L’histoire du PADESM (Parti des déshérités de Madagascar) ou quelques faits oubliés de l’histoire malgache
p. 275-288
Texte intégral
INTRODUCTION
1Première manifestation d’une prise de conscience de la part des éléments les plus défavorisés de la population malgache, le PADESM (Parti des déshérités de Madagascar) a joué dans l’histoire de la Grande Ile un rôle dont on n’a pas mesuré toute la portée.
2Evoquer cependant le PADESM aujourd’hui, c’est aborder un thème épineux qu’on hésite à traiter à Madagascar. Pour certains, c’est porter atteinte au sentiment nationaliste particulièrement exalté depuis l’indépendance. Pour d’autres, c’est exhumer un sujet pouvant susciter entre Malgaches des divisions qu’il n’est pas opportun de réveiller.
3Au surplus, un ensemble de jugements erronés a contribué à donner à ce mouvement une image défavorable. Parmi ceux qui ont été couramment formulés, on peut relever les suivants :
- Le PADESM est une création de l’administration française pour diviser les Malgaches1.
- Le Parti communiste français est intervenu dans sa création2.
- Le principal personnage du PADESM, M. Ramambason est un agent de l’administration3.
- Le PADESM est une formation sans doctrine regroupant des fonctionnaires, des féodaux provinciaux et des comités électoraux de circonstance4.
4Ces différentes appréciations donnent une idée de la diversité des erreurs qui ont été formulées à propos du PADESM et qui continuent à avoir cours avec une étrange persistance. Il semble qu’une véritable conspiration du silence a longtemps entretenu une image défavorable du mouvement et de ses membres. Certaines émissions télévisées commémorant les événements du 29 mars 1947, oubliant quelques réalités, les présentent comme des traîtres à la patrie malgache.
5Il faut signaler cependant une étude remarquable, inédite jusqu’ici, faite en 1976 par Mme Berthiaux Danièle : « Contribution à l’histoire de la nation malgache : le PADESM »5. Elle s’est posée la question de savoir « si un parti dont les motivations et les objectifs n’auraient trouvé aucun écho dans la fraction de la population à laquelle il s’adressait aurait pu jouer le rôle aussi important qui a été le sien dans la vie politique malgache ». Elle estime en outre nécessaire de comprendre les raisons ayant amené le PADESM à faire preuve « d’esprit tribal et clanique ».
6Nous compléterons les apports de cette étude par des précisions supplémentaires, grâce à des informations certaines obtenues de sources sûres.
7Sans pouvoir faire un travail complet, impossible dans les limites de cette étude, nous traiterons certains points particuliers en examinant successivement : les origines du PADESM, les activités du PADESM, la fin du PADESM.
8Dans une conclusion, nous ferons le bilan de ce que le PADESM représente dans l’histoire de Madagascar.
I. LES ORIGINES DU PADESM
9A en croire certaines opinions, l’administration française fut à l’origine de la création du PADESM en vue de diviser les Malgaches. Comment les faits se déroulèrent-ils dans la réalité ?
10Il faut se situer dans un contexte purement malgache, au lendemain de la guerre et à la suite de la Conférence de Brazzaville au cours de laquelle la France décida d’octroyer des droits politiques aux populations d’outremer. La population malgache devait désigner deux représentants à la première Assemblée constituante en 1945, puis à la deuxième constituante le 2 juin 1946.
11Des candidats appartenant à l’ethnie merina étaient en compétition avec des candidats émanant des populations côtières. Aux élections de 1945, ce furent deux personnalités des Hauts-Plateaux connues pour leur nationalisme et leurs aspirations à l’indépendance de Madagascar qui furent élues : le Dr Joseph Ravoahangy-Andrianavalona, appartenant à l’une des classes les plus élevées de la noblesse merina, celle des Andriamasinavalona, et le Dr Joseph Raseta, du clan hova des Tsimahafotsy. Ce clan, dont le chef-lieu est la cité historique d’Ambohimanga, a été un solide soutien de la monarchie et se considère de ce fait l’égal des nobles.
12Après avoir créé à Paris, le 22 février 1946, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (M.D.R.M.) avec Raseta comme président, les deux députés déposèrent le 21 mars 1946 sur le bureau de la première Assemblée constituante la proposition de loi suivante en vue de mettre fin au statut de colonie :
13« Article 1er – La loi du 6 août 1896 est et demeure abrogée. »
14« Article 2 – Madagascar est un Etat libre ayant son gouvernement, son parlement, son armée, ses finances au sein de l’Union française. »
15Ces premières élections et surtout la préparation de la seconde constituante avaient éveillé des ambitions politiques dans les milieux côtiers. A Tananarive même se trouvaient quelques Côtiers parmi lesquels deux originaires de la province de Majunga, deux Tsimihety, Philibert Tsiranana et Louis Tsiazonangoly. En pleine campagne électorale, ils avaient pris contact avec les deux leaders M.D.R.M. pour leur proposer l’élection d’un député côtier, à côté d’un député merina. Ils reçurent une réponse blessante leur disant que s’ils voulaient aller en France, on les prendrait comme « secrétaires » des députés. Ils ripostèrent par une lettre recommandée adressée à Ravoahangy et à Raseta leur disant que « les Côtiers formant la majorité écrasante de la population malgache exigeaient l’envoi de deux députés côtiers... avec Ravoahangy et Raseta comme secrétaires »6.
