; nous en ferons à Paris, venez bien vite.
Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
Ma femme se joint à moi pour vous envoyer tous ses meilleurs souvenirs.
129[TZR.C.2991]
[Pièce n° 73]
130M. Tristan Tzara
131Hotel Seehof, Schifflände
132Zurich
14 avril 1919.
Mon cher Tzara,
J’ai été très fatigué ce qui m’a empêché de vous écrire. Tous mes amis aiment énormément ce que vous faites. J’espère recevoir d’ici peu les DADA. J’en ai grand besoin car ici il ne se passe rien et il n’y a rien. Très affectueusement, mon cher Tzara, et à bientôt n’est-ce pas ?
Votre Francis Picabia.
Je voudrais bien ravoir mes tableaux qui sont encore en Suisse, que faut-il faire pour cela ? Si vous venez à Paris vous pourriez les emporter avec vous car dans ces conditions il n’y a pas d’ennuis à avoir pour la frontière.
133[TZR.C.2992]
[Pièce n° 74]
134M. Tristan Tzara
135Hotel Seehof
136Schifflände
137Zurich
18 avril 1919.
Mon cher Tzara,
Je vous envoie : Trois Pièces faciles pour petites mains, de Jean Cocteau. Que devenez-vous ??
Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
32, av. Charles-Floquet
Paris
Venez-vous à Paris ?
Très bon souvenir à ARP
J’ai été très fatigué.
Je travaille à un livre.
Il va se passer beaucoup de choses ici.
138[TZR.C.2993]
[Pièce n° 75]
139M. Tristan Tzara
140Hotel Seehof
141Schifflände
142Zurich
8 mai 1919.
Mon cher Tzara,
J’espère vous voir à Paris dans quelques jours ; à moins que votre carte n’ait été écrite simplement sous un moment d’impulsion. Je n’ai pas encore les DADA 4 et 5. Figuière va éditer mon dernier livre Pensées sans langage. Ici il ne se passe rien. Venez, bien cher ami, le plus tôt possible. Mes meilleurs souvenirs à Arp et très affectueusement, votre
Francis Picabia1.
1. Au verso, un autoportrait à la plume.
143[TZR.C.2994]
[Pièce n° 76]
21 mai 1919.
Mon cher Tzara,
Je suis désolé que vous ne veniez pas encore à Paris. Votre présence me ferait du bien car vraiment vous ne ressemblez pas à tous ces hommes qui font profession d’intelligence et d’art, à tous ces individus qui travaillent pour être de grands hommes et c’est tout. Je n’accuse d’ailleurs que la tenace bêtise. Heureusement j’ai mon ami Ribemont-Dessaignes ; il travaille beaucoup pour le moment et ce qu’il fait est vraiment ce que j’aime le mieux. Ses œuvres ont une incomparable valeur, remous de lui-même et richesse au soleil…
Si vous pouviez venir comme je serais heureux. Faites-moi expédier mes tableaux je vous prie.
Je ne travaille plus.
Très affectueusement, votre ami
Francis Picabia.
Toutes mes amitiés à Arp.
Nous allons avoir peut-être une belle galerie à Paris, il faut qu’il m’envoie de ses œuvres.
Janco aussi.
La volonté met la vie à genoux ; neuf mois plus tard la fausse ivresse traverse la pensée banale. F. P.
Exposition de Matisse. Très mauvaise.
Exposition de nègres. Bien
P. Guillaume a une revue. Idiot.
ENVOYEZ DADA
144[TZR.C.2995]
[Pièce n° 77]
145M. Tristan Tzara
146Hotel Seehof
147Schifflände
148Zurich
4 juin 1919.
Mon cher Tzara,
DADA vient d’arriver, quel joli soleil, quelle vie, j’ai passé une délicieuse journée, grâce à vous. Si vous saviez quelle vie maussade parmi tous ces Artistes qui ne rêvent que gloire académique. Vie Olympia, Folies Bergère, Casino de Paris, etc., etc. Les petites réunions chez Rosenberg me font penser à des thés vaniteux et compromettants comme un membre de l’Institut : Victor Hugo lui-même avait une ignorance sympathique et une figure adorable de vieux Con. Le potager Rosenberg est un cimetière juif mais spirituel comme un catholique ; enfin un symbole, cathédrale moisie. Il y a du beau monde aux expositions, mais tous ces gens me font pleurer les yeux tellement ils sont rances ; il ne leur manque que des aiguillettes sur l’épaule.
Merde pour l’art nègre.
Merde pour les collections parfumées de Monsieur Doucet.
Zara [sic] je vous aime, vous pensez comme moi, courage, affectueusement à ARP.
Je n’ai qu’un seul ami à Paris, Ribemont-Dessaignes. J’espère que mon livre Pensées sans langage pourra paraître dans un mois.
Écrivez-moi par retour de courrier surtout, votre
F. P.
Bonjour Tzara, Bien reçu Dada. Merci.
G. Ribemont-Dessaignes1.
1. Écriture de Ribemont-Dessaignes.
149[TZR.C.2996]
[Pièce n° 78]
150M. Tristan Tzara
151Hotel Seehof
152Schifflände
153Zurich
8 juillet 1919.
