L’élaboration de la Constitution de l’Union française : les Assemblées constituantes et le problème colonial
p. 15-31
Texte intégral
1Lorsque l’Assemblée nationale constituante, élue en octobre 1945, se réunit le 6 novembre, elle compte parmi ses membres, trente trois représentants des « Territoires d’outre-mer relevant du ministère des Colonies »1, vingt-six élus des « Français non-musulmans et musulmans » d’Algérie. A cette représentation s’ajoutent cinq députés des communautés françaises installées dans les protectorats nord-africains. Cette présence se veut confirmation d’une tradition et expression d’une novation.
2Confirmation d’une tradition puisque, sous tous les régimes républicains, les colonies ont envoyé leurs élus au Parlement2. Cette représentation est à deux reprises supprimée par le coup d’Etat, le régime impérial comme la monarchie préférant nommer des délégués à un conseil consultatif. La loi des 22-23 août 1792 fixe à 34 le nombre des députés des colonies à la Convention. Ils seront 16 au Conseil des Cinq cents et 10 au Conseil des Anciens avec la loi de pluviose an V. Ils sont supprimés par la constitution de l’an VIII et rétablis par la IIe République de 1848. La Martinique, la Guadeloupe et la Réunion envoient chacune en avril trois représentants à la Constituante, l’Inde, le Sénégal et la Guyane un. L’article 21 de la Constitution du 4 novembre 1848 inclut parmi les 750 membres de l’Assemblée nationale « les représentants de l’Algérie et des colonies françaises ». Ils sont de nouveau exclus au lendemain du coup d’Etat du 2 décembre par le décret-loi du 2 février 1852. La République proclamée, un décret du 29 janvier 1871 convoque les collèges électoraux à l’effet d’élire une Assemblée nationale conformément à la loi électorale du 15 mars 1849. Dès lors l’Algérie et les colonies retrouvent leur droit à la représentation. Il est confirmé par l’article 4 de la loi du 24 février 1875 qui aménage le mode d’élection des sénateurs des « départements et des colonies » désignés par l’article 2 : « les trois départements de l’Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises ». Les lois relatives à la Chambre des députés attribueront neuf sièges à l’Algérie, deux à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion, un à l’Inde française. En outre la loi du 8 avril 1879 accorde un député à la Guyane et au Sénégal, celle du 28 juillet 1882 un à la Cochinchine. Curieusement en France la liberté politique a donc suivi le sort de la représentation coloniale. La République, rétablie chez elle en 1944 grâce aux sacrifices des hommes d’outre-mer, n’est-il pas logique de la voir une fois encore restaurer leur représentation, mais alors le geste prend une autre ampleur.
3Expression d’une novation car, la représentation coloniale subit une double limitation. Les colonies françaises trouvées dans l’héritage impérial intéressent seules le législateur. Elles ne sont pas les plus importantes. L’ancienneté des établissements explique seule le choix effectué. De plus, là où il est reconnu, le droit de suffrage est lié à la citoyenneté. Sur ce plan une distinction s’opère entre l’Algérie et les colonies. La première juxtapose les citoyens : Européens, Juifs et Musulmans, en nombre infime, ayant obtenu leur naturalisation par l’abandon de leur statut coranique, et les sujets, donc la totalité de la population arabo-berbère. Ceux-là se voient privés du droit d’élire députés et sénateurs. Les autochtones des « colonies » sont dans une situation juridique différente. Elle trouve son origine dans la loi du 24 avril 1833 qui affirme : « Toute personne née libre ou ayant acquis légalement la liberté jouit, dans les colonies françaises : 1. des droits civils, 2. des droits politiques ». Le statut civil étant attaché au statut politique, le décret du 27 avril 1848 libérant les esclaves les transforme en citoyens français. Le même jour une instruction de l’assemblée étend le droit de suffrage aux « indigènes du Sénégal et des établissements français de l’Inde ». Les juristes vont alors établir une subtile distinction entre citoyenneté et exercice du droit électoral limité à la colonie, Sénégalais et Indiens conservant leur statut personnel3. Ils seront contrariés par la loi du 29 septembre 1916 qui affirme : « les natifs des quatre communes de plein exercice du Sénégal et leurs descendants sont et demeurent des citoyens français »4. Il est vrai que l’auteur du texte est le député de la colonie : Biaise Diagne5 et que les tirailleurs sénégalais sont précieux sur les champs de bataille européens. En revanche des citoyens indiscutés ne sont pas représentés au Parlement. Il en est ainsi dans les grandes « fédérations coloniales » des métropolitains installés outremer, mais aussi des « indigènes » naturalisés par voie administrative ou judiciaire. La seule exception notable concerne la Cochinchine. Tel est le cas également des habitants de Sainte-Marie de Madagascar et des Iles de la Société depuis la loi du 30 décembre 1880 qui ratifie la déclaration du 29 juin 1880 par laquelle le roi tahitien Pomare V transforme ses sujets en citoyens français.
4Dans cette perspective les deux ordonnances des 17 et 22 août 1945 bouleversent l’ordonnancement juridique. Elles permettent, même si elle n’est que partielle, la représentation des non-citoyens au sein de la future assemblée constituante. Les députés français musulmans, africains noirs et malgaches deviennent non pas les élus de leur territoire mais ceux de la nation entière. Ils exercent désormais la souveraineté au même titre que les représentants métropolitains, comme eux ils sont législateurs et constituants, même si la charte rédigée ne deviendra définitive qu’après l’organisation d’un référendum. La réforme est ici d’importance. Pour en apprécier la portée il convient de se reporter à la situation des années trente.
5Fixée pour l’essentiel au début du siècle, l’organisation des terres d’outre-mer restera figée jusqu’en 1940. En dépit de quelques variantes le modèle institutionnel est identique.
6Officiellement la colonisation française hésite entre deux conceptions : l’association et l’assimilation. La première reconnaît l’originalité des sociétés d’outre-mer. Elle admet l’existence de cadres sociaux et culturels propres au génie de chaque peuple. Elle accepte que l’Africain et l’Asiatique soient attachés à des modes de vie et à des formes d’expression qui révèlent une civilisation différente, mais non moins réelle que celle de l’Europe. Elle développe leur progrès en fonction du milieu et des besoins locaux. La logique du système conduit à l’autonomie de gestion et à la séparation car « éclairer c’est libérer ». En revanche l’assimilation conduit à nier la spécificité des peuples. Elle ne voit que des hommes à façonner par l’éducation selon un modèle identique. « Assimiler, affirme Littré, c’est convertir en semblable ». Cette deuxième technique de colonisation semble répondre parfaitement à la « conception, à la générosité des Français. Ils aiment protéger, éduquer les hommes qui ne sont pas comme eux et qu’ils jugent inférieurs pour cette raison. Cependant ils ne voient aucun inconvénient à les admettre dans leurs cités et parfois dans leurs foyers »6. Nourri de la culture française, le colonisé reçoit la récompense de sa promotion par l’octroi de la citoyenneté. Il se fond au sein de l’ancien peuple colonisateur et devient ainsi juridiquement souverain. L’assimilation conduit normalement à attribuer aux hommes de couleur une place conforme à leur importance numérique au sein des organes démocratiques. Les conséquences ultimes des deux formules expliquent leur échec pratique.
