Justice et liberté communicationnelle. Réflexions à partir de Hegel1
p. 43-64
Texte intégral
1Il semble qu’il existe aujourd’hui, dans le milieu académique, un large consensus relatif à la nature que doivent avoir les prémisses d’une théorie de la justice sociale ; certes, il se peut que se manifeste encore ici ou là une résistance à l’égard de certains éléments d’une telle conception générale de la justice, mais dans l’ensemble, il règne bien un accord sur son procédé de fondation et son domaine central d’objet. Comme instance de justification normative on suppose la plupart du temps une situation de délibération dans laquelle les membres potentiels de la société en question doivent, sous des conditions d’impartialité, s’entendre, de façon réelle ou fictive, sur le choix des principes moraux qui doivent régler à l’avenir leurs relations de coopération ; l’impératif d’impartialité d’un tel procédé, tout comme la règle d’implication de tous les membres de la société, est considéré comme un garant de l’acceptabilité universelle du résultat auquel on a abouti. Et ce consensus, qui règne plus ou moins aujourd’hui à propos de ce procédé de fondation, existe de toute évidence également en ce qui concerne le domaine d’objet des principes de justice à adopter ; les principes sur lesquels s’accorderaient les acteurs de la délibération doivent régler les relations entre des sujets possédant un intérêt à la réalisation la plus autonome possible de leurs projets de vie individuels ; c’est pourquoi vaut comme quintessence de la justice sociale l’idée selon laquelle tous les membres doivent jouir de la même façon d’un maximum de liberté subjective acceptable socialement, maximum dont l’ampleur ne peut ou ne doit être limitée que si cette limitation est profitable à ceux qui sont le plus défavorisés matériellement, dans la réalisation de leurs projets de vie2. Égalité et autonomie individuelle apparaissent ainsi [214] aujourd’hui comme les deux éléments indissolubles d’une conception rationnelle de la justice ; et les raisons qui, au vu du pluralisme de nos objectifs de vie, plaident en la faveur de cette conception, possèdent à première vue tant de force de conviction qu’elles ont pu survivre à toutes les attaques communautaristes, sans en être trop atteintes. En bref, deux cent ans après Kant, il n’y a quasiment plus rien qui remette en question l’idée selon laquelle la justice sociale doit être comprise comme étant la quintessence de ce qui rend possible la liberté individuelle de façon égalitaire.
2Mais ces deux concepts fondamentaux ne disent toutefois que bien peu de choses sur la façon dont la liberté individuelle de tous les membres de la société doit être garantie de manière égale. Dans la présentation générale que j’ai ébauchée auparavant, la réponse à cette question découle de quelques prémisses, qu’on présuppose comme si elles allaient de soi, et qui s’immiscent déjà dans la présentation du procédé de fondation : les acteurs qu’on présuppose ici en tant qu’acteurs de la délibération, se représentent leurs chances de vie comme dépendant pour l’essentiel des moyens pour réaliser leurs objectifs individuels3. Il existe par conséquent un lien interne entre la procédure de fondation et les principes de justice adoptés par consensus, lien qui est fondé sur un concept individualiste de la liberté subjective : parce que les acteurs sont pensés, dans la « position originelle » (Rawls), comme isolés les uns des autres, il doivent, derrière le voile d’ignorance, se figurer leur bonheur futur comme le fruit d’une réalisation individuelle d’objectifs de vie, de sorte qu’ils ne peuvent pas anticiper une coexistence juste autrement que comme un maximum de libertés subjectives socialement acceptable. Ce qui m’intéresse dans ce qui suit est la question de savoir ce qui changerait dans le résultat de la délibération fictive ou réelle, si les participants ne se laissaient pas guider par un concept individualiste, mais par un concept communicationnel de la liberté subjective : à quoi ressembleraient les principes de justice qu’ils adopteraient, s’ils considéraient la réalisation de leur liberté propre comme étant essentiellement dépendante de la réalisation de la liberté des autres ? La thèse que je souhaite développer dans ma contribution conduit à supposer que la transformation de la situation initiale entraînerait des changements dans l’image dominante de la justice sociale, non seulement dans certains détails, mais jusque dans sa composition d’ensemble : les individus délibérants calculeraient moins leurs futures chances de vie à la mesure de l’espace de jeu de la liberté propre à chaque individu, qu’ils les mesureraient à la qualité des relations sociales qu’ils pourraient en escompter ; et en conséquence, leur conception de la justice sociale se déplacerait du niveau des biens garants de la liberté à celui de rapports de réciprocité d’obligation [verpflichtende Gegenseitigkeiten]4.
