Chapitre 2. Dieu, l’homme, l’univers et les mondes
p. 49-72
Texte intégral
1La caractérisation empirique des faits de création qui persistent au cœur de l’espèce humaine reste dépendante de la compréhension des processus de genèse et de croissance formant le cœur de la cosmologie bergsonienne, qui s’élabore depuis la fin du quatrième chapitre de Matière et Mémoire et qui oriente les réflexions sur la vie créatrice de 1907. Cette inscription du problème de la différence anthropologique au sein des devenirs cosmiques n’a pas pour fin d’assigner une place fixe à l’homme dans la série des êtres, déterminée une fois pour toutes à partir d’un principe déductif. L’enjeu d’une inscription de la question de l’homme au cœur de la cosmologie vise à appréhender, expérimentalement, l’intensité de l’activité vitale humaine, soit la nature des actes de créations qui se prolongent au cœur de l’espèce.
2La cosmologie qui se dessine dans le texte bergsonien doit être bien comprise. Elle ne repose aucunement sur une disjonction entre un être donné en soi et ses manifestations événementielles, faisant surgir les mondes d’un tel écart. Le terme même de « cosmologie », réservé aux philosophies antiques, est critiqué dans le chapitre III de L’Évolution créatrice. La « cosmologie » que construit Bergson s’apparente plutôt à une « entreprise modeste1 » dont l’effort singulier, consistant à « se fondre à nouveau dans le tout2 », n’a plus rien d’un travail solitaire dégageant toutes les articulations du réel grâce à la seule puissance de l’intelligence. Il s’agit, au contraire, de mettre en œuvre un travail collectif3, progressif, questionnant le primat de l’intelligence dans la constitution du savoir et requérant, de fait, une critique des catégories de la métaphysique traditionnelle, c’est-à-dire de l’ensemble des édifices systématiques construits dogmatiquement par une intelligence dont la genèse biologique n’a pas été opérée. Cette approche critique s’effectue pour le coup selon un geste analogue à d’autres métaphysiques (nietzschéenne, ravaisonnienne, tardienne et schopenhauerienne) qui toutes, comme le montre Pierre Montebello pour les trois premières, se mettent « à l’épreuve du réel dans ce qu’il a de plus brut » – réel dont l’appréhension ne peut être « du ressort de la pensée analytique4 ». Sur ce point, la réforme métaphysique de Bergson, testant les limites assignées à la pratique philosophique par le criticisme kantien, n’apparaît pas unique et isolée. Elle s’inscrit dans un arc de pensée qui embrasse ensemble la vie, la nature, le cosmos et qui atteint l’homme sans en « exacerber » la « singularité »5.
3L’effort de pensée, engagé par cette cosmologie modeste, se déploie autour des cinq propositions critiques suivantes :
Il n’y a pas de séparation entre l’être et l’existence, entre l’être et l’étant. Par suite, il n’y a pas de distinction ontologique entre l’être, l’existence et la réalité. La cosmologie bergsonienne ne naît pas d’un désarroi devant l’éclatement du monde visible, conséquence d’une intelligence hypnotisée par son propre travail de découpage de la continuité mouvante en corps artificiellement séparés.
Il n’y a pas de réalité du non-être ; pas de néant en avant du réel. Le néant n’a aucune consistance ontologique6 ; possédant une simple dimension psychologique, il est le produit des affects du désir et du regret.
Le réel ne possède pas un double, « fantôme qui attend son heure »7, qui en est la raison d’être. Il n’y a pas de possible, extra-mondain, lui préexistant idéalement.
Les réalités prises dans leur individualité se définissent comme activité et changement substantiels. Contre Aristote, il n’y a pas de substrat, support du changements ; contre les positions de l’héraclitéisme, s’affirme la substantialité des devenirs.
Les structures et les composants du langage ne sont pas des catégories ontologiques8. Il y a une rupture entre le discours et l’être, qui engage la pratique philosophique sur la voie d’une création9 de concepts élaborés à partir des contenus originaires de l’intuition et d’une confrontation avec les sciences positives.
4Le projet d’une pensée des devenirs réels n’est ni antérieur, ni postérieur, logiquement, à la construction d’une métaphysique de la création ; il participe de sa constitution interne. L’univers, les mondes, les réalités organisées et inertes qui les habitent, constituent une immense somme d’activité et de dépense, qui ne s’appréhende qu’à partir d’une dilatation de la conscience humaine qui est précisément un effort d’intuition. La cosmologie bergsonienne n’aura ainsi pas besoin d’une philosophie première, formelle, qui assurerait un fondement aux régions particulières de l’être.
5On décèlera d’autant mieux, dans un mouvement de recentrement notable, les effets d’une telle cosmologie pour une pensée de l’homme, qui n’en est pas l’objet premier, mais qu’elle rencontre, nouvellement, à l’unisson des rythmes, des tensions et des intensités qui façonnent l’univers. Penser les réalités dans leur genèse créatrice, c’est se donner les moyens de saisir, en retour, la dimension, l’envergure que peut avoir une existence humaine prise au cœur des mouvements d’accroissement des mondes et de l’univers. La philosophie des devenirs cosmiques proposant, in fine, des orientations à une liberté humaine qui n’est plus ni angoissée, ni solitaire.
6À partir de la cosmologie modeste bergsonienne, se précisent les directions créatrices qui parcourent la vie spécifique humaine. Simple persistance créatrice au cœur des organisations ? Nouvelles actualisations ?
7L’inscription du niveau anthropologique dans le mouvement qui forme les devenirs cosmiques balise le chemin d’un travail de repérage empirique des types de création qui caractérisent l’activité vitale humaine. Ce travail de repérage, dont la fin n’est pas l’exposé d’une cosmologie qu’il requiert toutefois, a un sens précis dans l’économie de la métaphysique de Bergson : il met en lumière le glissement qui s’opère, dès avant les Deux Sources, entre un usage descriptif du concept de création et un usage normatif.
Devenirs
8L’humanité, résultat d’un acte de création, semble prolonger quelque chose du mouvement qui l’origine au sein de cette vaste somme d’activités et de détente qui se poursuit dans l’univers. Réinstaller l’humanité au cœur de ce mouvement immanent d’autocréation ne vise pas à retrouver, coûte que coûte, une unité de la nature10 fixée par l’intelligence. Si l’homme a une signification pour la vie créatrice, le déploiement de la cosmologie modeste de Bergson montre que cette signification est nettement localisée (elle se rapporte uniquement au référentiel terrestre) et ne reconduit pas, masqué, un point de vue anthropocentrique : l’homme n’est pas la fin ultime à laquelle est ordonnée la création de l’univers. Repérer les actes de création qui persistent dans l’activité vitale humaine repose ainsi sur le fait d’une inscription, celle de l’homme au sein des devenirs cosmiques. D’un point de vue méthodologique, cette inscription indique que les manifestations de l’activité vitale humaine ne peuvent être conçues que relativement à celles qui sourdent dans les mondes.