7En fait les gouvernants français s’attachent au respect d’un seul principe : celui du maintien de la souveraineté française. Dès lors la décision et la gestion relèvent du seul pouvoir exécutif. Conséquence de la survie du Senatus-consulte du 3 mai 18547 les colonies sont régies normalement par des décrets simples signés par le Président de la République et préparés par les bureaux du ministère des Colonies créé par la loi du 20 mars 1894. Le Parlement ne légifère qu’exceptionnellement. Le Conseil Supérieur des colonies, organisé par un décret du 28 septembre 1920 n’est, auprès du ministre, qu’un organe consultatif, même s’il change d’appellation par le décret du 26 décembre 1935 et devient Conseil Supérieur de la France d’outre-mer8.
8La rationalisation, facteur d’unité mais aussi source d’uniformisation, qui sous-tend le système administratif métropolitain depuis 1789, conduit au regroupement des terres au sein de grands ensembles9. Dans les différentes « fédérations » les gouverneurs généraux, le plus souvent des hauts-fonctionnaires, sont à la fois dépositaires des pouvoirs de la République et chefs des services administratifs. Ils reçoivent selon l’expression de Jules Ferry le « mandat d’agir et d’oser »10. Ils ne dépendent que du ministre de la rue Oudinot. Les assemblées locales, si l’on met à part celles des « vieilles colonies », ne sont représentatives que des intérêts de la colonisation. Les membres « indigènes » sont soit nommés, soit élus au suffrage indirect et restreint. Le système institutionnel de l’Empire français, Paul Mus l’a noté11, « n’est pas oppression » mais il comporte « une suppression : celle du facteur politique ». Elle facilite certainement la tâche de l’administration. Même si celle-ci est efficace, elle n’en comporte pas moins des abus. Deux pèsent sur le statut des hommes en Afrique française : l’indigénat, régime disciplinaire spécial à la discrétion de l’administrateur, et le travail forcé sur des chantiers de travaux publics et sur les plantations privées12. La corvée n’est certainement pas sans lien avec l’article 33 de la loi de finances du 13 avril 1900 qui oblige les colonies à supporter toutes leurs dépenses civiles au moment même où l’aide du budget de l’Etat paraît indispensable pour assurer la mise en place des infrastructures.
9L’amorce d’une évolution semble possible en 1936-1937. Modèle d’assimilation, le projet Blum-Viollette prévoit pour certains musulmans l’exercice des droits politiques des citoyens français sans modification de la nature des droits civils. Modèle d’association, les traités franco-libanais et franco-syrien établissent une alliance de 25 ans, une étroite coopération politique, militaire et technique13. Cette double tentative se solde par un double échec.
10La guerre de 1939-1945 transforme les données du problème colonial parce « qu’elle a pour enjeu ni plus ni moins que la condition de l’homme et que, sous l’action des forces psychiques qu’elle a partout déclenchées chaque population, chaque individu lève la tête et regarde au-delà du jour et s’interroge sur son destin »14. Le facteur politique fait irruption dans le champ colonial. Conférence africaine de Brazzaville (janvier-février 1944), ordonnance du 7 mars 194415, déclaration sur l’Indochine du 24 mars 1945 où apparaît officiellement l’expression « Union française », ordonnances des 17 et 22 août 194516, autant de jalons de la prise de conscience du phénomène par les gouvernants français.
11L’année 1946 est celle du rendez-vous avec l’histoire. Les débats des deux assemblées constituantes révèlent l’existence d’une volonté politique majoritaire. Il s’agit bien de mettre un terme à une époque : celle de la colonisation. C’est donc tout l’appareil institutionnel qu’il faut désormais refondre en innovant. Mais alors réapparaît l’alternative : assimilation ou association. Les Constituants retrouvent aussi, en filigrane, l’obsession de la souveraineté française. L’Union qu’ils organisent est donc surtout le produit d’un compromis. De là résulte l’incertitude sur sa nature juridique.
Ire PARTIE. UNE VOLONTÉ POLITIQUE : L’ABANDON DU SYSTÈME COLONIAL
12Dans le gouvernement formé le 26 janvier 1946 Marius Moutet est ministre, non plus des colonies, mais « de la France d’outre-mer ». Il affirme, le 23 mars, devant l’Assemblée : « Le fait colonial brutal... le maintien d’une souveraineté qui ne reposerait que sur la force est aujourd’hui impossible. Cette période historique de la colonisation est révolue. Une nation – la nôtre en particulier – ne maintiendra son influence dans les territoires d’outre-mer qu’avec le consentement libre des populations qui l’habitent »17. Cette affirmation est partagée par l’ensemble des députés puisque les applaudissements sont unanimes. Pourtant quel est le sens exact des paroles ministérielles ? Quelles sont les motivations politiques de ceux qui les approuvent ? L’unanimité ne cache-t-elle pas une ambiguïté ? Les députés d’outre-mer sont élus selon le système du double collège : citoyens et non-citoyens. Un premier clivage apparaît. Même si les citoyens d’Algérie ont choisi quelques députés communistes ou socialistes, les élus du premier collège appartiennent plutôt aux groupes du centre et de droite. Ceux des « vieilles colonies » et du second collège sont membres ou proches de la S.F.I.O. et du P.C.F. En outre les électeurs malgaches choisissent deux députés nationalistes et, en Algérie les candidats de l’U.D.M.A. remportent 11 des 13 sièges à pourvoir en juin 1946. Dans ces conditions un débat de fond sur le phénomène colonial est inévitable. Relativement serein à la première constituante, il s’envenime à la seconde.
13§ 1. A la première constituante plusieurs séances ont pour objet l’examen de la situation en Algérie18 et dans les territoires d’outre-mer19.
14L’Indochine et les protectorats du Maghreb restent des sujets tabous à peine effleurés20. Pour la première fois les représentants de « 60 millions » de colonisés peuvent s’exprimer à une tribune qui, selon Pierre Cot, « s’illustra pendant un siècle de tant de noms célèbres appartenant au monde de la politique ou de l’intelligence française »21. Ils le font avec talent et un juste sens de leur responsabilité22. Même si leurs collègues métropolitains ne partagent pas toujours leurs analyses, tous, s’accordent pour reconnaître « l’existence d’un malaise »23, et la nécessité d’une doctrine et d’une action nouvelles.
15Les élus d’outre-mer dénoncent le « colonialisme » qui leur apparaît comme un système « d’assujettissement »24 aggravé par quatre années de guerre qui ont rendu plus difficiles les conditions d’existence de l’Africain.
16Assujettissement économique souligne G. d’Arboussier. « C’est le fameux pacte colonial. Ce régime a abouti en fait à un soutien financier de la métropole absolument insignifiant, à un investissement privé dont le caractère lucratif ne fait plus de doute, à un accroissement des dépenses publiques dont les budgets locaux assument la plus grande part et dont l’impôt de capitation est la principale source »25
17Assujettissement culturel constate M. Sedar Senghor. « L’on proscrit l’usage des langues indigènes que dans un mépris ignorant on qualifie de « dialectes ». On pose implicitement que l’enseignement public n’a d’autre but que de former d’actifs producteurs et de bons petits fonctionnaires bien soumis à leurs maîtres »26. C’est la reconnaissance et l’enseignement de la langue arabe que réclame également M. Bendjelloul27.
18Assujettissement humain renchérit M. Houphouet-Boigny qui condamne le travail forcé, cet « esclavage déguisé », source de souffrance pour « ceux qui gémissent par milliers sur les routes, devant des gardes porteurs de chicottes, sur les plantations ou dans les coupes de bois, arrachés à leurs foyers, à leur propriété »28.