16Il faut relever la vigueur de cette réaction. Philibert Tsiranana appartenait à la tribu Tsimihety, tribu fière et indépendante n’ayant jamais été entièrement soumise à l’hégémonie merina. « Les Tsimihety sont toujours restés des hommes libres », écrit Hubert Deschamps7. De plus, Philibert Tsiranana était à l’époque professeur-assistant à l’école Le Myre de Vilers. Enseignant dans un établissement où Raseta et Ravoahangy, avant d’être médecins, avaient été élèves, il ne pouvait admettre leur attitude déplaisante et injuste vis-à-vis de la masse côtière.
17Après l’élection des deux députés M.D.R.M. à la seconde constituante, le 2 juin 1946, certains éléments de la population des Hauts-Plateaux, la caste des Mainty (les Noirs), éprouvèrent quelques inquiétudes quant à leur situation future en cas d’indépendance de Madagascar dont l’éventualité semblait proche. Cette troisième caste, venant après celle des Andriana ou nobles et des Hova ou libres, est composée de deux éléments :
- les « Mainty enindreny », descendants des serviteurs royaux, aux origines anciennes, se réclamant d’ancêtres célèbres comme Rainingory, fiers de leur qualité d’hommes quasi libres n’ayant jamais subi la flétrissure de l’esclavage ;
- les « Andevo » (les esclaves), terme que par bienséance on remplace par Hova Vao (les Hova de promotion récente, les affranchis), ou mieux par Hova Mainty (les Hova noirs). Ils provenaient surtout des populations côtières conquises par les Merina durant tout le xixe siècle. Les troupes ramenaient en captivité en Imerina les femmes et les enfants réduits en esclavage et répartis ensuite entre différents maîtres. Ceux d’entre eux qui avaient plus de 50 ans avaient connu cette situation. Après l’annexion de Madagascar par la loi du 6 août 1896, l’abolition de l’esclavage fut en effet prononcée par le résident Laroche le 26 septembre 18968.
18Dans les campagnes, des rumeurs circulaient disant que les anciennes structures sociales, y compris l’esclavage, seraient rétablies en même temps que la monarchie serait restaurée. D’anciens maîtres auraient même avancé que les descendants d’esclaves retourneraient à la situation de leurs ancêtres et seraient répartis suivant une moyenne de dix par famille.
19D’autre part, afin d’être rassurés sur leur futur statut social, quelques Mainty enindreny, parmi lesquels Elison Jean Chrysostome, fonctionnaire retraité des chemins de fer, avaient pris contact avec le député Ravoahangy pour lui demander quelle serait leur participation au futur pouvoir ; ils furent éconduits sans ménagement et de façon blessante.
20Ayant rencontré l’un des leurs, Ralibera Jean Weil, entrepreneur de travaux publics, ils émirent l’idée de s’organiser pour ne pas être pris de court si l’indépendance intervenait. Ils pourraient ainsi revendiquer leur place, à l’instar de leurs ancêtres, dans les futures institutions.
21Une réunion composée surtout de Mainty enindreny eut lieu le 27 juin 1946, au domicile d’Elison Jean Chrysostome. Outre ses deux fils Edmond et Joseph, assistaient à cette réunion Justin Randrianarivelo (fils du biscuitier Rainizanamoria), Rajosefa (cordonnier), Ralibera Jean Weil (entrepreneur de travaux publics), Razanabahiny (fonctionnaire du contrôle financier), Rama-nandafy (fonctionnaire aux Contributions directes), Ratsimandrava (professeur-assistant, père du futur chef de l’Etat qui en février 1973 n’exerça le pouvoir que pendant une semaine), Ralevason (rédacteur au journal Lakroa) et Ramambason (directeur d’école privée).
22Un projet de statut qui leur fut présenté fut adopté à l’unanimité. C’est ainsi que fut créé un organisme portant le nom de PADESM « Parti des déshérités de Madagascar ».
23Ratsimandrava, qui était professeur-assistant à l’école Le Myre de Vilers, présenta le projet de statut à ses deux collègues côtiers Philibert Tsiranana et Louis Tsiazonangoly qui l’adoptèrent d’emblée. Ils furent ainsi les premières recrues côtières du PADESM.
24Les statuts de l’association, régie par la loi de 1901, portant la date du 27 juin 1946, furent déposés officiellement le 1er juillet à la mairie de Tananarive. Ce fut un événement rapidement porté à la connaissance des autorités administratives qui ne manquèrent pas d’informer Paris de l’intérêt que pourrait présenter une telle formation9.
25La doctrine du mouvement avait été élaborée par Ramambason. Il en avait imaginé le titre, le sigle, l’insigne, autant de symboles reflétant ses idées personnelles et qui pouvaient se résumer dans la devise « Nous ne revendiquons que notre part de soleil ». Les objectifs de l’association étaient principalement d’ordre culturel, économique et social. Le but à atteindre était, sous l’égide de la France, l’instruction des masses pour leur permettre d’assumer leur destinée. L’association ne deviendra politique que par la force des circonstances.
26Après la déclaration de l’association la première réunion eut lieu le 9 juillet 1946 au domicile de M. Ramambason, secrétaire général du PADESM, dans une des salles de son école. Les réunions suivantes s’y tinrent également10.
