1. Une histoire de paradigmes
p. 29-46
Texte intégral
1On peut envisager l’étude moderne des langues comme un conte de deux paradigmes concurrents. Le premier est la grammaire générative, élaborée par Chomsky et ses collègues. Son objectif est de créer un outil capable d’énumérer toutes les phrases grammaticales d’une langue et d’exclure toutes celles qui sont agrammaticales. La grammaire générative a fait son apparition sur la scène linguistique en 1957 avec la publication des Structures syntaxiques (Chomsky, 1957) et avec la critique par Chomsky (1959) du Comportement verbal de Skinner. Ensuite, Chomsky (1963) et Miller et Chomsky (Miller & Chomsky, 1963) ont souligné les conséquences de cette approche pour les modèles formels des connaissances du locuteur. Le paradigme s’est entièrement étoffé dans les versions suivantes de la grammaire générative (Chomsky, 1965, 1981, 1995 ; Chomsky & Lasnik, 1993). Lenneberg (1967) a présenté le substrat biologique de l’approche et Fodor (1983) une analyse logique de la modularité cognitive qui a fait le lien entre la théorie grammaticale et les sciences cognitives.
2Le second paradigme s’est développé plus récemment. Il part du principe que la structure linguistique émerge de processus naturels situés dans le cerveau, dans le corps et dans la société. Il rassemble les travaux de la linguistique fonctionnelle (Langacker, 1987), des modèles de réseaux neuronaux (Rumelhart & McClelland, 1986), de l’apprentissage statistique (Aslin, Saffran & Newport, 1999), de l’analyse de corpus (Bybee & Hopper, 2001), de la cognition incarnée (Barsalou, 1999) et des neurosciences cognitives (Edelman, 1987). L’objectif de la théorie de l’émergence est d’explorer les mécanismes biologiques et statistiques qui donnent naissance à la structure linguistique.
Huit questions fondamentales
3Depuis presque vingt ans, la concurrence entre ces deux paradigmes a amené chacun d’eux à développer une position interne cohérente en ce qui concerne certaines des questions fondamentales soulevées par l’étude des langues.
Compétence-performance. La grammaire générative souligne l’importance méthodologique et conceptuelle de fonder la théorie linguistique sur les compétences d’un locuteur-récepteur idéal, plutôt que sur les performances différentes selon les locuteurs, les situations et les dialectes. Cette hypothèse de la grammaire générative ne peut être contredite car c’est simplement un présupposé méthodologique qui ne peut être testé empiriquement.
Récursion. La théorie minimaliste (Chomsky, 1995) attribue un rôle central à la récursion parmi les caractéristiques intrinsèques du langage humain. Au minimum, la récursion implique la combinaison d’unités linguistiques en une structure de phrase hiérarchiquement ordonnée qui peut être soumise à d’autres conditions encore au cours du processus de vérification des traits.
Évolution. Puisque la théorie générative attribue un rôle aussi fondamental à la récursion dans la structure de la langue, elle considère son émergence comme une étape cruciale dans l’évolution du langage humain. Celle-ci est fondamentalement considérée comme étant à la fois soudaine et récente. Hauser, Chomsky et Fitch (2002) distinguent la faculté langagière dans son sens large et dans son sens strict. Selon cette conception récente, de nombreuses espèces ont développé des formes vocales spécifiques et des moyens de communication sociaux, mais seuls les hommes sont parvenus à la récursion. De plus, l’expansion récente de la culture matérielle chez l’homme peut servir à corroborer une évolution soudaine et récente des structures neuronales à la base de la récursion.
Génétique. Puisque l’analyse générative soutient l’hypothèse d’une évolution soudaine et récente de la récursion, elle prédit aussi l’existence d’une base génétique spécifique au contrôle de cette propriété du langage. Les locuteurs dysphasiques (SLI) devraient souffrir de déficits liés à ce gène.