3Afin de justifier cette supposition, je procèderai en commençant par esquisser brièvement dans une première étape les intuitions liées à un concept intersubjectiviste de la liberté individuelle ; tout en se concentrant sur le problème systématique, il sera ici inévitable de se tourner vers Hegel, car il est jusqu’ici celui qui a fait ressortir de la façon la plus convaincante les contours d’un tel modèle alternatif de liberté (1). Après ce rappel sur le plan de l’histoire des théories, je présenterai ensuite les conséquences qui en résultent pour la procédure de justification quand on prend comme point de départ un concept communicationnel au lieu d’un concept individualiste de la liberté subjective ; là aussi je devrai me limiter à nouveau à quelques remarques, car la complexité de la question à résoudre est bien trop grande pour qu’on puisse la traiter convenablement dans un court article (2). Ce n’est que dans la troisième partie que j’aborderai la question centrale de savoir dans quelle mesure l’image que nous avons de la justice sociale serait tout à fait différente si l’on considérait que son but est de rendre possible une forme de la liberté non pas individualiste, mais communicationnelle ; il faudra évoquer ici la façon dont l’attention se déplace des biens aux relations, et des projets de vie aux rapports de réciprocité, dès lors que l’on entreprend une telle réinterprétation du concept de liberté (3). Dans la quatrième et dernière étape, j’aborderai les conséquences qui résultent de la nouvelle composition de la théorie de la justice : la proposition consistant à considérer comme juste ce qui profite de façon égale à la liberté communicationnelle des sujets exige une pluralisation de nos principes de justice, parce que ceux-ci doivent tenir compte des particularités propres aux différents rapports de communication (4).
I.
4Depuis le début des Temps modernes un concept de la liberté s’est imposé, non seulement dans la philosophie, mais aussi peu à peu dans la culture quotidienne des sociétés occidentales, concept qui est d’une importance décisive pour notre compréhension actuelle de la justice sociale. De la constatation du fait que les différents sujets poursuivent de plus en plus des trajets de vie indépendants les uns des autres, on tire la conséquence normative que la liberté personnelle doit pouvoir être mesurée au déploiement sans heurts des objectifs choisis individuellement : les espaces qui sont à la disposition de l’acteur pour les actions guidées par une des préférences qui lui sont propres sont d’autant plus grandes que sont minces les limitations provenant d’autres acteurs. Certes, Kant lie ce concept de la liberté à l’exigence morale imposant que les objectifs ainsi choisis soient compatibles avec l’autonomie de toutes les autres personnes ; mais sa correction ne change rien à la conception centrale selon laquelle la liberté de l’individu augmente avec la diminution des limitations provenant de l’État ou d’autres personnes. [216]
5À première vue, ces développements conceptuels semblent être d’une grande évidence ; ce dont on prend justement conscience grâce à eux, c’est qu’avec le développement de la modernité, l’individu est suffisamment détaché de tous les liens traditionnels pour pouvoir décider seul des objectifs déterminants pour sa vie. Mais de fait, une dimension de signification supplémentaire s’impose en sous-main dans la compréhension moderne de la liberté ; elle consiste à rendre l’individu qui réalise sa liberté indépendant de tous ses partenaires en interaction. Il est certain que la mise en relief de l’individualité de la liberté n’implique pas automatiquement un tel isolement du sujet vis-à-vis des relations intersubjectives. Mais de fait, dans les images qui accompagnent sur le plan rhétorique le nouveau modèle de conception, dans les exemples qui lui donnent une influence sur le public, l’idée selon laquelle les liens empiriques doivent généralement être considérés comme des limitations de la liberté individuelle gagne rapidement du terrain5. Le long des voies ainsi tracées, le concept individualiste de l’autonomie personnelle s’immisce également dans les théories modernes de la justice ; ici naît alors la pensée riche de conséquences qui veut que la création de rapports sociaux justes ait avant tout pour fin de permettre à tous les sujets une forme d’autodétermination qui les rende aussi indépendants que possible de leurs partenaires en interaction. Les conséquences conceptuelles qui vont de pair avec cet aiguillage sont énormes même s’il est difficile de les reconstruire dans le détail : l’idée que la liberté individuelle augmente avec le nombre des biens, tout comme l’idée que les communautés non choisies représentent une menace pour l’autonomie personnelle, sont des conséquences résultant de l’isolement conceptuel du sujet individuel6.
