Chapitre 9. Les liens en recherche et R & D entre la Chine et le Japon
p. 163-183
Texte intégral
Le contexte général
1Japon et Chine sont les deux principales économies d’Asie.
2Malgré leurs différends sur tel ou tel point de politique bilatérale (« la reconnaissance insuffisante par le Japon de ses responsabilités vis-à-vis de la Chine dans la Deuxième guerre mondiale », « les menaces chinoises sur Taiwan et son soutien au régime nord-coréen », « une zone territoriale contestée en mer de Chine du Nord »), ils forment tous deux un couple étroitement lié économiquement. La « Méditerranée » de l’Asie du Nord-Est – il faut y inclure le troisième riverain, la Corée-, est bien en train devenir l’une des principales régions d’échanges du monde.
Les indicateurs économiques
3Le Produit National Brut du Japon en 2006 s’est élevé à 4 988,2 milliards de dollars contre 2 263,8 milliards pour la Chine. Cette large avance japonaise est encore plus nette si l’on compare les PNB par habitant : 38 984 US$ pour le Japon et 1 736 pour la Chine. Mais la croissance du PNB est actuellement très forte en Chine où elle approche de la surchauffe, à plus de 10 %, alors qu’elle est plus limitée au Japon – même si 2006 marque une embellie – certaines années ayant été marquées, depuis 10 ans, par un taux négatif :
4En 2005, le nombre d’entreprises japonaises implantées en Chine était de 31 855, soit 6,3 % du total (508 491) des entreprises étrangères présentes en Chine.
5Ces entreprises ont payé au Trésor chinois, la même année, un montant d’environ six milliards de dollars, correspondant à près de 2 % des entrées fiscales du pays (292 milliards US$).
Les échanges commerciaux
6La Chine est devenue, à partir de 2002, le plus grand marché d’investissement pour les entreprises japonaises. Si le commerce entre les deux pays a plus que doublé en volume, il marque un net déficit constant de la part du Japon. La Chine exporte des produits de base, le Japon des produits de plus haute technicité.
7En 2005, la valeur du commerce sino-japonais (Hongkong inclus) s’élevait à 227 milliards de dollars, devançant celle du commerce avec les États-Unis (200 milliards US$).
8De son côté, la Chine n’a pas encore eu la possibilité d’investir au Japon comme elle l’a déjà fait en Europe (achat de Thomson par le fabriquant de télévision TCL Corp) ou en Amérique du Nord (achat de la division ordinateurs personnels de IBM par Lenovo)
Les investissements directs du Japon en Chine
9Le montant des IDE japonais en Chine s’élevait, en 2005, à 6,5 milliards de US$ (statistiques officielles japonaises), et ses investissements cumulés, quant à eux, atteignaient 47 milliards de dollars, plaçant le Japon au deuxième rang derrière les États-Unis (48 milliards). Ces investissements ont connu ces dernières années un accroissement annuel moyen de 45,3 %. Ils représentent 12,8 % du total des investissements du Japon.
Les échanges de personnes
10En 2004, pas moins de 780 000 Chinois ont visité le Japon et 3,39 millions de Japonais la Chine, soit 2,3 fois plus de mouvements de personnes au total qu’entre la Chine et les États-Unis.
11Selon les statistiques des ministères des deux pays, en 2005, le nombre de Japonais résidents en Chine (Hongkong inclus) avoisinait 100 000 personnes, soit environ 10 % des résidents de ce pays à l’étranger, et celui des Chinois au Japon près de 450000 personnes.
12Il existe 314 jumelages entre les deux pays (34 préfectures et municipalités ; 241 villes et 39 villages.
Les échanges d’étudiants entre les deux pays
Une riche histoire
13Le mouvement principal, depuis plus d’un siècle, s’effectue dans le sens Chine-Japon. Jusqu’aux années 1980, le flux inverse n’était pas significatif.
Les étudiants chinois au Japon
En 1896, le gouvernement impérial chinois envoie pour la première fois 13 boursiers étudier au Japon. Ainsi, 1 000 ans après le grand mouvement japonais d’emprunt à la civilisation chinoise, le balancier s’inversait. La Chine engluée dans un régime traditionnel, en bute aux appétits des puissances occidentales, incapable de changement, prend modèle sur le Japon qui a réalisé, depuis l’ère Meiji, la modernisation de ses institutions et de son économie. Il faudra même attendre 1905 pour que le vieux système d’examen des lettrés (fondé sur l’apprentissage des textes canoniques) soit supprimé.
