Notices biographiques
p. 297-307
Texte intégral
1Baer Karl Ernst von, (1792-1876)
2Médecin et embryologiste ayant étudié également l’anatomie comparée, Karl Ernst von Baer enseigna à Königsberg, puis à Saint-Pétersbourg. Son ouvrage sur le développement des animaux à partir de l’œuf fécondé, Entwicklungsgegischte der Tiere, publié entre 1828 et 1837, influença de nombreux penseurs, même en dehors de l’embryologie. Von Baer voulait d’abord s’opposer à l’idée d’échelle des êtres, selon laquelle les organismes peuvent être hiérarchisés dans l’ordre de leur complexité croissante, les animaux supérieurs parcourant dans leur développement des étapes où des organismes plus simples demeurent, cette idée ouvre la porte à celle d’une parenté et même d’une filiation entre tous les vivants, donc potentiellement à l’idée d’évolution. Cependant, il ne pouvait retourner à une représentation fixiste, et il était adepte de la théorie épigénétique du développement. Il effectua ainsi une sorte de compromis : à l’intérieur de quatre types d’organisation, analogues à ceux que distinguait Cuvier, les organismes sont pour lui susceptibles d’évoluer de manière de plus en plus complexe. Cette théorie ménageait encore la place d’une providence divine, à l’œuvre dans ces types primitifs. C’est pourtant à un évolutionnisme beaucoup plus radical qu’elle servit de base, où toute forme vivante découle entièrement des mêmes processus évolutifs. Herbert Spencer par exemple, accordait une importance fondamentale à la « loi de Baer » du développement de l’homogène à l’hétérogène, et faisait la loi de toute évolution, qu’elle soit biologique, psychologique, historique.
3Baldwin James Mark, (1861-1934)
4James Mark Baldwin a notamment enseigné la philosophie à l’université de Toronto, la psychologie à Princeton, la philosophie et la psychologie à John’s Hopkins. Formé au laboratoire de Wilhelm Wundt à Leipzig, il réussit à imposer un laboratoire de psychologie expérimentale à Toronto, et introduisit cette discipline aux États-Unis malgré les résistances qu’elle soulevait. Il appliqua la méthode expérimentale à l’étude psychologique de l’enfant, étudiant sa propre fille Élizabeth, comme on peut le voir dans son ouvrage Mental Development in the Child and the Race, paru en 1895. Au-delà de la psychologie de l’enfant, il se consacra à une œuvre monumentale, ayant l’ambition de retracer le développement mental de l’humanité. Son Dictionnaire de Philosophie et de Psychologie, paru en 1902, porte la marque de ce projet. Son système est couronné par une théorie esthétique, le Pancalisme, où le sentiment esthétique représente l’espoir de dépasser les difficultés de la pensée rationnelle. Véritable inventeur de la psychologie génétique, il est mentionné par Jean Piaget lui-même comme un de ses inspirateurs directs.
5Binet Alfred, (1857-1911)
6Alfred Binet, directeur du Laboratoire de psychophysiologie de la Sorbonne, fut avant tout un expérimentateur. Attiré par la psychologie expérimentale, il étudie aussi l’hypnose avec Charcot. Il s’intéressera également à la suggestion, et exercera ses talents en composant des spectacles pour le Grand-Guignol, où la suggestion joue un rôle essentiel. Ses premières préoccupations ont peut-être toujours été les exceptions, les génies comme les victimes de pathologies. Lorsqu’il étudie les enfants, il s’agit d’abord de ses propres filles, et leur observation vise à dégager leurs dispositions intellectuelles et affectives (L’Étude expérimentale de l’intelligence, 1903). C’est après que le ministère de l’Éducation nationale lui a confié la tâche de produire des instruments d’évaluation en vue de l’orientation des élèves qu’il élabore, avec Simon, en 1905 et 1908, les premiers tests d’intelligence. Fondateur de L’Année psychologique, A. Binet devint en 1900 directeur de la Société Libre pour l’Étude Psychologique de l’Enfant. Il mourut prématurément en 1911, après avoir fait la synthèse de ses idées dans Les Idées modernes sur les enfants (1909).