Le langage est spécial. Par l’accent globalement mis sur une base biologique du langage, la grammaire générative a souvent été associée à l’idée que le « langage est spécial ». Cependant, Hauser et al. (2002) ont récemment affirmé à ce sujet que les adaptations liées au langage au cours de l’évolution se situent hors du cadre de la faculté langagière au sens strict. Ceci ne signifie pas que la théorie générative rejette l’idée d’une base biologique spéciale en ce qui concerne la phonologie. Une telle base n’est cependant pas primordiale à la structure de la grammaire générative.
Période critique. La théorie générative a souvent insisté sur l’existence d’une date d’expiration du don particulier à l’origine de l’apprentissage et de l’utilisation des langues. Ce don suffit à permettre l’apprentissage sans heurt de la langue pendant la petite enfance. Mais, après la fin d’une certaine période critique, l’acquisition naturelle d’une seconde langue devient difficile, voire impossible.
Modularité. Dans les années 90, la grammaire générative (Chomsky & Lasnik, 1993) a insisté sur la composition modulaire de la grammaire. Le nombre de modules centraux à la grammaire a récemment été réduit, mais le concept de modularité demeure essentiel à la grammaire générative.
Pauvreté du stimulus. Les générativistes ont souvent affirmé qu’il n’existe pas suffisamment d’informations dans l’input pour que l’apprenant puisse déterminer correctement la forme de sa langue natale. Par contre, l’apprentissage de la langue est guidé par une vaste gamme d’hypothèses innées concernant la forme de la Grammaire Universelle.
4La théorie de l’émergence a développé des conceptions nettement contrastées pour ce qui concerne ces huit questions. Voici les formulations émergentistes concurrentes.
Compétence-performance. Selon la théorie de l’émergence, on ne doit pas faire abstraction des variations inter-langues. Il s’agit plutôt du moteur dirigeant l’évolution des langues et la plus grande partie de leur apprentissage.
Récursion. La théorie de l’émergence reconnaît aussi l’importance de la récursion comme support de la productivité langagière. Elle la considère cependant comme issue de mécanismes anciens dans l’évolution organisant l’espace et l’action.
Évolution. La théorie de l’émergence souligne la nature progressive de l’évolution simultanée du langage, des gestes et de la pensée.
Génétique. La théorie de l’émergence souligne la complexité des interactions entre gènes dans des systèmes complexes tels que le langage humain.
Le langage est spécial. En ce qui concerne le développement de la parole et de la phonologie, la théorie de l’émergence souligne le rôle des mécanismes physiologiques dans le contrôle des aspects émergents de l’articulation. Elle considère aussi que l’apprentissage auditif est régi par des caractéristiques de base du système auditif et par des contraintes de traitement temporelles.
Période critique. La théorie de l’émergence insiste sur la nature progressive du déclin des capacités d’apprentissage des langues avec l’âge. Elle l’attribue à la consolidation de la langue première, au transfert des compétences liées à cette langue, et à la concurrence entre langue première et seconde.
Modularité. La théorie de l’émergence considère que les modules cognitifs sont issus du processus d’apprentissage.
Pauvreté du stimulus. La théorie de l’émergence insiste sur la richesse de l’input pour l’apprenant et sur le rôle des stratégies d’apprentissage item par item dans l’acquisition efficace des structures complexes.
5Après cet aperçu des réponses apportées par les deux paradigmes à ces huit questions fondamentales, examinons maintenant un aperçu plus détaillé de la théorie alternative plus récente de l’émergence.
Les mécanismes de l’émergence
6Nous avons vu que la grammaire générative insiste sur l’application récursive de règles symboliques dans le cadre des contraintes issues de la Grammaire Universelle innée. La théorie de l’émergence oppose à ces contraintes innées l’idée d’un processus dynamique émergent. Certains de ces processus sont connus de la psychologie du traitement de l’information, comme la concurrence, la puissance et le renforcement. Ces processus compétitifs reflètent l’approche darwinienne de l’émergence par la diversité, l’adaptation et la sélection. De plus, la théorie de l’émergence souligne l’impact des processus physiques sur le fonctionnement neuronal par l’intermédiaire de mécanismes tels que la résonance, l’homéorhèse, la rétroaction (Westermann & Miranda, 2004) et le choix de connexions neuronales courtes (Jacobs & Jordan, 1992).