9Les processus ontogénétiques qui parcourent la cosmologie bergsonienne sont décrits à partir de quatre concepts, ou couples de concepts, souples : inversion, tension/détente, tendance, progrès/chose. Leur compréhension et les problèmes qu’ils ouvrent permettent de pénétrer, stratégiquement, au cœur des difficultés posées par le prolongement du mouvement créateur de l’élan au sein de l’espèce humaine. Rattachés à une perspective anthropologique, ils participent à l’élaboration de quatre types de réflexions centrales pour penser les actes de création de l’espèce, ils concernent : 1/ les tensions liées à l’irruption de la transcendance au cœur de la pensée de processus immanents de genèse ; 2/ la récusation nette de toute forme d’anthropocentrisme ; 3/ la requalification du statut de la matière ; 4/ une pensée de la création comme vocation.
10Dans la cosmologie, l’inversion, on l’a montré, est l’opération de la « supraconscience », qui crée solidairement la vie et la matière. Elle désigne précisément un acte de l’esprit qui, sans convoquer directement le concept de Dieu11 dans le livre de 1907, désigne l’origine de l’univers et des mondes12, du simple fait de son inversion13. La notion d’inversion qualifie l’acte par lequel une réalité spirituelle, exigence continue et indéfinie de création, interrompt son mouvement en actualisant une de ses virtualités, créant la matérialité qui forme un monde (acide carbonique, azote et dioxygène sur la Terre, par exemple14), avec laquelle s’organise un élan de vie. La thématisation de cet acte spirituel d’inversion repose cependant sur une difficulté, dont l’élucidation, on le verra, est centrale pour la thématisation d’une humanité comme humanité créatrice. Elle tient à la caractérisation de la « supraconscience » comme « pure activité créatrice » : « si [la vie] était pure conscience, à plus forte raison supraconscience, elle serait pure activité créatrice15. » Cette caractérisation laisse entrevoir l’idée, comme le montre Merleau-Ponty, que la vie devient chez Bergson un « principe séparable de son opération16 », conçue non plus comme processus opératoire mais comme réservoir17. Avec la thématisation de la supraconscience n’est-ce pas le modèle d’une création absolue, sans matière, qui refait surface ? De plus la matérialité, produit d’une inversion spirituelle, semble réactiver l’idée d’une « chute », d’une dégradation, analogues à ce qui s’effectue dans la Naturphilosophie schellingienne18, et témoignant d’une négativité interne de la supraconscience s’accordant difficilement avec sa qualification positive comme « pure activité créatrice ». La question de l’inversion pose les deux problèmes d’une origine transcendante à ses opérations et d’une certaine résurgence du négatif comme constituant de la réalité, dans la métaphysique de la création. Les deux sources de la morale et de la religion apporteront une solution à ces deux problèmes non résolus dans L’Évolution créatrice, en recourant à une intuition mystique – point où l’intuition bergsonienne « dégénère » pour Merleau-Ponty19 – centrale pour circonscrire l’intensité de la puissance créatrice de l’homme.
11Dans chaque monde créé, quelque chose persiste de l’impulsion originelle de l’esprit au sein d’une matérialité qui en est le mouvement inverti : c’est la vie. La réalité de chaque monde est constituée de deux mouvements, qui vont en direction inverse : un mouvement vital de tension, et un mouvement matériel de détente, qui retarde cet élan de vie porté vers des créations toujours plus hautes. La tension se définit, d’un point de vue psychologique, comme cet effort de la durée pour opérer la synthèse de ses moments, ce qui se traduit, d’un point de vue cosmologique, comme cet effort de l’esprit pour marcher à des créations de plus en plus hautes : l’actualisation ne doit pas aboutir à un piétinement sur place, mais doit rendre possible d’autres actualisations. Plus la tension de l’esprit est élevée, plus son mouvement ouvre à des créations de créations. La détente implique, quant à elle, un relâchement de la tension créatrice : la matière, même réintégrée dans la durée dans Matière et Mémoire, apparaît comme une succession d’états quasi-homogènes qui prend l’allure d’une répétition.
12Sur la planète Terre, l’inversion de l’esprit a donné lieu à une matière extrêmement détendue, qui empêche l’élan vital de se maintenir à un degré de tension très élevé : « tout porte à croire que la matière qui s’est trouvée ici [sur notre planète] complémentaire de la vie était peu faite pour en favoriser l’élan»20. Cette perspective localisée s’accompagne d’une sérieuse éventualité : « il est [...] vraisemblable que la vie se déroule sur d’autres planètes, dans d’autres systèmes solaires aussi, sous des formes dont nous n’avons aucune idée, dans des conditions physiques auxquelles elle nous paraît, du point de vue de notre physiologie, répugner absolument »21. Le mouvement d’opposition vie/matérialité, tension/détente22 rend raison de l’organisation de tout monde : la signification profonde de l’homme pour l’évolution créatrice ne repose pas sur un point de vue anthropocentrique. On notera d’ailleurs que cette opposition ne doit pas être comprise comme une lutte éternelle entre des contraires, à l’instar de certains penseurs présocratiques comme Empédocle. Le jeu des contraires interdit une pensée du progrès et des continuités de création, qui, dans un référentiel terrestre, donne son assise à la liberté humaine.
13Le statut de la matière peut, dans ce cadre, être repris et précisé – ce que dessine en partie l’usage plurivoque de la notion de tendance dans la cosmologie bergsonienne. Le terme de tendance, déjà mobilisé avec précaution dans l’Essai sur les données immédiates de la conscience23 pour refonder le problème de la liberté24, prend une dimension métaphysique véritable dans l’Introduction à la métaphysique de 1903 (et par suite dans L’Évolution créatrice25) : « Toute réalité est donc tendance, si l’on convient d’appeler tendance un changement de direction à l’état naissant26. » La notion de tendance, opposée aux notions d’état et de fixité, décrit la mobilité interne de chaque réalité et une bifurcation naissante. La réalité est toujours en voie de réalisation, mais « jamais entièrement réalisée27», jamais intégralement raidie et fixée. Dans L’Évolution créatrice, cette caractérisation de la tendance concerne avant tout la vie. La vie est tendance au triple sens d’élan28, de multiplicité virtuelle29, de directions évolutives divergentes30. Cette pluralité de sens s’organise autour d’une définition précise de la tendance dans le livre de 1907 : « ... la vie est tendance, et l’essence d’une tendance est de se développer en forme de gerbe, créant, par le seul fait de sa croissance, des directions divergentes entre lesquelles se partagera son élan31. » Une tendance n’est pas seulement la simple orientation d’un mouvement : elle désigne strictement une poussée dynamique interne appelant à des différenciations multiples, et renvoyant à la créativité interne de la vie. Cette notion précise ainsi celle de virtuel, en lui attribuant un dynamisme interne, celui d’une poussée32, opposé à la thématisation du possible leibnizien.
14Toutefois, il y a une plurivocité du terme « tendance » dans les textes, entre L’introduction à la métaphysique et L’Évolution créatrice. Dans un cas, la tendance, caractérise l’orientation interne d’un mouvement qui n’est jamais mené jusqu’au bout : vie et matière33 dans ce cadre, possèdent deux tendances opposées, s’empêchant par là-même de mener à terme leur direction propre34. La matière s’apparenterait ainsi à cette « tendance anti-vitale » décrite par Jankélévitch35. Dans l’autre cas, rapportée strictement à la vie, la tendance désigne une impulsion interne, qui, du seul fait de sa croissance, bifurque et diverge d’elle-même. Dans cette optique, la matière, passive, reçoit un sens qu’elle ne peut tenir d’elle-même36. Elle devient ce moyen que se donne la vie pour contempler les œuvres qui s’ébauchent, indistinctes et confuses, en elle. Qu’on la considère ou non comme un principe négatif comme le font Merleau-Ponty et Jankélévitch, la matière, comme interruption d’un élan, a « à l’intérieur de la vie […] une valeur positive37 ». Elle est ce à partir de quoi la vie progresse.
