Chapitre XXI. Déclin de Dada. Publications 1922
p. 305-321
Texte intégral
Le système Dd à deux lettres, à deux faces, à deux dos, admet toutes les contradictions, n’admet pas la contradiction, est sans contredit la contradiction même, la vie, la mort, la mort, la vie, la vie, la vie, avis aux amateurs.
Louis Aragon.
1On peut considérer que ce mois d’avril 1922 qui vit l’échec du congrès de Paris marque également la fin de Dada, en tant que mouvement « organisé », à Paris. Tout se passa comme si cet effort déployé pour abattre un adversaire avait drainé toutes les forces du groupe, pour ne laisser qu’un corps épuisé, énervé. « La mort de Dada n’a pas été une belle mort, ainsi qu’on dit, constate Ribemont-Dessaignes. C’est la mort qui arrive à tout le monde. Une mort n’importe comment1 ».
2Et vers la même époque, Breton exprimait avec une émouvante simplicité son extrême lassitude :
Après tout, qui parle ? André Breton, un homme sans grand courage, qui jusqu’ici s’est satisfait tant bien que mal d’une action dérisoire et cela parce que peut-être un jour il s’est senti à jamais trop durement incapable de faire ce qu’il veut2.
3Certes, l’élan vital de Dada était trop impétueux pour que le puissent enrayer les effets d’une seule crise morale. Pendant plusieurs mois encore, le mouvement allait vivre sur son actif et se manifester en actes dont certains porteront incontestablement sa marque. En fait, jusqu’en 1924, faute d’avoir à sa disposition un autre vocable, on continuera dans le groupe et hors du groupe désormais désuni à couvrir du nom de Dada des activités très diverses. Mais, avec le congrès de Paris, un ressort essentiel s’était brisé : le désarroi s’était installé dans les cœurs et les esprits. Hugnet l’a bien observé :
L’enfant terrible qui se cachait en Dada avait trop posé de questions tragiques ou scabreuses pour qu’il ne se trouvât pas vite quelqu’un décidé à apporter par n’importe quel moyen une solution à des problèmes que Dada, nihiliste et brouillon, soulevait pour les abandonner aussitôt. Dada avait bouleversé les règles de l’Art et apporté la libération à ceux qui souhaitaient sortir enfin de la prison intellectuelle bourgeoise. Cela s’était fait avec beaucoup d’enthousiasme, droit devant soi. Mais maintenant, où allait-on ? Ces forces obscures qui, soudain libérées, s’en donnaient à cœur joie, où menaient-elles ? [...] Dada chancelait sous le nombre et la qualité de ses représentants. Il ne répondait plus à l’actualité. Son insouciance finissait en vaine bravade […]3.
4En ce sens, le congrès de Paris retentit chez Dada comme un coup de semonce salutaire. Plus d’un dadaïste se retrouva, à la fin de ce printemps 1922, traumatisé, désemparé, les yeux dessillés, mais disponible. « J’étais, écrit Breton, guéri de mon illusion, bien résolu dès lors à ne plus tenter la fortune intellectuelle dans des voies aussi précaires4. »
5Mais comme après toute rupture, il restait un passif à liquider, des habitudes à rompre... C’est ainsi que Breton, au moment même où débutaient les préparatifs du congrès de Paris, était convenu avec Soupault5 de relancer la revue Littérature, en sommeil depuis le numéro 20 (août 1921)6. Le premier numéro de cette « nouvelle série », bien qu’ayant paru le 1er mars 1922, en pleine crise du congrès de Paris, avait été préparé et composé antérieurement : on ne s’étonnera donc pas de n’y trouver aucune allusion à l’actualité et d’y voir figurer les noms de dadaïstes « bon teint » comme Tzara, Ribemont-Dessaignes et Soupault. Au vrai, hormis le format (légèrement plus grand) et la couverture illustrée (un « huit-reflets » d’où le prestidigitateur Man Ray avait extrait le mot magique Littérature) sur papier rose, rien ne permettait de distinguer ce numéro de ceux de la première série dite « dada » : même goût pour les « enquêtes » provocatrices7 (« Que faites-vous lorsque vous êtes seul ? »), même ton à la fois hautain et casseur d’assiettes8, même juxtaposition de textes d’inspiration dadaïste et de pièces non dénuées de préoccupations artistiques. Subrepticement, deux ou trois pages rappellent l’intérêt de Breton pour l’expression de l’inconscient : « Trois récits de rêves », cet « esprit nouveau » qui annonce Nadja, et surtout un article d’une importance toute particulière, l’« Interview du professeur Freud à Vienne9 » d’André Breton. On se rappelle que celui-ci, mettant à profit son séjour au Tyrol au cours de l’été précédent, était allé dans la capitale autrichienne rendre visite au fondateur de la psychanalyse10 : l’entrevue s’était soldée par un lamentable échec, les deux hommes n’ayant pas « communiqué » un seul instant. La faute en revenait sans doute à Breton qui avait affronté son célèbre interlocuteur comme il l’eût André Gide, avec sur le cœur, tous les préjugés d’un jeune révolté envers la célébrité et toute l’ignorance d’un jeune étudiant en médecine quant à la nouvelle science. Car, répétons-le, la formation donnée à Breton pendant la guerre par des neurologues comme Joseph Babinski, ennemis déclarés du médecin viennois, ne pouvait le conduire à apprécier pleinement l’ampleur de la grande révolution psychiatrique que ce dernier s’évertuait à imposer au monde11.
6Son « interview » de Freud vient à l’appui de cette assertion : elle établit qu’en 1921, date de la visite, et même en mars 1922, date de la publication, Breton était encore fort éloigné de songer à l’utilisation rationnelle des méthodes psychanalytiques pour l’exploitation poétique du domaine subconscient. Qu’il se soit ravisé ultérieurement, qu’il ait attribué à un « regrettable sacrifice à l’esprit dada12 » le ton de l’article, n’enlève rien à la causticité des termes eux-mêmes :
Aux jeunes gens et aux esprits romanesques qui, parce que la mode est cet hiver à la psycho-analyse, ont besoin de se figurer une des agences les plus prospères du rastaquouérisme moderne, le cabinet du professeur Freud, avec des appareils à transformer les lapins en chapeaux et le déterminisme bleu pour tout buvard, je ne suis pas fâché d’apprendre que le plus grand psychologue de ce temps habite une maison de médiocre apparence dans un quartier perdu de Vienne [...]. Je me trouve en présence d’un petit vieillard sans allure, qui reçoit dans son pauvre cabinet de médecin de quartier13.
7C’est dans le deuxième (1er avril) des trois numéros14 de Littérature parus au printemps 1922 que se trouve, avec l’article « Lâchez tout15 », la première allusion au congrès de Paris. Tzara, Ribemont-Dessaignes, Éluard et leurs féaux sont absents du sommaire, mais les réponses des deux derniers figurent encore dans l’enquête liminaire sur « la sorte de prédilection que nous portons à certaines des choses qui nous entourent16 ». Ce retrait forcé des dadaïstes a pour premier résultat de révéler brutalement la fraternité d’inspiration des textes de Breton et de ceux de ses amis épargnés par la « purge » (Aragon, Rigaut, Vitrac et Baron), phénomène que les agitations et les scories de Dada leur avaient jusque-là caché et qui ne redeviendrait pleinement évident que plus tard.