Ce flux d’étudiants vers le Japon a connu en un siècle plusieurs périodes :
De 1896 à 1911
Le désir de connaissances modernes des jeunes chinois éduqués est immense, beaucoup d’entre eux choisissent d’aller se former dans ce Japon qui a réussi à acclimater les sciences et les techniques occidentales. Ce dernier favorise d’ailleurs ce mouvement en créant des écoles et des formations destinées à ces étudiants. Le Japon (hier, comme aujourd’hui) est plus près, moins cher, que les États-Unis ou l’Europe. De 13 en 1896, ils passent à plus de 200 en 1899, 1 000 en 1903, 7 à 8 mille en 1905-1906, puis le chiffre se tasse pour se stabiliser autour de 3/4 mille, résultat atteint en 1911. Les disciplines embrassées sont très larges, avec une nette prépondérance pour les études politiques, juridiques et militaires.
De 1912 à 1930
La lutte pour l’instauration de la République (1911) conduite par Sun Yat-sen tarit momentanément le courant des séjours d’étude au Japon. Il faut attendre 1913-1914 pour voir le nombre d’étudiants grossir à nouveau et s’afficher à 4 ou 5 mille. Ce chiffre élevé se maintiendra longuement avant de s’infléchir jusqu’à 3 000 en 1930. Nombre d’entre eux sont envoyés par le gouvernement du parti Guomindang pour des formations militaires ou en sciences politiques et juridiques. Après leur retour au pays, ces étudiants auront une influence considérable en raison de leur engagement général dans le mouvement de réformes socio politiques et culturelles.
De 1931 à 1945
L’agression japonaise sur la Chine en 1931, va entraîner une désaffection massive des étudiants chinois pour le Japon, l’essentiel s’engageant dans la résistance. Le courant reprend néanmoins à partir de 1933-1934 (plus d’un millier en moyenne par an) favorisé par le gouvernement nationaliste de l’époque, tandis que dans le même temps, l’envahisseur japonais en Mandchourie favorise les mobilités des étudiants chinois de la zone occupée vers le Japon (5/6 000 annuellement).
De 1946 à 1976
En raison de l’absence de relations entre les deux pays, aucun échange d’étudiants n’existe, sauf, à partir de 1952, entre Taiwan et le Japon (3 000 étudiants/an environ de 1952 à 1976)
Depuis 1977
Dès l’adoption d’une politique d’ouverture par Deng Xiao-ping en 1977, le gouvernement chinois reprend l’envoi au Japon de contingents d’étudiants dans les disciplines scientifiques, technologiques et agricoles : de 140 en 1979 ils passent à 960 en 1982. À noter que dès lors, le nombre d’étudiants menant des études à leurs propres frais s’accroît considérablement : de 121 en 81, ils sont 1 098 en 83, dépassant ainsi le nombre des boursiers gouvernementaux. En 1987 en raison d’un engouement fort pour les études à l’étranger, ils s’élèvent à 7 000 et atteignent le record de 20 000 en 1988.
Fort accroissement des échanges d’étudiants les deux dernières décennies
14La Chine occupait en 2006, selon une enquête de l’Unesco, le premier rang dans le monde pour le nombre d’étudiants suivant un cursus à l’étranger (14 % du total), juste devant l’Inde.
Les étudiants chinois au Japon
15En 2006, le Japon était le sixième pays dans le monde pour l’accueil d’étudiants étrangers (5 %), derrière les États-Unis (23 %), le Royaume-Uni (12 %), l’Allemagne (11 %), la France (10 %) et l’Australie (7 %) (Statistiques Unesco). Sur 120 000 étudiants étrangers menant des études au Japon, 90 000 étaient chinois (dont 10 000 boursiers du gouvernement japonais), alors qu’ils étaient 140 000 à avoir postulé pour venir étudier au Japon la même année. Le Japon a dû, pour faire face à cet afflux massif, renforcer la sévérité de ses conditions d’entrée.
16Seul un petit nombre d’étudiant, proche du millier, est engagé dans des formations doctorales. À noter que celle-ci sont de plus en plus courues, le diplôme du doctorat servant de sésame pour trouver un emploi au Japon.