15La création n’a ainsi rien de mystérieux. Tout se clarifie si on conçoit non plus des choses et des solides, mais des flux, des progrès, comme constituants premiers de la réalité. La matière et la vie sont des flux38. L’ensemble des formes qu’elles actualisent en s’organisant font du tout de la réalité un entremêlement de flux et de progrès.
16L’image du flux décrit la réalité comme un processus continu et substantiel de changement qui n’a rien d’une dissolution. Les réalités actualisées ne se ferment jamais sur une détermination totale transformant leur substantialité vivante en une unité morte et statique. Dire que les réalités, vivantes et matérielles, sont des flux signifie que chaque réalité est, en elle-même, un phénomène de durée plus ou moins contractée. La matière inerte est donc fluente, même si son rythme, infiniment rapide39, peut idéalement s’apparenter au « rythme de la nécessité40 ». La notion de progrès, par ailleurs, renvoie plus précisément à celle d’accroissement ; dès l’Essai41 elle décrit les phénomènes psychiques, puis, en 1907, les réalités vitales, comme une « marche continue » dont la direction est dessinée par une impulsion première42. Toutes les réalités, ressaisies dans une vue intuitive, sont des flux et non des états. Les réalités vitales et spirituelles, qui progressent, possèdent quant à elles une histoire ouverte, susceptible d’évoluer et de se recréer plus ou moins intensément. La vie est un progrès et chacune de ses actualisations participe, selon différents degrés, à son évolution créatrice.
17La cosmologie modeste de Bergson s’apparente à une « psychologie retournée43 » : les différentes réalités qui composent les mondes sont comprises comme autant de degrés de tension et de détente analogues aux degrés de contraction d’une conscience, passant du rêve à l’action44. Le concept de « progrès », repris pour qualifier l’évolution de la vie et les réalités spirituelles, introduit un accent singulier dans la pensée bergsonienne : la description du processus de création vitale n’est plus celle de modalités opératoires neutres, mais met en lumière un processus finalisé à partir duquel se conçoivent réussites, échecs et reculs de la vie45. Cette finalité n’est pas externe mais interne ; elle n’implique pas la réalisation d’un plan, mais la poursuite indéfinie d’un mouvement dont la direction a été impulsée à l’origine. La création devient la vocation (ce à quoi chaque réalité est appelée et se sent appelée) qu’assigne la vie à toutes les réalités qu’elle actualise.
18L’homme participe à cette somme d’activités et de relâchement qui constitue l’univers. C’est précisément en reprenant la question de l’origine, laissée en suspens par le problème de l’inversion, que peut être circonscrite, de manière finale, la participation de l’homme à la création au sein des devenirs cosmiques.
Origine ?
19La philosophie des devenirs est suspendue à une origine absolue qui attribue à chaque organisation une vocation créatrice ; cette origine, conscience ou supraconscience, prend le nom de Dieu chez Bergson. De L’Évolution créatrice au Deux Sources, les faits de création sont valorisés : désirables en eux-mêmes, ils rendent raison de la destination de toutes les réalités. Cette thèse repose sur l’affirmation d’une transcendance qui semble briser, à première vue, les soubassements théoriques de l’empirisme bergsonien, comme si une pensée de l’expérience vitale dans son immanence ne pouvait se soutenir elle-même, restant tributaire de la position d’un principe extérieur à elle censé en rendre raison.
20Pour le coup, cette affirmation de la transcendance semble rattacher la constitution de l’anthropologie métaphysique à des orientations philosophiques tout à fait traditionnelles. Sur la terre, l’homme répond le mieux à cette vocation qui a été assignée à toute la nature dès l’origine46. L’anthropologie prend corps dans une intuition de Dieu qui dépasse infiniment l’homme – invitant à le penser comme la reprise plus ou moins achevée d’une impulsion à l’origine des mondes. Elle semble ainsi reconduire en la consacrant une distinction entre l’homme accompli et l’homme inachevé, à travers un processus d’humanisation ayant pour terme la ressemblance dynamique de l’homme avec Dieu. Non seulement l’acte de créer ne vaudrait pas en lui-même mais il resterait aussi attaché à l’idée d’une certaine perfection : l’anthropologie bergsonienne prendrait le visage de nombreuses pensées de l’homme qui le conçoivent non tel qu’il est, mais tel qu’il devrait être, ne produisant ainsi qu’une image aliénée de l’homme concret.
21Faut-il dès lors admettre que la pensée d’une origine absolue, principe transcendant aux opérations de la vie, réactive le soupçon attaché au concept de création ? La métaphysique de la création n’est-elle, au final, qu’une simple onto-théologie, la ressaisie immanente des processus de croissance et de genèse n’étant que seconde ou apparente ? Ou bien faut-il plutôt déceler une tension interne à la métaphysique bergsonienne de la création ?
22Ce dernier questionnement dessine une hypothèse : cette tension décelée, loin d’être générée automatiquement par l’affirmation d’une transcendance, pourrait avant tout résulter d’observations strictement empiriques concernant l’intensité des actes de création qui se prolongent dans chaque vie humaine. La perspective se retournerait ainsi : la question de Dieu ne serait qu’un moyen pour saisir l’intensité des puissances créatrices qui traversent l’homme concret.
23Mais pourquoi en passer par la question de Dieu ?
24Dieu, ou plutôt la « supraconscience » dans L’Évolution créatrice, est convoqué pour résoudre un problème métaphysique : « comment concevoir concrètement, quelque chose comme une création de matière ? » Si la matière était incréée47, il n’y aurait pas de création, mais simplement un arrangement d’éléments déjà faits, déjà donnés. Penser la réalité comme un processus d’autocréation suppose que matière et vie soient données solidairement, qu’elles aient une origine. Cette origine doit répondre à une triple exigence : 1/ rendre raison d’une création de matière, 2/ posséder une puissance suffisante pour se prolonger dans un élan vital qui va à l’encontre de la matière créée, 3/ être analogue à un « Super-Esprit », compris comme multiplicité virtuelle afin que vie et matérialité, en tant qu’elles sont des créations, ne soient pas préformées en elle. Cette triple exigence invite à concevoir un Dieu-origine, analogue à une supraconscience, compris comme centre de jaillissement. Envisagée sous cet angle, la conception bergsonienne de Dieu peut sembler arbitraire et artificielle : elle serait simplement convoquée pour les commodités d’une métaphysique qui doit résoudre un problème. Le Dieu de L’Évolution créatrice serait ainsi un autre Dieu des philosophes48, pour reprendre un questionnement d’A. Feneuil, construit non pas sur un modèle géométrique, mais biologique. C’est ce que pourrait laisser entrevoir le fameux passage de L’Évolution créatrice : « Dieu, ainsi défini, n’a rien de tout fait ; il est vie incessante, action, liberté ». C’est à un Dieu conçu, « défini », qu’on a affaire, et non pas à un Dieu « sensible au cœur », pour reprendre Pascal. Ce Dieu semble conçu pour répondre aux exigences de la métaphysique qu’il doit servir. En effet, il « n’a rien de tout fait », en deux sens. Il ne possède en lui, aucune réalité préformée : ses actes seront ainsi des actes de création. Mais, aussi, il n’est rien de tout fait : on ne peut en déterminer l’essence dans une vue stable, idée-force qu’on retrouve développée dans Les Deux sources49 contre la conception aristotélicienne d’un Dieu premier moteur immobile et la pensée platonicienne d’un Dieu-démiurge. Toutefois, dans les Deux Sources, de telles conceptions intellectualistes de Dieu produites par la philosophie sont critiquées : les Dieux des philosophes, qui ne peuvent entrer en contact avec les hommes50, ont pour seule fonction de parachever un système. Y aurait-il ainsi un hiatus entre la conception du Dieu de L’Évolution créatrice et celle des Deux Sources ? Le Dieu de L’Évolution créatrice ne prendrait-il le nom de Dieu que de façon arbitraire et artificielle pour répondre aux problèmes d’une métaphysique, qui a besoin de s’armer d’une pensée de l’origine absolue pour se parfaire ?