27Qui est Ramambason ? Pour Pierre Boiteau, il se révélera « être un policier » et pour Alain Spacensky « il appartenait aux cadres de l’administration coloniale comme beaucoup de ses adjoints »11.
28Bien qu’appartenant à la caste des Hova Mainty, des affranchis, sa famille avait été une des rares à bénéficier d’une promotion sociale exceptionnelle. Son père était pasteur à la Mission protestante. Son frère aîné, Rakoto Ramambason Lucien, après avoir ouvert à Tananarive un des premiers établissements d’enseignement libre non confessionnel, entra dans la gendarmerie. Devenu adjudant-chef, il fut le collaborateur direct du chef de la gendarmerie à Madagascar, le colonel Lafitte.
29Lui-même naquît en 1909. Il fit ses études primaires à Tananarive à l’école de la Mission protestante d’Ambohijatovo-Nord jusqu’en 1923, puis entra à l’Ecole normale protestante. Il en sortit en 1925, et, après avoir été instituteur missionnaire aux environs de Tananarive, il fut envoyé comme instituteur à la Mission protestante à Majunga en 1930. Il y fit la connaissance de Jeanne Blanchard, directrice de l’école de la Mission protestante. En 1932, Ramambason tomba malade et dut rejoindre Tananarive pour se soigner. Mlle Blanchard rejoignit la capitale un an plus tard. Ils se marièrent en 1934 et créèrent leur propre école, le « Cours Jeanne-Blanchard ».
30Le mariage d’un Malgache avec une Française à cette époque était tout à fait exceptionnel. On n’en connaissait que trois cas : à Madagascar celui d’un homme d’affaires, Ranarivelo et celui du dentiste Andriamady, et en France celui de Ralaimongo, journaliste et homme politique. Ces mariages symbolisaient une double réussite à la fois intellectuelle et sociale.
31Le mariage de Ramambason avec Mlle Blanchard représentait cette réussite sur place, non sans susciter certaines réserves de la part des pasteurs malgaches de haute caste. Pour Ramambason, cette alliance était le témoignage de ses sentiments francophiles ; elle explique la cordialité des relations confiantes qu’il a toujours entretenues avec les représentants de l’autorité française. Sans cesser d’être Malgache, Ramambason était devenu Français de cœur : « La France, ma chance », se plaît-il à répéter.
32L’évolution du climat politique à partir de 1945 porta Ramambason à penser que l’indépendance était proche. C’était, avec elle, la crainte de voir rétablir à Madagascar les structures sociales antérieures à la présence française. Une telle éventualité était pour Ramambason, pour sa famille, pour ses semblables, l’effondrement d’une ascension sociale dont ils tiraient leur dignité d’homme. Pour éviter pareille perspective où il risquait de tout perdre, Ramambason se sentit appelé à l’action.
33Enseignant et éducateur, il s’était rendu compte de la grande misère de ceux que ni la naissance, ni la fortune n’avaient favorisés. Il voyait dans l’instruction un remède à bien des maux dont souffrent les plus déshérités ; son but était l’élévation de l’homme par la culture.
34Tout en étant idéaliste, il avait un sens très précis des réalités. Il ne se faisait aucune illusion sur les faiblesses humaines et, du reste, l’expérience des hommes lui faisait découvrir chez chacun la mesure des ambitions, des appétits, des tentations de l’argent. Il déplorait de ne pas trouver chez les autres la générosité et le désintéressement dont lui-même faisait preuve. Il rappelait constamment à ses frères de lutte l’idéal qui devait les conduire et que des intérêts trop personnels risquaient de faire oublier.
35A la foi fondateur, théoricien et animateur du PADESM, Ramambason fut aussi, bien souvent, le réalisateur de ses multiples activités.
II. LES ACTIVITÉS DU PADESM
36A peine créé, le PADESM se lança dans une période d’activité intense prenant de multiples initiatives : publication d’un journal, expansion du mouvement, action culturelle économique et sociale, activités politiques, etc.
A. LE JOURNAL « VOROMAHERY »
37La publication d’un journal apparut dès le début comme un moyen d’action indispensable. Au cours d’une réunion qui se tint le 20 juillet 1946 au domicile de Ramambason, on décida que le journal sera un hebdomadaire bilingue intitulé Voromahery (l’Aigle). Les trois responsables en étaient : Ramambason, directeur-gérant, Ralibera Jean Weil, directeur-adjoint et Elison Jean Chrysostome, rédacteur en chef12.
38La parution du n° 1 du Voromahery fut soigneusement préparée. Il contenait tout un manifeste sur la situation des « déshérités » et sur les buts du PADESM. La date choisie pour sa parution, le 6 août 1946, était le cinquantième anniversaire de l’annexion de Madagascar. Les journaux nationalistes avaient déclaré que ce jour-là serait un jour de deuil et qu’ils ne paraîtraient pas. Pour les « déshérités » du PADESM, c’était au contraire un jour de fête, la fin de l’hégémonie hova et leur libération de l’esclavage.
39La parution du Voromahery fit l’effet d’une bombe. Le regroupement des Mainty et des Côtiers que jusque-là un préjugé de caste tenait en situation d’infériorité était inattendu. C’était véritablement « la révolte des esclaves ». Les déclarations de loyalisme envers la France et les autorités françaises mettaient une note discordante dans la campagne anticolonialiste qui était monnaie courante. Le refus de l’indépendance immédiate, compte tenu des risques qu’elle comportait, contrastait avec l’exigence d’une indépendance complète et sans délai préconisée par le M.D.R.M.
