Résumé
p. 177-178
Texte intégral
1Formant la bordure orientale du Bassin aquitain, le Quercy est structuré par des causses entrecoupés de vallées. Sa partie nord, appelée Haut-Quercy, livre une quinzaine de sites attribués au Magdalénien, essentiellement fouillés durant la fin xixe et le début du xxe siècle. Seules les fouilles menées à Combe-Cullier (Lacave, Lot) dans les années 1970, à l’abri Murat (Rocamadour, Lot) dans les années 1980 et celles réalisées depuis 2017 à l’abri Malaurie (Rocamadour, Lot), permettent de documenter des stratigraphies contrôlées pour le Tardiglaciaire régional. Dans ce contexte, l’opération archéologique menée sur le site de Peyrazet (Creysse, Lot), entre 2008 et 2016, a offert l’opportunité de redynamiser les recherches sur la fin du Paléolithique supérieur.
2La fenêtre de fouilles représente 12 m2, soit environ 25 % de la surface habitable estimée. Les résultats avancés dans cet ouvrage sont donc à considérer selon cet angle de vue. Trois approches complémentaires ont été appliquées sur la stratigraphie de Peyrazet. L’étude géoarchéologique distingue trois unités sédimentaires principales et propose différents processus de sédimentation à partir de plusieurs outils analytiques. L’approche paléoenvironnementale mobilise des centaines de milliers de restes de faune (ongulés, carnivores et lagomorphes, rongeurs et eulipotyphles, mésofaune, herpétofaune, avifaune et ichtyofaune). Ce travail définit plusieurs ensembles biostratigraphiques témoignant de variations paléoenvironnementales non directement perceptibles à la fouille. L’étude archéostratigraphique s’est appuyée sur la confrontation des données de terrain et des projections spatiales des vestiges coordonnés ainsi que des remontages lithiques et fauniques.
3Au sommet, un ensemble daté vers 11000 cal. BP est attribuable au Laborien. Entre cet ensemble Laborien et le Magdalénien supérieur, un horizon impacté par des mélanges stratigraphiques contient des vestiges caractéristiques de l’Azilien. Les datations radiocarbone ont été réalisées sur des espèces ciblées (cerf, chevreuil, renne, chamois, campagnol et musaraigne). Les dates obtenues permettent de caler l’ensemble magdalénien entre 15500 et 15000 cal. BP et la base du remplissage autour de 16500-15500 cal. BP.
4L’ensemble attribué au Magdalénien supérieur constitue le cœur de cet ouvrage. Il documente les activités qui se sont déroulées sur le site en connexion avec l’espace extérieur au gisement. Les études détaillées contribuent à identifier les modes d’occupation humaine de ce territoire entre plateau et vallée. Plus largement, ce travail collectif participe à mieux cerner les comportements des derniers chasseurs de rennes du Sud-Ouest européen. L’approche intégrée des restes de silex offre une interprétation des traits techniques et économiques en fonction des matériaux ainsi que les réseaux d’approvisionnement sous-jacents. Cette analyse documente également une gestion spatio-temporelle des outillages en silex impliqués dans une diversité d’activités. Une première caractérisation de résidus colorés adhérents à certaines pièces en silex soulève des questionnements autour de l’existence de recettes de mélanges. Les « autres » roches ont été analysées du point de vue techno-fonctionnel, permettant de caractériser des macro-outils et une production de supports tranchants. L’étude techno-typologique de l’industrie sur os et sur bois de cervidé apporte des données pour la diagnose chrono-culturelle du Magdalénien de Peyrazet, la caractérisation de comportements techniques originaux ou la compréhension de certaines activités de confection qui servent à étayer la proposition qui est faite quant à la fonction du site. L’étude des parures sur coquillages et sur dents complète la perception des réseaux d’approvisionnement et d’influence qui sont perçus grâce aux industries lithique et osseuse. Elle contribue pleinement à l’hypothèse qui proposée sur la fonction possible du site. L’ensemble magdalénien de Peyrazet a livré plusieurs dizaines milliers de restes de grands mammifères. L’étude archéozoologique, tout en soulignant une exploitation exhaustive des carcasses, met en évidence un profil anatomique singulier qui résonne avec les autres registres archéologiques pour identifier les activités menées sur le site. Dans le registre des relations de l’homme avec les autres animaux au cours du Magdalénien supérieur, l’étude taphonomique et archéozoologique des petits vertébrés permet de confirmer la participation marginale des chasseurs-collecteurs dans l’apport de ces animaux. Enfin, l’étude biologique de trois dents humaines isolées est présentée.
