Chapitre III. Siège et prise de Jérusalem
p. 223-238
Texte intégral
1Jérusalem à la veille de la conquête franque. — Premier assaut (13 juin). — Modification des plans du siège. — Une flotte franque arrive à Jaffa. — Construction de tours. « Le feu grégeois ». Préparatifs d’un nouvel assaut. — Assaut des 13 et 14 juillet. — Dernier assaut et prise de la ville (15 juillet 1099). Massacre de la population. — Jérusalem capitale du royaume latin. — Les croisés envisagent l’avenir et la nature de l’État. — Les pauvres, le clergé et le parti laïque. — Godefroi élu « Avoué du Saint-Sépulcre ».
2La première croisade prit fin avec la prise de Jérusalem au terme de cinq semaines de siège (7 juin au 15 juillet 1099). La ville de Jérusalem en l’an 1099 ne différait guère dans ses limites de la Vieille Ville actuelle, car les remparts aujourd’hui visibles, érigés par Soliman le Magnifique au xvie siècle, reposent sur les fondations du rempart des croisés. Çà et là seulement, la ligne actuelle des murs s’écarte de celle du xie siècle, comme par exemple aux environs de la Porte de Damas (la Bab al-’Amûd arabe, c’est-à-dire Porte de la colonne, Porte Saint-Étienne pour les croisés) ou la Porte de Sion (Bab Nébi Dâwûd, c’est-à-dire Porte du Prophète David), qui se trouvait plus à l’est que celle appelée du même nom aujourd’hui. Le nombre des habitants de Jérusalem en 1099 n’était pas éloigné de 20 000. Lors du siège, ce nombre s’accrut, parce que des gens des campagnes et des villages environnants, en quête d’abri, s’y réfugièrent.
3C’est du Nébi Sâmwîl, le Montjoie des croisés, que les Francs virent, pour la première fois, Jérusalem. A l’est et au sud-est, des vallées s’allongeaient entre les remparts et les environs, au nord et à l’ouest un fossé pro fond coupait la cité de la plaine environnante. Le fossé était moins profond le long des remparts nord, et pour défendre ce côté, les habitants de Jérusalem avaient doublé d’un mur extérieur (barbacane) le mur principal de la ville. La partie la plus profonde du fossé était située aux abords de la citadelle appelée « Tour de David », énorme bâtisse gardant la porte ouest, la Porte de Jaffa. Les assises inférieures des fortifications de la tour étaient faites de gigantesques moellons liés et soudés au plomb1. Il semblait que rien ne pût venir à bout de cette forteresse.
4Les deux rues principales, du nord au sud et de l’ouest à l’esplanade du Temple, se croisaient au centre, organisant le réseau des souks (chaque souk étant spécialisé) et partageant la ville en quatre quartiers, qui étaient, dans une large mesure, à caractère ethnique et religieux. Vers le milieu du xie siècle, la majeure partie de la population musulmane de la ville se groupa dans deux quartiers, celui de l’est et celui du sud, autour de l’esplanade du Temple, avec ses sanctuaires musulmans, et autour de la citadelle. De l’autre côté, la population chrétienne, tant grecque que syrienne, se regroupa autour du Saint-Sépulcre dans le quartier nord-ouest ; tandis que la population juive, ayant quitté le quartier proche de l’esplanade du Temple où elle habitait depuis le viie siècle, se resserra presque toute dans le quartier nord-est de la ville, entre la Porte de Damas, la Porte de Josaphat et la rue allant des souks du centre à la vallée de Josaphat. Les magnifiques édifices de l’esplanade du Temple excitaient un intérêt particulier. Le monument connu sous le nom de mosquée d’Omar parut aux croisés « le Temple du Seigneur » (Templum Domini) et la mosquée al-Aqsâ, à l’extrémité de l’esplanade, qui s’appuie sur les remparts, sembla le « Temple de Salomon »2. Les deux édifices, ainsi que les tourelles de la Tour de David, étaient visibles de loin.
5Dans la ville même, il y avait une garnison fâtimide, en partie arabe et en partie composée de soudanais. Elle était commandée par Iftikhâr al-Dawla, général éprouvé. Lors de l’approche des croisés, il consolida les fortifications, concentra dans la ville une grande quantité de vivres, et enfin en expulsa, de peur qu’elle ne se joignît aux ennemis, la population chrétienne grecque et syrienne. En son temps, Yâghî Siyân en avait usé de même à Antioche. Dernière précaution, Iftikhâr al-Dawla obstrua les sources des environs de Jérusalem, ou empoisonna leurs eaux.
