Chapitre IV. Modernité technique et symboles dans l'architecture sportive
p. 191-224
Texte intégral
1L’architecture sportive de l’entre-deux-guerres ne peut échapper à la modernité technique nécessités financières ou contraintes du calendrier, rien ne remplace les techniques modernes de construction, dans un domaine – le sport – où l’on cherche à impliquer toute la population (d’où la construction d’équipements de pratique), qui se prête à une éducation totale et qui soulève des enjeux considérables de prestige international. D’où, en réaction, mais aussi pour tout ce qu’engage le sport, un investissement dans les symboles, ajoutés – et plus rarement les structurant – aux équipements sportifs. C’est ce que l’on verra dans le présent chapitre.
Utilisation, valorisation et nécessité des progrès techniques
2L’architecture de l’entre-deux-guerres est marquée par l’essor de nouveaux matériaux, en particulier le béton armé. Facile d’emploi et peu coûteux, il symbolise une modernité qui ne convient guère à ceux qui assimilent l’évolution moderne à la perte des traditions et de l’identité nationale au profit d’une uniformisation des peuples.
3L’Italie fasciste, peut-être parce qu’elle ne dispose pas de programme doctrinaire bien défini, accueille favorablement le processus de modernisation technique. Dans le domaine de l’architecture, son orientation tranche avec les positions nazies. Dans la péninsule, même si un style architectural d’État s’impose progressivement à partir du milieu des années 1930, l’historien de l’architecture Sandro Scarrocchia souligne que la production architecturale, « comparée à celle du national-socialisme, est beaucoup plus créative, attentive à des sources d’inspiration composites, disposée à accueillir des traditions et des influences innovatrices propres à la culture de la Modernité1 ».
Simplicité et fonctionnalité : vers un style fasciste ?
4L’architecture sportive de l’Italie fasciste témoigne remarquablement de l’attrait pour la culture de la modernité dont parle Scarrocchia. Le stade Littoriale de Bologne, par exemple, n’est pas seulement un équipement pionnier du point de vue de sa double fonction éducatrice et spectaculaire il innove aussi par son architecture. Si ses arcades font explicitement référence à la tradition antique, l’équipement est très fonctionnel et construit selon des principes techniques à la pointe de la modernité, dont l’usage du béton armé pour produire de grands volumes. Alors que les structures des gradins, de l’auvent et des piscines sont en béton armé, les murs extérieurs sont composés de briques2. L’emploi de matériaux divers pour un même bâtiment est typique de l’architecture fasciste. L’éclectisme architectural de l’édifice bolognais permet au journal fasciste L’Assalto d’écrire :
Le Littoriale est un premier et magnifique exemple de construction moderne qui ne renie pas son temps (au contraire, il est en ce sens une expression de l’avant-garde) et qui poursuit la tradition bolognaise. […] Dans le Littoriale, le béton armé s’unit à l’argile cuite avec toute sa hardiesse et sans contrastes, parce que les deux matériaux sont contenus, sans artifice, dans leur physionomie propre. […] La disposition des volumes est idéale pour un grand stade populaire de notre époque, [et on ne se réfère] au passé que par quelques éléments (les arcades, les traditionnelles briques, certaines corniches…)3.
5Par la suite, d’autres grands stades italiens affichent l’utilisation du béton armé, en particulier pour la construction d’auvents impressionnants. C’est le cas du stade Ascarelli de Naples, à propos duquel on peut lire, dans un numéro de Tutti gli Sports de 1934 : « Les structures en béton armé, y compris l’auvent hardi qui a un encorbellement de 18,80 mètres et qui représente peut-être la plus importante construction de ce genre, ont été projetées et calculées par l’ingénieur Guido Palestino4. » L’auteur du texte exagère un peu : pour ce qui est de l’auvent, aucun stade italien ne dépassera les dimensions de celui du stade de Florence (22,50 mètres).
6Le stade Giovanni Berta de Florence est, en effet, l’équipement le plus représentatif de la technique architecturale fondée sur l’emploi du béton armé5. La rapidité avec laquelle le stade a été construit (cent vingt jours pour la tribune couverte, cent cinq jours pour les tribunes découvertes, les escaliers et la tour), marque une sorte de révolution architecturale. Les nouvelles techniques permettent désormais de construire des équipements importants rapidement et à moindre coût. L’architecte Pier Luigi Nervi, par exemple, évalue le coût du stade à seulement cinquante-cinq lires par place6. La vitesse et le mode de réalisation sont tellement impressionnants que la construction inquiète les ouvriers du chantier :ils se refusent à démonter les échafaudages de peur que l’auvent en porte-à-faux ne s’écroule7 !
7Le stade est aussi une réussite en raison de sa structure extrêmement fonctionnelle8. L’auvent en porte-à-faux permet l’économie des colonnes ou des piliers qui entravaient jusqu’à présent la vue des spectateurs dans les stades9. Les spectateurs sont en outre invités à emprunter des escaliers extérieurs qui atteignent la dernière rangée de gradins, ce qui permet d’éviter les vomitoires, « caractéristiques du schéma classique de l’amphithéâtre ». La structure de ces escaliers, composée « de deux architraves en forme d’hélices qui se croisent, [est] pour l’époque d’une nouveauté absolue, non seulement sur le plan formel, mais aussi sur le plan de la complexité de la construction10 ».
8Outre les audaces techniques qu’il favorise, le béton armé participe pleinement de l’esthétisme architectural : la technique devient un esthétisme à part entière11. Pier Luigi Nervi, dans un article sur « les problèmes de l’architecte » dans la revue d’architecture Casabella, écrit lui-même que « l’audace [technique devient] une fin en soi12 ». La structure – brute – se suffit à elle-même13.
9Le stade de Florence devient emblématique de l’efficacité et de l’ingéniosité de l’architecture italienne dans son ensemble. Nervi signe avec ce stade la première grande construction de sa carrière.
10De plus, la technique architecturale moderne utilisée par Nervi est largement présentée, dans les publications fascistes, à partir de la signification symbolique qu’elle revêt. La modernité technique se veut un signe distinctif du dynamisme fasciste, qui doit ranger l’Italie de Mussolini au premier rang des nations modernes.
11Le stade de Turin, bien que son architecture soit moins impressionnante que la construction toscane de Nervi, s’inscrit dans le même type de construction, où les nouvelles possibilités techniques permises par l’usage du béton sont pleinement mises à profit dans un but fonctionnel, mais aussi artistique. En effet, dans le Stadio Mussolini turinois, l’architecte Raffaelle Fagnoni, assisté des ingénieurs Enrico Bianchini et Dagoberto Ortensi, recherche la même synthèse entre la fonction et l’art par « une simplicité d’une sincère modernité. Le projet ne prévoit aucune structure décorative seule la couleur utilisée avec mesure et la noblesse de quelques marbres et granites souligneront et accentueront les volumes et les clairs-obscurs14 ».
12Dans son livre intitulé Stadi (1934), l’architecte Giuseppe De Finetti, théorisant cette quête esthétique par la technique, cite les exemples des stades de Florence, de Vienne et de Turin : « Dans cette voie maîtresse d’une stricte simplicité, certains architectes ou ingénieurs (la différence de titre ne compte absolument pas) sont indéniablement arrivés à une puissance expressive réelle et directe15. »
13Au forum Mussolini, qui est la maison mère de l’organisation de jeunesse fasciste (ONB)16, la plupart des bâtiments possèdent une structure en béton armé. C’est par exemple le cas du bâtiment de l’Académie fasciste d’éducation physique, dont « la structure de l’édifice est construite en une ossature portante en béton armé et de maçonnerie de remblai17 ». Le bâtiment des thermes est aussi « avec une ossature en béton armé et des rideaux de maçonnerie de remblai18 et accueille par ailleurs le gymnase du Duce construit par l’architecte Luigi Moretti. Cette salle de sport réservée à Mussolini possède des lignes extrêmement modernes, surtout dans la forme de l’escalier, qui est identique à celui de la Maison des armes (Casa delle armi), également œuvre de Moretti. La modernité du bâtiment des thermes se traduit par ailleurs par son toit en terrasse.
14Luigi Moretti, avant de travailler sur les projets du forum Mussolini, s’était fait connaître avec la construction de plusieurs importantes Maisons du Balilla19, dont le style n’était pas éloigné de celui du Bauhaus20, par leur « architecture très moderne, limpide et précise21 ». L’année suivante, Lo sport fascista publie un article qui illustre l’attachement constant de l’Onb à une architecture géométrique et moderne22. Le même Moretti traçait pourtant fièrement un parallèle entre les gymnases antiques et les Maisons du Balilla, qui « ne rappellent aucun type architectural qui existerait en Italie ou à l’étranger23 ». L’architecture fasciste se veut, en définitive, incomparable.
15C’est dire que l’architecture du forum Mussolini – équipement modèle du sport fasciste, en particulier pour les constructions de l’Onb – possède un style propre, éclectique, qui, dans ses grandes lignes, correspond à l’esthétisme architectural fasciste. Marcello Piacentini – dont on a dit qu’il se rattachait originellement au courant traditionaliste – est d’ailleurs particulièrement enchanté par le premier lot de constructions du forum Mussolini : « Sa caractéristique est une grande clarté, une précision honnête et sincère qui arrive quelques fois à des formes plus schématiques, tout en évitant tout ce qui est superflu et rhétorique. Les différents édifices qui composent ce beau cadre architectural sont savamment coordonnés entre eux, avec un jeu harmonieux de formes souples, affectueusement nues : je dirais qu’elles reflètent extérieurement la sérénité fraîche des adolescents qui y habitent24.
16L’ouvrage de propagande de Francesco Sapori intitulé L’arte e il Duce, publié en 1932, comporte, lui aussi, une description élogieuse du forum Mussolini. : « Le style choisi par Del Debbio est celui d’une modernité linéaire et ailée. Les ornements lourds […] sont abolis25. »
17On voit, à partir des installations du forum Mussolini, que les lignes claires, typiques de la modernité architecturale, structurent non seulement les équipements de base, mais aussi les installations de référence du sport fasciste. Alors que les fenêtres du bâtiment de l’Académie possèdent des chambranles d’inspiration antique, le bâtiment des thermes et la Casa delle armi sont privées de ces encadrements les corps des constructions déterminent majoritairement le style.
18Un style proprement fasciste se développant, il s’agit de le faire partager à la population, de modeler ses goûts architecturaux. Dès la seconde moitié des années 1920, les réalisations concrètes du fascisme sont régulièrement présentées aux citoyens, en particulier par les films de l’Institut Luce. La propagande fasciste à travers la présentation cinématographique de l’architecture est particulièrement efficace. L’historienne de l’architecture Gaia Pettena souligne en effet que « le Cinegiornale Luce, précisément pour ses caractéristiques d’instrument destiné à offrir avec régularité des informations sur l’actualité, a fini par rendre familière au public la vision de l’architecture en contribuant [...] à une certaine ‘‘éducation’’ du goût et à faire accepter le moderne, ne serait-ce qu’in-consciemment26 ». En 1936, par exemple, la Casa delle armi présentée au journal cinématographique du Luce. Le bâtiment est filmé de manière à mettre en évidence la modernité des formes architecturales en filmant l’espace architectural vide, le réalisateur a mis en scène les caractéristiques stylistiques de la construction afin de procurer au spectateur une impression à la fois de « rigueur » et de « perfection27 ».