17Les établissements supérieurs ont mis en place de nombreuses filières de formation adaptées à ce public qui est directement « démarché » par leurs bureaux de représentation en Chine.
Les étudiants japonais en Chine
18La Chine a reçu, de 1950 à 2005, un total d’étudiants s’élevant à 884 315.
19L’immense majorité ont étudié au sein de formations non diplômantes d’apprentissage de la langue ou de la culture chinoise (deuxième cycle universitaire) un nombre infime en troisième cycle (1,62 % en 2002), avec une place réduite dévolue aux sciences et techniques, et une exception, la médecine.
Les étudiants japonais en Chine
2005 | 2004 | 2003 | 2002 | 2001 | ||
Total étudiants étrangers | 141 087 | 110 844 | 77 715 | 85 829 | 61 869 | |
Dont | court terme | 37 375 | 34 358 | 13 259 | 25 328 | 20 643 |
long terme | 103 712 | 76 486 | 64 456 | 65 001 | 41 226 |
2000 | 1999 | 1998 | 1997 | 1996 | ||
Total étudiants étrangers | 52 150 | 44 711 | 43 084 | 43 712 | 41 211 | |
dont | court terme | 35 671 | 15 495 | 13 738 | / | / |
long terme | 16 479 | 29 216 | 29 346 | / | / |
Asie | 106 840 | 85 112 | 63 672 | 66 040 | 46 142 |
% | 75,73 | 76,8 | 81,93 | 76,94 | 74,58 |
Japon | 18 874 | 19 059 | 12 765 | 16 048 | 14 692 |
% | 13,37 | 17,19 | 16,42 | 18,70 | 23,74 |
Asie | 39 034 | 31 914 | 31 090 | 33 603 | 32 017 |
% | 74,85 | 71,38 | 72,16 | 76,87 | 77,69 |
Japon | 13 806 | 11 731 | 10 008 | 13 310 | 14 858 |
% | 26,47 | 26,23 | 23,23 | 30,45 | 36,05 |
Source : Ministère chinois de l’éducation.
Les échanges scientifiques dans le secteur public
Le cadre
20Le 12 août 1978, le Japon a signé une « Convention d’assistance » avec la Chine. « Inégalitaire » celle-ci a été remplacée, en mai 1980, par un « Accord cadre de coopération scientifique et technique » qui prévoit d’encourager, sur un pied d’égalité, la coopération entre les deux pays à travers des échanges de personnes, l’organisation de rencontres et de recherches en commun, accord constituant la base de la coopération entre les deux pays.
21Les échanges ont connu un essor important au cours des deux dernières décennies. Ils sont encadrés aujourd’hui, outre l’accord cadre, par de nombreuses conventions bilatérales de coopération dans le domaine de l’environnement, du nucléaire, du dialogue interinstitutionnel, etc.
22Ces échanges concernent essentiellement les sciences fondamentales, les sciences de la terre et de l’environnement et les Sciences sociales et humaines. Les coopérations entre les administrations techniques des deux pays se sont renforcées, en particulier dans le secteur de l’agriculture, de l’équipement, des télécommunications, des transports et des chemins de fer.
23La visite présidentielle au Japon du Président chinois Jiang Zemin, en novembre 1998, a été l’occasion d’imprimer une relance forte à ces échanges au travers d’une série d’accords marquants : « le Protocole pour le renforcement de la coopération dans le domaine des sciences et des procédés industriels », « le Communiqué conjoint pour la coopération dans le secteur de l’environnement pour faire face au xxie siècle ». Elle a également été l’occasion d’approuver une série de coopérations concrètes dans un grand nombre de disciplines et de thématiques.
24La visite du Premier Ministre Zhu Rongji au Japon, en octobre 2000, a permis la signature d’un accord sur des recherches conjointes en climatologie et environnement (vents de sable et poussières atmosphériques).
25Son successeur, Wen Jiabao, a participé, en octobre 2003, à un sommet tripartite avec le Premier Ministre japonais Junichiro Koizumi et le Président Coréen Roh Moo-hyun. Les trois pays sont convenus à cette occasion d’approfondir leur collaboration dans 9 secteurs : les droits de propriété intellectuelle, les technologies de l’information et de la communication, la protection de l’environnement, la prévention et de la protection en matière de catastrophes naturelles, le nucléaire, la préservation des ressources halieutiques, et enfin, en matière de recherche scientifique et technique. Ces décisions ont à nouveau entraîné une densification des échanges entre le Japon et la Chine.