6Hegel, qui s’opposa le premier aux traits individualistes de la compréhension moderne de la liberté, n’a fait valoir aucune objection véritable et détaillée contre toutes ces conclusions. À la différence du courant qu’on appelle aujourd’hui « communautarisme »7, il partage en effet avec Rousseau ou Kant l’idée que tout ordre étatique moderne légitime doit être ancré dans le principe de l’autonomie individuelle ; et par conséquent, il lui paraît également évident que tous les membres de la société doivent disposer d’un espace fixé juridiquement, à l’intérieur duquel ils peuvent diriger leurs actions vers les fins que constituent leurs préférences personnelles respectives. Mais Hegel considère qu’une telle « liberté de l’arbitre » est aussi une abstraction, parce que sa construction conceptuelle fait oublier qu’elle doit son existence à une forme particulière de la communication interhumaine, et qu’elle ne saurait donc être comprise comme un bien pouvant être possédé individuellement : le fait que les individus soient dotés de « droits subjectifs » n’est pas le résultat d’une distribution équitable, mais découle du fait que les membres de la société se reconnaissent réciproquement [217] comme libres et égaux. Avec cette objection, Hegel n’a évidemment pas pour seule intention de corriger la compréhension du droit de son époque ; l’indication du caractère relationnel et intersubjectif des droits doit en fait montrer que les libertés ne peuvent être que le produit d’une forme de communication interhumaine possédant le caractère de la reconnaissance mutuelle. En ce sens, le concept de « reconnaissance » représente pour Hegel la clé pour une compréhension non individualiste de la liberté subjective8 : la réalisation de la liberté signifie l’accès à un pouvoir d’action plus important, dans la mesure où le savoir de l’individu quant à ses propres capacités et besoins est favorisé par la confirmation de la part d’autrui. Si maintenant nous nous représentons ce processus comme une interaction entre deux sujets, alors il devient facile de comprendre pourquoi, pour Hegel, les relations intersubjectives ne sauraient constituer une limitation de la liberté subjective, mais doivent constituer une condition de celle-ci : l’autonomie de l’individu ne peut se développer que dans la mesure où il entretient des relations avec d’autres sujets, relations qui, suivant leur forme, rendent possible une reconnaissance mutuelle de certains aspects de la personnalité.
7De cette révision intersubjectiviste de la conception de la liberté, Hegel tire ensuite des déductions quant à l’importance que devrait prendre la « liberté de l’arbitre » dans un ordre social juste. Certes, comme nous l’avons dit, il est vrai qu’il partage avec Rousseau et Kant l’idée que les sociétés modernes doivent offrir à chacun de leurs membres un espace égal à l’intérieur duquel ils peuvent librement poursuivre leurs préférences propres ; mais la compréhension du caractère communicationnel de la liberté l’entraîne à la conclusion qu’une telle sphère juridique ne peut permettre aux individus de parvenir à l’autonomie que si elle est conçue comme une partie subordonnée de tout un réseau d’autres relations de reconnaissance, tout aussi importantes. Ce n’est qu’à partir de la proposition consistant à concevoir la liberté individuelle comme le produit d’une action conjuguée entre plusieurs sphères de communication, que Hegel commence à développer une nouvelle composition de notre image de la justice sociale ; car dès lors, il apparaît qu’il est non seulement sensé, mais même nécessaire, de penser les relations intersubjectives comme des conditions de l’autonomie individuelle, au même titre que les droits subjectifs de liberté, qui auparavant étaient les seuls à être considérés comme le présupposé de cette autonomie. Les conséquences d’un tel élargissement de perspective seraient énormes, car les principes de justice devraient alors porter sur des libertés qui ne pourraient pas être distribuées sous la forme de biens, mais seulement être garanties par des mesures favorisant les relations sociales ; et les rapports juridiques perdraient leur position privilégiée, parce que d’autres rapports de réciprocité d’obligation prendraient place à leur côté. Mais avant de me tourner vers les conséquences qui résultent d’un concept communicationnel de la liberté pour le domaine d’objet d’une [218] théorie de la justice, j’évoquerai brièvement la question de savoir quelles conséquences y sont liées relativement à la procédure de justification elle-même.
II.
8Tôt dans son œuvre, Hegel s’est confronté de façon critique avec les théories contractualistes classiques, qui fournissent encore aujourd’hui le modèle de référence pour les tentatives de fondation normative des principes de justice ; dès ce niveau procédural, il a constamment fait valoir son concept intersubjectiviste de la liberté, en montrant qu’en ce qui concerne la figuration de la situation de contrat, les sujets étaient pensés de façon erronée comme des acteurs isolés les uns des autres. Mais Hegel n’a jamais tiré de ces objections la conséquence de la nécessité du projet d’un modèle alternatif de fondation qui aurait pu se mesurer avec les théories contractualistes de ses prédécesseurs du point de vue de leur complexité ou de leur potentiel de suggestion ; l’idée même de partir de l’expérience de pensée d’une situation de délibération fictive lui semblait être une abstraction bien trop aveugle à l’histoire pour qu’il ait voulu se mesurer à leur niveau avec les conceptions de Hobbes, Rousseau, ou Kant. La justification que Hegel y substitue, pour sa propre théorie de la justice, procède d’une toute autre méthode et ce n’est qu’avec la plus grande difficulté que l’on peut aujourd’hui la reconstruire9. Néanmoins, il est sensé de reprendre le fil, saisi par Hegel, d’une critique des théories contractualistes classiques, en se demandant en quoi les coordonnées de la situation présupposée de délibération se heurtent à nos intuitions bien fondées.