7Buisson Ferdinand, (1841-1932)
8Enseignant d’abord à Neuchâtel, Ferdinand Buisson passe l’agrégation de philosophie en 1868. Sa première préoccupation est de promouvoir un protestantisme libéral : sa doctrine de la laïcité peut être considérée comme l’aboutissement de cette orientation. Nommé en 1871 inspecteur primaire à Paris par Jules Simon, il devient en 1878 inspecteur général de l’enseignement primaire, avant que Jules Ferry ne le choisisse comme directeur de l’enseignement primaire en 1879. Ferdinand Buisson s’illustre non seulement par son rôle dans la création de l’enseignement primaire, mais encore par sa philosophie de l’éducation qu’il n’a cessé de vouloir mettre en pratique. Le rayonnement de l’idée de laïcité ne doit pas faire oublier qu’il était un défenseur de la méthode active, par quoi il faut entendre une méthode qui encourage l’élève à chercher par lui-même. Ferdinand Buisson enseigna à la Sorbonne, la « science de l’éducation », de 1896 à 1902, après Henri Marion. Il a dirigé le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, publié de 1882 à 1887, puis en 1911.
9Claparède Édouard, (1873-1940)
10Édouard Claparède soutint en 1897 une thèse de médecine, mais fut influencé par son cousin Théodore Flournoy, qui l’incita à s’intéresser à la psychologie, puis à la psychopathologie. Sa psychologie privilégie le point de vue fonctionnel, qui consiste à rendre compte des phénomènes psychologiques par leur utilité pour l’organisme, son adaptation et sa conservation. C’est ainsi que, le comportement de l’enfant étant dicté par des besoins et des intérêts qui vont dans le sens de son développement, l’éducation doit prendre en compte ces intérêts au lieu de les contrarier. É. Claparède déclare dans son autobiographie avoir été particulièrement marqué par la lecture de l’ouvrage de Karl Groos sur le jeu des animaux, où le jeu est considéré comme un entraînement aux comportements qui permettent la survie de l’adulte. Dès 1905, dans Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale, il développe cette idée et ses conséquences pédagogiques En 1912, É. Claparède fonde avec Pierre Bovet l’Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève, où prennent naissance les sciences de l’éducation. À la fois lieu d’éducation, de formation et de recherche, l’Institut accueillera les premières recherches de Piaget en psychologie génétique, alors que Claparède s’orientera plutôt vers la recherche différentielle concernant les aptitudes des écoliers.
11Compayré Gabriel, (1843-1913)
12Agrégé de philosophie, Gabriel Compayré soutient en 1874 sa thèse sur la philosophie de David Hume, puis enseigne à la Faculté des lettres de Toulouse. Son ouvrage principal, l’Histoire des doctrines de l’Éducation en France, est couronné par l’Académie des sciences morales et politiques en 1877. Dès la création de l’École normale supérieure de Fontenay, il est chargé d’y enseigner l’histoire de la pédagogie, et cet enseignement donne lieu à un certain nombre d’ouvrages, tel le cours de pédagogie en 1888. Il est un de ces philosophes qui, sous la Troisième République, ont orienté leur réflexion vers l’éducation et ont mis en pratique cette réflexion par l’action politique, d’où la mise au point de la « pédagogie normale », et la théorisation de l’école pour le peuple. Gabriel Compayré fut aussi député du Tarn, recteur des académies de Poitiers et de Lyon, puis inspecteur général de l’enseignement secondaire.
13Darwin Charles, (1809-1882)
14Charles Darwin est le fondateur de la théorie moderne de l’évolution, notamment à cause de son concept de sélection naturelle qui explique l’évolution des espèces. Valétudinaire et craignant les interventions publiques, il disposait d’assez de fortune pour se préserver de ces épreuves. Il délégua à des darwiniens plus doués pour la polémique, tels Thomas Huxley, le soin de défendre la nouvelle conception de la nature. Malgré ce tempérament discret, Darwin fut un homme de conviction. Pour lui, la théorie de « la descendance avec modification » est bien une forme de matérialisme destinée à modifier la morale et la représentation du monde des générations futures. Si son principal ouvrage, L’Origine des espèces, paru en 1859, peut être considéré comme une rupture dans la culture occidentale, il serait toutefois injuste d’attribuer cette rupture à Darwin seul. Le transformisme de Lamarck, relayé par Erasmus Darwin, le propre grand-père de Charles, fut une étape importante dans la prise de conscience de la longue durée de la formation des êtres vivants. La théorie de l’évolution regroupe au xixe siècle des théories fort différentes, et le mot lui-même s’est imposé grâce à Herbert Spencer. Quant à Alfred Russell Wallace, co-découvreur de l’idée de sélection naturelle, son mérite fut reconnu par Darwin et c’est ensemble qu’ils firent une communication à la Linnean Society en 1858. Dans cette atmosphère intellectuelle où se développe l’évolutionnisme, l’œuvre de Darwin se distingue par sa rigueur.