Mon cher Tzara,
De tous côtés l’on me dit qu’il est impossible de trouver DADA et beaucoup d’amis voudraient l’acheter. Figuière n’en a pas un seul. Faites votre possible pour m’en envoyer plusieurs exemplaires et je vous ferai parvenir de suite l’argent de leur vente. Pensez-vous venir à Paris ?
Mes deux mains dans les vôtres bien cher ami.
Francis Picabia.
32, av. Charles-Floquet
Paris
Très bons souvenirs pour ARP.
Pensées sans langage n’est pas encore paru1.
1. Cette lettre est agrémentée d’un portrait à la plume.
154[TZR.C.2997]
[Pièce n° 79]
155[Carte postale]
156M. Tristan Tzara
157Hotel Seehof
158Schifflände
159Zurich
[S.d., mai ou juillet 1919].
Envoyez-moi des numéros de DADA 3 et 4 en plusieurs petits paquets. Venez à Paris cher ami c’est tout de même mieux que la Suisse.
Votre
Francis Picabia.
160[TZR.C.3005]
[Pièce n° 80]
Zurich, le 25 [juillet ou août 1919].
Mon cher Picabia,
Il y a longtemps que je ne vous ai pas écrit. Je suis dans un état horrible d’apathie. Et je ne sais vraiment pas quoi faire. Qu’est-ce que vous faites, vous ? J’aimerais tant vous voir. Je partirai probablement au commencement du mois prochain dans les Balkans et pour quelques jours en Italie. Je ne pense pas rester plus d’un mois et je viendrai probablement après à Paris. Vous restez encore à Paris, n’est-ce pas ? J’aimerais encore, avant mon départ, régler l’envoi de vos tableaux. M. Corlin m’avait écrit de les envoyer à la galerie Moos, pour les prendre avec lui. Je n’attends que vos indications pour les laisser expédier à Genève. Voulez-vous donc m’écrire. Je ferai peut-être aussi un nouveau cahier de Dada et j’aimerai beaucoup y publier de vos dessins. Mais je n’ai aucun cliché de vous. Si vous écriviez à Lausanne de m’envoyer les clichés de la Fille née sans mère… Votre dernier poème me plaît beaucoup.
Il y a juste un mois que j’ai envoyé à Figuière cinquante DADA 4-5, mais qui me furent retournés par la poste française parce que je n’ai pas ajouté à l’envoi une permission d’exportation.
Voulez-vous, cher ami, remettre le document ci-joint à Figuière et le prier de ma part d’entreprendre quelque chose pour se procurer cette permission, qu’il faudra m’envoyer. Si vous pouvez aussi faire quelque chose (vous avez tant de connaissances), je vous serais fort reconnaissant. Je vous avais envoyé dix exemplaires qui n’ont pas passé la frontière.
J’aimerais bien recevoir des poèmes de Dessaignes et de ses clichés. Ses poèmes dans DA 4-5 DA sont parmi les meilleures choses que je connaisse. Écrivez-moi, cher ami. Mes amitiés,
☞ Tzara
Arp vous salue bien. Qu’est-ce qu’on parle à Paris ? Et qu’est-ce qu’on prépare ou qu’est-ce qu’on fait1 ?
Chère Madame,
Je sais que c’est trop vous demander d’écrire quelque chose pour Dada. Mais si, par hasard, vous avez quelques pages, voulez-vous me les envoyer ? Il y a tant de bêtises dans Dada parce que je n’ai pas de collaborateurs.
Recevez mes meilleures salutations.
Au revoir.
☞ Tzara.
1. Suit un dessin mécanomorphe « Picabia-Tzara-Dada ».
161[A.I.1 (5), p. 16]
[Pièce n° 81]
162M. Tristan Tzara
163Mouvement DADA
164Hotel Seehof, Schifflände
165Zurich
3 août 1919.
Cher Tzara,
Je vous remercie beaucoup de vous occuper de mes tableaux, je vous prie de les faire envoyer à la galerie Moos à Genève pour que mes amis puissent les prendre et me les rapporter à Paris où je compte les exposer avec quelques autres, que de Zayas vient de ramener. Si cette exposition a lieu voulez-vous me faire une préface pour le catalogue, vous êtes le seul à qui je veuille demander cela. Cher ami je suis navré du début de votre lettre ; pourquoi ne venez-vous pas à Paris, puis-je faire quelque chose pour vous ? Si oui dites-moi-le de suite et vous pouvez compter absolument sur moi. J’ai été chez Figuière il va faire le nécessaire. Envoyez-lui vos livres il s’en occupera ; Figuière est un très chic type, et nous pouvons compter sur lui. Mon poème Pensées sans langage va paraître dans quelques jours, je me réjouis de vous l’envoyer.
Je vais demander à Ribemont-Dessaignes qu’il vous donne plusieurs choses, à ma femme aussi à Marcel Duchamp qui vient d’arriver à Paris et aussi à d’autres qui me paraîtront dignes de DADA. Vous devez avoir encore quelques dessins et poèmes de moi, faites faire les clichés je vous rembourserai les frais du clichage.
Je vous serre les deux mains bien cher ami.
Votre Francis Picabia.
Bonnes amitiés à Arp.
Méfiez-vous des petites revues parisiennes, soi-disant modernes.
Venez bien vite à Paris et écrivez si je peux faire quelque chose pour cela.