9Naturellement, dans une telle réflexion, il faut prendre en compte le fait que l’expérience de pensée d’une délibération semblable à un contrat ne peut remplir son objectif normatif que si on prévoit un point de vue impartial pour toutes les personnes impliquées ; car il faut s’assurer de ce qu’aucune partie en présence ne puisse se voir motivée à faire une proposition particulière uniquement parce que cela constituerait plus tard un avantage pour elle. Dans le but d’imposer par la procédure un tel point de vue impartial, Rawls a fait entrer en jeu son idée d’un voile d’ignorance (« veil of ignorance »), afin de signifier que les acteurs de la délibération n’ont le droit de n’avoir aucune connaissance de leurs talents et position sociale futurs ; pour le reste, à l’instar de presque tous les théoriciens contractualistes avant lui, il ne dote ses sujets que de capacités rationnelles visant une fin, de sorte que ce n’est qu’à partir de considérations de bon sens que l’accord sur des principes de justice peut aboutir10. Sans aborder plus avant les autres détails de cet impressionnant programme de fondation, on peut déjà, depuis la perspective de Hegel, se demander si une telle caractérisation des conditions de départ [219] ne fait pas disparaître plus qu’il n’est nécessaire ce fait qu’est l’intersubjectivité humaine : même sous des présupposés aussi stylisés, les sujets ne doivent-ils pas posséder une connaissance élémentaire de leur besoin de reconnaissance, afin de pouvoir encore être tout simplement qualifiés d’être humains11 ? Si cette question n’est pas complètement artificielle, c’est parce qu’elle donne à voir que l’arrangement méthodique de la situation de délibération ne peut pas être totalement indépendant d’hypothèses sur ce qui doit valoir comme caractéristiques définissant ce que signifie être une personne humaine ; car les individus qui doivent endosser le rôle d’acteurs délibérants doivent au moins être caractérisés par toutes les qualités qui, prises comme un tout, constituent les différences entre les hommes et les animaux évolués. Si nous apportons un changement à nos hypothèses anthropologiques fondamentales, alors les caractéristiques dont nous devons doter les participants de la situation de délibération dans l’expérience de pensée s’en voient également modifiées.
10En ce sens, on peut bien dire, dans le prolongement des objections hégéliennes, que Rawls a en quelque sorte étendu trop loin le voile d’ignorance : les parties prenantes du contrat, parce qu’elles sont des êtres humains, devraient avoir connaissance de ce qu’elles sont dépendantes, à un niveau élémentaire, de la reconnaissance sociale par d’autres personnes ; et si elles partageaient une telle image d’elles-mêmes, elles se mettraient probablement d’accord sur des principes de justice qui, à la différence de ceux de la proposition rawlsienne, tiendraient véritablement compte de ce besoin social. Tout cela pourrait donner l’impression d’être une astuce philosophique, parce que, grâce à quelques hypothèses supplémentaires, les conditions de la procédure de fondation sont modifiées de sorte que les résultats souhaités en surgissent nécessairement. Mais il me semble en réalité que l’exigence de reconnaissance mutuelle est si profondément ancrée dans les présuppositions de notre pratique sociale qu’il serait peu plausible de ne pas aussi la faire valoir au niveau du procédé garant de la justice de la situation de délibération. Dans un tel discours fictif, la facticité de notre nature sociale est intriquée au supplément de validité de l’exigence de reconnaissance mutuelle qui y est contenu en germe. Mais à partir de telles prémisses, de quelle façon se modifierait le domaine d’objet auquel doivent se rapporter les principes de justice à adopter ?
III.
11Hegel, dans sa « Philosophie du droit », a vainement tenté de déterminer le domaine d’objet d’une théorie de la justice sociale d’une toute autre façon que ne l’avaient fait ses prédécesseurs et ses contemporains. Tandis que ceux-ci voulaient considérer que l’autonomie de tous les membres de la société [220] est garantie grâce à l’octroi par l’État de libertés d’action égales, Hegel lui s’est concentré, dans le même dessein, sur le caractère des sphères d’interaction sociale qui fait de celles-ci des garantes de liberté : selon sa proposition originale, la liberté personnelle de l’individu est garantie et favorisée dans la mesure où des sphères communicationnelles de réalisation de soi sont à sa disposition, sphères dans lesquelles, grâce à la reconnaissance mutuelle, il peut accéder à un plus grand pouvoir d’action. Hegel a été amené à une redétermination aussi radicale parce qu’il a compris que ce n’est que grâce à l’expérience de la reconnaissance de leurs capacités et de leurs besoins que les êtres humains sont à même d’acquérir la force pour organiser de façon autonome leurs objectifs de vie ; si donc la liberté individuelle est tellement dépendante de la possibilité que les individus se reconnaissent mutuellement dans leurs potentiels propres, alors de son point de vue, il devrait être conséquent de rapporter en quelque sorte les principes de justice à la garantie de telles sphères de reconnaissance. Mais la proposition qu’a développée Hegel à cette fin dans sa « Philosophie du droit » est restée, comme chacun sait, sans grande influence dans l’histoire de la pensée politique ; on ne trouve presque aucune approche dans laquelle ses suggestions auraient été comprises comme contributions à une théorie de la justice et développées productivement comme telles.