15Egger Émile, (1813-1885)
16Originaire d’une famille d’artisans, Émile Egger devient agrégé de Lettres et Docteur ès Lettres. Spécialiste de la littérature et de la grammaire grecques, il enseigna à l’École normale supérieure et à la Faculté des lettres de Paris. Président de l’Association pour l’encouragement des études grecques, il fut aussi membre du Conseil supérieur de l’instruction publique en 1873. Au fait du développement de la psychologie de l’enfant, et de ses répercussions possibles sur la philologie par le biais de l’étude du langage chez l’enfant, il s’essaya à la méthode monographique. Il observa en particulier les progrès linguistiques de son fils. Ce dernier, Victor Egger (1848-1909), philosophe, s’intéressa à la psychologie et est l’auteur d’un ouvrage remarqué en son temps, La Parole intérieure.
17Fiske John, (1842-1901)
18John Fiske, lettré éclectique, était un disciple enthousiaste d’Herbert Spencer. Il renonça à sa carrière juridique pour se consacrer à ses essais historiques et philosophiques. Son œuvre comporte des écrits sur l’histoire des États-Unis, et sur les conséquences métaphysiques de la science moderne. En effet, s’il a contribué à diffuser aux États-Unis la doctrine de son inspirateur, il avait une ambition plus vaste, celle de concilier la philosophie évolutionniste et la religion. Édouard Claparède vouait une grande admiration à son essai The meaning of Infancy, qui accorde à l’enfance une fonction biologique, celle de permettre les apprentissages nécessaires à un organisme complexe.
19Groos Karl, (1881-1946)
20Le philosophe allemand Karl Groos s’intéressait aux conséquences philosophiques darwinisme, en particulier, dans le domaine de l’esthétique et de la psychologie. Ses ouvrages Die Spiele der Tiere (1896) et Die Spiele der Menschen (1899) ont attiré l’attention de James Mark Baldwin, puis d’Édouard Claparède. Karl Groos essaie de comprendre la fonction biologique du jeu, son rôle dans l’adaptation comme dans le développement et l’apprentissage. Il est l’auteur d’une classification des jeux en fonction de leur utilité vitale, qui préfigure celles qui seront élaborées ultérieurement par la psychologie de l’enfant.
21Haeckel Ernst, (1834-1919)
22Professeur à l’Université d’Iéna, Ernst Haeckel se voulut d’abord émule de Darwin et propagateur de la théorie évolutionniste. Cependant, il créa sa propre version de cette théorie, et l’accompagna d’un outillage métaphysique qui contraste avec la prudence darwinienne dans ce domaine. Il articule le concept d’évolution à une philosophie moniste qui fait de l’esprit un prolongement de la matière. À la manière des matérialistes antiques, E. Haeckel prolonge cette doctrine par une critique des illusions religieuses et de l’asservissement qu’elles engendrent. Ceci s’accompagne d’une exaltation des formes naturelles, des « merveilles de la nature » (Natürlische Schöpfungsgeschichte, 1868). Il essaya de faire partager les joies de la connaissance scientifique au grand public, notamment par ses dessins dont la qualité excède les exigences de la précision scientifique. Les représentations d’organismes vivants de E. Haeckel ont influencé les arts décoratifs et le style « art nouveau ». Il est l’auteur le plus représentatif de la théorie dite de la « récapitulation », qui considère le développement individuel comme un résumé du développement de l’espèce.
23Hall Granville Stanley, (1844-1924)
24Granville Stanley Hall fit d’abord des études en vue de devenir pasteur. Sous l’influence de William James, dont il fut l’élève, il devint professeur de psychologie et de pédagogie à l’Université John Hopkins, dans le contexte de l’essor des universités américaines, alors que, corrélativement, une forte demande de théorie pédagogique résultait de la mise au point d’un enseignement de masse. De 1889 à sa mort, il fut président de l’université Clark en Californie. Freud y fut invité à l’occasion du vingtième anniversaire de l’université. Granville Stanley Hall fonda en 1887 l’American Journal of Psychology. Son principal ouvrage est Adolescence, publié en 1904, qui théorise les désordres et désirs de rupture caractéristiques de cette période de la vie.