25Cette première impression, qui naît de la lecture de L’Évolution créatrice, apparaît erronée, une fois mise à l’épreuve des Deux Sources, où s’opère l’approfondissement d’une question qui n’est pas développée en 1907. L’Évolution créatrice ne peut pas prolonger la question de Dieu et de sa nature, parce que la méthode51 permettant d’en faire une expérience et non pas un simple objet de la spéculation philosophique n’est pas thématisée. Il revient au Deux sources de la morale et de la religion de la définir : il faut concevoir une intuition qui permettrait de faire l’expérience de ce qui est au-delà de l’expérience elle-même. Cette intuition, qui reste dans le domaine du vraisemblable52, c’est l’intuition mystique. Elle s’attache à une expérience, dont le contenu est supra-empirique : elle met en présence de l’Absolu-Origine et non plus d’un absolu. L’intuition mystique, qui ne peut être que le fait d’individualités exceptionnelles coïncide partiellement avec l’Absolu. Comme toute intuition, elle saisit le réel sympathiquement et, dépassant la réalité actualisée qui peut être objet de science, elle ouvre à l’origine qui la constitue absolument. L’intuition mystique lève un premier faux-problème : le Dieu auquel elle accède n’est pas une construction intellectuelle, dont la substance et les attributs auraient été déterminés a priori de façon non contradictoire, mais une réalité donnée dans une expérience immédiate. Loin de la dénigrer, le philosophe doit plutôt prendre acte de son contenu.
26L’intuition mystique révèle, expérimentalement, la nature de Dieu. Et la nature de ce Dieu immédiatement saisi, c’est l’amour. « Dieu est amour, et il est objet d’amour : tout l’apport du mysticisme est là53. » Que peut faire la philosophie du contenu d’une telle expérience qui semble avant tout religieuse ?
27À première vue, le contenu de l’expérience mystique paraît « [compléter] naturellement »54 les réflexions cosmologiques de L’Évolution créatrice. L’amour, dans la philosophie bergsonienne, dit la nature de Dieu ; cet amour divin, fait relationnel, désigne une exigence de création55 capable de s’actualiser d’elle-même.
28Un deuxième faux-problème se lève. L’amour est le nom de la création divine : quand Dieu crée, ou pour le dire dans le vocabulaire de L’Évolution créatrice, quand la supraconscience s’inverse, elle ne dévoile pas un travail du négatif, mais une pleine puissance positive de création. L’inversion de la supraconscience n’est pas le reflet d’une négativité interne, mais un acte positif de création, révélant la dimension relationnelle de tout acte amoureux. C’est là le paradoxe de l’inversion : elle a le sens d’une limitation, puisque la supraconscience, Dieu, actualise une de ses multiples virtualités, mais elle se présente aussi comme un acte pleinement positif et libre. L’inversion ne résulte pas d’un contact avec une matière externe mais est, en un sens, une « auto-actualisation ». Dans l’intuition mystique, la limitation de l’Absolu est la manifestation d’une puissance indéfinie de création, d’amour. C’est la raison pour laquelle, la matière, aussi décevante et réfractaire soit-elle, ne dégrade rien : « Une énergie créatrice qui serait amour, et qui voudrait tirer d’elle-même des êtres dignes d’être aimés, pourrait semer ainsi des mondes dont la matérialité, en tant qu’opposée à la spiritualité divine, exprimerait simplement la distinction entre ce qui est créé et ce qui crée »56. La matière serait le moyen que Dieu se donne pour laisser libre cours à son amour, en lui donnant un objet. Les créations de mondes seraient ainsi des actes libres57, par lesquels Dieu, en s’inversant librement, produirait des multiples vers lesquels peut tendre son élan. L’acte d’inversion, réinterprété à partir de l’intuition mystique, ne doit donc vraisemblablement pas être conçu comme l’effet d’une négativité interne au courant créateur, mais comme un acte positif d’amour, qui exige le fait de l’écart comme condition de la relation. L’intuition mystique autorise, en droit, chez Bergson, cette circulation entre L’Évolution créatrice et les Deux Sources.
29Ce dernier point soulève une troisième difficulté, liée à l’idée persistante, dans le texte bergsonien, d’une création absolue, idéale, soit quelque chose comme une pure exigence de création jamais contrariée par la matière. Cette création absolue, si elle ne vaut pas pour les réalités mondaines et intramondaines, vaut-elle pour Dieu ? Le contenu de l’intuition mystique renseigne sur ce point. La « pure activité créatrice », qui qualifie la supraconscience en 1907, désigne, dans un premier moment, un centre continu et infini de jaillissement, dont l’effort créateur ne s’arrête jamais : elle renvoie à la continuité indéfinie d’un effort. Il y a pureté, parce que la source ne tarit pas. En un second moment, cette désignation de la supraconscience se rapporte au problème de l’absolue liberté de l’acte d’inversion, créateur de matière et de mondes. Ce qui implique l’hypothèse suivante : il y aurait des degrés de libertés58 et la liberté divine serait absolue, car sa création serait inconditionnée ; elle se ferait indépendamment de toute limitation externe par une matière. C’est en ce sens que la supraconscience peut être dite pure activité créatrice. La création divine est libre, non pas en ce qu’elle peut refuser l’acte d’inversion qui la constitue en propre comme amour, mais en ce que l’acte d’inversion s’effectue de façon inconditionnée. La supraconscience crée une matière, en ce sens elle se limite. Mais cette limitation est libre en ce que rien ne la conditionne. Les réalités créées par l’élan vital possèdent un degré de liberté inférieur à Dieu car l’élan a été donné solidairement avec la matière et ce qu’il crée, il le fait à travers elle. Ses créations restent conditionnées à une matière plus ou moins réfractaire. L’expression « pure activité créatrice », dans ce cadre, ne désigne pas nécessairement une création vitale qui pourrait se faire sans matière, elle rend plutôt raison de la genèse idéale de la matière. Dieu, centre de jaillissement, s’inverse librement pour créer des créateurs capables d’aimer à leur tour.