12D’autre part, notre savoir concernant la nature intersubjective de l’homme s’est accru de façon continue durant les deux cents ans qui nous séparent de Hegel ; non seulement les récits terribles provenant des camps de concentration des régimes totalitaires, mais également les témoignages des mouvements des droits civiques et du féminisme nous ont appris dans quelle mesure les hommes sont dépendants de l’expérience de soutien de la reconnaissance mutuelle en ce qui concerne la garantie de leur autonomie individuelle12. Depuis, on sait également grâce aux travaux de recherche en sociologie et en histoire que le sens de l’injustice est lié de façon tout à fait essentielle au sentiment moral de n’être pas reconnu socialement dans ses capacités et besoins propres13 ; enfin, nous savons, grâce à la psychologie du développement et à la psychanalyse, que l’acquisition de l’autonomie individuelle est favorisée, dans les premières années de la vie, avant tout par l’expérience consistant à jouir d’une forme fiable et continue de sollicitude [Zuwendung] et de reconnaissance14. Au vu de toutes ces constatations, il ne paraît pas envisageable de ne pas au moins vérifier si l’on ne pourrait pas reprendre aujourd’hui de façon productive les intentions hégéliennes. Toutefois, cela nécessite plus que de simples rectifications conceptuelles des théories de la justice traditionnelles. Ce qui est exigé, c’est bien plutôt un changement complet de perspective, car ce qui entre en jeu en tant que véritable objet de [221] notre conception de la justice, ce ne sont plus alors les libertés d’action subjectives, mais des sphères sociales de communication.
13Le point de départ d’une révision si fondamentale doit être la compréhension de ce que les libertés octroyées juridiquement ne forment qu’une partie des présupposés qui, constitutivement, rendent possible l’aptitude à l’autonomie individuelle. Si l’on s’est en outre rendu compte que cette première condition ne représente pas non plus un bien distribuable quelconque, mais désigne elle aussi une forme spécifique de la reconnaissance mutuelle, alors on aperçoit la modification que nous avons à effectuer quant au domaine d’objet d’une théorie de la justice : dans la perspective consistant à se demander quels sont les présupposés pouvant garantir de la même façon l’autonomie individuelle de tous les membres de la société, c’est la structure et la qualité des relations sociales de reconnaissance qui constituent le champ d’application central des principes de justice. Ainsi, notre conception de la justice perd tout caractère de théorie distributive et prend la forme d’une théorie normative de la communication ; car les principes de la distribution équitable sont remplacés par ceux qui se rapportent à la garantie par l’État des présupposés de la reconnaissance mutuelle.
14À vrai dire, on ne peut comprendre convenablement cette pensée que si l’on voit assez clairement ce en quoi doit véritablement constituer le caractère particulier de telles relations de reconnaissance. Il ne s’agit pas de n’importe quels rapports d’interaction dans lesquels les sujets se rapportent les uns aux autres de façon mutuelle ; mais il doit plutôt s’agir d’un modèle de communication relativement stable qui permet réciproquement aux participants de faire l’expérience de la reconnaissance de capacités ou de besoins déterminés. Cela n’est possible que là où les sujets s’orientent en fonction des mêmes normes morales, dont la validité les astreint à respecter et encourager les facettes de personnalité particulières de chaque autre personne ; en ce sens, les relations de reconnaissance représentent des formes de réciprocité d’obligation dans lesquelles toutefois les devoirs ont perdu leur caractère de limitation et d’interdiction, parce qu’ils sont devenus des éléments évidents d’une pratique d’action acquise par habitude15. Il suffit ici de rappeler l’exemple de l’amitié, mis en évidence par Hegel, pour faire ressortir cette caractéristique particulière des relations de reconnaissance16 : dans une amitié, deux sujets exercent une pratique commune, qui est insensiblement régulée par des normes morales, par lesquelles tous deux sont tenus d’encourager le bien-être de l’autre ; et une expérience de reconnaissance rend possible une telle forme de rapport de réciprocité d’obligation, car les amis peuvent se savoir confirmés dans leurs besoins ou leurs désirs, d’une façon qui les aide individuellement à accéder à plus de pouvoir d’action.