25James William, (1842-1910)
26Frère du célèbre romancier Henry James, le philosophe américain William James était d’un tempérament tourmenté, et l’on ne peut se retenir de penser qu’il existe un rapport entre ses interrogations incessantes sur lui-même et son œuvre de psychologue. Il enseigna la philosophie, puis la psychologie, à l’Université Harvard. Il y fonda un laboratoire de psycho-physiologie dès 1876. Partisan d’un rapprochement entre la psychologie et la biologie, il critique la notion de conscience et considère que le flux de l’expérience constitue progressivement la personnalité. Sa philosophie attira l’attention de Bergson avec qui il entretint une correspondance. Son ouvrage le plus important, Les Principes de psychologie, fut publié en 1890. William James a revendiqué pour nommer sa doctrine le terme de « pragmatisme », et fut à ce sujet en conflit avec Pierce, qui renonça à employer ce mot. Selon cette philosophie, les idées, loin de refléter une vérité immuable, ses issues de la pratique et trouvent leur valeur dans leurs conséquences pratiques. Le terme de « pragmatisme » est trompeur, il s’agit d’une philosophie très exigeante sur le plan moral par la place qu’elle accorde à la liberté. C’est pourquoi William James finira par reprocher à la psychologie sa dérive instrumentale, et ce rejet l’amènera à séjourner en Europe jusqu’à sa mort.
27Luquet Georges-Henri, (1876-1965)
28Agrégé de philosophie, Georges-Henri Luquet a enseigné cette discipline dans plusieurs établissements dont le lycée Saint-Louis. Son ouvrage Le dessin enfantin, paru chez Alcan en 1927, est issu de sa thèse sur Les Dessins d’un enfant, soutenue en 1913. L’œuvre de Luquet demeure un passage obligé pour qui veut s’intéresser au dessin des enfants, d’un point de vue esthétique ou pédagogique. Ses recherches et sa personnalité ont pourtant rencontré l’indifférence, sinon l’hostilité, de l’administration, et Luquet a été victime d’injustices dans sa carrière. Souvent citée, cette œuvre n’est peut-être pas estimée à sa juste valeur, car on lui reproche souvent ses présupposés évolutionnistes. L’interprétation psychanalytique du dessin d’enfant tend aujourd’hui à passer pour plus légitime.
29Marion Henri, (1846-1896)
30Henri Marion enseigna la philosophie au lycée Henri IV, puis, à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses lors de sa création en 1879. Il fut chargé par le directeur, Félix Pécaut, du cours de philosophie et de morale appliquée à l’éducation, il enseigna également la psychologie appliquée à l’éducation, cours qui donnèrent lieu à publications. Il participa à la rédaction des programmes. En 1883, il fut chargé du cours de science de l’éducation à la Sorbonne, discipline nouvelle ; le cours devint chaire professorale en 1887. Il participa à la commission de réforme de l’enseignement secondaire en 18891890, d’où son livreL’Éducation dans l’Université ; Henri Marion est l’auteur de certains articles importants dans le Dictionnaire de Ferdinand Buisson. Disciple de Charles Renouvier, il développe une philosophie néokantienne tout en cherchant à faire dans ses cours une synthèse des connaissances psychologiques de son temps. Il est particulièrement représentatif de ces philosophes de la troisième République qui ont mis au point la pédagogie « normale » et la philosophie de l’école dont nous sommes encore héritiers aujourd’hui.
31Müller Friedrich Max, (1823-1900)
32Disciple de Franz Bopp et d’Eugène Burnouf, professeur à Oxford, le philologue Max Müller s’illustra par ses travaux sur le sanskrit et ses traductions de la mythologie indienne. Ses travaux sur la langue s’accompagnent d’hypothèses sur les premières civilisations et l’origine des mythes. Selon lui, les éléments naturels et les phénomènes tels que l’orage constituent les éléments du langage et la base des mythes, en raison de leur puissance sur des esprits non préparés à les expliquer. Auteur d’une théorie sur la genèse et le progrès des langues, Max Müller resta néanmoins toujours partisan d’une différence irréductible entre l’homme et l’animal, la faculté du langage les séparant radicalement. Il fut amené en raison de ses hypothèses sur le développement intellectuel de l’humanité à engager une discussion avec Darwin et les évolutionnistes (il discute en particulier les travaux de G.J. Romanes), dont l’enjeu est la différence de nature entre l’intelligence humaine et l’intelligence animale.
