L’idéalisme et le mythe du donné : Sellars, McDowell, Austin, Travis
p. 229-247
Texte intégral
McDowell et le mythe du donné
1Nous reprenons ici quelques éléments du débat sur le « mythe du donné » : c’est en effet sous cette forme qu’a resurgi, à la fin du xxe siècle, la question de l’idéalisme. Davidson fut l’un des premiers à la soulever ainsi, en critiquant Quine pour avoir instauré une mythologie d’un donné expérientiel qui serait à conceptualiser par un schème, par une organisation conceptuelle. La critique du « mythe du donné » est ainsi devenue un élément central dans les discussions contemporaines, notamment dans le débat sur le contenu conceptuel, ou non conceptuel, de la connaissance.
2Ce débat sur le donné et sur le « contenu » de l’expérience, est de fait directement un héritage de Wilfrid Sellars. Cet héritage – notamment celui du texte de Sellars le plus souvent repris, Empirisme et philosophie de l’esprit – est très disputé à tous les sens du terme, chacun voulant reprendre à son compte les formules de Sellars.
3Il reste cependant un problème : savoir ce qui est critiqué par Sellars, puis Davidson, dans le mythe du donné. Ce n’est pas en effet l’intuition contre le concept. Comme le note John McDowell au point de départ de Mind and World, l’idée de donné ne renvoie pas exactement à l’idée d’expérience en tant que telle – en tant, par exemple, que pure réceptivité et que radicalement opposée au concept (ou à ce que McDowell nomme, dans son langage quelque peu idiosyncrasique, « l’espace des raisons »).
4L’erreur, selon McDowell, serait d’opposer contenu et concept, « comme les deux pôles d’un dualisme ». Cela le conduit à redéfinir « contenu ». McDowell s’appuie astucieusement sur la remarque suivante, bien connue, de Kant : « Des pensées sans contenu sont vides. » Mais qu’entend-on par vide ? « Pour qu’une pensée soit vide, il faut que rien ne soit pensé quand elle est pensée. »« Rien n’est pensé » voudrait dire : elle est dépourvue d’un « contenu représentationnel ». Dans ce cas, une pensée vide ne serait pas du tout une pensée. Kant veut dire, selon McDowell, qu’il ne s’agit pas d’une sorte particulière de pensées qui seraient les pensées vides, mais d’une définition de la pensée. Comme Wittgenstein lorsqu’il définit les limites du langage et du sens dans le Tractatus ; il ne définit pas des propositions spécifiques qui seraient des non-sens. Une proposition (une pensée) dénuée de sens n’est pas une pensée du tout. De même, une pensée sans contenu n’est PAS une pensée.
5Lorsque Kant dit que des pensées sans contenu sont vides, il veut dire aussi que ce n’est pas d’une tautologie : « sans contenu » n’est pas synonyme de « vide ». Contenu renvoie à quelque chose de bien spécifique, qui n’est pas simplement le « contenu représentationnel » ou, disons, propositionnel. « “Sans contenu” indique l’explication de la sorte de vacuité envisagée par Kant. Cette explication, nous pouvons la trouver dans la deuxième partie de la remarque de Kant : « des intuitions sans concepts sont aveugles ». Il ne faudrait voir dans ces pensées sans contenu – qui ne seraient pas vraiment des pensées – qu’un jeu de concepts sans aucune connexion avec des intuitions, c’est-à-dire des éléments de ce que l’expérience apporte (Mind and World, abrégé en MW, 4). »
6En quelques lignes, tout est dit : ce qui donne un contenu à la pensée, fait d’elle une pensée, c’est le lien à l’expérience. Il faut alors comprendre comment seule l’idée d’un contenu conceptuel permet de définir un tel lien, et comment ce que Wilfrid Sellars appelle « l’espace des raisons » opère dans l’expérience et définit, de fait, le contenu de l’expérience. « Mais si notre liberté de pensée empirique est totale, précisément si elle ne reçoit nulle contrainte du dehors de la sphère conceptuelle, alors c’est la possibilité même que les jugements d’expérience puissent être fondés de façon à être mis en relation avec une réalité extérieure à la pensée, qui semble menacée » (MW, 4).
7L’enjeu est bien la façon dont opèrent les capacités conceptuelles : passivement dans la sensibilité, activement dans les jugements. « Les capacités conceptuelles qui entrent passivement en jeu dans l’expérience appartiennent au réseau de capacités dont dispose une pensée active. Quand une quête de réponse s’enclenche en réaction à un impact du monde sur la sensibilité, c’est ce réseau qui en a le contrôle rationnel (MW, 12). »
8L’intérêt de définir l’entendement comme faculté de la spontanéité est inséparable du fait que le contrôle que ce réseau de capacités exerce sur les pensées d’un sujet n’est pas absolu, que « l’expérience même ne s’ajuste pas bien à l’idée de spontanéité ». « Même les concepts les plus immédiatement observationnels sont en partie constitués par le rôle qu’ils jouent dans quelque chose qu’on peut concevoir de façon fort pertinente en termes de spontanéité » (MW, 13).
9C’est là une évidence non seulement quinienne (McDowell revoie ici en note à « Deux dogmes de l’empirisme ») mais aussi kantienne, dont la reformulation est aussi une limite ou redéfinition de l’idéalisme. McDowell la formule aussi : soit on insiste sur la passivité de l’expérience pour définir le contenu, soit on insiste sur le rôle des capacités conceptuelles de la spontanéité) dans l’expérience. Mais dans l’un ou l’autre cas, on ne sait plus quoi entendre par « capacité conceptuelle ». Si l’on affirme que des capacités conceptuelles sont à l’œuvre dans l’expérience, mais qu’on refuse toute forme d’idéalisme, c’est-à-dire de prendre en compte la pure spontanéité, on ne dit plus rien : « Si nous tentons de tenir la spontanéité à l’écart de notre conception, mais en parlant cependant de capacités conceptuelles à l’œuvre dans l’expérience, alors le discours sur les capacités conceptuelles n’est plus qu’un jeu sur les mots (MW, 13) ».
10La critique du Mythe du Donné ne suffit pas à définir le rôle du concept dans l’expérience. Car comme dit McDowell dans une formulation célèbre, le mythe « nous offre au mieux des disculpations là où nous exigions des justifications ». Si on pense que les stimulations par la sensibilité échappent au contrôle de la spontanéité, alors on ne peut au mieux en attendre qu’« une exemption du blâme d’avoir cru ce qu’elles nous ont amené à croire », mais pas une justification pour nos croyances.