15[222] Il reste toutefois à se demander maintenant dans quelle mesure de telles relations de reconnaissance pourraient réellement être l’objet d’une théorie de la justice. Justement, en ce qui concerne l’amitié, nous avons plutôt idée qu’il s’agit d’une relation relevant uniquement de l’affection personnelle, et dans laquelle l’État ne devrait pas intervenir, même pour servir des objectifs de justice sociale. Dans des conditions modernes, c’est bien l’État de droit démocratique qui est toujours la cible des réflexions de la théorie de la justice, tandis que les relations de reconnaissance ont souvent le caractère de rapports privés, qu’il n’est pas possible d’influencer par des mesures juridiques. Ici aussi, Hegel nous aide à nouveau, car il a considéré que les tâches de l’État de droit devaient s’étendre jusqu’aux présupposés sociaux des relations de reconnaissance : on peut envisager toute une série de mesures étatiques, comme c’est le cas aujourd’hui par exemple dans la politique familiale, par lesquelles les rapports intersubjectifs de réciprocité d’obligation peuvent être protégés et faire l’objet de demandes. Tout cela ne répond toutefois pas encore à la question de savoir quelles sont les relations de reconnaissance que nous considérons comme si indispensables, en regard de l’autonomie individuelle, que tout membre de la société devrait pouvoir y participer autant que possible. J’aborde ainsi le problème que je souhaite maintenant traiter dans la dernière partie de ma contribution.
IV.
16Hegel était déjà convaincu que ce dernier problème décisif ne pouvait pas être surmonté sous la forme d’une théorie anhistorique de teneur anthropologique ; il se laissa plutôt conduire par l’idée que seules les relations de reconnaissance qui correspondent au stade actuel du développement historique de l’Esprit objectif devraient devenir, en tant que sphères favorisant l’autonomie, l’objet d’une conception de la justice. Dans cette prémisse, l’auteur de la « Philosophie du droit » avait naturellement à l’esprit le processus de l’histoire du monde qu’il avait conçu, dans sa philosophie de l’histoire, comme un « progrès dans la conscience de la liberté »17 ; la théorie de la justice devait pouvoir s’appuyer sur les conquêtes sociales de ce progrès dans la mesure où elle devait prendre en charge la stabilité de ces trois sphères communicationnelles qui, dans la modernité, s’étaient constituées comme des complexes institutionnels centraux de la société. Bien qu’il soit toujours étonnant de voir à quel point Hegel, même dans toutes ses spéculations de philosophie de l’histoire, est toujours resté un sociologue pour ainsi dire instinctif, il n’est aujourd’hui certainement plus possible de renouer avec sa solution au problème d’une historisation de la théorie de la justice ; car malgré toute sa compréhension de la différenciation des sphères de valeur, malgré toute son attention pour le mode de fonctionnement propre [Eigensinnigkeit] du marché, sa conception du progrès [223] est cependant bien trop dépendante de présupposés métaphysiques pour que l’on puisse encore la partager dans les conditions actuelles18. Néanmoins, son idée méthodique fondamentale, dès lors qu’elle est détachée de la pensée d’une autoréalisation de la raison, contient quelques indications décisives sur le procédé par lequel nous pouvons déterminer plus précisément le domaine d’objet de notre théorie de la justice ; car la proposition consistant à partir de ces sphères de reconnaissance qui peuvent être comprises comme constitutives de la forme actuelle de l’intégration sociale, semble offrir une clé pour la résolution du problème qui s’impose ici à nous.
17Toutefois, on ne peut renouer, même de façon simplement formelle, avec la proposition de solution hégélienne sans se passer complètement de toute utilisation d’un concept de progrès. L’idée fondamentale, que l’on peut reprendre de sa « Philosophie du droit » quant à la question de savoir quelles relations de reconnaissance peuvent garantir l’acquisition de l’autonomie individuelle, est à peu près la suivante : le noyau de ce qui constitue l’autonomie de l’individu n’est lui-même en aucun cas donné une fois pour toute, mais est soumis à des transformations historiques ; il y a en effet un rapport de conditionnement entre le degré de différenciation de la société et la liberté individuelle au sens où, à mesure que s’accroît la division en domaines sociaux fonctionnels, s’accroissent également les dimensions que l’individu apprend à percevoir en lui comme des possibilités de réalisation de soi ; l’individu n’accède cependant au véritable pouvoir d’action, et par là à l’autonomie, que dans les sphères en cours de formation dans lesquelles il est à même d’acquérir un savoir stable sur ses capacités et ses exigences propres, grâce au fait qu’il les voit dans une certaine mesure se refléter dans le comportement de son partenaire d’interaction ; ainsi l’ampleur de l’autonomie individuelle grandit à mesure que croît le nombre des domaines sociaux fonctionnels dont le caractère est marqué par des formes de la reconnaissance mutuelle. Si nous ajoutons à ce raisonnement ce que j’ai dit auparavant de la teneur d’obligation propre à de telles sphères de reconnaissance, alors nous possédons d’ores et déjà une image assez complète de l’argument central de Hegel : il est convaincu qu’un concept de la justice devrait pouvoir garantir la stabilité des relations de reconnaissance par lesquelles précisément les sujets sont à même d’accéder, dans les conditions sociales données à un moment précis, à un maximum d’autonomie individuelle au moyen de rapports de réciprocité d’obligation. Mais même dans cette formulation extrêmement sobre, qui semble assez post-métaphysique, et paraît n’avoir en soi plus rien d’une philosophie de l’histoire idéaliste, se trouve encore posée, si l’on y regarde de plus près, une prémisse de progrès : car les relations de reconnaissance durables et pour ainsi dire institutionnalisées, qui marquent l’ordre actuel de chaque société, ne peuvent être conçues de façon justifiée comme mesures de référence d’une théorie de la justice modifiée que si elles peuvent valoir comme moralement supérieures aux formes de reconnaissance [224] précédentes. Sans l’hypothèse fondée d’une telle supériorité morale, le procédé esquissé encourrait le danger de faire des ordres de reconnaissance donnés à un moment précis un fait moral ; et à la question de savoir quelles sphères communicationnelles doivent constituer l’horizon théorique de la théorie de la justice, on répondrait par un simple renvoi empirique à l’ordre social existant. C’est pourquoi une tentative consistant à s’appuyer de façon aussi économe et post-idéaliste que possible sur le procédé historique de fondation de Hegel ne peut pas non plus se passer du présupposé implicite d’une conception du progrès ; cette conception doit, en employant les mêmes critères que ceux qui auparavant ont conduit au déplacement de l’attention vers les relations de reconnaissance, établir la preuve d’une supériorité morale de l’ordre de reconnaissance existant19.