6L’armée des croisés qui assiégeait la cité ne dépassait certainement pas 1 200 chevaliers et environ 12 000 fantassins. La faiblesse numérique des assiégeants ne permettait pas d’envisager l’encerclement de la ville, dont les remparts avaient près de quatre kilomètres de long. Dès le début, il fut clair qu’on ne viendrait pas à bout de Jérusalem par le siège et la famine. La disette, d’ailleurs, sévissait dans le camp des croisés, et non chez les assiégés. L’unique possibilité était de prendre la ville d’assaut. Les croisés commencèrent à faire le siège de la partie du rempart qui s’étend à l’ouest de la Porte de Damas (Tour de Tancrède, Burj Jalût) jusqu’à la Porte de Jaffa, à l’ouest de la cité. Le mur oriental tourné vers le mont des Oliviers, et la partie sud du rempart, passant par le mont Sion, ne furent pas, au début, investis. Par la suite Raymond de Saint-Gilles, posté devant la Porte de Jaffa, se convainquit qu’il ne viendrait pas à bout du fossé profond à cet endroit : il fit donc passer son armée sur le mont Sion, laissant des gardes dans la zone séparant le cimetière Mamilâ de la Porte de Jaffa. Mais les croisés n’étendirent pas le siège vers l’est, se contentant de placer des gardes à la source de Siloé où, ils venaient puiser de l’eau. Il semble qu’on mit aussi quelques gardes au sommet du mont des Oliviers. Mais, ainsi que nous l’avons vu, l’intention des croisés était, non pas d’affamer la ville, mais de l’enlever de force et d’empêcher, pendant les préparatifs de l’assaut, l’arrivée à Jérusalem de tout renfort.
7Les croisés durent affronter trois problèmes : il fallait resserrer l’étreinte autour de la ville, avec un nombre insuffisant de soldats ; se procurer du ravitaillement, et surtout de l’eau, car au bout de quelques jours, sous le brûlant soleil de juin, l’armée, qui comprenait non seulement des combattants mais aussi un grand nombre de vieillards, de femmes et d’enfants, commença à souffrir de la soif ; et enfin construire des machines de siège pour enfoncer les remparts.
8Rien ne caractérise mieux l’état d’esprit de l’armée croisée que le fait qu’elle n’ait décidé de construire des engins de siège et de jet, sans lesquels il était évidemment impossible de faire brèche, qu’au bout d’une semaine de siège. Il semble que les croisés, sinon leurs chefs dégrisés, croyaient qu’il se produirait un miracle et que la ville se soumettrait d’elle-même. Après cinq jours de siège, les chefs, tous guerriers émérites, allèrent demander conseil à un anachorète, qui vivait solitaire sur le sommet du mont des Oliviers. La légende qui voulait qu’un empereur fût couronné sur le mont des Oliviers — signe avant-coureur des temps messianiques — n’était sans doute pas étrangère à cette consultation. « L’homme de Dieu qui vivait solitaire dans une vieille tour très haute sur le mont des Oliviers », dit le chroniqueur latin, leur donna le conseil de jeûner et prier ; après quoi, ils donneraient l’assaut avec l’aide de Dieu aux remparts et aux Sarrasins3.
9Un jeûne public fut effectivement proclamé dans le camp — jeûne et prière selon le rite traditionnel en Israël. A vrai dire, ce fut là le plus clair des préparatifs de l’assaut. Celui-ci, donné le 13 juin, réussit à faire reculer les musulmans de la muraille extérieure jusqu’à la muraille principale. Quant à prendre celle-ci, c’était impossible puisque… les échelles manquaient. Cette armée qui assiégeait, depuis deux ans, des villes musulmanes se trouvait à présent désemparée sous les murs de Jérusalem faute d’échelles, si forte était sa conviction qu’un miracle lui livrerait Jérusalem.
10La construction d’engins de siège exigeait des matériaux, des spécialistes et du temps. Mais le temps jouait en faveur des assiégés, qui pouvaient s’attendre à chaque instant à l’arrivée de secours égyptiens, et au détriment des croisés, dont le ravitaillement allait diminuant. Les vivres se raréfiaient, et l’eau était parcimonieusement fournie par le faible débit de la source de Siloé. Le commandement commençait à songer à organiser le siège. Pour trouver de l’eau, il fallait marcher plus au nord, jusqu’aux environs de Ramalla semble-t-il, ou apporter de l’eau du Jourdain, mais c’était malaisé et périlleux, parce que les musulmans surveillaient les routes. La décision de construire des machines de siège (15 juin) se heurtait au manque de matériel. Le bois nécessaire faisait défaut dans les environs4. Avec l’aide de Syriens, les croisés trouvèrent du bois près de Jérusalem, dans des cavernes où il avait probablement été caché par les musulmans au début du siège. Mais il ne suffit pas et les croisés commencèrent à se rendre par petits groupes aux alentours de Naplouse et au sud de Jérusalem4 coupant des arbres qu’ils transportaient ensuite au pied des remparts. Le bois trouvé, il restait à découvrir les charpentiers capables de construire les engins de siège, et principalement les tours mobiles à l’aide desquelles il serait possible de s’approcher du rempart. Les chevaliers ne connaissaient évidemment pas ce travail, et s’il est vrai qu’il y avait des charpentiers parmi les fantassins, ils n’étaient probablement pas habitués à une semblable besogne5. Mais la chance sourit aux croisés, et le 17 juin, la nouvelle parvint à Jérusalem qu’une petite escadre, composée de six bateaux génois et quatre anglais, arrivait au port de Jaffa. Le port était alors abandonné et la citadelle seule avait été occupée par les croisés. Les chefs décidèrent d’entrer en contact avec cette flotte, dont les matelots étaient habitués aux travaux de charpente et possédaient les outils, haches, cordages, etc., nécessaires à la construction de tours d’assaut. Raymond de Saint-Gilles, qui avait le plus grand nombre d’hommes, envoya de Jérusalem deux détachements pour se mettre en rapport avec la flotte de Jaffa.