19Assujettissement politique car pour Sourou Migan Apithy « la contrainte est devenue depuis quelque temps le maître-mot de l’administration coloniale... On se flatte moins de persuader que de commander »29. « Serons-nous affranchis de toutes lois spéciales ? Libérés de tout régime d’exception ? Placés sur le même pied d’égalité que les habitants de la métropole ? » Telles sont les trois questions que pose Mohamed Bendjelloul30. L’indigénat, abrogé par le décret du 22 décembre 1945, est maintenu par des arrêtés locaux révèle Lamine Gueye. Le racisme, source de discriminations, subsiste partout31. « Vouloir une politique c’est bien, mais la vouloir sans les hommes qui y adhèrent, c’est s’engager dans une vaine et dangereuse illusion »32 affirme le député du Sénégal.
20N’est-ce pas dans ce refus d’admettre l’évolution que se trouve l’origine des incidents de Tiaroye – où « des hommes qui avaient combattu pour la France », réclamant leur dû, « ont été couchés » par les mitrailleuses(1) – et de Douala, du 24 au 26 septembre 1945. Le gouverneur du Cameroun, « averti en temps utile que des grèves menaçaient et pouvaient dégénérer en émeutes, n’entreprit rien pour assurer le service d’ordre. Pire, débordé par les événements il fit distribuer des armes à la minorité civile européenne »33. Il ne reste plus alors à M. Houphouet-Boigny qu’à constater « la désaffection progressive de la masse indigène »34 à l’égard d’une administration inadaptée aux circonstances nouvelles et à dénoncer ces colons qui « ont substitué au travail la corvée qui ne paye pas et qui avilit » (1).
21Le trait est certainement durci, pourtant le malaise existe vraiment35. Chevance-Bertin le confirme. « La métropole doit savoir que nous ne ferons jamais l’Afrique sans les Africains et à plus forte raison contre les Africains. Nous ne ferons jamais de grande politique sans les élites ou contre les élites »36. Ces hommes qui exposent sans complaisance les « besoins et les sentiments des populations d’outre-mer » gardent-ils confiance en la France ? Comme Fily Dabo Sissoko, les élus de l’Afrique noire revendiquent fièrement leur qualité de Français « de cœur, d’âme et d’esprit »37 acquise grâce aux sacrifices consentis par « l’armée noire », mais aussi par le refus de la défaite que symbolise Félix Eboué, constamment évoqué. Comme Houphouet-Boigny ils rendent hommage à la France, mais à la « France républicaine... le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité »38.
22Est-ce la connivence idéologique des uns, ou la mauvaise conscience des autres, le fait est là, ils vont parvenir à imposer à l’Assemblée le respect de la devise de la République.
23La liberté, ils l’obtiennent par le vote de l’alinéa 1 de l’article 44 du projet de constitution du 19 avril 1946. « Tous les ressortissants de l’Union française jouissent des droits et libertés de la personne humaine garantis par les articles 1 à 39 de la présente constitution » c’est-à-dire par la « Déclaration des droits de l’homme », qui précède la charte de l’Etat. Le 5 avril les députés adoptent la proposition de loi présentée par M. Houphouet-Boigny, « le travail forcé et obligatoire est interdit de façon absolue dans les territoires d’outre-mer »39.
24L’égalité est assurée par l’alinéa 2 de l’article 44 : « Tous les nationaux et ressortissants français de la métropole et des T.O.M. jouissent des droits de citoyen ». En outre, précise l’article 45, « les originaires des T.O.M., à qui la loi reconnaît un statut personnel, conservent ce statut tant qu’ils n’y ont pas eux-mêmes renoncé ». Les constituants brisent le lien établi entre le statut de citoyen et la soumission au Code civil. Confirmation est apportée par la loi du 7 mai 1946. Le double collège est supprimé pour l’Afrique noire, à la demande de Lamine Gueye, car « il n’y a pas d’intérêts français à défendre en Afrique plus spécialement que d’autres, pour la bonne et suffisante raison qu’il n’y a que des intérêts français dans l’Union française »40.
25La fraternité justifie l’abandon du « pacte colonial ». Il s’agit désormais pour la métropole par la planification et l’établissement d’un fonds d’investissement pour le développement économique et social (F.I.D.E.S.), de fournir aux T.O.M. les moyens financiers de leur équipement. Il importe aussi d’économiser « le travail et la peine des hommes »41.
26Par leurs déclarations et par leurs actes les élus d’outre-mer maintiennent une incontestable pression sur les milieux coloniaux. Les partisans du statu quo sont, à l’assemblée, sur la défensive. Le triomphalisme colonial n’est plus de mise. Certes l’élu des colons de la Côte d’Ivoire le gouverneur Reste, rend hommage à « ces hommes de chez nous » qui ont défriché des milliers d’hectares, luttant « contre une nature hostile, contre la forêt, contre les maladies, contre toutes les forces de destruction qui se dressaient contre eux » mais il reconnaît que « personne ne veut plus d’impérialisme mercantile, ni de colonialisme »42. En vérité c’est un « oui, mais », qu’exprime Tony Révillon. Les constituants « mus par de magnifiques sentiments de justice et d’humanité, veulent apporter de vastes transformations dans le monde colonial... Je crois cependant qu’il faut aller très prudemment en ce qui concerne certaines réalisations ». Prudence justifiée par l’intérêt même de « l’indigène » qu’il faut « éviter de heurter dans ses habitudes, dans ses traditions, et dans ses croyances. On pourrait aboutir à des résultats contraires à ceux que l’on désire »43. P.O. Lapie préfère pour sa part inscrire l’œuvre de la Constituante dans la tradition messianique de la République. « L’œuvre coloniale de la France est une œuvre de libération. Il fallait, en effet, libérer d’abord la personne... Nous avons fait régner la paix, nous avons supprimé les guerres privées, les razzias. La personne humaine ne peut vraiment se développer que si elle peut circuler et se nourrir. Ce fut l’objet de la politique vivrière qui a obtenu ce résultat d’accroître la population de ces pays... Voilà la base du travail colonial : permettre à l’homme d’exister physiquement. Lorsque ce résultat a été atteint, et il l’a été à peu près totalement... lorsqu’on a fait des hommes et des hommes vivants, il s’agit ensuite d’en faire des individualités politiques ayant le sens des responsabilités publiques et des libertés publiques »44. Telle est la tâche nouvelle.
27§ 2. L’échec du référendum constituant le 5 mai 1946 donne au « parti colonial »45 l’occasion d’une remise en cause de certaines réformes adoptées par l’assemblée. Le débat est donc relancé à la deuxième Constituante élue le 2 juin.
- Réunis une première fois à Douala, en septembre 1945 pour dénoncer les effets de la Conférence de Brazzaville, « composé de fascisme et de démagogie » qui ne vise qu’« à utiliser les masses indigènes à des fins électorales » et « à éliminer toutes les activités privées pour étatiser »46, les représentants des grands intérêts économiques coloniaux se retrouvent dans la capitale le 3 juillet 1946 au siège du Comité de l’Empire français. Les « Etats généraux de la colonisation française ainsi constitués se tiennent à Paris « près des pouvoirs publics, près des services d’information, près des Français de la métropole afin que la voix des colons retentisse avec plus de force ». Ils dénoncent « ces quelques députés noirs » qui « avec un ensemble parfait ont jeté l’anathème contre le colon blanc », exhalant leur rancœur, « leur racisme contre la race blanche en général qui a libéré les noirs de la brousse de l’atroce féodalité des chefs »47, ces « quelques évolués autonomistes, considérés par on ne sait quelle ironie comme les représentants authentiques des populations d’outre-mer alors qu’ils ne sont que l’expression des féodalités du passé ou de tyranies de demain ». Ils ne peuvent accepter que l’accession à la citoyenneté soit une « mesure d’ordre collectif », elle ne peut être qu’un fait individuel » ouvert seulement à « ceux qui sont en état d’en saisir la portée morale, sociale et politique ». Ils exigent du gouvernement qu’il maintienne dans les « territoires de l’Empire le principe sacré de la souveraineté française »48.