18Ces réflexions méthodologiques ne servent à vrai dire qu’à préparer la dernière étape de la transformation annoncée de la théorie de la justice. Ainsi que nous l’avions vu, si l’on prend comme point de départ un concept communicationnel de la liberté, le domaine d’objet d’une conception libérale de la justice se modifie dans la mesure où c’est l’octroi égal de chances de participation aux relations de reconnaissance constitutives qui devient désormais sa véritable tâche. En même temps, ainsi que nous l’avons constaté à l’instant, les relations de reconnaissance qu’une telle conception modifiée doit considérer comme constitutives de la formation de l’autonomie sont celles qui, dans une société donnée, ont pris forme comme résultat d’un processus de différenciation devant être compris comme un progrès moral. Avec cette étape, et comme chez Hegel dans la « Philosophie du droit », le droit égalitaire perd sa situation de monopole dans le cadre d’une théorie libérale de la justice ; car nous pouvons partir du principe que, dans nos sociétés, les relations juridiques ne constituent qu’une des sphères communicationnelles qui sont d’une importance irremplaçable pour la formation de l’autonomie de l’individu. Par souci de simplicité, je dois ici renoncer à développer les arguments relatifs à la théorie de la société qui seraient nécessaires à la justification de la thèse suivante : à côté des rapports juridiques, dans lesquels les sujets accèdent à une conscience de leur pouvoir d’action en s’accordant mutuellement des droits subjectifs, au moins deux sphères représentent également dans les sociétés de notre type des formes de rapports de réciprocité d’obligation favorisant l’autonomie : les relations intimes affectives et la sphère du travail ; en effet, tandis que les sujets, à travers l’expérience de sollicitude [Zuwendung] précoce, d’amour et d’amitié, acquièrent le degré de confiance en soi qui constitue le terrain émotionnel favorable pour l’autonomie du « je », ils accèdent à travers la reconnaissance de leur contribution au travail à un sentiment d’appartenance et d’estime sociales20. Le « respect de soi » dont Rawls, eu égard aux présupposés de l’autonomie individuelle, parle comme d’un « bien fondamental »21, s’avère [225] être le résultat d’une intégration échelonnée dans différentes sphères de communication, qui sont toutes empreintes d’une forme spécifique de la reconnaissance mutuelle.
19En ce qui concerne la conception de la justice que l’on a en vue, cette extension sur le plan social des présupposés de l’acquisition et de l’exercice de l’autonomie a pour conséquence une pluralisation interne. Il est sans doute sensé de concevoir la conclusion ainsi évoquée comme une étape dans l’amélioration de la réflexion sur la justice ; en effet, dès lors qu’il est établi que la justice sociale ne peut pas être atteinte simplement par l’octroi, identique pour chacun, de libertés individuelles fondamentales, mais seulement si l’on rend possible de façon égalitaire la participation à des rapports de reconnaissance, alors il faut que la moralité interne des sphères de communication correspondantes soit prise en compte. En conséquence de quoi, la justice ne saurait plus désormais se fixer obstinément sur l’unique principe qui constitue la substance morale du droit en tant qu’égalité, mais doit également intégrer en elle les autres principes définis par la moralité des deux autres sphères. La pluralisation, dont il était question comme d’une conséquence de nos réflexions précédentes, consiste donc en un déploiement des principes normatifs qu’il s’agit aujourd’hui de défendre dans une conception de la justice sociale : au nom d’un égalitarisme supérieur, que Hegel considérait également comme le défi central de la modernité, l’idée de la justice fait valoir dans chacune des trois sphères de reconnaissance le principe correspondant déterminant la teneur des obligations mutuelles. Dans cette mesure, le principe de l’amour (ou de la justice des besoins) tout comme celui de la justice de prestation (ou la division équitable du travail) doivent venir en complément du principe de l’égalité juridique : seuls ces trois principes pris ensemble – chaque principe dans son domaine propre, mais tous ensemble ayant pour fin de rendre possible l’autonomie individuelle – définissent ce qui, dans les conditions présentes, peut être nommé justice sociale22.