11Les croisés ne paraissent pas s’être fait une idée bien nette de l’image que pouvait offrir une petite armée latine affaiblie par la faim et la soif près de Jérusalem, une poignée d’hommes occupant une tour à Jaffa, et entre les deux, une petite garnison retranchée dans un quartier de Ramla, parce que ses effectifs ne suffisaient pas pour tenir la muraille sur toute sa circonférence. Les détachements partis pour Jaffa subirent de lourdes pertes aux abords de Ramla du fait d’une colonne égyptienne, ou peut-être d’une troupe venue d’une des cités côtières. L’importance de Ramla comme point de jonction entre Jérusalem et Jaffa apparut alors clairement. En fin de compte, la petite troupe des croisés arriva à Jaffa, après que la flotte eut été, elle aussi, sauvée par miracle de l’attaque soudaine d’une flotte égyptienne de la base d’Ascalon. Les bateaux génois, sous le commandement des Embriaci, furent tirés à terre et démontés ; après en avoir retiré tout ce qui leur semblait utile, les marins s’en furent avec leur escorte vers les remparts de Jérusalem. Les tours mobiles furent dressées. C’était là une tâche très malaisée, vu les conditions locales, et il fallut pourvoir au revêtement des tours avec des peaux de chevaux, de chameaux et de bœufs imprégnées de vinaigre, pour les protéger de l’action du « feu grégeois ». Ce « feu » inventé au viie siècle à Ba’albek, et devenu l’arme traditionnelle de la flotte byzantine6, était un composé de pétrole et de soufre, et les assiégés bombardaient les tours de siège avec des cruches remplies de ce mélange7.
12Mais les croisés ne fondaient pas leurs espoirs uniquement sur des machines et des hommes : ils proclamèrent un jeûne public dans le camp ; une procession, pieds-nus, conduite par le clergé fit le tour des murs de Jérusalem le 8 juillet. Il n’est pas douteux que les croisés se regardèrent comme des enfants d’Israël autour des murs de Jéricho ; peut-être espéraient-ils qu’un miracle se produirait et que les murailles s’écrouleraient. Les murailles ne tombèrent pas, mais le courage des croisés ne faiblit pas pour autant. Deux jours après (10 juillet), on dressa les machines de siège face aux remparts du côté nord, partie la plus indiquée pour donner l’assaut. Les croisés amenèrent une des tours mobiles à l’est de la Porte de Damas, entre la « Porte des Fleurs » (Porte d’Hérode) et la tour de l’angle nord-est de la ville, la « Tour des Cigognes » (Burj al-Laklak). A cet endroit, il n’y avait qu’un fossé peu profond, à cause de la nature rocheuse du terrain. Pour autant qu’il soit possible de le préciser, la tour fut érigée devant l’emplacement de l’actuel musée Rockfeller8. La deuxième tour fut dressée face à la Porte de Sion, à l’endroit qu’occupe aujourd’hui la « rue des Juifs », un peu à l’est de la Porte de Sion actuelle. Là aussi, seul un fossé peu profond protégeait le rempart. C’étaient les deux seuls points faibles de la ville. A la veille de l’assaut, les armées se regroupèrent le long des remparts. A l’angle nord-est, prit place l’armée lorraine sous le commandement de Godefroi de Bouillon ; à l’ouest de celle-ci se tenaient l’armée flamande sous le commandement de Robert de Flandre et l’armée française de Normandie sous le commandement de Robert de Normandie ; à l’angle nord-ouest prenait place une autre armée normande, celle des Normands de Sicile, sous le commandement de Tancrède. Le long du rempart occidental, on disposa des gardes normands et provençaux qui campèrent aussi devant la citadelle (« Tour de David »), et sur la colline du sud, le mont Sion, se trouvait la grande armée provençale sous le commandement de Raymond de Saint-Gilles.
