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Introduction

p. 9-16


Texte intégral

1Au cœur du xxe siècle, la réalité politique, sous la figure de l’événement totalitaire, vient assaillir la philosophie, impuissante à saisir cette nouvelle forme du mal, irréductible aux catégories théoriques traditionnelles.

2Le diagnostic ne se fait pas attendre : la crise est réelle, comme crise de la rationalité et comme crise du vivre-ensemble. Il devient impératif d’interroger la nature même du projet moderne, dans deux de ses dimensions essentielles : d’une part l’idéal de progrès sur lequel il prend appui, le progrès de la science et de la technique, mais plus encore le progrès moral, l’éducation à la majorité inhérente aux Lumières et fondatrice de la démocratie définie comme le seul régime convenant à un peuple rationnel ; d’autre part la conception moderne de la liberté et du bonheur, dont l’exercice et la recherche relèvent du domaine privé ; ils sont laissés aux individus par la politique et se fondent sur la dissociation entre État et société, entre les fins de la politique et les fins des individus, quand bien même ceux-ci tenteraient de les atteindre collectivement.

3Actuellement, le diagnostic de crise est si commun que nous pouvons légitimement nous demander si la crise, loin d’être le seul fait d’un événement totalitaire qui commence à dater, ne serait pas devenue la modalité même de l’existence de la politique au sein des démocraties libérales. Si en effet elles assurent leur pérennité au point de nous apparaître comme notre avenir indépassable, leur exercice relève tout aussi sûrement de l’incertitude et de la réinterrogation perpétuelle de leurs propres principes.

4Or plusieurs phénomènes problématiques contemporains contribuent à mettre en lumière, peut-être au titre de ses conséquences négatives, les représentations fondamentales du projet moderne. On constate une perte massive d’intérêt pour la politique, contre laquelle les armes manquent : c’est que précisément la politique apparaît spontanément séparée de ce domaine privé dans lequel l’individu espère atteindre ses objectifs propres. L’engagement se présente comme la seule manière d’exister en politique – d’y « entrer » –, et devient pour cette raison même l’objet de la plus grande suspicion. Beaucoup font le choix de rester en dehors de la politique, de ne pas s’y engager : c’est que pour eux la vie n’est pas politique par elle-même. Le pouvoir se donne d’emblée comme un ensemble de rapports de commandement et d’obéissance, dans lesquels la question centrale est de savoir qui le possède ou le détient. Elle est l’affaire des spécialistes ou des experts : les individus dépossédés de la puissance politique se résignent à cette dépossession parce qu’elle leur semble fondée sur une différence structurelle de savoir et de compétence. Mais la résignation ne met pas fin à l’insatisfaction : devant l’impuissance de l’homme fort en personne à assurer les conditions du bonheur de tous, on s’en remet à un cours de l’histoire, nécessaire et naturel, et qui échappe donc par définition à l’emprise des individus. Dans un tel cadre, les valeurs deviennent relatives : dans l’espace privé, ouvert à une infinité de fins possibles, devant le choix entre un engagement et un désengagement aussi impuissants l’un que l’autre, toutes les valeurs en fonction desquelles on pense et agit acquièrent une égale valeur.

5Chacun de ces phénomènes fait directement écho à un élément déterminant du projet moderne. La nécessité de l’engagement peut être rapportée à l’idée moderne d’une orientation de la pensée à l’activité : l’engagement est le fait du sujet agissant et pensant défini dans son autonomie rationnelle, mise en œuvre dans la délibération qui précède l’action et qui doit conduire à opérer le bon choix au sein d’alternatives proposées, voire imposées par la situation. La conception de la politique comme rapport commandement/obéissance est liée à l’organisation des États modernes sur le principe de la représentation et non de la participation. L’idée que la politique serait une affaire de calcul ou d’expertise est l’une des expressions de la rationalité moderne, qui fait face à une réalité en droit connaissable et maîtrisable. Le discours scientifique issu des sciences de la nature s’étend, dans les sciences humaines, à des domaines qui semblaient devoir lui échapper : la politique comme affaire d’experts signale la perte moderne d’intérêt pour la catégorie du probable au profit du principe de certitude. Si tout individu est susceptible d’établir ses propres fins, l’insatisfaction éprouvée peut alors faire office de critère suffisant pour faire la part entre la réussite et l’échec d’une politique. La croyance en une histoire qui échapperait totalement aux individus fait écho au concept spécifiquement moderne d’histoire et aux deux théories majeures qui en sont les expressions, la philosophie de l’Histoire et l’historicisme : si le sens et la direction des événements sont donnés dans un principe ou dans une réalité par définition extérieure aux individus, il ne reste plus qu’à attendre du cours même de l’histoire qu’elle énonce la vérité de l’action et de l’événement. Quant au relativisme des valeurs, il peut être lu comme une dérive du principe moderne d’autodétermination.