11Il s’agit bien du point de départ du débat sur la nature de l’empirisme pour Sellars dans Empirisme et philosophie de l’esprit. « Ma réflexion part d’un élément central dans l’attaque par Sellars du Mythe du Donné. Ce que Sellars vise à mettre en cause va plus loin que l’empirisme traditionnel. Mais dans Empirisme et philosophie de l’esprit, il se concentre sur l’idée de quelque chose qui serait donné dans l’expérience indépendamment de capacités conceptuelles acquises. Il insiste sur le fait que rien de tel ne peut se trouver dans une relation justificative à des croyances, ou à une conception du monde » (McDowell, Précis of Mind and World, abrégé en Précis).
12L’idée de McDowell, en reprenant à sa façon le dualisme concept intuition, est qu’on ne peut donc concevoir l’expérience en termes purement de passivité, pas plus qu’on ne peut imaginer un jeu de formes conceptuelles sans « lien avec ce que l’expérience apporte ».
13On comprend mieux ce point en se reportant à l’idée centrale de Quine, dans « Deux dogmes de l’empirisme », selon laquelle notre « schème conceptuel » s’adapte aux pressions de l’expérience à ses contours. Au-delà de cette métaphorique, il y a un mystère quant au statut de cette expérience « extérieure », qui dès lors qu’elle frappe à la porte du concept, devrait être décrite en termes conceptuels. Les philosophes empiristes comme Quine ne voient la passivité/réceptivité que comme point de départ de la connaissance : pour eux précisément le donné est toujours embringué, n’existe que comme contenu à « organiser » dans la connaissance, dans le schème conceptuel. Davidson reproche cela au concept de « schème conceptuel » et propose de renoncer à l’idée de contenu empirique, et de concept comme interface entre l’expérience et la théorie. Ce serait, Davidson le reconnaît et le propose, renoncer à l’empirisme. Pour McDowell, faute de renoncer à l’empirisme (l’empirisme minimal qui consiste à dire que l’expérience apporte quelque chose) il faut assumer cette conceptualisation et voir ce qu’elle signifie. « Nous ne pouvons donc pas nous contenter de mettre d’un côté l’engagement passif des capacités conceptuelles dans l’expérience et, de l’autre, la liberté contenue dans l’idée de spontanéité, liberté qui est susceptible de nous désemparer. Si nous croyons pouvoir nous appuyer sur la passivité de l’expérience en niant que la spontanéité s’étende jusqu’au contenu de l’expérience, nous retombons dans une version du Mythe du Donné à la formulation fallacieuse » (MW, 13).
14D’où la façon très spécifique, chez McDowell, de reprendre la critique sellarsienne du Donné. Il ne propose pas de mise en cause de la passivité et de la réceptivité, mais une conceptualisation de la réceptivité elle-même, de la passivité en tant que telle. Prolongeant Kant, il ne propose pas une conceptualisation du donné brut dans une redéfinition de l’expérience, mais une idée de l’expérience comme actualisation de capacités conceptuelles dans la conscience sensible (sensory consciousness, terme de Sellars que McDowell conçoit comme central).
Ce n’est donc pas une victoire à vil prix sur le Donné que je suis en train de proposer, une victoire qui serait remportée en s’appuyant sur le fait que l’expérience est passive de manière à tenir l’expérience hors de portée de la spontanéité. Dans la conception que je propose, même si l’expérience est passive, elle met en œuvre des capacités qui s’inscrivent véritablement dans la spontanéité. (Ibid.)
15Contre le naturalisme brutal (bald naturalism) qui voudrait mettre réceptivité et conceptualisation sur le même plan, McDowell propose de tracer une ligne qui sépare ce qui entre dans l’espace des raisons et ce qui n’y entre pas. Il suggère ainsi le recours à une « seconde nature », contre le modèle de la science. « Que la sensibilité soit une capacité naturelle n’implique pas que notre sensibilité ne puisse être elle-même conceptuellement informée » (Précis, p. 367).
16D’où l’intérêt, dans cette nouvelle approche de l’idéalisme, pour la nature de l’expérience perceptuelle. La perception est conceptuelle, ce qui paraît évident du point de vue kantien, mais pour McDowell cela implique que son contenu est conceptuel : la perception met en œuvre une forme de réceptivité proprement humaine.
17« Nous n’avons pas besoin de dire que nous avons ce que les simples animaux ont, un contenu non-conceptuel, et que nous avons aussi quelque chose d’autre, puisque nous pouvons conceptualiser ce contenu alors qu’ils ne le peuvent pas. Mais nous pouvons dire plutôt que nous avons ce qu’ont les simples animaux, une sensibilité perceptuelle aux traits de notre environnement, mais que nous l’avons sous une forme spéciale. Notre sensibilité perceptuelle à notre environnement est intégrée dans la faculté de spontanéité, qui est ce qui nous distingue d’eux. » Nous n’avons pas une capacité spécifique à la conceptualisation qui en quelque sorte s’ajouterait à un donné commun à d’autres natures mais une réceptivité spécifique. McDowell peut ainsi reprendre la critique du donné, sans pour autant renoncer à la réceptivité et à l’ouverture au monde (comme propose de le faire Davidson), ni tomber dans un mythe de la pure réceptivité conçue en termes naturalistes comme ceux de Quine (les impacts sur nos surfaces sensorielles et toute la métaphorique du bombardement propre à la rhétorique de l’empirisme).
Dogmes de l’empirisme et schèmes conceptuels
18On peut revenir au point de départ de tout cela : Quine et sa critique des « Deux dogmes », suivie de celle du troisième dogme de Davidson (le schème conceptuel), suivie de ce qu’on pourrait appeler celle du quatrième dogme de McDowell (le contenu non-conceptuel, ou le donné), voire du cinquième dogme de Brandom (qui serait, alors l’expérience).
19C’est le problème même d’Empirisme et philosophie de l’esprit : comment définir l’expérience au sein d’une critique du pur donné ? Cela conduit inévitablement à mettre en cause de l’idée de perception, du moins conçue comme vérification (ou auto-validation), source de connaissance (et de croyances), bref comme idée épistémologique (au sens anglais du terme, de théorie de la connaissance). McDowell pose le problème au début de Mind and World (en cela, il est d’accord avec Brandom). Comment étendre les relations de justification au delà de l’espace des raisons, de la sphère conceptuelle ?
Dans l’idée de Donné, il y a l’idée selon laquelle l’espace des raisons, l’espace des justifications ou des garanties, s’étend au-delà de la sphère conceptuelle. L’excès d’extension de l’espace des raisons est censé lui permettre d’intégrer des impacts non-conceptuels venant du dehors du règne de la pensée. Mais il est difficile de comprendre les relations en vertu desquelles un jugement est garanti autrement que comme des relations dans l’espace des concepts, des relations comme l’implication ou la probabilisation, qui ne valent qu’entre des exercices potentiels de capacités conceptuelles. La tentative d’étendre la portée de relations justificatrices au-delà de la sphère conceptuelle ne permet pas d’obtenir le résultat escompté (MW 7).