26La commission scientifique mixte sino-japonaise de février 2003 a réformé en profondeur l’esprit des programmes en matière de thématiques et de qualité des échanges. Elle a opté pour un ensemble de décisions « sur une base d’égalité et d’intérêts réciproques » visant à ouvrir les collaborations scientifiques à d’autres partenaires asiatiques et du monde, consacrant ainsi le passage du bi au plurilatéral.
27Cinq disciplines phares ont été définies : les sciences de la vie et les technologies du vivant (y compris l’agronomie et les technologies de l’alimentation), les technologies de l’information, les matériaux (nanotechnologies), l’environnement et les énergies nouvelles, les Sciences de l’homme et de la société.
Focalisation sur quelques secteurs de coopération
Agro-sciences
28Le travail collaboratif dans ce secteur a été particulièrement actif sous forme d’échanges de spécialistes, d’organisation de conférences et tables rondes et de formations techniques. De 1997 à 2003, des recherches d’envergure ont été menées autour de thèmes portant sur la stabilisation des volumes de production de l’agriculture, le développement des techniques agro-alimentaires, les politiques de cultures céréalières en fonction de terroirs types, les mutations socio-économiques de l’agriculture et de la campagne, et l’analyse des transformations de l’offre et de la demande céréalière.
Sciences de l’information et de la communication
29Le secteur a connu une expansion rapide. En septembre 2003, l’accord intervenu sur les « Modalités de coopération en STIC entre la Chine, la Corée et le Japon » a servi de cadre. Il a permis la tenue, en 2004 à Pékin, d’un congrès tripartite sur le thème des « systèmes d’exploitation (OS) dits open source » : le développement de logiciels libres étant fondamental pour les échanges et l’offre d’informations ainsi que pour le développement de logiciels et l’avenir du secteur informatique. La réunion a adopté l’idée de développer Linux et autres logiciels open source. Les trois pays sont convenus de grouper leurs efforts pour définir des normes, protéger la propriété intellectuelle, faire du développement, élargir l’utilisation et renforcer la formation et l’information sur ces techniques. Enfin l’attention a été plus spécifiquement portée sur un nouveau projet de coopération concernant la nouvelle génération de communications mobiles.
Sciences de l’environnement
30Il s’agit sans conteste du secteur phare de la coopération nipo-chinoise, en terme de nombre et de niveau de personnes échangées, de secteurs et de thématiques et de résultats obtenus. Commencée en 1977, cette coopération a permis de déboucher en 1994 sur un « Accord de coopération sino-japonais pour la protection de l’environnement » ayant permis la mise en place, grâce notamment à des dons japonais, à la mise en place d’un grand nombre de recherches communes (1977 : « Programme Chine-Japon de coopération environnementale pour le xxie siècle »). Outre les questions touchant directement à la protection de l’environnement et en faveur du développement durable, d’autres thèmes de recherches collaboratives ont été menés dans les domaines de la forestation, de la climatologie, de l’océanologie, des énergies renouvelables, etc.
L’aide au développement du Japon à la Chine
31Le Japon a fourni depuis 1979 jusqu’à 2005 une aide importante à la Chine s’élevant au total, en terme de prêts, à 31 331 milliards de Yen (environ 300 milliards de dollars), ainsi que 145 milliards de Yen en dons et 145 milliards pour la coopération technique. Ce soutien a permis de réaliser d’importants travaux d’infrastructure (transports, communications, environnement) mais a également été investi dans le développement des universités et des laboratoires de recherche.
Les échanges en R & D du secteur privé
32Deux faits méritent d’être rappelés :
33– Le secteur industriel est le principal acteur de la R & D au Japon et couvre près de 75 % de l’activité (OCDE-2004).
34– 9,2 millions d’ouvriers chinois du continent sont employés directement ou indirectement par les entreprises japonaises.
35La formation et les transferts effectués par les sociétés et chambres d’industrie et de commerce japonaises (Japan Overseas Development Corporation, Association for Overseas Technical Scholarship, etc.) est considérable (i.e. soutien aux politiques d’innovation, introduction de nouvelles techniques rizicoles, etc.). D’après l’OCDE, entre 1992 et 1998, pas moins de 120 000 étudiants et stagiaires chinois ont pu, à travers elles, bénéficier de formations au Japon.