33Pérez Bernard, (1836-1903)
34Bernard Pérez, natif de Tarbes, enseigna la philosophie à Paris en tant que professeur libre. Il est l’auteur d’ouvrages scolaires destinés aux lycéens et d’une œuvre abondante, consacrée aux rapports entre psychologie et éducation. Bernard Pérez utilise la méthode monographique et ses livres reviennent souvent sur les mêmes observations. Disciple de Herbert Spencer et de Théodule Ribot, il voit dans l’étude expérimentale de l’enfant la source d’un renouvellement de l’éducation. Son premier livre, Les Trois Premières années de l’enfant, publié en 1878, a été tout de suite salué par les pédagogues qui y voyaient l’annonce d’une éducation scientifique. La psychologie de l’enfant ayant évolué vers la psychométrie et l’expérimentalisme, l’œuvre « expérimentale », au sens où elle accumule les observations, de B. Pérez, est complètement tombée dans l’oubli.
35Pestalozzi Johann Heinrich, (1746-1827)
36Johann Heinrich Pestalozzi, théoricien de l’éducation et pédagogue, né à Zurich, reçut avec enthousiasme l’influence de Jean-Jacques Rousseau. Il semblait destiné à mener la vie d’un propriétaire terrien, mais il consacra ses ressources à l’organisation d’un orphelinat dans sa propriété, à Neuhof. Malgré les aléas et les interruptions de ses expériences pédagogiques, il fit d’une méthode nouvelle d’éducation destinée au peuple, l’œuvre de toute sa vie. La « méthode intuitive » consiste à développer les sens et les perceptions en même temps que les mots et les signes abstraits. Elle suppose des leçons non conventionnelles, où l’observation des choses joue un grand rôle, où le maître accompagne l’élève plus qu’il n’enseigne à proprement parler.
37À partir de l’Institut d’Yverdon, la méthode fut diffusée dans toute l’Europe par Pestalozzi et ses disciples, sans que ces derniers aient réussi à éviter les querelles d’interprétation.
38Ses écrits sont réputés difficiles, mais il eut le souci de transmettre ses idées à un large public dans certains ouvrages, tel Léonard et Gertrude, en 1801.
39Piaget Jean, (1896-1968)
40Jean Piaget fut d’abord biologiste et fit ses études à l’Université de Neuchâtel ; ses premières publications portent sur l’adaptation des microorganismes à leur milieu. Piaget s’intéressa aussi de bonne heure à la philosophie, à Bergson et James en particulier. Ses interrogations sur l’adaptation au milieu, sur l’initiative des organismes en vue de leur survie, préfigurent son intérêt pour les formes supérieures de pensée et d’adaptation, qu’il observera chez l’enfant. Il étudie la psychologie expérimentale à Zurich, s’initie aux découvertes de la psychanalyse, mais c’est à Paris que ses recherches prennent un tour décisif, lorsqu’il rejoint le laboratoire de Binet et Simon, et perfectionne avec ce dernier les tests psychologiques. C’est ainsi qu’il est amené à entrer en contact avec des enfants et à s’interroger sur la genèse du raisonnement. Parallèlement, il étudie l’épistémologie et l’histoire des sciences.
41Il devient en 1921 le principal collaborateur de Claparède à l’Institut Jean-Jacques Rousseau, et élabore la psychologie génétique, qui deviendra l’épistémologie génétique. Il peut alors étudier, dans un contact direct avec les enfants, les étapes de leur adaptation à la réalité. Les grandes étapes de ce développement psychologique, qui mènent l’enfant à la compréhension d’un monde beaucoup plus vaste que celui de ses intérêts immédiats, sont le stade sensori-moteur, le stade pré-opératoire, le stade des opérations concrètes et le stade des opérations formelles. Dans ce processus, l’enfant renonce à l’égocentrisme qui lui fait percevoir le monde à l’échelle de ses intérêts vitaux, pour conquérir une vision objective du réel. Bien qu’ils aient des enjeux pratiques, les travaux de Piaget sur le développement de l’enfant appartiennent à la théorie de la connaissance.
