Conclusion
p. 659-660
Texte intégral
1Ce manuscrit, soumis en 2010 au comité de rédaction de Gallia, paraît dix ans après l’achèvement des cinq campagnes de fouille extensives menées sur le sanctuaire de Corent entre 2001 et 2005. Durant cet intervalle, la poursuite des recherches sur le site a permis d’améliorer sensiblement nos méthodes de fouille et de documentation des vestiges. L’ouverture de fenêtres de fouille beaucoup plus extensives et l’aménagement de bermes-témoins, en particulier, pallient en grande partie les difficultés de lecture liées à l’homogénéité des sédiments et à la contraction des niveaux de sol. Ils favorisent une meilleure appréhension planimétrique et stratigraphique des nombreuses occupations d’époque préhistorique, protohistorique et antique qui se sont succédé sur le plateau. Le recours aux mêmes méthodes aurait sans doute permis de tirer davantage d’informations des maigres lambeaux de sol conservés dans la cour centrale du sanctuaire et de mieux assurer leur connexion stratigraphique avec les niveaux de comblement du fossé. Ces regrets s’appliquent surtout à la structure sur poteaux (D) sous-jacente au « fanum » d’époque romaine, constitutifs d’un bâtiment très altéré par ses maçonneries dont la restitution n’est pas tout à fait satisfaisante.
2L’élargissement des fouilles aux abords du sanctuaire a fait considérablement évoluer notre perception de son environnement urbain. Les milliers de structures et les tonnes de mobilier qui y ont été mis au jour sur près de trois hectares relativisent, a posteriori, l’importance conférée à certains marqueurs retrouvés dans son enceinte. Pour ne prendre qu’un exemple : les amphores vinaires, dont l’importance dans le cadre des rites de banquet et de libation n’est plus à démontrer, sont trois à quatre fois plus abondantes sur la place de marché qui le jouxte au nord-est. Le nombre de monnaies exhumées sur le site y a été quadruplé en dix années de fouille. Ces nouvelles découvertes ont été intégrées a posteriori aux chapitres de synthèse, mais mériteraient un travail d’intégration et de comparaison plus approfondi qui sera réalisé ultérieurement. Plusieurs travaux de thèses en cours, dédiés respectivement aux objets métalliques (M. Demierre), à la céramique (R. Lauranson) ou encore, aux parures en verre (H. Duchamp) font désormais appel à des outils d’analyse mieux adaptés à la masse de données en présence (SIG, analyse factorielle), qui n’avaient pu être mis en œuvre précédemment. L’analyse de ces mobiliers confirme d’ores et déjà en grande partie les données chrono-stratigraphiques et le phasage général des occupations proposés en conclusion de ce volume.
3Un autre motif de regret concerne les études paléoenvironnementales, qui n’ont pas été suffisamment poussées en l’absence de prélèvements systématiques des niveaux de sol et de comblement des fossés. Un colloque organisé en 2013 à Amiens, consacré au paléoenvironnement des sanctuaires1, a mis en lumière l’intérêt d’une telle démarche. Un échantillonnage réalisé en cours de fouille a toutefois permis quelques analyses carpologiques et anthracologiques confiées à Manon Cabanis (Inrap), dont les résultats encore provisoires ont été jugés trop ténus pour être inclus à ce volume. Ils nous renseignent, notamment, sur la nature des bois utilisés pour la construction, qui correspondent à des essences courantes dans la région (chêne, hêtre). Contrairement aux sanctuaires ruraux, situés au contact direct de leur milieu naturel, le téménos de Corent est indissociable du tissu urbain qui l’entoure et oblige à étendre cette approche à l’oppidum dans son ensemble. C’est dans cette perspective qu’a récemment été élaboré un ambitieux programme d’études paléoenvironnementales2 spécifiquement consacré au site de Corent, visant à déterminer l’impact de ces premières formes d’urbanisation sur le milieu naturel.
4Les travaux menés parallèlement sur d’autres lieux de culte d’Auvergne ou de Gaule ont également livré leur lot de résultats, qui permettront à terme de porter un nouveau regard sur les données exposées dans ce volume et offriront matière à de fructueuses comparaisons. La reprise des recherches sur le sanctuaire voisin de Gergovie a déjà donné lieu à la soutenance d’une thèse consacrée par l’une des contributrices de cet ouvrage (M. Garcia) à la romanisation des lieux de culte romano-celtiques dans le massif central, qui met en perspective l’ensemble monumental d’époque romaine avec d’autres lieux de culte reconnus dans la périphérie d’Augustonemetum. En dehors du territoire arverne, plusieurs monographies de sanctuaires ont été publiées au cours des dernières années (La Tène, Martberg, Estrée-Saint-Denis) ou à venir (Mirebeau, Tintignac, Le Mormont, Le Cailar), dont les données n’ont pas pu être prises en compte.
5 À Corent même, le cycle des fouilles devrait rapidement aboutir à de nouvelles parutions. La publication monographique du théâtre gallo-romain et de l’édifice gaulois qui le précède, en cours de finalisation (Poux, Guillaud, Passemard, à paraître), constituera une première étape et le pendant indissociable du présent volume. Celle qui clôturera l’exploration des quartiers périphériques de l’oppidum et de l’agglomération d’époque romaine permettra de préciser les liens qui unissent cet ensemble monumental aux autres pôles d’occupation et lieux de culte présents en contrebas du plateau (La Sauvetat, Les Martres-de-Veyre). Ces synthèses donneront l’opportunité de revenir sur les modalités d’articulation entre le sanctuaire et les autres composantes de l’espace urbain, sur l’extension du domaine cultuel dans la sphère domestique ou encore, sur la continuité et la discontinuité de ces phénomènes sur le long terme.
6Lyon, le 22 avril 2015
Notes de bas de page
1 Colloque international « Sacrée Science. Apports des études environnementales à la connaissance des sanctuaires celtes et romains du nord-ouest européen / Environmental studies of Celtic and Roman sanctuaries in north western Europe », co-organisé par l’Université Lumière Lyon 2, l’INRAP, l’Université de Franche-Comté, UMR 6249 Chrono-environnement, UMR 6298 ArteHis et l’Université Lille III) à Amiens, Ribemont-sur-Ancre (France) et Aubechies (Belgique) les 6-8 juin 2013.
2 Projet AYPONA : pAysages et visages d’une agglomération clermontoise : apProche intégrée et diachrONique de l’occupAtion de l’Oppidum de CoreNt (Auvergne, France), porté par le laboratoire GEOLAB (CNRS/Université Blaise Pascal/Université Limoges)
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