6Ainsi, si notre réalité actuelle n’est pas totalitaire, la crise majeure du xxe siècle est cependant susceptible d’éclairer la nôtre. Toute crise moderne semble en effet inviter le projet moderne à faire son autocritique. Encore faut-il la mettre en relation avec un autre phénomène, qui touche plus spécifiquement la pensée : les assauts subis par la philosophie du sein même de la rationalité. La domination du discours scientifique s’accompagne en effet d’une perte d’influence de la philosophie. Deux pistes critiques s’ouvrent alors : faut-il dire que la philosophie a échoué comme mode de pensée occidental ? Ou bien faut-il chercher au contraire une explication à la crise dans la perte de pouvoir du mode de pensée philosophique ? La première question, dans sa formulation même, risque de conduire au nihilisme : la remise en cause de la rationalité moderne peut impliquer une remise en cause de la raison elle-même. Quant à la seconde question, elle invite à prendre appui sur la philosophie antique ou classique pour interroger le projet moderne depuis une perspective qui reste philosophique et rationnelle.

7La philosophie est dans une position délicate, car la critique philosophique de la modernité n’est pas toujours apte à nous sortir de la crise de la rationalité, elle est même susceptible de nous y plonger : c’est ainsi que l’on peut interpréter l’importance cruciale, au sein de la communauté des penseurs, de l’« événement Heidegger », celui de la compromission du philosophe avec le mal politique. Il reste donc à opérer une critique philosophique de la modernité qui ne soit pas l’expression de la nostalgie d’un temps révolu de la philosophie, pour éviter de se maintenir dans la perspective historique imposée par la modernité et qui oblige à choisir entre des idéaux, qu’ils soient modernes ou classiques.

8Les expériences politiques et les concepts philosophiques de l’époque classique peuvent fournir dans ce cadre un appui solide pour une critique de la modernité. La cité athénienne peut être érigée en modèle d’une liberté politique fondée sur la participation effective à l’exercice du pouvoir, contre le principe moderne de la représentation. Quant à la philosophie grecque, celle de Platon et d’Aristote, elle permet de penser une véritable distinction entre des modes de vie, ceux du philosophe, du citoyen et de l’homme politique : la pensée, dans la mesure où elle répond à un ordre spécifique, ne s’y trouve pas soumise aux nécessités de l’action. La science et la philosophie, ensemble, pensent un ordre inhérent au réel : l’exercice de la raison, qui est un exercice réceptif, se fonde sur l’expérience de l’étonnement ; celle-ci, contrairement à l’expérience moderne du doute, inscrit l’homme dans un monde et ne peut donc produire le repli sur soi de l’individualisme moderne. Le domaine politique, essentiellement dans la philosophie aristotélicienne, se définit comme le domaine de la contingence ; la contingence comme mode d’être des affaires humaines conduit à orienter l’action en fonction du probable et non à la fonder sur le principe de certitude. Mais surtout, c’est le caractère naturel du lien politique et de l’existence philosophique qui se trouve affirmé chez Aristote : il existe une continuité entre la possession du logos et ses usages politiques et philosophiques. Or précisément, l’impuissance de l’homme moderne est liée à la discontinuité entre l’usage naturel et l’usage scientifique et technique du langage. L’idée classique de nature désigne ce que l’homme doit devenir, sa perfection propre, sa réalité la plus haute.

9Tous ces principes permettent donc d’envisager une réappropriation, par les citoyens et par les penseurs, de la capacité humaine à agir politiquement et à penser philosophiquement. La distinction entre les modes de vie ne s’apparente donc pas simplement à une séparation entre des compétences spécifiques.

10Plus fondamentalement, le concept classique de nature, en tant qu’il énonce les fins proprement humaines, semble offrir des outils pour lutter contre les dérives de l’autonomie rationnelle moderne. S’il n’y a pas d’équivalence entre toutes les fins que l’individu se fixe à lui-même, on peut échapper au relativisme des valeurs. Les fins naturelles de l’homme valent par elles-mêmes et ne peuvent donc pas être appelées des valeurs. De même, le bonheur ne peut pas être attendu de la réalisation d’un objectif quel qu’il soit : encore faut-il que la fin visée soit conforme à la nature humaine et à la nature du monde. Si les affaires humaines constituent l’ordre du contingent, elles n’obéissent donc pas à la nécessité : seule la reconnaissance de la nature de la réalité politique permettrait donc de sortir à la fois du fantasme de la maîtrise et du désespoir de l’impuissance. L’idée de liberté doit être appréhendée comme participation à l’existence collective – dans la politique – et comme participation à l’universel – dans la philosophie.