7Voyons comment les mécanismes d’entraînement ou de couplage permettent de rendre compte de certains aspects du développement du babillage. En 1794, Huygens a démontré que deux pendules oscillant avec des périodes différentes se synchronisent avec une seule et même périodicité lorsqu’ils sont suspendus à une planche munie de ressorts. Lors de ce couplage, l’un des pendules sert d’attracteur puissant entraînant l’autre dans sa périodicité. Une telle forme de couplage en résonance semble aussi intervenir dans l’apprentissage des langues. Les études sur la mécanique du babillage ont montré l’existence d’une période précoce où l’enfant bouge la mâchoire à un rythme constant (MacNeilage, 1998). Lors du babillage, la périodicité de ce mouvement sert ensuite à entraîner une périodicité identique de l’ouverture et de la fermeture de la glotte. L’apparition du babillage canonique est le résultat direct de ce couplage (Vihman, 1996).
8Cet exemple simple d’un processus langagier émergent repose sur le lien entre la mâchoire et la glotte. Les processus émergents opèrent souvent, cependant, sur la base de boucles d’auto-régulation plus complexes. Par exemple, le cycle de Krebs qui régit le métabolisme des cellules repose sur des réactions catalytiques répétées conduisant à l’élaboration de l’adénosine triphosphate (ATP) servant au transfert de l’énergie. Ce cycle comprend plusieurs mécanismes de rétroaction qui empêchent la création d’ATP en excès et qui assurent une nouvelle production des molécules de départ (FAD et NAD+) permettant au cycle de se poursuivre. C’est de cette manière que la nature catalytique du cycle garantit l’homéorhèse dans la construction et le métabolisme des cellules.
9On trouve un autre exemple de la nature hiérarchique des processus émergents dans la détermination de l’enroulement des protéines. La structure primaire d’une protéine est déterminée par sa séquence d’acides aminés, qui est à son tour fonction de l’ordre de ces mêmes acides sur une séquence d’ADN. Il s’agit de la structure la plus contrôlée par la sélection naturelle pour éviter les mutations. La structure secondaire des protéines est composée d’enroulements, de plis et de replis issus de la formation de liaisons d’hydrogène entre les groupes CO et NH le long de la structure polypeptidique. La structure tertiaire qui conduit à l’enroulement de chaque polypeptide est la conséquence d’interactions hydrophobiques et de ponts en bisulfure venant lier entre elles les chaînes adjacentes. La structure quaternaire est issue de l’agrégation de sous-unités polypeptidiques, comme la combinaison de quatre sous-unités dans le cas de l’hémoglobine. Globalement, « la fonction spécifique d’une protéine est une propriété émergente issue de l’architecture de la molécule. » (Campbell, Reece & Mitchell, 1999).
10La théorie de l’émergence conçoit le langage comme composé de niveaux de structures émergentes très proches de ceux que l’on rencontre dans l’enroulement des protéines ou dans les processus catalytiques comme le cycle de Krebs. Dans le cas du langage, on peut distinguer sept périodicités très différentes dans l’émergence de structures et de processus (Lorenz, 1958).
L’émergence phylogénétique. Les structures les plus lentes à émerger sont celles qui sont codées par les gènes. Les évolutions dans ce cadre temporel – qui se compte en millénaires plutôt qu’en secondes – sont contrôlées par la sélection naturelle (Darwin, 1871). Le moteur de l’émergence est dans l’apparition de variations par la mutation, suivie de la sélection naturelle par l’intermédiaire de l’accouplement ou de la mortalité différentielle. La sélection naturelle utilise les possibilités de réorganisation commandées par l’ADN et par l’interaction des polypeptides qu’il déclenche. Le caractère irrégulier de cette topographie sous-jacente rend certaines mutations plus probables et plus fréquentes que d’autres et conduit à s’appuyer sur la réutilisation de formes anciennes pour remplir de nouvelles fonctions. Dans ce domaine, la théorie de l’émergence souligne la manière dont le langage, la société et la cognition ont évolué de concert (MacWhinney, 2002) sur la base des liens entre systèmes dynamiques. Pour déclencher un tel avantage co-évolutif, un changement dans les compétences langagières doit intervenir parallèlement à des évolutions dans les compétences cognitives et sociales. En outre, les deux effets doivent entrer en interaction au moment de la parole. Quand ceci se produit d’une manière qui favorise l’adaptation reproductive, la mutation est préservée.