40Le premier numéro tira à 5 000 exemplaires. Toute l’opinion malgache en fut secouée. Il fit connaître le PADESM à travers l’île, attirant de nombreux adhérents au mouvement et suscitant des vocations de correspondants, de dépositaires ou de rédacteurs auprès de personnalités côtières. Les autres numéros du Voromahery parurent régulièrement, adoptant souvent un ton polémique qui était de pratique courante chez ses adversaires.
B. L’EXPANSION DU MOUVEMENT
41Une fois son bureau et son siège établis à Tananarive, le PADESM eut comme principal objectif son implantation dans toutes les provinces de l’île. On commença par créer des sections puis un comité régional pour Tananarive.
42En ce qui concerne les régions côtières, les Mainty de la capitale ayant peu voyagé connaissaient mal leur pays. Les Côtiers présents à Tananarive furent à cette occasion d’une aide précieuse. Dès juillet 1946, ils adressèrent aux chefs de tribu une lettre comportant les lignes suivantes13 :
43« Nous, vos parents, Côtiers de Tananarive, sommes persuadés que les Andriana et Hova ont l’intention de réélire un roi prêt à nous réduire en esclavage...
44Nous autres Côtiers, qui sommes vos parents ici, avons constitué un parti à vous (Côtiers) rassemblant 17 races et les Noirs de l’Imerina travaillant avec nous pour détruire ce mauvais projet... Recrutez donc des adhérents pour ce parti dont nous nous servons pour nous défendre... »
45En outre, l’envoi de délégués chargés d’établir des contacts et d’expliquer les buts du mouvement se révéla très efficace. On commença par le nord-ouest avec les Tsimihety. Philibert Tsiranana, appartenant à cette ethnie, fut chargé d’une vaste zone s’étendant de Diégo-Suarez à Maintirano. C’est ainsi qu’il fit ses premières armes, implantant solidement le PADESM dans ce qui constituait à cette époque la région de Majunga.
46Des comités provinciaux se créèrent à Tuléar avec le gouverneur Raveloson Mahasampo, à Fianarantsoa avec Pascal Velonjara et les frères Norbert et Antoine Zafimahova, à Tamatave avec Laingo Ralijaona et François Jarison.
47Pour compléter cette mise en place des structures un important congrès eut lieu à Tuléar du 5 au 11 décembre 1947. Ce fut l’occasion d’un sérieux travail de mise au point et d’organisation :
48« Ce qui nous a manqué jusqu’ici, écrit Ramambason, c’était l’organisation, les cadres et la discipline ». On adopta une formule fédérative où le bureau central était complété par 15 délégués provenant de 15 comités régionaux établis selon un découpage tenant compte des distances et des affinités ethniques14.
49En outre, le congrès mit au point un certain nombre de revendications à soumettre à l’administration : octroi de bourses, en France, et à des Côtiers ; création de cours d’adultes gratuits ; multiplication des écoles en pays côtier ; emploi préférentiel des Côtiers au lieu de Hova dans l’administration autochtone dans ces mêmes régions ; formation d’une véritable élite ; multiplication des œuvres sanitaires et sociales ; amélioration des voies de communication, installation de bureaux des P.T.T...
50Résumant la véritable portée de ce congrès, le journal Voromahery publia sous la plume de Ratsimandrava : « C’est bien la première fois que, de leur propre mouvement, des représentants de toutes les tribus de Madagascar se sont rassemblés pour étudier en commun des problèmes sociaux et économiques intéressant toute l’île »15.
51Par l’action de ses cadres et de ses militants, le PADESM put se développer pleinement et, à l’époque de son apogée, faire état d’un effectif de 100 000 membres.
D. ACTION ÉCONOMIQUE, CULTURELLE ET SOCIALE
52Lutter contre le retard économique, culturel et social des « Déshérités » était un programme ambitieux auquel le PADESM s’attaqua.
53Un des moyens préconisés était la création de coopératives. Il s’agissait notamment à l’époque de lutter contre le marché noir, conséquence des pénuries résultant de la guerre. Dès le 20 juillet 1946, les membres du PADESM décidèrent de créer une coopérative de consommation, la COC-PADESM Les principales personnalités du groupement faisaient partie du conseil d’administration et le président en était Ratsimandrava16.
54En fait, le véritable animateur de la coopérative était Ramambason. Afin de généraliser le mouvement coopératif, il voulait que l’exemple fut donné par Tananarive. Il libéra une salle de l’immeuble abritant son école pour y installer le magasin de la coopérative du PADESM. Toutefois, après plusieurs mois de fonctionnement, il fallut fermer le magasin : le sel et certaines denrées étaient détournés pour être vendus au marché noir, et les coupables évoquaient leur appartenance au PADESM pour étouffer l’affaire.
55Cette expérience fut abandonnée faute de cadres valables, toutefois lors du Congrès de Tuléar on recommanda à chaque section de créer sa coopérative de consommation car là où des chefs dynamiques en avaient créées, on notait un recul du marché noir.