30L’émergence de la question de Dieu dans l’économie de la philosophie bergsonienne ne participe pas à l’élaboration d’une théologie, non plus rationnelle mais intuitive, dont il faudrait opérer la critique. Elle éclaire le mouvement d’autocréation de la réalité en précisant sa raison d’être et sa destination. Ce Dieu, distinct de ce qu’il crée – ce qui est la condition pour que son amour ait un objet – est un Dieu qui ne se cache pas et qu’il est possible d’intuitionner en étant attentif au mouvement de la vie ou au rythme du cosmos dans lequel baignent les hommes. Le Dieu de la création est présent et ne s’est pas voulu caché.
31La question de Dieu rencontre, au cœur de la cosmologie bergsonienne, l’élaboration de l’anthropologie. La poser, c’est en effet chercher à savoir d’où vient et où va59 la vie, en vertu de l’unité d’impulsion qui la caractérise, et non en vertu d’un plan donné à l’avance. La « fin » de la création, c’est la création elle-même, à savoir cette capacité pour un acte créateur à se prolonger indéfiniment en actes de créations. On comprend alors les « déchets »60 de la nature : chaque être créé est une tentative plus ou moins réussie pour prolonger indéfiniment un mouvement originel. Ce mouvement ne suit pas un plan, mais une impulsion première : s’il y a une harmonie de la nature, elle n’est pas en avant, mais en arrière61 comme unité d’impulsion, vis a tergo62. D’où les hésitations, les reculs, les piétinements, mais aussi les réussites qui forment chaque monde : la création divine n’est pas parfaite. Et Dieu lui-même, au vu de ce que révèle l’intuition mystique, ne semble revendiquer aucune perfection. Ainsi, les planètes, relativement à la texture matérielle qui est la leur, sont toutes constituées d’êtres qui poursuivent plus ou moins heureusement l’impulsion première. Il existe, au sein de chaque monde, des différences de nature entre les êtres qui rendent compte de leur puissance à prolonger l’exigence de création qui les a appelés à la vie. Sur la terre, c’est l’homme qui semble le mieux répondre à cette exigence. Le mouvement de création est à la fois ce par quoi il est raccordé aux autres êtres, mais aussi ce par quoi il s’en distingue.
Transcendance et humanité
32La question de Dieu devient celle de l’homme, chez Bergson, non pas par un effet de retournement qui impliquerait sa dégradation : la réalité concrète humaine n’est pas transposée au profit d’une existence illusoire, comme dans les réflexions sur la religion de Feuerbach. À travers l’intuition mystique de Dieu, l’homme prend conscience, pour Bergson, que sa destinée est celle d’un accroissement spirituel effectif.
33Si la question de Dieu ouvre la voie à une réflexion sur l’humanité, elle brouille toutefois l’assise du projet de la métaphysique de la création – ce qui invite à questionner le statut de cette continuité « naturelle63» entre les Deux Sources et L’Évolution créatrice. Très spontanément, on peut considérer, comme cela vient d’être fait, que l’intuition mystique de Dieu vient compléter la cosmologie du livre de 1907, en rendant raison de l’origine absolue de la création et de son libre mouvement d’inversion. Grâce à l’intuition mystique dévoilée en 1932, la cosmologie bergsonienne viendrait se couronner d’un principe, qui, enfin, expliquerait tout ! Toutefois, le sens de cette continuité peut être interprété moins dogmatiquement.
34En posant un centre de jaillissement absolu, à l’origine d’une création de matière et de vie, distinct64 de ses actualisations, une philosophie de la transcendance ressurgit : les processus de créations ne sont pas pensés en eux-mêmes, mais à partir d’un Absolu extérieur à eux et dont ils dépendent. La création vitale n’est pas sans sujet. Au contraire, elle serait le fait du sujet le plus imposant qui soit : Dieu !
35Faudra-t-il alors dire, comme l’ont fait certains65 déjà, que la métaphysique bergsonienne de la création recouvre en fait deux métaphysiques ?
36Il y aurait, d’un côté, une métaphysique de l’immanence cherchant à penser le mouvement d’autocréation de la vie tel qu’il se fait. Et, de l’autre, une métaphysique de la transcendance, remontant de la nature vers Dieu, et prenant la forme traditionnelle d’une onto-théologie. Dieu deviendrait le fondement de l’édifice métaphysique, assignant une raison d’être à chaque entité du monde qu’il gouverne. Dans cette deuxième métaphysique, la vie serait pensée à partir de ce qui est extérieur à elle et romprait avec le dispositif théorique visant à en décrire les opérations immanentes.
37Cette tension, qui n’est pas indépassable, recouvre en fait deux problèmes précis. Elle questionne, dans un premier temps, la nature du lien entre L’Évolution créatrice et Les Deux sources de la morale et de la religion. Problème que met en avant Bergson, dans un entretien avec Jacques Chevalier du 7 décembre 1932 :
s’il n’y avait rien de plus dans mes Deux Sources que dans L’Évolution créatrice, si ce que je dis dans mon dernier livre était simplement déduit du précédent, comment expliquer que j’aie mis vingt-cinq ans à le trouver ? Je n’aurais eu qu’à l’écrire en 1907. En réalité, ma découverte ultérieure de Dieu n’a pas aboli, mais complété, mes précédentes découvertes, en les transposant à un plan supérieur66.
38Une méthode de lecture est suggérée : le livre de 1932 part des découvertes de 1907 et les tient pour acquises. Cependant, elles ne sont pas convoquées pour répondre au même problème. La tension décelée entre deux métaphysiques antagonistes au cœur de la philosophie bergsonienne pourrait ainsi procéder d’une confusion entre deux plans de réflexions qui, en fait, doivent être distingués.
39Dans un deuxième temps, cette tension pose les problèmes du statut de l’expérience du mystique et de l’intuition mystique au sein des Deux Sources, ainsi que du rôle qu’elles jouent au cœur de la cosmologie bergsonienne.
40Commençons par ce deuxième point qui permettra de répondre au premier. Dans les Deux Sources, la mystique doit être considérée doublement, comme méthode intuitive et comme l’expérience d’une personne.
41La définition d’une méthode mystique, comme « auxiliaire puissant de la recherche philosophique »67, est une des nouveautés des Deux Sources, comme le montre une lettre de Bergson à Jacques Chevalier du 2 mars 193268. Ce nouveau « procédé de recherche philosophique » survient une vingtaine d’années après la détermination de l’intuition adossée au raisonnement comme méthode philosophique en 1903 ; il possède une portée et une valeur philosophiques qui doivent être distinguées de la première. La méthode mystique rend possible une intuition plus contractée que cette première intuition adossée à la science. Partant d’une expérience humaine, sa tâche serait d’atteindre ce qui dépasse toute expérience humaine effective, et de rejoindre, en un sens, l’origine absolue de l’univers, des mondes et de la vie. Dans une lettre à Blaise Romeyer du 24 mars 1933, Bergson précise la nature de cette nouvelle intuition plus contractée : la mystique est en fait une « méthode philosophique » qui doit permettre à la philosophie d’« aller plus loin » que les simples résultats qu’elle peut obtenir « avec l’expérience aidée du raisonnement », et favoriser considérablement la réduction de l’intervalle entre philosophie et théologie69.