13L’assaut, commencé dans la nuit du 14 juillet, ne donna pas de résultats. Le lendemain, 15 juillet, qui était un vendredi, à neuf heures du matin9, on parvint à pousser la tour de Godefroi de Bouillon assez près du rempart et on y jeta une passerelle, sur laquelle s’élancèrent les premiers croisés. Au même moment, raconte-t-on, les croisés virent un chevalier brandissant son bouclier au-dessus du mont des Oliviers. Il n’était pas difficile de reconnaître en lui saint Georges, patron des combattants pour la foi. L’armée céleste se rangeait aux côtés des croisés.
14Le quartier dans lequel pénétrait Godefroi était « la Juiverie », nom qui lui resta pendant le xiie siècle, même après la disparition de ses habitants. Parmi les défenseurs des murailles de ce quartier, dont les fortifications étaient plus faibles que celles des autres parties de la ville, se trouvaient des juifs, habitants de Jérusalem. Ils combattirent ainsi pour leur ville et leurs demeures coude à coude avec les musulmans. Après la percée de Godefroi, les troupes des croisés commencèrent à affluer sur ses traces vers l’intérieur de la ville. Les musulmans et les juifs se replièrent sur l’esplanade du Temple où ils pensaient probablement se préparer à une ultime défense. Mais avec la faillite de cet espoir, les juifs de Jérusalem firent ce qu’avaient fait leurs ancêtres. La communauté se rassembla dans une ou plusieurs synagogues pour invoquer son Père céleste. Les croisés les y enfermèrent et les brûlèrent vifs, poursuivant l’épée nue tous ceux qui fuyaient par les rues étroites de la ville vers l’esplanade du Temple.
15Pendant ce temps, Tancrède avait aussi réussi à pénétrer dans la ville près de la tour de l’angle nord-ouest (appelée plus tard « Tour de Tancrède »). Tout le front nord de la défense s’effondra. Tancrède fut aussi le premier qui parvint à l’esplanade du Temple et il s’empara de la mosquée el-Aqsâ, où s’étaient réfugiés les fuyards. La bannière normande de Tancrède flottait à présent sur l’église de la Nativité de Bethléem et sur le « Temple de Salomon » de Jérusalem. Peu de temps après, Raymond parvint aussi à s’élancer dans la ville par une brèche pratiquée dans la muraille du mont Sion, mais sa progression vers le centre de la cité fut arrêtée par la Tour de David, c’est-à-dire par le réseau des fortifications de la citadelle, où s’étaient repliés le gouverneur et sa garnison. Pendant deux jours, les croisés se livrèrent au pillage et firent un massacre sans exemple depuis l’immense hécatombe des juifs par les Romains, mille ans plus tôt. Il semble bien qu’au lendemain de la victoire, il ne resta pas un seul musulman ou juif vivant. Le nombre des captifs fut très restreint ; seuls les défenseurs de la Tour de David, qui s’étaient rendus à Raymond contre la promesse de lui livrer la forteresse, furent conduits par lui à Ascalon. Les juifs survivants furent vendus comme esclaves jusque sur les marchés de l’Europe et les communautés juives pourvurent, comme autrefois, au rachat des captifs. Parmi ces communautés sont explicitement mentionnées des communautés d’Italie et d’Égypte. Ces dernières firent venir les captifs de Jérusalem à Ascalon et organisèrent leur transport en Égypte. Les musulmans réfugiés de Jérusalem fondèrent un nouveau quartier à Damas, Sâlihiyé, au nord de la ville.
16Les croisés étaient encore assoiffés de sang et grisés par tous les trésors pillés à Jérusalem et vendus à l’encan sur les marchés, que déjà la nouvelle de la prise de Jérusalem, al-Quds (= la Sainte), était arrivée en Égypte et à Bagdad. Elle fit une grande impression dans les capitales de l’Islam. Une délégation de Damas, arrivée à Bagdad, poussa des lamentations : « Vos frères de Syrie n’ont plus d’autre demeure que la selle de leurs chameaux ou les entrailles des oiseaux de proie10. » Mais à cette époque, Jérusalem n’occupait pas une place essentielle dans la conscience religieuse ou politique des musulmans. A la différence de l’historiographie ultérieure, on ne mentionne, à l’époque, aucun signe d’éveil religieux ou national consécutif à la prise de la ville11.
17Jérusalem échappait à la domination des musulmans. Une page nouvelle de son histoire s’ouvrait — l’histoire de la Jérusalem franque, désormais capitale du royaume portant orgueilleusement son nom, le royaume de Jérusalem, Regnum Hierosolymitanum ou royaume des Jérusalémites, Hegnum Hierosolymitanorum.