19Cette énumération de constructions intégrant le béton armé et visant, par là, à exprimer la modernité, pourrait laisser croire que tous les architectes italiens se satisfaisaient de son emploi. Il n’en est rien. À l’occasion d’un débat lancé en février-mars 1933 par l’architecte Marcello Piacentini et le critique d’art Ugo Ojetti sur la composante moderne et sur la « romanité » de ce que doit être le « style fasciste28 », les architectes fascistes discutent non seulement de la valeur « des arcades et des colonnes », mais aussi les matériaux. Ojetti, par exemple, critique le style qui s’éloigne des conceptions classiques de l’architecture italienne. L’architecte Massimo Bontempelli lui répond ainsi : « S’il faut construire en béton armé, qui est notre matériel, il faut accepter toutes les conséquences esthétiques qui en dérivent […] Il vaut mieux s’immerger pleinement dans les nécessités de la nouvelle matière et les contraindre à la nouvelle beauté, plutôt que de persister à faire de l’ancienne architecture comme une croûte ou un masque [posé] sur une architecture nouvelle29. »
20La modernité triomphe. D’autant que l’adhésion des constructeurs fascistes à la modernité technique ne se limite pas à l’utilisation du béton armé. D’autres matériaux, peu valorisés en Allemagne nazie, sont volontairement utilisés en Italie fasciste. Comme le souligne l’historien Alex Scobie, « les matériaux utilisés par les architectes fascistes dans leurs bâtiments d’État étaient très variables car il n’y avait pas de tabou idéologique pesant sur l’utilisation du verre, du béton et du fer. En effet, Mussolini aimait comparer le fascisme à une ‘‘maison de verre’’. […] Les bâtiments en verre et en béton démontrent la transparence de l’idée fasciste30 ». Le Corbusier avait déjà développé une théorie similaire avec la maison clarté, la ville lumière, la ville radieuse et le village radieux31.
21Cette analyse s’applique aussi à l’architecture sportive, où la grande utilisation du verre a pour effet de valoriser l’introduction du soleil dans les nouveaux espaces. Dans les présentations des constructions, il est souligné que la pratique sportive et l’exposition à l’élément naturel qu’est le soleil se conjuguent pour apporter au corps humain force et santé. Le stade de Turin, par exemple, possède un socle rouge surmonté d’un « triple ordre de vitres obliques servant de cloison » pour permettre à la lumière de pénétrer les espaces utilisés sous les gradins, mais aussi les bureaux situés au-dessus32. La toiture, sans piliers, est inspirée du Sportforum de Vienne. Parlant du stade de Turin, De Finetti souligne que « l’œuvre donne une impression générale de grandeur et de modernité33 ». Au forum Mussolini, la Casa delle armi, œuvre de Luigi Moretti, est également un bâtiment rectangulaire en béton armé doté d’une grande baie vitrée.
22L’usage de matériaux modernes a une conséquence importante sur le style architectural des constructions. En effet, si les architectes et ingénieurs italiens travaillent aisément avec les matériaux modernes sous le fascisme, c’est que les conditions de travail en Italie se prêtent à leur usage et sont favorables, en dernier ressort, au développement d’une architecture moderne. Pour le dire autrement, les constructions sportives en Italie fasciste possèdent des caractéristiques modernes précisément parce qu’elles s’inscrivent dans un changement social du pays voulu et impulsé par le fascisme. Cependant, un tel changement social n’est pas seulement dicté par l’idéologie il est aussi orienté par des contraintes ‘‘externes’’, notamment financières.
23La brochure du PNF diffusée en 1928 pour donner aux constructeurs des repères en matière d’architecture sportive indique quelques directives à suivre pour la construction des Stadi del Littorio. Dans le cas des stades de référence qui sont présentés dans la brochure, l’architecture est aussi grandement déterminée par l’usage de matériaux modernes et par la nécessité absolue de réduire le coût des équipements. Les facilités financières accordées par le gouvernement fasciste afin de permettre la multiplication des constructions touchent directement le style architectural : celui-ci est nécessairement simple.
24Tous les stades dits « de proximité » témoignent de cette tendance. C’est par exemple le cas du Campo Sportivo de Molinella, dont la capacité est de mille spectateurs. L’article que le périodique L’Assalto publie sur cette « réalisation du fascisme » illustre bien le type d’architecture adoptée en Italie fasciste pour les petits équipements sportifs : « L’architecture est purement moderne inspirée des concepts de grande sobriété, [qui] donne à l’ensemble une certaine élégance »34. Ou comment faire de nécessité vertu…
25Le style architectural des espaces du sport italien dépend donc en grande partie, dans les faits, de la rationalisation technique et économique exigée par les dirigeants politiques et sportifs. En 1934, quelques mois après sa fondation, la Commission des équipements sportifs (CIS) du CONI publie une brochure qui contient des réglementations (nouvelles ou re-précisées) sur les équipements sportifs. Le fascicule témoigne de la volonté fasciste de soutenir la construction d’équipements normés et peu coûteux. Le contrôle est rigide : le préfet ne peut donner l’autorisation de construction qu’après approbation du projet par la CIS, qui peut aussi imposer des modifications. Selon la taille de la commune, la CIS peut par exemple exiger une modification de l’équipement pour le rendre « proportionnel » au nombre d’habitants.
26Avec cette publication de 1934, la tendance au spectacle sportif s’affirme nettement. Si la brochure du PNF de 1928 ne donnait que quelques indications rudimentaires sur l’accueil des spectateurs (concernant par exemple le mur d’enceinte ou l’espace autour du stade), en 1934, la CIS formule des règles qui traitent avec précision du confort du public, et soulignent l’importance symbolique de l’équipement pour l’image du fascisme. Le texte indique clairement qu’il est nécessaire que « la réalisation de l’œuvre contribue effectivement à la propagande et à l’éducation sportive pour lesquelles elle doit être créée35 Mais, comme l’illustre bien le stade de Florence, la fonctionnalité et l’économie sont aussi des éléments essentiels pour les grands équipements sportifs fascistes.
27Quelle que soit la destination de l’équipement, la simplicité des stades italiens doit garantir la rentabilité, laquelle doit permettre au plus grand nombre d’Italiens de profiter d’infrastructures modernes pour la pratique et pour le spectacle. De cet état d’esprit résulte un style architectural aux lignes claires et simples. Pour des raisons économiques, la CIS empêche les « inutiles et les « superflues portant ainsi une attention particulière à l’architecture : « L’architecture des œuvres sportives doit être claire, simple et emprunter à des critères d’authentique modernité. Toute décoration superflue doit être évitée et les frais équivalents doivent être dépensés au profit des améliorations pour les équipements et le terrain36. »
28Pour le CONI, qui tient régulièrement une chronique radiophonique, la simplicité architecturale est présentée comme le signe de « l’esprit réaliste qui anime toute institution fasciste37 », et la fonctionnalité est l’expression du « principe fasciste de l’ordre et de la hiérarchie38 ». On a, en la circonstance, un bel exemple de théorisation a posteriori : la nécessité de la simplicité (pour des raisons financières) est renversée en produit d’une vision fasciste de l’ordre social (réalisme, ordre, hiérarchie). Un style fasciste émerge pourtant bel et bien par l’utilisation ostentatoire – c’est-à-dire progressivement justifiée par des considérations architecturales prédéfinies – de matériaux comme le béton et le verre, les architectes fascistes adhéreront à un style d’avant-garde se voulant, précisément, la marque culturelle de l’Italie mussolinienne.
Apparence traditionnelle, structure moderne : le Reichssportfeld
29En Allemagne, le béton armé fait également l’objet d’un usage fréquent, même sous le nazisme. Otto Ernst Schweitzer – architecte de nombreux équipements sportifs, dont le stade de Vienne – constate en effet que l’utilisation de matériaux modernes est tout à fait répandue dans ce pays. En Allemagne, comme ailleurs, les nouveaux matériaux sont appréciés car ils permettent une construction rapide. Schweitzer regrette un peu que cette course au temps pénalise l’esthétique architecturale, laquelle, selon lui, a besoin d’être mûrie pour être de qualité39. Mais il considère que l’expérience de ces matériaux permettra une optimisation des utilisations dans le futur.
30Dans l’Allemagne des années 1920 et 1930, la construction des stades fait donc appel au béton armé. Cette technique de construction, comme dans l’Italie fasciste, s’associe souvent à un style architectural aux lignes droites, typique de l’architecture moderne. Le stade de Stuttgart, achevé en 1933, possède par exemple une façade résolument moderne constituée de piliers de béton « monumentaux40 ».
31De manière générale, il faut souligner qu’il y a dans l’entre-deux-guerres une évolution architecturale qui tend vers l’utilisation toujours plus importante des nouveaux matériaux, et contre laquelle l’idéologie ne peut lutter éternellement. La description du stade de Stuttgart pourrait d’ailleurs correspondre à n’importe quel stade fasciste : « Pour l’expression architecturale, il était nécessaire de mettre en évidence le jeu des forces et la simplicité de la construction pour donner à la construction sa propre forme41. »
32Le stade olympique de Berlin ne fait pas exception. S’il peut se permettre un revêtement en pierres naturelles – ce qui n’est certainement pas le cas des équipements des petites et moyennes villes –, il est en effet résolument ancré dans l’évolution des techniques de construction qui marquent l’entre-deux-guerres. D’ailleurs, la rapidité avec laquelle les équipements olympiques de Berlin ont été construits n’aurait pas pu être atteinte sans l’usage du béton armé. Karl Reichle, conseiller au ministère des Finances du Reich, décrit sans complexe, dans une publication officielle de 1936, les techniques utilisées pour la construction du stade42.
33Le béton et l’acier sont en effet largement mobilisés pour la construction du Reichssportfeld. Au seul stade olympique, 8 m3 de béton sont utilisés pour les fondations et 30 000 m3 de béton armé pour le reste de la structure. Le Glockenturm (clocher) nécessite d’autant plus l’utilisation de matériaux modernes qu’il est construit sur un sol sableux encore plus instable que celui sur lequel repose le stade. De son côté, Richard Sponholz écrit fièrement : « Le clocher est un squelette d’acier avec 1100 tonnes d’acier43. » Les tribunes du Maifeld d’autres constructions du Reichssportfeld reposent également sur du béton : « Au total, on a utilisé 550 piliers de béton. Les quatre tours hautes de 33 mètres à l’est du Maifeld sont des constructions en béton armé, tout comme le clocher44. »
34Pour mener à bien tous ces travaux, les ouvriers mettent également en œuvre des techniques modernes de construction, utilisant notamment des machines très spécialisées, qui ne cadrent a priori pas avec l’image des constructions nazies – mais, pour pouvoir montrer au monde les performances du Reich hitlérien en août 1936, il était nécessaire de construire rapidement. Pour Thomas Alkemeyer, les nazis se glorifiaient de l’utilisation d’infrastructures techniques de pointe45 ; il suffisait que les matériaux visibles fassent bien référence à la tradition allemande. Werner March avait ainsi proposé une construction d’apparence résolument moderne, mais, à l’automne 1933, Hitler rejetait ces plans, qui prévoyaient de larges verrières et un stade pas assez monumental à son goût46.