- La réunion de Paris provoque la constitution d’un intergroupe des parlementaires d’outre-mer décidés à imposer le respect de l’engagement gouvernemental du 8 mai 1946. Les dispositions relatives à l’Union française ayant été adoptées à l’unanimité par l’Assemblée constituante et ayant recueilli l’adhésion de tous les partis, le G.P.R.F. « estime qu’il n’y a pas lieu de considérer le vote du 5 mai comme un désaveu de l’attitude prise à l’égard des peuples d’outre-mer ». Lamine Gueye s’en explique : « Les représentants des T.O.M. se sont émus en voyant remettre en cause par une certaine presse, des principes qui paraissaient définitivement acquis. Comment n’auraient-ils pas réagi alors que l’on annonçait la tenue à Paris d’un Congrès de la colonisation française dont le but est la défense des intérêts de ceux qui profitèrent des abus du colonialisme, la consolidation de leurs privilèges, le maintien du travail forcé »49. Le 24 juillet, au nom de l’intergroupe il remet au président de la commission de la constitution un projet de « constitution de l’Union française » dont le premier article affirme : « La France dénonce solennellement les systèmes de colonisation basés sur la conquête, l’annexion ou la domination des T.O.M. ». Le texte semble mettre en cause le passé colonial de la France, la commission va l’amender et adopter à l’unanimité une nouvelle rédaction : « La France dénonçant les systèmes coloniaux fondés sur la domination, rappelle solennellement que sa mission traditionnelle est de conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de se gouverner eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ».
28Avec un sens inné de l’opportunité parlementaire Edouard Herriot sent le moment venu d’intervenir pour rejeter « une phrase dont nous ne voudrions pas qu’elle fut appliquée à la France »50 et notamment à l’œuvre de la IIIe République. Après 1870 la France était meurtrie et humiliée. « C’est alors que quelques-uns de ses fils parmi les meilleurs, affirme le maire de Lyon, ont dirigé son génie vers d’autres activités et l’ont invitée à répandre à travers le monde les bienfaits de sa civilisation » : Jules Ferry, « cet homme magnifique » », Brazza « qui a appliqué la douceur de l’évangile français », Gallieni, « la vertu sous les armes », Lyautey dont « toute l’œuvre a été un bienfait ». Loin d’avoir été un acte de domination, la colonisation française a été « une œuvre d’intelligence et, pour une large part aussi une œuvre de bonté »51. Aussi Herriot prévient : « S’il s’agit de prendre des dispositions contre la France, il n’y a rien à attendre de nous, mais s’il s’agit de collaborer sincèrement avec la France, nous sommes disposés à aller jusqu’à l’extrême limite du possible »52. Dès lors Aimé Cesaire pourra bien relever la contradiction entre la volonté d’édifier une « république démocratique » et le maintien « du système colonialiste qui porte dans ses flancs le racisme, l’oppression et la servitude »53, Ferhat Abbas repousser les « arguments nostalgiques » et « laisser le passé colonial au jugement de l’histoire » (53), l’intervention du leader radical toujours écouté, aura une influence décisive tant sur le processus d’élaboration que sur le contenu de la Constitution de l’Union française.
IIe PARTIE. UNE INCERTITUDE INSTITUTIONNELLE : LA NATURE DE L’UNION FRANÇAISE
29Les députés ont été parfaitement conscients de l’importance de leurs travaux. Présentant le 9 avril 1946 le projet adopté par la commission de la Constitution, son rapporteur Pierre Cot affirme : « Son principal avantage c’est de mettre un terme au régime colonial. L’empire colonial de notre pays n’est plus. A sa place nous voulons l’Union française. Jusqu’à ce jour la France se composait de 40 millions de citoyens et de 60 millions de sujets... elle aura demain 100 millions de citoyens et d’hommes libres »54. En dépit du scrutin du 5 mai l’essentiel reste acquis, encore faut-il lui donner une nouvelle forme juridique. Elle est adoptée le 29 septembre 1946. Le Président de la deuxième commission de la constitution, André Philip, s’en félicite. « Nous avons fait un pas en avant vers la création des institutions de l’Union française. Nous avons fait une grande chose ». En fait les deux textes résultent de compromis entre les trois partis gouvernementaux, mais le premier est acquis par la conciliation au sein de la Commission, le second est imposé par le gouvernement.
§ 1. Une solution de compromis : le projet d’avril 1946
30Il est élaboré par la Commission de la constitution qui s’efforce de rapprocher les thèses en présence55.
311. Association ou assimilation ?
32La thèse fédérale est défendue par les députés du P.C.F. et de la S.F.I.O. Les premiers ont proposé en novembre 1945 un texte confus prévoyant une décentralisation dans le cadre départemental et communal et une représentation des territoires à l’Assemblée nationale. C’est en fait le 20 mars 1946 qu’Henri Lozeray expose les conceptions du P.C. par la critique de la recommandation de Brazzaville écartant la constitution de self-governments dans les colonies56. « C’est là une erreur politique résolument conservatrice ». L’unité de l’Empire est une illusion. La seule forme juridique acceptable est la Fédération et « pas de fédération politique valablement constituée si chaque pays n’a pas de son plein gré manifesté son désir d’y adhérer ». Le projet socialiste est d’inspiration identique puisqu’il dissocie le « peuple français » et les « peuples habitant les territoires français d’outremer ». Toutefois tenant compte des réalités il se contente de mettre en place les éléments de l’évolution : représentation des T.O.M. à l’assemblée législative, mais assemblées de territoires élues au suffrage universel pour la gestion des intérêts locaux, existence d’un conseil de l’Union française de caractère consultatif. « Nous ne dissimulons pas, précisent les rédacteurs du texte, notre désir de voir ce conseil évoluer peu à peu vers un organisme de caractère fédéral... Un jour viendra où la représentation des T.O.M. pourra être supprimée et des fonctions délibératrices pourront être données au Conseil de l’Union française »57.
33La thèse unitaire est celle du M.R.P. Selon Paul Viard « la question se résume en celle-ci : comment organiser la souveraineté française ? »58. Le mot est pris « dans un sens désagréable » par les élus d’outre-mer car il évoque la « situation de sujets ». La réforme à réaliser est de transformer les sujets en citoyens français participant donc, par leurs élus, à l’élaboration de la loi. A côté de ce pouvoir central fort, car expression de tous les citoyens, le M.R.P. reconnaît aux hommes leurs statuts personnels et aux « pays » l’autonomie administrative exercée par des assemblées locales.
34Le débat ainsi ouvert résulte de l’évolution politique. Les députés des Antilles, de la Réunion et de la Guyane demandent et obtiennent la transformation de leurs territoires en départements d’outre-mer59. En revanche le 6 mars 1946 « le gouvernement français reconnaît la République du Viêt-Nam comme un Etat libre ayant son gouvernement, son Parlement, son armée et ses finances, faisant partie de la Fédération indochinoise et de l’Union française »60. Les territoires sous mandat sont placés sous le régime nouveau de la tutelle. L’avenir des protectorats dépend de l’attitude qu’adopteront leurs souverains à l’égard de l’Union française. La thèse unitaire se heurte donc à la multiplicité des statuts, mais aussi à la nécessité d’assurer une représentation des nouveaux citoyens français proportionnelle à leur nombre. En outre les élus africains veulent selon l’expression de M. Senghor « assimiler, non être assimilés »61. Ils souhaitent voir reconnaître à leurs électeurs les droits des métropolitains et garder la représentation à l’Assemblée nationale, mais conserver les statuts particuliers et une citoyenneté innomée pour préserver toutes les évolutions62. Les députés malgaches optent pour un statut comparable à celui reconnu au Viêt-Nam63.