36En 1998, le montant global du commerce sino-japonais en hautes technologies s’est élevé à 17 milliards d’US$. L’implantation de sociétés japonaises dans ce secteur a connu, depuis lors, un développement exponentiel : pour l’année 2006 on compte un millier d’entreprise japonaise ayant investi plus d’un million de dollars (sources : RIETI).
Capacités comparatives en recherche et développement de la Chine et du Japon.
37Plus que jamais le Japon et la Chine apparaissent comme « partenaires et concurrents ».
La Chine
38L’un des derniers rapports de l’OCDE, fin 2006, s’appuyant sur une projection de la courbe de croissance des années précédentes, a créé l’émotion en annonçant que la Chine était passée, au cours de l’année écoulée, au deuxième rang mondial pour les investissements en R & D (163 milliards de dollars), devant le Japon (130 milliards) et après les États-Unis (330 milliards).
39Les dépenses de la Chine en R & D, en pourcentage du PNB (rapport dit d’« intensité de la R & D ») ont plus que doublé, passant de 0,6 % en 1995 à 1,4 % en 2006 ; de 17 milliards de dollars en 1995 ils ont atteint 136 milliards en 2006, et marquent un développement plus rapide que les chiffres de la croissance (9-10 %/an).
40Le même rapport énonce que la Chine a connu une augmentation de 77 % de son personnel de recherche engagé en R & D entre 1995 et 2004, qui s’élève aujourd’hui à 926 000 chercheurs juste derrière les États-Unis (plus de 1,3 millions).
41En 2004, la Chine comptait 20 millions d’étudiants dans le supérieur, 500 000 en troisième cycle (220 000 diplômés en 2005), dont 120 000 doctorants. Il faut également ajouter à ce chiffre environ 5 millions d’étudiants inscrits dans les établissements d’enseignement technique supérieurs (comparables à nos IUT).
42Le plan à long terme pour le développement des sciences et de la technologie adopté par le gouvernement chinois en janvier 2006, vise à faire de la Chine, à l’horizon 2020, une société orientée vers l’innovation, et en 2050 un leader mondial en S & T. L’objectif est de faire passer en 2020 la part du PNB consacrée à la recherche à 2,5 % et la dépendance technologique de la Chine (achats de brevets étrangers) de 60 à 30 %.
43Mais les entreprises industrielles chinoises accusent encore de lourds handicaps. 75 % d’entre elles, énonçait récemment le China Daily, ne prennent pas la R & D en compte sérieusement et ne disposent même pas de responsable de ce secteur.
Le Japon
44Le pays compte en 2006 environ 3 millions d’étudiants, mais seulement 7 % de doctorants.
45Le pays a été longuement perçu comme n’investissant guère dans la recherche fondamentale, l’État finançant peu ce secteur et les entreprises s’appuyant essentiellement sur les découvertes faites à l’étranger.
46En raison de la stagnation économique, les autorités ont consenti des efforts considérables durant la dernière décennie. Depuis 2002, le Japon consacrait près de 3,5 % de son PNB à la R & D (130 milliards de dollars en 2006), le nombre de ses chercheurs engagés dans la recherche scientifique s’est élevé en 2006 à 820 000 marquant une augmentation de plus de 3,7 % par rapport à 2005. Comme la Chine, cependant, le Japon paie un lourd tribut aux importations de licences.
Nature des implantations R & D japonaises en Chine
47Dans leur ensemble, les grandes entreprises multinationales japonaises disposaient, à la fin des années 1990, de laboratoires de recherche aux États-Unis ou en Europe. Jusqu’au seuil des années 2000 la Chine était, en revanche, choisie par les investisseurs japonais uniquement en raison de ses « capacités productives », c’est-à-dire du bas prix de ses matières premières, de ses ressources humaines, et de son foncier. Le Japon est, en effet, tard venu à l’idée d’investir en R & D en Asie, et en Chine en particulier : frilosité sans doute due à une attitude protectionniste et à une sorte de « myopie » à l’égard de ses voisins asiatiques émergents.
48Dates auxquelles les entreprises japonaises (de fabrication) ont commencé à investir dans le secteur R & D en Chine
1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | |
Nombre d’entreprises | 1 | 0 | 0 | 2 | 3 | 6 | 8 | 5 | 4 |
49Source : Ji Yuan et al. « Développement et fruit des investissement en R & D des entreprises étrangères », Zhongguo jngji zazhi, n° 179.