Répondez-moi 14, rue Émile-Augier, Paris.
J’ai bien envie de faire une partie d’échecs avec vous.
166[TZR.C.2998]
[Pièce n° 82]
[Sans date : octobre 1919 ?].
Je pense souvent à vous, mon cher ami, mais si je savais enfin pourquoi je ne puis rien entreprendre : ces derniers temps, je voulais chaque jour vous écrire. J’aimerais tant savoir ce que vous faites, à quoi vous pensez. Avez-vous enfin reçu les tableaux ? Et sont-ils arrivés en bon état ? M. Corlin m’avait écrit qu’ils sont arrivés à Genève, chez Moos et qu’il les passera en France. Je ne suis pas parti dans les Balkans, ce qu’on entend de là-bas est épouvantable. Je viendrai donc à Paris vers la fin de novembre. Et votre exposition ? C’est pour moi un des plus grands plaisirs de pouvoir écrire sur vous (s’il vous faut encore la préface dont vous me parlez). J’ai enfin trouvé un libraire qui veut s’occuper de Dada, j’attends la permission pour pouvoir envoyer les exemplaires à Paris. Avez-vous lu la note, complètement idiote, sur Dada, de la Nouvelle Rev. française ? Je ne répondrai même pas. Surtout parce que je n’ai pas d’ambitions littéraires, et parce que je ne me considère que comme amateur. Si je le faisais, c’est seulement pour ne pas faire trop de joie à certains individus, à Paris. Je m’imagine que l’idiotie est partout la même, puisqu’il y a partout des journalistes.
Vous m’écrivez mon cher Picabia, que je me méfie de certaines jeunes revues. Je suis si loin de vous et je ne sais pas ce qui se passe à Paris. Écrivez-moi je vous prie quelques détails.
Je viens de recevoir votre seconde lettre. La semaine prochaine je vous enverrai la préface. Dans quelle galerie voulez-vous faire l’exposition ? Je travaille peu, j’ai eu dernièrement une histoire désagréable (exagérée peut-être par mon état de nerfs), et je ne fais rien, je m’embête. Je vous enverrai vos clichés qui sont restés chez moi. J’apprends dans un journal que Gleizes est aussi à Paris. Je n’ai rien reçu de Ribemont-Dessaignes. Votre livre n’est pas arrivé, mais je l’attends avec impatience.
Je ne connais rien de M. Duchamp, voulez-vous m’envoyer quelques photos d’après ses choses. Dites-lui mes salutations (à Mme Picabia et à Rib.-Dessaignes aussi).
Écrivez-moi, cher ami, je suis absolument seul ici. Arp vous salue bien.
Bien à vous.
☞ Tzara.
167[A.I.1 (3), p. 26]
[Pièce n° 83]
168MOUVEMENT DADA
169Zurich
Zurich, le 31 octobre [1919].
Mon cher ami,
Vous comprendrez mieux que moi mon silence, car moi je ne le comprends pas du tout. Depuis quelque temps je suis absolument apathique, et il n’est pas besoin de vous écrire que j’ai souvent pensé à vous, et que je voulais au moins vingt fois vous écrire. Mais je voulais vous envoyer aussi la préface que vous m’aviez demandée. Je ne pouvais pas la finir jusqu’aujourd’hui, et ne suis pas très content d’elle. Je ne sais pas si ce n’est pas trop tard. Si vous voulez l’employer, vous avez naturellement toute liberté de corriger, rayer, ajouter, etc.
Merci de votre magnifique livre, qui est une des plus belles choses que je connaisse. Les bouts de paroles qui s’entrelacent dans des passages inaperçus, l’acclimatation des maladies grammaticales et les piles électriques aromatiques et intangibles me rappellent souvent les heures infiniment agréables que nous avons passées ensemble.
Je trouve dans ma poche une lettre que je croyais expédiée, ou perdue. Mais écrivez-moi, mon cher Picabia. Surtout, je vous prie de me dire comment on vit à Paris, car j’ai l’intention d’y venir.
Les deux photos, d’après vos tableaux que j’avais, paraîtront dans un grand ouvrage d’anti-art.
Je vous serre amicalement les mains.
☞ Tzara.
170[A.I.1 (3), p. 19]
[Pièce n° 84]
171M. Tristan Tzara
172Hotel Seehof
173Schifflände
174Zurich, Suisse
10 novembre 1919.
Mon cher Tzara,
Je suis bien heureux d’avoir vos lettres, je ne savais que penser, chez moi tout prend des proportions énormes ; maintenant je suis un peu rassuré sur vous. La vie à Paris est triste et sans grand intérêt, du moins pour moi ; expositions, revues modernes, journaux modernes, tout cela n’a de moderne que le nom, être moderne c’est exprimer quelque chose de soi, appelez-le esprit si vous voulez ; toutes ces expositions et revues sont prétentieuses sans souffle de vie et dignes du musée Grévin. Je vois tous les jours Ribemont-Dessaignes, nous parlons beaucoup de vous et nous avons envie d’aller à Zurich quelques semaines, mais ne voyez là qu’un projet bien en l’air. Si vous vous décidez à venir ici j’ai une chambre à votre disposition et vous n’auriez pas à vous inquiéter pour la vie matérielle. Mais dans cette capitale « l’esprit virginal » manque et pour nous c’est le seul qui existe, n’est-ce pas ? Je vous remercie pour la très belle préface (mon exposition n’a pas encore eu lieu) que vous m’avez envoyée. Je vous parle de tout mon cœur, bien cher ami, il n’y a vraiment que vous qui ayez l’ « esprit virginal », vous êtes avec R.-Dessaignes et Marcel Duchamp, les seuls êtres intelligents qui existent pour le moment, du moins je le crois. Tous les autres ne sont que vase lourde et puante. Je n’aime que les diamants. Le strass m’est aussi insupportable que la vase.