8Avec le numéro de mai, l’impression se confirme : la nouvelle équipe rédactionnelle est portée, plus par son tempérament que par un souci concerté, vers des œuvres aussi éloignées que possible de la légèreté et de la farce dadaïstes. On évolue aux confins de la littérature et du fantastique quotidien, dans une manière de morne sérénité. Seul un texte de Péret, « L’auberge du “Cul volant” », certifié écrit « la première partie avant de faire l’amour et la seconde partie après17 », tranchait par sa truculence et la verdeur du délire poétique sur la sagesse automatique environnante.
9L’été vint, et la pause annuelle. Breton fut à même de dresser le bilan de ce premier semestre si mouvementé et de poser des jalons pour l’avenir. Or, il s’avérait que la voie ouverte par la nouvelle série de Littérature menait à une impasse :
[...] Philippe Soupault et moi nous avions essayé sans grand succès de faire diversion : numéros du chapeau haut de forme. Mais nous nous rendîmes compte assez vite que nous vivions sur un compromis18.
10Les quelques semaines qui suivirent le congrès apparaissent donc comme essentielles pour l’évolution de Breton et par corollaire pour celle de sa revue. Le comportement ambigu de Soupault pendant la récente crise exigeait qu’on se passât désormais de lui : « Le temps d’en finir avec certains regrets, certaines faiblesses d’ordre sentimental et Littérature, nouvelle série, reparaît sous ma seule direction19. »
11Ce tournant de Littérature amorcé avec le numéro 4, daté du 1er septembre, fut indiqué par un changement de présentation. Le format resta le même (sauf pour le numéro 4 où il fut légèrement réduit), mais le papier rose de la couverture et le chapeau haut de forme de Man Ray cédèrent le pas à une carte blanche plus forte que Picabia devait agrémenter, jusqu’en 1924, de dessins d’une facture linéaire très particulière20 et chaque fois différente.
12Mais le renouvellement ne se bornait pas aux apparences, comme le montrent tous les textes de ces semaines de l’été 1922 : Breton, investi par un pressentiment prophétique, attendait la venue d’une inspiration soudaine, d’une révélation poétique.
Picabia, Duchamp, Picasso nous restent. Je vous serre les mains, Louis Aragon, Philippe Soupault, mes chers amis de toujours. Vous souvenez-vous de Guillaume Apollinaire et de Pierre Reverdy ? N’est-il pas vrai que nous leur devons un peu de notre force ? Mais déjà Jacques Baron, Robert Desnos, Max Morise, Pierre de Massot nous attendent. Il ne sera pas dit que le dadaïsme aura servi à autre chose qu’à nous maintenir dans cet état de disponibilité parfaite où nous sommes et dont maintenant nous allons nous éloigner avec lucidité vers ce qui nous réclame21.
13Ainsi s’achevait la note liminaire du premier numéro « surréaliste » de Littérature. Que cette foi aveugle en un avenir faste tînt lieu à Breton de fondement idéologique, voilà qui ne fait aucun doute, et peu importe puisqu’elle fut récompensée. Car l’exaltation affective où se maintenait Breton à cette époque semble avoir atteint par contagion tous ses collaborateurs : à chaque page, on établissait un bilan, on s’ouvrait à l’attente du grand départ, non d’ailleurs sans repentirs ni serrements de cœur.
14C’était d’abord Aragon qui révélait le sommaire de l’Histoire littéraire contemporaine qu’il avait mise en chantier pour Jacques Doucet22. Puis Huelsenbeck mettait un point final à l’histoire de Dada en donnant une longue et filandreuse version des années zurichoises où Tzara, comme bien l’on pense, n’était point mis en vedette. Enfin quelques « regrets » (le texte de Vous m’oublierez) et une violente critique des derniers ouvrages des traîtres de la veille (Westwego de Soupault, Vocabulaire de Cocteau, Les Malheurs des immortels d’Ernst et Éluard ; et tout Tzara, en bloc). Dans le numéro 5 (p. 13), Péret publiait une notice nécrologique de Dada qui n’était pas exempte de nostalgie, mais qui n’en brisait pas moins résolument les ponts :
[...] 10 – Je quitte les lunettes Dada et prêt à partir, je regarde d’où vient le vent sans m’inquiéter de savoir ce qu’il sera et où il me mènera.
15Ce vent nouveau, c’est le numéro suivant de Littérature (n° 6, 1er novembre 1922) qui devait en indiquer et l’origine et la direction. Dans un article liminaire visiblement écrit dans un grand élan d’enthousiasme et intitulé « Entrée des médiums », Breton rendait compte de sa dernière découverte, si étonnante
qu’après dix jours les plus blasés, les plus sûrs d’entre nous, demeurent confondus, tremblants de reconnaissance et de peur, autant dire ont perdu contenance devant la merveille23.
16« Entrée des médiums » étant aujourd’hui classique et ressortissant à l’histoire du surréalisme, on nous dispensera d’en faire longuement état ici. Rappelons seulement que la « merveille » en question était la révélation du potentiel poétique insoupçonné de l’activité psychique inconsciente, révélée par l’artifice de l’hypnose spirite. Cette découverte n’était d’ailleurs pas aussi imprévisible qu’il y paraît aujourd’hui. Depuis la fin de la guerre, en effet, on parlait beaucoup de spiritisme à Paris. Le professeur Charles Richet, qui dès 1912 avait tenté de soumettre les phénomènes occultes à l’observation scientifique, avait enfin vu ses efforts couronnés de succès : un Institut de métapsychique venait d’être fondé en 1920 et ses premiers travaux suscitaient au sein du grand public un intérêt considérable. Les journaux faisaient état d’expériences conduites ici ou là, flattant le goût inné de leurs lecteurs pour le surnaturel. La publication en 1923 du Traité de métapsychique de Richet acheva de mettre les manifestations spirites à la mode du jour.
17En dépit de ce battage journalistique, et malgré leur propension à aimer l’insolite, les dadaïstes ne se fussent probablement pas aventurés sur ce périlleux terrain sans l’intervention de René Crevel qui, se prétendant doué de capacités médiumniques, initia Breton et ses amis aux techniques des exercices hypnotiques, au mois de septembre 1922. Il est juste de préciser que ni Crevel ni ses amis de l’heure ne tombèrent jamais dans le panneau des incarnations ectoplasmiques et autres manifestations suspectes. Au cours des séances, auxquelles prenaient part Desnos, Éluard, Morise et Péret, Crevel se bornait à s’endormir et proférait alors des paroles sans suite, mais non dénuées d’une certaine charge poétique. Méthodiquement exploitée sur d’autres sujets et dans des circonstances à déterminer, cette nouvelle technique d’exploration de l’inconscient pouvait suppléer les deux autres « solutions » précédemment imaginées par Breton, à savoir d’une part « l’écriture automatique » systématisée, de l’autre les récits de rêves. En effet, les promesses tenues par la première s’étaient révélées fallacieuses : Les Champs magnétiques étaient demeurés sans lendemain, sans doute parce que la conscience des auteurs, une fois éveillée, exerçait sur leur comportement psychique un droit de regard plus rigoureux :
Jamais plus par la suite, où nous le [le murmure de l’inconscient] fîmes sourdre avec le souci de le capter à des fins précises, il ne nous entraîna bien loin24.
18Quant aux récits de rêves, ils demandaient « le secours de la mémoire, celle-ci profondément défaillante et, d’une façon générale, sujette à caution25 ». La rédaction sous hypnose, en revanche, présentait l’avantage incontestable de supprimer toute interférence du conscient dans l’expression du « moi » profond.