18Le pillage se poursuivait encore dans la ville, les vainqueurs couraient encore entre les maisons abandonnées que déjà, au Saint-Sépulcre, se réunissaient les chefs des croisés. Les cadavres des habitants d’hier furent entassés hors la ville, et l’odeur de pourriture dans la chaleur de l’été se mêlait à celle de l’encens, dans les vieilles églises et dans les mosquées converties en églises en une seule nuit. Jérusalem devint une cité chrétienne, mais cette cité n’avait ni gouvernement ni population. Robert de Flandre et Robert de Normandie ne cachèrent pas que leur participation à la croisade prenait fin, à leurs yeux, avec la prise de Jérusalem ; et des centaines de chevaliers voulaient maintenant regagner leur patrie. Qui alors resterait sur place pour gouverner ?
19Cette question n’était pas neuve. Lors du siège déjà, on l’avait évoquée, mais les croisés avaient préféré repousser la solution au lendemain de la prise de la ville. Les difficultés venaient pour une large part de l’ambiguïté du concept de Croisade. Les types d’organisation envisagés différaient en effet selon que la Croisade était considérée comme une expédition vouée à l’accomplissement de la prophétie et menée sous la conduite de Dieu et du Saint-Siège, avec les lieutenants de l’armée pour légats, ou qu’elle représentait une expédition de conquête destinée à fonder un État chrétien en Terre Sainte. Une troisième idée se faisait jour. La conception de la Croisade comme expédition fondamentalement religieuse se rattachait a un évangélisme extrémiste, dont les représentants étaient les pauvres, et dont les porte-parole se trouvaient surtout dans l’armée provençale. Ces éléments, dont la pauvreté était devenue un idéal, se considéraient comme l’élite des soldats de la Croix, obéissant dans leur conduite aux impératifs d’une campagne messianique. Cette cohue de gens en haillons, qui luttaient avec un héroïsme confinant à la démence, persuadés qu’ils étaient « élus » et que le bras divin les conduisait, ne ressentait nullement la nécessité d’un gouvernement. Animée d’une foi brûlante, pénétrée de la certitude d’une intervention céleste, dans un monde où le sacré et le profane, le naturel et le surnaturel œuvraient de concert, où anges et chevaliers du ciel venaient aider les mortels à parachever leur œuvre sur la terre, cette armée des pauvres, ayant enfin atteint le terme de son voyage avec la prise de la Jérusalem terrestre, attendait que le royaume de Dieu descendît sur la terre. La direction divine apparaissait si concrètement qu’elle rendait impossible l’élection d’un chef terrestre. Raymond d’Aguilers, le chroniqueur provençal le plus proche de ce qu’on peut appeler, avec quelques réserves, le « parti des pauvres », rapporte leurs exigences en ces termes : « Il ne sied pas d’élire un roi, là où le Seigneur souffrit et fut couronné, car s’il disait en son cœur : Je suis assis sur le trône de David et je possède son royaume, et s’il s’écartait de la foi et de la vertu de David, Dieu l’exterminerait peut-être et assouvirait sa colère et sur le pays et sur le peuple. Ainsi cria le prophète : ‘Quand viendra le Saint des Saints l’onction cessera’12. Et il a été manifesté à toutes les nations qu’il est venu. Mais qu’il y ait un défenseur pour garder la ville et partager les tributs du pays et son revenu entre ses gardiens13. »
20A côté de ce groupe, celui des clercs et des prélats nourrissait sans doute des espérances messianiques et ressentait le caractère religieux de l’expédition, mais avec plus de réalisme. Selon eux, la Croisade trouverait son accomplissement dans la création d’un vrai royaume chrétien en Terre Sainte. Ce royaume ne pouvait être qu’un État pontifical gouverné par le successeur de saint Pierre, prince des apôtres, sur la terre. A défaut du pape en personne, ses légats devaient exercer le pouvoir ; cet État de caractère théocratique serait comme une réplique terrestre du Royaume des Cieux. Cette manière de voir apparaît sous une forme concise et vigoureuse dans une lettre que Daimbert, envoyé du pape après la mort d’Adémar du Puy, adressa au Saint-Siège à la veille de la bataille d’Ascalon. « A cette bataille, dit Daimbert, « nous priâmes Dieu afin que, après avoir détruit les forces des Sarrasins et celles de Satan, le Royaume du Christ et de l’Église s’étende d’une mer à l’autre14. »
21En face de ces deux groupes, qui représentent les courants de la pensée religieuse et théocratique, s’exprimait l’opinion séculière. Pour les chefs de la croisade, il était tout naturel que le nouvel État ait à sa tête un prince temporel. S’ils étaient divisés, ce n’était pas sur cette question, mais sur celle du candidat au gouvernement de l’État.