50La situation a depuis largement évolué, à mesure que l’immense marché chinois de « potentiel » se muait en marché réel. À partir du milieu des années 1990, les entrepreneurs étrangers ont mieux cerné le marché chinois et ont conçu leurs investissements selon un modèle visant à une meilleure adaptation aux spécificités locales de consommation. C’est cette nécessité qui a amené de nombreuses sociétés internationales à introduire, dans leur approche du territoire chinois, la création de centres de recherches R & D (davantage orientées « D ») pour une meilleure offre de leurs produits. Le plan d’approche du marché est alors devenu le suivant :
R & D → Production → Vente → Mise en place d’un système de distribution intégré
51Au début des années 2000, sur les 500 majors mondiales présentes en Chine, environ une centaine (en majorité américaines et européennes) avaient déjà créé en Chine, des sociétés ou des centres de R & D.
52Les entreprises japonaises, venues tardivement à la création de structures R & D sur le territoire chinois, n’étaient qu’une trentaine à avoir franchi le pas à la fin des années 1990, alors qu’elles dépasseront, fin 2005, le chiffre de 150, sur un total de 700 implantations étrangères. Les plus dynamiques d’entre elles ont été Toyota (automobiles), Fujitsu (ordinateurs), Panasonic, Hitachi, Toshiba, Sanyo, Mitsubichi Electrics, NEC, Omron (appareils électriques et électroniques, Suzuki, Shiseido (cosmétiques).
Situation des plus importantes sociétés japonaises investissant dans le secteur R & D en Chine
Entreprise | Nom de l'entité de recherche | Nature* | Financement ** | Création | Investissement *** | Personnel employé |
Fujitsu China | Centre de recherche de Fujitsu China | RM. | I | 02-1998 | 60 | 13 |
Matsushita Electric Industrial Co | SARL de recherche et développement Matsushita Electric Industrial Co (Chine) | RM. | M | 02-2001 | 400 | 1500 envisagés |
Sanyo | SARL Huaqiang- Sanyang de conception technologique | RM. | M | 09-1995 | 10 | 40 |
Mitsubishi electric | SARL de recherche et développement technologique de Mitsubishi electric | RM. | I | 11-1994 | 14 | 20 |
NEC | Société NEC-Laboratoire de logiciels de l'Académie des sciences | RM. | I | 06-1994 | 150 | 60 |
Omron | Succursale pour la recherche et le développement de produits de la SARL Omron (Dalian) | RM. | I | 10-2002 | 200 projetés | 36 |
Sharp | Centre de recherche R & D pour les appareillages ménagers de la SARL Sharp Shanghai électronique | Service R & D | I | 07-2003 | ||
SONY | Centre de conception de la SARL Sony électronique ( Wuxi ) | Service R & D | I | 2004 | 1500 |
** Forme de financement : I : indépendant ; M : à capitaux mixtes Sino-japonais.
*** En millions d’US$.
Source : Xue Jun, « les investissements R & D japonais en Chine », www.iwep.org
53Si le non-respect de la propriété intellectuelle constitue toujours, pour les sociétés étrangères, un frein sérieux au développement d’activités R & D en Chine, de nouvelles tendances se sont faites jour ces dernières années montrant une décrispation de leur part.
54Un certain nombre d’entreprises japonaises installées sur le marché chinois, ont « délocalisé » des pans entiers de leur activité de recherche et développement en Chine. L’entreprise Sumitomo a signé un protocole de coopération avec l’université Jiaotong de Shanghai, devenant ainsi la deuxième entreprise japonaise après Mitsui à contracter avec une université. L’objectif de ces sociétés est d’utiliser les résultats des recherches en nouvelles technologies (biologie et nano sciences) qui y sont développées pour améliorer leurs propres produits. Les deux parties investissent conjointement pour les développements et les transferts. De la même façon, la Société Daikin (climatisation) a fondé avec l’université Qinghua, au sein du campus à Pékin, un laboratoire de développement, le premier établi à l’étranger du secteur japonais de l’industrie de la climatisation, les deux entités ayant fourni 10 chercheurs travaillant sur le thème des économies d’énergie.