20Toutefois, ces formulations conclusives laissent encore trop de questions en suspens pour qu’il puisse s’agir là d’un concept de la justice suffisamment déterminé. Certes, les contours généraux que devrait prendre une théorie de la justice sociale si elle partait d’un concept de la liberté intersubjectiviste au lieu d’un concept individualiste sont déjà tracés. Mais le pluralisme normatif sur lequel les différentes étapes de l’argumentation doivent bien déboucher n’a pour l’instant qu’un sens vague et approximatif. Pour Hegel, ce qui importait avant tout, dans sa théorie des sphères de l’éthicité, c’était l’intention réformatrice, et même thérapeutique, consistant, face aux tendances uniformisatrices de la théorie de la justice de son époque, à rappeler le sens moral particulier [Eigensinn] qui semble être inhérent aux différents domaines fonctionnels des rapports de réciprocité d’obligation ; à l’instar de Michael Walzer aujourd’hui, Hegel avait avant tout pour objectif, dans sa [226] « Philosophie du droit », de conseiller à l’État libéral un « art de la séparation », en vertu duquel celui-ci devrait veiller, à l’aide de mesures juridiques réflexives, sur l’autonomie des différentes sphères de reconnaissance23. Mais en ce qui nous concerne, la fonction d’une conception de la justice ne peut plus aujourd’hui se réduire à une telle tâche, de seule conservation ; à la fonction de préservation doit en permanence s’adjoindre le rapport réformiste à un avenir qui, en comparaison avec les rapports existants, apparaisse comme porteur d’amélioration. La conception de la justice ici esquissée ne peut aller dans le sens de ce besoin que si, au-delà de Hegel, elle se tient à l’idée d’un supplément de validité des principes de reconnaissance différenciés les uns des autres : chacun des trois principes normatifs, qu’il s’agit de défendre en vue de l’autonomie individuelle de chacun, possèderait alors un excédent sémantique, exigeant plus de justice spécifique à chaque sphère qu’il n’y en a déjà de réalisée dans les pratiques et institutions existantes.
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Notes de bas de page
1 Les réflexions portant sur la théorie de la justice auxquelles je me livre en rapport avec des travaux précédents doivent plus aux études systématiques portant sur l’histoire des théories de Ludwig Siep que je n’ai pu en rendre compte par des indications ou des notes. Sa grande étude sur la philosophie de l’esprit de Iéna de Hegel a initié mes contributions à la théorie de la reconnaissance (Siep 1979), et de même, cet article a été à nouveau influencé par ses réflexions (Siep 2002).
2 Comme on peut le voir, toutes ces formulations s’appuient sur la conception de la justice de John Rawls, qui domine aujourd’hui largement la discussion (Rawls 1971).
3 Thomas Nagel a déjà très tôt attiré l’attention sur cet aspect de la conception de la justice de Rawls (Nagel 1995).
4 Je poursuis, avec cette thèse, des réflexions que j’ai déjà esquissées indirectement sous la forme d’une réactualisation de la philosophie hégélienne du droit (Honneth 2001). Concernant l’arrière-plan de ce qui suit, voir Hegel, Principes de la philosophie du droit.
5 Voir Taylor 1989, chap. 17.
6 Voir par exemple Taylor 1985a, 1985b ; Walzer 2003, chap. 6.
7 Voir sur ce point Honneth (éd.) 1993.
8 Voir Patten 1999, Redding 1996 et Neuhouser 2000, en particulier chap. 5.
9 Voir à ce sujet Siep 1992a.
10 Rawls 1971, chap. 3.
11 Voir MacIntyre 1999.
12 Voir par exemple Ignatieff 1984 ; Todorov 1995.
13 Voir notamment pour la sociologie Sennett, Cobb 1972 ; pour la recherche historique voir B. Moore 1978.
14 Dornes 2000 et 1997, chap. 4.
15 Voir Redding 1996, chap. 5-9 ; Hardimon 1994, chap. 5.
16 Voir Honneth 2001, p. 26 sq., p. 108 sqq.
17 Hegel, Philosophie der Geschichte, p. 32 sq., p. 52 sqq. [Leçons sur la philosophie de l’histoire, p. 27 sq., p. 35 sqq.].
18 Voir Edmundts, Horstmann 2002, p. 32 sqq.
19 Sur le contexte de cette réflexion, voir Honneth 2003.
20 Voir Krebs 2002 (chap. 6 et 7).
21 Rawls 1971, § 67 ; on trouve des contributions précieuses dans Dillon (éd.) 1995.
22 Voir Miller 1999, qui indique une direction similaire, quoique totalement indépendante de Hegel.
23 Voir Walzer 1984.
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