De Zayas fait un album de caricatures sur neuf peintres, j’ai le grand honneur de faire partie de ces neuf peintres, je lui dirai de vous envoyer un exemplaire. Arp travaille-t-il ? Faites-lui mes amitiés. Surtout écrivez-moi. Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
Avec R.-Dessaignes nous faisons un numéro de 391, vos deux poèmes que vous m’avez envoyés il y a quelque temps y figureront, nous avons l’intention de faire un autre 391, envoyez-moi plusieurs choses. Préparez-vous un DADA ??
17514, rue Émile-Augier
176Paris
177[TZR.C.2999]
[Pièce n° 85]
18 novembre 1919.
Monsieur,
Picabia me prie de vous écrire afin de vous demander de bien vouloir lui envoyer, par retour du courrier, les adresses que vous lui aviez données en Suisse et qu’il a égarées… Ceci afin de pouvoir faire l’expédition du dernier 391 qui vient de paraître […]
pour Francis Picabia
G. Everling.
Bien amicalement vôtre, suis très occupé pour le moment.
178Francis Picabia.
17914, rue Émile-Augier
180Paris
181[TZR.C.4340]
[Pièce n° 86]
21 novembre 1919.
Mon cher Tzara,
Votre lettre m’arrive trop tard. Vos deux poèmes sont dans 391 n° 9. Je trouve les derniers que vous m’avez envoyés extrêmement beaux. Ils paraîtront dans le prochain n° 10. Ci-inclus deux dessins et poème pour DADA, s’ils vous plaisent. Suis très fatigué ce soir. Rib.-Dessaignes vous envoie quelque chose aussi. Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
Faites faire les clichés des dessins je vous en expédierai le montant de suite.
182[TZR.C.3000]
[Pièce n° 87]
26 ou 27 novembre [1919].
Cher ami,
Je vous ai expédié aujourd’hui des exemplaires 391 pour l’Allemagne, je compte sur vous comme vous me l’avez proposé pour les expédier. Je pense faire un autre numéro pour décembre. Si le change n’était pas aussi cher, j’irais passer un mois à Zurich. Arp devrait m’envoyer une de ses dernières œuvres je la ferai figurer à notre exposition « la Section d’or » dont il fait partie du reste comme vous. J’ai pensé que cela pouvait vous être utile et agréable. Je travaille peu matériellement mais je crois avoir trouvé de nouvelles choses. Avez-vous ma lettre raccommodée ?? Je vous serre les deux mains bien cher ami.
Votre Francis Picabia.
183[TZR.C.3001]
[Pièce n° 88]
184MOUVEMENT DADA
185Zurich
[s.d., fin 1919].
Mon cher Picabia,
Je dormais depuis quelques semaines, et je ne le savais pas. Je viens de me réveiller en lisant le 391, qui est une des meilleures choses qu’on ait faites dans les derniers temps. Il nous a fait à tous un énorme plaisir.
J’ai reçu aussi seize exemplaires du n° 9, que j’ai envoyés en dépôt à la librairie à Berlin, j’ai écrit qu’on vous envoie à vous l’argent. Paul Éluard fait une revue à Paris, Proverbe. Il m’écrit «qu’il s’agira de montrer que la langue française n’est plus un instrument littéraire » et aimerait beaucoup avoir votre collaboration. Je crois que ce sera une revue intéressante. Donnez je vous prie à André Breton les notes que je vous ai envoyées. La revue Flamman de Stockholm a traduit votre manifeste paru dans Dada 4-5.
Je compte être le 6 janvier à Paris, si le consulat ne me fait trop de difficultés, et je me réjouis beaucoup de vous voir. Mais écrivez-moi je vous prie si cela ne vous dérange pas trop de dormir quelques nuits chez vous. On me dit qu’il est presque impossible pour le moment de trouver une chambre à Paris. Je travaille pour Dada 6, Arp fait un cahier Cacadou Supérieur où il y aura votre grand dessin L’Œil, je fais un livre chez un éditeur allemand, et encore une quantité d’autres choses plus ou moins intéressantes. La question principale est de ne pas s’ennuyer : un moyen très efficace est le jeu d’échecs. Écrivez-moi, mon cher Picabia.
Votre ami.
☞ Tzara.
L’attitude de Ribemont-Dessaignes est délicieuse, l’action nous intéresse peu, il n’y a que les gestes qui comptent.
186[A.I.1 (3), p. 16]
[Pièce n° 89]
Zurich, le 1er décembre [1919].