19On comprend que Breton, qui jusqu’alors ne savait pas trop par quelle idée nouvelle prendre le relais de Dada, s’attacha avec enthousiasme à une méthode qui s’inscrivait si exactement dans la ligne de ses préoccupations fondamentales et de ses expériences antérieures. Dans l’exaltation du moment, il voulut faire participer à ce nouveau « départ » les trois hommes qui s’étaient trouvés au coude à coude avec lui au moment des premiers affrontements dadaïstes : Aragon, Soupault et Tzara.
20Mais les deux derniers au moins ne parurent pas priser cette soudaine magnanimité, ni cette absolution générale survenant quelques mois à peine après le corps-à-corps sanglant du congrès de Paris. Pour de nombreuses années, les choses allaient en rester là.
21Dès lors, Littérature devait de plus en plus nettement devenir le forum des seules expériences métapsychiques du groupe Breton. De ce fait l’historien de Dada n’y trouverait plus que maigre pâture26. Deux anomalies toutefois retiendront son attention. La première, c’est la présence dans ce concert de voix « surréalisantes » de celle, discordante, de Picabia. La seconde est l’influence du mode de penser essentiellement dadaïste de Marcel Duchamp dans l’élaboration d’un des textes pré-surréalistes les plus envoûtants.
22La dernière série de Littérature est en effet dominée par la présence de l’auteur de Jésus-Christ rastaquouère : Breton inscrivit au sommaire de chacun des neuf derniers numéros un ou plusieurs articles de son grand ami de l’heure, ce qui n’aurait rien eu d’étonnant si ces textes n’eussent témoigné d’une parfaite et constante inspiration dadaïste. Il s’agit le plus souvent de sentences, de potins, d’épigrammes médisants en tous points semblables à ceux qui émaillaient les pages de 391 et de Cannibale. Le contraste est si flagrant entre ces propos caustiques et négateurs, visiblement destinés à semer la confusion et à empoisonner l’atmosphère, et la supérieure sérénité ambiante des divers écrits « surréalistes » qu’on doit alors se demander si Breton en a eu conscience ou si, aveuglé par une amitié alors souveraine, il ne remarqua point que le comportement de Picabia était totalement étranger à celui qu’il s’imposait à lui-même et à ses collaborateurs.
23Dans la première hypothèse, la plus plausible compte tenu du caractère et de l’intelligence de Breton, il faut admettre qu’il témoigna à l’égard de Picabia d’une surprenante mansuétude, assortie sans doute d’un espoir obstiné et toujours déçu en une impossible conversion27. En effet, les efforts certains de Picabia pour se mettre au diapason « surréaliste » dans certains de ses textes28 n’aboutirent jamais qu’à la remise en œuvre des procédés poétiques qui avaient servi à l’élaboration de ses recueils de 1917-1918 et des pièces parues dans les numéros espagnols et new-yorkais de 391. Visiblement, son instinct et son goût le portaient, en ces jours fastes, vers un type de création littéraire plus dynamique, plus joyeux, plus vivant.
24Ce besoin chronique de changement, tout autant que la contrainte affective où le maintenait la fréquentation assidue de Breton, devait à terme amener Picabia à suspendre sa collaboration privilégiée à Littérature. Peu à peu, à partir de 1923, les liens qui unissaient les deux hommes se relâchèrent : si quelques poèmes de Picabia figurent encore dans le numéro-anthologie de Littérature (n° 11-12, 15 octobre 1923, p. 21-25), la livraison suivante, la dernière de cette série (où symboliquement l’on revient à Rimbaud, Apollinaire, Vitrac, Desnos, Baron, Aragon et Breton), ne fait même pas mention du nom de l’auteur de Jésus-Christ rastaquouère, qui avait, entretemps, pris violemment parti contre l’interprétation bretonienne du surréalisme.
25L’influence de Duchamp était à la fois plus précise et plus diffuse. Dans le numéro 5 de Littérature (octobre 1922), Breton avait meublé certains blancs au moyen de subtils jeux de mots du type « Opalin, O ma laine », envoyés de New York par Marcel Duchamp, et prétendument écrits par ce mystérieux alter ego du peintre baptisé en 1921 Rrose Sélavy. Chez Breton lui-même et pour ses jeunes amis, ces contrepèteries avaient provoqué une nouvelle flambée d’enthousiasme (au point que le numéro tout entier avait été placé sous le signe de Rrose Sélavy)
du fait de ces deux caractères bien distincts : d’une part leur rigueur mathématique (déplacement de lettre à l’intérieur d’un mot, échange de syllabe entre deux mots, etc.), d’autre part l’absence de l’élément comique qui passait pour inhérent au genre et suffisait à sa dépréciation. C’était, à mon sens, ce qui depuis longtemps s’était produit de plus remarquable en poésie29.
26Cependant, les animateurs de Littérature, toujours en quête d’expériences nouvelles, n’eussent sans doute attaché à ces acrobaties verbales qu’une importance passagère, sans l’exploitation qu’en fit Robert Desnos au cours des séances de sommeil hypnotique dont il est rendu compte plus haut.
27Quel beau passage que celui où Breton s’interroge sur le mystère des prétendues communications télépathiques entre Duchamp, alors à New York, et son jeune protégé !
Qui dicte à Desnos endormi les phrases qu’on va lire et dont Rrose Sélavy est aussi l’héroïne ; le cerveau de Desnos est-il uni comme il le prétend à celui de Duchamp, au point que Rrose Sélavy ne lui parle que si Duchamp a les yeux ouverts ? C’est ce que, dans l’état actuel de la question, il ne m’appartient pas d’élucider. Il est à signaler qu’éveillé, Desnos se montre incapable, au même titre que nous tous, de poursuivre la série de ses « jeux de mots » même au prix de longs efforts30.
28Les critiques ont fait depuis lors la part de la simulation, voire de la supercherie, dans ces manifestations d’un état « second ». Pour juger sainement le comportement de Desnos, il convient de tenir compte de ses authentiques talents poétiques, du violent désir aussi qu’il éprouvait de se montrer admirable en tout, et pour tous31, mais en particulier envers Breton, au rôle enfin que joua l’opium dans ses admirables créations dites surréalistes. Marcel Duchamp lui-même ayant eu connaissance après coup des exploits de Desnos est toujours demeuré très circonspect sur toute l’affaire. Il ne paraît pas toutefois qu’il se soit ouvertement offusqué du procédé assez cavalier qui consistait à s’approprier, sous prétexte d’hypnotisme, un mode d’expression découvert par lui et à exploiter dans les conditions que l’on sait la notoriété liée au nom de « Rrose Sélavy32 ». Eu égard au caractère emblématique du moindre geste de Duchamp, on ne saurait interpréter autrement que comme une revendication le fait d’avoir réuni et publié sous le même titre en 1939 les contrepèteries de cette période.
29Mais les considérations qui précèdent n’attentent point à l’unicité du phénomène. Du reste, il convient de ne pas se laisser abuser par des analogies formelles : les « jeux de mots » de Duchamp et ceux de Desnos révèlent des tempéraments différents. L’auteur de Corps et biens est plus lyrique, plus flamboyant, plus spirituel, plus sensible à la valeur musicale ou rythmique de l’allitération, plus aisément esclave du procédé33. L’ingénieur de La Mariée mise à nu est plus réticent, moins directement accessible, ennemi de la facilité et de la jonglerie verbale, de l’humour au simple degré. Mais le fait intéressant pour notre propos, c’est qu’en reprenant à leur compte la technique des jeux de mots inventée plusieurs années auparavant par Duchamp, Desnos et Breton exploitaient à des fins surréalistes un procédé spécifiquement dada, consistant à délibérément dissocier les mots de leur contenu traditionnel. On observe chez tous les humains, depuis l’aurore de la civilisation, cette inclination à jouer avec le langage, à le dépasser, à dénaturer ce qui n’était à l’origine qu’un instrument de communication. Mais Breton le premier peut-être a pressenti que ces jeux de mots pouvaient bien n’être pas gratuits :
[...] ce sont nos plus sûres raisons d’être qui sont en jeu. Les mots, du reste, ont fini de jouer.