42Cette définition de la méthode mystique soulève néanmoins des interrogations. D’abord, en entraînant la philosophie sur le chemin de la théologie, sans l’y identifier70, l’expérience mystique révèle sa nature paradoxale : elle est cette expérience – effectuée dans un ici et un maintenant – qui permet d’intuitionner un au-delà de l’expérience. La philosophie se distingue ainsi de la théologie, en ce qu’elle reste expérimentale et suppose une coïncidence entre deux types d’intuition, dont l’une intensifie les découvertes de l’autre ; elle ne requiert pas l’adhésion à une révélation ou un acte de foi. Mais elle s’en rapproche en essayant de mettre en place une méthode pour déceler la nature de l’origine première de toute chose (ce qui n’était pas son objet en 1907) en questionnant l’expérience d’union au cœur d’une foi vivante.
43Ensuite, on peut alors se demander dans quelle mesure cette nouvelle intuition, qui prétend avoir une valeur expérimentale, n’appelle pas, en fait, à sortir tout simplement de la philosophie. Opérer le dépassement de la métaphysique positive grâce à la mystique est-ce produire une métaphysique « plus contractée », ou tout simplement se préparer à sortir de la philosophie, pour s’ouvrir à une expérience religieuse ? Si l’intuition, en 1903, pouvait prétendre s’inscrire dans l’ordre de la certitude en ce qu’elle impliquait une confrontation serrée avec les travaux scientifiques, ces derniers touchant la réalité dans ce qu’elle a d’absolu, la validité épistémologique d’une méthode construite à partir de l’expérience mystique peut être soupçonnée, d’autant plus que chaque expérience mystique apparaît singulière, exceptionnelle et de ce fait, non universalisable. En ce sens, en se détachant d’une confrontation avec les sciences positives, la philosophie semble appeler son dépassement dans une expérience religieuse, qui ne nécessite ni sa conceptualité, ni son discours. Pour sortir de ce problème, il faudrait que la philosophie exhibe les normes qui valident scientifiquement cette nouvelle méthode et qu’elle montre ce qu’apporte spécifiquement, du point de vue des résultats positifs cette fois, son discours par rapport au discours théologique.
44Bergson, dans Les Deux Sources répond très explicitement au problème de la validité scientifique d’une méthode fondée sur l’expérience mystique. D’abord, la mystique est envisagée dans sa pureté, indépendamment des traditions théologiques particulières dans lesquelles elle s’insère, qui n’ont qu’une valeur formelle71 et qui exigent l’adhésion à une foi particularisée dans le langage d’une culture. Ensuite, la validité épistémologique de l’expérience mystique, personnelle, est assurée par un travail d’enquête72 consistant à recouper les faits, à analyser les discours, à les confronter entre eux, pour en déterminer l’authenticité, le sérieux et voir ce qu’ils ont de commun dans leur caractérisation de la nature de Dieu. Par le truchement d’une expérience mystique, qui a été examinée, la philosophie peut prétendre dire quelque chose du divin. Et enfin, Bergson le rappelle : le voyage qu’effectue le mystique en fait, est ouvert, en droit, au commun des hommes73. Le travail philosophique ne consiste pas à embrasser la voie mystique jusqu’au bout, mais à effectuer « au moins une partie du trajet », c’est-à-dire à examiner empiriquement, sans en préjuger la teneur, les contenus de son expérience. C’est sous ces conditions que la mystique peut devenir un procédé de recherche en philosophie, fournissant l’expérience humaine d’un dépassement des limites de cette même expérience.
45Cette expérience de dépassement a un contenu précis, dont il faut noter l’importance. Après des hésitations74, dans Les Deux Sources, l’expérience mystique affirme, clairement, l’écart entre Dieu et la nature, c’est-à-dire la transcendance du divin. Le mystique ne fusionne pas totalement avec Dieu, mais coïncide partiellement75 avec lui. La personne du mystique ne se fait pas Dieu agissant sous le mode de l’insertion de l’infini dans les limites d’un corps fini. L’âme du mystique « se laisse pénétrer sans que sa personnalité s’y absorbe, par un être qui peut immensément plus qu’elle comme le fer par le feu qui le rougit76 ».
46L’affirmation de cette transcendance77 de Dieu constitue une des certitudes du livre de 1932, comme l’écrit Bergson lui-même à Henri Gouhier : « Une seule chose me paraît certaine, c’est que Dieu doit être dit transcendant au monde, puisque Dieu, tel que le mystique l’aperçoit, pourrait se passer du monde, tandis que le monde, si le mysticisme a raison, ne peut se passer de Dieu. L’élan vital dérive donc de Dieu : il constitue, avec la matière qu’on pose dès qu’on le pose lui-même, “cette machine à faire des dieux” qu’est l’univers78. » Cette lettre clarifie la question de Dieu (même si l’idée, énoncée au conditionnel, selon laquelle un Dieu qui est amour puisse se passer de monde, apparaît opaque) : la distinction entre Dieu et la nature est nettement affirmée.
47Le hiatus entre deux métaphysiques distinctes persiste réellement. Cependant, dans l’économie des Deux Sources, ce hiatus n’est pas le résultat d’une recherche obsessionnelle de fondement qui hanterait, de part en part, la philosophie bergsonienne. L’affirmation de la transcendance ne s’interprète pas nécessairement comme ce qui viendrait compléter une cosmologie, en la couronnant d’un principe. L’écart Dieu/nature permet plutôt d’affirmer philosophiquement et non théologiquement la destination de l’homme.
48La méthode mystique et l’affirmation de la transcendance divine n’ont pas pour fonction de donner une raison à la cosmologie de 1907 et de parachever un système. Elles sont avant tout mobilisées pour répondre à un double problème anthropologique et moral79. Ce à quoi il importe d’être attentif, quand on lit les Deux Sources, c’est à ce lieu à partir duquel est affirmée et posée la transcendance divine. L’affirmation de la transcendance divine n’est pas le fait d’une spéculation philosophique intellectualiste qui mettrait aussitôt à mal la pensée de l’immanence créatrice. Il faut la saisir à partir du lieu où elle est intuitionnée : c’est-à-dire au cœur d’une expérience de ce monde, effectuée par une personne, qui présentifie singulièrement son humanité en coïncidant avec Dieu. L’intuition d’une transcendance est donnée, révélée au cœur d’une expérience vécue, humaine et singulière, qui pousse la personne qui coïncide avec Dieu à agir pour l’humanité toute entière, au-delà de certaines logiques, liées à la conservation de la vie, imposées par les déterminations spécifiques naturelles. Pour être plus précis, on peut dire que l’intuition de la transcendance divine révèle avant tout une expérience humaine effective de dépassement.
49Le sens de l’affirmation de la transcendance divine n’est donc pas cosmologique ; il est anthropologique et moral. Il montre que les individualités humaines sont capables de dépasser les limitations de l’espèce et d’agir au nom d’un amour universel dont l’élan leur est communiqué par le Dieu avec lequel elles coïncident. L’irruption d’une philosophie de la transcendance divine est l’effet d’une intuition singulièrement humaine, à partir de laquelle s’affirme véritablement la signification de l’homme pour la vie créatrice. L’expérience mystique est cette expérience concrète qui montre qu’un rebond de l’élan vital s’effectue au cœur de l’espèce : sur une ligne d’évolution, l’élan vital peut à nouveau s’actualiser en créant des individualités qui contrecarrent leur spécificité en la dépassant.