20McDowell part d’une critique de Davidson. Que critique Davidson dans l’« idée de schème conceptuel », et généralement dans l’empirisme ? L’idée de schème conceptuel, telle que présentée par Quine dans Du point de vue logique est au départ une machine de guerre contre une certaine forme de réalisme – la forme empiriste ; un réalisme comme « dogme de l’empirisme », comme thèse d’une adéquation individuelle entre nos énoncés et des fragments du monde. La question de l’adéquation du langage au monde est creuse, dit Quine ; on ne peut y répondre qu’« en parlant du monde, et aussi bien du langage, et pour parler du monde nous devons déjà imposer sur le monde un schème conceptuel spécifique à notre langage » (Du point de vue logique, p. 78) . L’erreur de Davidson ne serait pas dans sa critique de l’idée de schème conceptuel, mais dans la solution qu’il propose, à savoir le renoncement à l’empirisme. Certes, on ne peut qu’être intéressé par sa proposition d’en finir avec le dualisme schème/ contenu, et le projet de « rétablir ainsi le contact avec les objets familiers » (Davidson 198, 289), sans passer par un schème ni par l’idée de représentation. Il est certain que l’idée d’un schème qui s’appliquerait à un donné brut et le « découperait » en morceaux maniables (pour reprendre encore un élément de la rhétorique empiriste) est un pas considérable vers l’idéalisme. Il y a un risque idéaliste dans toute revendication empiriste.
21Davidson a donc touché un point important par sa critique Tout commence en effet chez Quine avec nos « terminaisons nerveuses » et « irritations de surface ». Ce vocabulaire quinien ne doit pas faire oublier où tout cela finit : dans le schème conceptuel constitué, notre langage qui « parle d’objets ». L’empirisme de Quine institue la distance entre nos données et nos objets. C’est l’empirisme qui suscite les remarques d’allure relativiste de « Deux dogmes » sur le « mythe des objets » :
Étant empiriste, je continue à concevoir, en dernière instance, le schème conceptuel de la science comme un instrument destiné à prédire l’expérience future à partir de l’expérience passée. Conceptuellement, les objets physiques sont des intermédiaires commodes, que nous imposons avec nous – non qu’ils soient définis en termes d’expérience, simplement ce sont des entités irréductibles que nous postulons, comparables, du point de vue épistémologique, aux dieux d’Homère. […] Si le mythe des objets physiques est supérieur à la plupart des autres, c’est qu’il s’est révélé être un instrument plus efficace que les autres mythes, pour insérer une structure maniable dans le flux de l’expérience (Du point de vue logique, p. 43).
22Les discussions épistémologiques sur le donné peuvent entièrement être tirées de ce passage classique de « Deux dogmes ». On voit quel en est l’enjeu : la réalité des entités postulées par la théorie pour rendre compte de l’expérience, et l’irréductibilité de ces entités – des posits – à des données sensorielles. Cette constatation de départ, qui n’est jamais remise en question par Quine, fait simplement partie du donné de la philosophie, de notre héritage humien : nous n’avons que l’expérience, qui ne nous donne pas de connaissance ni d’objets. Donc, les objets seront des posits, des inférences à partir du donné, et notre ontologie sera « relativisée » au choix d’une théorie d’arrière-plan. Il restera, dans toute l’œuvre de Quine, à concilier le réalisme et l’empirisme ; ou plutôt, une certaine forme d’empirisme, qui nous fait attendre la connaissance de nos « terminaisons nerveuses et un réalisme « robuste » : rien dans le donné ne me donne la connaissance, et donc le réel, qui ne peut ainsi m’être donné, doit être alors « posé » ou inventé. (« Si les objets n’existaient pas, il faudrait les inventer », dit Quine.) D’où la constante présence de l’idéalisme au sein même de l’empirisme. L’alternative à ce quasi-idéalisme étant le mythe du donné : si le donné nous donne déjà une connaissance, on retombe dans les dogmes de l’empirisme, et notamment une auto-validation du donné.
23On comprend mieux la conclusion de Davidson, et pourquoi elle sert de point de départ à McDowell dans Mind and World. Il faudrait renoncer, pour aller jusqu’au bout de la critique des dogmes de l’empirisme, à l’idée même de ce donné brut à organiser par des concepts. « Le dualisme du schème et du contenu, d’un système organisateur et de quelque chose qui attend d’être organisé, n’est ni intelligible ni défendable. C’est un dogme de l’empirisme, le troisième dogme. Le troisième, et peut-être le dernier, car si nous y renonçons, il n’est pas clair qu’il reste quelque chose de spécifique à quoi on puisse donner le nom d’empirisme. »
24Mais si l’on prend au sérieux la critique de Davidson, il faudrait tout simplement renoncer à l’empirisme. Pourquoi pas ? C’est bien ce que propose Charles Travis dans son essai « Le crépuscule de l’empirisme », où il suggère (de façon différente voire inverse de Davidson) que le problème, c’est bien l’empirisme même. Mais il faudrait renoncer, aussi bien, à quelque chose d’essentiel à ce qu’on a défini au xxe siècle comme la philosophie du langage – à l’idée que le langage parle de « quelque chose » ou du monde. Toute la philosophie se révèle alors fondée sur ce troisième dogme : nous n’avons « que » l’expérience, et il faut à partir de là produire la connaissance, inventer le langage, construire nos théories. Quel miracle, comment faisons-nous ? C’est là un thème récurrent chez Quine, mais qui est constant dans toute la philosophie post-quinienne.
25Davidson a donc bien vu une difficulté fondamentale dans la position de Quine. La difficulté, ce n’est pas le relativisme qu’il dénonce dans son article, ni non plus exactement « l’idée même de schème conceptuel », définie comme l’idée d’un donné informe à découper par des conceptions incommensurables (car cette idée d’un donné brut n’est pas présente chez tous les théoriciens visés par Davidson, Quine et Kuhn notamment ; elle n’existe peut-être que chez Whorf). C’est, en fait, l’idée même d’un donné de l’expérience à « traduire » dans le langage, l’idée que le langage lui-même est une élaboration à partir de l’expérience.