Les mots font l’amour34.
30La périodicité de Littérature (nouvelle série) devait aller s’espaçant jusqu’à ce que Breton, lassé d’un pensum devenu inutile, s’en dispensât purement et simplement35. À vrai dire, après le numéro 7 (décembre 1922), la désaffection de Breton et de ses amis pour la revue est flagrante et le contenu des numéros reflète un certain désarroi, la monotonie du vide et des répétitions inéluctables, et l’incertitude des animateurs quant à l’orientation à donner à leurs efforts36.
31Dès la fin de 1921, les jeunes recrues qui gravitaient autour de Dada et que Littérature accueillait volontiers dans ses colonnes avaient tenté de faire leurs preuves par eux-mêmes et de s’affirmer ainsi aux yeux du public en regard de leurs aînés.
32Ainsi Roger Vitrac, Jacques Baron, Marcel Arland, Max Morise et René Crevel s’étaient lancés dans une entreprise qui n’était pas sans rappeler celle de Littérature (première manière)37. Ayant obtenu la caution – publicitaire – des noms de Pierre Mac Orlan, Paul Valéry, Max Jacob, Jean Paulhan, Blaise Cendrars, ils se cotisèrent pour publier au mois de novembre 1921 le premier numéro d’une petite revue mensuelle, assez banalement nommée Aventure38. Les dadaïstes, maintenant célèbres, y avaient été admis en bonne place : Aragon et – par le biais d’une enquête sur l’humour – Tzara et Dermée.
33En dépit des apparences et de la présence à son sommaire des noms précités, Aventure n’avait « pas partie liée avec le mouvement Dada », mais cherchait « à représenter et à exprimer les tendances les plus modernes de la nouvelle littérature française39 ». La fraîcheur émerveillée des textes de Cliquennois, de Vitrac, de Limbour et d’Arland, la joliesse symboliste des vers de Baron, un souci littéraire partout évident, et l’affirmation de la valeur personnelle de l’aventure poétique40, interdisent de ranger la revue de Vitrac et Arland aux côtés de 391 ou de Dada. Elle n’en contient pas moins de fort belles pièces et mérite examen, mais en soi ou peut-être dans une perspective surréaliste. Le troisième et dernier numéro41, en effet, beaucoup plus homogène que les précédents, et délivré de Jean Cocteau, de Paul Morand et de Raoul Dufy, ressortit indubitablement au domaine du surréel. Le climat en est étrange et sagement fantastique et deux pièces de Breton y voisinent avec un long poème de jeunesse de Tzara, « Réalités cosmiques vanille tabac ». Curieusement ces dix-neuf strophes, datées de 1914, donc « pré-dadaïques », ne tranchent en rien sur le reste de la revue, comme si le surréalisme naissant était rejoint dans les limbes par le fantôme du symbolisme :
La pierre
danse danse seigneur
la fièvre pense une fleur
danse danse sur la pierre
chaude tresse
recommence en dissonance pour l’obscurité, ma
sœur
ma
sœur42
34Malheureusement le congrès de Paris vint mettre un terme précoce à ces débuts prometteurs. La coexistence pacifique de MM. Breton et Tzara ne pouvait se prolonger et les collaborateurs d’Aventure se répartirent de part et d’autre de la ligne de clivage imposée par les événements. Vitrac, promu, en qualité de directeur d’Aventure, membre du comité organisateur au côté de Breton, se retrouva du jour au lendemain sans armée, amer et cynique, chargé d’une revue moribonde dont il escomptait, contre toute espérance, tirer encore quelques soupirs :
Nous avons publié trois numéros. Nous nous sommes trompés. Nous nous tromperons encore. Nous ne demandons qu’à nous tromper. On patauge sur les routes trop frayées. Je ne suis pas encore gâteux. J’en profite43
35Mais déjà, ses collaborateurs d’hier se retournaient contre lui et contre sa revue :
Les aventuriers d’Aventure ne sont que des aventuristes. La caractéristique des aventuristes est qu’ils ont eu une aventure pas drôle du tout44.
36Cette faillite avait sa source partie dans la conjoncture, partie dans une maladresse politique commise par Vitrac : au moment du lancement du périodique, celui-ci, Crevel et Arland étaient convenus que la direction en serait collégiale45, que Crevel assumerait la « gérance » de l’entreprise, c’est-à-dire la responsabilité juridique, mais que tous auraient leur part des hautes comme des basses besognes. En janvier, quand Vitrac voulut prendre position en faveur de Breton, Arland et Crevel refusèrent de le suivre et le jeune homme, prenant le taureau par les cornes, annonça qu’il se considérait comme le seul directeur de la revue. Sur quoi, les autres collaborateurs se regroupèrent autour d’Arland pour continuer la publication d’Aventure sous un autre titre. Ainsi46 naquit en avril 1922 Dés, dont la présentation était rigoureusement identique à celle d’Aventure, même format, même mise en page, même typographie, article liminaire de teneur analogue par le même Pierre Mac Orlan. Mais cette similitude était trompeuse, car le charme qui se dégageait du dernier numéro d’Aventure s’était évanoui, et un certain désenchantement de mauvais augure perçait dans la préface d’Arland :
Notre tort fut alors de croire que des jeunes gens pussent sans y sacrifier leur individualité et cet égoïsme plus ou moins souple à quoi se ramène le génie de chacun, former un groupe mû par de mêmes tendances.
Nous avons éprouvé que la seule tendance commune et effective est l’arrivisme. Cela se nomme, selon les hommes, Dada, classicisme, ou congrès de Paris.
Quelques camarades m’aidant à fonder cette revue, qu’on n’y cherche pas unité. On ne trouvera ici que tentatives et contradictions47.
37Effectivement, le sommaire de Dés est un agglomérat de titres sans aucun dénominateur commun : Tzara (« Monsieur Aa l’antiphilosophe »), des poèmes d’Éluard, des textes de Ribemont-Dessaignes, Limbour, Crevel, Cliquennois et Arland, et des « Lapins pneumatiques dans un jardin français » d’un jeune « farfelu » nommé André Malraux. Bien que nulle mention n’y soit faite de Vitrac, de Breton, ni des événements contemporains, Dés, revue invertébrée, sans but et sans âme, mourut comme Dada, du coup qu’elle avait voulu porter au congrès de Paris48. L’adversaire une fois démonté, la force, qui avait lié entre eux ses collaborateurs, se trouvait brusquement sans emploi.
38On ne saurait sans solliciter les données historiques inclure The Little Review dans la liste des publications dadaïstes. Mais on ne peut davantage se dispenser d’analyser les circonstances grâce auxquelles le périodique fondé en 1914 à Chicago par Margaret C. Anderson en vint à épouser la cause de Dada au point de passer, vers 1922, pour une émanation du mouvement lui-même.