Mon cher Picabia,
J’ai reçu vos deux dessins et votre poème qui sont extrêmement beaux (?) et qui paraîtront avec les autres poèmes de vous que j’ai encore dans Dada 6. J’ai déjà envoyé en Allemagne les 391. On a beaucoup d’intérêt en Allemagne pour votre revue. Si vous voulez envoyer encore quelques exemplaires, je suis naturellement à votre disposition. Si vous faites des notes dans le prochain 391, je vous prie d’insérer quelques-unes de celles que je joins à la lettre.
Je vous remercie, mon cher Picabia, de ce que vous dites de mes choses. Vos appréciations me sont très précieuses.
Une revue allemande fera un numéro spécial Dada, qui sera arrangé par moi. Je vous prie de me répondre si vous me permettez d’extraire quelques pages de vos Pensées sans langage, ce qui ne serait pas une collaboration directe. Je serais fort content si vous vouliez m’envoyer aussi une ou deux photos d’après vos tableaux, et qui seront reproduites dans notre revue.
Quoique je travaille déjà à Dada 6, je pense que ça durera encore quelque temps jusqu’à ce qu’il paraisse, et je viendrai tout de suite après à Paris.
J’aime beaucoup les choses que Ribemont-Dessaignes m’a envoyées pour DADA 6. S’il a encore quelques P. S.-P. S. à ajouter à son article sur le Salon d’automne, je pourrais les publier. Arp vous enverra un relief, et vous prie de m’écrire quand l’exposition aura lieu.
Bien amicalement.
! Tzara !
[Pièce n° 90]
3 décembre 1919.
Mon cher Tzara,
Dans une revue à Genève l’on va parler du mouvement DADA, c’est Curnonsky qui l’a faite ; un de mes amis a lu ce qui vous concerne, c’est bien, il ne parle que de vous. Je travaille au prochain 391, je compte qu’il pourra paraître d’ici quinze jours. Vous avez dû recevoir des cartes de souscription pour l’album de caricatures par Georges de Zayas. Si le cliché d’Arp arrive à temps, ce que j’espère, il sera dans le 391. Les gens ici de plus en plus idiots, heureusement quelques amis, sans cela la vie serait impossible à Paris. Le change devient de plus en plus mauvais, cela me fait renoncer avec regret à mon voyage pour Zurich. Vous pouvez prendre ce que vous voudrez dans Pensées sans langage pour la revue allemande. Tâchez que DADA paraisse le plus vite possible, que vous veniez à Paris.
Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
Toutes mes amitiés à Arp.
Archipenko a dû vous écrire.
18714, rue Émile-Augier
188Paris
189[TZR.C.3002]
[Pièce n° 91]
Paris, 17 décembre 1919.
Mon cher Tzara,
J’ai reçu il y a quelques jours une feuille de chemin de fer, m’avisant de l’arrivée d’un colis de Zurich. J’ai fait faire les démarches nécessaires pour le retirer mais c’est impossible sans un certificat d’origine, ainsi que l’indique la lettre ci-jointe que je vous prie de ne pas manquer de me renvoyer, avec le certificat demandé.
Le numéro de 391 va paraître dans quelques jours, je vous l’enverrai aussitôt. Je n’ai pu insérer vos petites notes n’ayant pas eu la place nécessaire.
Il vient de se passer quelque chose d’insensé, vous connaissez l’article sur le Salon d’automne écrit par notre ami Ribemont-Dessaignes, à la suite de cet article Ribemont a été convoqué par le comité du Salon d’automne et en termes violents on lui a demandé sa démission. Je vous prie de faire passer une note dans DADA à ce sujet et de façon très énergique, si toutefois vous êtes de mon avis que cet acte est monstrueux. Car il est inadmissible qu’un artiste ne puisse dire librement son opinion, sans qu’on prétende le museler en prenant contre lui des mesures qui peuvent porter atteinte à sa vie artistique.
Je compte donc sur vous cher ami pour le défendre à outrance. La vie à Paris semble reprendre de l’activité, du moins dans notre groupe. Nous venons de refonder la « Section d’or » à laquelle participent les peintres, littérateurs, sculpteurs et musiciens, je vous ai fait inscrire bien entendu ; nous allons avoir une première manifestation en janvier et une autre beaucoup plus importante en mars. À cette époque je pense bien que vous serez à Paris.
Je me suis remis à travailler mais ça ne me réussit pas, je suis extrêmement fatigué.
Mon cher Tzara, très affectueusement, votre
Francis Picabia.
Très bon souvenir à ARP.
190[TZR.C.3003]
[Pièce n° 92]
191M. Tristan Tzara
192Hotel Seehof
193Schifflände
194Zurich
30 décembre 1919.
Cher Tzara,
Vous pouvez venir à Paris très tranquille, vous aurez lit pain et sel. Vous arrivez au bon moment, la vie est plus active ici. Faut-il vous expédier encore quelques exemplaires de 391 ?
Venez directement 14, rue Émile-Augier. Toutes mes amitiés pour ARP. Mes deux mains dans les vôtres et au 7 janvier.
Francis Picabia.
P.S. Nous allons organiser des soirées pour la « Section d’or » : soyez sûr vous ne vous ennuierez pas, je l’espère. ARP vient-il aussi ? Je me réjouis de faire une partie d’échecs avec vous.
19514, rue Émile-Augier
196Paris
197[TZR.C.3004]
[Pièce n° 93]
198M. Tristan Tzara
19914, rue Émile-Augier
200Paris xvie
3 février 1920.