L’émergence épigénétique. Le codage de l’information dans l’ADN représente l’imbrication précise du processus lent de l’évolution et des processus plus rapides de l’épigénèse (Waddington, 1957). Les embryologistes ont montré que les structures biologiques sont issues de processus d’induction entre les structures tissulaires en développement chez l’embryon. La forme de ces interactions n’est pas codée de manière fixe par l’ADN. L’ADN code plutôt des informations qui orientent le processus de différenciation dans certaines directions à des moments cruciaux de choix épigénétique. Les précurseurs de l’autisme peuvent être retracés chez l’embryon en relation avec des effets épigénétiques spécifiques au même titre que la formation des rayures chez le tigre. L’émergence épigénétique ne s’arrête pas à la naissance. Dans la mesure où le cerveau conserve un certain degré de plasticité, les processus épigénétiques permettent la récupération des fonctions après une attaque par l’intermédiaire d’un nouveau câblage et d’une réorganisation. Avant la naissance, les interactions épigénétiques avec l’environnement se limitent aux forces qui s’exercent sur l’utérus et le liquide amniotique. Après la naissance, l’environnement peut induire une grande diversité de variations dans l’expression génique qui vont du diabète à la réorganisation cérébrale du langage chez les sourds (Bellugi, Poizner & Klima, 1989).
L’émergence développementale. La psychologie génétique de Jean Piaget (Piaget, 1954) constitue la première approche émergentiste aboutie du développement. Bien qu’offrant un panorama extrêmement complet, elle ne précise pas les détails des mécanismes du développement. Les théoriciens actuels de l’émergence s’appuient sur les théories connexionnistes, de l’incorporation et des systèmes dynamiques pour rendre compte du développement et fournir les détails manquants de sa mécanique (Quinlan, 2003). La théorie de l’émergence est utilisée pour caractériser deux aspects différents, mais liés, du développement. Le premier concerne le processus d’apprentissage de base qui consiste à acquérir continuellement de nouvelles connaissances : des faits, des formes, des relations, des noms et des procédures. Les modèles de base de l’apprentissage du langage comme ceux qui concernent l’apprentissage du passé (MacWhinney & Leinbach, 1991) se focalisent souvent sur ce type de développement. Un second type de développement concerne l’apprentissage de nouvelles stratégies et de nouveaux cadres pouvant modifier la forme globale du langage et de la cognition, souvent en s’intéressant aux indices (Colunga & Smith, 2000 ; Regier, 2005). La recherche associant ces deux aspects en est à ses débuts.
L’émergence du traitement. Les pressions les plus immédiates sur la forme du langage sont celles qui sont issues des contraintes de traitement en temps réel (MacWhinney, 1999). Ces pressions affectent l’activation des mécanismes de la mémoire, le focus attentionnel, la planification des phrases, le basculement de code entre les langues et le contrôle moteur. La plupart de ces pressions sont elles-mêmes induites par des processus à long terme. Par exemple, quand un élève n’arrive pas à comprendre le sens du mot « fiabilité » dans une discussion sur la fiabilité des batteries, c’est peut-être à cause de problèmes de compréhension d’un cours précédent en classe ou sur ordinateur portant sur les distributions numériques. De même, l’échec dans le rappel lexical rencontré dans l’aphasie est induit par les modifications des tissus neuronaux consécutifs à une attaque. Ainsi, l’émergence du traitement en temps réel peut refléter l’état actuel d’un processus développemental, neuronal et physiologique à plus long terme.