35Par manque de temps, les remarques de Hitler ne purent cependant pas s’appliquer à la rénovation et à l’agrandissement du forum du sport (ensemble d’équipements de pratiques et de gestion du sport construit sous Weimar précédemment cité). En particulier pour la rénovation des équipements de la Maison du sport allemand (Haus des deutschen Sports), accueillant notamment l’École supérieure du sport, March réussit à imposer ses projets sans trop de résistance. En 1934, est ainsi construite le hall de la coupole (Kuppelhalle). Organisé comme un amphithéâtre arrondi, le hall est un très bel exemple d’architecture moderne. L’entière structure en béton est apparente. La coupole elle-même est constituée de nervures en béton armé qui conservent les marques du coffrage et entre lesquelles sont insérées des plaques de béton. Le bâtiment possède par ailleurs une grande verrière derrière laquelle s’ordonnent de nombreux piliers de soutien.
36Le stade nautique échappe aussi dans ses grandes lignes à l’influence hitlérienne. Si les piliers de soutien sont habillés de pierre naturelle et que si les cages d’escalier sont aussi recouvertes de pierre, la construction se caractérise par des grandes baies vitrées et de fins piliers en béton. Même le théâtre de plein air, la Dietrich-Eckhart-Bühne, est essentiellement construit en béton armé, mais recouvert de pierre naturelle47.
37Au total, l’apparence générale des équipements du Reichssportfeld fut présentée au grand public selon les canons d’interprétation nazis ; selon de tels canons, l’usage de « matériaux ‘‘anonymes’’ des poutres en acier et le béton armé, devait être évité […] car de tels matériaux ne pouvaient produire des ruines esthétiquement acceptables, comme c’est le cas des constructions romaines. La pierre naturelle, de préférence allemande et en granite, devait être utilisée là où c’était possible48 ». La nécessité de construire au plus vite les nombreux équipements du Reichssportfeld imposa pourtant l’utilisation, et parfois la visibilité, de matériaux modernes d’où, par réaction, l’investissement dans la pierre (pour recouvrir les constructions) et les symboles. Il fallait que les apparences fussent sauves.
38Alors que la technique était source de fierté chez les fascistes italiens – faisant toute la valeur du stade de Florence, par exemple – elle n’est revêtue d’aucune noblesse dans la pensée artistique nazie. La technique doit être assujettie, exploitée pour servir l’esthétisme. Les calculs techniques doivent servir l’Idée. Gerdy Troost, l’épouse de l’architecte Paul Ludwig Troost qui dessina la « éternelle » (Die “ewige Wache”) de Munich, écrivait ainsi en 1938 : « Dans les constructions du Führer, la technique est une servante utilisée pour la réalisation de la grande conception artistique49. » Pour cette raison aussi, la modernité et la fonctionnalité furent enveloppées d’éléments traditionnels au Reichssportfeld50.
La symbolique romantico-patriotique
39Si l’étude du rapport des idéologues aux techniques et aux matériaux modernes utilisés dans le domaine de la construction en Italie fasciste et en Allemagne nazie permet de comprendre le sens politique de l’architecture sous ces régimes, d’autres indicateurs doivent être mobilisés les constructions intègrent en effet des éléments romantico-patriotiques des époques précédentes : ces éléments ont parfois une signification plus affirmée que la modernité technique. En tout cas, ces symboles sont souvent plus valorisés dans les critiques journalistiques de l’époque, et dominent ainsi la représentation des bâtiments.
40L’architecture sportive ne fait pas exception. La présence d’éléments décoratifs à haute valeur symbolique ne se limite d’ailleurs pas à l’Italie et à l’Allemagne. Prenons l’exemple du stade de Stockholm, qui accueillit des Jeux olympiques de 1912. Son architecture est typique du tournant du siècle, et, avec sa tour, elle est clairement influencée par le romantisme et le Moyen Âge. À Londres, le stade de Wembley, inauguré en 1923, fut construit dans le cadre de la British Empire Exhibition. D’apparence massive, il est avec un peu plus de cent mille places le plus grand stade de l’époque et son architecture traduit la mission de représentation impériale de l’infrastructure. De Finetti, dans la description qu’il en fait en 1934, le classe, non sans mépris, parmi les stades traditionnels : « L’apparence externe est décousue : des tours avec des tourelles, des grands arcs et des petits arcs : un style de foire. Les auvents reproduisent la forme traditionnelle […] avec des petits piliers de fer qui interrompent le champ de vision51. »
41En Italie et en Allemagne, de la même façon, les équipements sportifs doivent être plus que de simples terrains de sport : l’infrastructure sportive doit être un bâtiment symbolisant le renouveau politique et social. Au début des années 1930, Mussolini et Bottai, le ministre des Corporations, font passer une loi – la « loi des 2% – qui prévoit que 2% des dépenses pour la construction d’un édifice public doivent être utilisés pour la décoration de l’édifice. Cette loi vise surtout à contrôler les artistes et les œuvres d’art qui doivent représenter le régime. Elle permet aussi d’influencer le style artistique des futures constructions d’État52. Les constructions sportives sont bien sûr concernées par la loi et par sa finalité. Les équipements doivent être attractifs et, pour rappeler l’importance du sport dans la société, l’architecture est renforcée par des symboles politiques par ailleurs omniprésents dans le paysage urbain, et, par là même, intériorisés par les masses. Nombreux sont donc les éléments qui, ne relevant pas de la technique architecturale pure, chargent la construction d’une signification politique.
Quelques éléments symboliques des équipements sportifs
42Le premier de ces éléments symboliques est la dénomination des équipements. À leur arrivée au pouvoir, les fascistes italiens avaient imposé une réforme du langage sportif utilisé par les commentateurs sportifs et dans les publications. Des équipes de football avaient également été invitées à changer de nom. La transformation de l’Internazionale de Milan en Ambrosiana est le cas le plus connu, mais il y a aussi le Genoa, qui devint le Genova, l’équipe de football de Bari, qui abandonna son nom anglais (Liberty) pour l’Unione Sportiva Bari (ou plus simplement la Bari), et bien d’autres encore53.
43Les équipements sportifs n’échappent pas à cette fascisation. Les dénominations n’ont pas seulement une signification patriotique elles rappellent aussi, bien souvent, les mythes fascistes. Le premier grand équipement italien, le stade de Bologne, est sans doute l’équipement sportif qui fut le plus difficile à baptiser. En 1925, Arpinati, qui cherche un nom éloquent pour son stade, se tourne vers le latiniste Baldoni. Celui-ci conseille le nom « Littoriale » une première suggestion qui n’est pas bien accueillie par les fascistes bolognais. Baldoni propose ensuite « Eugenéo » pour indiquer que le stade est un lieu de rassemblement de la « bonne race », de la « race pure » (« Eugenéo » signifiant « gênes purs »), la race des fascistes54. C’est un nouvel échec. Le nom d’Arpinati étant déjà utilisé pour un Gruppo rionale fascista ou pour un stadio polisportivo à San Pietro in Casale, il peut difficilement être donné au stade de Bologne. D’autres suggestions sont faites : Poliludio, Agopadio, Palestra littoria ou Campo massimo…
44Le mot « littorio » omniprésent dans le vocabulaire fasciste, est finalement choisi. Originaire de la Rome antique, il désignait « des appariteurs rattachés au roi, puis sous la République, aux magistrats, enfin à l’empereur. Ils les précèdent dans leurs déplacements : leur rôle est d’écarter la foule et de l’inviter à manifester son respect. […] Ils portent des faisceaux sur l’épaule gauche55 ». Repris par les fascistes italiens, le mot « littorio » devient synonyme de « fasciste ». Ce dernier provient du mot « faisceau ». Le faisceau de la Rome antique est « hache prise dans un fagot de tiges que les licteurs portaient devant les magistrats romains pendant les processions publiques » ; il symbolise « l’autorité et l’unité de l’État56 ». Dans la période moderne, il représente « la force et la solidarité républicaine57 ». Le paysage fasciste est littéralement saturé de faisceaux. Ils sont inscrits sur pratiquement toutes les constructions de l’époque fasciste : les ponts, les bâtiments d’État, les monuments commémoratifs, les écoles, les bâtiments de l’ONB, les bouches d’égout, etc. On peut encore en voir de nos jours.
45Le vocable « littorio » est aussi utilisé pour les Stadi del Littorio, ces stades qui doivent être construits dans chaque commune d’Italie grâce aux facilitations financières votées en 1928.
46D’autres équipements sont intitulés en l’honneur d’un personnage historique, le plus souvent Mussolini, maître d’œuvre d’une histoire nouvelle renouant avec la grandeur antique : il y a ainsi le stade Mussolini de Turin ou le forum Mussolini de Rome. À Florence, le stade est intitulé du nom du martyr fasciste Giovanni Berta58 ; à Bergame, c’est celui de Mario Brumana, un autre martyr fasciste, qui est choisi. D’autres stades font référence directement au nouveau régime (le stade du Parti national fasciste à Rome) ou à des événements historiques glorieux – le stade de la Victoire à Bari est ainsi dédié aux Gloriosi Caduti59.
47Ces noms sont souvent bien mis en évidence. Au forum Mussolini, le nom du Duce est gravé sur un obélisque de sorte qu’il est impossible de ne pas le voir ; il s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui à l’entrée centrale du Foro italico. À Turin aussi, l’inscription « Stadio Mussolini » fixée de manière bien visible sur la tour de Marathon, était éclairée la nuit60. À Florence, « il y a vingt lettres de laiton chromé […] pour l’inscription “stade communal giovanni berta”61 ».
48Des inscriptions complètent parfois la décoration calligraphique. Dans les stades, comme dans d’autres bâtiments ou sur des documents officiels, des extraits de discours ou d’écrits de Mussolini servent à rappeler constamment la doctrine fasciste. À Trieste, par exemple, une phrase du Duce mise en évidence : « Personne ne doit plier sans avoir auparavant combattu durement62. » Au forum Mussolini, les inscriptions sont réalisées en mosaïques sur la place de l’Empire. On peut ainsi y lire : « Duce, nous vous dédions notre jeunesse » ; « Il est nécessaire de vaincre, il est encore plus nécessaire de combattre63 ». « Beaucoup d’ennemis, beaucoup d’honneur », « Vive Mussolini », sans compter les « Duce », « a noi64 » ou « Onb ».