11Grâce à la philosophie et à l’expérience politiques des Grecs, il serait donc possible de redécouvrir les fins propres de l’homme, de penser l’existence d’un véritable domaine politique, de donner à la liberté son contenu, d’envisager le bonheur politique, de remettre en cause la séparation entre l’État et la société et de faire échapper la raison à la contrainte de l’engagement. Essentiellement, la pensée moderne du sujet peut être alors remise en question, pour que l’homme s’inscrive dans le monde, qu’il retrouve sa capacité à penser, et qu’il soit dès lors en mesure d’opérer la reconnaissance, en l’occurrence celle du mal politique. Cette reconnaissance suppose de déterminer ce que l’on peut légitimement attendre de la politique.

12La réactualisation de la querelle des Anciens et des Modernes s’impose alors comme une exigence. Leo Strauss et de Hannah Arendt semblent au premier abord incarner deux modalités différentes de cette réactualisation ainsi que du choix de l’ancien contre le moderne1. Strauss et Arendt ne s’aimaient pas, malgré les affinités que présentent leurs parcours respectifs : ils sont contemporains l’un de l’autre2, tous deux sont d’origine juive, ont passé la première partie de leur vie en Allemagne, ont été de grands admirateurs de Heidegger, ont fui le nazisme et ont trouvé dans les États-Unis une patrie qui leur a notamment laissé le loisir de mener leur existence intellectuelle. Pour tous les deux, le national-socialisme représente l’expérience politique majeure du siècle.

13Cependant, la différence radicale entre leurs préoccupations les plus explicites frappe tout autant. Leo Strauss apparaît en effet comme un herméneute de textes philosophiques. L’actualité, l’expérience, l’événement n’occupent pas une place centrale dans ses écrits. Son attention se porte davantage sur la vérité que sur l’événement, et c’est le conflit entre la foi et la raison qui occupe le cœur de sa pensée. L’essentiel de ses ouvrages est composé d’interprétations précises de philosophes classiques et modernes et, dans son travail, il est guidé par la redécouverte de textes oubliés. Arendt, à l’opposé, est souvent considérée comme une analyste politique. C’est ainsi qu’au milieu d’un ensemble de textes consacrés à l’actualité, Condition de l’homme moderne apparaît parfois comme un ouvrage décalé, plus philosophique.

14Mais ces approches sont toutes deux superficielles. La crise de la modernité pour Strauss est essentiellement une crise de la philosophie politique : « Je pense qu’il n’est pas exagéré de dire que, en général, la philosophie politique et même la philosophie en général a aujourd’hui perdu sa dignité et son statut. Quelqu’un peut aujourd’hui facilement dire que sa philosophie consiste à prendre deux œufs au petit déjeuner. Qu’est-il donc arrivé à la philosophie et en particulier à la philosophie politique3 ? » Le projet de Strauss consiste à redonner à la philosophie sa dignité, c’est-à-dire essentiellement à s’inspirer de son origine pour la comprendre à nouveau comme recherche de la vérité. Il faut retrouver la liberté de faire un usage authentique de sa raison. La philosophie politique n’est alors qu’une partie de la philosophie en général : c’est parce que le philosophe cherche à établir une connaissance de la nature des choses qu’il est amené, notamment, à s’intéresser aux affaires humaines et au domaine politique. La redécouverte de la philosophie a cependant des implications directement politiques puisqu’elle doit permettre de déterminer les fins de l’homme et donc de ne pas séparer l’existence humaine de la réalisation de la vertu, de la perfection ou de l’excellence. Le geste de Strauss consiste, à grands traits, à remonter, par une méthode généalogique, des modes de la modernité à leur origine : cette origine, la naissance du projet moderne, relevant d’une intention expresse de la raison, il devient possible de lui opposer une autre intention, l’intention de vérité et de morale, caractéristique de la philosophie classique, et qui doit guider également la connaissance de la politique. L’accès à la liberté passe donc par une reconnaissance de la nature de préjugés de nos manières de penser, et par l’usage de notre faculté de jugement.

15Le retour à la philosophie classique n’est donc pas nostalgique : le rapport affectif au temps est d’ailleurs seulement l’une des manifestations de la croyance moderne en l’histoire. Il s’agit de redonner aux concepts leur contenu, à rebours du mouvement de la modernité comme voilement des concepts. Le retour à la philosophie classique est un dépassement de l’histoire vers l’anhistorique, une redécouverte de la transcendance dont l’homme est par sa nature spécifiquement capable. La dignité de la philosophie réside dans sa supériorité naturelle vis-à-vis de toute réalité politique.