26C’est là que McDowell intervient : certes, l’idée d’une telle interaction donné/ concept est problématique, mais renoncer, comme Davidson ou Sellars, au donné ou à tout rapport donné/concept en faveur d’un cohérentisme ou d’une pure théorie de la signification en pensant que le rapport au réel se débrouillera tout seul, ne résout rien. Car la question reste malgré tout celle du donné, et c’est exactement le mouvement inverse qu’il faudrait accomplir, selon McDowell. « Je reconnais avec plaisir que Davidson a compris le point essentiel, que la philosophie ne doit pas faire un mystère de la façon dont la pensée porte sur les objets. Et il a raison de constater que Quine ne peut tout avoir ; l’expérience telle que Quine la conçoit ne peut pas être un tribunal. Mais Davidson résout la tension que l’on trouve chez Quine dans la mauvaise direction, et nous laisse avec les problèmes philosophiques que précisément il visait à éliminer (MW 138).
27Cela nous laisse naux prises avec le problème posé par Sellars, celui des impressions sensorielles et de leur portée épistémologique et cognitive.
28Selon Davidson, Quine a certes rejeté la synonymie et le mythe de la signification, mais n’en a pas fini avec l’autre dogme, lié au réductionnisme, dont pourtant il a affirmé l’identité au premier dogme, celui de l’analyticité (ils sont, dit-il, at root identical). Quine, en rejetant le dogme de la distinction analytique/synthétique, aurait introduit à sa place l’idée d’un contenu empirique, d’un donné (qui prend le nom, chez Quine, des « irritations de surface » et « stimulations sensorielles », pour reprendre son étrange vocabulaire), indéterminé et non séparable, mais bien présent. Quine a été le premier à nier l’existence d’un contenu empirique individuel des énoncés. Mais cela ne l’a peut-être pas conduit, contrairement à ce que dit Davidson, à endosser l’idée d’un « contenu » global à organiser.
29La difficulté réside non pas dans l’idée qu’il y aurait un « donné », mais plutôt dans l’idée que nous « fabriquons », tissons la connaissance et nos énoncés à partir de ce donné (man made fabric, pour reprendre l’expression bien connue de Quine qui dans « Deux dogmes » représente aussi la connaissance non seulement comme champ de forces mais aussi comme un tissu d’énoncés). Car dès lors qu’il y a une telle « fabrique », il y a – Quine a été le premier à le montrer – indétermination et pluralité des schèmes et interprétations. On ne peut qu’être tenté de réduire encore, et de dire comme Davidson qu’il n’y a plus que ces interprétations. Mais la solution de Davidson (même si elle le conduit à présenter une forme, ultra sophistiquée, de réalisme), au lieu de résoudre la question, l’écarte. Il ne suffit pas de dire qu’il n’y a que le langage et les objets, rien « entre », même si la sémantique de Davidson, en reconstituant la signification à partir de la théorie de la vérité de Tarski, a voulu donner consistance à cette thèse. La théorie de l’interprétation conduit à un retour de la signification sous une forme aussi mythique que celle critiquée par Quine, par exemple sous la forme de l’intentionnalité ou, plus généralement, d’un système de croyances. L’idée de troisième dogme est forte, mais elle ne nous rapproche guère d’un moyen de « rétablir un contact sans médiation avec les objets familiers dont les fredaines rendent nos phrases et nos opinions vraies et fausses ».
30C’est que l’attaque contre Quine est peut-être mal placée. L’idée de schème conceptuel n’est pour Quine qu’un élément du naturalisme. « La notion que j’entends par là n’est pas transcendantale ou épistémologique, ni même une question de preuve empirique ; elle est ontologique, une question de réalité, et doit être conçue de manière naturaliste à l’intérieur de notre théorie du monde » (Theories and Things, p. 19, abrégé en TT). Quine reconnaît avoir longtemps fait un usage déroutant de l’expression de « schème conceptuel », et avoir conduit Davidson à lui attribuer, de manière erronée, l’idée d’un « dualisme du schème et du contenu ». L’expression n’est pas technique, « ce n’est pas, pour parler comme les architectes, un élément porteur ». La notion de schème conceptuel ne méritait pas, selon Quine, les discussions qu’elle a suscitées. « Là où j’ai parlé d’un schème conceptuel, j’aurais pu parler d’un langage. Là où j’ai parlé de schème conceptuel étranger, j’aurais pu me contenter de parler d’un langage étrange ou déroutant à traduire » (TT, 41).
31Le schème n’est pas un cadre de pensée mais le langage lui-même en tant qu’activité. « Pour parler du monde, nous devons déjà imposer sur le monde un schème conceptuel spécifique à notre propre langage. […] Nous ne devons pas pour autant en conclure, de façon fataliste, que nous serions condamnés pour toujours au schème conceptuel dans lequel nous avons grandi. Nous pouvons le changer petit à petit, planche à planche, tout en n’ayant rien d’autre pendant ce temps, pour nous soutenir, que le schème conceptuel lui-même » (From a logical point of view, abrégé en FLPV, p. 79).
32L’idée de schème conceptuel est pour Quine moins théorique que naturaliste, et désigne simplement notre langage, ce que nous avons à notre disposition et dont nous devons nous contenter. Il ne souhaite pas en faire un schème au sens kantien du terme. On pourrait même concevoir alors le langage dans les termes du naturalisme de la seconde nature tel que McDowell le définit, ou dans des termes proches de ceux de Brandom, puisqu’il inclut non seulement notre langage, mais toutes les normes intégrées avec son apprentissage. Certes, cela peut paraître une lecture un peu trop charitable de Quine, mais les critiques de sa critique de « Deux dogmes » n’ont pas réellement mis en cause l’empirisme.
Sellars, Brandom et la métaphysique des sense-data
33Le problème est bien celui de la nature de l’expérience, et la définition du donné. Ce que Sellars critique, ce n’est pas l’idée de contenu ou d’expérience, mais l’idée que cette expérience serait cognitive ou épistémique. Suivant son expression bien connue : You cannot have your cake and eat it. On ne peut avoir à la fois le donné en tant que brut, donnée sensorielle, et en tant qu’épistémique. D’où la précision importante de Sellars au début de son essai. Tout peut être considéré comme donné ; pas seulement les données sensorielles, mais la logique, les principes de rationalité, les significations, etc. Sellars rejette tout donné de ce type, c’est-à-dire tout donné auto-validable. Les sense-data sont un excellent exemple, car non seulement ils sont validables, mais considérés comme extérieurs, naturels, donnés. Donc le mythe du donné (et le have your cake and eat it) joue pour eux remarquablement en tant que donné rationnel, et en tant que donné naturel.
34Sellars critique alors l’idée du donné en tant que chargée théoriquement : « a piece of professional – epistemological – shoptalk » lourde de contenu théorique.