352. Le « respect des équilibres »
36La commission de la constituante adopte à l’unanimité les dispositions relatives à l’Union française. Elles sont présentées le 11 avril à l’Assemblée par M. Sedar Senghor, le rapporteur spécial, comme établissant « un système qui préserve non seulement l’équilibre de l’ensemble, mais encore les équilibres internes et singuliers » dans la mesure où il permet « les inflexions et les épanouissements les plus divers »64.
37Première constatation, les textes sont disséminés dans le projet de constitution et ne correspondent donc pas à un titre particulier.
38Deuxième constatation, les constituants refusent de se laisser enfermer dans « la fausse antinomie association – assimilation » (6). Dès lors l’Union française gagne en souplesse ce qu’elle perd en rigueur. La rédaction de l’article 41 en porte témoignage : « La France forme avec les T.O.M. d’une part et avec les Etats associés d’autre part une union librement consentie ». Il semble donc que l’association triomphe sur les plans interne et externe. Or si les pays protégés et ceux d’Indochine, qui ont conservé ou retrouvé leur caractère d’Etat peuvent effectivement être liés à la France par un traité international il apparaît impossible de construire, dans l’immédiat, une fédération avec des territoires dont le degré d’évolution est variable et sur lesquels s’exerce seule la souveraineté française. D’ailleurs l’article 41 figure précisément au titre 1er « de la souveraineté ». De même l’article 44 alinéa 2 rappelle que les ressortissants des T.O.M. « jouissent des droits de citoyen », ils ne sont donc pas proclamés citoyens français. En revanche ils envoient des députés à l’Assemblée nationale (art. 48) et la loi, acte émanant de cette dernière, est l’acte souverain (art. 66) d’où découlent les statuts personnels (art. 45) et les autonomies locales (art. 119). La personnalité constitutionnelle est reconnue aux « territoires et aux fédérations d’outremer »65 qui deviennent des collectivités territoriales de la République toujours une et indivisible (art. 114). L’organisation administrative est complètement bouleversée. Les intérêts propres des T.O.M. sont administrés et gérés par des assemblées locales élues au suffrage universel et direct (art. 119). Surtout dans chaque fédération, assistant le ministre de la France d’outre-mer, un sous-secrétaire d’Etat résident veille à l’application des lois, coordonne les services publics de l’Union française et contrôle le fonctionnement des administrations locales (art. 120). Il est également responsable du maintien de l’ordre et de la défense. « C’est un homme politique, précise Paul Viard, qui sera interpelé au sein de l’Assemblée nationale, qui aura la responsabilité de vastes territoires et aussi celle des administrateurs qui continueront à administrer »66.
39Le texte n’est pas sans mérites, mais il comporte une lacune qui va lui être fatale. La commission adopte pour la République le monocamérisme en raison de l’hostilité des partis de gauche à l’égard du Sénat. Dès lors le Conseil de l’Union française (art. 71 à 75), représentant des collectivités territoriales de la R.F. n’est que l’organe consultatif et subordonné de l’Assemblée unique. Il exclut toute représentation des éventuels Etats associés. Les fédéralistes convaincus, MM. Pleven et Soustelle, déplorent le caractère imparfait de cette « institution sans pouvoir »67, qui aurait dû recevoir « la qualité d’Assemblée délibérante à la tête de la communauté française » (1). Les nostalgiques de la deuxième chambre, et notamment les députés M.R.P., ne peuvent admettre un système qui assure la toute puissance de l’assemblée unique. La situation est alors paradoxale. Après avoir contraint ses associés au gouvernement à rejeter la chambre fédérale au nom de l’unité de l’Union française, le M.R.P. les abandonne au moment du vote au nom du bicaméralisme68.
§ 2. Un texte gouvernemental : le titre VIII
40Si de l’avis général l’élaboration des textes sur l’Union française s’est effectuée dans un esprit de conciliation à la première constituante, en revanche c’est dans la passion et la méfiance réciproque que s’effectue la rédaction de ce qui sera le titre VIII de la constitution du 27 octobre 1946. De fait deux conceptions s’affrontent dans un climat empoisonné par l’échec de la Conférence de Fontainebleau, l’agitation dans les pays d’outre-mer, les combats en Indochine et la vigueur de la réaction coloniale soutenue par une partie de la presse dont « Le Monde ».
1. La libre-adhésion, condition de la construction constitutionnelle
41Le durcissement des positions politiques des élus d’outre-mer est révélé par le projet présenté par M. Abbas et leur intergroupe69 qui va bien au delà du fédéralisme classique en organisant surtout le séparatisme. La France renonce unilatéralement à « toute souveraineté sur les peuples colonisés », elle leur reconnaît la liberté de se gouverner eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires (art. 106). L’Union française est définie dans son principe : « des nations et des peuples qui acceptent librement de coordonner ou de mettre en commun leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être, perfectionner leurs institutions démocratiques et assurer leur sécurité ». Elle l’est aussi par son contenu. Elle réunit à sa formation la R.F. une et indivisible, les Etats associés et les T.O.M., y compris l’Algérie, érigés en Etats fédérés (art. 108). Les progrès que les peuples de l’Union accompliront devront les conduire à la libre disposition d’eux-mêmes. Dès lors dans un délai « qui ne doit pas excéder vingt ans », chaque peuple pourra soit sortir de l’Union, soit opter pour le statut définitif d’un Etat librement fédéré, soit s’intégrer dans la nation française. La formation de l’Union française entraîne, pour chaque pays, l’établissement d’une Constitution délibérée par une assemblée élue au suffrage universel » (art. 110). Après adoption de ces constitutions, les peuples éliront une Assemblée de l’Union française qui siégera à Paris pour élaborer la constitution de l’Union. En attendant cette élection les territoires représentés à l’Assemblée nationale conserveront cette représentation qui sera proportionnelle à leur population. L’Union française s’engage à ne jamais employer ses forces contre la liberté d’aucun peuple membre de l’Union (art. 111). Le texte proposé pose donc avec netteté le droit à la sécession qui paraît logique pour Pierre Cot : « Pour fédérer des peuples aussi différents que les Marocains, les Tunisiens et les Indochinois, il ne faut pas que nous leur disions « Entrez dans l’Union. Vous avez encore le droit de choisir, mais quand vous y serez ce sera pour toujours ». « Une pareille attitude serait à la fois maladroite et impolitique »70.
42Certes l’union suppose le divorce possible, mais Paul Bastid estime que la Constitution n’a pas à organiser la séparation. La Commission de la constitution, sur proposition de M. Sedar Senghor, préfère une reconnaissance implicite. Après avoir consacré le droit de libre disposition elle précise : « dans le cadre de l’Union française, ils pourront choisir soit un statut d’Etat libre lié à la France par un traité international, soit une autonomie politique, soit une intégration complète à la République ». Bien qu’affirmant refuser le séparatisme pour l’Algérie, M. Abbas ne vote pas ce texte car il ne « contente pas ceux qui veulent faire de leur pays un Etat entièrement libre. Il en est ainsi des Malgaches »71. Du 26 au 31 juillet la Commission adopte un projet qui reprend certaines dispositions de celui d’avril (citoyenneté, collectivités locales). Elle détermine le contenu de l’Union : départements, territoires, Etats – le statut de chaque territoire étant élaboré par les assemblées locales et le Parlement – mais elle refuse d’établir ses institutions permanentes72.