49En Allemagne, les dénominations dans l’espace sportif revêtaient une signification nationale dès avant la Première Guerre mondiale. Des équipes de football prirent ainsi les noms « Alemania », « Teutonia », « Germania » ou « Borussia » (Prusse)65.
50Les nazis perpétuent cette tradition patriotique, mais en la “délatinisant”. Le site olympique des Jeux de Berlin est le premier concerné par ce renversement idéologique. En mai 1934, le ministre de l’Intérieur, Wilhelm Frick, explique en effet au chef de la chancellerie, Lammers, que compte tenu de « la grande tâche patriotique des terrains de compétition et d’entraînement, il serait plus digne de les nommer par des appellations allemandes, plutôt qu’avec des noms étrangers grecs et latins tel que c’est actuellement le cas66 ». Le Grunewaldstadion (stade de Grunewald) devient ainsi Deutsche Kampfbahn (Terrain de compétitions allemand) et le Sportforum (forum du sport) devient la Haus des Deutschen Sports (Maison du sport allemand) et abrite la Reichsanstalt für Leibesübungen (Établissement du Reich pour les exercices physiques). Le ministre de la Propagande, Goebbels, propose par ailleurs le nom de « Dietrich-Eckart-Festspielplatz. » (place des fêtes Dietrich Eckart) pour le théâtre de plein air, en l’honneur de Dietrich Eckart, poète et dramaturge nazi, qui fut l’un des meilleurs amis de Hitler à Munich et qui dirigea la revue völkisch Auf gut Deutsch et le Völkischer Beobachter, le plus important quotidien nazi le nom finalement adopté sera « Dietrich-Eckart-Bühne » (Scène Dietrich Eckart).
51La proposition commune de Frick et Goebbels d’appeler le site olympique « Adolf-Hitler-Feld » (Terrain Adolf Hitler) est rejetée par Hitler lui-même, sans doute par crainte des réactions internationales67. Il s’appellera donc « Reichssportfeld » (Terrain de sport du Reich). La revue d’architecture Moderne Bauformen explique que c’est « à juste titre » que le site olympique de Berlin porte le nom de « Reichssportfelden raison « du terrain et de [son] étendue, mais aussi [à cause] de la force et de la beauté68 », proprement germaniques, qui s’en dégagent.
52Au début de l’année 1936, les noms des différents équipements du site olympique sont encore réétudiés et soumis à l’approbation de Hitler. Une équipe se réunit le 13 janvier 1936 pour examiner la question : les membres remettent en cause l’appellation « Deutsche Kampfbahn » pour le stade principal et proposent celle de « Olympia-Stadion » ; ils souhaitent aussi baptiser l’esplanade de l’entrée Sud, place de Coubertin. Il est par ailleurs souhaité d’attribuer un nom aux différentes tours qui se trouvent sur le terrain69. Après un rapport des discussions transmis au Führer, ce dernier décide d’appeler l’arène “stade olympique” et accepte aussi le principe d’une « place de Coubertin », ainsi que les noms attribués aux tours70. Le portail de l’entrée principale est composé de deux tours, la tour de Bavière (Bayernturm) et la tour de Prusse (Preußenturm). Sur le côté Est du Maifeld, une esplanade gigantesque derrière le stade qui sert à des rencontres de masse, deux autres portes sont composées d’une part de la tour de Souabe (Schwabenturm) et de la tour des Francs (Frankenturm), d’autre part de la tour de Saxe (Sachsenturm) et de la tour de Frise (Friesenturm). En présentant le site olympique, le secrétaire d’État Pfundtner peut ainsi déclarer : « Les tours portent, avec l’approbation du Führer, les noms des grandes tribus allemandes et doivent faire savoir que l’Allemagne, unie dans ses tribus par le national-socialisme, a pris sous sa garde le stade olympique dans lequel s’incarne l’esprit olympique en Allemagne71. »
53On retrouve, dans ces décisions d’Hitler, empreintes de prudence et d’habileté, cette capacité des dirigeants nazis à donner des gages à l’idée olympique tout en parvenant, en parallèle, à imposer leur vision mythique du monde.
54Les tours sont des éléments d’une importance capitale dans les travaux d’urbanisme : ces constructions modèlent en effet le territoire citadin. Il n’en va pas autrement pour les cités sportives. Historiquement, « Platz (allemande) et la piazza (italienne) avaient habituellement un clocher qui était sans doute un miroir de la tradition des campaniles72 ».
55Cependant, les tours construites en Italie sous le fascisme ont une signification particulière. Elles s’inscrivent dans l’espace urbain comme un repère du pouvoir elles indiquent à la fois un emplacement défini (le stade, la maison du Balilla, le siège local du parti, etc.) et un lieu où règne « l’esprit fasciste ». Stefano Cavazza, qui a étudié les fêtes locales et régionales sous le fascisme, inscrit cette particularité de la tour dans une tradition médiévale « Italie fasciste, écrit-il, le modèle médiéval influença aussi beaucoup les nouvelles constructions publiques. Des ouvrages fascistes de valeur symbolique furent construits en adaptant des édifices existants, comme dans le cas de la tour du Licteur arétine [d’Arrezzo], obtenue en relevant de quatre mètres une vieille tour déjà existante, dans la tentative évidente d’établir un lien avec les traditions urbaines73. »
56Dans sa description précise de l’urbanisme fasciste, Alberto Mioni écrit aussi : « Le profil des centres historiques était modifié par l’émergence de nouveaux volumes massifs entre lesquels des ‘‘tours du licteur’’ ou des gratte-ciels de bureaux ou d’habitation se détachaient volontiers74. » Laura Malvano analyse quant à elle l’œuvre architecturale de Marcello Piacentini à Brescia, telle qu’on pouvait la voir sur la place de la Victoire en 1932 : « La rhétorique des édifices s’intégrait à l’ensemble des monuments qui garantissaient, avec redondance, la présence du message fasciste. Sur la tour de la Révolution de Piacentini, le bas-relief de Romano Romanelli représentant Mussolini à cheval s’engageait à traduire ‘‘dans la matière éternelle’’ l’épopée du discours fasciste75. »
57Dans ce cadre, les équipements sportifs fascistes qui structurent l’espace citadin ne déparent donc pas. L’architecture sportive fasciste offre plusieurs exemples de tours impressionnantes. Rappelons néanmoins que, même en architecture sportive, la tour n’est pas, en soi, un élément exclusif de l’Italie fasciste ou de l’Allemagne nazie. Le stade de Stockholm de 1912 possédait une tour qui fit référence tout au long de l’entre-deux-guerres. Elle inspira notamment le stade de Bologne76. La tour de Marathon du Littoriale, œuvre de l’architecte Arata, est en effet inaugurée le 27 octobre 1929, après les tribunes et les terrains de sport du stade. Cette tour aux « lignes massives et lourdes [qui] contrastent avec celles agiles de l’équipement de Costanzini77 » possède une histoire singulière. Le Littoriale étant l’un des premiers stades fascistes et même l’une des premières constructions importantes sous le fascisme, l’architecte n’avait pas de modèle d’architecture sportive italienne. Ce n’est qu’après l’inauguration du stade par Mussolini, le 31 octobre 1926, qu’« charge personnellement Arata de dessiner la tour de Marathon, une œuvre à réaliser sur l’entrée Est du Littoriale, car le seul stade ne donnait pas une image assez forte de la “grandeur Romaine” exigée par le podestà78 L’idée de construire une tour pour compléter la symbolique fasciste du stade s’impose donc assez rapidement. Le projet est en effet clairement identifiable sur le plan du stade reproduit dans le livre de Ivo Luminasi, Il Littoriale, publié en 1927. En voici la description : « Sur l’entrée du stade (côté levant), on construit une tour de vingt-quatre mètres de hauteur dont la cime fera flotter les jours de compétitions et d’épreuves sportives l’immense drapeau donné par la Marine Italienne au Littoriale79. »
58La tour finalement inaugurée en 1929 sera encore plus monumentale. « Elle est conçue [dans] un langage architectural de claire inspiration du xxe siècle qui prévoyait la superposition de deux blocs parallélépipédiques en complétant de cette manière les objectifs de propagande et politiques qu’Arpinati s’était fixés80. » L’Assalto également que la tour de Marathon du Littoriale constitue un perfectionnement esthétique pour l’ensemble de la construction : « En plus de servir de signe, la tour du Littoriale sera aussi une initiative utile, car elle servira à compléter, d’un point de vue esthétique, la puissante masse architecturale du Littoriale81. »
59À Bologne, cette tour de Marathon forme l’entrée Est du stade, et le mur extérieur de ce côté de l’équipement longe les arcades du chemin de pèlerinage menant à l’église Saint-Luc, sur les hauteurs de Bologne. Le stade, accolé aux arcades par la tour de Marathon, présente une union étrange du sportif et du religieux. Mieux encore : l’entrée Est du stade est imbriquée dans les arcades. Avec la tour de Marathon, le stade s’introduit sur le chemin de pèlerinage.
60La tour de Marathon du stade de Florence est aussi très spectaculaire. « Signal urbain aux abords de la ville82 », ce monument florentin s’élève à soixante mètres de hauteur face à la tribune couverte. Elle supporte aussi un mât d’une hauteur de quinze mètres et un dispositif de haut-parleurs83. Sa finesse et une grande verrière courbée caractérisent ce temple du sport fasciste. Si l’on replace cette construction dans l’histoire urbaine du fascisme, son poids symbolique devient évident. Loin d’obéir à des exigences fonctionnelles, la tour de Marathon de Florence répond, comme celle de Bologne, à une exigence d’expression du politique par la création architecturale.
61Le stade de Turin, construit en 1933, possède aussi une intéressante tour de Marathon, « d’une silhouette quadrangulaire sévère84 ». À l’intérieur, un ascenseur monte jusqu’au sommet, où des haut-parleurs permettent de communiquer avec les spectateurs. La tour de Turin est, comme celle de Bologne, construite dans un second temps (le stade ayant été construit dans l’urgence, afin d’accueillir une grande compétition nationale, comme on l’a vu dans la partie précédente). La tour constitue pour le stade un élément à la fois fonctionnel et symbolique. La première description complète a lieu dans La Gazzetta del Popolodu 12 janvier 1933 : « Il s’agit d’un véritable monument architectural [...] pour rendre plus solennel le stade et pour servir d’entrée scénographique aux équipes des athlètes. Sa masse agile atteindra les quarante mètres de hauteur et elle s’étendra sur une superficie de quatre-vingt-dix mètres carrés85. »
62Si les trois tours présentées ici sont les plus étonnantes, on pourrait multiplier les exemples. En effet, même des villes plus modestes comme Lucques font ajouter à leur stade une impressionnante tour de Marathon86. Quant aux villes qui ne peuvent équiper leur stade d’une tour, elles recherchent néanmoins la verticalité en brandissant des symboles politiques le plus haut possible. Des mâts sont utilisés pour faire flotter au vent les emblèmes nationaux à l’occasion des célébrations festives ; en la circonstance, le spectacle des drapeaux participe de la mise en scène des bâtiments.