42Piaget enseigna la psychologie, la sociologie et même la philosophie, tout en exerçant des responsabilités au Bureau International de l’Éducation de l’UNESCO.
43Preyer Wilhelm, (1841-1897)
44Professeur de physiologie à l’Université d’Iéna, Wilhelm Preyer est l’auteur d’un ouvrage pionnier sur le développement psychologique de l’enfant, Die Seele des Kindes (1882), où une grande place est faite à l’affirmation de la volonté de l’individu, considérée comme un atout dans la lutte pour la vie. Cette ouvre porte la marque de l’évolutionnisme de Ernst Haeckel et de Charles Darwin, auquel W. Preyer a porté un intérêt précoce, dont témoignent ses commentaires de cette œuvre. Comme Ch. Romanes, il explora ce domaine du développement des facultés mentales, que Darwin lui-même n’abordait qu’avec prudence.
45Ribot Théodule, (1839-1916)
46Élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, Théodule Ribot fonde en 1876 la Revue philosophique. Outre des articles proprement philosophiques, la revue édite au fur et à mesure de son existence de plus en plus d’articles ayant trait au développement des sciences et à la « nouvelle psychologie », la psychologie expérimentale. T. Ribot exprima son opposition à la psychologie spiritualiste de son temps dans La Psychologie anglaise contemporaine (1870) et dans La Psychologie allemande contemporaine (1879), en même temps qu’il diffusait en France la psychologie expérimentale et la psychologie évolutionniste. Dans le large éventail de problèmes ouverts par la nouvelle psychologie, il privilégie celui de l’hérédité (L’Hérédité psychologique, 1873). Il se consacra aussi à la psychopathologie, dans une série d’ouvrages portant sur les maladies de la mémoire, de la volonté, l’aphasie, etc. Th. Ribot est avec Alfred Espinas le traducteur de Principes de Psychologie de Herbert Spencer. Son activité au service des nouveaux courants de pensée est aussi importante pour l’histoire des idées que ses théories propres.
47Romanes George John, (1848-1894)
48Né dans l’Ontario, d’abord destiné à devenir pasteur, George John Romanes vécut en Angleterre. À la suite d’une correspondance relative à L’Origine des espèces, il devint l’ami de Charles Darwin, dont il fut d’ailleurs l’exécuteur testamentaire. Spécialiste de la physiologie des invertébrés, il effectue d’importants travaux dans un domaine que Darwin traitait avec prudence : l’intelligence animale, sa relation à l’intelligence humaine, dont témoignent ses ouvrages Mental Evolution in Animals (1882) et Mental Evolution in Man (1888). Le premier de ces ouvrages comporte, en annexe, un Essay on Instinct de Darwin. Cependant, Darwin aurait probablement jugé prématuré le projet de Romanes, de reconstituer la totalité de la filiation homme-animal dans le domaine mental. Son ambition étant de reconstituer le progrès de la pensée jusqu’à l’intelligence humaine, il met en évidence une hiérarchie dans les comportements, et un progrès continu jusqu’à la conscience et au langage. La psychologie génétique, nourrie de l’idée d’un tel progrès, le décrit au contraire comme une succession de ruptures et de stades.
49Schleicher August, (1821-1868)
50Après avoir fait ses études à l’Université de Leipzig, puis à Bonn, le philologue August Schleicher enseigna à Prague, puis à l’université d’Iéna. Spécialiste de la grammaire comparée des langues indo-européennes, il soutenait l’idée d’une supériorité de ces dernières sur les autres langues, en particulier la supériorité de la langue allemande, associée à la civilisation germanique. D’abord influencé par Hegel, il défendit cette théorie au moyen de la philosophie darwinienne. Il envisageait entre les langues un rapport de lutte, et la victoire de celles qui échappent à l’extinction était expliquée par leur supériorité intrinsèque. Ce type de théorie a, bien sûr, constitué un réservoir d’arguments pour les pensées racistes et nationalistes.