39La directrice de la Little Review, femme de tête et d’esprit, était prédestinée à recevoir un jour la bonne nouvelle dadaïste. Dans les premiers numéros de sa revue « dont la philosophie était l’anarchisme appliqué » et « la consécration à la splendeur de la vie », elle s’était donnée, dans un magnifique chaos, à tous les mouvements et à tous les hommes à la mode du jour : Freud, Bergson, Nietzsche, le féminisme, l’anarchisme. En 1917, Ezra Pound, nommé Foreign Editor, avait, de Londres, sérieusement infléchi la ligne directrice du périodique, bravant la police et les censures du ministère des Postes en publiant de 1918 à 1921 les bonnes feuilles du roman Ulysse de James Joyce. À quatre reprises, la Little Review fut saisie : en fin de compte, Margaret Anderson décida d’en suspendre la publication après le numéro de décembre 1920 et de suivre en Europe le flot des écrivains américains dégoûtés de leur pays. Elle ouvrit un bureau à Londres, obtint de Sylvia Beach (qui tenait rue Dupuytren la librairie Shakespeare and Co.) qu’elle lui servît de boîte aux lettres parisienne, et s’assura la collaboration de la poétesse Jane Heap. En mai 1921, les journaux annoncèrent la renaissance de la revue, devenue trimestrielle, et dont le premier numéro, prévu pour l’automne, contiendrait une véhémente protestation émanant des jeunes écrivains des deux continents contre l’interdiction d’Ulysse outre-Atlantique. C’est donc sous la forme d’un organe de combat que la Little Review apparut dès l’abord aux dadaïstes, eux-mêmes alors en pleine euphorie belliqueuse.
40Par l’intermédiaire d’Ezra Pound, Margaret Anderson entra en relations avec Dada. Le 12 avril 1921, le poète américain, de passage à Paris, écrivait à Picabia : « Sais pas si vous pouvez collaborer à une sacrée revue américaine – Très morte, mais l’espérance49. » Pourquoi Picabia ? Parce que Margaret Anderson conservait le souvenir des déportements dadaïstes new-yorkais de 1917 auxquels le nom du peintre avait été mêlé50. Celui-ci, connaissant le mode de vie américain et parfaitement introduit dans les milieux de l’avant-garde parisienne, servirait à merveille les intérêts de la revue. Picabia accueillit favorablement ces ouvertures et, quand le numéro attendu fut enfin mis en vente à la mi-août, Tzara et Breton eurent la surprise de voir le nom de leur ami dans le cadre réservé à l’administration, accolé à ceux de Margaret Anderson, d’Ezra Pound et de « jh » [pour Jane Heap], et ses poèmes indécemment mêlés à des textes de Paul Morand et de Cocteau (la traduction du Cap de Bonne-Espérance). Picabia, ainsi promu, comme Pound, au poste de Foreign Editor (« en remplacement de Jules Romains », écrivait fielleusement Aragon)51, n’eut rien de plus pressé que de se préparer un Picabia Number qui parut au printemps de 1922 : totalement acquis à Dada, il contenait seize reproductions de toiles mécanomorphes de Picabia et des textes de Tzara, Ribemont-Dessaignes, Crotti, Christian, jh, et bien entendu Picabia. Seuls deux poèmes en prose « Cocteau saluant Tzara » et « Cocteau saluant Picabia » et la traduction anglaise des Méditations esthétiques d’Apollinaire pouvaient faire grincer les dents des dadaïstes irréductibles.
41Au cours des deux années suivantes (espace du règne de Picabia) et même ultérieurement, la plupart des articles et des illustrations de la Little Review allaient être influencés par Dada. Parmi les collaborateurs, si tous n’appartenaient pas au mouvement d’ailleurs moribond, tous se situaient en fonction du comportement dadaïste du moment : on vit ainsi défiler au sommaire des numéros, outre les noms déjà cités, ceux de Pansaers, Elsa von Freytag-Loringhoven, Breton, Man Ray, Massot, Éluard, Arp, Aragon, Baron, Soupault, Péret, Crevel, Mesens, Rigaut, Arland, Varèse, Schwitters, Van Doesburg, Charchoune, Josephson, Limbour..... Jane Heap et Margaret Anderson elles-mêmes prirent fait et cause pour Dada chacune des nombreuses fois où le mouvement et les idées dadaïstes firent l’objet de violentes attaques en Europe ou aux États-Unis.
42Cette dispersion des centres d’intérêt, jointe à l’agitation déployée à propos du congrès de Paris, se révéla dans une certaine mesure préjudiciable à l’activité créatrice individuelle des dadaïstes. Les seuls ouvrages qui parurent pendant les six premiers mois de 1922 avaient été composés à la fin de l’année précédente.
43C’était le cas de Répétitions52 de Paul Éluard, premier produit de la féconde conspiration du poète et de Max Ernst, amorcée l’été précédent à Cologne. Par un curieux phénomène d’osmose et de mimétisme, les deux artistes parvinrent à donner des équivalents plastiques (onze collages) et poétiques (quarante-neuf poèmes) d’une même donnée intangible. On ne saurait parler ni d’ « illustrations » ou de « légendes », encore moins de Répétitions, mais bien plutôt de miraculeuses correspondances. Imperturbable, fidèle à lui-même et à une perfection verbale acquise d’emblée depuis Les Nécessités de la vie, Éluard passe au-dessus ou à côté des modes :
La Rivière
La rivière que j’ai sous la langue,
L’eau qu’on n’imagine pas, mon petit bateau,
Et, les rideaux baissés, parlons53.
44L’ouvrage achevé d’imprimer à Paris le 18 mars fut mis en vente le 1er avril. Peu après Le Cœur à barbe admirait : « Il ne s’agit plus d’être simple, mais de reprocher à Paul Éluard une perfection qui pourrait être dangereuse pour la réputation et l’existence de nos plus dangereux poètes54. »
45Quelques mois plus tard, après leur séjour estival au Tyrol, Ernst et Éluard allaient donner le deuxième volet du triptyque55, Les Malheurs des immortels, dans lequel ils allaient pousser encore plus avant leur collaboration puisque les poèmes seraient cette fois le fruit d’une inspiration commune et composés selon la technique dès longtemps éprouvée par Dada.
46Presque simultanément, le 31 mars, Soupault publiait, à la librairie Six que tenait sa femme, Westwego56, la longue méditation poétique commencée dans un lit d’hôpital en 1917. À vrai dire, cette belle invitation au voyage, où l’on retrouvait pêle-mêle les réminiscences d’Apollinaire57 et les accents du Cendrars des Pâques à New York, ne se rattachait au dadaïsme ni par le sujet ni par la forme. Déjà Dada nimbé d’une auréole de mélancolie rejoignait dans l’arsenal des souvenirs de Soupault les rêves d’évasion et les promenades romantiques le long de la Tamise :
Étrange voyageur voyageur sans bagages
je n’ai jamais quitté Paris
ma mémoire ne me quittait pas d’une semelle58
Je voulais aller à New York ou à Buenos-Ayres
connaître la neige de Moscou
partir un soir à bord d’un paquebot
pour Madagascar ou Shang-hai
remonter le Mississipi [...]59.
Il y a tant de choses qui dansent devant moi
mes amis endormis aux quatre coins
je les verrai demain
André aux yeux couleur de planète
Jacques, Louis, Théodore
le grand Paul mon cher arbre
et Tristan dont le rire est un grand paon
vous êtes vivants
j’ai oublié vos gestes et votre vraie voix
mais ce soir je suis seul je suis Philippe Soupault
je descends lentement le boulevard Saint-Michel60.
47La douce tristesse qui pénètre ces rêveries avait son origine à la fois dans la vie sentimentale du poète61 et dans l’intuition que la belle aventure dada touchait à sa fin.