43C’est ce document qu’Edouard Herriot met en pièces, à l’Assemblée le 27 août 1946 en relevant sa grave lacune : « Oui s’écrit-il, Fédéralisme comme vous le proposez, mais un fédéralisme organisé, qui ne soit pas acéphale, qui ne soit pas anarchique ». Or « où sont les organes fédéraux ? Où sont les agents, les représentants de la France ? Ils ne sont nulle part ». Travail improvisé qui accorde tout à la fois la citoyenneté – la France risquant ainsi de devenir « la colonie de ses anciennes colonies » – et le droit de sécession que, « par bonheur », n’ont pas les citoyens de la métropole. Rien pour la défense nationale et sur les politiques communes. « Pour la France qu’a-t-on fait ? Rien. Comment ses intérêts, ses droits sont-ils défendus dans cette fédération nouvelle ? Ils ne le sont pas... Si nous laissons passer ce texte, conclut Herriot, sans qu’il soit révisé et repris c’en serait fini : on ne referait pas une deuxième œuvre outre-mer »73. L’intervention est décisive puisque Moutet répond : « Il est bien évident que si la constitution de la République est affaire de régime politique et s’il appartient à l’Assemblée d’en décider dans toute sa responsabilité, il n’en est pas moins vrai que le gouvernement porte devant le pays la responsabilité de tout ce qui touche à la souveraineté française ». Refusant de « laisser aller le débat », le gouvernement unanime prend l’initiative d’une nouvelle rédaction en obtenant de l’Assemblée la disjonction des textes en cause. Le jour même le Général de Gaulle se prononce pour la création d’institutions de caractère fédéral.
2. La construction constitutionnelle, condition de l’Union
44Le 11 septembre Marius Moutet74 est entendu par la commission. Il expose les réflexions d’un gouvernement qui en a délibéré « non pas une fois mais trois fois ». Elles fixent les orientations essentielles que la Commission devra respecter puisque les éventuelles modifications ne devront « sans doute pas s’écarter beaucoup du projet »75 qui par l’organisation de l’Union garantit les droits des populations comme ceux de la France.
45Loin de « dénoncer » une quelconque forme de colonisation, les constituants doivent « montrer que dans une large mesure nous suivons une tradition dont nous n’avons nullement à rougir ». Aussi le dernier paragraphe du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 affirme : « fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes ». Le projet indique la composition de l’Union, elle comprend d’une part la R.F., une et indivisible, formée de la France métropolitaine, des départements, des T.O.M. et d’autre part les Etats associés. Il énumère les organes centraux : Président de l’Union qui est celui de la R.F., Haut Conseil et Assemblée de l’Union. Les Etats associés sont seuls représentés au sein du Haut Conseil, tous les membres de l’Union y compris la R.F. le sont à l’Assemblée. Celle-ci a un pouvoir consultatif et de proposition. Les T.O.M., qui envoient des députés à l’Assemblée nationale, ont un statut particulier fixé par la loi. Dans chaque territoire et groupe de territoires est instituée une Assemblée élue. Un fonctionnaire, dépositaire des pouvoirs de la République et chef de l’administration du territoire76, représente le gouvernement. Celui-ci joue un rôle essentiel au sein de l’Union, puisqu’il en assure seul la conduite générale assisté d’un Haut Conseil en vérité fantomatique. En outre c’est lui qui coordonne la totalité des moyens mis en commun par les membres de l’Union pour en garantir la défense.
46Toutes ces dispositions se retrouvent dans le texte définitif du titre VIII de la Constitution du 27 octobre 1946. En revanche les élus d’outre-mer engagent avec Moutet et Bidault le débat au sein de la Commission où, d’un commun accord, il reste cantonné. Ils suspendent même leur participation le 19 septembre et obtiennent ainsi une négociation directe avec le gouvernement.
47Trois points les exaspèrent.
48Le projet gouvernemental attribue aux « nationaux » de la république la seule qualité de « citoyens de l’Union française ». En dépit des assurances données par Moutet ils voient dans cette nouveauté une manœuvre des tenants du statu quo. Ceux-ci estiment, en effet, que les Africains ne peuvent pas demander à la fois l’autonomie au titre de leur originalité, la citoyenneté et des députés au Parlement d’autant que certaines décisions viennent d’être arrêtées à l’Assemblée grâce à l’appoint que ces élus apportent aux partis de gauche. Qu’ils se contentent de la citoyenneté d’Union française et d’une représentation à l’Assemblée de l’Union. Dès lors pour mieux se protéger les élus d’outre-mer réclament maintenant la citoyenneté française77.
49Deux dispositions paraissent « constitutionnaliser » le double collège. Les articles 7 et 18 du projet disposent qu’ « une représentation particulière pour les personnes de statut français établies dans les diverses parties de l’Union » sera aménagée au sein de l’Assemblée de l’Union française et des Assemblées de territoires.
50Enfin le caractère indivisible de la république bloque les territoires dans les cadres juridiques actuels. M. Abbas ne peut accepter ce « clichage » d’autant que dans une proposition de loi déposée le 2 août 1946 il réclame pour l’Algérie le statut de république, possédant « sur toute l’étendue de son territoire pleine et entière souveraineté pour toutes les questions d’ordre intérieur y compris la police »78. Un statut pour l’Algérie ! L’Assemblée demande au gouvernement, à l’issue du débat sur sa politique dans ce pays, le 23 août, de le « déposer dans le plus bref délai ». Mais quel statut, celui de l’UDMA ou celui de M. Quilici ? « Nos trois départements, parce qu’ils sont trois départements, relèvent de la loi organique. Dans ce cadre nous ne repoussons rien. Hors de ce cadre nous refusons tout »79. L’Assemblée, faute de temps n’apportera pas de réponse.
51Par leur obstination les élus d’outre-mer obtiennent satisfaction. La citoyenneté de l’Union ne sera que de superposition. « Tous les ressortissants des T.O.M. ont la qualité de citoyens au même titre que les nationaux français » proclame l’article 80. En outre le pouvoir législatif appartient au seul Parlement dans les D.O.M. et pour les matières fondamentales dans les T.O.M. Hors de ces dernières le Président de la république peut édicter des dispositions particulières mais après avis de l’Assemblée de l’Union. Les références à une représentation spéciale des « personnes de statut français » disparaît. Enfin l’article 75 reconnaît que « les statuts respectifs des membres de la République et de l’Union française sont susceptibles d’évolution ». La modification de statut, dans le cadre toutefois de l’Union française, résulte d’une loi votée par le Parlement après consultation des Assemblées territoriales et de l’Assemblée de l’Union.
52Grâce à ces concessions les élus d’outre-mer approuvent le titre VIII à l’exception de ceux du Manifeste qui s’abstiennent. L’Union française est constituée.
53Edouard Herriot le 20 septembre constate avec satisfaction « l’espace parcouru » depuis le point de départ, à savoir le texte initial voté par la Commission. Il se réjouit d’avoir contribué à provoquer un débat qui « a révélé un nouvel enrichissement de la civilisation française “qui va désormais, affirme-t-il s’adressant à ses collègues d’outre-mer” profiter de tout ce que vous lui offrirez d’élan, de jeunesse et de foi »80.