Très bon voyage. Compte repartir pour la capitale le 20. Beaucoup de soleil, mais pas essence.
Très affectueusement.
Francis Picabia.
Écrivez poste restante aux Martigues
Bouches-du-Rhône
201[TZR.C.3007]
[Pièce n° 94]
12 février 1920.
Mon cher Tzara,
Je vous envoie DADA philosophe dédié à André Breton, il comprendra pourquoi (le bouton de porte artichaut). Comme cela n’est pas trop long, si vous ne le prenez pas pour vous, donnez-le-lui pour Littérature si toutefois ce poème en six chapitres lui plaît. Ici beau temps, mistral avec grand soleil – Écrivez-moi poste restante à Martigues, Bouches-du-Rhône.
Nous comptons partir le 20 pour Paris.
Très affectueusement, votre
Francis Picabia.
La mer, le ciel, les arbres, le soleil, les fleurs m’embêtent.
Germaine a tenu à recopier mon poème pour que vous le lisiez plus facilement. Tous les nuages sont tombés par terre. F. P.
202Martigues
203[TZR.C.3006]
[Pièce n° 95]
Samedi, s.d. [début février 1920].
Mon cher Picabia,
Premier réconfort : votre philosophie, votre lettre et votre carte. Je m’ennuyais beaucoup et je suis encore très fatigué. Alors vous revenez le 20, je me réjouis beaucoup, car : 1er chapitre : la solitude est affreuse. Ribemont-Dessaignes était ici. Le 19 soir, il y aura une manifestation Dada à l’Université populaire. Vous ne pouvez pas être à Paris, au moins parmi les spectateurs ? La manifestation du Faubourg était extrêmement intéressante. 3000 spectateurs nous ont acclamés, ceux qui parlaient contre nous furent interrompus, Raymond Duncan a fait des tirades enthousiastes sur nous, etc. À la première assemblée de la Section d’or (samedi passé), il s’est passé des choses absolument dégoûtantes. Survage déclarait que c’était lui la Section d’or, Birot et Roch Grey se sont opposés à la soirée Dada mais très énergiquement. J’arrangerai demain avec Dermée une assemblée générale pour samedi prochain. Si Roch Grey reste dans la Section d’or, je donnerai naturellement ma démission.
Littérature veut devenir l’organe Dada – ils supprimeront la collaboration des idiots. Au Sans Pareil vous demande à combien il faut tirer L’Unique eunuque.
C’est presque tout. Vous avez lu le reste dans les coupures que Michel vous a envoyées. DADA philosophe me donne du courage. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu’on voit qu’il y a encore quelque chose au-dessus de l’intelligence.
Ici tout va bien. Comment vous remercier de l’hospitalité que vous me donnez et de l’amitié que vous me montrez ? Le petit va très bien, je le vois chaque jour. J’irai ce soir au cinéma avec Michel. Son enthousiasme constant pour Dada me donne de l’entrain car il est plus grand que le mien.
Mes meilleures salutations à Mme Corlin.
Très affectueusement, votre
Tzara.
204[A.I.1 (5), p. 32]
[Pièce n° 96]
205TZARA
20614 R ÉMILE AUGIER PARIS
207TÉLÉGRAMME OFFICIEL
13 février 1920.
PRIÈRE CHANGER CHAPITRE CINQ PHILOSOPHIE DADA NOM APREMONT QUI EST ERREUR PAR BAUDELAIRE.
AMITIÉS, PICABIA
208MARTIGUES
209[TZR.C.3008]
[Pièce n° 97]
210M. Tristan Tzara
21114, rue Émile-Augier
212Paris
3 mai 1920.
Très bon voyage, très beau temps. Nous serons à Paris dimanche soir après dîner. J’espère que vous allez bien et que tout va bien. Votre très affectueusement.
Francis Picabia.
213[Carte postale Ouistreham]
214Espalion-sur-Mer
215[TZR.C.3009]
[Pièce n° 98]
216M. Tristan Tzara
217aux bons soins de M. Arp
218Zeltweg, 83
219Zurich, Suisse
Mardi 3 juillet 1920.
Mon cher Tzara,
Je vous écris ces lignes non sous l’action d’un mouvement d’humeur mais après beaucoup de réflexions et d’inspections. Littérature se fout de nous, le Sans Pareil cache nos livres et journaux, enfin je suis en présence de faits. Breton est un comédien achevé et ses deux petits amis pensent comme lui qu’il est possible de changer d’homme comme l’on change de bottines ; moi je suis absolument décidé à ne pas me laisser faire et à espacer de plus en plus mes relations avec ses jeunes littérateurs. Que comptez-vous faire de votre côté ? J’ai refusé de collaborer à Littérature et suis décidé dans l’avenir à ne leur donner aucune copie. J’espère que ce petit mot vous parviendra, je l’expédie à Arp pour qu’il le fasse suivre car mes lettres écrites en Suisse pour vous à Mlle Maya Chrusecz me sont revenues, inclus 391. Je vous serre les deux mains bien affectueusement.
Votre Francis Picabia.
Breton a écrit des lettres à Dermée dans le même style que les nôtres, vraiment c’est un peu fort, après tout ce qu’il nous en a dit.