51Spencer Herbert, (1820-1903)
52Ingénieur des chemins de fer, individu profondément troublé par la tragédie familiale du décès de tous ses frères et sœurs, Herbert Spencer est autodidacte dans le domaine de la philosophie et prétend tout devoir à lui-même, citant peu volontiers ses sources. Dans son œuvre abondante se mêlent cependant les influences de Malthus, de Comte, de Lyell. : elle associe l’idées d’un « tri » dans la population aux idées de progrès et de changement dans la longue durée ; elle englobe des domaines très divers, de la biologie à la sociologie en passant par la psychologie ou l’esthétique. Mais c’est toujours la même idée centrale qui est à l’œuvre : la loi d’évolution régit la nature et la société. Elle engendre un mouvement de complexification croissante, produisant la diversité des êtres vivants comme des fonctions sociales, ou des sociétés elles-mêmes. Cette loi a été tirée par H. Spencer de l’embryologie de Karl von Baer, qui expliquait le développement embryonnaire par un mouvement de l’homogène vers l’hétérogène. Même si l’esprit humain se heurte à l’Inconnaissable, en fait l’expression d’une Force qui domine la nature, dont l’homme peut avoir une idée même si son esprit se heurte en fin de compte à l’Inconnaissable, l’exposent dans les Premiers Principes, ouvrage paru pour la première fois en 1862. H. Spencer est le véritable inventeur de la philosophie évolutionniste. Charles Darwin connaissait cette philosophie, mais n’en partageait pas l’audace métaphysique et l’ambition généralisatrice.
53Sully James, (1842-1923)
54Le psychologue anglais James Sully effectua un travail de synthèse, en particulier en direction des éducateurs, comme en témoignent les Outlines of Psychology, with spécial références to the theory of education, paru en 1884, ou encore The teacher’s handbook of psychology en 1886. Il s’intéressa au mouvement des idées et à la naissance de la psychologie de l’enfant : les Studies of Childhood, paru en 1895, est un ouvrage bien informé, où James Sully s’engage pour le renouvellement des méthodes d’éducation. Il s’enthousiasma pour l’œuvre de Bernard Pérez. Il semble qu’il ait saisi mieux que des auteurs plus reconnus les enjeux de ces innovations. Son œuvre de psychologue n’est pas négligeable, et son livre sur les Illusions des sens et de l’esprit fut très estimé.
55Taine Hippolyte, (1828-1893)
56Hippolyte Taine voulut passer l’Agrégation de philosophie, mais échoua en 1851, dans le contexte de la Révolution de 1848. Ses démêlés avec l’Université le conduisirent à renoncer à l’enseignement pour vivre de sa plume. Là s’enracine cette haine des révolutions qui le conduira à écrire, après 1870 et la Commune, L’Histoire de la France contemporaine, fleuron de l’historiographie anti-révolutionnaire.
57Avant ce tournant, Taine s’est illustré dans le domaine de la psychologie par De l’intelligence (1870), ouvrage qui tend à expliquer le fonctionnement de l’esprit par des lois naturelles. Cette orientation conditionne l’intérêt de Taine pour la psychologie évolutionniste, dans laquelle il voit une confirmation de son point de vue matérialiste. Il s’opposa d’ailleurs directement à la philosophie spiritualiste dans les Philosophes français du xixe siècle.
58Taine est aussi célèbre par sa théorie esthétique. Abordant pour la première fois le problème de l’influence du contexte social sur la production de l’œuvre d’art, il suppose que celle-ci doit son existence à la « race, au « milieu », au « moment ». Dans toute l’œuvre de Taine, on retrouve cette conviction : ce qui relève de la subjectivité, du sentiment, de l’esprit, ne doit pas être considéré comme étranger à l’explication scientifique
59Wundt Wilhelm, (1832-1920)
60Wilhelm Wundt enseigna à l’Université de Leipzig de 1875 à 1917 et créa le premier laboratoire de psychologie expérimentale en 1879. Il contribua ainsi à l’institutionnalisation de cette discipline. Il chercha à appliquer à la connaissance de l’esprit humain les méthodes des sciences de la nature, utilisant la méthode expérimentale et la mesure. Il soumettait en laboratoire et à l’aide d’appareils appropriés, des sujets à des expériences concernant la perception, mais aussi les émotions ou la mémoire. Cette psychologie a été critiquée par les psychologues expérimentaux ultérieurs parce que, cherchant à analyser la conscience, elle faisait appel au témoignage des sujets, et se basait donc sur l’introspection. Elle exerça néanmoins une influence profonde, modifiant la représentation de ce que la science psychologique devait être. Cette influence continua à rayonner tant en Europe qu’aux États-Unis par l’intermédiaire des nombreux élèves de Wundt.
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