56Construire des écoles pour les moins favorisés faisait partie du programme. A Tananarive la section prit à sa charge une petite école élémentaire pour 150 enfants. Dans le Sud-Est de l’île, certaines sections avaient construit à leurs frais des écoles de brousse. Dans le Nord-Ouest, d’Ambanja à Diégo-Suarez, les sections avaient préparé une école où devaient se former les jeunes les plus doués destinés à achever leurs études en France ; un projet semblable avait été envisagé pour le Sud-Est à Farafangana, Vohipeno ou Manakara.
57Obtenir une bourse pour poursuivre des études en France était un rêve auquel aspiraient bon nombre d’intellectuels côtiers. Jusque là, seuls les originaires des Hauts-Plateaux en avaient bénéficié. Ce fut une revendication primordiale du PADESM auprès de l’administration française qui envoya ainsi les premiers étudiants côtiers en France.
58Parmi les premiers Côtiers bénéficiaires de ces bourses obtenues par le PADESM se trouvait Philibert Tsiranana. Il poursuivit ses études à l’école normale de Montpellier de 1947 à 1951. Il y en eut quelques autres par la suite ; certains ne s’étaient inscrits au PADESM que pour obtenir cette faveur.
D. LES ACTIVITÉS POLITIQUES
59Se voulant avant tout « une Association d’action sociale et économique », le PADESM qui « admettait des membres de toute nuance politique » fut amené par les circonstances et les hommes à déployer une grande activité politique devant la succession des élections provinciales ou législatives.
60Seul organisme modéré favorable à la présence française et suffisamment structuré pour diffuser des mots d’ordre dans l’ensemble de l’île, le PADESM fut invité à soutenir les candidatures préconisées par l’administration contre les candidats du M.D.R.M. Il arriva aussi que, pour combler un vide politique, des membres du PADESM posèrent leur candidature pour éviter que le candidat M.D.R.M. ne soit le seul à briguer les suffrages. En outre, bien des personnalités du groupement étaient déjà lancées dans les compétitions politiques avant leur adhésion au PADESM. Enfin, des ambitieux y vinrent dans l’espoir de faire une carrière politique grâce à l’appui de l’administration.
61On peut mesurer la progression du PADESM à travers les résultats électoraux.
62Lors des élections législatives de 1946 les trois candidats M.D.R.M., Raseta, Ravoahangy et Rabemananjara furent élus. A celles de 1951, après neutralisation du M.D.R.M. à la suite des événements de 1947, ce fut la victoire écrasante des deux candidats du PADESM, Pascal Velonjara et Raveloson Mahasampo. En 1956, ce fut le triomphe de Philibert Tsiranana dans l’Ouest.
63Lors des élections provinciales de février 1947 sur cinq provinces le PADESM n’était majoritaire qu’à Majunga. En 1952, il remporta la totalité des sièges sauf à Tananarive.
64Ainsi, à l’encontre des objectifs de ses fondateurs, le PADESM était devenu un organisme politique important, comportant dans son gigantisme même ses propres faiblesses : absence de leaders ayant une envergure suffisante pour le diriger, divisions internes nées d’ambitions personnelles de plus en plus exigeantes.
E. LE SOUTIEN APPORTÉ AU PADESM
65Il est certain que le PADESM n’aurait pu prendre une telle importance sans le soutien de l’administration, sans être pour autant une création de cette dernière. Il existait une sorte d’accord tacite entre les deux parties dans la poursuite d’objectifs qui leur étaient propres. Le PADESM profitait des bonnes dispositions de l’administration pour réaliser son programme d’action, tandis que l’administration utilisait le PADESM pour réduire l’influence des nationalistes extrémistes, principalement du M.D.R.M., en période électorale.
66Le soutien de l’administration qui n’intervint que quand le PADESM prit de l’importance, ne fut cependant ni total, ni inconditionnel. M. Ramambason entretenait de bonnes relations avec la Direction des Affaires politiques. Ce fut également le cas avec M. Robert Boudry qui assura un moment l’intérim du haut-commissariat : il lui fit connaître des personnalités côtières à contacter. Notons que, par la suite, M. Boudry témoigna en faveur des parlementaires M.D.R.M.17. Le haut-commissaire de Coppet, que des considération d’ordre personnel opposaient à M. Boudry, se méfiait des sympathies de ce dernier pour le PADESM. Avec son successeur, M. de Chevigné, l’attitude fut quelque peu différente : une fois le M.D.R.M. neutralisé, il fallait éviter que le PADESM ne devienne la seule force politique dans le pays.
67L’aide apportée par l’administration se fit surtout en période électorale, notamment sous forme de facilités de transport et de déplacement accordées aux leaders du mouvement pour leur permettre de prendre contact avec les électeurs. Les simples « pressions administratives » n’auraient pu orienter les votes de ces derniers sans les discours persuasifs des militants du PADESM sur des sujets les concernant. Il y eut également des subsides pour le Voromahery pour faire face à ses problèmes de trésorerie.
68Les allégations paradoxales sur une intervention du Parti communiste français dans la création du PADESM trouvent leur explication dans le fait que certains des fondateurs, dont Philibert Tsiranana, avaient suivi quelque temps les réunions du Groupe d’Etudes Communistes créé par André Guyader et Pierre Boiteau. Les colonnes du Voromahery comportèrent un article signé Pierre Boiteau apportant aux « Deshérités » « le salut des travailleurs de France »18.