L’émergence sociale. La plupart des pressions qui interviennent lors des conversations en face-à-face proviennent d’engagements sociaux à long terme. Le choix du vocabulaire, de l’argot, des thèmes abordés et même de la langue est déterminé par la nature de la relation perçue entre nous et nos interlocuteurs. Nous sélectionnons ces options pour exprimer la solidarité, imposer notre pouvoir ou rechercher des faveurs. Ces engagements sociaux se mesurent en années, voire en décennies. Certains engagements sociaux de base, y compris ceux dictés par le genre ou la race, ne peuvent jamais être fondamentalement modifiés.
L’émergence interactionnelle. En dehors de nos engagements à long terme avec les dialectes, les langues, et les thèmes propres à nos groupes d’appartenance, nous nous engageons aussi à plus court terme dans nos interactions sociales courantes. Nous pouvons par exemple solliciter un agent immobilier pour nous aider à acquérir une maison. Nos interactions linguistiques avec cet agent sont alors dictées par le statut actuel du processus d’acquisition. Même une fois que nous avons terminé un ensemble de transactions avec cet agent, nous maintiendrons une relation qui viendra dicter nos interactions futures, des jours ou des semaines plus tard (Keenan, MacWhinney & Mayhew, 1977).
L’émergence diachronique. La théorie de l’émergence permet aussi de comprendre l’évolution des langues à travers les siècles (Bybee & Hopper, 2001). Cette évolution est la conséquence d’un autre niveau d’interaction complexe des trois niveaux d’émergence précédents (évolutive, développementale, et en temps réel).
11Sur la base de ces sept périodicités, on peut revoir l’interprétation de la traditionnelle question « est-ce inné ou acquis ? », qui revient en fait à se demander « dans quelle périodicité cette compétence apparaît-elle ? »
12Dans ce cadre général, en outre, les processus émergents influent sur la forme linguistique de quatre manières différentes.
Homéorhèse. Les systèmes biologiques sont fortement dépendants des systèmes homéorhétiques pour se maintenir en vie. Ces systèmes préservent l’équilibre des niveaux hormonaux, des échanges ioniques, des métabolites, du système immunitaire et de la croissance cellulaire. En ce qui concerne le langage, l’homéorhèse intervient aux niveaux physiologique, neurologique et social. La conversation peut en elle-même être considérée comme un processus homéorhétique.
Résonance. Le transfert d’information entre les systèmes peut s’opérer par l’intermédiaire du couplage, de l’entraînement et de la résonance. En ce qui concerne le langage, on peut concevoir que les processus multilingues émergent de la résonance au sein d’une langue (MacWhinney, 2008). Quand nous passons du code de l’anglais à celui de l’espagnol, les premières minutes de discours en espagnol demeurent sous l’influence de la résonance qui prévaut en anglais (Grosjean & Miller, 1994).
Couplage faible. Les systèmes d’ordre phylogénétique ou épigénétique ne sont que faiblement couplés à leurs résultats. En ce qui concerne le langage, les profils génétiquement hérités n’ont souvent qu’une influence très indirecte sur le fonctionnement langagier. Par exemple, la famille KE étudiée par Gopnik et Crago (1990) souffre de dysfonctionnements moteurs qui influencent leur production langagière. Cependant, ceux-ci entraînent par ailleurs un problème global de coordination motrice conduisant les personnes à baver et à avoir des problèmes de mastication. Bien que les gènes soient clairement impliqués dans la spécification de notre capacité linguistique propre à notre espèce, leurs effets suivent un cours extrêmement indirect et de couplage faible.
Mémoire. L’utilisation répétée d’un muscle ou d’un os conduit à sa croissance et à son renforcement. Le langage fonctionne de la même façon. Chaque utilisation d’un son, d’un mot ou d’une construction dans un contexte particulier renforce la mémoire de cette forme et augmente sa capacité à entrer en compétition avec les autres. Ces processus mnésiques interviennent à l’origine au sein d’une même personne, mais ils s’étendent ensuite avec le temps à tout le groupe social et à tous les locuteurs d’un même dialecte.