5À une échelle géographique régionale, l’ensemble magdalénien de Peyrazet livre des équipements lithiques et osseux tout à fait comparables à ceux de plusieurs sites aquitains et pyrénéens contemporains. C’est le cas des microlithes et des pointes en bois de cervidé, communs à plusieurs sites du Magdalénien supérieur ancien. L’étude de la provenance des silex et des coquillages marins introduits à Peyrazet met en évidence un réseau d’approvisionnement et d’échange bidirectionnel à longue distance. Un axe « ouest-est », structuré par la vallée de la Dordogne, est matérialisé par la présence de silex des Charentes et du Périgord, mais aussi par certains coquillages qui proviendraient des plages atlantiques. Ce réseau s’étire également au sud du site vers le paléo-rivage méditerranéen – en témoigne l’apport de gastéropodes disponibles exclusivement sur ces côtes. De plus, la présence d’éléments particuliers de pointes en bois de cervidé représente un lien avec le monde pyrénéen.
6À l’échelle du site, les résultats obtenus du croisement des industries lithiques, des équipements osseux, des restes fauniques et de la parure mettent en lumière une variété d’activités. Le traitement des différents matériaux issus du renne et d’autres espèces complémentaires, la confection et l’utilisation d’objets de différents types illustrent cette diversité. En revanche, l’étude taphonomique des restes de petits vertébrés ne retient que de menus indices d’un traitement anthropique de ces ressources potentielles, pourtant présentes dans l’environnement local. Le renne constitue le socle commun des activités socio-économiques qui furent menées dans la grotte-abri. Des quartiers de carcasses furent introduits pour l’alimentation et des bois de renne servirent à la fabrication de projectiles de chasse. La fabrication des outils d’extrémité en silex (burins et grattoirs notamment) constitue très régulièrement un acte de recyclage d’outils d’abord utilisés pour leurs tranchants bruts comme couteaux. Quels que soient les matériaux, aucun rôle utilitaire spécifique des bords n’est observé à la différence des parties actives des burins et grattoirs.
7Malgré des conditions taphonomiques inhérentes à un contexte karstique, rendant par exemple impossible de distinguer une ou plusieurs occupations dans l’ensemble magdalénien, les interprétations et hypothèses qui en découlent sont proposées suivant les degrés de résolution accessibles. La surreprésentation anatomique des phalanges ou des dents est observée chez le renne mais aussi chez d’autres espèces chassées. Cela suggère l’introduction de peaux encore munies de bas de patte et, pour les dents, de stocks prévisionnels en vue de la confection d’objets de parure. Cette hypothèse, qui ne possède pas de point de comparaison dans la région, soulève la question d’une occupation fortement orientée vers des activités de peausserie. Parallèlement, au sein de l’outillage lithique, plusieurs lames ont été utilisées comme couteaux pour la découpe de peaux sèches. La fabrication d’aiguilles à chas est réalisée sur place essentiellement à partir d’ossements de renne. Les burins en silex, plusieurs fois ravivés et portant des traces de rainurage et de raclage sur matière osseuse, sont à rapprocher de cette opération. La présence d’éléments de parure en coquillages et en dents pourrait être associée à la confection d’objets en peaux décorés.
8En définitive, l’ensemble magdalénien de Peyrazet livre des éléments identitaires, des témoignages de mobilité des hommes et des objets et de planification des besoins. Le site apparaît comme un nouveau jalon du Magdalénien supérieur intégré à un réseau reliant l’océan Atlantique à la Méditerranée, suivant la vallée de la Dordogne puis les Causses, et connecté aux Pyrénées. Il montre aussi une originalité fonctionnelle à travers les nombreux témoins impliqués dans la confection d’objets en peaux. Le croisement des données issues des divers registres et l’application d’une méthode de fouille rigoureuse ont conditionné de tels résultats qui restent exceptionnels dans la région.
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