69On a affirmé que le PADESM recevait le soutien « de quelques oligarchies antinationales », c’est-à-dire des milieux de la colonisation. Il est évident qu’un organisme favorable au maintien de la présence française à Madagascar ne pouvait qu’être bien vu par ces milieux. Il n’y eut aucune contribution financière de leur part à la caisse centrale du PADESM ; ils acceptèrent toutefois de recruter dans leur personnel des Côtiers instruits au lieu de Merina. Si certaines sociétés apportèrent parfois une aide financière, ce fut à l’échelon des sections locales responsables de leur trésorerie. Certaines versèrent leur contribution à la caisse locale du PADESM sur la demande de leaders locaux qui étaient leurs employés, tel Antoine Zafima-hova, chef de Poste de la Compagnie Marseillaise à Farafangana.
III. LA FIN DU PADESM
A. LES ÉVÈNEMENTS DE 1947 ET LEUR SUITE
70Créé pour réaliser un programme de promotion culturelle et sociale de longue haleine, le PADESM subit, du fait des événements de 1947, une période de violence contrariant ses objectifs pacifiques. Malgré les troubles précurseurs, les responsables ne croyaient pas qu’une explosion de violence fut possible. Le lourd tribut payé par les membres du PADESM fut la rançon de leur trop grande confiance.
71Il est vrai que le climat passionnel qui régnait dans les deux camps et l’effet de la peur avaient attribué au PADESM des intentions qu’il n’avait pas et des moyens dont il ne disposait pas.
72Faisant foi aux affirmations du journaliste communisant Razafindrakoto Emmanuel, Pierre Boiteau a pu écrire : « Les hommes du PADESM accompagnés de miliciens, se livrent à des expéditions punitives dans les villages de la Côte-Est ayant voté M.D.R.M. Partout, ils arment leurs partisans de sagaies. Plusieurs ateliers de Tananarive travaillent à la fabrication de ces armes en nombre sans cesse plus important, bien entendu, avec l’entière approbation de l’administration »19.
73A Tananarive même, dans les milieux M.D.R.M., on affirmait que le PADESM disposait de dépôts d’armes. Le lieutenant Randriamaromanana en témoigna. Il participa le 27 mars 1947 à une réunion au cours de laquelle on déclara : « Le PADESM projette le massacre des Hova et des Betsileo pour le 3 avril. Il faut prévenir cette attaque. Ce parti possède en maints endroits des dépôts d’armes ». Le lieutenant fut invité à préparer le plan d’attaque de la Capitale. « Je promets de faire le plan, mais à la condition formelle qu’on m’apporte les fameuses armes des dépôts du PADESM comme preuve de la préméditation criminelle de ce parti ». La nuit suivante, nouvelle réunion au cours de laquelle il élabora le plan d’attaque. « On parle aussi du PADESM et l’on n’a apporté aucune arme de ses prétendus dépôts. Quel est ce subterfuge ? »20.
74Les troupes du M.D.R.M. avaient reçu comme mot d’ordre de tuer les membres du PADESM et les Français. On ignore le nombre de ces tués ; les chiffres officiels indiquent 1 646 membres du PADESM sur les 11 342 victimes provoquées par les événements ; certains avancent le chiffre de 2 800. Dans le Sud-Est de l’île plusieurs notabilités furent massacrées, souvent dans des circonstances atroces ; elles furent considérées comme étant les martyrs du PADESM21. Certains leaders auraient voulu ériger un monument à la mémoire de tous les membres du PADESM tués, mais les autorités administratives, prêchant la modération et l’apaisement, déconseillèrent une telle initiative. Il fallait calmer l’esprit de vengeance dont quelques-uns étaient animés.
75Cela s’imposait d’autant plus qu’à la suite des événements de 1947, le M.D.R.M. se trouvait neutralisé. Il avait été dissous par un décret du 30 mai 1947 et la majeure partie des responsables avait été emprisonnée à la suite des différents procès qui eurent lieu. Le plus retentissant, « le procès des parlementaires » se déroula au palais d’Andafiavaratra du 22 juillet au 4 octobre 1948. Le PADESM y fut à différentes reprises mis en cause. Ramambason en suivit le déroulement de bout en bout, mais, observant des conseils de modération, s’abstint de toute virulence dans ses comptes-rendus du procès. Il fallait éviter de créer un climat passionnel susceptible de dessaisir la Cour de Tananarive.
B. LE DÉPART DE M. RAMAMBASON
76Le haut-commissaire de Chevigné dont la mission était de pacifier le pays, une fois la rébellion jugulée et le procès des parlementaires terminé, avait quelque appréhension de voir le PADESM profiter de la situation pour prendre une éclatante revanche. Ses positions anti-Hova risquaient d’entretenir dans le pays une division peu souhaitable au lendemain des événements de 1947. Or il fallait ramener la sérénité dans les esprits, panser les blessures morales, dépassionner les oppositions, préparer la réconciliation entre les ethnies, relever l’économie malgache bien affaiblie. Aussi M. de Chevigné déclara à Ramambason « qu’il n’était pas concevable que le PADESM soit le seul parti puissant à Madagascar ». Or, autant Ramambason était passionné par les activités culturelles et sociales, autant il ne nourrissait aucune ambition politique personnelle.