63La Cis précisait d’ailleurs, dans son règlement de 1934, qu’un stade devait disposer d’« un ou de plusieurs mâts d’honneur servant exclusivement à hisser le drapeau national, et en cas de grandes compétitions ou concours, les symboles des [sportifs] victorieux87 ».
64Pour les petits équipements, le mât avec le drapeau est souvent le seul élément fixe qui participe de la mise en scène de l’événement. C’est par exemple le cas du stade de Trieste : « donner de la décence à la [façade] principale du terrain, quatre piliers verticaux en béton armé ont été élevés à côté des deux […] entrées. Ces piliers supporteront les Faisceaux du licteur [Fasci littori] et les aigles88 ». C’est aussi le cas à Padoue, où la porte principale sera surmontée de grandes colonnes d’une hauteur de quatorze mètres, qui soutiendront les Faisceaux du licteur et les enseignes nationales et municipales89.
65Au Reichssportfeld de Berlin, les tours jouent un rôle important dans l’équilibre général du site olympique90. En effet, les six tours, nommées selon des anciennes tribus allemandes, soulignent et accentuent l’axe de symétrie Est-Ouest qui parcourt le site et se conclut sur le Glockenturm, aussi appelé « tour du Führer ». Ces constructions servent essentiellement de point d’observation et de contrôle du bon déroulement des manifestations, bien que leur apparence rappelle aussi les constructions militaires du Moyen Âge91. Le stade olympique s’inscrit, en sa longueur, dans l’axe de symétrie principal. À l’intérieur du stade, le grand panneau d’affichage et les trois mâts (pour hisser les drapeaux des vainqueurs) font contrepoids aux massives tours qui forment la porte de Marathon sur le côté Ouest du stade.
66Le Glockenturm, plus haut que les six autres tours, est un repère important, au sens topologique comme au sens symbolique. Pour renforcer sa présence dans le paysage, March, au cours de son travail sur le site, l’éleva d’ailleurs de soixante-cinq à soixante-seize mètres92. Une cloche impressionnante de quatorze tonnes, symbolisant les Jeux de Berlin dès 1933 et dont des miniatures sont vendues lors des Jeux93, y est accrochée. Lors de la cérémonie d’ouverture, le son émanant du clocher devait « appeler la jeunesse du monde » à la rencontre olympique. En réalité, le carillon était inaudible dans l’arène du stade olympique et l’appel fut retransmis par les haut-parleurs.
67Le clocher n’est pas seulement un lieu stratégique du site olympique en raison de sa hauteur et de la cloche, symbole des Jeux olympiques de Berlin. Le clocher monte dans le ciel dans la direction tracée par la structure des tribunes du Maifeld. L’austérité du cadre renforce la signification politique du site olympique. Car les éléments statiques de l’architecture trouvent tout leur sens dans l’union des individus. La mise en scène des rencontres sportives renforce l’aspect solennel et monumental des lieux.
68Les décorations de fête concernent à la fois le site olympique et la ville de Berlin. Les lieux où se rendent les observateurs étrangers font l’objet d’un embellissement général – lequel se traduit par « une mer de drapeaux94 », autant olympiques que nazis, qui conduit à un enfermement total des spectateurs d’un point de vue esthétique95. Cet encadrement par la décoration est particulièrement vraie pour le Maifeld, à propos duquel Werner March écrit : « les drapeaux auront été portés sur ces marches, ce talus, avec les grandes sculptures, les drapeaux, les tours et avec le stade olympique à l’arrière plan, créera une atmosphère particulièrement pittoresque et festive96. Le lieu se présente comme une scène de spectacle d’où Hitler, surélevé, prononce ses discours. L’espace est en effet particulièrement bien adapté March écrit que ce « “talus de drapeaux” (Fahnenwall), avec ses trois niveaux et des mâts hauts de dix-huit mètres et couronnés d’aigles, [s’unit] avec le clocher [pour former] un décor festif97 » Le symbole de l’aigle, le Deutscher Reichsadler, est aussi présent sur la cloche98.
69L’ensemble de ces éléments symboliques trouve son apogée dans le hall de Langemarck (Langemarckhalle), un lieu de recueillement pour les soldats morts au combat pendant la Première Guerre mondiale99, situé précisément sous le Glockenturm. La cloche olympique qui surmonte le Langemarckhalle devient ainsi un symbole religieux ; l’appel de la cloche olympique est aussi un appel à l’héroïsme patriotique100. La particularité du Langemarckhalle n’est pas son installation dans l’enceinte olympique ce fut déjà le cas lors de célébrations précédentes. Dans les années 1950, par exemple, le stade utilisé pour les Jeux olympiques de 1932 à Los Angeles était présenté ainsi : « Il faut l’appeler par son vrai nom… los angeles memorial coliseum [ ;] parce que c’est ce qu’il est véritablement – un mémorial pour les héros qui ont perdu leur vie pendant la Première Guerre mondiale101. » Mais à Berlin, les nazis ne commémorent que les victimes allemandes102, et en font, dans leur propre système mythologique, des martyrs morts pour la cause nationale-socialiste : fusion extrême (et jamais dépassée) du sport, d’éléments militaires et du culte des morts103.
70Dans le Langemarckhalle, le sport et la guerre fusionnent dans la mystique nationale. L’architecture de ce temple aux morts allemands est typique des lieux de rassemblement nazi qui remémorent des succès passés et anticipent des succès à venir104. Une strophe de Friedrich Hölderlin et une autre de Walter Flex, un poète nationaliste décédé lors de la Première Guerre mondiale, sont inscrites sur le mur du Langemarckhalle, glorifiant le sacrifice pour la patrie. Pour donner à ces vers un aspect d’abstraction et d’éternité, les dates des auteurs ne sont d’ailleurs pas indiquées105.
71Le rapprochement du sport et de la lutte militaire n’est pas vraiment dissimulé aux étrangers pendant les Jeux olympiques. Dans un exposé présenté au Congrès d’éducation corporelle, organisé à l’occasion des Jeux, Carl Krümmel, le directeur du Service de l’éducation physique au ministère de l’Éducation, soutient que la politisation des activités physiques correspond à une étape de maturation du sport. Pour lui, le sportif n’a d’intérêt qu’en tant qu’élément de la communauté. Et il conclut sa présentation en traçant une ligne directe entre le culte des morts des Jeux olympiques antiques et la commémoration des morts de la Première Guerre mondiale dans les stades modernes106.
72La solennité de la mise en scène commémorative est aussi explicite dans le festival « Jeunesse olympique », composé par Carl Diem, qui est présenté lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Le quatrième des cinq actes porte le titre « combat du héros et plainte funèbre », et rappelle que « le sens sacré de tous les jeux » est « la mort pour la patrie107 ».
73Les cérémonies en l’honneur des morts étaient aussi pratiquées en Italie fasciste. Lors de la Coupe du monde de football de 1934, par exemple, des joueurs étrangers y sont impliqués. Le 25 mai 1934, les Argentins se rendent à Predappio, le village natal du Duce, pour déposer une couronne aux couleurs italiennes et argentines sur la tombe de la famille de Mussolini les footballeurs visitent aussi sa maison natale108. Les joueurs autrichiens et hongrois se recueillent, quant à eux, à Bologne, à la chartreuse en face du stade : « Ce matin, à 10 heures 30, les deux équipes de l’Autriche et de la Hongrie, accompagnées de leurs dirigeants et des membres du Comité bolognais, se sont rendues à la chartreuse et, là, chacune a déposé une couronne de fleurs sur le monument aux Morts à la guerre et une sur le monument aux Morts fascistes. Une cérémonie simple qui était très touchante109. »
74Aux Jeux olympiques de Berlin, les athlètes italiens communient dans l’atmosphère militaire et nationaliste créée par les nazis. Ils déposent ainsi une couronne sur la tombe du soldat inconnu allemand110. Et quand Lando Ferretti écrit dans Lo sportfascista que les sportifs italiens se battent en souvenir des morts fascistes et pour la gloire des vivants, il pense tout particulièrement aux Italiens décédés quelques mois auparavant lors de la guerre d’Éthiopie : « Les ‘‘bleus’’azzurri] sentent cette fois-ci que pour être digne dans [leurs] actions de l’Italie de Mussolini, il ne suffit pas de lutter avec toutes ses forces il faut aller au-delà, donner plus, arriver épuisés sur la ligne d’arrivée. Les athlètes d’un Pays qui fonde un Empire ne peuvent être battus que par eux-mêmes par les adversaires, jamais111. »
La valorisation de la nature et le symbolisme des couleurs
75Dans son ouvrage sur les origines culturelles du iiie Reich, George Mosse étudie l’histoire du rapport à la nature en Allemagne. Il montre bien, au préalable, que dans les sociétés occidentales, le rapport à la terre évolua avec l’industrialisation. À l’origine d’une perte des repères moraux, l’industrialisation entraîna par réaction, dans certains milieux, le désir d’un retour à la terre, en particulier en Allemagne. Dans les colonies réactionnaires ainsi fondées dans la deuxième moitié du xixe siècle pour vivre du travail de la terre, l’atmosphère était très souvent patriotique et raciste, jusqu’à développer des théories occultes percevant le peuple comme une accumulation d’énergies dont il fallait préserver la pureté. Dans la colonie « Mittgart » fondée par l’utopiste Willibald Hentschel, une section était organisée pour les enfants sur un modèle étrangement proche des futures Jeunesses hitlériennes : les enfants devaient être éduqués au maniement des armes et à la spiritualité germanique, ils grandissaient accompagnés des fables et des récits germaniques et chantaient des chants héroïques en plein air pour cultiver les émotions et le courage physique. Le corps « aryen » était considéré comme sacré et la nudité représentait, dans ces milieux, le comble de la beauté. Le sol, également considéré comme sacré, ne devait surtout pas être travaillé par des étrangers – un tel acte était perçu comme un suicide national. Nombreux sont donc les éléments qui influencèrent les conceptions nationales-socialistes de l’Homme et de la nature. Walter Darré, le ministre de l’Agriculture du Reich, fut d’ailleurs particulièrement marqué par ces mouvements utopistes112.
76Par ailleurs, la nature était déjà un élément essentiel de l’inspiration des romantiques allemands. Dans un texte classique de Goethe, Werther veut exprimer les sensations d’harmonie qu’il éprouve au contact de la nature. Mais elles sont si fortes et mystérieuses qu’il n’arrive pas à les décrire, et se dit : « Ah, si seulement tu pouvais l’exprimer, si seulement tu pouvais insuffler au papier ce qui vit de manière si complète et si chaleureuse en toi, au point de devenir le reflet de ton âme, comme ton âme est le reflet du Dieu infini113 ! »
77En architecture et en urbanisme, la valorisation de la nature se traduit au tournant du siècle par la construction de cités-jardins. Otto March, le père de l’architecte du site olympique de Berlin, aimait tout particulièrement insérer ses constructions dans l’environnement naturel – une tendance qu’il connaissait de la Grande-Bretagne114. Les défenseurs nazis d’une proximité à la nature, comme les architectes Paul Schultze-Naumburg et Paul Schmitthenner, actifs sous Weimar, prônaient pour leur part un style campagnard qui traduisait dans l’architecture les concepts de la patrie (Heimat) et du sol115.