54En 1960, citant le projet de l’intergroupe des parlementaires d’outremer un professeur de droit constate que la Constitution de 1946 ne consacrait ni implicitement ni explicitement la triple option à terme : indépendance, association, intégration. « En fermant aux nationalistes d’outre-mer écrit-il les voies pacifiques d’une transformation progressive, la Constitution ouvrait le cycle infernal des insurrections et des guerres civiles »81.
Notes de bas de page
1 Ordonnance n° 45.1874 du 22 août 1945 fixant le mode de représentation à l’Assemblée nationale constituante des Territoires d’outre-mer relevant du ministère des Colonies. J.O. Ordonnances et décrets, 23 août 1945, p. 5266.
2 Voir A. Girault, « Principes de colonisation et de législation coloniale », tomes II, III, IV, Sirey – Paris, 1929-1931.
3 H. Solus, « Traité de la condition des indigènes en droit privé », Sirey, Paris, 1927.
4 P. Dareste, « Les nouveaux citoyens français. Loi du 29 septembre 1916 ». Recueil colonial, septembre-octobre 1916, p. 116.
5 Ch. Cros « La parole est à M. BLaise Diagne ». Paris, 1961. F. Zeller « Blaise Diagne, premier homme sénégalais franc-maçon » Humanisme, n° 95, mars-avril 1973, p. 33-39.
6 H. Labouret « Citoyenneté d’Empire », in « L’homme de couleur », Plon, Paris, 1939, p. 348-349.
7 L’article 18 du S.C. du 3 mai 1854 dispose : « Elles (les colonies) seront régies par décrets de l’Empereur jusqu’à ce qu’il ait été statué à leur égard par un senatus-consulte ».
8 Le Conseil supérieur de la France d’outre-mer a été réorganisé par le décret du 19 juin 1937. J.O. 24 juin 1937, p. 136-137.
9 Si le groupement des colonies africaines en deux grands ensembles : l’A.O.F. (décret du 18 octobre 1904) et l’A.E.F. (décret du 15 janvier 1910) peut se justifier, en revanche le rattachement des Comores à Madagascar apparaît à A. Girault (ouv. cité, V. II, p. 183) « peu raisonnable » (décret du 23 février 1914). De même le rassemblement des trois protectorats : Cambodge, Laos, Annam – Tonkin, d’une colonie la Cochinchine et d’un territoire à bail, Kouang Tchéou Wan, en une « Indochine française » ne s’explique que par la recherche de l’efficacité administrative et la personnalité de Paul Doumer (décret du 21 avril 1891 remplacé par celui du 20 octobre 1911 qui n’en est que la reproduction).
10 P. Charneil « Les gouverneurs généraux des colonies françaises », Cujas, Paris, 1922.
11 P. Mus, « Le destin de l’Union française », Seuil, Paris, 1954, p. 44 et 45.
12 R. Mercier « Le travail obligatoire dans les colonies africaines » Larose, Paris, 1933.
13 J.O. Doc. parlementaires, Chambre des députés, 1937, Annexe n° 2 793, p. 1071.
14 Discours du Général de Gaulle, Conférence africaine française de Brazzaville, ministère des colonies, Paris, 1945, p. 29.
15 Ordonnance du 7 mars 1944 relative au statut des Français musulmans d’Algérie, J.O. 18 mars 1944, p. 217-218.
16 Ordonnance du 17 août 1945 relative au régime électoral applicable aux élections générales de 1945, p. 5155-5156. Décret du 17 août 1945 fixant pour l’Algérie les modalités d’application de l’ordonnance du 17 août 1945. J.O. 19 août 1945, p. 5172.
17 J.O. Débats de l’Assemblée nationale constituante, 24 mars 1946, p. 1037.
18 Amnistie applicable à l’Algérie, séance du 28 février 1946, J.O. 1er mars, p. 490-507 ; séance du 1er mars 1946, J.O. 2 mars 1946, p. 535-541 – Interpellation sur la situation économique de l’Algérie, séance du 1er mars 1946, J.O. 2 mars, p. 541-547 ; 5 mars 1946, J.O. 6 mars, p. 557-569 et p. 570-576, séance du 12 mars 1946, J.O. 13 mars, p. 655-658 – opérations électorales des départements d’Oran (J.O. 27 février 1946, p. 465-469) et d’Alger (J.O. 20 juillet 1946, p. 2730-31). Election des députés, 2e séance du 5 avril 1946, (J.O. du 6 avril, p. 1514-1527.
19 Interpellation sur la situation de la France d’outre-mer. Séances des 20 mars 1946 (J.O. 21 mars, p. 899-914), 21 mars (J.O. 22 mars, p. 131-949), 22 mars (J.O. 23 mars, p. 994-1003), 23 mars (J.O. 24 mars 1028-1045), 26 mars (J. O. 27 mars, p. 1 051-1 058).
20 Pierre Parent, député du Maroc, tente en vain d’obtenir de Georges Bidault la fixation d’une date pour la discussion d’une interpellation sur la situation au Maroc qu’il qualifie de tragique car « au Maroc nous sommes privés des plus élémentaires libertés démocratiques ». Séance du 26 février 1946, J.O. 27 février, p. 462-463.
21 Séance du 23 mars 1946, J.O. 24 mars, p. 1 044.
22 Le président de séance leur rend hommage le 26 mars 1946 en saluant « des interventions d’un caractère élevé et souvent très sensible », J.O. 27 mars, p. 1 058.
23 Le mot « malaise » est utilisé à plusieurs reprises dans les débats. A propos de l’Algérie (J.O. 1er mars 1946, p. 492), M. Benchennouf évoque « le malaise profond » dont il serait vain de vouloir se dissimuler l’étendue et la gravité ». « Malaise profond dans les territoires d’outremer », pour Lamine Gueye, Président de la Commission des T.O.M. (J.O. 23 mars 1946, p. 999).
24 Le mot est employé par G. d’Arboussier le 20 mars 1946 (J.O. 21 mars, p. 900).
25 Séance du 20 mars 1946, J.O. 21 mars, p. 900.
26 Séance du 21 mars 1946, J.O. 22 mars, p. 945.
27 Deuxième séance du 19 mars 1946, J.O. 20 mars, p. 865.
28 Séance du 23 mars 1946, J.O. 24 mars, p. 1 028.
29 Première séance du 21 mars 1946, J.O. 22 mars, p. 944.
30 Séance du 8 mars 1946, J.O. 9 mars, p. 646.
31 Voir l’intervention de Lamine Gueye, J.O. 22 mars 1946, p. 999-1 003 et celle du député de la Guinée Yacine Diallo, J.O. 22 mars 1946, p. 948-49.
32 J.O. 22 mars 1946, p. 1 003 et 1 001.
33 Intervention du député du Cameroun, Douala Manga Bell, séance du 20 mars 1946, J.O. 21 mars, p. 908.
34 Séance du 23 mars 1946, J.O. 24 mars, p. 1 029 et 1 038.
35 Le gouverneur Reste, élu des colons de la Côte d’Ivoire, décrit une « réalité navrante : crise de commandement et d’autorité, crise du personnel, crise de salaires, crise de la relève et des transports, crise de la production, crise de la main d’œuvre, crise des prix, crise de matériel, crise de marchandises d’importation ». Première séance du 21 mars 1946, J.O. 22 mars, p. 934.
36 Première séance du 22 mars 1946, J.O. 23 mars, p. 995.
37 Première séance du 22 mars 1946, J.O. 23 mars, p. 998.
38 Séance du 23 mars 1946, J.O. 24 mars, p. 1 028.
39 Deuxième séance du 5 avril 1946, J.O. 6 avril, p. 1 514. Voir annexes n° 565 et n° 811, J.O. Documents de l’Assemblée constituante, p. 554, 780 et s.