Croyez-moi, suspendez correspondance pour le moment. F. P.
220Ex. par Francis Picabia
22114, rue Émile-Augier
222Paris
223Faire suivre.
224[TZR.C.3010]
[Pièce n° 99]
Zurich, 11 juillet [1920].
Mon cher ami,
De ce trou de province, Paris prend des proportions merveilleuses. Paris avec vous, votre activité, les heures où nous étions ensemble. C’est à vous et à votre amitié que je dois ce séjour, qui était des plus agréables de ma vie. Arp est toujours le garçon très sympathique et plein de fraîcheur. Il est tout seul ici et s’ennuie horriblement. Il voudrait bien vous voir et veut venir à Paris ou à New York. Il a arrangé avec une maison d’édition allemande la publication d’une petite anthologie litt. et art. Dada de 50-60 pages tirée à 10 000 exemplaires. Il m’attendait pour m’en parler. Si je l’avais su à Paris, j’aurais emporté tout le matériel. La chose est sérieuse et ce sera assez bien je crois.
Voulez-vous m’envoyer quelques poèmes ou proses (si vous n’avez rien je pourrai prendre quelque chose qui a déjà paru), un ou deux dessins de vous, une photo de Duchamp, une photo de Man Ray. Dites je vous prie à GRD de m’envoyer deux poèmes et un dessin. Je pars dimanche prochain, si vous croyez que les choses n’arriveront plus, envoyez-les, je vous prie à
Arp - Zeltweg 83, Zurich.
Arp publie un livre de poèmes en Allemagne. Il serait heureux si vous vouliez lui faire son portrait (Dada) pour l’imprimer en tête de volume. Huelsenbeck à Berlin a écrit une histoire du dadaïsme qui paraît ces jours-ci et où l’on parle longuement et élogieusement de vous, d’après les indications de Arp. On vous l’enverra. Activité partout. Mon livre Calendrier paraît prochainement en édition de luxe à 25 F, édité par Arp à deux cents exemplaires. Et J. Rasta ? Je voudrais bien savoir ce qui suit après l’œil froid, c’est comme Barrabas qui commence maintenant à Zurich. Zurich est mort et antipathique, il n’y a que l’air qui est très bon. Que faites-vous ? Qu’est-ce qui se passe ? Je m’enfonce, je ne sais pas pourquoi, dans les ténèbres balkaniques.
Tous les films qu’on donne ici sont truqués, coupés, censurés. Quel pays idiot ! Zurich est entre les mains de quelques vieilles femmes. Je ne puis pas me figurer que je suis resté des années ici.
Envoyez je vous prie les publications, ce que vous pouvez trouver des Dada, 391, etc. à
Paul Steegemann Verlag
Hannover, Allemagne
qui a commencé une série d’éditions Dada. Personne n’a reçu et ne reçoit Littérature. Breton m’avait pourtant promis de le laisser envoyer aux quelques gens qui s’intéressent. Vous voyez Breton ? 391 et Cannibale ont intéressé beaucoup nos amis d’ici et d’Allemagne. On dit partout que c’est la seule chose intéressante. Qu’est-ce qu’il fait Geo ? Je lui écrirai demain. Écrivez-moi, vous savez que c’est la seule chose qui peut me faire du plaisir. J’attends vos dessins et poèmes ou passages de Jésus.
Très affectueusement.
votre Tzara.
☞ J’ai perdu l’adresse de Mme Dreier en Allemagne, celle de New York aussi de la Société Anonyme.
Mon adresse : Mouvement Dada, Mlle Maya Chrusecz, Seefeldstr., 106, Zurich.
L’incident de la rate de Geo est réglé ?
La Suisse : une tumeur où Dieu a craché quelques lacs.
225[A.I.1 (6), pp. 60 et 63]
[Pièce n° 100]
226M. Tristan Tzara
227Mouvement Dada
228c/o Mlle Chrusecz
229Seefeldstr. 106
230Zurich
13 juillet 1920.
Mon cher Tzara,
Votre lettre arrive à l’instant, je suis encore au lit, il est midi. Je n’ai pas besoin de vous dire comme cela m’a fait plaisir de recevoir cette lettre. Depuis que vous êtes parti je n’ai vu personne, si, Geo retour de la mer. Breton m’a téléphoné pour s’excuser auprès de Geo sur la suppression du commencement de son article, vraiment la façon d’agir de Littérature est peu sympathique, pourquoi ne pas être plus simple et surtout plus franchement ami.
Je travaille toujours à J.-Christ rastaquouère, il me semble que cela marche un peu mieux que le commencement. Les nouvelles que vous me donnez sur le mouvement DADA me font plaisir et me font croire qu’il y a encore un peu de vie dans ce monde. Je ne peux vous envoyer de suite les poèmes et dessins que vous me demandez mais je compte y travailler et les expédier de suite à Arp avec son portrait que je suis enchanté de faire. S’il peut venir à Paris je suis ravi. Décidez-le à partir.
Quelques coupures arrivent mais de moins en moins intéressantes, celles qui arrivent à votre nom je les mets de côté.
Mon cher Tzara revenez bien vite ici votre départ est un grand vide pour moi.
Je vous serre les deux mains très affectueusement.
Votre Francis.