48C’était aussi un adieu à Dada que représentait pour Aragon la publication au mois de novembre 1922 des Aventures de Télémaque62, encore que l’ouvrage, dans sa forme et même dans le ton, s’apparentât étroitement aux œuvres contemporaines des dadaïstes bon teint. On y trouve en effet, présentés sous la forme de morceaux rapportés sans ordre apparent sur un commentaire discursif et d’ailleurs en grande partie absurde, certains textes et manifestes composés, publiés ou lus depuis Anicet. Mais le lyrisme contenu et le brillant du style de cette interminable et multiforme digression sur l’amour, dédiée à Paul Éluard, faisaient assez connaître que ce moderne Télémaque était parti en quête d’un autre Mentor.
49Le premier ouvrage critique sur le dadaïsme parisien fut le fait d’un membre du mouvement et parut dans les premiers jours de 1922. C’était De Mallarmé à 391, un petit livre de cent quarante pages, écrit de juillet à novembre 1921 par Pierre de Massot. Retenu dans son village natal de Pontcharra par des contingences pécuniaires, le « jeune provincial », tout au souvenir des moments exaltants passés en compagnie des dadaïstes l’hiver précédent, résolut d’en consigner la relation par écrit. Picabia, avisé, encouragea l’auteur et assura un peu légèrement qu’on n’aurait aucun mal à le faire publier. Massot travailla d’arrache-pied : l’ouvrage prit peu à peu la forme d’une histoire de la littérature contemporaine d’avant-garde. Naïve et gauche par instants, cette étude n’en révélait pas moins une bonne connaissance de la chose littéraire, une vive sensibilité et un évident abandon au plaisir d’écrire. La louange y était répandue à profusion, comme dans beaucoup d’ouvrages de ce genre, sur les auteurs divers dont le mérite commun était d’avoir évolué à un moment quelconque dans l’orbite de Pierre de Massot. Ainsi Mallarmé, les cubistes et Apollinaire cédaient-ils vite la place à Cocteau, Max Jacob, Reverdy, Cendrars, Dermée, Salmon, Morand, Drieu La Rochelle, Radiguet et surtout à Dada et à Picabia qui avait, à l’insu de son auteur, contribué à financer l’ouvrage63. Pour prévenir les critiques qu’il sentait inévitables, Massot avait écrit dans la préface :
Ce livre est-il sincère ? Il est préférable de ne pas le croire. Pendant la guerre, à l’heure où les troupes étrangères battaient les murs de Paris, la correspondance qui annonçait nos succès ne portait-elle pas toujours la mention « Franchise Militaire »64 ?
50Ce mauvais calembour donne une fausse idée de la valeur de l’ouvrage : l’intelligence du jeune dadaïste lui permettait d’analyser avec pertinence les tenants et les aboutissants du mouvement Dada, et ce à une époque où il y avait quelque mérite à y voir clair puisque les meilleurs critiques eux-mêmes donnaient quotidiennement la preuve de leur impuissance à se dégager de l’événement.
51Le 4 novembre, Massot vint loger chez Picabia65 et c’est là qu’il corrigea les épreuves de l’ouvrage qui parut enfin au début de janvier 1922, comme débutaient les premières escarmouches du congrès de Paris. Bien que rédigé plusieurs semaines auparavant et donc innocent de toute compromission, l’éloge flagrant qu’il contenait à l’endroit de Picabia et le Requiem qui y était dit sur le corps de Dada fit ranger ipso facto son auteur dans le camp de Breton.
52Mais là encore on peut se demander quels étaient les véritables desseins de Picabia en favorisant la publication de ce texte, archétype de toutes les études écrites depuis sur Dada. Était-ce bien à seule fin d’aider à l’éclosion d’un nouveau talent et de récompenser ainsi une touchante fidélité ? Une note de Christian autorise le doute :
[...] Surtout qu’on le [le livre] fasse passer comme une chose sérieuse et critique, édifiante, lénifiante, consolante [...]. Que le monde entier sache, grâce à de Massot, qu’il existe une logique de la déraison. Je frémis à la seule idée de la déconvenue de nombreuses personnes que nous pourrons « induire en erreur ». Il y a beaucoup de diabolique dans vos intentions, mon cher Picabia. Quel besoin, vous dirait-on, d’ôter le repos à des personnes paisibles qui verront leur bonne foi trompée66
53Mais la bombe – si bombe il y avait – se trouva désamorcée par le congrès de Paris, et le premier livre de Massot passa pratiquement inaperçu hors du petit cercle des artistes et des poètes dont il traitait.
Notes de bas de page
1 Georges Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis, bibl. 494, p. 113. Il convient ici de faire état d’une curieuse note de cet auteur (ibid., p. 102) : « Picabia a l’idée de le [Dada] remplacer par une société secrète dont il donne même le signe de ralliement et il la propose à André Breton dans une étonnante lettre. Breton accepte. Des notes sont envoyées aux journaux. Cependant l’idée est trop lourde, elle tombe à l’eau... jusqu’au fond. » Nous avons cherché en vain d’autres traces de cette « société ».
2 Les Pas perdus, bibl. 103, p. 129. Voir aussi la réponse désabusée de Breton à l’enquête sur les tendances de la jeune poésie lancée par Gilbert Charles dans Le Figaro du 20 mai 1922 (anc. coll. Tzara).
3 In Les Cahiers d’art, bibl. 322, 1936, n° 8-10, p. 268.
4 Les Pas perdus, bibl. 103, p. 188.
5 La situation délicate de Soupault – il collabore au Cœur à barbe en même temps qu’il co-dirige la revue « ennemie » Littérature – explique assez bien son comportement modéré tout au long du congrès.
6 Voir supra, p. 268.
7 La B.L.J.D. renferme deux lettres inédites, dans lesquelles Soupault, co-directeur de Littérature, propose à Tzara deux thèmes d’enquêtes qui ne seront jamais publiées dans la revue.
Les voici :
1. 13 avril 1922 : « Littérature prie quelques-uns de ses amis et collaborateurs de lui faire savoir :
Quelle place ils pensent déjà qu’ils occupent et si cette place les satisfait.
Si les pronostics que leur situation présente semble fonder ont chance de se vérifier et s’ils en acceptent l’augure.
S’ils se sont, entre-temps, découvert une ambition quelconque, et à quoi cette ambition les condamne.
Enfin, s’étant rencontrés somme toute sur le terrain littéraire, dans quel ordre d’idées (littéraire ou autre) ils croient devoir se manifester désormais [...].
[Signé] Soupault et Breton. » (TZR.C. 3834.)
2. 24 mai 1922 : [...] Répondez, je vous prie
Les cinq romans que vous préférez
Les cinq ouvrages en prose que vous préférez
Les cinq poèmes que vous préférez
Les cinq pièces de théâtre que vous préférez
Les cinq films que vous préférez
Les choses que vous savez par cœur
Les cinq tableaux que vous préférez
Les cinq airs que vous préférez. » (TZR.C. 3836.)
Voir les réponses de Tzara à Soupault, infra, app. 4, pièce n° 221a.
8 Voir Lettre ouverte au comité Lautréamont, Déclaration sur l’affaire Ubu (p. 3), et André Gide nous parle de ses morceaux choisis (p. 16), repris dans Les Pas perdus, bibl. 103, p. 113-116.