22On ne saurait déterminer le moment précis où les conceptions de ces chefs sur l’avenir du pays ont pris forme. Urbain II aurait-il déjà songé à fonder un État en Terre Sainte ? Il est vraisemblable que lui, qui voulait libérer le Saint-Sépulcre du joug musulman, ne prévoyait d’autre solution pratique pour conserver Jérusalem à la chrétienté que la création d’un État chrétien. Pourtant on ne trouve dans les sources aucune indication sur ce futur État. Quelles que fussent les pensées du pape, il est clair qu’il ne proclama nulle part que son intention était de fonder un « patrimoine de saint Pierre » en Palestine, sur le modèle de celui de l’Italie. Mais il faut prendre garde au fait qu’une telle proclamation n’aurait évidemment guère séduit la noblesse féodale d’Europe occidentale. Il est donc permis de supposer que cette intention du pape ne fut exprimée qu’à son fondé de pouvoir, Adémar du Puy, prélat émérite et diplomate, sur qui il pouvait s’appuyer : il trouverait l’heure propice et les moyens convenables pour mettre en application la politique du pape.
23Pour ce qui est des chefs de la croisade, il est patent qu’un bon nombre d’entre eux avaient l’intention de s’installer en Orient, pour des raisons strictement religieuses, comme on peut le supposer pour Raymond de Saint-Gilles, ou moins purement religieuses, dans le cas de Godefroi de Bouillon ou de Bohémond et de Tancrède par exemple. En tout cas, leurs idées ne paraissent avoir revêtu une forme concrète qu’en Syrie, lors de la prise d’Antioche. A la suite des terribles souffrances qu’avait causées la conquête, nous avons vu que les chefs de l’armée se partagèrent le territoire syrien pour s’y constituer des domaines. On peut même noter avec exactitude le moment où, dans le camp des croisés, des aspirations matérielles commencèrent à se traduire en langage politique et militaire. Aussitôt après le siège d’Antioche, une lettre fut adressée par les chefs francs au pape Urbain II pour lui annoncer la victoire. « Et quoi de plus juste — écrivaient les chefs — que tu viennes, toi, qui es le père et la tête de la foi chrétienne, dans la principale cité et la capitale du nom chrétien15 et que tu achèves la guerre qui est ta guerre… C’est ainsi que tu termineras avec nous le chemin de Jésus-Christ par nous commencé, par toi prêché, et que tu nous ouvres les portes des deux Jérusalem16, et que tu proclameras la liberté du Sépulcre du Seigneur ; par toi sera magnifié le nom chrétien par-dessus tout : car si tu viens chez nous et t’associes à la Croisade que tu as inspirée, le monde tout entier t’obéira17. » Il semble donc que les chefs de la croisade entrevoyaient la possibilité que l’expédition, à partir d’Antioche, s’effectuât sous le commandement du pape en personne. Cette armée souhaitait encore une direction pontificale, ses chefs parlaient encore une langue voisine de celle des prédicateurs de la Croisade, et de la foi populaire. Ils marchaient vers le sud, vers Jérusalem qui était pour eux la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste tout ensemble. Ce langage est à rapprocher de la recrudescence des phénomènes miraculeux, peu nombreux jusqu’à l’invention de la « Sainte Lance » à Antioche. Si le pape venait maintenant, « le monde entier lui obéirait ».
24Mais le pape ne vint pas, et pendant les mois qui suivirent, de l’automne 1098 au printemps 1099, l’objectif d’atteindre Jérusalem s’éloignait, tandis que passait au premier plan la conquête de la Syrie du nord. Lorsque l’armée s’ébranla enfin, après le soulèvement populaire, il n’est pas douteux que sur la route de Jérusalem, la question du futur souverain préoccupa à plusieurs reprises les chefs. Et le problème, pour eux n’était pas la nature de l’État, mais le choix de l’homme qui serait à sa tête.
25Après la prise de la cité, il n’était plus possible d’ajourner la décision. Deux jours après la conquête, le 17 juillet, les chefs de l’expédition se réunirent. Mais avant qu’on ne procédât à l’élection, apparurent les délégués du haut-clergé, représentants de la thèse pontificale et théocratique, qui demandèrent que l’on différât le choix du souverain jusqu’à l’élection du patriarche de Jérusalem18. Le désir de faire précéder le choix du prince temporel par celui du patriarche se lit dans la demande expresse faite par les clercs aux chefs : « Nous louons votre choix, mais si vous agissez bien et régulièrement, de même que les choses éternelles passent avant les choses temporelles, ainsi choisirez-vous d’abord un vicaire spirituel, et ensuite un roi (…) Autrement nous considérons comme nul votre choix19. » Il est clair que cette revendication, qui se parait d’un manteau de dévotion et se réclamait de la prééminence du spirituel sur le temporel, n’avait que des objectifs politiques. Si la demande du clergé avait été satisfaite, si le patriarche avait été élu avant le prince, on eût ainsi fondé un État théocratique ; le nouveau patriarche aurait désigné celui que les chefs éliraient prince de Jérusalem. De plus, il n’est pas douteux que le patriarche aurait demandé à l’élu de se considérer comme tenant son pouvoir royal du pape, et indirectement du patriarche de Jérusalem. Ces rêves ambitieux, qui ne résistèrent pas à la pression des réalités, devaient réapparaître quelques mois plus tard, lorsque Daimbert, évêque de Pise, prit la tête de l’Église : il réclama et obtint la reconnaissance par les princes de leur vassalité vis-à-vis de l’Église.