78En architecture sportive, ce rapport particulier à la nature conduit en Allemagne à l’aménagement de grandes pelouses pour la pratique sportive libre, souvent en proximité d’un stade principal d’une ville ou d’un quartier. À l’occasion de l’inauguration du stade de Stuttgart, en 1933, les spécialistes d’architecture ne manquent pas de souligner qu’il est implanté dans « un environnement naturel attrayant116 ».
79Dans un article, Werner March énumère les avantages de ces Sport-parks pour l’éducation populaire, pour le bien-être physique du peuple, etc. L’utilisation et la mise en valeur de l’environnement naturel ont un rôle social. Et aussi une finalité politique : March précise que « grandes esplanades de pelouses situées devant les stades de Cologne, de Francfort-sur-le-Main, de Nuremberg, etc., doivent être considérés comme de grandes esplanades de rassemblement117 ».
80En 1934, Carl Diem expose à son tour (dans un ouvrage collectif intitulé L’Olympiade de 1936 et les exercices physiques dans l’État national-socialiste) l’importance de l’espace naturel dans les équipements sportifs en Allemagne, mais aussi à l’étranger :
Les terrains de sport doivent être en premier lieu un espace naturel aménagé. […] Les grandes installations sportives allemandes à Francfort-sur-le-Main, à Cologne, à Breslau, à Duisburg, à Nuremberg, etc., ont gardé et approfondi ce principe.
À l’étranger aussi, les somptueux équipements ne manquent pas et leur aménagement a même parfois influencé les prestations allemandes. Mais à l’étranger, la construction [verticale] est très majoritaire ; elle détermine l’effet [produit sur l’observateur] et la nature, si elle est aménagée en conséquence, perd de l’importance118.
81Le site olympique de Berlin mérite à ce propos une attention particulière. En 1926, à l’occasion de la construction du forum du Sport, Werner March et son frère Walter avaient déjà étudié les caractéristiques naturelles du site berlinois de Grunewald pour composer l’ordonnancement des espaces bâtis. Et, comme il l’avait fait dix ans auparavant, Werner March choisit, dans son projet pour les équipements de 1936, « de laisser libres les vastes perspectives paysagères du haut plateau et d’insérer les constructions dans les espaces boisés119 ». Ces éléments seront décisifs pour l’acceptation du projet par les autorités. En effet, les espaces de circulation entre les équipements olympiques permettent une promenade pittoresque : « Le couloir extérieur, sous les piliers, permet de faire le tour du stade olympique avec des vues panoramiques exceptionnelles et avec l’étendue du paysage à l’arrière plan. [Le couloir] a la fonction d’un grand foyer […]120. » March construit un site qui possède un « jeu d’espaces entre d’un côté les terrains de jeu et les voies d’accès avec les parvis, qui possèdent une architecture rigide, et d’un autre côté le paysage qui se meut librement121 » Le stade de Vienne, qui offre un beau point de vue sur le Prater, possède d’ailleurs un peu les mêmes caractéristiques122. Si, dans les faits, le site olympique est proche de la ville (les voies d’accès et les transports en commun, train et métro, permettant d’y accéder très rapidement), ce qui est frappant, c’est bel et bien son insertion dans la forêt de pins typique de Berlin, non loin du lac de la Havel.
82Pour le site olympique du Reichssportfeld, Paul Schultze-Naumburg, qui fait partie du comité de construction, « compte tenu de la beauté naturelle du site, un plan unitaire pour l’ensemble du domaine qui regroupe les [différents] éléments dans un aménagement unique et grandiose123 ».
83Le travail paysager effectué sur le site olympique, sous la direction du professeur paysagiste Heinrich Friedrich Wiepking-Jürgens-mann, est considérable. Des espaces verts sont aménagés entre les différents équipements sportifs pour « une transition entre les constructions monumentales et les forêts qui encerclent le Reichssportfeld, et [les espaces verts] procurent de l’ombre là où c’est possible. Plus de mille grands arbres ont été transplantés ou nouvellement plantés, dont certains qui avaient plus de quatre-vingt ans124 ». L’aspect final du site olympique ne dépend pas seulement de la répartition des espaces verts, mais aussi de leur insertion naturelle. Il faut que les végétaux soient intégrés dans leur nouvel espace comme s’ils y avaient toujours été enracinés125. Le but est atteint, car nombreux sont les visiteurs qui s’exclament, avant même la fin des travaux : « Le site est magnifique126 ! » Il l’est d’autant plus que grâce au raccord énergétique au réseau de la ville, aucune cheminée ne fume sur le site127.
84Pour la construction du stade olympique, l’architecte Werner March prête une attention toute particulière aux jeux de lumières. Ils sont explicitement étudiés pour allier les effets naturels du soleil aux formes architecturales et aux couleurs des matériaux employés :
La transformation du mur extérieur du stade olympique en un couloir de colonnes sur deux étages atténue la lourdeur du bâtiment. Elle allège la masse auparavant très imposante, renforce l’impression de hauteur par rapport à l’effet de lourdeur et conduit à un constant jeu d’ombres et de lumières à l’intérieur du grand ovale de pierre. Une bande de huit mètres de large en granite entoure la construction, alors que par ailleurs, de vastes pelouses recouvrent la plate-forme du stade et augmentent, par les contrastes chromatiques, l’effet lumineux de la roche128.
85Les jeux de couleurs sont également mis en scène sur tout le site olympique de façon finement calculée afin de donner le faste nécessaire aux cérémonies olympiques et politiques : « Le stade olympique, le Fahnenwall et le clocher sont en pierre calcaire de couleur claire autour, il y a des petits terrains de la couleur verte des grandes étendues en gazon. Au forum allemand du Sport, les constructions des salles [de sport], les ailes du bâtiment pour l’administration et l’habitation sont séparées [du stade et de la grande esplanade] par la teinte sombre et douce des briques utilisées ici129. »
86La valorisation des espaces naturels dans l’aménagement du site olympique est donc absolument centrale130 car elle a aussi une signification idéologique. Wolfgang Schäche et Norbert Szymanski soulignent que, « dans l’ensemble, on voulait faire naître l’image du “paysage allemand” ou plutôt de la “forêt allemande”131 ».
87En Italie, la nature ne fait pas l’objet d’une vénération aussi poussée qu’en Allemagne nazie. Si la naissance du tourisme et des excursions dans le cadre des organisations de masse fascistes favorise une redécouverte des campagnes et des montagnes du pays, la relation à la nature restera toujours moins symbolique qu’en Allemagne.
88Dans le domaine du sport, certains idéologues présentent cependant volontiers les temps anciens comme une période où le corps et l’esprit étaient éduqués simultanément, en harmonie avec la nature. Cette idée est souvent reprise pour critiquer l’évolution des sports modernes, qui, le plus souvent pratiqués en ville, se sont éloignés de leur terrain de pratique originel : « Dans les premiers siècles de la République, le Romain vivait encore au contact de la nature, et sa puissance virile lui permettait de donner vie à des chefs et des héros132. »
89En architecture sportive, De Finetti considère dans son livre sur les stades que la proximité d’espaces verts est « souhaitable » pour un stade. Il justifie sa position par l’histoire de la pratique sportive, qui enseigne qu’une telle activité, traditionnellement, se déroulait à l’extérieur, le plus souvent dans les parcs. Dans cette optique, le sport et la nature sont censés unir leurs bienfaits par contraste avec le caractère intrinsèquement malsain des villes. De Finetti estime d’ailleurs qu’il est essentiel que les équipements d’entraînement soient implantés à proximité des jardins publics pour les protéger du danger d’être « suffoqués » par de futurs immeubles133.
90Dans les faits, cependant, le seul équipement sportif italien qui témoigne véritablement d’une prise en compte de l’environnement naturel est le forum Mussolini de Rome. Dans la revue Architettura qu’il dirige, Marcello Piacentini écrit en effet : « Une œuvre architecturale complexe et grandiose comme celle du forum Mussolini ne peut pas être considérée de manière isolée, en faisant abstraction de l’environnement qui l’entoure, mais il faut avant tout faire ressortir l’importance urbanistique de son emplacement et le situer dans le superbe paysage que constitue son arrière-plan134. » Un peu plus loin, il souligne que le forum Mussolini « nous offre déjà un cadre de beauté hellénique qu’aucun autre stade au monde ne peut offrir135 ».
91Le choix du lieu d’implantation du forum Mussolini est fréquemment justifié par la beauté naturelle du cadre, beauté qui devait être préservée, et mise en valeur ; ainsi, de nombreux journaux glorifièrent l’architecte Enrico Del Debbio. Il était prétendument prévu que la zone fût ravagée par une ligne de chemin de fer. En réalité, des raisons techniques ont été déterminantes : le président de l’Onb, Renato Ricci, s’est rabattu sur le piémont de la colline Monte Mario car l’emplacement initialement prévu près de la cité universitaire ne convenait pas136. Ce choix alternatif fut d’ailleurs peu apprécié au début, car la zone était marécageuse et considérée comme inutilisable.
92Plus que la nature en elle-même, ce sont d’ailleurs les couleurs qui valorisent ici l’architecture sportive. Les couleurs sont souvent présentées comme un élément qui transforme un simple bâtiment en une œuvre d’art totale, grâce à l’ingéniosité créatrice des architectes, au savoir-faire exceptionnel des techniciens dans l’aménagement chromatique. De manière plus générale, c’est la « méditerranéïté »qui devait être mise en scène dans l’architecture fasciste137. Le forum Mussolini entre particulièrement dans ce cadre d’interprétation artistique. Dans un texte adressé à Mussolini à propos du siège de l’Académie fasciste d’éducation physique, Renato Ricci présente l’ordonnancement des couleurs dans l’espace comme une œuvre longuement pensée, résultant de la disposition des différentes infrastructures : « Le développement des constructions, la disposition des routes, des esplanades et des zones vertes qui relient les bords du Tibre avec la forêt de Monte Mario dans la gamme chromatique, procèdent selon un concept d’ensemble du plan général, élaboré avec patience et progressivement revu et retouché avec la progression des constructions138. »
93La couleur blanche et la lumière éclatante donnent au lieu une dimension mystique (qui trouvera son apogée, plus tard, dans le quartier créé pour l’exposition universelle de 1942)139. Le marbre, sous forme de statues ou comme matériau de construction, doit rehausser la valeur du bâti en faisant référence à la tradition romaine. La colline Monte Mario, à l’arrière-plan, et les presque cinq mille arbres qui ont été plantés – méditerranéens pour la plupart – contrastent avec la blancheur du marbre, faisant une large place aux éléments naturels. Del Debbio – maître d’œuvre des constructions et originaire de Carrare – affectionne particulièrement le marbre blanc, qui ressort bien par contraste avec le vert du paysage.