77Pour ne pas gêner le haut-commissaire dans sa tâche, il fut convenu que Ramambason partirait en France avec sa famille et que l’administration s’occuperait de sa situation. Son épouse, partie dès septembre 1947 avec ses enfants, n’avait pas revu la France depuis quinze ans. Lui-même quitta Madagascar au mois de février 1949. A Paris, il fut employé à la Délégation de Madagascar. Nommé dans le corps des Administrateurs en 1957, il opta pour le corps des Conseillers aux affaires administratives en 1958 et fut affecté dans les services de l’ex-ministère de la France d’outre-mer en novembre 1964, après avoir quitté la Délégation devenue Ambassade de la République Malgache en France.
78A Madagascar, le départ de Ramambason désorganisa le PADESM. Son successeur comme secrétaire général, Totolehibe, résidait à Analalava ; il mourut prématurément et fut remplacé par Antoine Zafimahova qui se trouvait à Farafangana. A Tananarive, lieu stratégique indispensable pour mener efficacement toute action à Madagascar, le mouvement était représenté par Ralibera Jean Weil, trésorier général du PADESM et directeur du Voromahery. Absorbé par ses affaires personnelles et trop âgé (il était le doyen d’âge des fondateurs), il ne put déployer toute l’activité désirable et le PADESM périclita.
79Le départ de Ramambason amorça le déclin du PADESM. Le mouvement et son journal allaient survivre encore pendant sept ans grâce à la vitesse acquise et à la vitalité de certaines sections régionales animées par des leaders actifs. Le PADESM et le Voromahery, dont le dernier numéro parut en novembre 1956, ne connaissaient un certain renouveau qu’à l’occasion des campagnes électorales avec le concours des autorités administratives des provinces et des districts.
C. LES RIVALITÉS ENTRE CÔTIERS
80L’unité du PADESM était le résultat d’une entente entre des personnalités côtières au caractère fort différent, entente précaire souvent remise en question que Ramambason sut plus ou moins maintenir tant qu’il était sur place.
81Dans l’Ouest, c’était la rivalité entre le Sud où dominait la forte personnalité de Raveloson Mahasampo de Tuléar et le Nord avec Totolehibe.
82Sur un plan plus général une rivalité tenace, à la fois personnelle et politique, existait entre les deux principaux personnages côtiers, Philibert Tsiranana et Norbert Zafimahova. Ramambason dut intervenir plus d’une fois pour essayer d’établir un accord entre eux.
83En 1951, Philibert Tsiranana revint à Madagascar après quatre années d’étude à l’école normale de Montpellier. Affecté comme professeur d’enseignement technique à Tananarive il créa une association, l’A.C.I.M.C.O. (Association Culturelle des Intellectuels Malgaches Côtiers) dont le journal Ny Antsika voulut éliminer le Voromahery. En mars 1952 il fut élu conseiller provincial de Majunga et conseiller à l’Assemblée représentative. Aux élections législatives du 2 janvier 1956 il fut élu député à l’Assemblée nationale française. Le 28 décembre de la même année il créa à Majunga une nouvelle formation d’inspiration S.F.I.O., le Parti social démocrate de Madagascar et des Comores. En regroupant d’anciens membres du PADESM et en recrutant des adhérents parmi les Merina, Philibert Tsiranana en fera une puissante formation politique de tendance « progressiste », le P.S.D.
84Au cours de cette année 1956, l’année de la loi-cadre, on vit se multiplier de nouvelles formations politiques. Norbert Zafimahova créa le 7 décembre 1956 l’U.D.S.M. (Union des Démocrates Sociaux de Madagascar) de tendance « traditionaliste ». Tous deux consacrèrent ainsi la fin du PADESM, mais aussi la division profonde des Côtiers les privant d’une cohésion qui aurait pu éviter les événements de 1972. Aux membres du PADESM désorientés par cette division, Ramambason ne put que conseiller de suivre l’un ou l’autre des deux principaux leaders.
CONCLUSION
85Le PADESM apparaît comme ayant été le banc d’essai pour un certain nombre d’hommes politiques malgaches qui se révélèrent par la suite parmi les éléments les plus marquants des populations côtières.
86Plusieurs firent leurs preuves dans le cadre des différentes assemblées provinciales et au sein de l’Assemblée représentative siégeant à Tananarive. Certains exercèrent des mandats dans les diverses assemblées françaises : Conseil de l’Union française, Sénat, Assemblée nationale. Ils y acquirent une précieuse expérience politique dont ils feront bénéficier par la suite les institutions de leur pays. Quelques-uns furent élus à l’Assemblée nationale et au Sénat de Madagascar et il y en eut parmi eux qui accédèrent aux hautes fonctions gouvernementales aussi bien durant la période de l’autonomie interne qu’après l’accession de Madagascar à l’indépendance. Ils jalonnèrent ainsi les différentes étapes de la décolonisation.
87Il est utile de rappeler quelques noms parmi les personnalités les plus connues en rappelant simplement la fonction la plus élevée qu’elles ont occupée.
88Honoré Vantana Toto de Majunga, conseiller représentatif.
89Le gouverneur Raveloson Mahasampo de Tuléar, député à l’Assemblée nationale Française (1951-1956), Premier vice-président de l’Assemblée représentative.
90Antoine Zafimahova de Farafangana, employé de société, député à l’Assemblée nationale Malgache (1958).
91Norbert Zafimahova, fonctionnaire, sénateur en France, président de l’Assemblée représentative en 1957.
92Philibert Raondry de Fianarantsoa, fonctionnaire, ministre d’Etat chargé de la fonction publique, des lois sociales et du travail en 1959. Il fut ensuite ambassadeur de Madagascar en Algérie et en République Fédérale Allemande.