Théorie de l’émergence et falsification
13On peut aisément rencontrer des explications émergentistes qui paraissent plausibles, mais qui sont tout simplement erronées. Prenons par exemple la tentative de Lieberman (1975) de lier l’émergence du langage à la descente du larynx qui a pu être démontrée par la reconstruction interne de fossiles découverts en Afrique et au Levant, datée de 100 000 ans environ. Selon l’application qu’a proposée Lieberman du modèle de filtrage de la source dans la production langagière, la descente du larynx a contribué à la courbure de l’appareil vocal facilitant ainsi l’articulation plus claire des voyelles. Bien que la majeure partie de l’analyse de Lieberman ait un sens, l’idée que la courbure du système vocal provient de la descente du larynx pose problème. Comme Ohala (2000) l’a fait remarquer, les femmes n’ont pas de courbure du système vocal et la descente du larynx n’intervient chez les hommes qu’à la puberté. Pourtant, les compétences articulatoires des femmes sont sans aucun doute identiques à celles des hommes. En outre, dans d’autres espèces comme le daim rouge et la grue caquetante, la descente du larynx débute à la puberté et sert à marquer la domination des mâles et l’intimidation. Il semble que la descente du larynx soit davantage liée aux parades amoureuses des mâles qu’à une plus grande précision dans l’articulation des voyelles. Ces deux interprétations de la descente du larynx reposent sur un raisonnement lié à l’évolution et à la théorie de l’émergence. L’une d’elles semble cependant davantage que l’autre en accord avec la distribution observée des profils d’adaptation.
Pourquoi ce changement de paradigme ?
14Compte tenu de la prédominance de la théorie de l’émergence en biologie et dans les sciences physiques, on peut se demander pourquoi la linguistique a mis autant de temps à explorer les pistes qu’elle nous offre. La raison principale de ce retard est liée à l’absence d’outils méthodologiques permettant de construire et de tester les thèses émergentistes. En vérité, de telles méthodes ne sont disponibles en linguistique que depuis une dizaine d’années. On peut repérer six avancées méthodologiques et empiriques majeures qui ont rendu la théorie de l’émergence accessible à un très grand nombre de chercheurs.
Les corpus. L’avancée la plus importante à elle seule en linguistique est sans doute le développement de corpus langagiers disponibles sur Internet par l’intermédiaire des systèmes CHILDES (Child Language Data Exchange System, http://childes.psy.cmu.edu, TalkBank ( http://talkbank.org), et LDC (Linguistic Data Consortium, http://www.ldc.upenn.edu). Le TalkBank Project ( http://talkbank.org) propose aujourd’hui plusieurs grandes banques de données sur l’apprentissage des langues secondes. Celles-ci comportent des transcriptions de productions écrites et orales associées à un support audio ou vidéo de l’apprenant. L’accroissement de ces banques de données est accompagné du développement de méthodes analytiques et d’outils informatiques de plus en plus performants, comme l’automatisation du codage de la parole (Parisse & Le Normand, 2000), le parsing des relations de dépendance (Sagae, MacWhinney & Lavie, 2004), l’analyse de la diversité lexicale (Malvern, Richards, Chipere & Purán, 2004) et d’autres routines analytiques (MacWhinney, 2008).
Le multimédia. Outre l’accès à des transcriptions informatisées, appliquer la théorie de l’émergence à l’utilisation du langage demande de s’intéresser de près aux aspects gestuels et proxémiques de l’interaction conversationnelle (Goldman, Pea, Barron & Derry, 2006). On assiste, ces dernières années, à une augmentation rapide des technologies reliant les transcriptions à la vidéo et permettant d’en rechercher les structures conversationnelles et linguistiques (MacWhinney, 2007). Comme la vidéo peut s’étudier sur différentes périodes (MacWhinney, 2006), elle permet particulièrement d’étudier l’articulation entre structure et fonction langagières dans une perspective émergentiste.
Les modèles de réseaux neuronaux. L’apparition des modèles connexionnistes dans les années 90 a permis de formuler un ensemble d’hypothèses émergentistes sur l’apprentissage du langage. À une époque, il fallait des jours de calcul sur un ordinateur central pour faire tourner ces modèles. Aujourd’hui, les chercheurs disposent de la puissance de ces super-ordinateurs sur leur bureau, et ces modèles sont de plus en plus puissants et de plus en plus accessibles. Le choix des modèles s’est aussi diversifié, avec d’importantes alternatives comme la propagation retour, les correspondances auto-organisées, la résonance adaptative et plusieurs réseaux récurrents.