P.S. J’ai vu un éditeur qui s’intéresse beaucoup au mouvement DADA. Il voudrait avoir toutes les publications et éditer nos livres. Maison sérieuse. [De la main de Germaine] (comme les huîtres parquées !)
Merci beaucoup de votre lettre et de votre souvenir mon cher Tzara, nous vous regrettons. J’adore votre définition de la Suisse ! Très amicalement à vous.
Germaine Everling.
Faites-moi envoyer votre nouveau livre.
231[TZR.C.3011]
[Pièce n° 101]
Bucarest, 28 juillet 1920.
Mon cher ami,
Je suis depuis hier soir à Bucarest, je pars ce soir à la campagne et je ne désire que retourner, soit à Paris, soit autre part. Les Balkans et la mentalité d’ici me dégoûtent profondément. Comment allez-vous ? Et Dada, et vos travaux Jésus-rastaqouèresques ? Je ne reste que trois-quatre semaines ici, je retourne à Zurich premièrement par le Simplon-Express, le voyage par l’Allemagne est trop compliqué. Écrivez-moi en Suisse. Vers la fin de septembre, je serai probablement à Paris. Je crois que je ne pourrai rien travailler ici. Il fait trop chaud. Ç’aurait été peut-être mieux de ne pas partir du tout. Je m’ennuie ici horriblement, et je ne suis que pour vingt-quatre heures à Bucarest.
Au revoir et très affectueusement
Votre Tzara.
232[A.I.1 (6), p. 243]
[Pièce n° 102]
233[Carte postale d’Athènes]
[8 septembre 1920 (cachet en grec)].
Salutations de notre ami Socrate.
Votre Tzara.
234[A.I.1 (6), p. 393]
[Pièce n° 103]
235[Carte postale de Constantinople]
19 septembre 1920.
Mon cher ami,
Je suis en route pour Paris, mais je ne sais pas quand j’arrive. Je voudrais tant savoir ce que vous faites et comment vous allez. Presque trois mois que je n’entends et ne vois rien qui m’intéresse réellement.
Tzara.
236[A.I.1 (6), p. 399]
[Pièce n° 104]
Naples, 25 septembre 1920.
Mon cher ami,
Je me chauffe un peu au Vésuve, ici. Je reste un peu à Rome et à Florence et me rends en Suisse. Écrivez-moi à mon adresse de Zurich. Vers le 15, je serai peut-être à Paris. Mais que faites-vous, où êtes-vous ? Avez-vous reçu les quelques signes de vie que je vous ai donnés de Constantinople et d’Athènes.
Tzara.
237[A.I.1 (6), p. 394]
[Pièce n° 105]
Zurich, 8 octobre 1920.
Mon cher ami,
Je viens de recevoir votre lettre. J’ai été tout le temps en voyage et n’avais pas d’adresse. Il y a deux jours que je suis à Zurich. Votre lettre n’a pas été refusée par Mlle Chrusecz, seulement l’adresse n’était pas exacte. Ce n’est pas Seefeldstr. 20, mais 106, la poste m’a cherché partout et a envoyé à Paris la lettre.
Naturellement, mon cher ami, vous pouvez compter en tout sur moi, vous pouvez même décider tout ce que vous voudrez en mon nom. Je trouve ici Littérature, où je vois une note de moi que j’avais donnée à Ribemont, vous savez bien dans quelles conditions : il ne fallait la donner à Littérature que si Breton publiait la rectification pour l’article de Geo. Je suis donc étonné de la voir paraître, me trouve un peu gêné d’être là sans vous ni Geo.
Mais je compte être mercredi... jeudi à Paris. Je serais tellement content d’avoir un mot de vous sur ce qui se passe à Paris. Je suis un peu fatigué de ce voyage de plus d’un mois. Il y a probablement tant de choses qui se sont passées. Je ne suis plus au courant de rien : Arp part demain pour Berlin. Il y a fait paraître l’Anthologie et un livre de lui. J’ai vu chez lui vos très beaux dessins. 391 est magnifique et pur.
Comment allez-vous ? Que faites-vous et qu’avez-vous fait ? Et Geo ? Et Mme Everling ?
Très affectueusement, votre
Tzara.
Je me réjouis beaucoup de vous voir dans quelques jours. Mais êtes-vous à Paris ?
Bonjour [répété sept fois] à tout le monde.
Mon adresse : Mlle M. Chrusecz, pour Tz, Seefeldstr. 106, Zurich.
238[A.I.1 (6), p. 431]
[Pièce n° 106]
239[Sur papier à en-tête des Éditions de la Sirène]
Paris, le 12 janvier 1922.
Monsieur et cher Confrère,
Je suis chargé par la maison d’Éditions de la Sirène de composer une Anthologie des poètes nouveaux. Comme je désirerais vous y voir figurer, je vous serais très reconnaissant de m’envoyer à publier une dizaine de vos poèmes.
Souhaitant avant tout vous être agréable, j’aimerais vous les voir choisir vous-même ; en même temps vous seriez très aimable de vouloir bien remplir la feuille ci-jointe et de me faire parvenir d’urgence une copie d’un article sur vous que vous jugerez le plus intéressant.
Veuillez croire, Monsieur et cher Confrère, à mon meilleur sentiment.
Tristan Tzara.
240[A.I.1 (8), p. 179]
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Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
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Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
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2007