9 Ibid., p. 19.
10 Voir supra, p. 252.
11 Une phrase d’une de ses lettres à Tzara (4 avril 1919, voir app., pièce n° 6) « Kräpelin et Freud m’ont donné des émotions très fortes », est révélatrice. Elle montre en effet que Breton mettait sur le même plan le père de la psychanalyse et l’un des tenants de la psychiatrie traditionnelle.
12 Voir Entretiens, bibl. 106, p. 76.
13 Sur Breton et la psychanalyse, voir « De la médecine au surréalisme », par le Pr Tuchmann-Duplessis, in Marottes et violons d’Ingres, Paris, n° 13, mai-juin 1951, p. 15-30.
14 Ces trois numéros (mars, avril et mai 1922) parus sous la direction de Breton et Soupault constituent en fait une série de transition entre la première série dite « dada » publiée par Breton, Aragon et Soupault, entre 1919 et 1921 (vingt numéros), et la série dite « surréaliste », dirigée par Breton seul, de septembre 1922 à juin 1924 (treize numéros).
15 Voir supra, p. 299-300.
16 À rapprocher de l’enquête Liquidation (notation d’une centaine d’hommes célèbres) dans Littérature i, n° 18, mars 1921, p. 1-7. Ici, on demandait à Aragon, Jacques Baron, Breton, Éluard, Fraenkel, Max Morise, Péret, Ribemont-Dessaignes, Rigaut, Soupault et Vitrac de répondre à un questionnaire en trente-sept points portant sur les « objets de leurs affections » : objet usuel, âge, femme, partie du corps, manière de faire l’amour, etc. Les réponses éclairent chacun des personnages d’une lueur nouvelle (C.Q.F.D.), mais aussi permettent de faire le départ des esprits « surréalistes » et « dadaïstes ».
17 Littérature (nouvelle série), n° 3, mai 1922, p. 16.
18 André Breton, « Clairement », in Littérature (nouvelle série), n° 4, 1922, p. 1.
19 André Breton, Entretiens, bibl. 106, p. 70. En fait, il semble bien que la raison déterminante du retrait de Soupault fut l’impossibilité de parvenir à un accord avec Breton sur le rôle à confier à Picabia dans la nouvelle série de Littérature. Soupault, dont les sentiments à l’endroit du peintre étaient notoirement hostiles, ne comprenait pas l’engouement de Breton à l’égard de celui-ci. Voir la lettre de Breton à Picabia (mai 1922) : « [...] une bonne nouvelle : Soupault m’abandonne la direction de Littérature, en sorte que les interminables discussions à votre sujet prennent fin et que je vous prie de m’accorder votre collaboration, toute votre collaboration » (infra, pièce n° 135).
20 À vrai dire, on a beaucoup surestimé et l’importance de ces dessins dont la valeur symbolique est souvent confuse et l’exécution sans mérite particulier. Citons les plus célèbres : le Sacré-Cœur ceint d’épines et couronné de flammes, du n° 4 (septembre 1922) ; la femme nue au geste obscène imposée sur un cheval noir, du n° 5 (octobre 1922) portant en exergue « Nul n’est censé ignorer [Dada] » ; et surtout les deux paires de semelles de chaussures (homme et femme) imbriquées de façon non équivoque et portant les mots lits et ratures (n° 7, décembre 1922).
21 André Breton, « Clairement », in Littérature, n° 4, septembre 1922, p. 2.
22 Ce projet reçut un début de réalisation en vue d’une édition en deux volumes « avec facsimilé », annoncée dans Littérature (n° 4, septembre 1922, couv. 3) mais avortée. Les chapitres déjà rédigés (deux cents pages environ) se trouvent à la B.L.J.D. (B.IV.3) et témoignent de l’immense talent de conteur et de mémorialiste de l’Aragon de l’époque dada. Nous nous sommes fondés sur les plus pertinents d’entre eux (alors inédits) pour élaborer la présente chronique. Certains ont été publiés, le plus souvent amendés (voir « Agadir », in Littérature, n° 9, fév.-mars 1923, p. 3-5 ; « Manifestation du faubourg », in Les Écrits nouveaux, A.I.1 [4], p. 199-200 ; et les extraits de divers chapitres dans Garaudy, L’Itinéraire d’Aragon, bibl. 271). Le temps a montré tout l’intérêt de cette initiative originale qui consistait à confier à un jeune auteur le soin de consigner les événements littéraires de son époque. Récemment plusieurs de ces chapitres ont été rendus publics dans des conditions éditoriales éthiquement contestables.
23 André Breton, « Entrée des médiums », in Littérature (nouvelle série), n° 6, 1er novembre 1922, p. 1-16.
24 Ibid., p. 2.
25 Ibid., p. 3.
26 On relèvera cependant la querelle épistolaire Breton-Picabia-Soupault sur le sens de Dada parue dans le n° 5, 1er octobre 1922, p. 14-15.
27 Ainsi s’expliquerait le curieux commentaire de Breton sur une interview de Picabia parue dans Le Figaro (voir supra, p. 311, note 26) : « Je ne connais pas d’homme plus préoccupé que Picabia de la caractérisation de l’esprit qui, pour quelques-uns d’entre nous, s’est fait jour depuis peu en dehors de Dada ; je sais aussi, chez lui, à quel admirable sens de la vie ce besoin répond et j’accuse tout au plus sa hâte, et je ne m’alarme pas comme certains de mes amis, quand je le vois, pour ensevelir plus vite un esprit qui s’est à son propre point de vue déconsidéré, prendre la contrepartie d’idées qui ne sont pas celles dont l’application a été fatale à Dada, au contraire » (Littérature, nouvelle série, n° 5, 1er octobre 1922, p. 14-15.)
28 Par exemple, Histoire de voir (n° 6, novembre 1922, p. 17) ; Électrargol (n° 9, février-mars 1923, p. 14). Ces textes sont au demeurant splendides, et accusent bien le rôle de précurseur joué par Picabia.
29 André Breton, « Les Mots sans rides », in Littérature, nouvelle série, n° 7, déc. 1922, p. 13. Sur les « jeux de mots » de Duchamp, voir Duchamp du signe, bibl. 224, p. 145-164 et Françoise Le Penven, L’Art d’écrire de Marcel Duchamp, bibl. 380a, passim.
30 Ibid., p. 13-14.
31 Selon Henri Béhar qui le tient de Michel Leiris, « Desnos [...] se considérait comme le seul inspiré capable de mettre au jour ces trésors du penser apparemment non dirigé » et aurait éprouvé du dépit quand Roger Vitrac produisit lui aussi des fragments « automatiques » (« Peau-Asie », in Littérature II, n° 9, 1er février-1er mars 1923, p. 18-20).
32 Marcel Duchamp nous a déclaré sans ambages ne pas donner créance à l’interprétation « télépathique » des contrepèteries de Desnos, telle que suggérée par Breton dans le texte cité plus haut. À son sens – et au nôtre – le poète de Corps et biens a pu trouver en lui-même l’inspiration nécessaire et suffisante.
33 Exemple : « Devise de Rrose Sélavy : Plus que poli pour être honnête / Plus que poète pour être honni » ; « Les lois de nos désirs sont des dés sans loisir », etc. Sur le mécanisme comparé des contrepèteries chez Duchamp et Vitrac, voir Henri Béhar, Roger Vitrac, bibl. 65.
34 « Les Mots sans rides », in Littérature, n° 7, 1er décembre 1922, p. 14. Breton lui-même s’essaiera au procédé (voir par exemple « La lecture excitée éteint l’électricité », « Carnet », in Littérature (nouvelle série), n° 13, juin 1924, p. 19.