26Mais il ne se trouva pas à cette heure une forte personnalité ecclésiastique qui pût s’imposer aux dirigeants de la croisade : Adémar du Puy n’était plus de ce monde. L’Église était représentée par des politiciens dépourvus d’influence et d’autorité morale. Ces insuffisances firent pencher la balance. Les chefs de la croisade décidèrent d’élire un prince temporel à Jérusalem. Seuls deux candidats restaient en présence : Godefroi de Bouillon et Raymond de Saint-Gilles. Ceux de leur rang qui étaient encore en Terre Sainte, Robert de Normandie et Robert de Flandre, avaient fait savoir, on l’a vu, leur intention de regagner leur patrie. Les autres grands nobles se trouvaient dans les environs d’Antioche et d’Édesse. A la vérité, nous ne connaissons guère les membres de cette haute noblesse. Le fait est que seuls les deux grands seigneurs que nous avons mentionnés furent candidats à la couronne de Jérusalem. L’élection ne fut pas difficile. Raymond de Saint-Gilles — fier, orgueilleux et intransigeant —- n’obtint pas l’appui de la noblesse, et il semble bien qu’il n’eut pas non plus celui des prélats, malgré toute sa piété. La décision pencha pour Godefroi de Bouillon, pâle personnalité20, qui jusqu’alors n’avait pas joué de rôle capital dans l’histoire de la croisade. Selon la règle politique de toute la classe noble : on élit l’homme qu’on ne craint pas.
27Ainsi donc Jérusalem avait désormais un prince : la nouvelle, transmise par les premiers bateaux qui appareillèrent pour l’Europe, souleva un enthousiasme général. Il n’est pas surprenant que l’Europe chrétienne, nourrie d’Écriture Sainte, s’émut à cette annonce : Jérusalem revivait ses jours d’antan, un roi fidèle y régnait. Le nom de Godefroi de Bouillon fut sur toutes les lèvres. La légende, demi-sœur de l’histoire, se mit de la partie et, en l’espace de quelques années, auréola le héros, qui soudain avait surgi, de la plus haute gloire du monde chrétien. L’histoire de la croisade sera ré-écrite afin de donner un rôle plus glorieux, voire même capital, au duc de Lorraine ; emportés par leur enthousiasme, certains chroniqueurs ne se contentèrent pas d’une révision de l’histoire, mais écrivirent sa biographie, certains parant sa naissance des circonstances miraculeuses qui convenaient à un être céleste ; et la tradition du Chevalier au Cygne perpétua le nom de Godefroi.
28La réalité était tout autre. Le nouvel élu se heurta même à des difficultés pour donner un nom à sa fonction. Nul n’avait proposé d’élire un « roi », tous parlaient d’un prince. En fin de compte, Godefroi reçut le titre modeste d’« Avoué du Saint-Sépulcre »21. Advocatus désignait un protecteur, un défenseur, mais en même temps un homme qui ne tient pas sa fonction de son autorité propre, mais de celle d’autres hommes. A quoi pensaient ceux qui choisirent ce titre ? Deux explications sont permises, la plus simple consistant à considérer la royauté comme un fief octroyé par le pape, telles la Sicile normande d’alors ou l’Angleterre des Plantagenêts au début du xiiie siècle. Les croisés ne se sentaient pas tout-à-fait libres de décider de leur propre autorité de la situation juridique du pays conquis, car le souvenir d’Urbain II restait vivace. Le nouveau titre laissait la voie ouverte aux négociations. Il impliquait certaines limitations à l’indépendance de la royauté, bien que cette dernière ne fût pas explicitement rattachée à la papauté, mais au Saint-Sépulcre. La seconde possibilité, qui ne s’oppose pas nécessairement à la première, est que, pour les croisés, la nature et l’avenir de l’État n’étaient pas suffisamment clairs : aussi choisirent-ils un titre qui pourrait convenir à toute forme de gouvernement et qui signifierait aussi que cette autorité n’était que temporaire, jusqu’à ce que fut définie la nature de l’État.
