Introduction à la troisième partie
p. 163-164
Texte intégral
1À ce stade de notre parcours, nous avons à la fois campé les repères nécessaires à la connaissance de l’expérience issue de la traite transatlantique dans le Nouveau Monde, et mis en valeur la diversité des interprétations mobilisées pour qualifier une telle expérience. Avec cette dernière partie, il est question d’exposer l’interprétation qu’il apparaît pertinent de retenir pour comprendre les compositions tout à fait singulières que donnent à voir les cultures noires des Amériques, en particulier dans la Caraïbe. Nous avons entrevu cette interprétation à la fin du chapitre précédent avec l’idée d’une « communauté a-centrée », à savoir une construction sociale particulière qui serait constituée par un ensemble d’orientations collectives non hiérarchisées, une culture plurielle dépourvue de centralité dans la manière qu’elle a de signifier les appartenances.
2L’étape qu’il faut maintenant franchir est celle de l’argumentation de cette proposition, ou encore son exemplification. Cette dernière partie ne sera donc pas que théorique. Elle cherchera au contraire à rassembler des repères empiriques qui incitent à proposer cette conception particulière de l’identité collective. Pour construire l’argumentation, on abordera d’emblée ce qui pourrait venir la contredire, à savoir l’idée d’une communauté « centrée ». La diaspora noire peut effectivement être vue comme une diaspora classique dans la mesure où elle produit un registre de références organisées autour de la désignation d’une filiation d’origine et d’une d’idéologie de retour vers la terre ancestrale. On explorera donc d’abord ces deux piliers idéologiques que forment le nationalisme noir et le panafricanisme, et ce depuis les États-Unis où ils se sont développés. Que nous apprennent-ils sur la diaspora ? Faut-il les verser au compte du « tout hybride », et même finir par exclure certaines de ses composantes pour ne pas perdre la cohérence du modèle, comme le fait Gilroy (1993) ? L’orientation nationaliste est sans doute à prendre pour ce qu’elle est : une construction de l’identité qui fait appel aux modalités de la séparation (nous/eux) et qui recourt à l’irremplaçable ressource symbolique qu’est le territoire pour venir signifier ses limites distinctives. Mais pour être une réalité au sein de la diaspora, ce que la description de cette idéologie nous permettra de cerner sans ambiguïté, ce registre n’en est pas pour autant unique, ni même prépondérant. Il prend place au sein d’autres composantes qu’une deuxième étape nous aidera à aborder. Il s’agira alors de se tourner à nouveau vers la Caraïbe et de décrire, à travers divers exemples, les expressions de la « communauté a-centrée », de montrer comment le collectif se démultiplie et échappe de ce fait à une construction sociale chargée d’unifier le groupe ou de tenir l’unification comme acquise. Enfin, nous terminerons cette tentative d’articulation entre théories et expériences par un chapitre consacré au rastafarisme, philosophie politico-religieuse originaire de la Jamaïque, à travers lequel se trouve comme amplifiée cette dynamique qui déroge à la centralisation communautaire. Le rastafarisme vient, de surcroît, expliciter ce qui pourrait être présent plus inconsciemment dans les construits collectifs « démultipliés », à savoir une exigence de liberté traduite dans la neutralisation de l’ordre communautaire. Une exigence qu’il conviendrait de mettre en rapport avec une connaissance particulièrement aiguë des implications de l’exercice du pouvoir.
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La diaspora noire des Amériques
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La diaspora noire des Amériques
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