16Pour Arendt il n’est pas question de retrouver le sens de la transcendance : au contraire, c’est l’événement lui-même qu’il faut se rendre capable de penser. Notre impuissance devant l’événement totalitaire montre précisément la nécessité qu’il y a de rendre possible l’émergence du sens au sein même de la communauté humaine, ce que la recherche philosophique de la vérité tend à entraver. C’est pourquoi son intérêt pour les concepts et les expériences, notamment classiques, n’est pas guidé par la volonté de substituer d’autres principes rationnels à ceux de la modernité. Il faut se mettre à l’écoute de ce qu’ils disent de notre rapport au monde – et donc du sens pluriel que notre existence est susceptible d’avoir. L’expérience propre aux lendemains de la Résistance est l’expérience de la perte du « trésor de la liberté » : « La tragédie ne commença pas quand la libération du pays tout entier anéantit, presque automatiquement, les îlots cachés de liberté qui étaient condamnés de toute façon, mais quand il s’avéra qu’il n’y avait aucune conscience pour hériter et questionner, méditer et se souvenir. Le point central est que l’“achèvement” qu’assurément tout événement accompli doit avoir dans les consciences de ceux à qui il revient alors de raconter l’histoire et de transmettre son sens, leur échappa ; et sans cet achèvement de la pensée après l’acte, sans l’articulation accomplie par le souvenir, il ne restait tout simplement aucune histoire qui pût être racontée4. » Devant la Résistance, qui fait apparaître le trésor de la liberté, comme devant le totalitarisme, qui signale la possibilité que ce trésor disparaisse, la pensée doit abandonner sa position de surplomb, prolonger l’événement pour en faire exister le sens. La pensée doit donc faire de l’expérience de la liberté une expérience racontable, et de ce fait une possibilité permanente, sans vouloir maîtriser son apparition. Elle doit alors s’écarter de la recherche de la vérité, se situer à même le monde vécu, c’est-à-dire ne pas vouloir exister dans un rapport de transcendance au monde. La crise autorise une nouvelle modalité de la pensée, qu’Arendt nomme compréhension, qui a au fond toujours existé, mais masquée par les voiles de la théorisation. C’est la compréhension des expériences qui guide son analyse de la modernité comme son parcours des pensées du passé. Comprendre l’événement, c’est se rendre capable de saisir l’humanité comme condition et non comme nature : c’est donc sortir de la philosophie politique.

17Devant le constat de la perte moderne des repères, les deux auteurs sont donc en quête, naturellement, de nouveaux repères, c’est-à-dire d’une forme de permanence. Mais elle n’est pas du même ordre : c’est pourquoi la comparaison ne peut être qu’une confrontation.

18Derrière des démarches en apparence semblables, Strauss et Arendt n’accordent pas le même statut à la pensée, ni le même statut à la réalité politique. Il s’agit donc de tenter de déterminer laquelle de ces deux conceptions est la plus apte à penser la politique, à nous faire sortir de la crise et à penser les phénomènes du temps présent, étant entendu qu’il est nécessaire d’affronter le mal et de refuser le constat d’impuissance de la raison.

19En particulier, la nouveauté dans l’expérience n’est-elle qu’une illusion ? Peut-on vouloir chercher dans une manière de penser une solution à la crise ? Ou bien devrons-nous nous contenter de réponses ? En vertu de la distinction entre pensée et action, les deux auteurs se démarquent de l’injonction à l’engagement. Il faut prendre cette idée au sérieux : nous ne pourrons chercher chez eux des solutions directement applicables sans risquer de trahir leur pensée, comme le font ceux, nombreux, qui s’emparent de l’un ou l’autre pour confirmer leurs croyances. L’actualité de Leo Strauss et de Hannah Arendt doit être toute autre à nos yeux : le refus que la pensée soit engagée n’implique pas le refus de tout engagement, ni une vie dans le temps de l’éternité. Mais c’est en acceptant de penser l’homme que notre situation moderne a une chance d’être éclairée. En ce sens, des réponses ne représentent pas ce dont nous aurions à nous contenter, mais au contraire ce que l’esprit peut formuler de plus juste.

Notes de bas de page

1 Sur les appuis que l’on peut trouver chez les Anciens pour critiquer la modernité, et sur l’inscription de Strauss et d’Arendt dans cette perspective, voir l’article de Philippe RAYNAUD, « Anciens et Modernes », in Dictionnaire de philosophie politique, dir. Philippe RAYNAUD et Stéphane RIALS, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, p. 12-16.

2 Leo Strauss, 1899-1973 ; Hannah Arendt, 1906-1975.

3 Extrait de la conférence « La crise de la philosophie politique », prononcée en 1962, in Nihilisme et politique, trad. O. Sedeyn, Payot & Rivages, 2001, p. 113-114. Abrégé dorénavant NP.

4 La Crise de la culture. Huit exercices de pensée politique, trad. P. Lévy, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 1989, Préface, p. 15. Abrégé dorénavant CC.

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