94Ce souci des couleurs témoigne du rapprochement opéré entre le sport et l’art ; les fascistes italiens, qui se présentent volontiers comme les descendants des plus grands artistes de tous les temps, utilisent le sport comme moyen d’expression artistique. Une chronique radiophonique sur le sport en 1937 montre précisément que c’est par la couleur que le sport et l’art se rapprochent le mieux au sein de l’espace sportif : « Le sport [se déroule] en effet toujours à l’extérieur, dans une arène ou sur une piste, sous un ciel clément ou hostile. Et que ce soit le vert d’un terrain de football ou l’ocre d’un terrain de tennis, la bande grise d’un autodrome ou l’ellipse rouge d’une piste à six couloirs, il y a toujours une variété lumineuse de contrastes dans laquelle la couleur des maillots, le bronzage des corps, introduisent leur vitalité140. »
95Chez les fascistes italiens comme chez les nationaux-socialistes, la couleur de la pierre brute, qu’elle soit blanche ou grise, veut faire écho à l’Antiquité, en prétendant renouer avec une tradition culturelle (les fascistes) ou en mettant en scène l’immortalité du peuple (chez les nazis). Mais l’authenticité présumée de la pierre correspond en réalité à une représentation faussée de la période antique. Car les temples antiques étaient souvent peints de couleurs vives. Le recours au blanc, en Italie et en Allemagne, s’affirme en réalité comme une anticipation de la grandeur déjà anéantie. Les Grecs et les Romains n’avaient certainement pas une conscience de l’histoire qui les poussaient à spéculer sur leurs futures ruines millénaires, alors qu’ils étaient au sommet de leur pouvoir !
96C’est ce rapport ambigu à l’Antiquité que l’on se propose d’étudier plus longuement dans le chapitre qui suit.
Notes de bas de page
1 Sandro Scarrocchia, Albert Speer e Marcello Piacentini, op. cit., p. 21.
2 Vera Ottani, “Littoriale o Stadio sempre un complesso al servizio dello sport”, art. cit., p. 27.
3 Carlo Savoia, “Dallo Stadio del Littoriale all’Ippodromo Bolognese”, L’As-salto, 08.03.1932, p. 5.
4 “Il nuovo grandioso Stadio napoletano”, Tutti gli Sports, a. 11, n° 22, 27.05.-03.06.1934, p. 9, in Ministero per i beni culturali e ambientali-Figc (dir.), Azzurri 1990. Storia della Nazionale Italiana di Calcio e del Calcio a Napoli, op. cit., p. 40.
5 La première publication sur le stade est la suivante : Giovanni Michelucci, “Lo stadio “Giovanni Berta” in Firenze dell’Ing. Pierluigi Nervi”, Architettura, f. ii, mars 1932, p. 105-116, cité in Carlo Battiloro, “La vicenda architettonica”, art. cit.
6 R. Del Nord (et al.), Stadio Comunale di Firenze, op. cit., p. 2.
7 Walter Perosino, Il libro Azzurro. op. cit., p. 149 Carlo Battiloro, “La vicenda architettonica”, art. cit., p. 41.
8 L’offre pour la construction de la tribune en béton armé est conservée aux Archives municipales de Florence. Elle présente des caractéristiques techniques détaillées sur le stade de Florence. Cf. ASC-Fi, BA 116. Note pour le podestà de Florence, 16.09.1930, 4 p.
9 La technique des auvents en porte-à-faux se développera très rapidement. Pour l’exemple du stade Mussolini de Turin, on peut se reporter à l’article suivant : “Lo stadio Mussolini nel quale si stanno svolgendo i Littoriali”, art. cit.
10 Alberta Zuffanelli, “I luoghi dello sport”, art. cit., p. 108 et 109.
11 Pier Luigi Nervi, “Considerazioni techniche e costruttive sulle gradinate e pensiline per stadi”, Casabella, décembre 1933.
12 Pier Luigi Nervi, “Problemi dell’architetto”, Casabella, mai 1933, p. 34, in Mario Universo (dir.), Casabella, op. cit, p 183.
13 Asc-Fi, BA 118. “Stadio “Giovanni Berta” in Firenze”, note dactylographiée, s.d.
14 “G. M.”, “Il nuovo Stadio del Littorio a Torino”, Architettura, a. ii, f. iv, avril 1933, p. 239-145.
15 Giuseppe De Finetti, Stadi, op. cit., p. 40-41.
16 Antonella Greco, “L’Onb e Renato Ricci : il nuovo demonio delle arti”, Parametro, a. xx, n° 172, mai-juin 1989, p. 15.
17 Agnoldomenico Pica-Onb, Il Foro Mussolini, op. cit., p. 44.
18 Ibid., p. 73.
19 Cf. Salvatore Santuccio, “L’architettura della Casa per la gioventù”, art. cit., p. 32.
20 Ibid., p. 33. Notons que les constructions de l’Onb suivaient les lignes tracées par Del Debbio, définissant « l’architecture de la jeunesse du xxe siècle » : gymnase rectangulaire et grands portails la caractérisent, mais aussi la présence de pilastres, de corniches et de modénatures. Moretti, dans ses Maisons du Balilla, donnait ainsi corps à l’idée d’éducation développée par Ricci.
21 Luigi Moretti, “Case del Balilla”, Lo sport fascista, a. ix, n° 4, avril 1936, p. 23.
22 Sisto Favre, “L’O.N.B. non più speranza ma certezza dell’Italia Fascista”, Lo sportfascista, a. xi, n° 6, juin 1937, p. 12.
23 Luigi Moretti, “Case del Balilla”, art. cit., p. 20.
24 Marcello Piacentini, “Il Foro Mussolini in Roma”, Architettura, a. xii, février 1933, p. 74, cité in Antonella Greco, Salvatore Santuccio, Foro italico, op. cit.
25 Francesco Sapori, L’arte e il duce, Milan, Mondadori, 1932, p. 127-128.
26 Gaia Pettena, Architettura e propaganda fascista neifilmati dell’Istituto Luce, Turin, Testo & immagine, 2004, p. 12.
27 Ibid., p. 27.
28 Giorgio CIUCCI, Gli architetti e il fascismo, op. cit., p. 135.
29 Massimo Bontempelli, “Archi e colonne lettera urgente a Ugo Ojetti”, Casabella, février 1933, p. vii-ix, in Mario Universo (dir.), Casabella, op. cit, p. 177.
30 Alex Scobie, Hitler’s State Architecture. The Impact of Classical Antiquity, Park, Londres, PUP, 1990, p. 12.
31 Silvia Danesi, “Aporie dell’architettura italiana in periodo fascista – mediterraneità e purismo”, in Silvia Danesi, Luciano Patetta (dir.), Il razionalismo e l’architettura in Italia durante il fascismo, op. cit., p. 22.
32 “Lo stadio Mussolini nel quale si stanno svolgendo i Littoriali”, art. cit., p. 8.
33 Giuseppe De Finetti, “Il più recente Stadio d’Italia”, L’Illustrazione Italiana, n° 38, 17.09.1933, p. 428.
34 “Il campo sportivo (a Molinella)”, L’Assalto, Bologne, 21.04.1932, p. 14. Voir aussi les tribunes en béton du Campo del Littorio de Trieste.
35 CONI, Regolamento, op. cit., p. 6.
36 Ibid., p. 12. Le même texte est reproduit dans : “Commissione impianti sportivi”, Annuario italiano dello sport per l’anno xiv E.F., p. 147, ainsi que dans l’ouvrage Benito : Del Marco, La costruzione dei campi sportivi, op. cit., p. 10.
37 CONI, Cronache radiofoniche dello sport, Anni xii-xiii E.F., 01.06.1935, Rome, Eiar, 1936, p. 220.
38 Id., p. 221.
39 Otto Ernst Schweitzer, Sportbauten und Bäder, op. cit., p. 31.
40 Dr.-Ing. Fuchs-Röll, „Adolf-Hitler-Kampfbahn in Stuttgart“, art. cit., p. 414.
41 Ibid.
42 Karl Reichle (Conseiller ministériel au ministère des Finances), „Die technische Durchführung des Bauprogramms des Reichssportfeldes“, in Reichsministerium des Innern (éd.), Das Reichssportfeld, op. cit., p. 57-71. À ce propos, voir aussi : „Das Olympiastadion. Eisenbetonkonstruktion des Unterbaus“, Bauwelt, 27, 1936, H. 31, cité in Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 346.
43 Richard Sponholz, „Der Bau des Reichssportfeldes in Berlin“, art. cit., p. 736.
44 Ibid.
45 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit.,p. 346.
46 Thomas Schmidt, Das Berliner Olympia-Stadion und seine Geschichte, Berlin, Express Edition, 1993, p. 15.
47 Cf. Thomas Schmidt, Werner March, op. cit., p. 51- 60.
48 Alex Scobie, Hitler’s State Architecture, op. cit., p. 94.
49 Gerdy Troost (dir.) Das Bauen im neuen Reich, op. cit., p. 20.
50 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 322.
51 Giuseppe De Finetti, Stadi, op. cit., p. 40.
52 Antonella Greco, "L’Onb e Renato Ricci : il nuovo demonio delle arti”, art. cit., p. 16.
53 Cependant, le terme de « calcio » ne date pas de la période fasciste ; il s’était imposé en Italie bien avant l’arrivée des chemises noires. Cf. Stefano Pivato, L’era dello sport, Florence, Castermann-Giunti, 1994, p. 110.
54 Nazario Sauro Onofri, “La storia dello Stadio, di un cavallo di bronzo e del suo cavaliere perduto”, art. cit., p. 14.
55 Jean-Claude Fredouille, Dictionnaire de la civilisation romaine, Paris, Larousse, 1995 [1992], p. 112.
56 Robert O. Paxton, Le Fascisme en action, op. cit., p. 10.
57 Ibid., p. 11.
58 Carlo Nannotti, “Giovanni Berta”, Firenze. Rassegna mensile del comune, a. 11, n° 11, novembre 1933, p. 342-344.
59 Cf. Gian Carlo Eynard, “Tendenze e sviluppi del’edilizia sportiva in Italia”, art. cit., p. 20-22.
60 “Lo stadio Mussolini nel quale si stanno svolgendo i Littoriali”, art. cit., p. 8.
61 Asc-Fi, Busta 5937. Comune di FI, Direzione iiia Servizi tecnici, „Stadio Comunale „G. Berta“ Inventario die Beni Mobili e Immobili e vertbale di consegna all’Associazione Fiorentina del Calcio“, 2° trimestre 1932-x, 11.04.1932.