35 Voir, sur les circonstances matérielles de la préparation des derniers numéros de la revue, la note manuscrite inédite de Breton encartée dans l’exemplaire Gaffé de Littérature, bibl. 744, n° 6, août 1919.
36 Mensuelle jusqu’en janvier 1923 (n° 8), Littérature n’aura que trois autres numéros en 1923 (février-mars, n° 9 ; mai, n° 10 ; octobre, n° double 11-12). Encore cette dernière livraison est-elle entièrement occupée par une anthologie poétique (voir le très intéressant exemplaire de Paul Éluard, décrit dans le catalogue Gaffé, n° 161). Le seul numéro de 1924 (juin, n° 13), dévolu à des inédits de Rimbaud et d’Apollinaire, n’a pas d’autre raison d’être et, si rien n’y laisse soupçonner qu’il est le dernier, il accuse un essoufflement de mauvais présage.
37 Comme par hasard on retrouve d’ailleurs au sommaire d’Aventure le nom d’Henry Cliquennois qui était apparu météoriquement sur les premières épreuves de Littérature (voir supra, p. 84-86).
38 Bibl. 674. Trouvaille de Vitrac, Aventure était aussi le titre de l’article liminaire de Pierre Mac Orlan. Sur la genèse d’Aventure, voir L’Université de Paris (alors dirigée par Marcel Arland), 25 octobre 1921, p. 4 ; 25 novembre 1921, p. 12.
39 Anonyme, in L’Université de Paris, 25 octobre 1921, p. 4.
40 « [...] l’aventure n’est pas collective. Elle est individuelle et demande une grande liberté de pensée sinon d’action ». Pierre Mac Orlan, in Aventure, bibl. 674, n° 1, novembre 1921, p. 3.
41 Jan. 1922. Un quatrième numéro (n° spécial illustré) ne vit jamais le jour.
42 Aventure, bibl. 674, n° 3, janvier 1922, p. 12.
43 L’Université de Paris, 5 janvier 1922, p. 8.
44 Tristan Tzara, « Tickets de seconde », in Le Cœur à barbe, bibl. 679, p. 7.
45 Aucun nom de « directeur » n’apparaît en effet dans les trois numéros. Dans Secession (bibl. 732, n° 1, printemps 1922, couv. 2), Aragon est mentionné comme étant « Associate Editor of Aventure » et Matthew Josephson comme ayant « joined the staff of Aventure ».
46 Voir la note du Cœur à barbe : « Un coup de force du jeune V. pour s’emparer de la direction d’Aventure ayant mis cette revue sous la tutelle militaire de Picabia, son co-directeur, M. Marcel Arland fonde une nouvelle revue Dés. Le hasard et l’amour du jeu ». Anonyme, bibl. 679, p. 8.
47 Dés, bibl. 686, p. 13 [T.T.].
48 Un deuxième n° de Dés fut mis en chantier, mais ne parut pas : voir lettre inéd. de Marcel Arland à Éluard dans l’ex. Gaffé de Littérature (bibl. 744, n° 12, fév. 1920, face p. 25) ; et le texte inéd. de Max Morise publié en app., infra, pièce n° 229.
49 A.I.1 [4], p. 406.
50 Certains membres du groupe Duchamp-Picabia-Arensberg collaboraient d’ailleurs depuis sa fondation à la Little Review, notamment l’inénarrable comtesse Elsa von Freytag-Loringhoven et Mina Loy, poétesse imagiste et deuxième épouse d’Arthur Cravan.
51 Dans son Projet d’histoire littéraire contemporaine. En vérité, si Jules Romains avait bien été invité par Ezra Pound à devenir Foreign Editor de la revue, et si son nom figurait sur les en-têtes, Margaret Anderson ne reçut jamais de lui la moindre communication.
52 Voir bibl. 239.
53 Ibid., p. 18.
54 Bibl. 679, p. 8.
55 Le troisième volet (Au défaut du silence, 1925) est une ode à Gala en vingt-et-un portraits de Max Ernst et vingt-et-un poèmes d’Éluard.
56 Bibl. 593. Westwego (« Nous allons vers l’Ouest ») revient souvent dans le folklore américain de la conquête de l’Ouest. Selon l’auteur lui-même (un temps employé au Bureau des Pétroles), ainsi aurait été baptisé le plus grand pétrolier américain lancé en 1920 d’après le nom d’une ville de Louisiane.
57 « Je me promenais à Londres un été / les pieds brûlants et le cœur dans les yeux... » N’est-ce pas là le début de la « Chanson du mal aimé » ? (Westwego, bibl. 593, p. 8).
58 Ibid., p. 13.
59 Ibid., p. 15.
60 Ibid., p. 17-18.
61 Cette crise qui l’amena au bord du suicide est relatée dans un ouvrage publié à deux exemplaires hors commerce en 1921, L’Invitation au suicide (bibl. 594).
62 Voir bibl. 22. L’ouvrage, publiée par la N.R.F. dans la collection « Une œuvre, un portrait », contenait un portrait d’Aragon exécuté au fusain par Robert Delaunay : collusion inexcusable aux yeux de Dada et dont Aragon était conscient, comme l’atteste la dédicace de l’exemplaire de Tzara : « Et on peut bien voir au portrait que Cravan avait raison et que ce peintre était un pet orange. » – Le manuscrit de la collection Gaffé, d’après Georges Blaizot, « présente d’intéressantes et assez nombreuses variantes avec le texte imprimé dans l’édition originale [...] ; l’épilogue (3 p.) est supprimé dans le livre. À la suite sont reliés vingt-trois feuillets dactylographiés intitulés Notes. Notes inédites d’un vif intérêt sur le mouvement Dada et sur la composition même du présent ouvrage [...] » (cat. Gaffé, bibl. 744, n° 3).
63 Picabia et le libraire Christian versèrent chacun 50 pour cent des 2 500 F. du devis. Sur les tractations qui entourèrent la publication de De Mallarmé à 391, voir les lettres de Christian à Picabia des 15 novembre 1921 (A.I.1 [7], p. 533) et 6 décembre 1921 (A.I.1 [7], p. 592) et de Massot à Picabia des 11 [août] 1921 (A.I.1 [7], p. 378) ; 19 août 1921 (A.I.1 [7], p. 404) ; 8 octobre 1921 (A.I.1 [7], p. 461) ; 31 octobre 1921 (A.I.1 [7], p. 489), etc.
64 De Mallarmé à 391, bibl. 403, [p. 5]. Voir Étant donné, bibl. 691a, dossier Pierre de Massot.
65 Aucune situation ne s’étant offerte, Massot deviendra au printemps 1922 le précepteur des enfants de Picabia et résidera avec leur mère Gabrielle Buffet à Gaultret.
66 Lettre de Christian à Picabia, 6 décembre 1921, A.I.1 (7), p. 592. Christian proposait même un titre plus cinglant mais cette suggestion ne fut pas retenue.
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Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
Colloque organisé par l’IHTP les 4 et 5 octobre 1984
Charles-Robert Ageron (dir.)
1986
Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Actes du Colloque International du CNRS (Montpellier, 26-29 avril 1983)
Jean Guilaine, Jean Courtin, Jean-Louis Roudil et al. (dir.)
1987
La formation de l’Irak contemporain
Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
Pierre-Jean Luizard
2002
La télévision des Trente Glorieuses
Culture et politique
Évelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy (dir.)
2007
L’homme et sa diversité
Perspectives en enjeux de l’anthropologie biologique
Anne-Marie Guihard-Costa, Gilles Boetsch et Alain Froment (dir.)
2007