35Il n’y a pas chez Sellars de rejet du donné de l’expérience en tant que tel : il rejette l’idée d’un donné comme incorrigible ou auto-validant. Il y a une certaine proximité entre cette critique et, on le verra plus loin, celle qui est opérée par Austin au même moment, dans Sense and Sensibilia. Pour Sellars, toutes sortes de choses sont dites « données » : pas seulement les contenu sensoriels, mais aussi les universaux, les propositions, « even givenness itself ». L’intérêt et la radicalité de la position de Sellars est sa critique de l’idée même de donné en général, et pas seulement du donné empirique : « the entire framework of givenness ». L’idée de donné (empirique) fait partie plus généralement d’une mythologie du point de départ absolu ou du fondement.
36Après avoir critiqué l’idée générale de donné, Sellars se consacre d’abord à la notion de sense-data, « donné » par excellence : l’objet de la sensation comme autonome et fondement de la connaissance. Sellars met en cause un dogme de plus : celui de l’expérience (expérience percepive) comme fondement, comme possédant sa validité propre. Il critique très exactement certains des éléments actuels de la métaphysique analytique, ces particuliers abstraits ou qualia qui seraient les objets idéaux de la sensation – les objets de l’expérience.
37C’est à partir de cette remarque que Sellars montre brillamment quel est le dilemme du théoricien des sense-data, qui doit choisir entre deux solutions :
Ce sont des particuliers qui sont les objets de la sensation [It is particulars which are sensed]. La sensation n’est pas la connaissance [Sensing is not knowing]. L’existence de sense data l’implique alors pas logiquement l’existence de la connaissance.
La sensation est bien une forme de connaissance (Sensing is a form of knowing.) Ce sont des faits et non des particuliers qui sont les objets de la sensation (It is facts rather than particulars which are sensed.)
38L’alternative est la suivante : la sensation est cognitive, auquel cas elle serait toute la connaissance, et il n’y aurait rien à en tirer, ou alors la sensation n’est pas une connaissance, elle est hors de l’espace des raisons, et on ne peut rien en faire non plus.
39Le problème reste entier alors de savoir comment nous avons le moindre contact, par inférence ou pas, avec le monde extérieur. Devant cette difficulté, le théoricien des sense-data veut tout avoir (toujours le cake) : la fondation et la connaissance empirique : il insiste pour dire à la fois que la sensation est une connaissance et que ce sont des particuliers qui sont « sentis ». Comme l’a remarqué Bouveresse dans Langage, perception et réalité, II, Sellars permet de questionner la pertinence d’une conception qui assimile la postulation de l’existence des objets physiques ordinaires à la production d’une hypothèse. Cela revient à supposer que l’existence des objets du monde extérieur est affirmée ou postulée sur la base d’un donné constitué par les sensations, qui joue un rôle analogue à celui que jouent les données observationnelles dans la confirmation d’une hypothèse scientifique.
40Sellars conteste ainsi la suggestion de Ayer selon laquelle le discours sur les sense-data serait un langage spécifique, inventé par la théorie de la connaissance pour rendre compte de l’usage ordinaire de mots comme « sembler » ou « paraître ». Comme si l’introduction du vocabulaire des données de sens permettait d’éviter tout accroissement de contenu descriptif et de ne pas s’engager – de rester au niveau du donné. Ici on retrouve les tentatives de reconstruction de Carnap et de Ayer, qui ont été critiquées par Austin dans Sense and Sensibilia, mais aussi par Sellars.
41Comme le montrent aussi un certain nombre de remarques de Wittgenstein, qui a également critiqué cette suggestion, il n’y a guère de sens à imaginer que le langage des sense-data serait autonome. Le langage du paraître est un langage qui présuppose celui des objets physiques et qui en dépend ; et c’est un langage qui ne constitue pas un retour à quelque chose d’antérieur et de premier, mais une complication et un enrichissement du « langage des objets ». Wittgenstein note ainsi que le jeu de langage des sense-data et celui de la « semblance » (par opposition à l’« être ») sont postérieurs et dérivés par rapport au langage « objectif », sur les choses, et qu’ils ont une logique qui n’est pas plus simple, mais plus compliquée. Pas plus pour Sellars que pour Wittgenstein, on ne pourrait commencer par apprendre à décrire les choses à l’aide de jugements formulés à l’aide de verbes comme « sembler » ou « paraître », pour passer ensuite au langage de l’être ou de la réalité.
42Brandom repris cette question dans Making it explicit. Il examine l’idée séduisant selon laquelle les comptes rendus non inférentiels que nous produisons sur les choses qui nous entourent comportent deux éléments distincts : une disposition à répondre à une certaine situation de perception et une capacité d’exercer cette disposition en endossant (terme de Brandom) une prétention à la connaissance. Dans les énoncés en « Il semble que… » ou « Il me semble que… », c’est ce deuxième élément, le claim, qui est suspendu. Ces énoncés sont « incorrigibles » non pas en vertu d’un privilège cognitif, mais simplement parce qu’ils ne comportent pas selon Brandom le genre d’engagement qui les rendrait accessibles au doute et sujets à l’erreur. Or c’est cet engagement qui place la réponse dans l’espace des concepts, en le faisant entrer dans le jeu qui consiste à donner et à demander des raisons.
43Pour Brandom, on exprime la disposition à répondre en appelant une chose « rouge », comme dans le cas normal, quand on n’a pas connaissance de meilleures raisons qui pourraient inciter à s’en abstenir, mais en refusant cette fois d’assumer l’engagement dont on reconnaît en même temps qu’on est tenté de le prendre. Les énoncés formulés à l’aide de « Il semble… » ne disent pas moins, mais plus.
44La conséquence qui résulte de cela est pour Brandom que : « L’incorrigibilité même qui recommandait les énoncés en “semble” comme une base dans les termes de laquelle pouvait être compris tout ce qui est épistémiquement moins certain se révèle être l’expression d’une relation parasitaire que ces retraits de l’endossement ont avec les pratiques risquées de l’endossement dont elles dérivent leur signification, en contraste avec lesquelles elles manifestent leur statut spécial. Quel que puisse être leur rôle dans l’ordre de la justification, dans l’ordre de la compréhension “semble-rouge” présuppose “est rouge” » (Making it explicit, abrégé MIE, p. 294).