50L’ouvrage de 1932 ne défait pas le projet d’une métaphysique de l’immanence tel qu’il s’énonce en 1907, mais il se positionne doublement par rapport à ses résultats. D’abord, il se place à la limite de la philosophie, en venant spécifier d’une manière qui n’est que vraisemblable le mouvement d’inversion d’une supraconscience comme acte positif d’amour. Cette spécification est permise sans apparaître outrée car le contenu de l’intuition mystique n’est pas incompatible avec ce que l’intuition confrontée aux travaux scientifiques dans L’Évolution créatrice montre de la vie. C’est d’ailleurs aussi pour cela que l’expérience mystique pourra être prise au sérieux et posséder un sens pour l’évolution créatrice.
51Ensuite, si la réflexion des Deux Sources présuppose la cosmologie créatrice de L’Évolution créatrice, elle a avant tout pour objet l’analyse de l’expérience d’une personnalité singulière : celle de la personne mystique. Avec la question de Dieu, reconnu comme transcendance à l’intérieur d’une expérience singulière de dépassement de soi, se joue de manière très précise, la constitution de l’anthropologie bergsonienne autour du concept de création. La question de Dieu n’est pas appelée artificiellement pour assurer, de force, la cohérence de l’édifice cosmologique. Certes, elle est suscitée par l’acte même de coïncidence avec l’effort créateur de la vie, ce qui est simplement suggéré en 1907 ; mais, dans le livre de 1932, elle est affirmée au cœur d’une expérience mystique dont elle reste tributaire. L’affirmation de la transcendance divine se donne au cœur d’une expérience humaine. Et ce qui importe à la philosophie, c’est précisément ce que cette expérience dit de l’homme. Le mystique, en orientant son regard et ses actions vers la transcendance, est l’attestation empirique de cette aptitude pour l’homme à dépasser sa propre nature80 : il est capable de se détacher de ses limitations spécifiques pour se tourner vers ce qui le transcende et, ayant infiniment dépassé sa condition, d’œuvrer à « une transformation radicale »81 de l’humanité. C’est en ce sens que « l’expérience mystique prolonge celle qui a conduit à l’élan vital »82 : l’homme doit effectivement être tenu pour cette espèce capable de continuer l’acte de création vital. Très concrètement, l’expérience mystique décrit un fait : à travers une expérience de dépassement de soi, des individualités peuvent briser les limites qu’une nature, concentrée sur l’entretien et la conservation de la vie, impose à l’espèce. Le mystique, en se tournant vers Dieu et en renouant avec cet élan d’amour créateur de vie et d’humanité, est capable d’apercevoir dans une vue simple, l’humanité toute entière et de l’appeler à une transformation morale qui la sort de certaines modalités vitales liées à sa spécificité.
52L’enjeu direct de l’intuition mystique n’est pas de venir couronner une cosmologie, produit d’une entreprise philosophique modeste, même si elle en prolonge les orientations de manière non contradictoire en ouvrant le problème de l’origine. Car, l’affirmation de la transcendance divine qui est le contenu d’une expérience humaine singulière est proprement ce à partir de quoi, au cœur même de la cosmologie bergsonienne et sans en sortir, le rebond de l’élan vital au sein de l’espèce humaine s’atteste de manière effective. Si Les Deux Sources complète effectivement la cosmologie bergsonienne, c’est en montrant que sur la planète Terre, où la matière est particulièrement réfractaire, il existe au sein d’une espèce des individualités capables de réactualiser l’impulsion créatrice originelle. Mais Les Deux Sources accompagne L’Évolution créatrice sans le continuer « nécessairement » : le livre de 1907 montrait déjà que l’humanité était créatrice. Ce qu’apporte l’ouvrage de 1932, c’est que cet élan de création prend clairement corps, dans l’espèce humaine, au sein de nouvelles actualisations. Ces actualisations ont la forme d’un dépassement de soi, d’une sortie des limites assignées à l’homme par sa spécificité. Elles ont en retour des effets sur la vie des collectivités humaines constituées, ce qu’il faudra montrer. Il y a ainsi deux niveaux de création chez l’homme, intraspécifique et extraspécifique. Telle est la double découverte, métaphysique et morale, portée philosophiquement par le livre de 1932, au cœur d’une expérience humaine qui affirme ici et maintenant la puissance d’une espèce à se recréer.
Notes de bas de page
1 EC, p. 192.
2 Ibid., p. 193.
3 Ibid., p. 193 : Le travail collectif que requiert la constitution d’une telle cosmologie « consistera dans un échange d’impression qui, se corrigeant entre elles et se superposant aussi les unes aux autres, finiront par dilater en nous l’humanité et par obtenir qu’elle se transcende elle-même ».
4 Pierre Montebello, op. cit., p. 11.
5 Ibid., p. 11.
6 Les analyses du jugement existentiel de la forme « A n’existe pas » et du jugement attributif qui pose A comme inexistant, permettent d’établir le lien entre l’idée de néant et celle de possible. La critique de la catégorie modale de possible commence déjà à l’intérieur de la déconstruction de l’idée de néant, comprise comme « pseudo-idée » dans le chapitre IV de L’Évolution créatrice.
7 PR, p. 111.
8 VR, p. 249.
9 IM, p. 188.
10 EC, p. 191-192.
11 La question de Dieu, prise en elle-même, ne fait l’objet que d’une occurrence, à la page 209 de l’ouvrage.
12 EC, p. 248.
13 Ibid., p. 246.
14 Ibid., p. 256.
15 Ibid., p. 246.
16 Maurice Merleau-Ponty, op. cit., p. 91-92.
17 Maurice Merleau-Ponty, op. cit., p. 93.
18 Merleau-Ponty, op. cit., p. 94. On pensera, par ailleurs, à ce propos rapporté par Isaac Benrubi : « [Bergson] ne croit pas avoir subi l’influence de Schelling ; la ressemblance s’expliquerait plutôt par l’influence qu’ils subirent tous deux du néoplatonisme » (Isaac Benrubi, Souvenirs sur Henri Bergson, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1942, p. 18).
19 Elle dégénère, pour Merleau-Ponty, parce que la vie est d’abord décrite comme « principe fini et aveugle » puis devient insidieusement un « principe indivis poursuivant un but » (op. cit., p. 89).
20 DS, p. 272-273.
21 EC, p. 256.
22 Les concepts intensifs de tension et de détente sont accompagnés d’images dans la philosophie de Bergson : montée et descente (EC, p. 11, 269), élévation et retombée (EC, p. 248), ou encore les verbes faire et défaire (EC, p. 246).
23 E, p. 132.
24 Cette analyse des différents sens de la notion de tendance a été menée par Matthias Vollet avec le concours d’Arnaud François dans sa présentation du cours sur le De originatione radicali rerum de Leibniz, dans le tome III des Annales Bergsoniennes, p. 28-29. Il montre que le premier usage de la notion de tendance chez Bergson, s’il est fait avec certaines précautions, est lié à sa refondation du problème de la liberté, contre une conception de la liberté comme contingence, c’est-à-dire comme choix parmi des possibles.
25 Cette dimension métaphysique de la notion est tout de même déjà présente une fois, dans Matière et Mémoire, où la tendance désigne cette orientation interne de la vie visant à découper l’univers (MM p. 221). La tendance caractérise ce mouvement naissant, cette poussée interne à la réalité, l’entraînant à la différenciation.