55Après que des entreprises comme Toshiba, Ricoh, Fujitsu ont établi des laboratoires conjoints en Chine, la société NTT DoCoMo a décidé, pour le développement des systèmes de télécommunication de 4e génération, d’aller encore plus loin et a créé à Pékin l’un de ses principaux centres de recherche. L’entreprise NEC a aussi établi dans la Silicon Valley pékinoise (Zhong-guangcun) son propre Institut chinois de recherche travaillant aussi sur la téléphonie mobile 4G.
56Les études portant sur l’augmentation croissante des coopérations entre les sociétés multinationales et les institutions chinoises de la recherche – Académie des sciences (gouvernement chinois), universités, etc. – permettent de fournir, en l’absence de statistiques spécifiques sur les entreprises japonaises, un aperçu sur leurs types d’activités (2004) :
57Il apparaît clairement que les entreprises commencent à s’appuyer sur le potentiel scientifique de la Recherche chinoise (grands laboratoires et Universités), mais que le mouvement ne fait que commencer et que les coopérations ayant pour objectif le dépôt ou la cession de brevets chinois restent exceptionnelles.
58Même si cet essor paraît considérable, l’économie chinoise demeure encore largement marquée par son caractère de sous-traitant à l’échelle de la planète. En outre, de façon générale, et le Japon ne fait pas exception, les entreprises étrangères investissent comparativement moins que les entreprises nationales en recherche et développement sur le territoire chinois.
Motivations des entreprises japonaises investissant en R & D en Chine
59Les statistiques indiquent que les motivations qui animent les entreprises étrangères investissant en R & D en Chine, y compris celles du Japon, sont beaucoup plus orientées « marché » que « technologies » ou « ressources humaines », ces sociétés disposant déjà par ailleurs, dans leur pays d’origine, de leurs propres ressources R & D.
Géographie des implantations R & D japonaises en Chine
60Les stratégies d’implantation géographique en Chine ne sont pas uniformes et se déclinent régionalement. Ainsi, en règle générale, l’implantation des entreprises étrangères en Chine suit la logique suivante.
61– L’essentiel des recherches R & D orientées « marché » est concentré dans la région de Canton, bien connue sous le nom d’« atelier du monde », mais qui ne dispose pas de fortes universités et laboratoires. Cette recherche vise, pour les entreprises étrangères dont les produits doivent être adaptés au marché local, à assurer leur pénétration en Chine.
62– La R & D orientée « technologies » innovantes est, a contrario, centrée sur Pékin qui jouit d’un tissu dense d’établissements universitaire et de recherche de haut niveau. Le gouvernement chinois a fortement financé le développement des hautes technologies. Les entreprises internationales peuvent être attirées par des coopérations avec les bons laboratoires, d’autant qu’il s’agit d’une main d’œuvre de qualité et à bas prix.
63– La région de Shanghai, quant à elle, bénéficie à la fois d’une bonne recherche et de sérieuses capacités industrielles, se trouve à mi-chemin.
64Pour le Japon, la répartition géographique est un peu différente car elle s’appuie naturellement sur ses choix initiaux d’implantation industrielle.
Enquête sur les raisons d’implantation à long terme de laboratoires de R & D en Chine par les entreprises japonaises (plusieurs choix possibles)
Unité : entreprise | ||||||
NORD-EST | PÉKIN | SHANGHAI | CANTON | CH. INTÉRE | TOTAL | |
S’assurer des meilleures compétences | 8 | 16 | 48 | 32 | 4 | 108 |
R & D en sciences fondamentales | 0 | 1 | S | 1 | 0 | to |
R & D en sciences appliquées | 1 | 5 | 21 | 9 | 2 | 38 |
Coopération avec d'autres entreprises | 1 | 2 | 10 | 6 | 0 | 19 |
TOTAL | S | 19 | 57 | 39 | 5 | 128 |
Source : Centre japonais de recherche sur les finances en R & D : « Résultat d’enquêtes menées sur les investissements directs du Japon à l’étranger pour l’année 2003 ».
65Ainsi par ordre d’importance elles sont donc situées dans :
La Chine de l’Est (Shanghai)
La Chine du Sud (Canton – Shenzhen...)
La Chine du Nord (Pékin, Tianjin)
La Chine du Nord-Est (ancienne Mandchourie)
La Chine des provinces de l’intérieur
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’empire de l’intelligence
Politiques scientifiques et technologiques du Japon depuis 1945
Jean-François Sabouret (dir.)
2007