45Brandom fait une analogie remarquable entre la relation qui existe entre « Il y a un arbre là-devant » et « Il semble y avoir un arbre là-devant » (qui ne prend audun engagement à appliquer le concept) et celle qui existe, dans le domaine pratique, entre « Je vais soulever cette pierre » et « Je vais essayer de soulever cette pierre ». « Je vais soulever cette pierre » comporte un engagement de réussite, qui n’est pas « assumé » dans « Je vais essayer de soulever cette pierre », et qui ressemble à l’engagement contenu dans « Il y a un arbre là-devant », et pas dans « Il semble y avoir un arbre là-devant ». Pour Brandom, tout comme la distinction entre l’apparence et la réalité ne s’applique pas à l’apparence elle-même, la distinction entre l’essai et la réussite ne s’applique pas à l’essai lui-même. Je ne peux pas me tromper en pensant qu’il me semble que je marche, parce qu’il ne peut pas me sembler qu’il me semble que je marche, avec le risque que je sois dans l’erreur. « Sembler qu’il semble » est la même chose que sembler, « essayer d’essayer » est la même chose qu’essayer. On peut essayer de faire quelque chose sans réussir à le faire, mais on ne peut pas essayer sans réussir à essayer.
46Il y a là cependant une illusion, celle de l’incorrigibilité de l’inchoatif : un sujet qui serait réduit à l’infaillibilité cognitive des semblances et à l’infaillibilité pratique des essais « ne peut pas être conçu de façon cohérente comme appréhendant ou accomplissant quoi que ce soit, et donc pas comme un sujet du tout » (MIE, p. 295). Il n’y a aucun sens à chercher un fondement dans la semblance, pas plus que dans l’essai.
47C’est aussi quelque chose qui avait déjà été noté par Sellars : « Il est certain que ceux qui pensaient que les modes de sembler [lookings] qualitatifs et existentiels devaient être expliqués en termes d’“expériences immédiates” concevaient ces dernières comme les moins théoriques des entités, en fait comme les observables par excellence » (EPM, p. 52).
48L’explication que donnent les théoriciens des sense-data, mais aussi bien les théoriciens métaphysiques des particuliers sensibles, fait intervenir des entités, ces « semblances », qui sont censées jouir en même temps du privilège de l’accessibilité immédiate, de la certitude, et de la transparence complète. « Avoir son gâteau et le manger », et même le vendre de surcroît : cela semble bien définir la métaphysique des particuliers sensibles comme les théories empiristes des sense-data.
Les sens sont muets : la solution d’Austin et de Travis
49Le problème devient alors d’élaborer une approche qui permette d’éviter l’idée même d’un objet spécifique de la perception. Mais cela contraint alors : 1) à rejeter toute forme d’idéalisme en faveur d’un réalisme direct ; 2) à rejeter l’idée, pourtant apparemment évidente, que la perception serait avoir une représentation, avoir le monde présenté à soi comme étant tel ou tel. McDowell formule naturellement les choses ainsi : « Les capacités conceptuelles pertinentes sont mobilisées dans la réceptivité. Elles ne s’exercent pas sur des données extra-conceptuelles de la réceptivité. Il faut comprendre que ce que Kant appelle « l’intuition » – ce qui est apporté par l’expérience – n’est pas la simple acquisition d’un Donné extra-conceptuel, mais une sorte d’événement ou d’état qui a déjà un contenu conceptuel. Dans l’expérience, on saisit, par exemple par la vision, que les choses sont d’une certaine façon, ce qui peut également être l’objet, par exemple, d’un jugement » (MW, p. 9).
50Il ne suffit pas, comme le montre le cas de McDowell, de ménager un accès « direct » de l’esprit au monde, qui éviterait toute « interface », conceptuelle ou linguistique, entre eux, toute « interprétation » du donné par le langage ou le concept. Un réalisme direct véritable ne définirait pas un accès direct à l’objet, mais en quelque sorte éliminerait l’idée même d’un accès représentationnel.
51On peut, pour comprendre le problème, revenir encore une fois à Austin dont Sellars lui-même s’inspire. Austin part du langage ordinaire, et s’intéresse aux usages de « certains mots anglais » comme « avoir l’air » (look) « sembler » (seem) qui sont à la fois « glissants » (slippery) et remarquables. Cela le conduit à une position sur le « voir » qu’il exprime dans un de ses passages les plus contestés : « Et quand l’homme ordinaire voit sur une scène de music-hall “la femme sans tête”, ce qu’il voit (et c’est là ce qu’il voit, qu’il le sache ou non) n’est pas quelque chose d’“irréel” ou d’“immatériel”, mais une femme sur un fond noir, avec la tête dans un sac noir » (Sense and Sensibilia, abrégé en SS, p. 14).
52Les philosophes même « réalistes » sont perplexes devant cette position : n’y a-t-il pas tout de même quelque chose qui est une « représentation » de « la femme sans tête », quelque chose qui dans ce cas est vu et n’est pas « une femme sur un fond noir, avec la tête dans un sac noir », ou du moins, diraient des wittgensteiniens, un usage ou un sens de voir où je peux dire que ce que je vois est « la femme sans tête » (chez l’ophtalmologiste, je peux savoir par habitude que ce que je vois est la lettre E, et pourtant dire, puisque c’est ce qui est requis dans cette situation, que je ne la vois pas ou vois autre chose). On ne peut néanmoins saisir la radicalité de la position d’Austin, mais aussi sa validité contre la position sur le look décrite précédemment et critiquée par Brandom, si on n’accepte pas ce qu’il dit dans passage. Le fait que bien des partisans dudit « réalisme direct » ont du mal à avaler une telle affirmation montre bien qu’il reste encore du chemin à faire sur la voie du réalisme.
53Que percevons-nous ? Cette question est constamment posée dans la philosophie de la perception, et pour Austin, elle est oiseuse. La doctrine attaquée par Austin dans Sense and Sensibilia est, dit-il, celle selon laquelle « jamais nous ne voyons ou ne percevons (sentons), en tous cas directement, des objets matériels, mais seulement des sense data ». Mais il n’y substitue pas l’idée que nous voyons ou percevons « directement » les objets. Austin affirme d’emblée : « Donc nous n’allons pas chercher une réponse à la question : quelle sorte de choses percevons-nous ? » (SS, p. 2). Comme l’a très bien dit Sellars, si je dis que je perçois « directement » tel ou tel objet, on peut objecter que cet objet peut ne pas être présent, ou n’être pas tel que je le perçois. C’est l’argument de l’illusion. L’expérience perceptive peut être véridique ou trompeuse : elle peut me représenter les choses telles qu’elles sont, ou pas. Le rapport, et la recherche d’un « élément commun », entre « l’expérience perceptive » trompeuse et véridique est au centre de la problématique actuelle de la perception. C’est ce que Putnam, appelle à la suite de McDowell l’argument du highest common factor (l’argument du PGCD). Or c’est ainsi qu’on définissait le sense-datum au début du siècle dernier, et qu’on définirait aujourd’hui un objet intentionnel : ce qui est commun à la perception véridique et fausse : dans un cas je perçois, dans un cas je crois, il me semble percevoir (on a une belle expression en anglais pour cela : « I seem to be perceiving »). Il y a bien quelque chose, on a envie de dire, de commun à ces deux représentations, qui ne peut être l’objet réel. La position de Putnam consiste alors à nier l’existence d’un élément commun, et à l’appui de cette « conception disjonctive » de la perception (que revendique aussi McDowell, d’une autre façon), Putnam renvoie à Austin.