93Laingo Ralijaona de Tamatave, sénateur en France.
94Pascal Velonjara, agent d’affaires, député à l’Assemblée nationale en France (1951-56).
95Jean-François Jarison, ministre du travail et des lois sociales en 1960, Garde des Sceaux, ministre de la Justice en 1969.
96Philibert Tsiranana, premier Président de la République Malgache le 1er mai 1959 et Président de la République Malgache indépendante le 26 juin 1960.
97Ainsi le PADESM a été un creuset où ont été formés des cadres pour Madagascar, les cadres de la première génération sur lesquels a reposé la mise en place d’institutions nouvelles.
98Indépendamment de la formation de cadres, le grand mérite du PADESM fut surtout d’avoir lancé l’idée de promotion des « Déshérités » qu’il s’agisse des « Mainty » sur les Hauts-Plateaux et surtout des « Côtiers » dans le reste de l’île. Il a suscité chez les intéressés eux-mêmes la volonté de prendre en main leur propre destin. Pour la première fois il a provoqué un regroupement des Côtiers, rassemblement parfois fragile qui ne résista pas à la pression d’intérêts puissants, mais qui amorça l’édification d’une unité nationale à partir des bases provinciales et non plus des Hauts-Plateaux uniquement.
99C’est dans le propre sillage du PADESM et avec les hommes qu’il a formé que se sont constituées deux organisations importantes : l’U.D.S.M. de Norbert Zafimahova et surtout le P.S.D. de Philibert Tsiranana. Ce dernier parti à présidé pendant 14 ans (de 1958 à 1972) aux destinées de Madagascar. Le PADESM a ainsi entamé de façon irréversible la prédominance historique d’une ethnie sur les autres.
100Il n’est pas superflu de signaler que c’est un des militants de la première heure, celui qui à l’époque battait le rappel des populations du Nord et de l’Ouest de l’île et signait ses articles dans le Voromahery du pseudonyme de « Tsimihety », Philibert Tsiranana, qui devint le « Père de l’Indépendance ». Il a obtenu sans effusion de sang et dans l’amitié avec la France cette indépendance de Madagascar que revendiquaient ses deux adversaires des premiers temps, Ravoahangy et Raseta ; il a également établi pendant quelques années l’unité du pays en associant à son gouvernement les deux anciens parlementaires M.D.R.M., Ravoahangy et Rabemananjara, marquant ainsi un tournant décisif pour les « Déshérités ».
Notes de bas de page
1 Journal Ny Fahafahana, n° 27 du 21 août 1946. Déclaration de Raseta à l’Assemblée nationale le 6 mai 1947. Rabemananjara R.W., Histoire de la nation malgache, Paris, 1952, p. 165. Pierre Boiteau, Contribution à l’histoire de la nation malgache, Editions sociales, Paris, 1958, p. 359. Jacques Tronchon, L’insurrection malgache de 1947, Maspéro, Paris, 1974, p. 32 et 187, Encyclopedia Universalis, vol. 10, Madagascar, p. 277.
2 Rabemananjara R.W., op. cit., p. 166. Jacques Tronchon, op. cit., pp. 186-187.
3 Pierre Boiteau, op. cit., p. 359. Alain Spacensky, Madagascar. Cinquante ans de vie politique de Ralaimongo à Tsiranana, Nouvelles éditions latines, Paris, 1970, p. 59.
4 Rabemananjara R.W., op. cit., p. 167. Roger Pascal, La République malgache, Berger Levrault, Paris, 1965, p. 38-39. Jacques Tronchon, op. cit., p. 32-33 et 186.
5 Mme Berthiaux Danièle, Contribution à l’histoire de la nation malgache : le PADESM, 1976, Mémoire de maîtrise, Faculté des Lettres de Nancy, n° 76/121 (126 pages).
6 Hebdomadaire « Climats », n° du 21 janvier 1948 : Quand les « déshérités » s’organisent à Madagascar par Ramambason.
7 Hubert Deschamps, Histoire de Madagascar, 4e édition, Berger Levrault, Paris, 1972, p. 102.
8 Arrêté publié le 27 septembre 1896 au Journal officiel de Madagascar.
9 Esprit, septembre 1971. Les événements de 1947 à Madagascar par Francis Koerner, p. 318.
10 Berthiaux Danièle, op. cit., annexes pp. 112-113, 115-116.
11 Pierre Boiteau, op. cit., p. 359 et Alain Spacensky, op. cit., p. 59.
12 Berthiaux Danièle, op. cit., annexes p. 113-114.
13 Roger Pascal, op. cit., p. 38 note.
14 Voromahery n° 71, 13 janvier 1948.
15 Cité dans « Climats » du 21 janvier 1948.
16 Berthiaux Danièle, op. cit., annexes p. 116-117.
17 Robert Boudry, « J’ai témoigné au procès de Madagascar » – Revue Esprit, janvier 1949.
18 Voromahery n° 10 du 8 octobre 1946 – Cité par Berthiaux Danièle, op. cit., p. 69.
19 Pierre Boiteau, op. cit., p. 371.
20 Mémoire de recours en grâce adressé le 5 décembre 1947 par le lieutenant Randriamaromanana au Président de la République Française.
21 « Climats » du 21 janvier 1948.
Auteur
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