62 Ag-Ts, Ufficio Tecnico, 1940.
63 Cf. Bruno Regni, “Mitologia imperiale”, Lancillotto e Nausica, a. XVII, n° 1-2-3, 2000, p. 125.
64 Dans les assemblées de masse, les fascistes répondaient au Duce ou aux autres tribuns fascistes par des « a noi » (« à nous ») afin de manifester leur dévotion. C’est un peu l’équivalent fasciste des « Heil Hitler ! » dans les rassemblements nazis.
65 Pierre Lanfranchi, « Entre initiative privée et question nationale », art. cit., p. 38.
66 BArch, R 43 ii/729, Bl. 111. Lettre de Frick à Lammers, 25.05.1934, p. 1.
67 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 329.
68 Herbert Hoffmann, „Das Reichssportfeld Berlin. Architekt Regierungsbaumeister Werner March“, Moderne Bauformen, 35. Jg., Stuttgart, Julius Hoffmann, 1936, p. 442.
69 BArch, R 43 ii/731, Bl. 51. Lettre de Pfundtner à Lammers, 22.01.1936.
70 BArch, R 43 ii/731, Bl. 52. Lettre de Lammers à Frick (Pfundtner), 24.01.1936.
71 BArch, R 1501/5615, Bl. 359. „Das deutsche Olympia-Stadion. Rundfunkvortrag von Staatssekretär Pfundtner“ (« Le stade olympique allemand. Conférence radiophonique du secrétaire d’État Pfundtner ») (1936).
72 Alex Scobie, Hitler’s State Architecture, op. cit., p. 6.
73 Stefano Cavazza, Piccole patrie. Feste popolari tra regione e nazione durante il fascismo, Bologne, Il Mulino, 1997, p. 184.
74 Alberto Mioni, “Le città e l’urbanistica durante il fascismo”, in Alberto Mioni (dir.), Urbanistica fascista. Ricerche e saggi sulla città e il territorio e sulle politiche urbane in Italia tra le due guerre, Milan, Franco Angeli, 1980, p. 39.
75 Laura Malvano, « Le mythe de la jeunesse à travers l’image », art. cit., p. 282.
76 Vera Ottani, “Littoriale o Stadio sempre un complesso al servizio dello sport”, art. cit., p. 27.
77 Nazario Sauro Onofri, “La storia dello Stadio, di un cavallo di bronzo e del suo cavaliere perduto”, art. cit., p. 15 et 16.
78 Paolo Lipparini, “Umberto Costanzini e l’enigma del Littoriale”, in Giugliano Gresleri, Giorgio Massaretti (dir.), Norma e arbitro. Architetti e ingegneri a Bologna 1850-1950, Venise, Marsilio, 2001, p. 234.
79 Ivo Luminasi, Il Littoriale, Bologne, Società Tipografica Mareggiani, 1927, p. 14.
80 Paolo Lipparini, “Umberto Costanzini e l’enigma del Littoriale”, art. cit., p. 234.
81 L’Assalto, 01.09.1928, p. 6, in Ibid., p. 231.
82 R. Del Nord (et al.), Stadio Comunale di Firenze, op. cit., p. 2.
83 Asc-Fi, BA 118. “Stadio “Giovanni Berta” in Firenze”, note dactylographiée, s.d.
84 “Lo stadio Mussolini nel quale si stanno svolgendo i Littoriali”, art. cit., p. 8.
85 Federica Montaldi, Roberta Motto, Lo stadio Mussolini a Torino, op. cit., p. 85. Les auteurs citent l’article suivant : “La monumentale torre di Maratona eretta in 80 giorni”, La Gazzetta del Popolo, 12.01.1933, p. 3.
86 “Concorso per lo stadio comunale di Lucca”, L’Archittetura Italiana, n° 4, avril 1934 ; photographie reproduite in Ibid., p. 34.
87 CONI-CIS, Regolamento, op. cit., p. 16.
88 “Lo Stadio del Littorio s’inaugura oggi tra l’entusismo degli sportivi triestini. Dal progetto al compimento”, Il Piccolo di Trieste, 25.09.1932, in Il Piccolo, 25.09.1992, p. 25.
89 “Il Nuovo Campo Sportivo del Littorio”, Padova, art. cit.
90 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 332-333.
91 Ibid., p. 326.
92 Volker Kluge, Olympiastadion Berlin, op. cit., p. 73.
93 Olympia-Pressedienst (17.07.1933) „Glockenruf zum Olympia 1936 ! Ein Symbol für die xi. Olympischen Spiele Berlin 1936“.
94 „Wir schauen uns um“, Märkische Turn- und Sportzeitung, n° 30, 62. Jg. 1936, p. 489, cité in Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 310.
95 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 312-313.
96 Werner March, „Das Reichssportfeld“, Bauwelt, H. 31, 30.07.1936, p. 11.
97 Ibid., p. 12.
98 BArch, R 1501/5615, Bl. 47. Olympia-Pressedienst (17.07.1933) „Glockenruf zum Olympia 1936 ! Ein Symbol für die xi. Olympischen Spiele Berlin 1936“.
99 Langemarck était un village belge dans lequel un grand nombre de soldats allemands trouvèrent la mort lors de la Première Guerre mondiale ; la bataille fut mythifiée par les nazis. Dans l’espace sacré qu’est le Langemarckhalle, douze piliers portent les soixante-seize drapeaux des régiments qui participèrent à la bataille.
100 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 335.
101 The Story Behind the Largest and Finest Stadium in America, s. d. [années 50] (in Ah-Cio, Jo/Été 1932, Le stade : 1932-1932).
102 Volker Kluge, Olympiastadion Berlin, op. cit., p. 142.
103 Wolfgang Schäche, Norbert Szymanski, Das Reichssportfeld, op. cit., p. 9.
104 Eric Michaud, Un art de l’éternité, op. cit., p. 14.
105 Thomas Alkemeyer, Körper, Kult und Politik, op. cit., p. 224. Le Temple d’honneur (Ehrentempel) de l’architecte Paul Ludwig Troost, sur la Königsplatz de Munich, fut le premier lieu de culte pour les morts nazis. Construit en 1934, deux édifices accueillaient les dépouilles des seize compagnons de Hitler tués lors du putsch raté de 1923. Au centre de l’autel, il y avait de la terre du cimetière de Langemarck.
106 Horst Ueberhorst, Carl Krümmel, op. cit., p. 103.
107 Olympische Jugend. Festspiel zur Aufführung im Olympia-Stadion am Eröffnungstage der xi. Olympischen Spiele in Berlin am Sonnabend, 1. August 1936. Festspiel von Carl Diem, p. 26.
108 q. t., “Campionato mondiale di calcio”, art. cit., p. 109.
109 Il Piccolo di Trieste, 31.05.1934.
110 Vazio Muraldi, “Gli azzurri depongono una corona sulla tomba del Milite Ignoto tedesco”, Il Resto del Carlino, 31.07.1936.
111 Lando Ferretti, “Guerra e olimpiade. Nel nome dei morti, per la gloria dei vivi”, Lo sport fascista, a. ix, n° 8, août 1936, p. 12.
112 Cf. George L. Mosse, Le origini culturali del Terzo Reich, Milan, Est, 1997 [1964], p. 166-174.
113 Johann Wolfgang von Goethe, Werther [1774], in Rudolf Borchardt (ausgewählt von), Der Deutsche in der Landschaft, Francfort-sur-le-Main-Leipzig, Insel Taschenbuch, 1999 [1925], p. 26.
114 Thomas Schmidt, Werner March, op. cit., p. 10.
115 Wolfgang Schäche, Architektur und Städtebau in Berlin zwischen 1933 und 1945, op. cit., p. 58.
116 Dr.-Ing. Fuchs-Röll, „Adolf-Hitler-Kampfbahn in Stuttgart“, art. cit., p. 413.
117 Werner March, „Kunst und Technik im Stadionbau“, art. cit., p. 499.
118 Carl Diem, „Olympische Sportstätten und ihre Gefährten“, in Friedrich Mildner (dir.), Olympia 1936, op. cit., p. 86-87.
119 Werner March, „Das Reichssportfeld“, art. cit., p. 1.
120 Ibid., p. 2.
121 Werner March, „Die baukünstlerische Gestaltung des Reichssportfeldes“, in Reichsministerium des Innern (éd.), Das Reichssportfeld, op. cit., p. 33.
122 Otto Ernst Schweitzer, Sportbauten und Bäder, op. cit., p. 34.
123 BArch, R 1501/5608, Rep. 320, Nr. 608. „Bericht über die Sitzung des Bauausschusses des Organisationskomitees am 15. Juli 1933“.
124 Werner March, „Das Reichssportfeld“, art. cit., p. 14-15.
125 Richard Sponholz, „Der Bau des Reichssportfeldes in Berlin“, art. cit., p. 738.
126 Frederick W. Rubien, « Une opinion américaine sur la préparation des Jeux olympiques », art. cit., p. 1.
127 Richard Sponholz, „Der Bau des Reichssportfeldes in Berlin“, art. cit., p. 737.
128 Werner March, „Das Reichssportfeld“, art. cit, p. 2.
129 Herbert Hoffmann, „Das Reichssportfeld Berlin“, art. cit., p. 456.
130 Au village olympique aussi, l’environnement naturel est mis en avant. Le secrétaire du Comité olympique américain est charmé par les lieux : « À Los Angelès [sic], on nous offrit un village olympique, avec [des] maisons bâties spécialement à l’intention des sportifs du monde entier. Mais comment le comparer à cette cité, qui naît sous les ombrages, et dont des cent cinquante maisons de pierres, coiffées de toits rouges, sont presque terminées ? » (Frederick W. Rubien, « opinion américaine sur la préparation des Jeux olympiques », art. cit., p. 1).
131 Wolfgang Schäche, Norbert Szymanski, Das Reichssportfeld, op. cit., p. 10.
132 Tino Pino, Tifo sportivo e i suoi effetti, Milan, Casa editrice ‘‘Quaderni di poesia’’, 1935, p. 21.
133 Giuseppe De Finetti, Stadi, op. cit., p. 168.
134 Marcello Piacentini, “Il Foro Mussolini in Roma”, Architettura, a. xvi, 1934, p. 65, in Antonella Greco, Salvatore Santuccio, Foro italico, op. cit.
135 Ibid., p. 74.
136 Carlo Cresti, Architettura e fascismo, op. cit., p. 79.
137 Ibid., p. 95-103 (“Mediterraneità a ruralità”). Cf également : Silvia Danesi, “Aporie dell’architettura italiana in periodo fascista – mediterraneità e purismo”, art. cit., p. 21-28.
138 Acs, Pcm, 1934-36, b. 7.2, f. 3856. Texte de Ricci à Mussolini sur le Foro Mussolini, 22.05.1935, p. 4.
139 Emilio Gentile, Il culto del littorio, op. cit., p.231.
140 CONI, Cronache radiofoniche dello sport. Anni xiv-xv E.F., op. cit., 28.08.1937, p. 242-243.
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