54Austin dénonce en effet la confusion entre perception trompeuse et hallucinatoire parce qu’il n’y a pas lieu, dans le second cas, de parler d’« erreur ». Non que la perception soit toujours véridique : il arrive à l’homme ordinaire de considérer qu’il est « trompé », mais « parler de tromperie n’a de sens que sur un fond de non-tromperie générale [background of general non-deception] ». Surtout, « être trompé » (par un truc de magicien ou par sa jauge d’essence) ne veut pas dire « percevoir quelque chose de non réel ». Ce glissement conduit à introduire une dimension de véridicité dans la perception ordinaire, comme si en voyant mon voisin bien présent, je suis dans le vrai puisque en « voyant » un ami imaginaire, je suis dans le faux. Cette introduction du vrai et du faux dans la perception est peut-être l’erreur la plus profonde des philosophies de la perception, mais aussi de la métaphysique contemporaine.
55Le problème n’est en effet pas tant de confondre illusion et delusion que de considérer qu’il y a dans la perception du vrai et du faux, et d’introduire par là une dimension véritative (qu’on retrouve dans la métaphysique des truthmakers) dans la perception. L’argument d’Austin contre les théories de la perception fondées sur l’illusion porte sur le fait, non seulement qu’elles font du sense-datum l’objet de la perception mais qu’elles font de la perception une représentation qui peut être vraie ou fausse, donc un problème de connaissance. C’est exactement ce qui est dénoncé aussi, de façon prémonitoire, chez Sellars.
56Pour Travis, c’est bien la notion de représentation qui est à interroger, et qui serait le rejeton actuel des sense-data. On connaît les critiques qui ont été faites à l’idée de la perception comme jugement, et comme conceptualisation. On croit se débarrasser d’un certain idéalisme en se débarrassant de l’idée que l’expérience est conceptualisée. Mais cela ne résout rien, comme le montre la position inconfortable de McDowell. Si l’on rejette l’idée de contenu non-conceptuel, et qu’on en vient à conceptualiser la réceptivité même pour préserver le caractère « direct » du rapport au monde, on n’est pas pour autant débarrassé de l’idée de perception comme jugement. On a juste affirmé le caractère direct, sans interface, du rapport avec ce contenu-déjà-conceptualisé.
57McDowell n’échappe pas à tout représentationnalisme : « Dans l’expérience on se rend compte, par exemple on voit, que les choses sont telles ou telles » (MW 9).
58C’est l’idée même d’expérience perceptive comme représentation du monde ou des choses comme étant comme ceci ou cela qui conduit à s’interroger sur la véracité de l’expérience, qui serait alors de deux sortes – véridique ou non. Pour qu’une expérience soit véridique il faudrait que les choses soient telles que l’expérience les représente : on a donc l’idée de représentation par l’expérience, inséparable de l’idée de véridicité et de connaissance de l’expérience. Dans cette approche, il y a un lien entre expérience perceptive et vérité : « l’expérience perceptive représente en sorte de connecter à la vérité » [Perceptual experience thus represents as to connect with truth], note Travis. C’est ce qui définit le contenu de l’expérience – un contenu représentationnel, qui sera véridique ou non. On voit ici que l’expression, apparemment minimale, d’« expérience perceptive » introduit l’idée de véridicité. L’expérience représente, et elle représente le monde au sujet de l’expérience – cette représentation peut être correcte ou incorrecte, elle a une valeur de vérité. Mais le problème est bien celui-ci : une expérience peut-elle être correcte ? C’est la question que pose Travis, après Austin. On peut se tromper, et cela arrive souvent ; mais on ne voit pas comment transférer ces cas ordinaires d’erreur – le concept ordinaire de correction et de non-correction – à l’expérience. « Si j’attends une heure un bus qui n’arrive jamais (parce que je me suis trompé d’arrêt), j’ai une expérience que j’aurais préféré ne pas avoir. Si je n’étais pas au bon arrêt, alors peut-être j’étais dans l’erreur [I was mistaken or incorrect]. Mais pas l’expérience. Dans la conception de Davies, lorsque je vois un cochon devant moi, j’ai l’expérience correcte ; et je peux avoir la même expérience dans un cas où l’absence porcine la rend incorrecte (Travis, « The Silence of the senses »).
59Travis pose ici de façon bien plus radicale le problème soulevé par Sellars de la difficulté qu’il y a à parler d’une correction de l’expérience elle-même. Or toute la théorie de la perception actuelle est cette idée, qui est bien celle, évoquée en commençant, de contenu de l’expérience. C’est par l’idée de contenu (conceptuel ou non, peu importe en fin de compte) qu’on pose la question d’une correction et d’une vérité de l’expérience.
60On peut citer, à propos d’expérience perceptive, le livre de Peacocke, A Study of Concepts : une expérience perceptive nous représente le monde comme étant « d’une certaine façon », et le contenu est précisément ce que ces expériences représentent comme le monde. « Il est important de donner une idée du contenu représentationnel des expériences qui soit évaluable comme correct ou incorrect » (A Study of Concepts, p. 61, 64). Peacocke semble dire qu’une expérience nous représente le monde d’une certaine façon, et qu’elle a par là un contenu. C’est ce contenu qui est à évaluer, et qui peut être correct ou incorrect. « Toute expérience perceptive a une condition de correction. » Mais pourquoi l’expérience serait-elle correcte ou incorrecte ? Cette idée, qui est devenue une sorte d’évidence en théorie de la connaissance, avait d’emblée été dénoncée par Austin. Elle revient à donner un « sens » à l’expérience, comme si elle nous disait quelque chose qui serait alors vrai ou faux.
61On pourrait pour terminer opposer à cette conception dominante ce qu’Austin opposait déjà aux théories de la perception du siècle dernier : les sens sont muets, et ne nous disent rien.
Bien que l’expression « trompés par nos sens » soit une métaphore commune, elle n’en est pas moins une métaphore. Ce fait vaut la peine d’être noté, car la même métaphore est fréquemment reprise et continuée par l’expression « véridique » et prise très au sérieux. Il est évident qu’en réalité, nos sens sont muets (our senses are dumb). Quoique Descartes et d’autres parlent de « témoignage des sens », nos sens de nous disent (tell) rien, ni de vrai ni de faux.