26 IM, p. 211.
27 EC, p. 13.
28 Ibid., p. 119.
29 Ibid., p. 259.
30 Ibid., p. 101.
31 Ibid., p. 100.
32 Ibid., p. 259 : les termes « impulsion » et « élan » sont pensés comme synonymes dans ce passage de L’Évolution créatrice.
33 Ibid., p. 10 : « ... la matière a une tendance à constituer des systèmes isolables, qui se puissent traiter géométriquement. C’est même par cette tendance que nous la définirons. Mais ce n’est qu’une tendance. La matière ne va pas jusqu’au bout, et l’isolement n’est jamais complet. »
34 C’est dans ce sens qu’on peut envisager un dualisme de tendances chez Bergson, recoupant les directions inverses de la vie et de la matérialité (voir Jankélévitch, in Henri Bergson, op. cit., p. 174).
35 Vladimir Jankélévitch, Henri Bergson, op. cit., p. 174.
36 EC, p. 250 : « De ces deux courants, le second contrarie le premier, mais le premier obtient tout de même quelque chose du second… ».
37 Merleau-Ponty, op. cit., p. 91.
38 EC, p. 187 : « ... la matière envisagée comme un tout indivisé, doit être un flux plutôt qu’une chose » ; p. 250 : « ... la matière qui forme un monde étant un flux indivisé… ».
39 IM, p. 210 ; MM, p. 248-249.
40 MM, p. 256.
41 E, p. 147, p. 149.
42 EC, p. 105.
43 Ibid., p. 209.
44 De nombreux commentateurs ont soulevé la difficulté relative à la caractérisation du rêve et de la matière entre Matière et Mémoire et L’Évolution créatrice : dans Matière et Mémoire, le rêve en tant qu’il nous plonge dans notre passé est immersion dans la vie spirituelle. Dans L’Évolution créatrice, il renvoie à l’abandon dans la matérialité. Sur cette difficulté, voir Canguilhem, Commentaire au chapitre III de l’Évolution créatrice (1943), (présenté par Giuseppe Bianco, in Les Annales Bergsoniennes, t 3., Paris, PUF, coll. « Epiméthée », 2007), p. 144-145.
45 EC, p. 105.
46 EC, p. 265.
47 Ibid., p. 241.
48 Voir sur ce point l’article d’Anthony Feneuil qui met en lumière le problème de ce Dieu présent dans L’Évolution créatrice. Anthony Feneuil, « Le Dieu de L’Évolution créatrice est-il un Dieu des philosophes ? », in Annales bergsoniennes, t. 4, Fagot-Largeault Anne et Worms Frédéric (ed.), Paris, PUF, coll. « Epiméthée », 2008, p. 309-319.
49 DS, p. 256.
50 Ibid., p. 256.
51 Ibid., p. 272 : « Nous dépassons ainsi, sans doute, les conclusions de L’Évolution créatrice. Nous avions voulu rester aussi près que possible des faits. Nous ne disions rien qui ne pût être confirmé un jour par la biologie. En attendant cette confirmation, nous avions des résultats que la méthode philosophique, telle que nous l’entendons, nous autorisait à tenir pour vrai. Ici, nous ne sommes plus que dans le domaine du vraisemblable. »
52 Ibid., p. 272.
53 Ibid., p. 267.
54 Ibid., p. 272.
55 Ibid., p. 273.
56 Ibid., p. 272.
57 EC, p. 248.
58 Sur ce point, voir Léon Husson, « Les aspects méconnus de la liberté bergsonienne », in Les Études bergsoniennes, vol. IV, Paris, Albin Michel, 1956, p. 157-201.
59 DS, p. 274.
60 EC, p. 267 ; DS, p. 273.
61 EC, p. 51.
62 Ibid., p. 104.
63 DS, p. 272.
64 Ibid., p. 273.
65 Sur ce point voir Claude Tresmontant, « Deux métaphysiques bergsoniennes ? », in Revue de métaphysique et de morale, Avril-Juin 1959, n° 2, p. 180-193, qui distingue, chez Bergson une métaphysique créatrice, positive, et une métaphysique de la chute, dont le modèle est néo-platonicien.
66 Jacques Chevalier, Entretiens avec Bergson, op. cit., p. 176.
67 DS, p. 266.
68 Lettre à Jacques Chevalier du 2 mars 1932, in C, p. 1365 : « ... je viens montrer aux philosophes qu’il existe une certaine expérience, dite mystique, à laquelle ils doivent, en tant que philosophes, faire appel, ou dont ils doivent tout au moins tenir compte. Si j’apporte, dans ces pages, quelque chose de nouveau, c’est cela : je tente d’introduire la mystique en philosophie comme procédé de recherche philosophique. »
69 Lettre à Blaise Romeyer du 24 mars 1933, in M, p. 1507.
70 Ce qui distingue la philosophie, chez Bergson, c’est qu’elle n’admet « d’autre source de vérité que l’expérience et le raisonnement », (C, p. 1365).
71 DS, p. 262.
72 Sur cette méthode, voir FV, p. 65.
73 DS, p. 260-261.
74 Sur ce point, voir l’article de Ghislain Waterlot « Le mysticisme, « un auxiliaire puissant de la recherche philosophique » ? » qui pose le problème du contenu de l’expérience mystique dans les Deux Sources (in Bergson et la religion – Nouvelles perspectives sur les Deux sources de la morale et de la religion, Ghislain Waterlot (dir.), Paris, PUF, 2008, p. 249-277).
75 DS, p. 233.
76 Ibid., p. 224.
77 L’affirmation de la transcendance de Dieu, dans le bergsonisme, reste très problématique pour J. de Tonquédec qui, malgré les clarifications de Bergson, persiste à voir une « rigoureuse continuité » entre Dieu et le monde. Voir J. de Tonquédec, « La conception bergsonienne de Dieu », in Bergson et nous, Actes du xe Congrès des sociétés de philosophie de langue française, Paris, 17-19 mai 1959, Paris, Armand Colin, 1959, p. 304.
78 Lettre de Bergson à Henri Gouhier du 9 juin 1932, in C, p. 1377.
79 Lettre de Bergson à Höffding du 15 mars 1915, in M, p. 1147 : « … je crois [le problème de Dieu] inséparable des problèmes moraux dans l’étude desquels je suis absorbé depuis plusieurs années. »
80 DS, p. 273.
81 Ibid., p. 250.
82 Ibid., p. 266, voir par ailleurs, p. 247-253.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Lucien Lévy-Bruhl
Entre philosophie et anthropologie. Contradiction et participation
Frédéric Keck
2008
Modernité et sécularisation
Hans Blumenberg, Karl Löwith, Carl Schmitt, Leo Strauss
Michaël Foessel, Jean-François Kervégan et Myriam Revault d’Allonnes (dir.)
2007
La crise de la substance et de la causalité
Des petits écarts cartésiens au grand écart occasionaliste
Véronique Le Ru
2004
La voie des idées ?
Le statut de la représentation XVIIe-XXe siècles
Kim Sang Ong-Van-Cung (dir.)
2006
Habermas et Foucault
Parcours croisés, confrontations critiques
Yves Cusset et Stéphane Haber (dir.)
2006
L’empirisme logique à la limite
Schlick, le langage et l’expérience
Jacques Bouveresse, Delphine Chapuis-Schmitz et Jean-Jacques Rosat (dir.)
2006