L’imagerie. Auparavant, notre compréhension de la neurolinguistique reposait essentiellement sur les données obtenues après des lésions ayant provoqué une aphasie. Ce type de données a conduit les chercheurs à se polariser sur la localisation du langage dans des modules spécifiques (MacWhinney & Li, 2008). Or, l’imagerie IRMf permet aujourd’hui une localisation très fine et les chercheurs ont pu formuler des hypothèses émergentistes du fonctionnement neuronal à partir des interactions dynamiques des circuits neuronaux fonctionnels. En outre, il est possible d’utiliser la méthodologie des PE pour étudier la concurrence entre langues dans le traitement de la langue seconde et les phénomènes de bilinguisme (Tokowicz & MacWhinney, 2005).
Les neurosciences. Les avancées des neurosciences ont commencé à élargir notre compréhension des fonctions cognitives jusqu’au niveau des cellules individuelles et de leur assemblage local. Bien que ce niveau de détail ne soit pas encore accessible par les techniques d’imagerie par IRMf, PE ou MEG, nous recueillons de nombreuses informations par l’étude des enregistrements d’une seule cellule chez l’animal (Rizzolatti, Fadiga, Gallese & Fogassi, 1996) et par celle des humains qui subissent une intervention chirurgicale pour lutter contre l’épilepsie. Ces travaux ont montré les manières dont le cerveau code une carte complète du corps. De tels résultats viennent fortement étayer la théorie naissante de la cognition incarnée (MacWhinney, 2005).
L’apprentissage in vivo. Jusqu’à très récemment, il a été extrêmement difficile d’étudier l’apprentissage des langues secondes dans le contexte scolaire réel. De telles études ont rencontré des problèmes de distribution aléatoire, de compatibilité avec les objectifs pédagogiques et de difficulté de contrôle de l’input. Cependant, grâce aux nouvelles méthodes sur Internet développées par le Fluency Cluster au Pittsburgh Science of Learning Center (PSLC, http://learnlab.org), il est désormais possible d’étudier l’apprentissage du français, du chinois, de l’anglais et de l’espagnol pas à pas, au fur et à mesure que les étudiants avancent dans leurs exercices sur Internet. Ces exercicesfournissent un moyen direct de tester empiriquement des théories comme le Modèle de Compétition (MacWhinney, 2008) et l’opération de rappel à intervalles graduels (Pavlik, 2007 ; Pimsleur, 1967). On peut désormais suivre des trimestres entiers de réponses d’étudiants en ligne qui s’entraînent au vocabulaire français et chinois, à la dictée pinyin en chinois, à l’accentuation, à la répétition de phrases en japonais et en chinois, à l’utilisation de l’article en anglais et à l’acquisition d’autres compétences de base dans une seconde langue.
Conclusion
15Ce chapitre présente la comparaison de deux paradigmes. Le paradigme plus ancien de la grammaire générative est apparu à l’aube de la révolution cognitive dans les années 50. Cette théorie a engendré des avancées considérables dans notre compréhension du langage et de la cognition. Ce paradigme repose sur des mécanismes tels que les modules inflexibles, les règles symboliques, les périodes critiques et une détermination strictement génétique. Percevant ses limitations, les chercheurs ont commencé à formuler des hypothèses considérant le langage comme émergeant de mécanismes dynamiques et compétitifs intervenant sur des périodicités variées. Les progrès récents de l’informatique, de la modélisation, des corpus, de l’imagerie, des neurosciences, des multimédia et de l’enseignement en ligne ont rendu la mise au point de théories de l’émergence de plus en plus accessibles. Grâce à ces nouveaux outils, ceux qui étudient le traitement du langage pourront élaborer des hypothèses sur son apprentissage qui seront de plus en plus en accord avec celles qui sont développées par la biologie et les sciences physiques.
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