Avant-propos
p. 7-9
Texte intégral
1Cet ouvrage a pour origine un projet d’écriture que nous devions conduire à deux avec mon collègue Michel Bruneau, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), spécialiste de la diaspora grecque et des Grecs du Pont en particulier. Au tout début de cette entreprise, il était pourtant difficile d’envisager une approche comparative entre le monde noir des Amériques et les diasporas classiques. Le concept de diaspora qu’utilisaient la plupart des chercheurs francophones semblait alors complètement étranger à l’univers noir des Amériques et plus particulièrement aux sociétés antillaises sur lesquelles je travaillais. De nos échanges sur cette question a résulté un cheminement scientifique particulier. Pourquoi en effet ne pas « comparer l’incomparable » selon la formule heureuse de Marcel Detienne (2000) et ne pas s’exercer, entre autres, à voir comment les outils théoriques disponibles pour certaines expériences sociales conviennent ou non à d’autres ? Au même moment, je naviguais entre les espaces académiques anglophones et francophones et découvrais que la notion de « diaspora », pour être d’un accès quasi interdit aux populations noires côté francophone, servait au contraire, côté anglophone, à faire de ces mêmes populations un exemple archétypal de la dispersion communautaire, au même titre que les diasporas classiques, juive et arménienne notamment. Il y avait sur ce point de quoi encourager une démarche destinée à prendre ce fameux concept de diaspora comme le décrypteur de l’expérience noire des Amériques. Un décrypteur qui serait aussi attentif aux adéquations entre les théories et les manifestations du social, qu’aux règles qui commandent l’usage du concept, puisque celui-ci se révèle si sensible aux changements d’un lieu à l’autre.
2L’idée d’un ouvrage de comparaison entre les « diasporas » classiques et noire a fini par émerger comme la résultante de ces échanges. Sans doute ce projet était-il encore précoce. Nous n’avions peut-être pas suffisamment préparé le terrain d’une telle comparaison, notamment en ce qui concerne le monde noir des Amériques pour lequel il n’existait pas réellement de contribution, en langue française, conduite de manière systématique à partir de la notion de diaspora. Le présent ouvrage est donc issu de ce parcours. Il est comme l’étape préalable dont nous avions imparfaitement estimé l’importance pour atteindre l’objectif d’une étude comparée des peuples diasporiques, d’autant que le cas des peuples noirs dispersés aux Amériques, loin de faire le consensus autour de la notion, demandait encore à ce que soient exposés certains repères pour évaluer la pertinence du recours au concept de diaspora.
3Initialement prévu dans la collection « Savoirs et savoir-faire en géographie » dirigée par Denise Pumain au sein du GDR « Libergéo » avec Marie-Claire Robic, Christian Grataloup, Léna Sanders et Béatrice Collignon, l’ouvrage, dans sa forme définitive, et malgré la tournure très différente qu’il a prise, a quelque peu gardé l’esprit de ce premier cadre d’écriture auquel il devait correspondre lors du projet comparatif. C’est vrai en particulier pour l’intention de « grande synthèse » qu’il a conservée, avec la volonté d’élargir le cadre des connaissances au-delà d’un domaine de spécialisation qui reste néanmoins celui de la Caraïbe, et des Antilles françaises en particulier. Comme j’aurai l’occasion de le préciser en introduction, deux types d’écriture se superposent. La première, dans la continuité du projet initial, propose une vue générale du monde noir des Amériques fondée sur la connaissance des sociétés antillaises et se consacre à restituer les repères de base pour cerner l’expérience de la diaspora noire. La seconde intègre beaucoup plus une démarche interprétative pour proposer un point de vue appuyé sur un va-et-vient entre données empiriques et théories. Mais ce recours à une écriture pourtant plus familière de l’exposé scientifique s’opère, là encore, selon des règles qui veulent rendre le propos le plus accessible possible au risque de perdre en précision, ce qui se traduit notamment par l’absence systématique de recours aux notes de bas de page et par l’évitement, autant que faire se peut, d’un langage trop « spécialisé ». Autre héritage, moins visible, depuis le projet initial : celui qui s’inspire de la démarche comparative. Même si la comparaison n’apparaît pas ou peu dans cet ouvrage, il est indéniable que l’interprétation proposée comme argument principal est de beaucoup redevable aux échanges qui ont accompagné la réalisation de ce livre.
4Si cet avant-propos est l’occasion de localiser l’initiative de ce livre dans une démarche plus collective qu’il n’y paraît, il est aussi le moyen de remercier ceux sans qui je ne me serais sûrement pas engagée dans une telle entreprise, et en tout premier lieu, bien sûr, mon collègue Michel Bruneau. Les membres du groupe Libergéo ont aussi contribué à finaliser ce projet, notamment par leur écoute et leur perspicacité lorsqu’il a fallu prendre des décisions éditoriales importantes. Le groupe « Interroger les diasporas » constitué dans le cadre d’un appel d’offres ACI du ministère de la Recherche, a été un lieu d’apprentissage privilégié sur le thème des diasporas. Réunissant différents spécialistes (Chantal Bordes-Benayoun et Annie Bloch-Raymond sur la diaspora juive, Emmanuel Ma Mung sur la diaspora chinoise, Martine Hovanessian sur la diaspora arménienne, Georges Prévélakis et Michel Bruneau sur la diaspora grecque, Stéphane Dufoix, Marina Hily, Kamel Doraï…), ce groupe a été l’occasion d’une immersion régulière dans la réflexion sur les différentes expériences diasporiques, notamment au cours des séminaires internationaux qui nous ont permis de réunir d’éminents collègues étrangers comme Barry Chevannes, James Clifford, Robin Cohen, Harry Goulbourne, Robert Hill, Tiffany Patterson, Gabriel Sheffer, Khachig Tölölyan… Un merci chaleureux au complice de cette aventure, William Berthomière, avec qui a été codirigée cette ACI.
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La diaspora noire des Amériques
Expériences et théories à partir de la Caraïbe
Christine Chivallon
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