29Raymond d’Aguilers, homme de foi, termine ainsi le chapitre sur la prise de Jérusalem : « Un jour nouveau, une joie nouvelle et une allégresse éternelle, la fin des épreuves, des mots nouveaux et un chant nouveau surgissaient. Ce jour, qui sera chanté par toutes les générations, toutes nos peines et douleurs devinrent joie et allégresse ; ce jour-là furent confondus tous les païens, la chrétienté fut renforcée et sa foi rénovée. C’est ici la journée que l’Éternel a faite : qu’elle soit pour nous un sujet d’allégresse et de joie22. »
Notes de bas de page
1 Foucher de Chartres, RHC HOcc, III, 356 A.
2 Templum Salomonis. Dans la tradition juive tardive, elle est nommée Beth-Midrash de Salomon, c’est-à-dire « Académie de Salomon ».
3 Albert d’Aix, VI, 7, RHC HOcc, IV, 470 D.
4 Un voyageur chrétien de la fin du viie siècle, Adaman, signale au voisinage d’Hébron des forêts de pins où l’on coupait pour le chauffage des arbres qu’on portait à Jérusalem, cf. De locis sanctis, éd. D. Mechan (Dublin 1958), p. 82.
5 Il y avait certes de ces artisans dans l’armée ; grâce à eux et grâce aux Syriens chrétiens, on avait construit les machines de siège nécessaires pour investir les villes de Syrie. Il est probable que les artisans, réclamés par chaque seigneur, s’étaient installés en Syrie, et que seul un petit nombre était parvenu à Jérusalem.
6 Cf. détails instructifs dans L. Bréhier, « La marine de Byzance », Byzantion, t. 19 (1949), p. 1-16.
7 De tels récipients ont été découverts au début de ce siècle sur le mont Sion, cf. J. Germer-Durant, a Glanes épigraphiques », Échos d’Orient, t. 9, 1906, p. 133 ; idem, « Cruches de Syrie », Jérusalem [revue], I, p. 337.
8 Cet endroit est marqué d’une croix sur une carte de Jérusalem du xiie siècle (ms. de Cambrai). A une époque plus tardive, les croisés plantèrent une grande croix sur l’emplacement de la brèche. Cf. ci-dessus fig. 1, p. 227.
9 L’heure est connue parce que les chroniqueurs remarquent que c’était celle de la crucifixion.
10 Mirât al-Zemân, RHC HOr, III, p. 521.
11 Cf. H. Z. Hirschberg, « La place de Jérusalem dans le monde musulman » [en hébreu], Jérusalem, 1949, p. 55-60. S. Ashtor, « Un livre arabe de louange de Jérusalem » [en hébreu], Tarbiz, XXX, 1961, p. 209 ss ; A. N. Pollak, « Eben Shtiyah » [en hébreu], Séfer-Dinaburg (Jérusalem 1949), p. 165 ss.
12 Le verset : Quum venerit sanctus sanctorum cessabit unclio, cité par Raymond d’Aguilers, ne se trouve pas dans les Prophètes ; il semble que Raymond ait modifié le texte de Daniel IX, 24 : « Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l’iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète et pour oindre le Saint des Saints. »
13 Raymond d’Aguilers, RHC HOcc, III, p. 296.
14 PL, t. 163, col. 450 ; éd. H. Hagenmeyer, n° 18.
15 Vise-t-on Antioche ou Jérusalem ? A Antioche, comme on sait, les disciples de Jésus furent nommés christiani pour la première fois (Actes des Apôtres, XI, 26.) Dans la lettre ci-dessus il est dit « ad urben principalem et capitalem christiani nominis venias » Il se peut aussi qu’il n’y ait qu’un simple jeu de mots.
16 La Jérusalem céleste et la Jérusalem terrestre.
17 Lettre de septembre 1098, dans PL, t. 151, col. 554-556 ; éd. H. Hagenmeyer, n° 16.
18 Le patriarche grec de la ville, Siméon, qui s’y trouvait à la veille de la conquête franque, mourut à Chypre, où il s’était réfugié lors des persécutions contre les chrétiens, quand arriva la nouvelle de l’entrée des croisés en Syrie. Jérusalem n’avait donc pas de chef religieux. Les croisés n’eurent pas l’idée de choisir un patriarche d’origine grecque, puisqu’ils se considéraient les héritiers légitimes du siège patriarcal de Jérusalem
19 Raymond d’Aguilers, RHC HOcc, III, p. 301.
20 Il nous paraît difficile d’accepter les conclusions de l’étude de H. Glaesner, Godefroi de Bouillon était-il un médiocre ? Revue d’histoire ecclésiastique, t. 39 (1943), qui tente une réhabilitation de Godefroi de Bouillon.
21 Advocalus Sancti Sepulchri.
22 Raymond d’Aguilers, RHC HOcc, III, p. 30. Ps. 118, 24-25.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Histoire du royaume latin de Jérusalem. Tome premier
Les croisades et le premier royaume latin
Joshua Prawer Gérard Nahon (trad.)
2001
Histoire du royaume latin de Jérusalem. Tome second
Les croisades et le second royaume latin
Joshua Prawer Gérard Nahon (trad.)
2001