Le cas est encore aggravé ici par l’introduction sans explication d’une toute nouvelle création, nos « perceptions sensibles » (‘sense-perceptions’). Ces entités qui, bien entendu, ne figurent nulle part dans le langage de l’homme ordinaire ni au sein de ses croyances, sont introduites avec l’implication que chaque fois que nous « percevons » quelque chose il y a une entité intermédiaire toujours présente qui nous informe de quelque chose d’autre qu’elle même. La question qui se pose alors est : pouvons-nous oui ou non nous fier à ce qu’elle nous apprend ? Est-elle « véridique » ? (SS, p. 11)
62Cela n’exclut pas la possibilité de l’erreur. Il arrive que je prenne un objet pour un autre, que je sois trompé par les apparences, etc. Mais ce n’est pas la perception qui se trompe, c’est moi. Comme le dit Travis, « je peux prendre ce que je vois pour un cochon alors que ce n’en est pas un : cela avait seulement l’air d’en être un. Je suis alors dans l’erreur. Mais la perception ne l’est pas. « I may take what I see for a pig when it is not ; it merely looked like one. Then I am in error. Perception is not. For something to look like a pig is not yet for it to be represented to me as being one, by perception or anything else – neither erroneously nor correctly » (Travis, « The Silence of the senses »).
63On voit que la question ici dépasse celle de l’existence d’entités intermédiaires ou d’une interface conceptuelle entre le monde et le sujet telles qu’elles sont critiquées par Putnam et McDowell. Lorsque Austin critique l’idée d’intermédiaire, sa critique est inséparable de l’idée que « les sens sont muets ».
64L’on peut s’interroger sur l’obsession chez McDowell (et d’autres penseurs du « direct ») des éléments intermédiaires – comme de tiers qui viendraient troubler la relation intime et directe, directement vérificationniste, du sujet et du monde (relation revendiquée déjà par Davidson à la fin de son article sur l’idée même de schème conceptuel). Ce n’est pas la proposition d’une entité intermédiaire qui est dénoncée par Austin, mais la démarche qui consiste à donner à cette entité le pouvoir de nous informer, de donner une « véridicité » à la perception ». Il ne suffit donc pas de prôner une perception directe, il faut d’abord se débarrasser de l’idée de la perception comme preuve ou « evidence ».
La situation dans laquelle on pourrait, sans impropriété, dire que j’ai une preuve [evidence] à l’appui de l’énoncé que quelque animal est un cochon serait celle où, par exemple, la bête elle-même n’est pas réellement visible [in view], mais où je puis voir nombre de traces analogues à celles que laisse derrière lui un cochon sur le sol et autour de sa retraite. Si je découvre quelques seaux de nourriture pour cochon, c’est un indice [evidence] de plus, et les bruits et l’odeur peuvent fournir des indices supplémentaires. Mais si l’animal émerge alors et se tient là juste devant moi [plainly in view], ce n’est plus affaire d’indices [collecting evidence] : son apparition ne me fournit pas un indice de plus que c’est un cochon, à présent je puis simplement voir que c’en est un et la question est réglée (SS, 115, trad. fr . p. 140).
65Il ne s’agit pas seulement de critiquer la rhétorique de l’apparence et du sembler. Il faut aller plus loin que Brandom, et même que Wittgenstein. Nous voyons (même en nous trompant) la chose même, la façon dont elle se présente (looks), ce dont il a l’air. Et elle a l’air exactement de ce qu’elle est. Citons encore Austin dans un passage énigmatique, où il semble faire une affirmation réaliste (style : nous voyons simplement et directement une église et pas une représentation) alors qu’il veut dépasser le rapport réalisme /idéalisme : « Si une église était habilement camouflée de façon à apparaître comme une grange, comment pourrait-on demander sérieusement ce que nous voyons quand nous la regardons ? Nous voyons, bien entendu, une église qui a l’air d’une grange » (SS, p. 30).
66Ce que veut dire Austin, c’est que c’est cela qu’on voit – une-église-qui al’air-d’une-grange. Les choses ont l’air de ce dont elles ont l’air, et ce dont elles ont l’air, leur air (look) est bien ce qui est vu. Le bâton dans l’eau a l’air d’un bâton dans l’eau, et les choses ont exactement l’air de ce qu’elle sont. La signification de ce que dit ici Austin a été bien mise en évidence par Travis, à travers une analyse de « look » (voir aussi le chapitre de Sellars sur le « look »). « “J’ai vu un homme insignifiant (insignificant-looking) – en pantalon noir”. “J’ai vu Hitler”. Deux sens différents de “voir” ? Bien sûr que non » (SS 99).
67C’est le même sens de « voir » : parce que ce que je vois, c’est exactement de quoi Hitler a l’air. L’insignifiance, en particulier, n’est pas une caractéristique que ma représentation lui attribue, ou le sens que je donne à cette perception : c’est exactement ce que je vois (insignificant-looking) – sans, comme le spécifie Austin plus loin, qu’il y soit question de « voir comme » wittgensteinien. Le bâton dans l’eau n’apparaît pas comme plié, il faudrait qu’il ait un tout autre aspect pour que nous le croyions plié. Il est parfaitement normal qu’il apparaisse (looks like) ainsi. « Il se présente exactement comme nous attendons qu’il le fasse » (SS 26).
68On peut relire Sellars dans cette perspective : la perception n’a rien d’épistémique ou de cognitif, elle n’est pas intentionnelle comme le serait la pensée. Il faut résister à la tentation de croire que la perception est cognitive, et comprendre que « avoir la sensation d’un triangle rouge est un fait sui generis, ni epistémique ni physique, qui a sa propre grammaire logique ». En disant que « les sens sont muets », Austin et Travis vont au delà de la critique opérée Sellars pour affirmer une thèse encore plus radicale. On peut l’entendre dans le passage où Austin dit que lorsqu’on a le cochon là, devant, ce n’est pas une preuve de plus. La perception ne nous donne pas d’evidence.
69L’idée actuelle de contenu d’une « expérience perceptive » n’est pas plus sensée, et pas moins métaphysique, que celle (régulièrement critiquée comme idéaliste) de perception comme inférence. Ce qui ne va pas dans l’idée de contenu conceptuel, ce n’est pas le concept, mais bien le contenu : l’illusion (métaphysique, ou empiriste) que résume la notion de contenu, selon laquelle dans l’expérience, le réel nous serait représenté, correctement ou pas : nouvelle version, donc, du Mythe du Donné, dont il n’est pas si aisé de se débarrasser.
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Lucien Lévy-Bruhl
Entre philosophie et anthropologie. Contradiction et participation
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