40 Deuxième séance du 4 avril 1946, J.O. 6 avril, p. 1 537. Le rejet du projet de constitution entraîne la caducité de la loi électorale et maintient en fait, le double collège.
41 Première séance du 12 avril 1946, J.O. 13 avril, p. 1 756-1 760. Le texte adopté résulte de deux propositions de loi déposées par MM. Monnerville et Soustelle (voir annexes n° 577 et 606, J.O. Documents de l’Assemblée constituante, p. 563 et 582) et devient la loi du 30 avril 1946, p. 385.
42 Première séance du 21 mars 1946, J.O. 22 mars, p. 934.
43 Séance du 20 mars 1946, J.O. 21 mars, p. 905.
44 Première séance du 21 mars 1946, J.O. 22 mars, p. 932.
45 Ch. R. Ageron – « France coloniale ou parti colonial ? » P.U.F. Paris, 1978.
46 Allocution d’ouverture prononcée par M. Pasques, Président de l’Association des colons de l’A.E.F.
47 Allocution d’ouverture prononcée par M. Roze.
48 M. Deveze, « La France d’outre-mer », Hachette, Paris, p. 265-267.
49 Assemblée nationale constituante élue le 2 juin 1946. Séances de la Commission de la Constitution, compte-rendus analytiques, p. 181.
50 Deuxième séance du 27 août 1946, J.O. 28 août, p. 3333.
51 Herriot en voit le symbole en la personne d’Eboue : « Nul plus qu’Eboue ne montre tout ce que la France peut attendre et obtenir de ceux sur lesquels elle a étendu sa protection, qu’elle a considérés comme ses fils ». J.O. 28 août 1946, p. 3334.
52 Troisième séance du 18 septembre 1946, J.O. 19 septembre, p. 3814.
53 Deuxième séance du 18 septembre 1946, J.O. 19 septembre, p. 3795 et 3803.
54 Deuxième séance du 9 avril 1946, J.O. 10 avril 1946, p. 1620.
55 La Commission est formée le 29 novembre 1945. Elle comprend 11 communistes, 11 M.R.P., 11 socialistes, 3 membres de l’unité républicaine, 2 de résistance démocratique et socialiste, 2 radicaux, 1 républicain indépendant, 1 républicain et résistant, 1 paysan (J. Bardoux). Elle compte 5 parlementaires d’outre-mer dont M. Senghor.
56 J.O. 21 mars 1946, p. 910 V. Annexe n° 20, J.O. Doc. 1945, p. 25.
57 Annexe n° 44, J.O. Doc. 1946, p. 58 et s.
58 Deuxième séance du 11 avril 1946, p. 1715.
59 Voir annexes n° 295, 409, 412, 520, 624. J.O. Doc. Ass. Nat. constituante élue le 21 oct. 1945, p. 315, 429, 519, 593. Première séance du 12 mars 1946, voir J.O. 13 mars, p. 659-762.
60 L’Assemblée se félicite le 4 avril 1946 dans une adresse au corps expéditionnaire « de la réussite de la politique de libération pacifique de toutes les populations de l’Union indochinoise suivie par le gouvernement de la République ». J.O. 5 avril, p. 1450.
61 Deuxième séance du 11 avril 1946, J.O. 12 avril, p. 1714.
62 Leurs sentiments sont exposés devant la Commission de la Constitution par le rapporteur de la commission des T.O.M., G. d’Arboussier, 25 janvier 1946. Voir C.R. des séances de la commission, p. 258-270.
63 Annexe n° 946, J.O. Doc. 1946, p. 936. Proposition de loi présentée par MM. Ravoahangy et Raseta. « Madagascar est un Etat libre, ayant son Gouvernement, son Parlement, son armée, ses finances, au sein de l’Union française ». Annexe n° 948 proposition de résolution présentée par les mêmes députés invitant le gouvernement à engager des négociations avec la délégation parlementaire malgache et à procéder à l’élection d’une assemblée constituante malgache, en vue de l’institution d’un Etat malgache libre.
64 Intervention de M. Sedar Senghor, deuxième séance du 11 avril 1946, J.O. 12 avril, p. 1714.
65 Le respect des « personnalités politiques » des territoires justifie la loi du 9 mai 1946 accordant l’autonomie administrative et financière à l’archipel des Comores (J.O. 10 mai 1946, p. 3 973) après « trente deux années » d’assimilation à Madagascar « sans cesse heurtée par les faits». Proposition de loi de Saïd Mohamed Cheikh – Annexe n° 881, J.O. Doc. 1946, p. 814, voir aussi annexe n° 1048 J.O. Doc. 1946, p. 1018.
66 J.O. 12 avril 1946, p. 1717.
67 Deuxième séance du 11 avril 1946, J.O. 12 avril, p. 1720. Deuxième séance du 12 avril 1946, J.O. 13 avril, p. 1775.
68 P. Cot le constate le 19 avril 1946. « Cette union française nous l’avons mal faite, j’en suis d’accord avec M. Pleven. C’est la faute de nos collègues du M.R.P. qui n’ont pas voulu que nous adoptions les formules fédéralistes et qui, après avoir obligé la commission de la constitution à constituer une union française insuffisante, nous abandonnent aujourd’hui au moment du vote ». J.O. 20 avril 1945, p. 2065.
69 Séances de la Commission de la Constitution, compte-rendus analytiques, p. 215.
70 Séances de la Commission de la constitution, C.R. analytiques, p. 229.
71 C.R. analytiques, p. 227.
72 La Commission de la constitution comprenait 42 membres donc deux blocs de 21 députés (11 P.C., 9 S.F.I.O., 1 U.D.M.A. – 12 M.R.P., 2 radicaux, 2 gauche démocratique, 2 R.I., 3 P.R.L.).
73 Deuxième séance du 27 août 1946, p. 3336.
74 Voir séances de la commission de la Constitution, C.R. analytiques, p. 477-489.
75 Annexe n° II. 894. J.O. Doc. As. nat. constituante 1946, p. 742.
76 Le projet du gouvernement en faisait le « chef de l’administration locale ». P. Cot constate qu’une telle formule exclut toute décentralisation administrative, Moutet accepte alors la rédaction proposée par l’ancien ministre. V. Deuxième séance du 20 septembre 1945. J.O. 21 septembre, p. 3901-3906.
77 Voir le texte proposé par Malbrant : « les nationaux et ressortissants des départements et des T.O.M. jouissent en même temps que de leur citoyenneté propre de la qualité de citoyens de l’Union française ». C.R. p. 231. M. Senghor lui répond : « les T.O.M. faisant partie de la R.F. leurs habitants ne peuvent être que citoyens français ». Première séance du 18 septembre 1946, J.O. 19 sept., p. 3790.
78 Annexe n° II 358, J.O. Doc p. 309. Le gouvernement dépose le 24 septembre 1946 un projet de loi portant statut organique de l’Algérie (Annexe II. 358, J.O. Doc., p. 820-823), trop tard pour être voté par la constituante.
79 Première séance du 22 août 1946, J.O. 23 août, p. 3227.
80 Deuxième séance du 20 septembre 1946, J.O. 21 sept., p. 3909.
81 R. Pinto – « La Communauté » 1946-1960. « Le Monde », 30 juillet 1960. Pour une analyse juridique voir P. Lampue, « L’Union française d’après la Constitution ». L.G.D.J., Paris, 1947 et M.H. Fabre, « L’Union française » dans « Le Fédéralisme » P.U.F., Paris, 1955.
Auteur
Professeur agrégé à la Faculté de Droit de Nice
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